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En parcourant l'histoire

Contribution à une introduction aux études des systèmes hommes-machine

Michel Olivier

Résumés

La rapidité du progrès technique et la grandeur des ensembles technologiques actuels exigent de l’ergonome un effort de dépassement de la traditionnelle étude de poste limitée dans le temps et dans l’espace. Dans cette perspective, il semble qu’il y aurait intérêt à introduire la notion de « système-hommes-machines » et pour cela utiliser l’apport conceptuel des mouvements d’étude de systèmes : théorie générale des systèmes, théories des systèmes à auto-organisation et technologie des systèmes. Après un aperçu schématique de ceux-ci l’auteur envisage quelques caractéristiques très générales d’un système et tente ensuite de circonscrire le domaine de recherches sur les systèmes hommes-machines en particulier grâce à la distinction entre le niveau du processus et le niveau de l’organisation d’un système.

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Notes de la rédaction

Paru dans le Bulletin du C.E.R.P., 1967-XVI-no 1 p. 61-72.

Texte intégral

1Il est d’usage qu’une introduction soit le résultat d’une réflexion rétrospective ; que celle-ci précède ensuite le corps du sujet est dû à un simple artifice de présentation. Procéder de façon inverse, c’est rendre au terme « introduction » son sens prospectif, c’est tracer les grandes lignes d’un édifice non pas avec la présomption d’un discours prononcé lors de la pose d’une première pierre, mais avec la saine méfiance du bâtisseur qui recense les moyens mis à sa disposition. Dans le cas des études dites « de systèmes », la nécessité d’une telle démarche se fait d’autant plus sentir que les matériaux et les outils que l’on devra utiliser apparaissent par trop séduisants pour n’être point suspects et que le terrain sur lequel on devra construire a des limites si arbitrairement fixées et est occupé par tant de disciplines (biologie, économie, psychologie, sociologie), qu’on ne peut s’empêcher de penser à un Babel. Il serait opportun dans ce contexte d’avoir recours à cette ascèse qu’est la psychanalyse de la connaissance objective prônée par G. Bachelard et d’étudier de ce point de vue la notion de système et les concepts apparentés. Cela sort néanmoins du domaine imparti à une introduction.

2Pour étudier un système, c’est-à-dire un objet trop grand ou trop complexe pour permettre une observation complète ou l’expérimentation, on utilise des conceptions générales sur ce type d’entité comme première ébauche d’un modèle pratique. Il n’est alors pas dénué d’intérêt de rappeler comment, il y a environ dix ans, le sociologie américain P. Meadows (1957) introduisait un exposé sur ce sujet : « On a l’impression même si l’on n’est qu’un lecteur occasionnel des travaux de recherche actuels que le mot « modèle » est le fin du fin du langage scientifique (...). En relation avec le concept de « système » tout aussi à la mode, un « modèle » est devenu un outil puissant et prestigieux ». En fait, une revue de la littérature fait apparaître que les différents modèles de systèmes relèvent souvent soit de l’analogie vague, mal définie quoique parfois poétique, soit de l’emprunt à la physique de lois dont l’application au domaine des sciences humaines demanderait tout au moins une certaine prudence, soit d’une mathématisation raffinée apparemment prématurée si l’on en juge par les difficultés qu’il y a d’en faire ressortir clairement l’intérêt. S’il est indiscutable qu’une formalisation soit indispensable pour fournir des bases théoriques suffisantes dont on puisse dériver des applications, il est non moins indiscutable qu’on manque surtout dans ce domaine de descriptions morphologiques ou historiques de systèmes, suffisamment cohérentes pour envisager cette formalisation.

