1La forêt de la Maâmora est située sur la façade atlantique du Maroc, dans le Nord-Ouest du pays, immédiatement au nord de Rabat, au niveau des villes de Salé et de Kénitra. Elle s'étend sur une largeur de 40 km, du nord au sud, et sur une longueur de 70 km, d'ouest en est (HCEFLCD, 2011 ‒ Fig. 1).
Figure 1 - Situation géographique et carte de la forêt de la Maâmora. [réalisation : F. MOUNIR, 2020]
Les peuplements du Chêne-liège sont en vert, les reboisements en Eucalyptus en rouge. Les autres espèces plantées (Pins et Acacias) sont de moindre importance.
2Cette forêt est portée par un sol siliceux formé sur une couche de sables dont l'épaisseur dépasse localement 2,5 m et qui repose sur des argiles, épaisses parfois d'une vingtaine de mètres, venant au-dessus de calcaires lapiazés (A. LAOUINA et al., 1997 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Le climat est de type méditerranéen atlantique, à nuance subhumide chaude près de la mer et semi-aride tempérée à l'est. Le Q2 d'EMBERGER, qui atteint 89,5 à Kénitra, descend à 47,6 à Sidi Slimane, dans la partie orientale du massif forestier. L'hygrométrie de l'air est élevée, alors que les précipitations annuelles moyennes sont comprises entre 450 et 600 mm. Les températures (minimales et maximales relevées journellement) oscillent entre 2°C et 38°C. La sécheresse estivale dure souvent plus de deux mois (A. AAFI, 2007 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
3Constituée jadis de peuplements naturels purs de Chêne-liège (Quercus suber L.), cette forêt présente toujours un cortège floristique spécifique, notamment dans les parties les mieux conservées (A. AAFI, 2007). Au début du XXème siècle, avec une superficie de 133000 ha, elle était la plus vaste subéraie de plaine au monde (A. BENABID, 2000 ; A. AAFI, 2007 ; HCEFLCD, 2011). Mais elle a subi de nombreuses et sévères perturbations au cours des dernières décennies, sous la pression des populations qui vivent à l'intérieur et aux abords de la forêt, et du fait des aménagements forestiers (A.C. CAPEL, 2016 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
4Les impacts des populations locales résultent principalement du ramassage des glands (doux et donc très recherchés pour la consommation humaine), du prélèvement de bois de feu et du surpâturage (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016 ; HCEFLCD, 2015 ; A. EL MOKADDEM, 2016). Le cheptel (principalement ovin et bovin) était estimé à 383178 têtes en 2012 (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Selon les travaux récents (ibidem), les impacts, sur la forêt de la Maâmora, de la pression pastorale (Photos 1) et des prélèvements en bois de feu sont quatre fois supérieurs à ce que la forêt devrait raisonnablement produire. Une exploitation respectueuse du milieu couvrirait seulement 59,0 % des besoins fourragers du cheptel (HCEFLCD, 2015) et 30 % de ceux en bois de feu (estimés à 229548 stères ‒ B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Cette surexploitation amplifie la vulnérabilité des écosystèmes forestiers de la Maâmora et accélère leur dégradation (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
Photos 1 - Évolution des subéraies dans la forêt de la Maâmora. [clichés : Abdenbi ZINE EL ABIDINE]
À gauche, pâturage excessif détruisant le sous-bois, sauf le Palmier nain (Chamaerops humilis) très peu palatable, et empêchant la régénération naturelle du Chêne-liège. À droite, peuplement âgé de Chêne-liège sans régénération naturelle et sans sous-bois ligneux.
5La forêt de la Maâmora a fait l'objet de nombreux plans d'aménagement depuis le début du XXème siècle. Pour des raisons économiques, ils ont favorisé l'introduction d'essences exotiques à croissance rapide, qui ont été plantées dans les clairières et dans les secteurs où les peuplements de Chêne-liège dégradés présentaient une faible densité (HCEFLCD, 2011 ; B. BELGHAZI et al., 2011 ; M. BELHOUARI, 2013 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Ainsi le Chêne-liège céda-t-il de plus en plus sa place au profit d'espèces à croissance rapide, dont principalement le Gommier rouge (Eucalyptus camaldulensis Dehn), le Pin maritime des Landes (Pinus pinaster ssp. Atlantica H. del Villar), le Pin d'Alep (Pinus halepensis Mill.), le Pin pignon (Pinus pinea L.) et l'Acacia à tanin (Acacia mearnsii De Wild.) (Photos 1 et 2). Après un siècle de cette politique d'aménagement et de gestion, le chêne-liège ne couvre plus que 60000 ha, soit environ 50 % de la surface qu'il occupait initialement (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
Photos 2 - Reboisements à base d'espèces exotiques dans la forêt de la Mâamora. [clichés : Abdenbi ZINE EL ABIDINE]
De gauche à droite : Gommier rouge, Pin maritime des Landes, Pin d'Alep et Acacia à tanin.
6Cependant, après 1990, à la suite d'années de sécheresse et d'attaques massives des eucalyptus par un insecte xylophage redoutable (Phoracanta semipenctata F.), les gestionnaires forestiers ont pris davantage conscience de la valeur écologique, écosystémique, environnementale et socioéconomique du Chêne-liège, dont le liège génère des recettes importantes au profit des communes locales (B. BELGHAZI et al., 2011 ; B. BELGHAZI et F MOUNIR, 2016 ; A. EL MOKADDEM, 2016). La gestion de la subéraie de la Mâamora s'est alors de plus en plus orientée vers la réhabilitation du Chêne-liège, en réalisant des reboisements soit par des plants de cette essence, produits en pépinière, soit par le semis de glands, même sur des terrains qui étaient occupés jusque-là par des reboisements d'Eucalyptus au terme de leurs rotations (H. EL HACHIMI, 2010 ; B. BELGHAZI et al., 2011 ; A.C. CAPEL, 2016 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
7Certes, les plantations de Chêne-liège sont moins étendues que celles d'Eucalyptus et de Pins, mais leur importance a pris de l'ampleur au fil des années (H. EL HACHIMI, 2010 ; B. BELGHAZI et al., 2011 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Le bilan des reboisements à base de Chêne-liège réalisés de 1990 à 2018 est estimé à 27327 ha (HCEFLCD, 2018). Cependant les taux de réussite à deux ans des plantations de Chêne-liège n'ont pas dépassé 60 à 70 % dans les meilleurs des cas (H. EL HACHIMI, 2010 ; B. BELGHAZI et al., 2011). Les échecs, assez fréquents, sont dus aux sécheresses, à la présence antérieure d'eucalyptus, aux délits de pâturage, ainsi qu'à la production de plants de qualité insuffisante en pépinière et à la non-maîtrise de leur mise en terre (M. LAMHAMEDI et al., 2000 ; B. BELGHAZI et al., 2011 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016 ; A ZINE EL ABIDINE et al. 2016-a ; M. BOUDERRAH et al., 2017) (Photo 3). En raison de ces contraintes, des taux de réussite de 60 % quatre années après plantation sont considérés comme acceptables (B. BELGHAZI et al., 2011). À cet égard, on notera que les plantations du Gommier rouge et du Pin maritime, mais aussi du Pin pignon, du Pin d'Alep et de l'Acacia à tanin, ne rencontrent pas de telles difficultés, sauf cas de reboisements très tardifs au cours d'années particulièrement sèches.
Photos 3 - Reboisements de Chêne-liège dans la forêt de la Mâamora. [clichés : Abdenbi ZINE EL ABIDINE]
À gauche, reboisement partiellement réussi. À droite, reboisement dépérissant.
8Les Eucalyptus, les Pins et les Acacias sont encore intégrés aux programmes de reboisement, afin de contribuer à couvrir les besoins du pays en produits ligneux. En 2011, 42672 ha ont été reboisés en Eucalyptus, 9851 ha en Pins et 2816 ha en Acacias (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). En 2014, les peuplements de Chêne-liège occupaient 46,9 % de la superficie totale, contre 32,5 % pour les peuplements d'Eucalyptus (principalement de Gommier rouge), 7,6 % pour les Pins (toutes espèces confondues), 7,4 % pour les nouveaux reboisements de Chêne-liège et 2,75 % pour les Acacias (ibidem). Le reste, moins de 1 %, correspondait aux surfaces non boisées.
