1L'étude d'un territoire offrant plusieurs sites archéologiques, pris au sens large, est actuellement en cours en Moyenne-Égypte, dans la province d'El-Minia, sur la rive orientale du Nil (Fig. 1 et 2), sous la direction de l'Institut d'Égyptologie de l'Université de Tübingen. Les travaux s'appuient sur des sondages et des prospections archéologiques, des fouilles planimétriques (B. HUBER, 1998, 2004-a, 2004-b, 2006 et 2008) et des carottages à la tarière à main (B. MOULIN et B. HUBER, 2009). Les investigations présentées ici ont d'abord pour objectif de mettre en évidence, sur la partie nord de ce territoire (la bordure occidentale du Gebel Qarara), les éléments de géologie (lithologie, tectonique) qui ont influé directement sur la géomorphologie locale. Ces éléments peuvent aider à mieux comprendre comment les occupants successifs, de l'Ancien Empire jusqu'après l'époque romaine tardive / byzantine, ont choisi leurs implantations (habitats, nécropoles, ateliers), que ce soit en fonction du relief, des qualités lithologiques du substrat ou de la proximité de matières premières utilisables. Il s'agit notamment de savoir dans quel contexte sédimentaire se situent les occupations humaines, mais aussi de déterminer comment les processus sédimentaires holocènes ont contribué à sceller les vestiges archéologiques. Enfin, des données plus ponctuelles donnent des exemples d'une activité humaine ayant généré de grandes quantités de sédiments d'origine anthropique qui marquent encore le paysage.
Figure 1 - Localisation du Gebel Qarara.
Source : Google Earsh, Data SIO, NOAA, U.S. Navy, NGA, GEBCO, 2010 Cnes/Spot Image, Image 2010 Digital Globe, Image 2010 GeoEye.
Figure 2 - Le secteur d'étude dans le contexte régional.
Source : Google Earth, Data SIO, NOAA, U.S. Navy, GEBCO, 2010 Cnes/Spot Image, Image 2010 Digital Globe).
2Lancés en 1981, les premiers travaux de ce projet, financé par la Deutsche Forschungsgemeinschaft, consistèrent uniquement en prospections archéologiques (F. GOMAA et al., 1991). À partir de 1984, des fouilles furent entreprises sur le site de Kôm el-Ahmar / Šaruna, à une dizaine de kilomètres au sud de Qarara. Limités au départ uniquement à l'étude des tombes de la nécropole rupestre (VIème dynastie – époque ptolémaïque) situées à la limite du désert (W. SCHENKEL et F. GOMAA, 2004), les travaux se sont ensuite réorientés vers l'étude du site d'habitat en terre crue (tell) d'époque pharaonique (B. HUBER, 1998), des ruines de la basilique d'âge romain tardif / byzantin (IVème-VIIIème siècles après J.C. ; B. HUBER, 2004-a), du cimetière qui lui est associé et des ermitages de la même période (B. HUBER, 2004-b et 2006). Nous avions alors entrepris dans un premier temps une étude géo-archéologique et sédimentologique du site de Kôm el-Ahmar / Šaruna, principalement par carottages à la tarière à main, dans le but de reconstituer la géométrie des dépôts holocènes de la plaine alluviale du Nil sur sa bordure orientale en relation avec les occupations humaines, en particulier avec les habitats en terre crue d'époque pharaonique et les vestiges d'âge romain tardif / byzantin et de tenter de restituer ainsi l'histoire morpho-sédimentaire de ce secteur (B. MOULIN et B. HUBER, 2009).
3Plus récemment, des investigations archéologiques ont été menées à Qarara (B. HUBER, 2008) et dans les environs, afin de redéfinir le contexte des fouilles anciennes qu'avait effectuées H. RANKE (1926) en 1913-1914. C'est dans le cadre précis de ces nouvelles recherches que nous avons réalisé les travaux présentés ci-dessous, d'une part, pour comprendre le contexte géomorphologique des divers sites archéologiques dans un cadre élargi et, d'autre part, pour préciser le contexte sédimentaire holocène de ces sites à proximité du village de Qarara dans la continuation des travaux entrepris à Kôm el-Ahmar / Šaruna. La bordure occidentale du Gebel Qarara, qui a fait l'objet d'investigations archéologiques à plusieurs reprises depuis près d'un siècle, est en outre un site important pour la géologie régionale, puisque c'est là qu'Y. BISHAY (1966) a décrit l'une des sections de référence de l'Éocène moyen égyptien : la Formation de Qarara.
4Qarara (Izbet Qarara) est connu sous les noms antiques d'Hipponon, de Kastra Hipponon et de Phylake Hipponos (M.R. FALIVENE, 1998). Située au sud d'Ankyron Polis (actuelle El-Hiba) et au nord-est d'Oxyrhynchus (actuelle El-Bahnasa), cette cité appartenait alors au nome d'Herakléopolite. L'actuelle bourgade de Qarara s'est établie entre le Nil et le Gebel Qarara (Photo 1), lequel constitue, lorsqu'on parcourt la vallée du Nil depuis l'aval, le premier relief important de la rive orientale du fleuve depuis les escarpements du Moqattam à l'est du Caire. Son altitude relativement élevée (228 m), au-dessus de la plaine alluviale (35 m), et son profil tabulaire caractéristique en font un élément remarquable du paysage. Le village est dominé par le mausolée du Sheikh Moubarak que G. FLAUBERT a visité en juin 1850 lors d'une étape de son "Voyage en Orient" (2006). C'est sur le pourtour du Gebel Qarara (emplacement non connu avec précision) qu'a été découvert, à la fin des années 1970, l'"Évangile de Judas", un codex sur papyrus daté de la fin du IIIème siècle ou du début du IVème siècle, contenant des textes gnostiques (A. MASSIE, 2007).
Photo 1 - Le Nil à Qarara, vu vers l'ouest, depuis les premiers contreforts du Gebel Qarara. [cliché : B. MOULIN, 2009]
Le lit mineur du fleuve, avec ses nombreuses îles, est fortement décalé sur la bordure orientale de sa plaine alluviale, large ici d'une vingtaine de kilomètres.
5En périphérie du Gebel Qarara, principalement sur son piémont occidental, les occupations humaines, datant de l'Ancien Empire à l'époque post-byzantine, sont réparties sur un territoire relativement vaste (environ 8 km²) comprenant, du nord au sud les sites suivants : ateliers de taille de silex d'époque pharaonique et structures d'habitat en pierre sèche d'époque romaine tardive / byzantine au nord et à l'est de Qasr el-Banat ; tombes rupestres sur la crête rocheuse à l'ouest de Qasr el-Banat ; site d'occupation et nécropole d'âge romain tardif / byzantin à Qasr el-Banat ; petits ermitages coptes disséminés sur toute la bordure occidentale du Gebel Qarara ; temple anépigraphe (dont la datation pourrait se placer entre la troisième période intermédiaire et l'époque ptolémaïque – B. HUBER, 2008) à l'emplacement du village actuel de Qarara ; site d'habitat de Kôm el-Ahmar et nécropole d'âge romain tardif / byzantin au sud du cimetière musulman actuel de Qarara (B. HUBER, 2008) ; nécropole d'El-Wahdet d'époque ptolémaïque-romaine ; importante occupation d'âge byzantin / post-byzantin de Malqatta à l'extrémité sud-ouest du plateau sommital ; occupations troglodytiques d'âge romain tardif / byzantin de Maghayir el-Hib ; et structures d'habitat en pierre sèche entre Malqatta et Maghayir el-Hib au sud. Il s'est avéré, lors des prospections archéologiques auxquelles nous avons participé, que la compréhension du contexte général du relief et de l'implantation de ces sites dans le territoire passait par une étude qui, sans qu'il soit nécessaire de trop l'approfondir, devait prendre en compte les aspects lithologiques et tectoniques de cette micro-région, aspects négligés jusqu'à présent.