3On pourrait se demander alors s’il y a quelque utilité à introduire la notion de système dans l’analyse des ensembles hommes-machines ou plus généralement dans celle des ensembles technologiques complexes, produits de la transformation par l’homme du monde naturel et social. L’idée est que l’ergonomie, l’adaptation du travail à l’homme, est arrivée à un point de saturation spéculative. Plus précisément, il apparaît que les solutions techniques apportées aux problèmes de l’homme au travail par les études des activités motrices ou de la prise et du traitement de l’information, ou même dans certains cas les études psychosociologiques, sont essentiellement limitées dans le temps parce que l’évolution industrielle les rend vite éphémères et dans l’espace parce que l’on s’aperçoit rapidement que si l’on a amélioré un des maillons de la chaîne, une tension préjudiciable à l’entièreté de celle-ci subsiste toujours. Ceci ne signifie pas néanmoins que l’on soit arrivé à une saturation quant à l’extension de telles études – tout au moins à moyen terme, leur intérêt n’est pas mis en cause – mais que cette situation exige un dépassement et un effort d’adaptation. Il semble bien que dans cette efflorescence de travaux entrepris sur le sujet, il y ait quelque chose à glaner, et que la combinaison de l’idée de système avec les problèmes que pose l’intégration d’hommes dans des ensembles technologiques complexes a donné naissance à un fructueux domaine de recherches permettant ce dépassement.

4Qu’on veuille donc bien considérer ce qui va être exposé ici comme le bilan provisoire et partiel d’un acquis plus collectif qu’individuel, comme la mise en place des éléments d’un problème et plus encore comme une tentative de relier entre eux différents concepts : un effort d’élaboration d’un système.

1. Aperçu schématique des diverses conceptions de l’étude de systèmes

5Avant toute chose, il s’agit de brosser un rapide tableau historique des divers « mouvements » d’étude de systèmes pertinents à notre sujet pour replacer dans son cadre général l’analyse de systèmes hommes-machines.

La théorie générale des systèmes

6Le mouvement de la « general systems theory » est né – pour autant qu’on puisse parler de naissance ex nihilo – à la fin de l’entre-deux guerres, à Vienne, des travaux du biologiste et philosophe L. von Bertalanffy, dont la matière resta impubliée ou peu répandue jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale [L. von Bertalanffy (1945, 1949)].

7Théoricien des conceptions organismiques en biologie, L. von Bertalanffy (1950a) a étendu tout naturellement ses idées d’une gestalt organique à une théorie générale des systèmes devant réaliser l’unité de la science, unité basée sur la structure isomorphe des lois dans les différentes branches de celle-ci. Que ce mouvement ait sa source dans les mêmes tendances que celles qui ont présidé à l’éclosion de la théorie de la Gestalt, n’est pas niable, on y retrouve le même anti-mécanisme, le même anti-atomisme, le même schème hylémorphique du naturalisme allemand, les mêmes principes de totalité, d’organisation, d’interaction dynamique. On ne peut également s’empêcher de rapprocher les conceptions de L. von Bertalanffy de celles de K. Goldstein (1934). Sa considération des analogies dans les différents domaines de la science a des racines dans la phénoménologie physique d’un E. Mach (1910).

8Le rassemblement autour de ses idées d’auteurs d’horizons aussi divers que A. Rapoport, D. Krech, R.W. Gérard, par exemple, après son installation outre-Atlantique (Canada, 1949 ; U.S.A., 1954) et l’apogée de ses conceptions dans la fondation de la Society for the Advancement of General Systems Theory en 1954, puis dans la publication annuelle à partir de 1956 de « General Systems », dont il est co-éditeur avec A. Rapoport, ne doit pas nous dissimuler qu’on est encore bien loin d’une théorie générale des systèmes et on est bien forcé d’admettre qu’il existe seulement pour le moment des études de systèmes entreprises dans l’une ou l’autre optique. Pour rendre compte de la théorie de L. von Bertalanffy, il serait oiseux d’y surajouter les reformulations qui en ont été proposées ou les critiques qui y ont été apportées, on peut se contenter de mentionner brièvement certains aspects plus centraux de celle-ci. Un système, ensemble d’éléments en interaction, peut être représenté abstraitement par un système d’équations différentielles avec le temps comme variable indépendante ; l’introduction de conditions spécifiques concernant les paramètres et les variables qui y figurent permet de montrer l’isomorphisme structural entre divers phénomènes biologiques, physiques, économiques ou autres. D’autre part, elle sert à illustrer plus adéquatement certaines caractéristiques des systèmes organiques. En premier lieu, la considération des deux cas extrêmes, l’un où le changement de chaque variable dépend seulement de celle-ci, l’autre où le changement de chacune des variables détermine un changement de toutes les autres et affecte donc l’ensemble du système, permet d’opposer l’hypothèse mécaniste d’indépendance entre les éléments dont la somme des variations donne celle de l’ensemble global, ce qui justifie en droit l’étude de parties isolées, et l’hypothèse gestaltiste où le système est envisagé comme un tout à l’intérieur duquel chaque élément n’a de sens et d’existence que grâce à son interaction avec les autres. En second lieu, on peut ainsi caractériser le devenir d’un organisme par la ségrégation ou mécanisation progressive, c’est-à-dire la décroissance de l’interaction entre les éléments avec le temps et leur arrangement en sous-systèmes subordonnés, impliquant un accroissement de la complexité du système et une régulation de plus en plus difficile. Cette ségrégation progressive est compensée par une centralisation progressive, l’évolution dépendant du temps d’un élément central. C’est seulement au niveau des systèmes hautement mécanisés, subdivisés en sous-ensembles spécialisés, qu’une étude analytique des parties peut être entreprise.