9Par ailleurs, un débat d'ordre écologique et environnemental est actuellement engagé, en relation avec les perspectives des changements climatiques. L'objectif est de trouver des solutions pour en atténuer l'impact sur la forêt de la Maâmora, en adaptant celle-ci à un contexte qui devrait être plus aride et sec que le climat actuel (M. BENZYANE et al., 2010 ; B. BELGHAZI et M. MOUNIR, 2016). Les projections climatiques pour le Maroc prévoient une réduction des précipitations, une augmentation des températures et la multiplication des vagues de chaleur et des sécheresses exceptionnelles (A. MOKSSIT, 2012 ; M. TAABNI et M.D. EL JIHAD, 2012 ; MEMEE, 2014). À l'horizon 2050, il est prévu une augmentation de la température de 1 à 2,5°C et une diminution des précipitations de 15 % environ, mais qui pourrait dépasser 40 % selon certains scénarios (M.N. WOILLEZ, 2019). Dans le cas de la forêt de la Maâmora, la vulnérabilité aux changements du climat est croissante de l'ouest (plus humide) vers l'est (plus aride) (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016).
10La sécheresse figure parmi les facteurs qui affectent négativement aussi bien la survie que la croissance des plants de reboisement ou de régénération naturelle au stade juvénile, et même celles des arbres matures (A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; C.D. ALLEN et al., 2010 ; S. GROSSNICKLE, 2018). De plus, associée au réchauffement du climat, elle favorise les attaques parasitaires, les incendies et le dépérissement des arbres (A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; C.D. ALLEN et al., 2010 ; A. ZINE EL ABIDINE et al., 2013). Les répercussions de ces changements climatiques sont devenues une réalité au Maroc, où les années humides font figure d'exception depuis la décennie 1990 (L. STOUR et A. AGOUMI, 2008 ; F. DRIOUECH, 2010 ; N. MOKHTARI et al., 2014).
11Les perspectives liées aux changements climatiques soulèvent des doutes quant à l'avenir de la forêt de la Maâmora et appellent une réflexion sur les stratégies d'aménagement à adopter pour en assurer la durabilité (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Les gestionnaires s'interrogent sur le choix des essences de reboisement pour faire face à l'intensification des stress environnementaux sévères, notamment ceux liés au déficit des précipitations et à l'augmentation de l'évapotranspiration (A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Les plants de Chêne-liège et ceux des autres essences plantées dans la Maâmora, comme le Pin maritime des Landes et les Eucalyptus, peuvent-ils résister à la récurrence d'épisodes de sécheresse ? Faut-il s'orienter vers le maintien et la réhabilitation du Chêne-liège, espèce autochtone multi-usages jusqu'ici adaptée aux conditions écologiques locales, ou faut-il considérer d'autres essences, autochtones ou exotiques qui seraient plus résistantes à la sécheresse ? La seconde proposition relève de la migration assistée, qui consiste à introduire, dans des sites devenus moins favorables à des espèces autochtones, des essences forestières plus adaptées au nouveau contexte climatique (L. BENOMAR et al., 2016). Mais avant d'en arriver là, il convient de faire le point sur l'adaptation à la sécheresse des espèces natives et exotiques actuellement présentes dans la forêt de la Maâmora et sur leur vulnérabilité face aux changements annoncés du climat (A. ZINE EL ABIDINE et al., 1997 ; A. ZINE EL ABIDINE, 2003). À cet égard, nos connaissances restent très limitées quant à leur tolérance à la sécheresse au stade juvénile, stade déterminant dans le processus de développement des essences forestières (S. GROSSNICKLE, 2018).
12L'évaluation du comportement écophysiologique et de la croissance des essences forestières en réponse à la sécheresse, sous des conditions naturelles et expérimentales, contribuerait à mieux cerner la vulnérabilité et la capacité d'adaptation des jeunes plants face à cet aléa climatique, notamment en phases de plantation et de croissance juvénile (M. DUCREY, 1988 ; A. ZINE EL ABIDINE et al., 1997 ; A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-b). De ces études expérimentales, on peut attendre de nouvelles connaissances pour guider le choix des aménagistes et des gestionnaires en matière d'espèces à prioriser, domaine qui nous intéresse ici, mais aussi des avancées sur les techniques de plantation et d'entretien des reboisements.
13Le présent travail a pour objectifs :
1/ de comparer les valeurs de paramètres représentatifs du statut hydrique (potentiel hydrique et teneur en eau) et de la croissance des plantes, mesurées, sous arrosage et dans des conditions expérimentales de déficit hydrique édaphique continu, sur des plants juvéniles de trois des principales essences entrant dans les programmes de reboisement de la forêt de la Maâmora (Chêne-liège, Pin maritime des landes, Gommier rouge), ainsi que du Thuya de Berbérie (Tetraclinis articulata (Vahl) Masters).
2/ de proposer des recommandations en matière de choix d'essences à privilégier spécifiquement pour le reboisement de la forêt de la Maâmora.
14Le Thuya de Berbérie (Tetraclinis articulata (Vahl) Masters), bien qu'il ne soit pas actuellement utilisé pour les reboisements dans la forêt de la Maâmora, est intégré dans ce travail du fait qu'il s'agit d'une essence forestière autochtone à usages multiples bien adaptée aux bioclimats arides et semi-arides tempérés à chauds soumis aux influences océaniques. En outre, cette essence n'a pas de besoins spécifiques sur le plan édaphique et elle est plus thermophile que le Chêne-liège. Enfin, son aire biogéographique naturelle est proche de la forêt de la Maâmora (B. BENABID et F. FENNANE, 1994 ; A. BENABID, 2000). Ainsi l'introduction de cette espèce forestière dans certains espaces de la forêt de la Maâmora pourrait-elle être envisagée dans le cadre d'une migration assistée latitudinale, donc d'une stratégie proactive d'adaptation au changement climatique (L. BENOMAR et al., 2016).
15L'expérimentation a été conduite sur des plants d'une année appartenant à quatre espèces : Gommier rouge (Eucalyptus camaldulensis), Thuya de Berbérie (Tetraclinis articulata), Chêne-liège (Quercus suber) et Pin maritime des Landes (Pinus pinaster ssp. atlantica). Les plants des deux premières espèces ont été produits respectivement dans les pépinières Dayet Zerzour et Benslimane. Ceux des deux autres ont été produits à la pépinière de Dar Salem. Les pépinières de Dayet Zerzour et Dar Salem se trouvent à proximité de Sidi Yahia (34°18'33" Nord, 6°18'41" Ouest), à l'est de Kénitra, et celle de Benslimane près de la ville du même nom (33°36'44" Nord, 7°07'16" Ouest), au nord-ouest de Casablanca (voir Fig. 1). Les plants, initialement destinés à des reboisements, ont été produits dans des conteneurs rigides de 500 cm3 renfermant un substrat de culture constitué de 75 % de compost organique commercial et 25 % de terreau forestier provenant de la forêt de la Maâmora.
16Deux-cent soixante plants par espèce, tous âgés d'une année, ont été échantillonnés, de façon aléatoire, en vue de l'expérimentation. Leurs caractéristiques morphologiques sont présentées dans le tableau I.
Tableau I - Caractéristiques morphologiques moyennes des plants des différentes espèces au moment de leur rempotement, sur la base de trente échantillons choisis aléatoirement par espèce.
GR : gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
Les valeurs moyennes sont suivies des écarts-types. * : Les racines des plants du chêne-liège sont caractérisées par un pivot racinaire plus gros.
17L'étude s'est déroulée sur quatre mois, du début janvier au 17 mai 2017.
18Du 5 au 12 janvier, pour chaque espèce, 176 plants de même dimension ont été rempotés dans des sachets en polyéthylène noirs de 4 litres de volume, percés au fond, contenant chacun approximativement la même quantité d'un substrat prélevé dans la forêt de la Maâmora. Ce substrat de culture a été caractérisé au laboratoire de l'Institut National de recherche Agronomique (Rabat, Maroc). Il a une texture sablo-limono-argileuse (80 % de sables fins et 20 % de limons et d'argile). Les plants ont été ensuite placés dans la pépinière de l'École Nationale Forestière (ENFI) (34°02'28,50'' Nord ; 06°48'00,50'' Ouest) à Salé, sous une ombrière assurant une atténuation de la lumière de 70 %.