6Alors que les reliefs longeant la Mer Rouge (partie orientale du désert oriental) et le Soudan septentrional-oriental sont constitués de formations ignées et métamorphiques d'âge précambrien (massif arabo-nubien, basement complex,1300-600 Ma; W.M. MESHREF, 1990 ; R. SAID, 1990), le désert occidental, les rives de la vallée du Nil et la partie occidentale du désert oriental sont constitués de formations de plateforme carbonatée (M.A. KHALIFA et al., 2004 ; M.S. ABU EL GHAR et A.W. HUSSEIN, 2005), en majeure partie d'âge éocène en Moyenne-Égypte, à nummulites, orbitolines et alvéolines (P.D. GINGERICH, 1992).
7L'histoire géologique de la vallée du Nil est connue de façon détaillée grâce à de nombreux travaux et une importante littérature lui a été consacrée (R. SAID, 1981 et 1993) : au début du Miocène, le cours du Nil était alors bien différent de celui que nous lui connaissons actuellement ; depuis Assiout, il traversait le désert occidental pour aller rejoindre la partie orientale de la dépression de Qattara. Suite à un léger basculement d'origine tectonique, il modifia son cours pour prendre celui, sud-nord, qui est encore son cours actuel. À la fin du Miocène (Messinien), consécutivement à un assèchement généralisé de la Méditerranée, le Nil ("Eonile") surcreusa son lit et transforma sa vallée en un profond canyon (-170 m à Assouan, -800 m à Assiout et -2500 m au nord du Caire). Au Pliocène ancien, suite à la réouverture du détroit de Gibraltar, la Méditerranée connu une importante transgression marine et le canyon du Nil fut ennoyé jusqu'au sud d'Assouan ("Eonile / Paleonile Interval"). Au cours du Pliocène récent, le fleuve ("Paleonile") commença à combler progressivement le canyon qu'il avait précédemment creusé. Le Pleistocène ancien ("Paleonile / Protonile Interval") correspond à une période, d'une part, de forte sismicité et, d'autre part, d'importantes modifications climatiques : apparition du désert en Égypte, forte déflation éolienne. La seconde partie du Pleistocène se caractérise dans la partie sud de l'Égypte par une forte aridité ("Prenile"), encadrée par deux courtes périodes pluviales ("Protonile" et "Prenile / Neonile Interval"). Au "Prenile", entre 700000 ans et 400000 ans, correspond une phase de dépôt qui accumule jusqu'à 1000 m de sédiments dans le delta. La dernière grande phase de l'histoire du Nil ("Neonile";de -400000 ans à l'Actuel) est une succession de périodes de comblements alluviaux, caractérisées par des apports de limons, et de périodes d'érosion, durant lesquelles les dépôts de wadi et les apports de versants supplantent la sédimentation alluviale du fleuve. Les dépôts du "Neonile" ont été subdivisés en trois séquences (Basal Neonile deposits, Older Neonile deposits et Younger Neonile deposits), les deux premières appartenant au Pleistocène récent et la dernière correspondant à l'Holocène. Vers -12000 ans BP, des mouvements tectoniques ont conduit à la formation puis à la vidange vers le nord du lac Victoria, entraînant une période de crues importantes (E. DUCASSOU, 2006). L'Holocène débute par une phase de forte érosion (Dishna-Ineiba recession), puis une phase de comblement lui fait suite, permettant le dépôt de séquences de limons d'inondations tels que ceux que nous avons pu observer sur le site. Il est généralement admis que régime du Nil a été plus ou moins constant durant les derniers 9000 ans, que le fleuve a acquis son gradient de pente actuel à cette période en Égypte et que depuis 4000 ans, il ne creuse plus sa vallée mais la comble (R. SAID, 1993; E. DUCASSOU, 2006) ; toutefois, cette durée de quatre millénaires nous paraît faible au vu des données recueillies à Kôm el-Ahmar / Šaruna (B. MOULIN et B. HUBER, 2009). Plusieurs travaux montrent que le Nil avait un cours plus sinueux et un tressage plus marqué durant l'époque pharaonique qu'actuellement (K. BUTZER, 1976 ; A. GRAHAM, 2010). Dans le fleuve actuel, environs 95 % des sédiments transportés sont issus des plateaux éthiopiens (E. DUCASSOU, 2006). Les estimations du taux de sédimentation des limons de crue dans la plaine du Nil en Haute-Égypte avant la réalisation du barrage d'Assouan sont d'environ un mètre par millénaire. Sur le site de Kôm el-Ahmar / Šaruna, au sud de Qarara, les premiers occupants se sont installés à la période prédynastique aux environs de 27 m d'altitude sur une couche de sable éolien adossée au substrat rocheux. D'après les données de carottages, le niveau de la plaine du Nil devait alors se situer en contrebas, vers 21 m d'altitude. À l'Ancien Empire, la plaine alluviale du Nil devait se situer vers 23-24 m à l'ouest du Kôm 'Izba. Pour la période allant du Romain tardif / Byzantin à l'Actuel, un taux de sédimentation d'environ 1,80 m par millénaire a pu être proposé pour ce site (B. MOULIN et B. HUBER, 2009). Le lit majeur du Nil mesure, dans cette partie de l'Égypte, environ 20 km de large et le fleuve coule à l'est de sa plaine alluviale, ne laissant que peu de terres alluviales entre son cours et le désert oriental. Le fleuve a modifié à plusieurs reprises la position de son lit mineur au cours des temps historiques. Encore récemment, celui-ci se ramifiait au nord de Šaruna en plusieurs bras : un de ceux-ci passait nettement plus à l'est qu'actuellement, immédiatement au sud-est du Gebel Qarara ; ce bras a été abandonné durant la seconde moitié du XXème siècle et la bourgade de Gazirat Šaruna, littéralement "l'Île de Šaruna", n'est actuellement plus une île. De nouvelles îles ont vu le jour, d'autres ont vu leur physionomie se modifier (A. GRAHAM, 2010). En revanche, le Nil longe encore les reliefs du désert oriental au nord du village de Qarara (Photo 1) et au pied du site de Qasr el-Banat (voir Fig. 8).
