Navigation – Plan du site

AccueilNumérosVolume 3ArticlesL'alfa (Stipa tenacissima L.) dan...

Articles

L'alfa (Stipa tenacissima L.) dans la plaine de Midelt (haut bassin versant de la Moulouya, Maroc) – Éléments de climatologie

Mustapha Rhanem
p. 1-20

Résumés

L'alfa (Stipa tenacissima L.) est représenté dans la haute plaine de Midelt par des touffes en bon état et de grande taille pouvant atteindre parfois des hauteurs allant jusqu'à 1,20 m, avec une densité moyenne à forte. Il y constitue un écosystème steppique intramontagnard spontané, caractérisé par une bonne régénération qui témoigne de conditions topo-édapho-climatiques propices à sa croissance et à sa reproduction.

L'approche climatique utilisée pour caractériser cette steppe de plaine (par opposition à la steppe de versant) est fondée sur deux critères climatiques : la pluviosité (et plus généralement les précipitations) et la température. Chacun des deux paramètres a été analysé sous différents angles en ayant recours à différents indicateurs. Ces critères ne sont pas les seuls facteurs climatiques agissant sur les conditions de vie de l'alfa et de son cortège d'espèces végétales steppiques ; mais ils sont prédominants. En effet, ces facteurs présentent d'étroites corrélations avec d'autres paramètres climatiques, tels que l'humidité relative, le vent et l'insolation. Enfin, le rapport P/2T de H. GAUSSEN a été utilisé pour cerner les modalités de la sécheresse.

Haut de page

Texte intégral

I - Introduction

1L'alfa (stipa tenacissima L.) est une herbe vivace typiquement méditerranéenne appartenant à la sous-région écologico-floristique ibéro-maghrébine, qui fait partie intégrante de la région méditerranéo-steppique s'étendant de la moyenne vallée de l'Èbre jusqu'à celle de l'Indus (H.N. LE HOUÉROU, 1990). Par ailleurs, c'est l'une des espèces xérophiles qui caractérise le mieux les milieux arides méditerranéens à l'exclusion des secteurs désertiques. Sa terre d'élection est l'Afrique du Nord, et tout particulièrement les hauts plateaux du Maroc et de l'Algérie. Mais cette espèce est présente en Espagne orientale et méridionale, au Portugal méridional, aux Baléares, et elle s'étend vers l'est jusqu'en Égypte. Au sud et à l'est, la limite naturelle de l'Alfa est déterminée par la sécheresse ; en bordure du Sahara, elle est fréquemment localisée sur les bords des oueds temporaires. Au nord et à l'ouest, en revanche, c'est l'humidité croissante du climat qui l'élimine de la flore.

2Au Maroc, c'est une espèce transatlasique qui a une amplitude écologique très vaste s'étendant depuis les dunes littorales de la région d'Essaouira jusqu'à des altitudes de 2400 m sur le versant sud du Moyen Atlas dominant Reggou et dans le jbel Saghro (L. EMBERGER, 1939). Elle présente en outre une assez grande extension latitudinale, allant des environs de Tetouan-Melilla jusqu'au versant saharien du Haut Atlas. Cette aire d'extension couvre une grande gamme de bioclimats à hiver froid ou frais, beaucoup plus rarement tempéré (environs d'Essaouira), des étages bioclimatiques semi-aride supérieur (isohyète inférieur à 600 mm) à aride inférieur et même saharien supérieur (isohyète supérieur à 100 mm). L'alfa est beaucoup plus rare dans les étages subhumide et surtout humide, dans lesquels on ne le rencontre qu'à la faveur de conditions édaphiques et mésoclimatiques favorables (T. IONESCO et C. SAUVAGE, 1966). En effet, si cette espèce peut se rencontrer sous des pluviosités nettement supérieures à 400 mm (500 mm, ou même un peu plus) dans les forêts claires, c'est sous la forme d'individus ou de groupes d'individus isolés et non de formations continues et étendues plus ou moins homogènes. La pluviosité annuelle moyenne fixant la limite supérieure des steppes d'alfa est évaluée à 400 mm par H.N. LE HOUÉROU (1990) et à 350 mm par P. QUEZEL (1995), à l'exception du sud-ouest marocain où l'on ne trouve pas de steppe en dessous de cette limite, mais des formations arborescentes endémiques à gommier du Maroc (Acacia gummifera Willd.) dans la plaine du Haouz et à arganier (Argania spinosa L. Skeels) dans celle du Souss.

3En bordure du Sahara, la limite méridionale de l'alfa suit l'isohyète de pluviosité annuelle moyenne de 100 mm (H.N. LE HOUÉROU, 1990). Au Maroc, cette limite coïncide avec les piémonts sud des Atlas (accident sud-atlasique) de l'embouchure du Draa.

4À côté de ces facteurs naturels, il convient d'évoquer aussi la destruction partielle ou totale que subissent l'alfa et son écosystème, du fait des cultures épisodiques, d'un surpâturage continu et prolongé, de la collecte excessive de bois de chauffage… La charge pastorale et la mise en culture sont devenues très supérieures aux possibilités des milieux et demanderaient des actions de prévention et de gestion adaptées (J.C. RAMEAU, 1999). Ces activités conduisent à des stades de dégradation transitoires dominés par la rue sauvage (Peganum harmala L.), le pastel des teinturiers (Isatis tinctoria L.) et l'arabette des dames (Arabidopsis thaliana L.), qui ne protègent pas suffisamment les sols de l'érosion au cours des longues saisons sèches. Une fois dégradé, l'écosystème est bien souvent lent ou inapte à se reconstruire ; sa résilience est faible ou nulle, un seuil d'irréversibilité écologique (J. ARONSON et al., 1995) a pu être franchi. Le résultat de ce processus est une régression de l'alfa qui a été constatée sur toute son aire nord-africaine (H.N. LE HOUÉROU, 1995 ; A. AÏDOUD et al., 2006), et une extension irréversible des paysages désertiques, comme c'est le cas dans la plupart des régions arides (H.N. LE HOUÉROU, 1979, 1990 ; J. DRESCH, 1982 ; B. EL GASMI, 1987). En revanche, là où l'impact humain est nul ou faible, l'effet de la sécheresse est négligeable (H.N. LE HOUÉROU, 1993).

5L'extension de certaines cultures dans la haute plaine de Midelt (céréaliculture, arboriculture notamment) durant les dernières décennies du XXème siècle, dans une région à caractère aride, et la perspective des changements climatiques qui pourraient se produire (M. BARBERO et P. QUEZEL, 1995 ; C. HOFF et S. RAMBAL, 1999 ; V. JACQ, 2008) suscitent des interrogations sur cet écosystème alfatier en pleine mutation.