19Après rempotage, l'arrosage des plants a été effectué régulièrement. Près d'un mois après le débourrement des bourgeons apicaux, signe de la reprise de la croissance des plants, deux fertilisations successives ont a été appliquées. Le fertilisant utilisé est de type "NPK 6-4-6" "Algoflash". Le 17 février et le 2 mars, chaque plant a reçu, après arrosage, environ 17 cl d'une solution contenant 4 ml du produit fertilisant concentré par litre d'eau. La croissance des plants du Gommier rouge, espèce à croissance rapide, a été stimulée plus fortement que celle des trois autres espèces par la fertilisation et l'arrosage (voir Photo 4). Tout au long de la période d'expérimentation, les températures minimales journalières ont varié entre 8 et 16°C et les maximales entre 18 et 34°C.
20À partir du 1er avril, trois mois après le rempotage, l'expérimentation proprement dite à débuté, la moitié des plants étant soumis à partir de cette date, après un arrosage jusqu'à saturation, à un assèchement hydrique édaphique continu, alors que les autres (plants témoins) ont été arrosés tous les deux à trois jours, selon les conditions atmosphériques. L'ensemble a été protégé des eaux de pluie, mais aussi en grande partie de la condensation de l'eau atmosphérique (rosée), par la mise en place d'un film en plastique transparent placé à 1,5 m environ au-dessus du dispositif expérimental.
21L'expérimentation a été menée selon un protocole en "split-plot" à deux facteurs de classification (espèce-traitement). Quatre essais (ou "répétitions") ont été effectués simultanément, chacun portant sur une "parcelle" associant deux "sous-parcelles" : assèchement et arrosage. Les espèces, chacune groupée en "unités expérimentales" au sein des sous-parcelles, ont été positionnées différemment d'une sous-parcelle à l'autre, que ce soit pour une même répétition ou d'une répétition à l'autre (tableau accompagnant la Photo 4), afin d'assurer une meilleure précision lors de l'analyse statistique de l'effet "espèce" (analyse de la variance). Au total, le dispositif comportait : 4 parcelles (une par répétition) x 2 sous-parcelles (une par traitement) x 4 unités expérimentales (une par espèce) x 22 plants.
Photo 4 - Vue du dispositif expérimental installé dans la pépinière de l'ENFI et tableau du positionnement des plants dans chaque répétition. [clichés : Abdenbi ZINE EL ABIDINE]
R1, R2, R3, R4 : répétitions (toutes mises en place à la même date).
GR : Gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
Le tableau présente la disposition des unités expérimentales. La photographie montre la sous-parcelle arrosée de la répétition 4, vue de face.
22Du côté ensoleillé des parcelles, les unités expérimentales ont été bordées par des bacs contenant les mêmes espèces, afin d'éviter l'effet lisière.
23La durée d'assèchement édaphique a varié selon la résistance des quatre espèces à l'assèchement du substrat de culture. En effet, le traitement a été arrêté lorsque les plants ont atteint le seuil de flétrissement temporaire marqué par la perte de turgescence et le dessèchement d'environ 50 % des feuilles. À ce niveau d'assèchement, les plants étaient proches du point de flétrissement permanent. Le seuil de flétrissement temporaire a été atteint après 15 jours pour les plants du Gommier rouge (le 16 avril ‒ Photo 5), 25 pour ceux du Thuya de Berbérie (le 26 avril), 30 pour ceux du Chêne-liège (le 1er mai) et 40 pour ceux du Pin maritime des Landes (le 11 mai), espèce qui a donc résisté le mieux à l'assèchement édaphique.
Photo 5 - Plants de Gommier rouge (à gauche) particulièrement affectés sur une sous-parcelle non arrosée depuis 15 jours.
24Les effets de l'assèchement édaphique sur la teneur en eau du substrat de culture et sur le comportement des plants des quatre espèces ont été évalués tous les cinq jours, du 11 avril (10ème jour d'assèchement) au 11 mai (40ème jour), jusqu'au seuil de flétrissement des plants pour chaque espèce. Dans la suite du texte, les intervalles de confiance indiqués correspondent à des écarts-types.
25Les teneurs en eau pondérales (en % des matériaux secs) ont été déterminées sur des échantillons (de 250 à 300 g en général) prélevés à mi-hauteur des sachets. Il a été procédé par double pesée (gravimétrie) à l'aide d'une balance de précision (0,01 g), avant et après étuvage à 60°C pendant 48 heures. À chaque série de mesures, quatre échantillons (pris dans des unités différentes d'une fois à l'autre) ont été analysés par espèce et par traitement.
26En complément, quatre séries de mesures ont été effectuées, sur des sachets arrosés et asséchés, après une saturation (les 30 mars, 18 avril, 3 mai et 12 mai) suivie d'un ressuyage d'une durée de l'ordre de 24 heures. Cela a permis d'évaluer la capacité au bac (J.W. WHITE, 1964) des substrats de culture, équivalente de la capacité au champ pour les sols en place. Huit échantillons ont été analysés à chaque fois, prélevés dans des unités différentes d'une fois à l'autre, sans faire de distinction entre les espèces. Les valeurs mesurées vont de 12,2 à 21,9 % et les moyennes pour huit échantillons, de 15,3 +/- 1,9 % (saturation du 18 avril) à 19,6 +/- 1,9 % (saturation du 30 mars). La moyenne des 32 mesures s'établit à 17,0 +/- 2,5 %. Cette valeur a été retenue comme représentative de l'humidité après ressuyage des substrats des unités vouées à l'assèchement.
27Le statut hydrique des plants peut être traduit par le potentiel hydrique du xylème des plants et par la teneur en eau de leurs parties aériennes. Ces paramètres ont été déterminés à chaque fois sur quatre plants par espèce (un par répétition) et par traitement. Effectuées à l'aide d'une chambre à pression PMS Instrument Company USA (modèle 600) avant le lever du soleil (pré-aube) et entre 12 et 14h00, les mesures ont permis de déterminer respectivement le potentiel hydrique de base (Psi-b) et celui de mi-journée (Psi-m) (A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-b). Le premier (Psi-b) évalue l'état d'équilibre hydrique entre le plant et le substrat de culture, alors que le second (Psi-m) indique l'état d'équilibre entre les plants, la teneur en eau du substrat et la demande évapotranspiratoire de l'air. Inversement proportionnel à l'avidité en eau de la plante, le potentiel hydrique est exprimé sous la forme d'une valeur de pression négative, d'autant plus basse que la situation hydrique de la plante devient plus stressante. Sous des conditions d'ensoleillement et d'humidité du sol favorables, Psi m est généralement inférieur à Psi b (A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-b). Ces deux variables ont permis d'estimer, à l'aide des courbes limites, le potentiel hydrique critique (Psi c), paramètre qui indique le niveau de stress hydrique à partir duquel la survie de la plante est menacée (G. AUSSENAC et A. GRANIER, 1978). Les mesures de Psi b et de Psi m ont été effectuées, à chaque fois, sur quatre plants par espèce et par traitement. Pour les plants du Thuya de Berbérie et du Pin maritime des Landes, un cm environ d'écorce a été enlevé à la base des rameaux prélevés avant leur passage dans la chambre à pression, afin d'éviter la formation de bulles suite à l'exsudation de résine sous l'effet de la pression (G. AUSSENAC et J.C. VALETTE, 1982).
28La teneur en eau des parties aériennes (tiges et feuilles) a été déterminée sur les échantillons prélevés avant le lever du soleil pour la mesure de Psi b. Les échantillons ont été immédiatement pesés, à l'aide d'une balance de précision (0,01 g), pour déterminer la masse fraîche. Puis ils ont été séchés en étuve à 60°C pendant 48 heures pour connaître leur masse sèche. La teneur en eau des tissus des plants est exprimée en % de la masse sèche.