9L. von Bertalanffy (1950b) introduit alors les notions de système ouvert et d’équilibre dynamique empruntées à la thermodynamique des phénomènes irréversibles qui lui fournissent l’interprétation d’autres caractéristiques des systèmes organiques. Un système est dit ouvert lorsqu’il y a échange de matière avec l’environnement, un équilibre dynamique est l’état d’un tel système pour lequel toutes les variables macroscopiques restent constantes bien qu’il y ait variation du processus de flux des substances. Dans le cas des phénomènes vitaux, cet état d’équilibre dynamique est équifinal, il est indépendant des conditions initiales, c’est-à-dire qu’il peut être atteint à partir d’états différents et par des voies différentes puisque uniquement déterminé par les paramètres du système et du processus d’échange de substances avec l’environnement. L’équifinalité est responsable des régulations primaires des systèmes organiques et est progressivement restreinte par la subdivision du système en parties séparées. En d’autres termes, on peut dire qu’il y a maintien dynamique de la structure différenciée de l’organisme au sein d’un milieu extérieur moins organisé et que celle-ci est atteinte équifinalement.

La théorie des systèmes à auto-organisation

10Une autre voie d’approche de la théorie des systèmes est celle de la cybernétique et plus précisément sous la forme que lui a donnée W.R. Ashby (1956). Ce second mouvement dont on peut citer comme autres représentants S. Beer et G. Pask par exemple, s’il établit de temps à autre, d’ailleurs avec beaucoup de réticences, des contacts avec le premier, se basant sur les premiers écrits de W.R. Ashby (1947) revendique une part importante de la théorie des systèmes en introduisant le concept d’auto-organisation [M.C. Yovits et S. Cameron (1960) ; H. Von Foerster et G.W. Zopf (1962)].

11On sait que la cybernétique étudie la direction des systèmes dynamiques complexes composés de sous-systèmes plus simples inter-réagissants dont l’état est caractérisé par les valeurs des paramètres et des dérivées par rapport au temps des éléments composants. Elle s’occupe donc, en particulier, de l’action exercée sur ces paramètres, action modifiant le processus au passage d’un état à un autre. On doit considérer que les problèmes de contrôle et de communication sur lesquels elle met l’accent ne constituent qu’un aspect partiel de l’étude de systèmes, c’est seulement lorsqu’elle introduit la notion d’organisation, de structure, qu’elle rentre dans ce cadre plus général.

12Dans ce contexte, le système peut être étudié soit comme un tout insécable, une boîte noire, en analysant ses états d’entrée et de sortie, soit comme un ensemble composé de parties fonctionnelles définissant son état. Si l’on spécifie l’ensemble S des états du système, l’ensemble I des états de l’environnement ou entrée et si S est le produit cartésien Ti où chaque partie i est caractérisée par l’ensemble des états Ti, l’organisation entre celles-ci est définie par l’application ƒ du produit I × S dans S [W.R. Ashby (1961)]. Il y a donc définition d’une relation, d’un arrangement de structures qui contrôlent ou dirigent le processus de façon à ce que celui-ci atteigne un certain but.