8Dans le secteur qui nous intéresse, à l'est d'El-Minia et de Beni Suef, le désert oriental est constitué pour l'essentiel d'un calcaire de plateforme d'âge éocène. Des linéaments NO-SE à ONO-ESE orientent les grands systèmes de wadi, qui sont, du nord au sud : le Wadi Sannur, le Wadi es-Sheikh, le Wadi el-Tarfa et le Wadi el-Tunawy, parfois très ramifiés et drainant de grandes surperficies (Fig. 2 et 3). Quelques wadi d'importance secondaire (Wadi Šaruna, Wadi Mihasham) drainent des bassins versants plus modestes au pied sud du Gebel Qarara, du Gebel Diya et du Gebel Mereir. Des travaux entrepris sur les sites tels que les grottes de Wadi Sannur (J. DOLSON et al., 2002; L.B. RAILSBACK et al., 2002; W. HALLIDAY, 2003) ou les mines de silex de Wadi esh-Sheikh (A.F. PAWLIK, 2000) soulignent l'intérêt géoarchéologique et paléoenvironnemental de cette région. Une étude spécialisée, réalisée à une douzaine de kilomètres au nord du Gebel Qarara, à El-Hibeh (M. MORGENSTEIN. et C.A. REDMOUNT, 2005), a permis de préciser les signatures géochimiques des sédiments du Nil et des formations carbonatées locales.
Figure 3 - Le système hydrographique de la bordure occidentale du désert oriental entre El-Minia et Beni Suef (d'après M. SULTAN et al., 2000).
9Le Gebel Qarara est situé sur la rive orientale du Nil, à 28° 38' de latitude Nord et à 30° 53' de longitude Est (Fig. 2). C'est un plateau tabulaire (Photos 2a et 2b) de 4,2 km de long sur 1,5 km de large, de forme presque losangique, orienté ONO-ESE, aux escarpements très abrupts (Photos 2b et 3) et dont la partie orientale atteint 228 m d'altitude, alors que la partie occidentale culmine à 213 m. Le Gebel Qarara est la prolongation occidentale du Gebel Diya, dont il est séparé par un petit col. Le Gebel Diya constitue la terminaison d'un vaste plateau dont la limite sud forme un long escarpement rectiligne orienté N 125°, le Gebel Mereir, avant la dépression bien marquée du Wadi el-Tarfa, empruntée par un axe important reliant Esh-Sheikh Fadl à Ras Gharib sur la rive de la Mer Rouge (M. SULTAN et al., 2000).
Photo 2 - Vues panoramiques du Gebel Qarara. [clichés : B. MOULIN, 2009 et 2010]
a ) L'aspect tabulaire du Gebel Qarara vu depuis Gazirat Sharouna vers l'est : entre le gebel et la plaine alluviale du Nil, plusieurs sites archéologiques (habitats et nécropoles) occupent le piémont occidental du gebel (village de Qarara, Qarara/Kôm al-Ahmar, El-Whadet, Mghayir el-Hib).
b ) La terminaison occidentale du Gebel Qarara vue depuis le sud : le plateau sommital se termine à Malqatta (213 m) ; il est prolongé vers l'ouest, après deux failles normales, par le synclinal du plateau intermédiaire, peu marqué dans sa terminaison méridionale, puis par plusieurs petits compartiments faillés et basculés, bien visibles sur la partie gauche de l'image.
c ) Vue vers l'ouest depuis le sommet du gebel montrant les différents ressauts qui prolongent le plateau sommital vers l'ouest : plusieurs compartiments faillés et basculés, ainsi qu'une structure synclinale, s'allongent ainsi selon un axe nord-sud, favorisant une topographie accidentée, dont les dépressions, qui correspondent souvent à des accidents tectoniques, sont occupés par les lits de wadi.
d ) Vue depuis le sud de la terminaison occidentale du désert oriental au pied du Gebel Qarara, au sud d'El-Wahdet. La faille la plus occidentale (F) met en contact les calcaires crayeux blancs de la partie sommitale de la série de Qarara à l'ouest, à fort pendage Est, avec le premier banc calcaire (replat médian) interstratifié dans les marnes de la base de la série, surmonté, après une récurrence de marnes, par les calcaires argileux jaunes à nummulites, puis par les calcaires blancs crayeux (sommet de la crête orientale à droite de l'image).
Photo 3 - Les escarpements du plateau tabulaire du Gebel Qarara à proximité de Malqatta, à son extrémité sud-ouest (vue vers la plaine du Nil, Gazirat Šaruna et Maghagha en arrière plan). [cliché : B. MOULIN, 2008].
10L'Éocèneaffleure sur environ 21 % du territoire égyptien (R. SAID, 1990). Il consiste en formations majoritairement calcaires (Fig. 4) se développant sur plusieurs centaines de mètres de puissance. Les formations-types ont été décrites déjà anciennement (P. de la HARPE, 1883), principalement le long de la vallée du Nil (R. SAID, 1990 ; E.E. TAWADROS, 2001), entre Louqsor et Le Caire.
Figure 4 - Le cadre géologique : les formations éocènes de plateforme carbonatée constituent une large part du territoire de la Moyenne Égypte (d'après le Geological Survey of Egypt, 1981, et P.D. GINGERICH, 1992).
11En Moyenne-Égypte, l'Éocène moyen et supérieur est bien représenté avec, successivement de la base au sommet, les formations suivantes :
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La Formation de Minia, 115 m (R. SAID, 1960 ; M.A. BOUKHARY et A.Y. ABDALLA, 1982 ; M.A. BOUKHARY et al., 2007) : la section-type décrite à Zawiet Saada, près de Beni Hassan, en face d'El-Minia, est constituée de calcaires blancs ("snow-white limestone") à alvéolines, d'une puissance de 80 m ou 93 m selon les auteurs ; elle a été décrite anciennement par P. de la HARPE en 1883 (Lutétien).
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La Formation de Samalut, 160 m (Y. BISHAY, 1961) : décrite en face de Samalut, sur la rive droite du Nil, près de Gebel el-Teir, elle est constituée d'un calcaire nummulitique massif, mal stratifié ("buff-coloured limestone").
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La Formation de Maghagha, 60 m (Y. BISHAY, 1966).
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La Formation de Qarara, 170 m (Y. BISHAY, 1966 ; Éocène moyen).
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La Formation d'El Fashn, 70 m (Y. BISHAY, 1966).
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La Formation de Beni Suef, 86 m (Y. BISHAY, 1966).
12Les Formations de Maghagha, Qarara et El Fashn sont rattachées au Mokkatam Group alors que la Formation de Beni Suef est raccordée au Maadi Group. Y. BISHAY (1966) a décrit la "Formation de Maghagha" d'après les affleurements du Gebel Sheikh Fadl et du Gebel Mereir, à peu de distance au sud et au sud-est de Qarara, comme des calcaires crayeux blancs et des marnes, d'une puissance maximale d'environ 80 m. Comme le souligne, E.E. TAWADROS (2001), toutes ces formations ne se superposent pas strictement du point de vue chronologique et la datation de certaines d'entre elles est parfois sujette à controverses (M.A. BOUKHARY et A.Y. ABDALLA, 1982).