29L'accroissement des plants entre le début et la fin de l'expérimentation a été déterminé pour deux individus (marqués) par espèce et par unité expérimentale pour chaque traitement (ce qui donne un total de 64 plants). La hauteur et le diamètre au collet initiaux ont été mesurés au moment du rempotage des plants. La biomasse initiale des racines et celle des parties aériennes ont été estimées à l'aide de modèles allométriques. Ces derniers ont été élaborés entre la masse sèche, la hauteur de la tige et le diamètre au collet de la tige en utilisant un échantillon représentatif des plants pris au moment du rempotage. Les masses sèches des parties aériennes et racinaires à l'arrêt des observations pour chacune des espèces ont été évaluées après lavage et séchage pendant 48 heures dans une étuve à 60°C. Les données recueillies (Tab. II) ont servi à déterminer les différences relatives (DR) sur les quatre variables étudiées de l'accroissement des plants asséchés par rapport à celui des plants arrosés :
DR % = (gain plants asséchés % - gain plants arrosés %) / gain plants arrosés 100.
Tableau II - Caractéristiques morphologiques moyennes des plants des différentes espèces au début (A) et à la fin (B ‒ seuil de flétrissement temporaire des plants asséchés) des observations, déterminées sur la base de huit plants par traitement et par espèce.
GR : gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes. * : l'un des plants marqués du Pin maritime est mort en cours d'expérimentation dans le traitement "asséché" et n'a donc pas été pris en compte. Les valeurs moyennes sont suivies des écarts-types (calculs menés à partir des moyennes des deux valeurs disponibles par unité expérimentale).
30La période de croissance considérée depuis le rempotage a été de 105 jours pour les plants du Gommier rouge, 115 pour ceux du Thuya de Berbérie, 120 pour ceux du Chêne-liège et 130 pour ceux du Pin maritime des Landes. Pour ces espèces, les durées d'assèchement représentent respectivement 14,3 %, 21,7 %, 25,0 % et 30,8 % de la durée de croissance des plants du Gommier rouge, de Thuya de Berbérie, de Chêne-liège et de Pin maritime des Landes.
31Les analyses de la variance des données et la comparaison des moyennes, selon la méthode SNK (STUDENT-NEWMAN-KEULS) et le test de TUKEY, ont été réalisées à l'aide du logiciel SPSS 20. La modélisation a été effectuée par le logiciel R. Les différences dues aux effets contrôlés ont été considérées statistiquement significatives à partir d'un seuil de probabilité de 5 %. L'effet des traitements a été analysé après 15, 25, 30 et 40 jours d'assèchement, du fait que les quatre espèces n'ont pas subi des durées d'assèchement similaires. Après 15 jours, l'analyse a porté sur quatre espèces, mais à la fin de l'expérimentation, soit après 40 jours, elle n'a concerné que le Pin maritime des Landes, l'espèce qui a le mieux résisté à l'assèchement.
32La figure 2 montre l'évolution des teneurs en eau des substrats de culture des unités asséchées. Les écarts-types sur les 18 valeurs moyennes obtenues représentent de 2,5 % (Thuya de Berbérie le 16 avril) à 25,7 % (Chêne-liège le 26 avril) de ces valeurs. Pour chaque espèce, l'humidité du substrat a varié significativement (p < 0,001) sous l'effet de l'assèchement édaphique. Les différences entre les espèces sont également significatives (p < 0,001).
Figure 2 - Teneurs en eau, à différents moments de l'expérimentation, de substrats des unités asséchées.
Chaque valeur portée est la moyenne de 4 mesures (une par répétition).
GR : Gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
33Dix jours après l'arrêt de l'arrosage (soit le 11 avril), par rapport à la valeur initiale retenue, la teneur en eau était réduite de 84,4 % dans le substrat des plants du Gommier rouge, 77,6 % dans celui des plants du Thuya de Berbérie, 62,4 % dans celui des plants du Chêne-liège et 50,3 % dans celui des plants du Pin maritime des Landes (Tab. III). Cette réduction s'est ensuite accentuée, les plants du Gommier rouge et ceux du Thuya de Berbérie continuant d'épuiser plus rapidement l'eau disponible que ceux du Chêne-liège et du Pin maritime des Landes. Après 15 jours d'assèchement, les taux de réduction de la teneur en eau ont été respectivement de 86,0 et 85,6 % pour les plants du Gommier rouge et du Thuya de Berbérie, contre seulement 70,9 et 68,1 % pour ceux du Chêne-liège et du Pin maritime des Landes. Aux seuils de flétrissement temporaire, les taux de réduction de la teneur en eau ont tous été proches, entre 85,0 et 87,5 %, mais bien sûr atteints après des durées d'assèchement très différentes. Les valeurs correspondantes de l'humidité pondérale au seuil de flétrissement temporaire vont de 2,13 à 2,55 %, mais sans que les écarts soient significatifs (p > 0,05).
Tableau III - Valeurs moyennes des teneurs en eau des substrats de culture asséchés à différents stades de l'expérimentation et pour les différentes espèces.
Hum. initiale : humidité pondérale après le ressuyage ayant suivi la saturation initiale. Hum. FT : humidité au seuil de flétrissement temporaire des plants. * : moyenne de quatre mesures (une par répétition), suivie de l'écart-type. Dans la colonne Hum. FT, les valeurs sont significativement semblables au seuil de 5 % selon le test de SNK.
34À titre de comparaison, les résultats obtenus sur les unités arrosées aux différentes dates sont portés sur la figure 3. Les valeurs moyennes des humidités vont de 11,3 +/- 2,1 % (au 10ème jour, le 11 avril, pour le Gommier rouge) à 17,0 +/- 0,58 % (le même jour, pour le Pin maritime des Landes). Pour les sept séries de mesures concernant le Pin maritime des Landes, les valeurs varient de 12,6 +/- 3,3 % (au 30ème jour, le 1er mai) à 17,0 % (le 11 avril). Les écarts- types représentent de 2,0 % (Chêne-liège, au 15ème jour, le 16 avril) à 28,3 % (Gommier rouge, le même jour) des valeurs moyennes obtenues. Cette figure fournit deux informations. L'une est banale, les plants arrosés ont toujours bénéficié d'une quantité d'eau disponible importante. La seconde est plus intéressante, même si elle était attendue : les valeurs diffèrent selon l'espèce ou plus exactement selon les besoins en eau de l'espèce. Cela apparaît même systématique si l'on excepte les données pour le Gommier rouge du 16 avril, qui sont assorties d'un écart-type très élevé. Notons en outre que, sans surprise, les écarts d'humidité relatifs entre les unités asséchées et arrosées ont varié significativement (p < 0,001), de -50 % à -84 % de la valeur des substrats arrosés, selon l'espèce et la durée d'assèchement.
Figure 3 - Teneurs en eau, à différents moments de l'expérimentation, de substrats des unités expérimentales témoins.
Chaque valeur portée est la moyenne de 4 mesures (une par répétition).
GR : Gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
35La réduction de la teneur en eau du substrat de culture a affecté négativement et significativement (p < 0,001) les paramètres du statut hydrique des plants (Psi b, Psi m et teneur en eau des parties aériennes) pour chacune des espèces. L'effet est également significatif en considérant ensemble toutes les espèces (p < 0,001).
36L'effet du déficit hydrique édaphique sur le comportement des plants du Gommier rouge a été plus marqué, alors que la durée d'assèchement a été plus courte et n'a constitué que 14,3 % de la durée de croissance référence (Fig. 4). La durée d'assèchement édaphique des plants des autres essences a représenté 21,7 % de la durée de croissance référence pour les plants du Thuya, 25,0 % pour ceux du Chêne-liège et 30,8 % pour ceux du Pin maritime des Landes.
Figure 4 - Potentiel hydrique de base (a) et potentiel hydrique de mi-journée (b) des plants des différentes espèces soumis à un assèchement édaphique continu.
GR : Gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
Les valeurs portées sont les moyennes de 4 mesures (une par répétition). Le traitement d'assèchement a été arrêté au seuil de flétrissement temporaire.