13Le concept d’auto-organisation se rapporte à une capacité de changement qualitatif du système lorsque celui-ci ne parvient plus à faire face à une perturbation, ce que W.R. Ashby appelle l’ultrastabilité. Dans une optique plus globale, il y a multistabilité, ajustement au milieu par l’un ou l’autre des systèmes ultrastables. L’auto-organisation peut être envisagée selon deux acceptions fort différentes soit comme le passage de l’inorganisé à l’organisé ou du moins organisé au plus organisé, le renforcement de la structure ou la création de nouvelles relations, soit comme le passage d’une mauvaise organisation à une meilleure organisation étant donné le rapport entre un ensemble de perturbations extérieures et le but du système. Dans le premier cas, envisagé par exemple par G. Pask (1959), on est en présence de l’inverse d’une ségrégation progressive, ce qu’on pourrait appeler une systématisation ou concrétisation, la croissance de l’interaction entre les éléments avec le temps ; dans le second cas qu’a traité initialement W.R. Ashby, il y a adaptation par essai et erreur, c’est-à-dire qu’à partir d’un certain niveau critique, un saut s’effectue dans les caractéristiques du système modifiant le processus antérieur et ceci itérativement de façon à rétablir un comportement adéquat. Dans cette dernière acception, aucune machine au sens où W.R. Ashby l’entend n’est auto-organisatrice, le passage d’une mauvaise organisation à une bonne organisation est due à un agent extérieur couplé avec le système et ne peut provenir d’une cause intérieure. En fait, le modèle est ici celui d’un « cerveau » mais sans mention d‘un apprentissage, sans modification des structures par l’expérience. Tout se passe comme si, le système réagissant à la perturbation actuelle se transformait en un autre système. C’est en ce sens que d’autres auteurs ont cherché à développer le concept d’auto-organisation en attaquant sous divers angles le problème d’un système qui se construit un reflet interne de l’environnement, l’améliore et l’utilise. Ainsi, par exemple S. Beer (1961) propose une théorie du fonctionnement d’un « cerveau » capable d’organiser, de contrôler et de faire évoluer un système industriel. C’est également la raison pour laquelle on voit les symposia sur les systèmes à auto-organisation accueillir des spécialistes des mécanismes d’apprentissage des automates, de la biologie du cerveau, de la logique des neurones, des machines heuristiques…

La technologie des systèmes

14Le « systems engineering » lui, est né des demandes croissantes de la technologie moderne et de l’expérience des problèmes des systèmes militaires complexes acquise pendant la dernière guerre mondiale. Avec l’absence de préjugés des technocrates, les praticiens du systems engineering accueillent avec la même faveur les deux tendances précitées, espérant que des conceptions « philosophiques » de ces théoriciens pourra émerger quelque possibilité d’application [D.P. Eckman (1961) ; M.D. Mesarovic (1964)].

15En fait, il est relativement malaisé de circonscrire le champ d’activité de l’ingénieur de systèmes qui dans un but d’analyse ou de synthèse d’un ensemble technique utilise à la fois les méthodes de la recherche opérationnelle et les procédés modernes de contrôle automatisé. Si l’on définit le processus d’un système comme une suite d’opérations ou d’actions qui transforment certaines quantités (entrées) en d’autres (sorties), il apparaît que l’objet du systems engineering est la maximisation ou la minimisation d’une certaine valeur des sorties, par exemple l’efficacité ou le coût. D’autre part, un système peut être envisagé comme ayant un certain nombre d’objectifs dont la pondération diffère d’un système à l’autre. Le but de l’ingénieur de systèmes est alors d’optimiser les fonctions de l’ensemble en accord avec les poids différents accordés aux objectifs [J.A. Morton (1959)].