13De nombreux travaux ont été effectués sur les microfossiles, en particulier les foraminifères (M.A. BOUKHARY et al., 2007 ; M.A. BOUKHARY et al., 2010) et les ostracodes (A.M. ELEWA, 2005), très abondants dans ces formations, ainsi que sur les macrofossiles (A. STROUGO et M.M. AZAB, 1982). À proximité du Gebel Qarara, les roches du Gebel Diya, de 112 m de puissance totale, sont datées de l'Éocène moyen (Lutétien et Bartonien) (M.A. BOUKHARY et al., 2010). L'escarpement du Gebel Mereir renferme une importante section stratigraphique dénommée El-Mereir Scarp section, de 149 m de puissance, comprenant de bas en haut les Formations de Qarara, El-Fashn et El-Mereir, également rattachées à l'Éocène moyen (M.A. BOUKHARY et al., 2010). Au regard de la zonation biostratigraphique établie sur la base des foraminifères (J. SERRA-KIEL et al., 1998 ; J. SERRA-KIEL et al., 2003), la séquence stratigraphique du Gebel Qarara présente les zones suivantes : SBZ (Shallow Benthic Zone) 13 (Early Lutetian sensu – H. SCHAUB, 1981), SBZ 14 (Middle Lutetian 1), SBZ 15 (Middle Lutetian 2) et SBZ 1 (Late Lutetian).
14La section-type de la "Formation de Qarara" a été décrite en premier lieu par Y. BISHAY (1966). D'après lui, la base de cette formation serait constituée de 20 mètres de shales argileux, alternant vers le haut avec des bancs carbonatés, recouverts ensuite de 150 mètres de bancs massifs à Nummulites gizehensis. Comme nous le verrons plus loin, nos observations ne correspondent pas tout-à-fait, du moins en ce qui concerne les épaisseurs, à ces premières descriptions des différentes unités lithologiques, dont les données ont été reprises depuis de manière synthétique par différents auteurs (R. SAID, 1990 ; E.E. TAWADROS, 2001). M. BLANKENHORN (1900) a décrit la série éocène de Wadi es-Sheikh (données reprises graphiquement par P. GINGERICH, 1992) : la section étudiée, d'une puissance de 135 m, à large dominante marneuse (argiles et marnes gypsifères) sur les premiers 50 m, est constituée d'une alternance de marnes et de calcaires blancs noduleux sur les 50 m suivants (niveau à bancs de silex 60 m au-dessus de la base) et se termine par 30 m de calcaires grossiers. Plus récemment, la Formation de Qarara ("Section 5, Gebel Qarara", Éocène moyen) a été décrite par A.M. ELEWA (2005) comme une séquence de 60 m de puissance : les 20 m de shales gris-jaune de base sont surmontés par 16 m de marnes friables assez carbonatées, puis par 25 m de calcaires blanc-jaunâtre argileux compacts ; les bancs de calcaires à silex (6 m) qui recouvrent la série sont raccordés par ce dernier auteur à la Formation d'El Fashn. A. STROUGO et M.M. AZAB (1982) se sont plus particulièrement intéressés à la formation de base de la section de Qarara, à dominant argileuse sombre, à laquelle ils attribuent une puissance de 15 mètres. C'est à moins d'un mètre sous le sommet de cette unité argileuse, dans un niveau rouge brique de quelques centimètres à un décimètre d'épaisseur, qu'a été défini à Qarara l'horizon fossilifère dénommé Tympanotonos aegyptiacus bed par A. STROUGO et M.M. AZAB (1982) renfermant plusieurs nouvelles espèces de la classe des bivalves (famille des Noetiidae, Mytilidea, Corbiculidea : Corbicula secunda) et des gastéropodes (famille des Neritidea, Potamididae : Potamides Qararaensis n. sp. ; Tympanotonos aegyptiacus n. sp.).
15Dans le cadre de la présente étude, la série lithologique de Qarara a été observée le long de deux coupes ouest-est sur le piémont occidental du gebel (Fig. 5). Ces coupes montrent des blocs basculés et faillés présentant un pendage assez marqué, respectivement vers l'est (Fig. 6, coupe AA') et le nord-est (Fig. 6, coupe BB').
Figure 5 - Carte lithologique et tectonique de la terminaison occidentale du Gebel Qarara. [levés de terrain et DAO : B. MOULIN]
Fond de carte : Google Earth, 2010 Gisrael, Image 2010 Digital Globe, Map Data 2010 AND.
Figure 6 - Transects est-ouest du piémont occidental du gebel au sud du village de Qarara. [DAO : B. MOULIN]
Le transect AA' a servi de référence pour la description lithologique de la série.
16Le long de la coupe AA', au niveau du site d'habitat de Qarara / Kôm el-Ahmar et dans sa prolongation orientale (point coté : 88 m), les strates présentent une direction N 170° et un pendage de 30° vers l'est. La coupe BB', qui passe par une crête à 68 m d'altitude immédiatement au nord du lieu-dit El-Wahdet, correspond à la partie sommitale de la séquence ; les strates ont ici une direction N 145° et un pendage de 40° vers le nord-est. Les termes qui composent cette série lithologique sont les suivants, de la base au sommet :
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Marnes grises et gris-jaune (appellation locale : tafla), à débit feuilleté ou en "frites" (Photo 4h), souvent très diaclasées, à veinules de gypse (dans les diaclases et les fentes de tension), renfermant localement des bancs et nodules ferrugineux violacés, riches en hématite et plus rarement des bancs et nodules de glauconie. À Kôm el-Ahmar, au vu du pendage, la puissance des marnes peut être estimée entre 60 m et 80 m ; dans le village de Qarara, à 500 m au nord, un sondage géotechnique réalisé en mars 2010 (pendage des strates inférieur à 10°) a traversé 70 m de marnes, corroborant les données précédentes.
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Premier banc calcaire compact, un peu argileux, ocre-jaune, à nummulites (Nummulites gizehensis) abondantes en sommet de banc (Photo 4-f) ; épaisseur : environ 5 m.
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Première récurrence de marnes grises, avec bancs et nodules ferrugineux violacés ; épaisseur : environ 15 m (Photo 4-g).
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Deuxième banc calcaire, commençant par un niveau violacé de quelques décimètres d'épaisseur, calcaire argileux, ocre-jaune, assez rares débris coquilliers ; épaisseur : 2,5 m.
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Deuxième récurrence de marnes grises, épaisseur : environ 5 m.
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Calcaire plus ou moins argileux, ocre-jaune, avec passées riches en nummulites (Nummulites gizehensis, Photo 4-e), bancs plus compacts formant reliefs, niveaux à lumachelles (Photo 4d) facilement érodables ; épaisseur totale : 25 à 30 m.
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Calcaire argileux, bariolé, ocre jaune à violacé, facilement érodable ; épaisseur : 15 à 20 m (Photo 4-c).
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Calcaire blanc, très compact, localement d'aspect crayeux lorsqu'il est soumis à l'altération superficielle, exploité systématiquement en carrière comme pierre de construction, depuis Qasr el-Banat jusqu'au sud de Qarara ; épaisseur : 15 à 20 m (Photo 4-b).
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Calcaire blanc, crayeux, à lits riches en nodules de silex ; en général, deux bancs de silex noirs d'un mètre de puissance et quelques lits plus étroits s'interstratifient dans le calcaire crayeux ; épaisseur totale : 5 à 7 m (Photo 4-a).
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Calcaire rosé, rognoneux. Épaisseur : 4 à 6 mètres. Ce calcaire constitue le dernier terme de la séquence de l'Éocène de Qarara.
Photos 4 - Faciès lithologiques de la série de l'Éocène moyen du Gebel Qarara. [clichés : B. MOULIN, 2010]
Du sommet à la base de la séquence : a) calcaire crayeux à nodules de silex (corrélé à la Formation d'El-Fashn) ; b) calcaire blanc compact ; c) calcaire argileux bariolé ; d) niveau à huitres dans les calcaires argileux jaunes ; e et f) calcaire argileux jaune à ocre-beige à nummulites ; g et h) marnes grises des assises de base à bancs et nodules ferrugineux, parfois glauconieux, à remplissage de gypse dans les diaclases et fentes de tension. Le pendage des lits visible sur les clichés e et g est d'origine tectonique.
