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AccueilNuméros3-1PISTES à suivreUn point de vue économique

PISTES à suivre

Un point de vue économique

Annie Jolivet

Texte intégral

1Le texte propose une analyse très large des implications du vieillissement en termes de travail et d’emploi. Parmi l’ensemble des aspects abordés, les relations entre le vieillissement et l’organisation du travail présentées dans la deuxième partie me semblent en effet centrales et suscitent un certain nombre de remarques et d’interrogations.

2Les aspects de l’organisation du travail qui sont analysés mettent clairement en évidence son rôle clef à la fois dans l’usure produite par le travail, en fonction des trajectoires professionnelles, et dans la révélation de difficultés en relation avec l’âge. Au sein de l’entreprise, la nature du travail et les conditions dans lesquelles les activités sont menées apparaissent déterminantes : durée d’exposition, cumul des contraintes, transfert des compétences spécifiques, sclérose cognitive, stratégies individuelles/collectives. Les rapports entre l’entreprise et ses partenaires constituent un second niveau en déterminant d’une part la césure entre les activités prises en charge au sein de l’entreprise et celles qui sont transférées à d’autres entreprises (avec l’arbitrage intégration/externalisation et son impact sur les postes doux), d’autre part les contraintes pesant sur l’organisation interne du travail (à travers notamment les contraintes de temps). La question centrale ici est bien celle de l’aménagement de l’organisation du travail existante.

3L’importance de l’organisation du travail soulève ensuite un certain nombre d’interrogations quant à deux dimensions assez étroitement liées : d’une part celle du contrôle/incitation, d’autre part, dans une perspective de cycle de vie, celle des trajectoires professionnelles, des carrières. Compte tenu des compétences spécifiques développées par les travailleurs expérimentés, et en particulier les travailleurs âgés, et des stratégies individuelles qu’ils mettent en place, apprécier la performance de ces travailleurs nécessite une révision des critères de valorisation. Se pose également la question du mode de reconnaissance des régulations collectives, de la formation. Dans les deux cas, le système de contrôle et le système de rémunération sont impliqués dans le maintien de la motivation des salariés vieillissants. Plus largement, la capacité de l’entreprise à gérer des situations individuelles et diversifiées est en cause à travers la question du vieillissement de la main-d’œuvre. En France, le thème de la cohabitation générationnelle est ainsi en plein essor.

4Aménager l’organisation du travail, agir sur le système d’incitation et concevoir des carrières plus adaptées relèvent clairement de l’action des entreprises. Or les marges de manœuvre réelles dont disposent les entreprises sont difficiles à apprécier de l’extérieur. Par ailleurs, il existe une tension entre actions spécifiques et actions générales, actions à court terme, « adaptatives », et actions préventives. Beaucoup des actions menées au sein des entreprises répondent à des situations cristallisées lourdes, impliquant par nature des actions spécifiques à court terme, avec éventuellement des actions préventives générales pour les âges inférieurs. Enfin, on peut s’interroger sur la persistance de stéréotypes dans des pays où la cessation anticipée d’activité a été fortement utilisée comme une réponse aux problèmes de vieillissement. Assurer le maintien dans l’activité des travailleurs vieillissants va à contre-courant d’un certain nombre de pratiques des entreprises et d’attentes des salariés. Toute action doit porter simultanément sur plusieurs dimensions de la gestion, et en particulier s’accompagner d’une réflexion sur les modes de rémunération et la conception des trajectoires professionnelles.

5Enfin, la multidisciplinarité affirmée par le texte constitue un enjeu en elle-même. Si la synthèse présentée ici est riche de connaissances, une telle démarche doit impliquer une réelle fertilisation croisée des disciplines mises à contribution. Cela signifie notamment que l’économie devrait pouvoir intégrer dans son corpus théorique les apports de l’ergonomie, de la psychologie et de la sociologie du travail, par exemple en intégrant la conditionnalité de la productivité individuelle.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Annie Jolivet, « Un point de vue économique »Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 3-1 | 2001, mis en ligne le 01 mai 2001, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pistes/3748 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pistes.3748

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Auteur

Annie Jolivet

IRES (Institut de recherches économiques et sociales), France

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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