6L'objectif du présent travail est de caractériser l'écosystème alfatier de la plaine de Midelt en fonction de son aspect écomorphologique et de son cortège floristique, mais aussi de ses aptitudes et de ses contraintes climatiques.

II - Le relief et les formations superficielles

7Située à 250 km de l'Océan Atlantique, isolée par 150 km de chaînes de montagne (Fig. 1), la plaine de Midelt, à 1450-1600 m d'altitude, déroule sa steppe alfatière (Stipa tenacissima L.) dans une dépression qui s'étire grossièrement du SO au NE.

Figure 1 - Localisation du terrain d'étude et de la ville de Midelt (G. MAURER, 1980).

Figure 1 - Localisation du terrain d'étude et de la ville de Midelt (G. MAURER, 1980).

8Au sud, le massif du jbel Ayachi (Photos 1 et 2), qui appartient au Haut-Atlas, n'est distant de la ville de Midelt que d'une dizaine de kilomètres. Culminant à 3357 m d'altitude à 20 km à l'ouest de Midelt (2935 m au niveau de cette localité), il forme une barrière continue qui s'élève brutalement au-dessus des surfaces planes. Vers le nord-ouest, à une quarantaine de kilomètres de Midelt, la partie méridionale du Moyen Atlas est formée de plateaux et de larges surfaces au relief modéré qui ne dominent la plaine que de quelques centaines de mètres au maximum.

Photo 1 - La plaine de Midelt dominée par le jbel Ayachi.

Photo 1 - La plaine de Midelt dominée par le jbel Ayachi.

La vue est prise de Midelt en direction du sud. On devine le relèvement de la limite infra-forestière d'ouest en est, parallèlement à celui de l'enneigement.

Photo 2 - La terminaison orientale du jbel Ayachi vue de la station météorologique de Midelt.

Photo 2 - La terminaison orientale du jbel Ayachi vue de la station météorologique de Midelt.

9La plaine de Midelt offre un ensemble complexe de formes développées dans les formations alluvio-colluviales villafranchiennes et quaternaires. Ces formes se raccordent aux reliefs du Moyen et du Haut Atlas par tout un système de glacis et aux dépressions endoréiques par des terrasses souvent emboîtées (R. RAYNAL, 1961). On distingue notamment : (1) des glacis d'accumulation caillouteux, cônes coalescents fossilisés par de puissantes dalles, (2) des glacis de piémont recouverts de limons fins, (3) des surfaces bosselées et empâtées de dépôts de solifluxion périglaciaires, (4) des lambeaux de glacis découpés en lanières, aux rebords escarpés, noyés sous des formations meubles et (5) des buttes témoins aux versants raides, détachées en avant des lambeaux de glacis ou complètement isolées. La toponymie nord-africaine désigne ces buttes sous le nom de gour (au singulier, gara). Ce sont elles qui portent les kasbahs de l'oued Outat, mises ainsi à l'abri des fortes crues. Ces buttes présentent à leur sommet une dalle conglomératique très dure.

10Les sols présentent fréquemment, à faible profondeur, un horizon riche en calcaire, souvent durci et feuilleté. Ces croûtes calcaires constituent un facteur très défavorable à la végétation, car elles empêchent l'infiltration des eaux et la pénétration des racines en profondeur (L. EMBERGER et G. LEMÉE, 1962 ; H. EL HAI, 1968).

III - Le couvert végétal

11L'alfa trouve un terrain de prédilection dans la haute Moulouya. Toutefois le froid excessif l'élimine en amont de Boumia (Fig. 1) au profit des pulvinées à cytise hérisson (Erinacea anthyllis Link) et à cytise de Balansa (Cytisus balansae (Boiss.) Ball). Vers le nord-est, en revanche, là où la haute plaine commence à s'évaser, c'est plutôt le déficit hydrique, engendré par la combinaison de faibles précipitations et de très fortes températures estivales, qui l'exclut. Il est alors remplacé par des chénopodiacées sahariennes ou présahariennes, principalement des salsolées (A. PUJOS, 1955).

12Afin de situer la steppe d'alfa dans son contexte biogéographique local et compte tenu de la configuration du terrain, nous avons adoptée la méthode du transect phytoécologique, qui permet de mettre facilement en relation les variations du couvert végétal avec celles du milieu, surtout lorsque l'altitude joue un rôle important (R.H. WHITTAKER, 1967 ; M. LECOMPTE, 1973 ; F. ROMANE, 1987 ; M. RHANEM, sous presse).

13Les relevés ont été effectués le long d'un transect empruntant la route nationale n° 13 reliant Errachidia à Meknès, depuis le village d'Aït-Oufella, à hauteur d'Itzère, jusqu'au village de Zebzat, à quelques km au sud-est de la localité de Midelt. Chaque série d'observations répond à une variation des facteurs topographiques (altitude, exposition, pente) ou à un changement notable dans la physionomie de la végétation.

14Afin d'éviter que la saison à laquelle les observations ont été effectuées n'introduise un biais, la définition des unités de végétation et de leurs cortèges floristiques a été en grande partie basée sur les espèces pérennes (C. PEYRE, 1975 ; M. LECOMPTE, 1986).

15Les relevés phytoécologiques sont effectués sur des placettes perçues comme homogènes à tous points de vue. Ils comportent au moins deux volets :

  • Un inventaire systématique de la végétation. À chaque espèce est affecté le coefficient d'abondance-dominance de la phytosociologie classique. Il n'est pas nécessaire de retenir toutes les espèces présentes ; il suffit le plus souvent de recenser les espèces les plus importantes qui participent, par leur biomasse et par leur biovolume, à l'organisation, au fonctionnement et au développement des écosystèmes (G. LONG, 1974).

  • Une étude écologique rapide, au cours de laquelle sont notés certains caractères du milieu physique parmi tous ceux qu'il serait possible de prendre en compte (M. GODRON et al. 1968). Le choix des caractères étudiés dépend évidemment des conditions du milieu et des objectifs poursuivis.

16Pour ce travail, nous avons retenu seize descripteurs faciles à relever, qui ont trait à la situation géographique, à la topographie du site, aux roches et aux formations superficielles, et à la physionomie de la végétation.

17Les résultats auxquels nous sommes parvenus, montrent que les espèces dominantes, celles qui impriment leur physionomie à la végétation et au paysage par leur abondance, leur fréquence, leur taille ou leur taux de recouvrement sont au nombre de sept : Stipa tenacissima L., Artemisia herba alba Asso, Lygeum spartum L., Adenocarpus bacquei Batt. et Pitard, Retama sphaerocarpa (L.) Boiss., Rosmarinus officinalis L., Atriplex halimus L., et Peganum harmala L.