16Ces deux perspectives de la technologie des systèmes que nous intitulerons respectivement opératoire et fonctionnelle sont toujours intimement mêlées et d’une façon plus globale on peut dire que le problème fondamental est celui du contrôle et de l’optimisation de la performance du système. Un premier aspect important du systems engineering est outre l’amplification des techniques traditionnelles de la recherche opérationnelle, la définition de deux caractéristiques des ensembles techniques complexes se rapportant à leur opérationnalité (availability) ; la fiabilité (reliability) dont un indice est la fréquence des pannes, des incidents, des dysfonctionnements – les fonctions majeures du système qui concourent à sa réalisation étant l’entretien préventif (pannes d’usure) et le contrôle avant la mise en service (pannes infantiles) – et qui pose au niveau du processus le problème de la structuration des relations qualitatives entre les fiabilités des composantes pour assurer celle de l’ensemble ; la récupérabilité (maintainability) dont un indice est le temps de réparation, de remise en fonctionnement normal d’autant meilleure que les dispositions existant pour cette remise en marche sont plus efficaces, c’est-à-dire que les dysfonctionnements sont détectés, localisés et corrigés rapidement (contrôle, entretien correctif, approvisionnement en pièces de rechange, check-lists). Cette distinction entre « reliability » et « maintainability » n’est pas toujours aussi nette dans la littérature, une liaison étroite existant entre ces deux paramètres qui caractérisent la survie du système [R.E. Barlow et F. Proschan (1965), A.S. Goldman et T.B. Slattery (1964)].

17En particulier, la notion de système auto-récupérable ou auto-réparable fait bien ressortir cette difficulté à distinguer entre un système dont la fiabilité est augmentée par l’introduction d’une redondance, d’une duplication des composants (ou d’une plurifonctionnalité de ceux-ci) et un système dont la récupérabilité est augmentée par le recours à des éléments de secours nécessitant des dispositifs de détection de panne et de commutation entre organe principal et organe auxiliaire.

18Un second aspect important du systems engineering est dû au développement des théories sur le contrôle, notamment à la prise en considération des problèmes posés par les systèmes non linéaires, par les systèmes complexes à plusieurs variables et par le contrôle adaptatif. En particulier, c’est ce dernier domaine qui apparaît comme ayant le plus de chance d’influencer dans l’avenir l’ergonomie des processus industriels. De même qu’on a déjà proposé une analyse du travail de l’homme intervenant dans ceux-ci en termes de modèles de régulation simple [J.M. Faverge et coll. (1966)], il semble bien que dans ce cadre, on va étudier de plus en plus le travail de l’opérateur humain sous l’angle de la théorie des systèmes à contrôle adaptatif ou optimal qui ajustent à un résultat exprimé au moyen d’un indice de performance à optimiser leurs paramètres ou leur structure en réponse à un changement du signal d’entrée ou à un changement spontané du système [K.P. Timpe (1966)]. Il n’est pas inintéressant de faire remarquer la différence entre un système à contrôle adaptatif et un système à auto-organisation, dans le premier cas l’adaptation est transitoire ce qui implique en particulier que toute l’information nécessaire à la reconnaissance des perturbations et au programme de réponses doit être incluse dans le système, dans le second, elle est permanente, il y a un dispositif d’apprentissage adaptatif, c’est l’expérience propre du système qui joue et non celle de son constructeur.

2. Caractéristiques très générales d’un système et particularisation des systèmes hommes-machines

19La notion de système, telle qu’elle se dégage de cet aperçu nécessairement bref et incomplet, notamment des travaux de L. von Bertalanffy et de W.R. Ashby et autres théoriciens des systèmes, est celle d’un schéma visant à une description universelle homogène.

20Dans le cas qui nous occupe, celui des ensembles technologiques complexes, il semblerait que l’ambition doit être moindre et qu’on peut se contenter d’un schéma plus spécifique et relativement autonome comme celui du systems engineering. Néanmoins, un certain recul s’impose si l’on veut que le modèle s’applique en extension au contexte large d’ensembles comprenant des hommes, des groupes sociaux, des calculateurs, des machines et des équipements automatisés. D’autre part, si l’on admet que de par sa genèse chaque système est unique et particulier, cela implique que les termes et les concepts employés devront s’appliquer dans chaque cas. Les conditions d’une synthèse s’énonceraient donc de la façon suivante : mis en présence de modèles plus ou moins spécifiques et inconsistants entre eux,

  • on peut les considérer comme représentant une partie du modèle général à élaborer et s’arranger pour se placer à un niveau de reformulation qui tienne compte du plus grand nombre d’aspects cohérents de ceux-ci, ce qui laisse la porte ouverte à une extension de la théorie mais pas à des modifications de celle-ci [J.D. Miller (1965)] ;

  • on peut se situer sur un plan suffisamment abstrait pour tenir compte des aspects les plus centraux de ces modèles mais on perd en information ce qu’on gagne en possibilité de restructuration [M.D. Mesarovic (1963)].