17À l'est et au nord de Qasr el-Banat, ainsi qu'à l'est de Rigel el-Hagina, dans la partie nord du secteur étudié, des formations résiduelles recouvrent le flanc oriental des reliefs et proviennent de la réduction des calcaires à silex : les nodules siliceux, parfois de taille métrique, sont condensés sur un banc de quelques mètres d'épaisseur, après disparition presque complète de la matrice crayeuse. Dans ce secteur, les blocs de silex de ces formations ont été mis à profit à différentes époques comme source de matière première (ateliers de taille de silex d'époque pharaonique) et comme matériaux de construction (structures d'habitat quadrangulaires d'âge romain tardif / byzantin).
18Il semblerait qu'il y ait eu une sous-évaluation, par Y. BISHAY (1966), de l'épaisseur des assises de base à composante marneuse de la Formation de Qarara, que nous estimons à plus de 60 m d'après les observations que nous avons pu faire – à moins qu'une partie de ces shales soit à rapporter à une autre formation – ainsi qu'une surévaluation de la puissance des assises calcaires qui les surmontent (qui ne dépasse pas 90 m ni à Qarara Kôm-el-Ahmar ni au plateau sommital, alors qu'elle est estimée à 150 m par Y. BISHAY) ; cette dernière surévaluation résulte vraisemblablement d'une méconnaissance du contexte tectonique local (structure en horst du gebel), la puissance totale de la Formation de Qarara donnée par les anciens auteurs et reprise ultérieurement correspondant à la différence d'altitude entre le sommet du plateau du gebel (environ 210 m) et la plaine alluviale du Nil.
19Sur la rive orientale du Nil (Fig. 2), les linéaments contrôlant les reliefs de la Moyenne-Égypte sont orientées principalement NNO-SSE, l'axe formé par le Gebel Qarara, le Gebel Diya et l'escarpement du Gebel Mereir étant une des composantes de ces linéaments. Cette direction, sensiblement parallèle au Golfe de Suez et à la Mer Rouge, est généralement mise en relation avec la compression nord-sud consécutive au rapprochement des plaques africaine et laurasienne qui a provoqué la fermeture de la Téthys durant le Tertiaire (W.M. MESHREF, 1990).
20Alors que l'aspect biostratigraphique du secteur de Qarara a été traité dans de nombreux travaux, son contexte structural n'a été jusqu'à présent que peu abordé. Le Gebel Qarara forme un plateau tabulaire (Photos 2-a et 2-b) constitué de strates horizontales et affecté de failles sur quasiment tout son pourtour, déterminant un relief structural en horst. La série stratigraphique concernée débute à la base par les marnes grises et se termine par les calcaires à silex qui sont raccordés par A.M. ELEWA (2005) à la Formation d'El Fashn, plus rarement par les calcaires rognoneux qui surmontent parfois ce niveau à silex. Nous avons limité nos investigations de terrain à la bordure occidentale du gebel. Sur la carte présentée (Fig. 5), les principales entités lithologiques de la série stratigraphique décrite au chapitre précédent ont été figurées en surimposition à l'image satellitaire (montage d'images d'après Google Earth). Les deux coupes (CC' et DD'), reliant d'ouest en est le Nil au sommet du Gebel Qarara (Fig. 7), permettent d'illustrer la structure de ce piémont. Alors que le flanc sud du gebel est limité par une série de failles normales de direction N 100°, à pendage Sud, son piémont occidental, de géométrie plus complexe, de même que la prolongation septentrionale de ce piémont jusqu'à Qasr el-Banat, sont affectés de failles parallèles de direction généralement N 160° à pendage Ouest-Sud-Ouest, à l'exception de la faille passant à El-Wahdet, au sud-ouest du secteur, de direction N 145° et à pendage Sud-Ouest, et du système de failles situé à l'est du village de Qarara, de direction N 0° à N 10° et à pendage Ouest. Ce sont principalement des failles normales (Photo 5), à l'exception des deux failles inverses (failles de compression) qui délimitent le bord oriental de synclinal constituant le "plateau intermédiaire", à l'est de Qarara, entre le mausolée du Sheikh Moubarak et le plateau sommital du gebel (Fig. 7, coupe CC'). Au sud de Qarara, la structure synclinale est plus estompée, mais deux structures anticlinales peu marquées se dessinent de part et d'autre, à El-Wahdet à l'ouest et au pied du ressaut sommital du gebel à l'est (Fig. 7, coupe DD').
Figure 7 - Coupes schématiques est-ouest entre le plateau sommital du Gebel Qarara et la plaine alluviale du Nil. [DAO : B. MOULIN]
Photo 5 - Faille nord-sud affectant la bordure occidentale du Gebel Qarara (vue vers le nord). [cliché : B. MOULIN, 2010]
21La géologie structurale et la lithologie déterminent en grande partie le relief du secteur : dans la partie septentrionale, à Qasr el-Banat et au nord de Qarara, en opposition au relief aclinal du plateau sommital, les accidents délimitent une succession de reliefs en saillie correspondant à des blocs faillés et basculés (Photos 2-b et 6), présentant généralement un pendage de 30° à 40°, les calcaires blancs compacts formant alors à chaque reprise les fronts abrupts alors que les revers correspondent au toit des calcaires à silex. La bordure immédiate de plateau sommital présente à l'ouest et au sud une structure en gradins (blocs faillés non basculés). À l'ouest de ces gradins limitant le plateau sommital, le synclinal du plateau intermédiaire est éventré de façon dissymétrique depuis l'ouest dans sa partie nord et laisse alors apparaître les marnes de base à l'est de Qarara Kôm al-Ahmar ; il est par contre perché dans sa partie sud. Dans les parties basses, où affleure la base de la série lithologique, le premier banc de calcaire compact surmontant les assises marneuses constitue une composante originale du relief dans le paysage : à son contact, les dépressions sont limitées par un front vertical de quelques mètres de haut (Photos 2-d et 7), sujet à l'éboulement de gros blocs parallélépipédiques sous l'effet de l'érosion régressive (Photo 6). Ces petits escarpements ont été largement mis à profit par les occupants (chambres excavées dans les marnes, avec plafond en calcaire compact plus résistant) à différentes époques, pour l'habitat comme pour les tombes (Qasr el-Banat, Qarara-village, El-Wahdet, Maghayir el-Hib). Dans le système des laures des ermitages coptes, l'habitat troglodytique associe parfois plusieurs pièces contigües. Les sépultures des nécropoles rupestres, plus anciennes, se distinguent par les petits couloirs par lesquels on accède aux caveaux.
Photo 6 - Les contreforts sud du Gebel Qarara à Maghayir el-Hib (vue vers le nord). [cliché : B. MOULIN 2010]
Au premier plan, la résistance du premier banc calcaire surmontant les marnes grises de base a permis l'aménagement de plusieurs chambres à sa base, au Romain tardif / Byzantin. Les blocs basculés, limités par des failles nord-sud, sont bien visibles au second plan à gauche.