18Les groupements végétaux résultant de la combinaison de ces espèces sont extrêmement nombreux. Nous nous contenterons de rappeler brièvement les types écomorphologiques dont l'appréhension est essentielle s'agissant des problèmes bioclimatiques (Fig. 2).

Figure 2 - Transect topo-phytogéographique schématique de la haute plaine de la Moulouya entre Aït Oufella et Zebzat, prolongé aux versants des Moyen et Haut Atlas.

Figure 2 - Transect topo-phytogéographique schématique de la haute plaine de la Moulouya entre Aït Oufella et Zebzat, prolongé aux versants des Moyen et Haut Atlas.

19En première approximation, en se basant sur la physionomie, on peut distinguer dans la plaine de Midelt deux types de steppes : une steppe graminéenne cespiteuse à alfa (Stipa tenacissima) et une steppe ligneuse chaméphytique à armoise blanche (Artemisia herba alba). La steppe à alfa se localise surtout sur des substrats rocheux et bien drainés, alors que les artémisiaies à armoise blanche préfèrent plutôt les formations meubles, à texture moyenne à fine, aux pores colmatés en surface, où l'eau est retenue plus ou moins longtemps, ce qui a pour conséquence d'augmenter les temps d'engorgement. Outre sur les sols à tendance hydromorphe, l'alfa ne se rencontre jamais sur les sols franchement salés. En terrains salés, l'alfa comme l'armoise blanche sont remplacés par l'arroche halime (Atriplex halimus).

20Les steppes à sparte (Lygeum spartum), autre espèce graminéenne, peuvent coloniser des sols aussi bien squelettiques que salés, gypseux ou hydromorphes. Il arrive cependant assez fréquemment que l'alfa se mélange à l'armoise blanche et au sparte. Ces steppes asylvatiques se révèlent très pauvres en espèces vivaces, mais par contre assez riches en espèces annuelles. Parmi les espèces annuelles les plus fidèles (au sens écologique du terme) qui composent leur cortège floristique, on trouve : Androsace maxima L., Bromus rubens L., Carrichterra annua (L.) DC., Ctenopsis cynosuroides (Desf) Romer Garc., Koeleria pubescens P. Beauv., Lappula patula (Lehm.) G., Matthiola lunata DC., Plantago ovata Forssk, Scorzoneroides hispidula (Delile) Greuter et Talavera. À côté de ces espèces, prennent place, non seulement des géophytes comme Gagea fibrosa (Desf) Schult et Schult.f., mais aussi des chaméphytes telles que Astragalus armatus Willd., Helianthemum pergamaceum subsp. Camillei Raynaud, Noea mucronata (Forssk) Asch. et Schweinf, Plantago albicans Forssk et même des hémicryptophytes telles que Ajuga iva (L.) Schreb.

21En ce qui concerne les fruticées, on distingue une adénocarpaie à Adenocarpus bacquei, espèce endémique, avec comme deuxième espèce dominante Retama sphaerocarpa.Elle occupe le piémont sud du Moyen Atlas, à hauteur du village d'Oualegh. Sa limite inférieure coïncide avec la limite inférieure des secteurs fréquemment enneigés. Elle manifeste une prédilection pour les terrasses à sols caillouteux, alors qu'elle est fortement concurrencée et même éliminée par la rétamaie dans les dépressions bien alimentées en eau de ruissellement et qui sont colmatées par des limons. Notons que la coexistence de l'adénocarpe et du rétam confère à l'écosystème un potentiel d'adaptabilité qui pourrait lui être utile dans le futur, face à de nouvelles pressions de sélection (J.C. RAMEAU, 1999).

22Le piémont haut atlasique du jbel Ayachi est couvert d'une fruticée à romarin offininal (Rosmarinus officinalis) qui prend le relais de la steppe à alfa à partir du village de Zebzat en direction du sud.

23Sur les versants du Moyen Atlas et du Haut Atlas, des chênaies à chêne vert (Quercus ilex L.) succèdent aux fruticées des piémonts, avec cependant un niveau intercalaire à genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea L.) sur celui du Haut Atlas de Midelt.

IV - La méthode d'étude du climat

24Une station météorologique principale fonctionne à Midelt (latitude 32°41' nord et longitude 4°31' ouest). Nous avons eu la chance de pouvoir nous procurer gracieusement une chronique de trente trois années consécutives (1957-1989).

25Pour caractériser écologiquement le climat de l'alfa, nous avons a eu recours, pour tous les indicateurs climatiques, à l'étude de variables simples, appuyée sur les moyennes et les valeurs extrêmes. Les moyennes donnent une image lissée de la réalité. C'est tout particulièrement le cas pour les températures auxquelles est soumise la végétation. Mais, comme l'a souligné P. DAGET (1967), à l'intérieur d'un même régime thermique, les moyennes mensuelles et annuelles intègrent les températures vraies, ce qui permet de justifier leur emploi.

26L'intérêt écologique des valeurs moyennes des températures extrêmes est très important. Tel est le cas de la moyenne des minima quotidiens du mois le plus froid, critère écoclimatique souvent utilisé en zone méditerranéenne à la suite de L. EMBERGER, et qui a été corrélé avec le nombre de jours de gel et avec les températures minimales absolues (L. EMBERGER, 1971 ; N.H. LE HOUÉROU et al., 1977 ; N.H. LE HOUÉROU, 1990 ; S. RIVAS-MARTINEZ, 1982). Cet indicateur se révèle beaucoup plus utile que la température annuelle moyenne ou la température moyenne du mois le plus froid. C'est ainsi que N.H. LE HOUÉROU (1990) a montré, à partir d'exemples pris en Algérie et en Tunisie, que des stations ayant des moyennes identiques pour le mois le plus froid peuvent correspondre à des réalités bien différentes pour la végétation naturelle et les cultures.

27Mais la moyenne des températures minimales journalières du mois le plus froid peut être à son tour insuffisante à rendre compte des faits biologiques et biogéographiques. Ceux-ci peuvent aussi dépendre de la moyenne des maxima quotidiens du mois le plus froidet des maxima absolus mensuels (N.H. LE HOUÉROU, 1984 et 1990) et à l'aptitude des plantes à se développer lorsque les journées sont chaudes et ensoleillées même lorsque les nuits sont froides (N.H. LE HOUÉROU et al., 1977 ; C. PEYRE, 1978). Entre deux stations ayant les mêmes minima nocturnes, la station la plus clémente sera celle où le réchauffement diurne sera le plus important.

28Enfin, beaucoup moins utilisées que la moyenne des minima quotidiens du mois le plus froid, les températures minimales absolues n'en sont pas moins importantes. Elles peuvent être la cause de la disparition brutale et totale de certaines espèces à la suite d'un épisode froid exceptionnel.