21Nous nous placerons plus près du premier cas, nous permettant ainsi certaines interprétations verbales, mais nous prendrons néanmoins comme point de départ le niveau de généralité du second cas, en nous basant principalement sur des développements dus à M.D. Mesarovic.

Définition d’un système

22Le principe de base de la notion de système est celui de relations entre des objets composants un ensemble qui fait que celui-ci doit être considéré comme une entité et non comme une « somme » d’éléments hétérogènes. Soit une famille d’ensembles X1, X2, … Xj, …, Xn, chaque ensemble caractérisant un objet, un système est une relation R = {R1, R2, … Rj} définie sur le produit cartésien X = Xj de cette famille d’ensembles. L’introduction d’une procédure permettant de définir inductivement les termes Xj et Rj spécifie complètement le système. Pour un ensemble d’objets donné, les relations considérées dépendent du point de vue auquel on s’est placé. Cette définition peut sembler générale et abstraite, nous verrons néanmoins qu’elle fournit les moyens d’énoncer plus strictement différentes modalités d’étude des ensembles technologiques complexes parce qu’elle a pour avantage de permettre de se référer à une classe de modèle où l’interaction est déterminée formellement.

Limites d’un système

23Un système a des limites arbitraires, la division de l’univers en un système S et un environnement E est une question de pure convention, on peut toujours étendre le domaine de l’étude en estimant qu’un autre système S’ comprend S. On dira que S est un sous-système de S’. Le système S’ est l’union de S et d’une partie de E. En ce sens, il faut faire observer que la distinction entre système ouvert et système fermé est purement théorique, tout au moins en ce qui nous concerne. Un ensemble technologique complexe est ouvert parce que dans l’étude que nous en faisons, nous négligeons un certain nombre de composantes, en émettant par exemple l’hypothèse d’un certain amortissement dû à l’éloignement des influences exercées sur le système. Néanmoins, le fait qu’il y ait incertitude dans ce système incomplet pose avec acuité le problème de la décision et du contrôle.

Réticulation d’un système en composants

24De même qu’on a pu délimiter environnement et système, on peut subdiviser ce dernier en sous-systèmes. Non pas pour isoler artificiellement l’un de ceux-ci et le soumettre à l’étude mais pour analyser leurs interactions. Si la dichotomie système-environnement est habituellement faite a priori, il n’en va plus de même de la réticulation du système choisi et il s’avère alors utile d’assigner des limites à nos tendances réductionnistes, de définir donc les composants primordiaux d’un système.

25Soit un système caractérisé par une relation du nième ordre R (X1, ... Xj, … Xn), la procédure générale de réticulation consiste à trouver deux nouvelles relations R1 et R2 dont R soit le produit relatif, c’est-à-dire satisfaisant à la condition :
(xRy) ↔ [(xR1z) ^ (zR2y)]

le système est alors réticulé en les sous-systèmes :
R1[X1, …, Xj, Z] et R2[Z, Xj+1, …, Xn]

26M.D. Mesarovic (1963) montre qu’un système du nième ordre ne peut en général être décomposé en sous-systèmes avec des relations d’ordre inférieur à 3. En particulier, dans le contexte des systèmes dynamiques (où les éléments des Xj sont des fonctions du temps), une application de ce théorème est la définition d’une machine (au sens d’Ashby) dont l’état interne et l’état de l’environnement déterminent uniquement l’état suivant. Un composant primordial du système sera représenté par une relation entre trois termes, la production d’une sortie à partir de deux entrées, l’une caractérisant l’action de l’environnement et l’autre, l’opération.

Structure opératoire et structure fonctionnelle

27La relation R définissant un système peut être considérée comme un exemple spécifique d’une relation plus abstraite donnant la structure du système. Plus précisément, on distinguera deux voies d’étude des structures d’un ensemble technologique complexe :

  1. L’analyse de la structure opératoire du système où l’on décrira un ensemble de causes et d’effets en termes de relations entrées-sorties entre composants, on se situe alors au niveau du processus d’un système.