37Après 15 jours d'assèchement, le potentiel hydrique de base (Psi b ‒ Fig. 4-a) et le potentiel hydrique de mi-journée (Psi m ‒ Fig. 4-b) des plants ont été significativement (p < 0,001) plus négatifs pour le Gommier rouge et le Thuya de Berbérie que pour le Chêne-liège et le Pin maritime des Landes, celui des plants du Gommier rouge étant en outre significativement plus négatif que celui des plants du Thuya de Berbérie. Pour le Psi b, les valeurs ont été respectivement de -43,6 bars, -34,5 bars, -4,88 bars et -2,75 bars (Fig. 4 et Tab. IV).
Tableau IV - Valeurs moyennes, pour quatre mesures, des potentiels hydriques de base (Psi b) et de mi-journée (Psi m) après quinze jours d'assèchement et au seuil de flétrissement temporaire, ainsi que du potentiel hydrique critique estimé (Psi c), des plants des différentes espèces soumis à un assèchement édaphique.
GR : Gommier rouge. TB : Thuya de Berbérie. CL : Chêne-liège. PM : Pin maritime des Landes.
Le Psi c est estimé graphiquement à l'aide des courbes limites (Psi b = f(Delta Psi)).
Les valeurs moyennes sont suivies des écarts-types. Dans chaque colonne, les moyennes suivies de lettres différentes sont significativement différentes au seuil de 5 % selon le test de SNK.
38Aux seuils de flétrissement temporaire, atteints après des durées différentes selon les espèces, le Psi b a été de 43,6 bars pour les plants du Gommier rouge, -51,2 bars pour ceux du Thuya de Berbérie, 44,9 bars pour ceux du Chêne-liège et -24,6 bars pour ceux du Pin maritime des Landes (Fig. 4 et Tab. IV). Avec des potentiels hydriques de base similaires pour les plants du Gommier rouge et du Chêne-liège en fin d'assèchement, la durée nécessaire pour atteindre le flétrissement a été deux fois plus longue dans le cas du Chêne-liège que dans celui du Gommier rouge (30 jours contre seulement 15).
39Le Psi b le plus bas (-52,1 bars), significativement différent de ceux des plants des autres espèces, a été atteint après 20 jours d'assèchement chez les plants du Thuya de Berbérie (valeur de -51,2 bars après 25 jours). Le potentiel hydrique de base le moins négatif en fin d'expérimentation a été observé chez les plants du Pin maritime des Landes (-24,6 bars), après 40 jours d'assèchement (Fig. 4).
40Les valeurs du potentiel hydrique de mi-journée (Psi m) ont présenté la même tendance que celles du Psi b. Le Psi m le moins négatif a été observé chez les plants du Pin maritime des Landes asséchés pendant 40 jours (-23,3 bars). Le Psi m le plus négatif (-62,4 bars) a été atteint après 20 jours chez les plants du Thuya de Berbérie (-57,5 bars après 25 jours). Les valeurs les plus négatives du Psi m des plants du Chêne-liège et du Gommier rouge ont été statistiquement similaires (-47,1 et -49,8 bars respectivement), mais elles ont été observées après 30 jours d'arrêt d'arrosage dans le cas du Chêne-liège et seulement 15 jours dans celui du Gommier rouge (Fig. 4 et Tab. IV).
41Le potentiel hydrique critique estimé (Psi c) est plus négatif chez les plants du Gommier rouge (-52,3 bars) et du Thuya de Berbérie (-59,0 bars) que chez ceux du Chêne-liège (-39,3 bars) et du Pin maritime des Landes (-23,5 bars) (Tab. IV). Ces seuils de stress ont été estimés pour des durées d'assèchement différentes : 15 jours pour le Gommier rouge, 25 jours pour le Thuya de Berbérie, 30 jours pour le Chêne-liège et 40 jours pour le Pin maritime des Landes. Les valeurs très basses du Psi b, du Psi m et du Psi c trouvées pour les plants du Gommier rouge et du Thuya de Berbérie, montrent que ces plants étaient plus stressés que ceux du Pin maritime des Landes. Le chêne-liège montre, au seuil de flétrissement temporaire, un comportement statistiquement similaire à celui du Gommier rouge, mais après 30 jours au lieu de 15 jours. En revanche, contrairement aux autres espèces, son potentiel hydrique critique (-39,3 bars) est beaucoup moins négatif que ses potentiels de base et de mi-journée au seuil de flétrissement. Il est même moins négatif que le Psi m mesuré après 25 jours d'assèchement.
42Il est à signaler que les valeurs du Psi b des plants témoins (arrosés) du Gommier rouge, du Thuya de Berbérie, du Chêne-liège et du Pin maritime des Landes ont été supérieures à -7 bars. Durant toute la durée de l'expérimentation, elles ont varié respectivement de -2,7 à -3,5 bars, de -5,8 à -6,9 bars, de -1,8 à -2,6 bars et de -2,2 à -4,9 bars. Les valeurs du Psi m des plants témoins ont été inférieures à celles du Psi b, mais ne sont pas descendues en dessous de -13 bars chez les quatre espèces.
43Pour chaque espèce, l'assèchement du substrat de culture a réduit significativement la teneur en eau de la partie aérienne des plants mesurée à l'aube (Tab. V), que ce soit par rapport à l'état initial des plants soumis à l'assèchement ou que ce soit par rapport aux plants témoins arrosés (p < 0,001 dans les deux cas). C'est cette réduction de la teneur en eau qui a été finalement responsable du flétrissement des feuilles et des jeunes rameaux.
Tableau V - Valeurs moyennes, pour quatre mesures, des teneurs en eau au seuil de flétrissement temporaire mesurées à l'aube dans les parties aériennes des plants des différentes espèces arrosés ou asséchés.
Hum. témoins : humidité pondérale des plants témoins (arrosés), en % de la matière sèche. Hum. FT : humidité pondérale au seuil de flétrissement des plants asséchés, en % de la matière sèche. Durée : durée de l'assèchement édaphique au seuil de flétrissement temporaire. Les valeurs moyennes sont suivies des écarts-types. TR : taux de réduction de l'humidité des plants asséchés par rapport à celle des plants arrosés. Les valeurs suivies de lettres différentes sont significativement différentes au seuil de 5 % selon le test de SNK.
44En considérant les valeurs atteintes aux seuils de flétrissement, l'humidité pondérale des parties aériennes des plants asséchés est diminuée significativement (p < 0,001) par rapport à celle des plants des unités arrosées, de 66,3 % pour le Gommier rouge, 40,5 % pour le Thuya de Berbérie, 17,8 % pour le Chêne-liège et 4,2 % pour le Pin maritime des Landes.
45Les taux de réduction de la teneur en eau des parties aériennes au seuil de flétrissement (Tab. V) vont de 66,3 % (Gommier rouge) à 4,2 % (Pin maritime des Landes) et les valeurs sont inversement proportionnelles à la durée d'assèchement (R2 = 0,93 pour une régression linéaire et 0,98 pour une régression semi-logarithmique). Le temps nécessaire pour atteindre le flétrissement temporaire en situation d'assèchement édaphique pourrait donc indiquer la vulnérabilité à la sécheresse des plants de l'espèce considérée. À cet égard, les plants du Gommier rouge paraissent plus vulnérables que ceux du Pin maritime des Landes, les autres espèces occupant une position intermédiaire.
46L'effet de l'assèchement édaphique sur l'accroissement de la hauteur des tiges et du diamètre au collet, ainsi que celui des biomasses de la partie aérienne et des racines, a varié sensiblement et significativement d'une espèce à l'autre (p < 0,001).
47Chez les plants témoins, les accroissements les plus élevés, en hauteur, en diamètre au collet, en masses sèches aérienne et racinaire, ont été enregistrés chez les plants du Gommier rouge, suivi par les plants du Thuya de Berbérie, du Pin maritime des Landes et du Chêne-liège (Tab. VI et VII ; voir aussi Tab. II).
Tableau VI - Valeurs moyennes des accroissements des paramètres morphologiques des plants arrosés et asséchés des différentes espèces, mesurés entre l'empotement et la fin du suivi (assèchement édaphique des plants asséchés).