V - Les précipitations

29Les précipitations annuelles moyennes s'élèvent à 210 mm, mais les valeurs annuelles varient de 65,3 mm (en 1981) à 481 mm (en 1963) (Fig. 3). C'est dire si les fluctuations sont fortes d'une année sur l'autre. L'écart-type atteint 90,5 mm et l'écart moyen arithmétique 66,6 mm.

Figure 3 - Précipitations annuelles à Midelt de 1957 à 1989.

Figure 3 - Précipitations annuelles à Midelt de 1957 à 1989.

30Sur 33 années complètes d'observation, Midelt a connu une année très arrosée (P. > 400 mm), quatre années arrosées (400 > P. > 300 mm), onze années moyennement arrosées (300 > P. > 200 mm), quatorze années moyennement sèches (200 > P. > 100 mm) et trois années sèches (P. < 100 mm). Dans 75 % des cas (25 années sur 33), la pluviosité a été comprise entre 100 et 300 mm, la médiane s'établissant à 198 mm. Elle n'est tombées en dessous de 100 mm qu'à trois reprises : 97,7 mm en 1981 ; 65,3 mm en 1980 ; 68,6 mm en 1984.

31Les précipitations tombent surtout de septembre à juin (Fig. 4), période qui connaît de 36 à 91 jours de pluie selon les années. Des chutes de neige se produisent 8,3 jours par an en moyenne.

Figure 4 - Précipitations mensuelles moyennes, minimales et maximales à Midelt de 1957 à 1989.

Figure 4 - Précipitations mensuelles moyennes, minimales et maximales à Midelt de 1957 à 1989.

32En moyenne, avril et mai reçoivent les précipitations les plus abondantes : 31,9 et 30,7 mm respectivement. Juin vient en troisième position, mais avec 20,4 mm seulement. À l'opposé, juillet (5,6 mm) et août (6,2 mm) sont très secs.

33Pour la plupart des mois, y compris juillet et août, la valeur moyenne dépasse la médiane (Fig. 5).

Figure 5 - Précipitations mensuelles moyennes et médianes à Midelt de 1957 à 1989.

Figure 5 - Précipitations mensuelles moyennes et médianes à Midelt de 1957 à 1989.

34Les précipitations moyennes d'avril et de mai sont tout particulièrement marquées par les quelques années où ces mois ont reçu des pluies très abondantes : pour avril, 106 mm en 1975, 100 mm en 1976, 88 mm en 1963… et pour mai, 174 mm en 1963, 92 mm en 1976, 82 mm en 1982. Ainsi, pour avril, la médiane atteint-elle seulement 17,7 mm, contre 31,9 mm pour la moyenne. Ce mois a reçu des précipitations inférieures à 10 mm au cours de neuf années, mais des précipitations supérieures à 70 mm se sont produites à cinq reprises. Pour la médiane, comme pour la moyenne, avril et mai restent cependant les mois les plus arrosés de l'année.

35Décembre, qui apparaît déjà sec en moyenne (10,0 mm), le devient particulièrement si l'on considère la médiane (4,9 mm). Les deux années où ce mois a reçu des précipitations supérieures à 50 mm (52,0 mm en 1960 ; 59,6 mm en 1963) pèsent lourd dans la moyenne.

36La somme des précipitations reçues en juillet - août a été inférieure à 10 mm vingt et une fois, mais elle a atteint 40,2 mm en 1976 et 54,6 mm en 1969.

37On notera enfin que, pour tous les mois, la plus faible valeur enregistrée avoisine ou égale 0 : 0,2 mm pour mai ; 0,4 mm pour juin ; 0 pour les autres mois.

38En définitive, avec les moyennes comme avec les médianes, le régime pluviométrique montre un maximum principal au printemps (mars-mai) et un maximum secondaire en automne (septembre-novembre) qui encadrent un minimum principal en été (juin-août) et un minimum secondaire en hiver (décembre-février) (Tab. I).  Ce régime PAHE, de type "moulouyen", diffère du régime HPAE qui prévaut sur les reliefs du Moyen Atlas et du Rif (M. LECOMPTE, 1989).

Tableau I - Précipitations saisonnières à Midelt sur la période 1957­1989.

Tableau I - Précipitations saisonnières à Midelt sur la période 1957­1989.

39Si l'on fait la somme des rangs occupés annuellement par chacune des saisons (de 1 à 4 par ordre de précipitations décroissantes), on obtient un total de 58 pour le printemps, de 75 pour l'automne, de 98 pour l'hiver et de 99 pour l'été. Sur les 33 années considérées, chaque saison se place au moins une fois à chacun des rangs possibles, mais avec des fréquences évidemment très différentes (Fig. 6). L'hiver occupe le premier rang deux fois seulement (en 1972 et 1973), alors que le printemps n'apparaît au 4ème rang qu'une seule fois (1987).

Figure 6 - Fréquence des rangs occupés par les saisons sur la période 1957­1989 (33 années).

Figure 6 - Fréquence des rangs occupés par les saisons sur la période 1957­1989 (33 années).

40Bien qu'il occupe la dernière position pour les précipitations moyennes comme pour les précipitations médianes, l'été occupe l'un des deux premiers rangs (dont 4 fois le premier) plus souvent que l'hiver. Mais il se place aussi très souvent au dernier rang. En fait, la plus grande part des précipitations estivales tombe généralement en juin, si bien que les fluctuations interannuelles de ce mois induisent de fortes variations interannuelles pour la saison.

41Le régime pluviométrique sur la haute plaine de Midelt est lié au jeu des masses d'air. Les flux atlantiques d'ouest ou de nord-ouest, concentrés sur la saison froide, responsables d'abondantes précipitations sur la bordure septentrionale du Moyen Atlas, s'assèchent très brutalement dès son franchissement en direction de la haute Moulouya, ainsi que le montre la figure 7. Alors que la nébulosité et la pluviosité sont fortes dans le secteur d'Ifrane, par un effet de fœhn l'air se réchauffe et se dessèche en redescendant sur la vallée de la Moulouya.

Figure 7 - Coupe schématique de la haute Moulouya et contexte topoclimatique en hiver.

Figure 7 - Coupe schématique de la haute Moulouya et contexte topoclimatique en hiver.

42Au centre de la plaine, l'air réchauffé subit des mouvements ascendants. Le ciel est clair, avec quelques nuages lenticulaires détachés du mur de fœhn qui se dirigent vers le jbel Ayachi tout en se desséchant. Sous l'effet des ascendances thermiques, le plancher des nuages d'altitude s'élève et le courant en direction du jbel Ayachi s'affaiblit. Par ailleurs, les flux d'air qui descendent du Moyen Atlas peuvent se décoller des pentes, ce qui entraîne l'apparition de mouvements tourbillonnaires : rotor. Lorsque les courants d'altitude arrivent sur le jbel Ayachi, l'air tend à se saturer de nouveau, mais la masse nuageuse n'a pas la même ampleur que sur le Moyen Atlas.