  2. L’analyse de la structure fonctionnelle où l’on décrira les activités du système et de ses parties sur la base des interactions entre sous-systèmes en termes de la poursuite d’un certain but, d’un programme. Cette distinction recouvre celle faite par M.D. Mesarovic et D.P. Eckman (1961) entre approche « causale » et approche « téléologique ».

28D’ordinaire, on possède suffisamment d’informations sur un ensemble technologique pour prendre certaines mesures de variables à l’intérieur même du processus système. D’une façon simple alors, on envisagera sa structure sous l’angle, soit (a) de montages de composants en série, c’est-à-dire tels que la sortie de l’un serve d’entrée à l’autre, soit (b) de montages de composants en parallèle, c’est-à-dire disposés de telle sorte que chacun contribue à une sortie commune. C’est la structuration la plus naturelle du processus d’un système : pour un sous-système série, la panne d’un des composants entraîne celle de l’ensemble, ce à quoi l’on remédie dans un sous-système à redondance parallèle, dans ces deux cas toutefois, on est ramené à des lois simples entre les fiabilités des composants ; dans une représentation par diagrammes en blocs des fonctions de transfert d’un processus, on peut combiner les pas parallèles, et une relation simple lie les transmittances de blocs en série ; pour trouver une solution à des goulots d’étranglement, on doit résoudre un problème de files d’attente en cascade ou multiples…

29Pour faire ressortir la structure fonctionnelle d’un ensemble technologique, on partira d’un autre point de vue, moins physique, dont le psychologue ou l’ingénieur d’organisation est plus coutumier. Certaines lignes de clivage seront tracées, certaines catégories seront perçues dans la globalité du comportement du système. Comme le fait remarquer excellemment M. Merleau-Ponty (1942), « les structures auxquelles on parvient ainsi, ne sont, comme celles de l’organisme, ni des causes supplémentaires qui orienteraient les phénomènes parcellaires, ni des simples noms pour les désigner, mais des idées auxquelles ils participent sans les contenir en eux ». Le système se comporte comme un tout de telle sorte qu’on doit introduire la notion de fonction par le détour de l’attribution d’une signification commune à plusieurs manifestations de l’activité des parties du système. Lorsqu’on analyse par exemple l’interaction entre la fonction de production et de prévention [J.M. Faverge (1967)] le but est d’atteindre une certaine compréhension des comportements de l’homme, unité fonctionnelle de l’organisation. Cet aspect de l’étude des systèmes hommes-machines apparaît actuellement comme prédominant, quelle que soit d’ailleurs l’orientation particulière donnée aux recherches : qu’on compare par exemple ce qu’en dit R.M. Gagné (1962) :

« Tout système, pour peu qu’il soit raisonnablement complexe requiert une interaction réelle entre l’homme et les autres parties du système qui peuvent être des machines, d’autres hommes ou une combinaison de ceux-ci. On doit donc trouver un mode de pensée s’appliquant aux fonctions des machines et aux fonctions de l’homme à l’intérieur d’un cadre qui rende possible la mise en rapport de ces deux types de fonctions et de buts communs, c’est-à-dire les buts du système » et D.I. Iordansky (1965) « les hommes, les équipements automatisés, les machines qui sont les éléments des grands systèmes constituent dans les conditions réelles des structures complexes et spécifiques dont l’étude à tous les égards offre un intérêt considérable (…) » et plus loin, il caractérise ce type de recherche, où l’on se préoccupe de « l’aspect statique et dynamique des structures fonctionnelles et hiérarchiques des collectivités des grands systèmes (…), des aspects dynamiques des actions réciproques entre les éléments hommes et machines, des rapports mutuels entre les membres des collectivités à l’intérieur des sous-systèmes et entre les collectivités des différents sous-systèmes, entre supérieurs et subordonnés (…) ».

30Le composant primordial de l’organisation d’un système, de l’ensemble des interactions entre les diverses fonctions de celui-ci sera également représenté par une relation entre trois termes, la production d’une sortie agissant sur l’unité opératoire à partir de deux entrées, l’une amenant de l’information en provenance de cette dernière, l’autre caractérisant « son programme », son « but » [« goal-seeking unit » de M.D. Mesarovic et D.P. Eckman (1961)]. Notons qu’une unité fonctionnelle ou cellule peut être un élément régulateur, humain ou mécanique, dans ce second cas, on la considèrera comme faisant partie de ce que nous avons nommé le processus.