Chaque valeur, suivie de son écart-type, est la moyenne pour quatre répétions (deux échantillons par répétition). Entre parenthèses : durée depuis la fin de l'arrosage. Delta H : accroissement en hauteur de la tige. Delta DC : accroissement du diamètre au collet. Delta MA : accroissement de la masse sèche aérienne. Delta MR : accroissement de la masse sèche racinaire.
Tableau VII - Pertes d'accroissement des plants sous l'effet d'un assèchement édaphique de durée variable selon l'espèce.
seuil FT : seuil de flétrissement temporaire. DAS : durée de l'assèchement édaphique pour chaque espèce. Dr Hum : différence relative entre l'humidité pondérale du substrat déterminée sur les unités asséchées au seuil de flétrissement temporaire et la moyenne des valeurs mesurées sur les unités arrosées de la même espèce. Delta Psi : diminution du potentiel hydrique de base par rapport à celui des plants témoins. DR H : différence relative de l'accroissement en hauteur des plants asséchés par rapport à celui des plants arrosés. DR DC : différence relative pour le diamètre au collet. DR MA : différence relative pour la masse sèche aérienne. DR MR : différence relative pour la masse sèche racinaire. En italique et en bleu : augmentation ou diminution non significative de l'accroissement au seuil de 5 %.
48Les plants du Gommier rouge ont été les plus affectés par l'assèchement édaphique, bien que la durée de celui-ci jusqu'au seuil de flétrissement temporaire ait été pour eux très courte. Les accroissements de la hauteur, du diamètre au collet et des masses sèches aérienne et racinaire des plants de cette espèce ont été réduits respectivement de 32,5 %, 22,1 %, 33,6 % et 65,1 % par rapport aux plants témoins (Tab. VII). Chez les plants du Thuya de Berbérie, une réduction significative a été observée pour le diamètre au collet (16,4 %) et la masse sèche aérienne (35,1 %). En revanche, chez les plants du Pin maritime des Landes l'effet de l'assèchement n'a été significatif (p < 0,01) que dans le cas du diamètre au collet (réduction de 31,3 % par rapport au témoin).
49Le Chêne-liège a manifesté un comportement singulier. En effet, alors que le potentiel hydrique de base et celui de mi-journée au seuil de flétrissement temporaire des plants asséchés, ont été significativement (p < 0,001) plus négatifs que ceux des plants arrosés (voir Tab. V), le traitement d'assèchement (de 30 jours) ne s'est pas traduit par une diminution de l'accroissement des plants asséchés. À l'évidence, et même si l'augmentation de l'accroissement n'est pas significative (p > 0,05), les plants témoins du Chêne-liège ont mal toléré les arrosages fréquents.
50L'assèchement édaphique des substrats de culture a affecté négativement et significativement le statut hydrique et la croissance des plants des quatre espèces testées. L'ampleur de la réduction a cependant varié significativement selon les espèces et la durée d'assèchement édaphique. Les teneurs en eau du substrat de culture au cours et à la fin du traitement d'assèchement montrent que les plants du Gommier rouge ont consommé plus d'eau que ceux des trois autres espèces et qu'ils sont donc plus exigeants en phase d'installation après leur mise en terre. De ce fait, le seuil de flétrissement temporaire des plants du Gommier rouge a très vite été atteint.
51Un flétrissement précoce des plants du Gommier rouge a été aussi observé par J. GINDABA et al. (2005) sur des individus âgés d'une année après six jours d'assèchement ayant réduit de 75 % la teneur en eau du substrat de culture. P.N. SALL et al. (1991) ont également rapporté le développement d'un stress hydrique sur des plants du Gommier rouge (Psi b = -32 bars) plantés sur des dunes sableuses au Sénégal. Ils ont signalé que le blocage de la consommation d'eau chez les plants de cette essence s'opère lorsque le potentiel hydrique critique est de l'ordre de -32 bars et que la croissance des plants s'arrête lorsque leur potentiel hydrique de base atteint -25 bars.
52Toutefois le Gommier rouge est considéré, par certains auteurs, comme tolérant à la sécheresse (P.N. SALL et al., 1991 ; J.H. LEMCOFF et al., 2002 ; J. GINDABA et al., 2005). Cette tolérance paraît liée à son efficacité supérieure dans l'utilisation de l'eau (D.M. ZAHID et al., 2010), ainsi qu'au développement de ses racines (Y. COHEN et al., 1997), qui lui permet d'exploiter les ressources hydriques à grande profondeur (Y. COHEN et al., 1997 ; D.A. WHITE et al., 2000 ; D.M. ZAHID et al., 2010). Sa capacité à tolérer la sécheresse n'en est pas moins limitée en climat aride et semi-aride (P.N. SALL et al., 1991 ; D.M. ZAHID et al., 2010), du fait de la modestie des quantités d'eau disponibles. Dans la forêt de la Maâmora, les périodes de déficit hydrique estivales peuvent durer plus de deux mois et se prolonger en automne, notamment dans sa partie orientale (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016), ce qui peut affecter le développement de jeunes plants nouvellement mis en terre (A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; D. GHAIOULE et al., 2007 ; H. EL HACHIMI, 2010).
53Les plants du Pin maritime des Landes et du Chêne-liège ont le mieux supporté les conditions expérimentales d'assèchement édaphique. Cependant le niveau de stress atteint, dans le présent travail, chez les plants du Pin maritime des Landes après 40 jours (-24,6 bars), est plus accentué que celui rapporté par C. PICON et al. (1996), qui ont mesuré un potentiel hydrique de base de -15 bars après un assèchement édaphique de 60 jours. En ce qui concerne le Chêne-liège, le comportement que nous avons observé est assez similaire à ce qui a été trouvé par ailleurs pour des individus de différentes provenances (M. EL HABACHI, 2011 ; A. BOUNAKHLA, 2015). Mais ces résultats ne doivent pas faire oublier que cette espèce est reconnue pour son intolérance aux dessèchements édaphiques de longue durée (M. EL HABACHI, 2011 ; A. BOUNAKHLA, 2015).
54Il est en outre à noter que les plants témoins du Chêne-liège ont mal réagi aux arrosages fréquents, ce qui confirme les observations de M. KSONTINI et al (1998). Cette sensibilité du Chêne-liège aux excès d'eau pourrait expliquer l'absence de cette espèce à l'emplacement des marais temporaires de la forêt de la Maâmora et même le dessèchement des arbres sur le pourtour de ces dayas lors des années pluvieuses (B. LEPOUTRE, 1965).
55Les plants du Thuya de Berbérie testés après 20 jours sans arrosage ont fourni un potentiel hydrique de base de -52,1 bars. Cinq jours plus tard, au seuil de flétrissement temporaire, la valeur trouvée (sur d'autres plants) a été de -51,2 bars. Ces niveaux de stress sont plus accentués que celui rapporté par I. OLIVERAS et al. (2003), qui ont mesuré dans des conditions naturelles, en juillet, une valeur de -40 bars sur des arbres matures de Thuya plantés sur une dune côtière sableuse en Espagne.
56Face aux comportements des espèces testées lors de cette expérimentation, on peut se demander quelles seraient les répercussions sur des plants nouvellement plantés d'une sécheresse de longue durée dans la forêt de la Maâmora ? Beaucoup de plantations seraient certainement vouées à l'échec, notamment là où l'épaisseur de l'horizon sableux dépasse 2 m (B. LEPOUTRE, 1965). La situation serait particulièrement difficile en cas de plantations tardives (en mars) et de précipitations très faibles avant et après la sécheresse estivale. En effet, lors d'années très peu pluvieuses, la sécheresse peut débuter dès le mois de mars et se prolonger jusqu'en octobre (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Les précipitations annuelles minimales sont de l'ordre de 291 mm à la station de Rabat-Salé et de 191 mm à celle de Kénitra-Sidi Slimane, contre 1164 et 849 mm respectivement pour les maximales (ibidem). Les années favorables sur le plan pluviométrique sont déjà rares, mais elles le seront encore plus dans le contexte des changements du climat (A. MOKSSIT, 2012 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). La vulnérabilité des plants face à ce facteur de stress serait donc particulièrement forte dans le cas du Gommier rouge. Les plants du Thuya de Berbérie viennent ensuite, mais ils pourraient résister plus efficacement au déficit hydrique édaphique du fait de leur capacité à profiter de l'humidité atmosphérique à proximité de l'océan Atlantique et de leur faculté à développer leur système racinaire en profondeur. D'ailleurs, la répartition biogéographique de cette espèce thermophile au Maroc, montre qu'elle est adaptée aux zones sèches soumises à des influences maritimes (A. BENABID, 2000).