43Ainsi les précipitations hivernales sont-elles faibles sur la plaine, alors même qu'elles sont abondantes sur les massifs alentours.

44À Midelt, l'essentiel des précipitations est associé à des flux "régionaux" de secteur est, qui ne rencontrent pas d'obstacle pour pénétrer dans la Haute Moulouya (H. DELANNOY et M. LECOMPTE, 1980). Ces flux se produisent préférentiellement en dehors de la période froide, plus favorable aux circulations d'ouest. Cela explique les deux maximums, automnal et printanier.

45L'importance des précipitations estivales, qui occupent l'un des trois premiers rangs dans 57 % des cas observés, constitue l'une des principales originalités du climat "moulouyen" et, plus généralement, des climats montagnards du Maroc central (G. MAURER, 1980). En effet, ces régions peuvent connaître en été un temps chaud et orageux (D. NOIN, 1963). Les turbulences ascendantes au-dessus de la plaine surchauffée déterminent alors des précipitations estivales souvent supérieures à ce que l'on observe sur les plaines plus basses.

VI - Les températures

46La température moyenne annuelle est de 14,3°C, avec une moyenne des minima journaliers de 7,6°C et une moyenne des maxima journaliers de 21,0°C.

47À l'échelle mensuelle, les températures moyennes sont comprises entre 6,5°C en décembre et 24,4°C en juillet. Les valeurs moyennes des minima journaliers vont de 0,6°C en janvier à 16,3°C en juillet et celles des maxima journaliers de 12,1°C en décembre à 32,6°C en juillet (Fig. 8).

Figure 8 - Moyennes mensuelles des températures moyennes journalières, des températures minimales journalières et des températures maximales journalières à la station de Midelt sur la période 1957­1989.

Figure 8 - Moyennes mensuelles des températures moyennes journalières, des températures minimales journalières et des températures maximales journalières à la station de Midelt sur la période 1957­1989.

48Les mois de janvier et de décembre fournissent les plus basses valeurs moyennes des températures minimales journalières : -3,1°C en janvier 1957 et -2,3°C en décembre de la même année (Fig. 9). À l'opposé, juillet et août présentent les valeurs les plus élevées : respectivement 13,8 et 13,9°C en 1977.

Figure 9 - Valeurs mensuelles les plus hautes et les plus basses des moyennes des températures journalières minimales et maximales à la station de Midelt sur la période 1957­1989.

Figure 9 - Valeurs mensuelles les plus hautes et les plus basses des moyennes des températures journalières minimales et maximales à la station de Midelt sur la période 1957­1989.

49Les minima absolus mensuels sont toujours négatifs, de ­0,9 à -13,4°C en janvier et de ­0,8 à -13,5°C en décembre. La moyenne des minima absolus mensuels atteint respectivement -4,7 et -3,6°C pour ces deux mois. Près de 80 % des années d'observation montrent une température minimale absolue entre -2 et -5°C. La fréquence des températures inférieures à 0°C est moindre au début du printemps (moyenne des minima absolus mensuels de -1,5°C) et à la fin de l'automne (moyenne des minima absolus mensuels de ­1,0°C).

50Les premières gelées se produisent assez souvent en novembre et les dernières en avril ; les gelées sont extrêmement rares en octobre et en mai. Le nombre annuel de jours de gel est compris entre 17 et 65, avec une moyenne de 38,3. Le risque est élevé en décembre (11,4 jours en moyenne), en janvier (13 jours en moyenne) et en février (7 jours en moyenne). Janvier et décembre ont connu 29 et 24 jours de gel respectivement en 1957 ; février en a connu 18 en 1959.

51Les jours où la température reste constamment inférieure à 0°C sont exceptionnels. Sur 33 ans d'observation, pour le mois de janvier, on en a relevé cinq en 1965, un en 1976 et un en 1985 ; et pour le mois de décembre, trois en 1967, un en 1969 et deux en 1979.

52Les jours où la température minimale est égale ou inférieure à -5°C sont rares à Midelt. Leur fréquence est la plus élevée en décembre, qui connaît un jour de gelée sévère par an en moyenne. Le mois de janvier vient ensuite, mais loin derrière.

53Du fait de sa sévérité toute relative, le gel ne peut pas avoir de répercussion sur le comportement de l'alfa.

54Juillet et août 1988 offrent les plus fortes valeurs moyennes des températures maximales journalières, soit respectivement 32,6 et 32,1°C. Les valeurs relevées chaque année sont comprises entre 30,3 et 34,2°C pour juillet et entre 30,4 et 34,2°C pour août. Au cours de la journée, la température atteint fréquemment 35 à 36°C en juillet. La fourchette est plus large en août : de moins de 34°C à plus de 37°C.

55Le nombre de jours où la température dépasse 30°C dans la journée varie de 36 à 87 par an, avec une moyenne de 67,6. Des températures supérieures à 30°C peuvent être observées de mai à septembre. Mais leur fréquence est bien sûr particulièrement élevée en juillet et en août, mois au cours desquels les températures maximales journalières ne restent presque jamais en dessous de cette valeur.

VII - Les autres paramètres climatiques

56La valeur annuelle moyenne de l'humidité relative avoisine 50 % seulement. L'Alfa baigne donc le plus souvent dans de l'air sec. De ce fait, le nombre annuel moyen de jours avec brouillard atteint 5,5 et celui des jours avec rosée 6,5 seulement. Les valeurs les plus faibles du degré hygrométrique (de l'ordre de 35 %) sont observées en juillet et en août, alors que les valeurs les plus fortes (de l'ordre de 59 %) le sont en novembre et en décembre.

57Le nombre annuel moyen de jours avec gelée blanche, par opposition à la gelée dite noire (J. KESSLER et al., 1990), avoisine 16, avec une nette concentration sur la saison hivernale (12,5 jours/an). Néanmoins, il n'est pas rare que ce phénomène se produise au printemps, et plus particulièrement au mois de mars (1,2 jour/an en moyenne).

58Du fait de son orientation et de son évasement, la haute plaine de la Moulouya est soumise aussi bien aux vents venant de l'Atlantique qu'à ceux qui descendent des hauts plateaux.

59Quel que soit le mois, le vent de secteur ouest est de loin le plus fréquent et le plus fort. Il souffle 56 % du temps et sa vitesse moyenne est de 84 km/h. On peut lui associer le vent d'ouest-sud-ouest, également assez violent (77 km/h en moyenne), mais de fréquence beaucoup plus faible (14 % du temps).