Structure et histoire

31Il est évident que l’utilisation du concept structure inclut le temps comme condition de définition. L’identification de la structure d’un système dépend de l’existence de liaisons relativement stables entre les éléments dans un intervalle de temps donné. L’histoire du système serait alors l’histoire de sa structure, la pluralité des ruptures d’équilibre, des modifications du processus, du passage d’une organisation à une autre.

32On possède peu d’études sur l’évolution historique des systèmes technologiques complexes ou plutôt il en existe bien sous l’un ou l’autre aspect, technique par exemple [citons dans ce cadre la très belle thèse de G. Simondon (1958)] ou économique mais pas sous le double point de vue de l’évolution conjuguée de la structure opératoire et de la structure fonctionnelle d’un ensemble technologique. Il est donc difficile de donner un aperçu sur les modèles historiques dans l’étude des systèmes hommes-machines, néanmoins dans la ligne de pensée déjà adaptée, on définira deux caractéristiques des systèmes adaptables et donc inclus de par là même dans le flot de l’histoire, la flexibilité et la mutabilité.

33La mutabilité est cette qualité de la structure fonctionnelle d’un système ouvert sur l’environnement et donc réceptif à la pression de celui-ci qui accepte de prendre des décisions dans l’incertitude créée par les zones marginales existant entre lui et le milieu extérieur (J.M. Faverge [(1966b)]. La traduction de cette mutabilité dans la structure opératoire est la flexibilité, qualité du processus d’un système pour lequel les unités fonctionnelles ont prévu dans une certaine mesure pour les faciliter les changements ultérieurs pouvant intervenir à la suite de fluctuations tant économiques que technologiques.

Le système hommes-machines

34Dans la perspective de l’ergonomie des systèmes hommes-machines, le lien de causalité réciproque, d’implication mutuelle qui unit le processus technologique, l’ensemble des relations entrées-sorties entre unités opératoires et son inventeur, l’homme, ne peut être méconnu ; il serait arbitraire de séparer la réalité humaine cristallisée dans les structures opératoires (ce qui, médiatement, permet d’y reconnaître des fonctions) et les unités fonctionnelles créatrices et organisatrices, les hommes qui en assurent la survie par le contrôle, l’entretien, la coordination, l’adaptation.

35Moment de l’analyse d’un système, la structure opératoire n’est qu’une abstraction détachée de son appareil fonctionnel, un donné immédiat qui facilite la représentation.

36L’homme doit être vu soit comme composant du processus, et comme porteur d’outils, il a alors un rôle en-dessous de l’individualité technique (l’évolution technologique tend à l’en débarrasser), soit comme élément de l’organisation, de la structure fonctionnelle de l’ensemble et il a alors un rôle au-dessus de l’individualité technique [G. Simondon (1958)]. Dans cette ligne de pensée, il est légitime de prétendre que c’est parce que l’homme a conçu les machines à partir de ses propres fonctions qu’il a dans un mouvement inverse vu un modèle de son activité dans cette matérialisation, la machine ne serait un modèle de l’homme que parce que l’homme l’a faite à son image. Le même principe de réciprocité lui a fait percevoir au travers de la structure fonctionnelle d’un système un organisme vivant [J.M. Faverge (1966b)].

37Nous sommes maintenant en état de circonscrire le domaine des recherches sur les systèmes hommes-machines, ce sera l’étude de la conjonction de la structure opératoire et de la structure fonctionnelle au travers de caractéristiques globales de la performance du système telles la stabilité, la fiabilité, la récupérabilité, et de caractéristiques globales de son adaptation structurale telles la flexibilité et la mutabilité, ce qui amènera en particulier à s’intéresser à l’interaction entre le niveau de l’organisation et le niveau du processus.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Olivier, « Contribution à une introduction aux études des systèmes hommes-machine »Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 15-3 | 2013, mis en ligne le 01 novembre 2013, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pistes/3495 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pistes.3495

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Auteur

Michel Olivier

Laboratoire de Psychologie de Université libre de Bruxelles.

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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