57La résistance à la sécheresse des plants du Pin maritime des Landes, observée dans ce travail, a été signalée dans de nombreux travaux de recherche consacrés à cette espèce (A. NGUYEN et A. LAMANT, 1989 ; D. LOUSTAU et al., 1990). Un comportement similaire a été retrouvé chez le Pin maritime de montagne (Pinus pinaster var. maghrebiana Villar ‒ A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-b) et chez le Pin de Monterey (Pinus radiata ‒ P.J. MITCHELL et al., 2013). Le Pin maritime (Pinus pinaster) paraît donc faire partie des essences forestières qui contrôlent efficacement les pertes en eau par les stomates et de ce fait évitent la déshydratation de leurs tissus (D. LOUSTAU et al., 1990 ; C. PICON et al., 1996). En contrepartie, il s'expose à une réduction très précoce de l'acquisition du carbone et de son stockage dans les tissus, ce qui pourrait affecter la croissance, le métabolisme carboné et même la survie (S.T. SAIKI et al., 2017). En effet, P.J. MITCHELL et al. (2013) ont montré que chez Pinus radiata, sous des conditions de sécheresse, les réserves en amidon des tissus peuvent être réduites de 85 % au seuil de flétrissement temporaire. Or cette espèce puise alors, pour sa survie, dans tout son stock d'amidon, contrairement à l'Eucalyptus globulus, qui mobilise surtout les réserves racinaires (P.J. MITCHELL et al., 2013) et conserve ouvertes ses stomates plus longtemps.
58La fermeture des stomates, sous conditions de stress hydrique prolongé, entraîne une réduction de l'assimilation photosynthétique et par conséquent une perte des réserves en hydrates de carbone, qui sont normalement mobilisées pour les besoins du métabolisme carboné et de survie. Cette réduction, voire l'arrêt de l'acquisition du carbone, peut entraîner la mort un certain temps après la fermeture des stomates (T.T. KOZLOWSKI, 1992 ; N. MCDOWELL et al., 2008 ; S.T. SAIKI et al., 2017). À l'inverse, les espèces qui ne contrôlent pas efficacement leur transpiration par une fermeture précoce des stomates, telles que le Gommier rouge (Eucalyptus camaldulensis), le Thuya de Berbérie (Tetraclinis articulata) et le Chêne-liège (Quercus suber), continuent le processus de photosynthèse et la synthèse des assimilats nécessaires pour assurer la croissance et la survie (N. MCDOWELL et al., 2008 ; S.T. SAIKI et al., 2017). Chez ces espèces, le maintien des échanges gazeux dans des conditions de déficit hydrique prolongé peut néanmoins entraîner la mort, la déshydratation et le dysfonctionnement du système hydraulique provoquant cavitation et embolie (F. FROUX et al., 2005 ; N. MCDOWELL et al., 2008 ; S.T. SAIKI et al., 2017). Ce type de mortalité a été observé chez des plants du Cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica) et du Cyprès de l'Atlas (Cupressus atlantica Gaussen) lorsque leur potentiel hydrique de base (pré-aube) atteint des valeurs en dessous de leur potentiel hydrique critique (soit 29 et -55,5 bars respectivement).
59Ces deux types de comportement caractérisent les espèces qui tolèrent la sécheresse (N. MCDOWELL et al., 2008 ; P.J. MITCHELL et al., 2013). Mais, dans un cas comme dans l'autre, le risque, pour les jeunes plants, est lié à la durée de la période de sécheresse et à son intensité (A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; C.D. ALLEN et al., 2010), ainsi qu'au potentiel de l'espèce en ce qui concerne les réserves d'amidon (T.T. KOZLOWSKI, 1992 ; S.T. SAIKI et al., 2017). De ce fait, la production en pépinière de plants de bonne qualité morpho-physiologique et dotés d'un statut nutritionnel adéquat peut contribuer largement à la résistance des plants à la sécheresse, notamment après leur mise en terre à des périodes favorables et sur des sites parfaitement préparés (M.S. LAMHAMEDI et J.A. FORTIN, 1994 ; A. ZINE EL ABIDINE, 2003 ; A. BOUNAKHLA, 2015 ; F.Z. MAGHNIA et al., 2019).
60Dans les conditions de l'expérimentation, compte tenu de la très petite taille des sachets utilisés pour l'empotement (4 litres) et de la nature du substrat de culture (matériel sableux provenant de la forêt de la Maâmora), la quantité d'eau initialement présente dans les sachets après ressuyage était faible. La teneur en eau des substrats au démarrage du suivi, après saturation et ressuyage, est estimée à 17 % de la masse des matériaux secs. En dépit de l'arrosage initial, la situation étudiée est donc celle d'une extrême sécheresse dans le cas des plants non arrosés.
61Le suivi de l'humidité des substrats en cours d'assèchement a montré une rapide décroissance de la teneur en eau dans les unités du Gommier rouge (2,66 % dès le 10ème jour ; 2,38 % au 15ème jour), devant celles du Thuya de Berbérie (3,80 % au 10ème jour ; 2,44 % au 15ème jour ; 2,13 % au 25ème jour), du Chêne-liège (6,40 % au 10ème jour ; 2,92 % au 25ème jour ; 2,34 % au 30ème jour) et du Pin maritime des Landes (8,45 % au 10ème jour ; encore 3,46 % au 25ème jour ; 2,55 % au 40ème jour). Dans le même temps, les taux d'humidité mesurés sur les unités arrosées ont varié de 10,2 à 17,0 %. Cela a représenté de 59,7 à 100 % de la capacité au bac tout au long de l'expérimentation (moyenne de 81,3 %), contre de 12,5 à 15 % pour les unités asséchées au seuil de flétrissement temporaire des plants.
62L'assèchement édaphique, tel que nous l'avons appliqué, a affecté négativement et significativement le statut hydrique et la croissance des plants des différentes espèces étudiées. L'épuisement de l'humidité du substrat de culture des plants a été le plus rapide dans le cas du Gommier rouge, suivi par le Thuya de Berbérie, le Chêne-liège et le Pin maritime des Landes. L'effet négatif de l'assèchement édaphique sur le statut hydrique et la croissance des plants a été plus marqué chez les plants du Gommier rouge que chez ceux des autres essences.
63Le seuil de flétrissement temporaire des plants a été atteint après 15 jours d'assèchement pour le Gommier rouge, 25 jours pour le Thuya de Berbérie, 30 jours pour le Chêne-liège et 40 jours pour le Pin maritime des Landes. À ce stade, les teneurs en eau des substrats ne sont pas significativement différentes selon les espèces : 2,13 % (Thuya de Berbérie) à 2,55 % (Pin maritime des Landes).
64Au seuil de flétrissement temporaire des plants, les potentiels hydriques de base et de mi-journée ont été respectivement de -43,6 et -49,8 bars pour le Gommier rouge, -51,2 et -57,5 bars pour le Thuya de Berbérie, -44,9 et -47,1 bars pour le Chêne-liège, -24,6 et -23,3 bars (en relation avec la fermeture précoce des stomates) pour le Pin maritime des Landes. À titre de comparaison, les potentiels hydriques critiques ont été estimés à -53,3 bars pour le Gommier rouge, -59,0 bars pour le Thuya de Berbérie, -39,3 bars pour le Chêne-liège et -23,5 bars pour le Pin maritime des Landes. Les conditions atteintes pour chaque espèce lors de notre expérimentation étaient donc très proches de conditions létales, avec un résultat surprenant en ce qui concerne le Chêne-liège.
65Par rapport aux plants arrosés, la teneur en eau des parties aériennes au seuil de flétrissement temporaire a subi une diminution allant de 66,3 % après 15 jours pour le Gommier rouge à 4,2 % seulement après 40 jours pour le Pin maritime des Landes. La diminution a été de 40,5 % pour le Thuya de Berbérie (après 25 jours) et de 17,8 % pour le Chêne-liège (après 30 jours).