60La violence du vent est favorisée par l'effet VENTURI, occasionné par la double barrière montagneuse. Midelt subit des vents forts (> 58 km/h) 92 jours par an en moyenne (soit environ un jour sur quatre). Le seuil des 100 jours par an a une probabilité d'être dépassé de 45,5 %. Certaines années sont particulièrement ventées (comme 1988 et 1989). D'autres, au contraire, ne connaissent pratiquement pas de vents forts (4 jours seulement en 1961).

61Le printemps est en général la saison qui connaît le plus souvent des vents forts, avec 29 jours en moyenne (près d'un jour sur trois). L'été vient ensuite, devant l'hiver et l'automne. En été les vents forts provoquent souvent de véritables "brumes" de poussière.

62S'il n'est pas toujours violent, le chergui, vent du désert dévié au-dessus de l'Atlas qu'il franchit en direction de l'Atlantique (M. LEROUX, 2001-2002), est particulièrement redoutable. G. BIDAULT et J. DEBRACH (1948) en donnent la description suivante : "c'est un vent d'origine continentale soufflant d'entre est et sud ; il est sec, généralement chaud, parfois brûlant. Ses caractères sont loin d'être constants ; tantôt il souffle en rafales violentes, soulevant et transportant des nuées de poussières et pouvant se terminer en orage ; tantôt au contraire, l'air chaud et sec envahit lentement le Maroc par temps calme ; à peine peut-on parler d'un vent, c'est l'invasion lente d'une atmosphère étouffante". On notera toutefois que le chergui ne donne pas toute sa pleine mesure dans la région de Midelt, comme il le fait sur les plaines littorales après avoir été encore réchauffé et asséché par un effet de fœhn.

63Le nombre annuel moyen de jours avec chergui atteint 12,3. Toutefois les fluctuations interannuelles sont très fortes, puisque le nombre annuel de jours varie de 0 (10 années sur 33) à 96 (en 1962). On notera également que si le chergui a soufflé 31,4 jours par an en moyenne de 1957 à 1968, il s'est fait très rare de 1969 à 1989 (1 à 7 jours par an ; moyenne de 1,85 jour par an).

64Le chergui souffle surtout en été et tout particulièrement en juillet et en août. Le printemps est la deuxième saison pour l'occurrence de ce vent. Le chergui ne se manifeste que très rarement en hiver (2 années sur 33 : 1962 et 1963).

65Si elle est largement soumise aux vents d'ouest, du fait du fonctionnement décrit sur la figure 7, Midelt et sa région se trouvent le plus souvent sous un ciel dégagé ou peu nuageux, ce qui explique la durée très élevée de l'ensoleillement annuel : 3184 heures.

66En moyenne, les mois les moins ensoleillés sont novembre, décembre, janvier et février (221 à 229 heures) et les plus ensoleillés, mai, juin, juillet et août (290 heures au moins et jusqu'à 321 heures en juillet).

67Les jours sans insolation sont très rares (entre 0 et 9 par an – 3,6 en moyenne). De 1957 à 1989, juillet n'a connu aucun jour sans insolation, août un seul jour, juin et septembre deux jours.

VIII - Aperçu de la sécheresse

68Il n'est pasdans notre propos d'approfondir ici les différents concepts liés à la sécheresse ni d'apprécier les méthodes d'estimation utilisées. Pour plus de détail, le lecteur peut se référer, par exemple, aux travaux de P. DAGET (1986) et de F. LEBOURGEOIS et C. PIEDALLU (2005) dans lesquels est présenté un large éventail d'indices bioclimatiques utilisables dans les études écologiques.

69Nous avons apprécié la longueur de la période sèche à travers le nombre de mois où la pluviosité moyenne est inférieure ou égale à 2T (H. GAUSSEN, 1949) (Fig. 10). Ainsi que l'a souligné P. CURE (1964), cette méthode n'est pas fondée sur des théories physiques du climat, mais seulement sur l'expérience acquise par son auteur sous de nombreux climats. En dépit de son caractère empirique, elle a souvent démontré son utilité (N.H. LE HOUÉROU, 1990).

Figure 10 - Valeurs mensuelles moyennes des précipitations et de la température à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

Figure 10 - Valeurs mensuelles moyennes des précipitations et de la température à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

70Sur la période 1957-1989, le nombre annuel de mois secs varie de un (1972) à douze (1980 et 1984) (Fig. 11). La valeur moyenne s'établit à 9 mois par an. L'indice xérothermique de H. GAUSSEN (1963) complète cette description. Il indique 270 jours biologiquement secs par an en moyenne. Les valeurs mensuelles les plus élevées correspondent à juillet et août (28 et 26 jours respectivement) et les valeurs les plus faibles à février et avril (20 jours).

Figure 11 - Nombre annuel de mois secs (P<2T) à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

Figure 11 - Nombre annuel de mois secs (P<2T) à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

71À Midelt, l'alfa connaît la sécheresse au moins six mois par an dans 97 % des cas. Les années avec 7 à 10 mois secs ont une probabilité d'occurrence d'environ 70 %. Enfin, les années avec plus de 10 mois secs représentent de l'ordre de 15 % des cas.

72Juillet et août ont été toujours secs (Fig. 12). Septembre a été sec dans 91 % des cas, juin dans 85 % des cas, octobre dans 82 % des cas et décembre dans 76 % des cas. Les plus faibles probabilités d'occurrence concernent février et avril (51,5 % des cas) Tous les mois connaissent la sécheresse au moins une année sur deux en moyenne.

Figure 12 - Mois secs et "humides" relevés annuellement à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

Figure 12 - Mois secs et "humides" relevés annuellement à la station de Midelt sur la période 1957-1989.

73À l'échelle des saisons, l'été, qui apparaît sec dans 95 % des cas, se classe devant l'automne (76 % des cas), l'hiver (64 % des cas) et le printemps (63 % des cas).

IX - Conclusion

74La plaine de Midelt fournit un exemple particulier des climats sous lesquels se développe l'alfa. En effet, son altitude relativement élevée, ainsi que son enclavement, contribuent largement à l'individualisation d'un climat local favorable au développement de l'alfa. Dépression intramontagnarde que surplombent au sud l'imposant relief de l'Ayachi, obstacle aux influences sahariennes, et au nord la large chaîne du Moyen Atlas, barrière aux influences atlantiques, la plaine de Midelt manifeste une forte continentalité climatique.