Photo 7 - La partie basse du piémont à proximité de la plaine alluviale à El-Wahdet (vue vers le nord). [cliché : B. MOULIN 2010]
22Le premier banc calcaire en strate subhorizontale surmontant les marnes grises de base constitue l'ossature du relief visible au premier plan ; au second plan, une faille met en contact les calcaires blancs crayeux à silex de la partie sommitale de la série (à gauche) avec les marnes de base et les premières assises calcaires (à droite).
23De façon générale, à l'exception des escarpements sud du Gebel Qarara, les wadi ont emprunté les dépressions longitudinales correspondant aux principaux linéaments de direction N 150° à N 170° ; ils ont d'autre part recoupé les reliefs orthogonalement en trois points principaux : 1/ au sud-ouest de Rigel el-Hagina, 2/ à Qarara et 3/ au nord-ouest de Maghayir el-Hib, utilisant dans certains cas des points faibles dus à de petits décrochements transversaux. Le wadi principal, débouchant au sud du village de Qarara, au niveau de l'actuel cimetière musulman, a un parcours plus complexe puisqu'il contourne le synclinal par le nord, après un trajet sud-nord sur le plateau intermédiaire, en s'incisant dans un véritable canyon à l'est du mausolée du Sheikh Moubarak (Fig. 7 et 8 ; Photo 8). En revanche, plus à l'est, sur les piémonts nord et sud du gebel, en aval des ressauts de faille, un réseau ramifié et complexe de rigoles draine les formations marneuses à faible déclivité (Photo 9).
Figure 8 - Principaux linéaments structuraux et système des wadi de la terminaison occidentale du Gebel Qarara. [DAO : B. MOULIN]
Fond de carte : Google Earth, 2010 Gisrael, Image 2010 Digital Globe, Map Data 2010 AND.
Photo 8 - Principal wadi drainant le piémont occidental du Gebel Qarara (vue vers le nord). [cliché : B. MOULIN, 2010]
Le wadi contourne, par le nord, la structure synclinale du plateau intermédiaire, en s'incisant dans un profond canyon, ici à son débouché sous le mausolée du Sheikh Moubarak, en amont du cimetière musulman de Qarara.
Photo 9 - En aval du Gebel Qarara vers le sud, le drainage forme un réseau très ramifié (vue depuis le sommet du gebel). [cliché : B. MOULIN, 2008]
24Plus directement liées aux recherches archéologiques, des reconnaissances faisant appel à des carottages à la tarière à main et à des relevés de coupes stratigraphiques, ont été effectuées dans les formations holocènes situées à proximité immédiate de Qarara (dépôts de pente, dépôts de wadi, limons de la plaine alluviale du Nil sur sa bordure orientale). Cette approche nous a ensuite amené à considérer les processus d'érosion qui ont fourni les matériaux de ces formations : l'altération chimique (décarbonatation des calcaires, des calcaires argileux et des marnes) et l'abrasion mécanique éolienne.
25La décarbonatation superficielle donne un aspect pulvérulent aux calcaires crayeux et aux calcaires argileux ; les macrofossiles et les microfossiles, plus résistants, sont dégagés par altération différentielle de la matrice, de même que les nodules siliceux. Les marnes se désagrègent en petites paillettes. L'abrasion éolienne (corrasion) est spectaculaire dans les secteurs à relief bien marqué (falaises, escarpements dans les calcaires argileux jaunes et dans les calcaires argileux bariolés) ; elle entraîne la formation d'alvéoles caractéristiques, avec des formes en vaguelettes (Photos 10 et 11). Les phénomènes d'éclatement superficiel des calcaires sont peu marqués à Qarara, probablement du fait de la composante argileuse de la plupart des calcaires, alors qu'ils jouent un rôle important dans le délitage de surface des calcaires blancs de Šaruna, par exemple dans le secteur d'El-Ghalida, près de Kôm el-Ahmar / Šaruna. Les phénomènes de désagrégation des marnes, par gonflement des argiles et mouvements convectifs probablement dus à des cycles répétés de dessication-humectation, créent des structures (Photo 12) qui rappellent certains sols cryoturbés périglaciaires.
Photo 10 - L'érosion éolienne sur les contreforts occidentaux du Gebel Qarara. [cliché : B. MOULIN 2008]
L'érosion éolienne est particulièrement marquée sur les calcaires argileux jaunes à nummulites de la partie médiane de la Formation de Qarara ; elle conduit à la formation de structures alvéolaires en forme de vaguelettes.
Photo 11 - Structures alvéolaires sur un bloc effondré et érosion différentielle sur les falaises sommitales de calcaires argileux jaunes de l'escarpement occidental du gebel. À l'arrière plan, affleurent les calcaires blancs crayeux. [cliché : B. MOULIN, 2010]
Photo 12 - Structures de déformation des marnes grises. [cliché : B. MOULIN, 2010]
Le substrat marneux constitue ici la bordure d'un petit chenal comblé de dépôts de wadi ; à l'interface des marnes et des sables limoneux du wadi, des convolutions se sont formées, dont la structure pourrait rappeler certaines cryoturbations ; dans le cas présent, elles ont vraisemblablement pour origine le gonflement des argiles lié à des cycles de dessiccation-humectation (graduation du jalon en décimètres).
26Les matériaux dégagés s'accumulent au pied des parois par dynamique gravitaire, sous forme de talus à forte pente. La déflation éolienne entraîne également, dans un second temps, un vannage au niveau des matériaux accumulés en bas de pente ou désagrégés sur les surfaces horizontales, en évacuant les particules fines et en ne laissant sur place que les éléments les plus grossiers, tels que les foraminifères, créant parfois des micro-pavages très caractéristiques (Photo 13).
Photo 13 - Micro-pavage créé par le vannage éolien. [cliché : B. MOULIN, 2010]
L'exportation des particules fines laisse les éléments les plus grossiers et les plus résistants produits par la désagrégation de la roche ; ces éléments sont ici essentiellement constitués de microfossiles, en particulier de Nummulites gizehensis.
27Les matériaux accumulés en bas de pente et déplacés par gravité plus en aval peuvent constituer d'importantes épaisseurs dans les dépressions et ont tendance à estomper les irrégularités du terrain (Photo 14). Ces dépôts peuvent être rapprochés des "groises". Assez mal classées, mais souvent de granulométrie à tendance bimodale (une matrice fine, constituée de matériaux décarbonatés – argiles jaunes, plus ou moins sableuses – et des éléments grossiers, de l'ordre du centimètre, plus résistants – nummulites, fragments siliceux, débris calcaires), ces formations ont reçu localement la dénomination de "Hibe" ou "Hiba", appellation qui entre dans de nombreux toponymes régionaux (El-Hiba, Maghayir el-Hib). Les nummulites de grande taille, abondantes dans ces formations superficielles, sont appelées localement "Girch" (piastre), terme qui n'est pas sans rappeler l'ancienne dénomination "pierre à liards" donnée au calcaire à nummulites du Lutétien inférieur de l'Aisne ou de l'Oise. Ces matériaux meubles sont exploités à divers emplacements et servent actuellement de remblais.