66L'assèchement édaphique a provoqué une diminution de l'accroissement des plants asséchés par rapport aux plants arrosés pour le Gommier rouge, le Thuya de Berbérie et le Pin maritime des Landes, aussi bien pour la hauteur de tige que pour le diamètre au collet, la masse sèche aérienne et la masse sèche racinaire. Cette diminution, déterminée entre l'empotement et la fin de l'expérimentation pour chaque espèce (seuil de flétrissement temporaire) apparaît forte (jusqu'à 65,1 %, pour la masse sèche racinaire du Gommier rouge après seulement 15 jours sans arrosage) et souvent significative au seuil de 5 %. En revanche, pour le Chêne-liège, les accroissements des plants asséchés ont été supérieurs à ceux des plants arrosés (en excès), mais sans que les différences soient significatives (p > 0,05).
67Si l'on s'en tient à notre expérimentation, le Pin maritime des Landes est, parmi les espèces testées, celle qui devrait le mieux supporter une grande sécheresse lors d'une plantation. À l'inverse, les plants du Gommier rouge se sont révélés très sensibles à une situation hydrique difficile.
68Dans le cas de la forêt de la Maâmora, l'amplification attendue de la durée et de l'intensité des sécheresses dans le contexte des changements climatiques (B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016) devrait être encore accentué par la nature sableuse des sols, dont l'épaisseur dépasse localement 2,5 m (B. LEPOUTRE, 1965 ; A. LAOUINA et al., 1997 ; B. BELGHAZI et F. MOUNIR, 2016). Une telle situation ne favorise pas les reboisements à partir de plants produits en pépinière, car leur système racinaire de longueur limitée ne leur permet pas d'atteindre rapidement les argiles humides sous-jacentes (A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-a). Ainsi le choix d'essences de reboisement qui tolèrent la sécheresse, deviendra-t-il une nécessité encore plus prégnante qu'aujourd'hui (N. MCDOWELL et al., 2008 ; F. DRIOUECH, 2010 ; N. MOKHTARI et al., 2014 ; L. BENOMAR et al., 2016). Toutefois les résultats expérimentaux, même s'ils ont leur importance, ne font pas tout pour définir une stratégie de reboisement. Ils doivent être croisés avec les réalités de terrain et tenir compte des attentes des populations.
69Dans les conditions expérimentales, les plants du Chêne-liège et du Pin maritime se sont montrés les plus résistants au déficit hydrique édaphique, car les moins consommateurs d'eau. Même si les plantations récentes de Chêne-liège, réalisées en utilisant des plants de faible qualité morpho-physiologique issus de pépinières (M. BOUDERRAH et al., 2017), ont donné des résultats mitigés sur le terrain, cette espèce autochtone naturelle à usages multiples doit être privilégiée. Il en est de même du Pin maritime des Landes, pour la satisfaction des besoins en bois de service.
70Bien que les plants de Gommier rouge se soient révélés très vulnérables à la sécheresse dans les conditions de l'expérimentation, leur croissance rapide leur assure un fort taux de réussite dans les plantations. Seules des formations sableuses très épaisses pourraient lui être vraiment défavorables en cas d'implantation tardive lors d'une année très sèche. En fait, le principal inconvénient de cette espèce est sa très forte consommation d'eau et sa capacité à la puiser très profondément, ce qui en fait une concurrente redoutable pour l'homme et pour les autres espèces forestières. Si, pour cette raison, le Gommier rouge n'est pas à recommander, il serait utile de tester d'autres espèces d'eucalyptus. En effet, la diversité de comportement des Eucalyptus à la sécheresse, en lien avec la génétique, varie entre espèces (Y. COHEN et al., 1997 ; D.A. WHITE et al., 2000 ; R.J. FENSHAM et R.J. FAIRFAX, 2007 ; E. SAADAOUI et al., 2017 ; S. EZZEDDINE SAADAOUI et al., 2017) et selon la provenance (A.M. GARAU et al., 2008), même dans le cas des clones (F.E.S. COSTA et al., 2004 ; B.S. RENATA et al., 2011). En Tunisie, les espèces d'eucalyptus qui se sont montrées les plus résistantes à l'aridité sont Eucalyptus gracilis, Eucalyptus salmonophloia, Eucalyptus lesouefii, Eucalyptus occidentalis, Eucalyptus astringens, Eucalyptus torquata et Eucalyptus microtheca (E. SAADAOUI et al., 2017). Au Maroc, le Gommier corail (Eucalyptus torquata), par exemple, a donné de très bons résultats dans la partie orientale du pays et dans la région de Marrakech (au centre), caractérisées par des climats très arides. Cette espèce aux belles fleurs mellifères pourrait être favorisée dans les zones à formation sableuse profonde, qui s'assèchent rapidement, et dans le secteur est de la forêt, qui est plus aride. Elle pourrait aussi tenir une place intéressante dans des zones périurbaines déjà aménagées pour répondre à des besoins d'écotourisme. Cette espèce a malheureusement pour handicap de ne pas rejeter de souche lorsqu'elle est exploitée.
71Par ailleurs, le Thuya de Berbérie (Tetraclinis articulata), qui s'est distingué par son comportement écophysiologique proche de celui du Chêne-liège, mérite d'être introduit à titre prospectif, selon l'approche de la migration assistée (L. BENOMAR et al., 2006), notamment dans des zones soumises aux influences océaniques et sur des terrains peu favorables au Chêne-liège, que la formation sableuse soit épaisse ou qu'il se produise périodiquement des submersions (B. LEPOUTRE, 1965 ; B. BELGHAZI et al., 2001). Le Thuya de Berbérie tolère des potentiels hydriques très négatifs sans que son fonctionnement hydraulique soit perturbé. De ce fait, il est moins sujet à l'embolie que le Pin d'Alep et le Pin pignon, qui sont les espèces que l'on plante actuellement dans la forêt de la Maâmora. Dans des conditions de sécheresse, son potentiel hydrique basal peut baisser jusqu'à -55 bars sans risque d'embolie (I. OLIVERAS et al., 2003), ce qui en fait une espèce très résistante (M. DUCREY, 1988). En Espagne, le Thuya de Berbérie est planté sur des dunes côtières où les précipitations annuelles moyennes sont de 312 mm seulement (I. OLIVERAS et al., 2003).
72Comme le Chêne-liège, le Thuya de Berbérie est une espèce autochtone. Après les coupes, comme lui, il rejette de souche jusqu'à un âge très avancé, ce qui permet d'assurer la pérennité des plantations durant des périodes assez longues. En outre, l'un et l'autre sont des espèces à usages multiples. Le Thuya de Berbérie, et le Chêne-liège offrent de nombreux produits et services ; ils font même partie des plantes aromatiques et médicinales (H. ORCH et al., 2015).
73D'autres recherches, menées en conditions naturelles et sur de longues périodes, seront nécessaires pour mieux comprendre le comportement des essences forestières étudiées dans ce travail, afin d'évaluer leur capacité d'acclimatation et d'en déterminer les seuils de résistance aux plans morphologique et physiologique. Il serait aussi intéressant que ces recherches s'intéressent à d'autres indicateurs physiologiques et chimiques de la résistance à la sécheresse (A. ZINE EL ABIDINE et al., 1997). Mais ces informations ne seront rien sans une production de plants de meilleure qualité morpho-physiologique et des techniques plus efficaces pour assurer le démarrage des plantations dans des conditions devenues plus difficiles (A. ZINE EL ABIDINE et al., 2016-b ; L.M. BOUDERRAH et al., 2017).
74Remerciements : Les auteurs tiennent à remercier le projet de coopération Marocco-Belge (ENFI-UCL) dans le cadre duquel ce travail a été réalisé : WBI2015 ‒ "Impact des changements climatiques sur la subéraie de la Maâmora", les deux réviseurs anonymes du manuscrit, ainsi que Marianne COHEN et Claude MARTIN, pour leur précieuse contribution à l'amélioration de la version définitive du manuscrit.