75Quatre saisons s'individualisent assez bien sur le plan pluviométrique. Les maximums se placent au printemps et en automne. Le régime pluviométrique est de type PAHE, ce qui le différencie de celui qui prévaut sur les massifs et plateaux environnants (HPAE). Les vents d'ouest, porteurs des influences océaniques, sont pourtant très fréquents. Mais, du fait de l'effet de fœhn déterminé par le Moyen Atlas, la plaine connaît des hivers relativement secs. Les vents d'est, qui se manifestent rarement en hiver, ne sont pas soumis à un effet similaire et apportent l'essentiel des précipitations.

76Si l'été est généralement la saison la plus sèche, les turbulences ascendantes qui s'établissent alors au-dessus de la plaine surchauffée, provoquent des orages. Les précipitations estivales sont donc ici relativement abondantes par rapport à d'autres régions, surtout en juin. En été, et dans une moindre mesure au printemps, souffle parfois le chergui, vent très chaud et sec venant du sud-est ou du sud. Mais l'impact de ce vent est ici moins sensible que sur les plaines littorales

77Sur le plan thermique, les saisons défavorables correspondent aux saisons les moins arrosées. Mais l'alfa est parfaitement adapté à ce régime pluvio-thermique bimodal, car il peut se mettre en repos végétatif aussi bien en été qu'en hiver. L'Alfa supporte ainsi, sans grand dommage, des froids rigoureux de l'ordre de -13°C et des chaleurs de l'ordre de 37°C.

Remerciements : Merci à Claude MARTIN pour sa relecture de la version révisée de l'article et à Jean-Louis BALLAIS pour la traduction du résumé en anglais.

Haut de page

Bibliographie

AÏDOUD A., LE FLOC'H E et LE HOUÉROU H.N. (2006) - Les steppes arides du nord de l'Afrique. Sécheresse, vol. 17, n° 1-2, p. 19-30.

ARONSON J., FLORET C., LE FLOC'H E, OVALLE C. et PONTANIER R. (1995) - Restauration et réhabilitation des écosystèmes dégradés en zones arides et semi-arides. Le vocabulaire et les concepts. In : L'Homme peut-il refaire ce qu'il a défait ?, Édit. John LIBBEY Eurotext, Paris, R. PONTANIER, A. M'HIRI, N. AKRIMI, J. ARONSON et E. LE FLOC'H édit., p. 11-29.

BARBERO M. et QUÉZEL P. (1995) - Desertification, desertisation, aridification in the mediterranean region and global changes. In : Functionning and dynamics of natural and perturbed ecosystems, Édit. LAVOISIER, Paris, p. 549-579.

BIDAULT G. et DEBRACH J. (1948) - Physique du globe et météorologie au Maroc ; état de nos connaissances en 1947. Soc. Sc. Nat. Maroc, volume jubilaire, p. 55-92.

CURE P. (1964) - Représentation synthétique des climats. Doc. Cart. Prod. Vég., Série "Généralités", vol. 3 (art.1), p. 55-114.

DAGET P. (1967) - Étude phyto-climatique d'une région de moyenne montagne : la Margeride. Édit. CNRS/CEPE, Document n° 36, p. 1-186.

DAGET P. (1986) - Classification des climats. Cours post universitaire, UNESCO, 150 p.

DELANNOY H. et LECOMPTE M. (1980) - Utilisation de l'analyse factorielle des correspondances pour l'étude des précipitations quotidiennes : un exemple au Maroc. Méditerranée, n° 4, p. 29-36.

DRESCH J. (1982) - Géographie des régions arides. Édit. PUF, Paris, 277 p.

EL GASMI B. (1987) - Piémont du Haut Atlas de Midelt "Maroc" : phénomène de désertification et perspectives d'aménagement. Thèse de 3ème cycle, Univ. Paul Sabatier, Toulouse, 131 p. + annexes.

EL HAI H. (1968) - Biogéographie. Édit. Armand COLIN, Paris, 406 p.

EMBERGER L. (1939) - Aperçu général sur la végétation du Maroc. Commentaire de la carte phytogéographique du Maroc. Veröff. Geobot. Inst. Rübel in Zurich, vol. 4, p. 40-157.

EMBERGER L. (1971) - Considérations complémentaires au sujet des recherches bioclimatiques et phytogéographiques-écologiques. In : Travaux de botanique et d'écologie de Louis Emberger, livre jubilaire, Édit. MASSON, Paris, p. 291-301.

EMBERGER L. et LEMÉE G. (1962) - Écologie végétale. In : Les problèmes des zones arides, Édit. UNESCO, Recherche zone aride, Paris, vol. XVIII, p. 215-229.

GAUSSEN H. (1949) - Projets pour diverses cartes du Monde au 1/1000000. La carte écologique du tapis végétal. Ann. Agro., série X, vol. 1, p. 78-102.

GAUSSEN H. (1963) - Carte bioclimatique de la zone méditerranéenne. Notice explicative. Edit. UNESCO, n° 21, 60 p.

GODRON M., DAGET P., EMBERGER L., LE FLOC'H E., POISSONET J., SAUVAGE C. et WACQUANT J.P. (1968) - Code pour le relevé méthodique de la végétation. Principes et transcription sur cartes perforées. Édit. CNRS, Paris, 169 p.

HOFF C. et RAMBAL S. (1999) - Les écosystèmes forestiers méditerranéens face aux changements climatiques. C. R. Acad. Agric. France, vol. 85, p. 53-57.

IONESCO T. et SAUVAGE C. (1966) - Fichier des espèces climax. Al Awamia, vol. 20, p. 103-124.

JACQ V. (2008) - Les modèles de prévision météorologique en région méditerranéenne. Forêt méditerranéenne, Actes du colloque "Changements climatiques et forêt méditerranéenne" (2007), vol. XXIX, n° 2, p. 107-112.

KESSLER J., PERRIER A. et DE PESCARA C. (1990) - La météo agricole. Édit. Météole, Nangis, 193 p.

LEBOURGEOIS F. et PIEDALLU C. (2005) - Appréhender le niveau de sécheresse dans le cadre des études stationnelles et de la gestion forestière à partir d'indices bioclimatiques. Rev. For. Franç., vol. LVII, p. 331-355.

LECOMPTE M. (1973) - Analyse des rapports climat-végétation par une méthode d'échantillonnage continu. Bull. Soc. Sci. Nat. et Phys. Maroc, vol. 53, n° 1-2, p. 37-61.

LECOMPTE M. (1986) - Biogéographie de la montagne marocaine : le Moyen-Atlas central. Mém. et Doc. Géographie, Édit. CNRS, Paris, 202 p.

LECOMPTE M. (1989) - La question des limites climatiques à travers la climatologie et la phyto-climatologie dynamique. La Météorologie, vol. 29, p. 3-8.