Photo 14 - Relief en périphérie du plateau du Gebel Qarara (visible en arrière plan). [cliché : B. MOULIN, 2010]
Les formes s'estompent progressivement par érosion des crêtes les plus saillantes et comblement des dépressions ; les formations de pente qui en résultent, de type "groise", sont grossièrement stratifiées ; ces formations récentes sont exploitées de plus en plus intensément comme matériaux pour les remblais.
28Les précipitations, bien que relativement rares, peuvent être de forte intensité ; les ruissellements, sur des sols entièrement dénudés, entraînent d'importants déplacements de matériaux par un réseau fortement ramifié de rigoles qui se rassemblent progressivement en wadi. Sur le piémont occidental du Gebel Qarara, les bassins versants des wadi présentent bien sûr des superficies modestes. Celui du Wadi du Sheikh Moubarak, qui draine 80 % de la ligne de faite, couvre tout au plus 4,5 km2.
29Les dépôts de wadi sont constitués de sables lités, plus ou moins grossiers et gravillonneux, où les éléments grossiers, de l'ordre du centimètre, sont des microfossiles (nummulites, orbitolines) et des débris calcaires ou siliceux. Plusieurs profils stratigraphiques ont été relevés à l'occasion de sondages archéologiques ayant mis à jour des vestiges du Romain tardif / Byzantin au sud du village de Qarara, dans l'axe du wadi situé au sud du cimetière copte actuel (B. HUBER, 2008). Sur l'un de ceux-ci (Qarara Nécropole, Sondage 12008), la stratigraphie montre une succession de dépôts traduisant une série d'événements dont les plus anciens précèdent les premières occupations (assises de murs en terre crue) attribuées au Romain tardif / Byzantin (à partir du IVème-Vème siècles après J.C.) situées à environ 2,80 m sous le niveau actuel du wadi (Photo 15). Cette succession peut être résumée de la façon suivante :
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dépôt de sable de wadi (épaisseur non connue), rares céramiques non datables ;
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construction de murs (profondeur sous le niveau actuel du wadi = 2,80 m), Romain tardif / Byzantin ;
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occupation (profondeur sous le niveau actuel du wadi = 2,20 m) ;
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destruction et démolition ;
-
accumulation de squelettes humains provenant de la destruction par le wadi d'une partie de la nécropole du Romain tardif / Byzantin situé en amont du cours du wadi et amenés par des crues successives (six niveaux d'inondation limoneux avec figures de dessiccation interstratifiés entre sept niveaux à squelettes déplacés) ;
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nouveau dépôt de wadi ;
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destruction des vestiges de l'habitat par le wadi (les briques sont emballées par une croûte d'argile avec figures de dessication) ;
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creusement tardif de fosses de pilleurs ;
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comblement de ces fosses de pillage par trois épisodes successifs de crues.
30D'après les informations obtenues auprès de la population de Qarara, ce wadi au sud du cimetière copte de Qarara a connu deux crues importantes au cours du XXème siècle, la dernière il y a près de 50 ans.
Photo 15 - Bâtiments en briques du Romain tardif / Byzantin interstratifiés dans des dépôts de wadi au sud de Qarara. [cliché : B. MOULIN, 2008]
Les bâtiments sont le plus souvent en briques crues, plus rarement en briques cuites. Ils permettant de proposer un niveau altimétrique pour le profil d'équilibre du wadi durant la deuxième moitié du premier millénaire après J.C. (mire de 4 mètres).
31Les données altimétriques de Qarara concordent bien avec celles obtenues à Šaruna, une dizaine de kilomètres plus au sud : en effet, les altitudes relatives, par rapport aux wadi actuels, de la base des constructions des bâtiments datés du Romain tardif / Byzantin (2,80 m) montrent que le rehaussement du niveau du wadi à Qarara, dont le profil d'équilibre est directement lié à celui de la plaine du Nil, est du même ordre de grandeur (environ 2 mètres par millénaire) que celui proposé à Kôm el-Ahmar / Šaruna pour le rehaussement de la plaine alluviale du Nil (B. MOULIN et B. HUBER, 2009).
32L'intérêt porté aux sédiments anthropiques constitutifs des sites archéologiques (J.L. BROCHIER, 1994 ; J.E. BROCHIER, 2002) n'est plus à prouver : depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux, dans des contextes forts différents, ont montré l'apport de ces études à la compréhension de l'édification des sites (A. MILLER-ROSEN, 1986), de l'histoire des paysages et de l'économie agro-pastorale (J.E. BROCHIER, 1991, 2006 ; J.E. BROCHIER et al., 1992 ; J.L. BROCHIER et A. BEECHING, 1994).
33Une série de sondages archéologiques a été effectuée à Qarara / Kôm el-Ahmar, entre les cimetières musulman et copte actuels, ainsi que plus au sud, au niveau du wadi dont il a été question au chapitre précédent. À Qarara / Kôm el-Ahmar, les vestiges du Romain tardif / Byzantin (couches d'habitat surmontant un cimetière de vaste extension) sont datés des IVème-IXème siècles après J.C. et présentent souvent plus de trois mètres de puissance. Ce site, dont l'appellation est fréquente dans la toponymie régionale (littéralement : "la butte rouge", en référence à la grande quantité de tessons de céramique qui jonchent le sol et lui donnent à distance une teinte rouge), est un tell d'assez vaste superficie (150 m 80 m), mais assez peu marqué quant au relief. Les bâtiments, dont il reste le bas des assises des murs, sont en briques crues (B. HUBER, 2008). La stratigraphie montre une succession de couches d'occupation et de couches de démolition. Une des caractéristiques des niveaux d'occupation réside dans l'importance des horizons cendreux et c'est principalement sur ce point que nous voulons porter notre intérêt ici. Ces horizons cendreux "sans doute d'origine domestique ou artisanale" (P. BALLET, 1992) ont été mentionnés lors de prospections archéologiques et ont été associés aux accumulations de tessons de céramique qui ont elles-mêmes été interprétées rapidement comme des "dépotoirs de fours" (D. DIXNEUF, 2007). Ces accumulations de céramiques sont plus vraisemblablement des zones de dépotoirs domestiques. Les niveaux cendreux que nous avons observés et décrits sont parfois de grande extension planimétrique : en périphérie d'un des sondages (Qarara Siedlung, Sondage 3-2008), l'extension d'une succession de niveaux cendreux est estimée à plus de 200 m2 et ce cas n'est pas unique. Ces couches de combustion sont accumulées sur près de 2,50 mètres d'épaisseur dans le sondage 3 et sont constituées d'une alternance de niveaux cendreux carbonatés blancs, fortement indurés en surface, et de niveaux bruns ou noirs, pulvérulents ou indurés selon les strates (Photo 16). D'autres profils ont montré des successions analogues (Photo 17). Les premières observations concernant ces épais niveaux de combustion montrent qu'ils résultent en grande majorité de la combustion d'excréments d'animaux : en effet, dans chacune des séquences cendreuses ou charbonneuses, les niveaux de combustion renferment de grandes quantités de coprolithes de caprinés brûlés, charbonneux bruns ou carbonatés beige-rosé (Photo 18), ayant fréquemment conservé leur structure d'origine. Ces niveaux brûlés sont parfois associés à des niveaux de bergerie non brûlés, également riches en coprolithes et en débris végétaux (paille, etc.).