LE HOUÉROU H.N. (1979) - La désertisation des régions arides. La recherche, vol. 99, p. 336­344.

LE HOUÉROU H.N. (1984) - An outline of the bioclimatology of Libya. Bull. Soc. Bot. Fr., vol. 131, n° 2-3-4 (Colloque de Bioclimatologie Méditerranéenne, Montpellier, 1983), p. 157­178.

LE HOUÉROU H.N. (1990) - Recherches écoclimatiques et biogéographiques sur les zones arides (s.l.) de l'Afrique du Nord. Thèse de Doctorat d'État, Université Paul Valéry, Montpellier, 2 tomes (184 p. et 189 p.) + annexes (182 p.).

LE HOUÉROU H.N. (1993) - Évolution climatique et désertisation. Impact : science et société, vol. 166, p. 193-209.

LE HOUÉROU H.N. (1995) - Considérations biogéographiques sur les steppes arides du nord de l'Afrique. Sécheresse, vol. 6, n° 2, p. 167-182.

LE HOUÉROU H.N., CLAUDIN J. et POUGET M. (1977) - Étude bioclimatique des steppes algériennes. Bull. Soc. Hist. Nat. Afrique du Nord, vol. 68, n° 3-4, p. 33-74, avec une carte bioclimatique au 1/1000000.

LEROUX M. (2001-2002) - Les climats subtropicaux dits "méditerranéens" et les climats de la Méditerranée. L'information géographique, vol. 65, n° 4, p. 304-320 et vol. 66, n° 1, p. 34-52.

LONG G. (1974) - Diagnostic phyto-écologique et aménagement du territoire. Tome 1 : Principes généraux et méthodes. Recueil, analyse, traitement et expression cartographique de l'information. Édit. MASSON, Paris, 252 p.

MAURER G. (1980) - Montagnes et bassins du Maroc central. Études Méditerranéennes, vol. 2, p. 57­86.

NOIN D. (1963) - Types de temps d'été au Maroc. Ann. Géo., vol. 389, p. 1-12.

PEYRE C. (1975) - Contribution à l'étude de la végétation du Moyen Atlas oriental. Le versant sud oriental du massif du Bou Iblane. Trav. RCP 249, CNRS, vol. III, p. 97-142.

PEYRE C. (1978) - Sur la valeur discriminatoire du paramètre m en bioclimatologie marocaine. Bull. Inst. Scientifique, Rabat, vol. 2, p. 61-68.

PUJOS A. (1955) - Sur un sous-étage de végétation méditerranéen  aride froid à chénopodiacées et la présence de l'étage méditerranéen saharien dans le bassin de la Moulouya (Maroc). C.R. Acad. Sci.,Paris, t. 240, p. 1010-1012.

QUEZEL P. (1995) - La flore du bassin méditerranéen : origine, mise en place, endémisme. Écol. Méd., vol. XXI, n° 1-2, p. 19-39.

RAMEAU JC (1999) - Aménagement forestier, importance de l'écologie, prise en compte de la biodiversité. Rev. For. Franç., vol. LI, numéro spécial, p. 87-101.

RAYNAL R. (1961) - Plaines et piedmonts du bassin de la Moulouya. Édit. Inframar., Rabat, 617 p.

RHANEM M. (sous presse) - Quelques résultats obtenus par l'analyse de l'information mutuelle sur les observations phyto-écologiques recueillies dans la vallée des Aït-Bou-Guemmez (Haut Atlas, Maroc). Flora mediterranea (sous presse).

RIVAS-MARTINEZ S. (1982) - Étages bioclimatiques, secteurs chonologiques et séries de végétation de l'Espagne méditerranéenne. Ecologia Mediterranea (Actes du colloque "Définition et localisation des écosystèmes méditerranéens terrestres", Saint-Maximin), vol. VIII, p. 275-288.

ROMANE F. (1987) - Efficacité de la distribution des formes de croissance des végétaux pour l'anlyse de la végétation à l'échelle régionale. Cas de quelques taillis de Chêne vert du Languedoc. Thèse de Doctorat d'État, Univ. Aix-Marseille III, 153 p.

WHITTAKER R.H. (1967) - Gradient analysis of vegetation. Biol. Rev., vol. 42, p. 207­267.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1 - Localisation du terrain d'étude et de la ville de Midelt (G. MAURER, 1980).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 256k
Titre Photo 1 - La plaine de Midelt dominée par le jbel Ayachi.
Légende La vue est prise de Midelt en direction du sud. On devine le relèvement de la limite infra-forestière d'ouest en est, parallèlement à celui de l'enneigement.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Photo 2 - La terminaison orientale du jbel Ayachi vue de la station météorologique de Midelt.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Figure 2 - Transect topo-phytogéographique schématique de la haute plaine de la Moulouya entre Aït Oufella et Zebzat, prolongé aux versants des Moyen et Haut Atlas.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
Titre Figure 3 - Précipitations annuelles à Midelt de 1957 à 1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Titre Figure 4 - Précipitations mensuelles moyennes, minimales et maximales à Midelt de 1957 à 1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Titre Figure 5 - Précipitations mensuelles moyennes et médianes à Midelt de 1957 à 1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
Titre Tableau I - Précipitations saisonnières à Midelt sur la période 1957­1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 32k
Titre Figure 6 - Fréquence des rangs occupés par les saisons sur la période 1957­1989 (33 années).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre Figure 7 - Coupe schématique de la haute Moulouya et contexte topoclimatique en hiver.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Figure 8 - Moyennes mensuelles des températures moyennes journalières, des températures minimales journalières et des températures maximales journalières à la station de Midelt sur la période 1957­1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Figure 9 - Valeurs mensuelles les plus hautes et les plus basses des moyennes des températures journalières minimales et maximales à la station de Midelt sur la période 1957­1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Titre Figure 10 - Valeurs mensuelles moyennes des précipitations et de la température à la station de Midelt sur la période 1957-1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Figure 11 - Nombre annuel de mois secs (P<2T) à la station de Midelt sur la période 1957-1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Figure 12 - Mois secs et "humides" relevés annuellement à la station de Midelt sur la période 1957-1989.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/docannexe/image/696/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Mustapha Rhanem, « L'alfa (Stipa tenacissima L.) dans la plaine de Midelt (haut bassin versant de la Moulouya, Maroc) – Éléments de climatologie »Physio-Géo, Volume 3 | -1, 1-20.

Référence électronique

Mustapha Rhanem, « L'alfa (Stipa tenacissima L.) dans la plaine de Midelt (haut bassin versant de la Moulouya, Maroc) – Éléments de climatologie »Physio-Géo [En ligne], Volume 3 | 2009, mis en ligne le 11 janvier 2009, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/physio-geo/696 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/physio-geo.696

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search