Photo 16 - Strates cendreuses claires, parfois roses, et strates sombres constituées de particules charbonneuses ou organiques, de texture fine, sur le site d'habitat de Qarara, daté du Romain tardif / Byzantin. [cliché : B. MOULIN, 2008]
Ces accumulations épaisses (longueur du jalon : 2 m ; ici le sondage 3 - Qarara Siedlung-2008) couvrent de vastes surfaces sur le site d'habitat de Qarara. Une partie de ces strates renferme de grandes quantités de coprolithes de caprinés (voir Photo 18).
Photo 17 - Strate charbonneuse et strate cendreuse claire surmontées de niveaux de démolition sur le site d'habitat de Qarara (le jalon est gradué en décimètres). [cliché : B. MOULIN 2010]
Photos 18 - Détails de coprolithes de caprinés provenant du Sondage 3 - Qarara Siedlung-2008. [clichés : B. MOULIN, 2009]
Clichés a et b : coprolithes in situ, respectivement dans un niveau cendreux recarbonaté induré (on notera la structure interne finement poreuse des coprolithes en section) et dans un niveau finement charbonneux. Clichés c et d : coprolithes recueillis dans des niveaux pulvérulents charbonneux. Les numéros renvoient aux strates délimitées sur la photographie 16.
34Les sédiments de bergerie ont été mis en évidence depuis quelques décennies, soit de manière directe sur la fouille par la reconnaissance de coprolithes (A. BEECHING et B. MOULIN, 1983), soit par la mise en évidence de "signatures" spécifiques : présence de sphérolites, forme de la courbe granulométrique des limons (J.E. BROCHIER, 1983), principalement sous les porches et abris sous-roche occupés dès le Néolithique et durant toute la protohistoire sur le pourtour méditerranéen (J.E. BROCHIER et al., 1992), mais aussi dans les massifs subalpins et alpins calcaires (J.L. BROCHIER et A. BEECHING,1994 ; J.P. JOSPIN et F. TASSADITE, 2008), beaucoup plus rarement sur des sites de plein-air. Cela tient principalement aux conditions de taphonomie : la mise en évidence des sédiments de bergerie s'effectue tout particulièrement par l'observation de sphérolites, petites concrétions de calcite fibroradiée, d'une dizaine de micromètres de diamètre, qui prennent naissance dans les premiers centimètres de l'intestin grêle des herbivores et se retrouvent ainsi dans les excréments. En milieu méditerranéen, les pluies d'une seule année, du fait de leur acidité, suffisent à dissoudre les sphérolites (J.E. BROCHIER, 2006). À l'opposé, la rareté des précipitations en milieu désertique explique la bonne préservation des carbonates issus des cendres et celle des coprolithes sur des sites de plein-air tels que celui de Qarara.
VII - Conclusion
35La présente étude a permis de redéfinir la succession lithologique de la séquence éponyme de la Formation de Qarara dans son contexte tectonique, en reprécisant la puissance de chaque terme de la série. En effet, comme nous l'avons mentionné plus haut, il semble que les premiers descripteurs aient, d'une part sous-estimé la puissance des assises marneuses de base et, d'autre part, surestimé la puissance des assises calcaires de la seconde moitié de la série, en négligeant les conséquences de la composante tectonique (surépaisseur apparente par dédoublement partiel de la série dû à l'effet de horst).
36C'est la combinaison de la lithologie (strates plus ou moins facilement érodables), de la tectonique (structure en horst du plateau sommital, synclinal du plateau intermédiaire, grands linéaments structuraux nord-sud avec blocs basculés et répétition de la série) et de la dynamique érosive de surface qui a conduit à la formation du paysage actuel. La configuration de ce paysage a créé une diversité de micro-milieux spécifiques favorables aux implantations humaines à différentes époques :
-
soit par la présence à proximité de matériaux de construction ou de matière première pour l'industrie lithique (accumulation de silex dans les formations résiduelles autour de Qasr el-Banat et Rigel el-Hagina) ;
-
soit par la topographie particulière des lieux : implantation "stratégique" de Malqatta à l'angle sud-ouest du plateau sommital ; site abrité de Qarara Kom el-Ahmar, à proximité de la plaine alluviale du Nil ; petits ermitages établis le long des thalwegs, dans des dépressions naturelles dégagées dans les marnes de la base de la série (Qasr el-Banat, Qarara, El-Wahdet et Maghayir el-Hib).
-
soit par la qualité du substrat rocheux (premier banc calcaire surmontant les marnes, ce qui a permis l'excavation de chambres (pièces d'habitation ou nécropole) à Qasr el-Banat, Qarara et Maghayir el-Hib) ;
37 La sédimentation naturelle de l'Holocène récent (dépôts de wadi, alluvions du Nil) et la sédimentation anthropique (constructions en terre crue, fumiers de bergerie, etc.), mises en corrélation avec les données recueillies à Kôm el-Ahmar / Šaruna, s'avèrent d'un grand intérêt à plus d'un titre : confirmation de l'estimation du taux d'exhaussement de la plaine du Nil durant les derniers millénaires, compréhension du mode de sédimentation des tells. Leur étude approfondie fera l'objet d'un travail ultérieur, en relation étroite avec les travaux archéologiques en cours.
38Pour conclure, cette étude de la bordure occidentale du Gebel Qarara nous amène à la notion de site et de géo(morpho)site. Un site peut être défini comme un "lieu ou espace de petites dimensions (hectométriques ou kilométriques) considéré du point de vue de ses caractéristiques particulières, de ses attributs et qualités qui le différencient des autres lieux et font qu'il représente un intérêt spécifique pour une société donnée" (G. HUGONIE, 2010). Récemment, les géologues et les géomorphologues ont élaboré les concepts de géosite (A. MALAKI, 2006) et de géomorphosite. Le terme de géomorphosite a été introduit par M. PANIZZA (2001). Selon la définition de cet auteur, les géomorphosites "sont des formes du relief ayant acquis une valeur scientifique, culturelle et historique, esthétique et/ou socio-économique en raison de leur perception ou de leur exploitation par l'Homme". "Il peut s'agir de simples objets géomorphologiques ou de grandes portions du paysage" (E. REYNARD et M. PANIZZA, 2005 ; E. REYNARD, 2005). La bordure occidentale du Gebel Qarara, considérée sous ses différentes facettes (site remarquable du point de vue géographique, site géologique éponyme d'une formation-type de l'Éocène égyptien, site archéologique également d'un grand intérêt), peut être considérée comme un géosite de premier plan selon la définition précédemment énoncée. Les études géo-archéologiques ne doivent pas se limiter aux sites archéologiques les plus prestigieux, comme c'est souvent le cas (TH. AIGNER, 1983 ; K. LUTLEY et J. BUNBURY, 2008 ; A. GRAHAM, 2010). Un inventaire récent des carrières égyptiennes (P. STOREMYR et al. 2007) montre à quel point des sites du même type que le Gebel Qarara sont de plus en plus fragilisés par les travaux modernes.
Remerciements : Le travail de terrain ayant abouti à la réalisation de cette étude a été effectué dans le cadre d'un projet de recherche de l'Institut d'Égyptologie de l'Université de Tübingen. Nous remercions tout particulièrement Béatrice HUBER, directrice du projet, pour son soutien, ainsi que toute l'équipe européenne et égyptienne de Qarara et de Šaruna. Merci également à Susanne WILHELM pour la traduction du résumé.