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Dossier

Des objectifs royaux ?

Souverains et photographes de cour en Asie au xixe siècle
Through Royal Lens ? Kings and Court Photographers in Asia in the 19th Century
Annabelle Lacour
p. 72-96

Résumés

À partir du constat du caractère longtemps européocentré de l’histoire de la photographie qui a contribué à invisibiliser les pratiques locales du médium au xixe siècle, l’article propose de dépasser l’opposition essentialiste entre photographes européens et autochtones, en étudiant les phénomènes de mécénat et de commande photographique par des souverains asiatiques particulièrement prescripteurs du médium. Le rôle des cours de l’Iran qajar, du royaume de Siam et des États princiers de Java dans l’essor de la photographie est interrogé en regard des aspirations politiques de contrôle et de diffusion de l’image royale. Sont notamment analysées les nombreuses actions de mécénat de Naser al-Din Chah en Iran. Le statut de photographe de cour est examiné à travers les cas du thaïlandais Francis Chit et du javanais Kassian Cephas. La circulation de matériel, d’albums, d’images et des élites autochtones en différents points d’Asie, ou vers l’Europe, permet enfin de considérer l’implication de la photographie dans les réseaux d’échanges transnationaux.

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Texte intégral

  • 1 Cette remarque a notamment été soulevée dans le cas de la photographie dans le Moyen-Orient. Voir (...)
  • 2 Voir Pinney et Peterson 2003 ; Sheehan 2015.
  • 3 Voir notamment les travaux d’Erin Haney sur l’histoire de la photographie en Gold Coast (2012) et (...)
  • 4 Sur la photographie peinte en Inde, voir Alkazi et al. 2013 ; sur l’usage de l’ambrotype au Japon (...)

1Les premières décennies de la photographie en dehors de l’Europe et des États-Unis ont longtemps été analysées exclusivement à la lumière de l’histoire occidentale, de ses archives et de ses collections. Si l’historiographie a de fait mis en évidence la conquête visuelle du monde par les sociétés industrielles occidentales, elle a eu tendance à invisibiliser les pratiques locales de la photographie dans la deuxième moitié du xixe siècle, mais aussi les facteurs locaux de son adoption précoce dans certaines régions du monde1. Les sources attestant de ces pratiques sont plus difficiles à localiser, moins accessibles aux historiens occidentaux en raison de leur situation géographique, du lieu de leur conservation et de la langue qui leur est associée. Des chercheurs proposent, depuis plusieurs années, des pistes de réflexion stimulantes pour sortir d’une histoire de la photographie envisagée uniquement comme le transfert mécanique d’une technologie européenne, et portent leur attention sur la dissémination globale du médium et sur son appropriation locale2, en proposant autant d’histoires alternatives au récit européocentré dominant3. Des travaux ont par exemple mis en lumière la manière dont les populations en Inde, au Japon et en Iran en particulier ont adopté ou adapté la pratique, inventé d’autres formes d’images, en retraçant les liens avec les traditions visuelles locales ou les conventions sociales et culturelles qui ont pu régir les poses et les postures4.

  • 5 Voir notamment Ritter 2018, p. 11-26 ; Pinney 1997, p. 93.

2La recherche actuelle tend à sortir de l’opposition essentialiste entre photographes européens et autochtones, qui passe sous silence les enjeux liés aux contextes culturels et sociaux, aux attentes de la clientèle, aux situations opératoires, mais aussi aux déplacements des praticiens, des consommateurs et des objets eux-mêmes5. Dépasser cette opposition permet de prendre en compte les influences et les impacts des Européens sur les photographes locaux, et réciproquement. Pour ce faire, nous proposons de penser la localité, ce qui revient à interroger l’expérience locale de la photographie dans toute sa complexité, en identifiant des problématiques, des perceptions et des pratiques en lien avec le local plutôt qu’en relation avec l’Europe. La localité invite à appréhender la pluralité des producteurs, des consommateurs et des commanditaires, ces derniers pouvant influencer la manière même de concevoir les images. En ce sens, la question du pouvoir qui entoure le médium est essentielle.

  • 6 Venayre et Singaravélou 2017, p. 17.
  • 7 Ibid.

3Dans cette perspective, cet article propose d’étudier le phénomène de la commande ou du mécénat, par des souverains asiatiques particulièrement prescripteurs de la photographie, moteurs locaux de son activité, voire de son implantation au xixe siècle. Le médium est arrivé en Asie par de multiples voies. L’ouverture de routes maritimes accompagne sa dissémination sur le continent et l’émergence de studios commerciaux dans les grands ports où accostaient les steamers venus d’Europe et d’Amérique. Parallèlement, dans différentes parties de cette vaste région du monde, la royauté a soutenu activement la photographie à ses débuts. L’engouement de certains dirigeants pour ce médium a pu favoriser son introduction ou son essor local. Nous nous intéressons ici à cette dynamique particulière parmi les multiples voies de diffusion, dans une optique d’« histoire-monde » de la photographie. La deuxième moitié du xixe siècle voit en effet se dessiner, non pas un mouvement unique et linéaire de l’Europe vers le reste du monde, mais des trajectoires multidirectionnelles. Comme l’ont justement remarqué les historiens Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, nous avons sans doute « surestimé, depuis un siècle et demi, les capacités de domination planétaire des grandes puissances européennes6 ». Si « l’Europe n’eut ni le monopole de l’expansion coloniale ni celui des migrations globales7 », comment la photographie a-t-elle pu se trouver impliquée dans d’autres dynamiques géopolitiques et de constructions identitaires ?

  • 8 Sohier 2012.

4En croisant plusieurs figures de souverains en Asie susceptibles de nourrir l’écriture d’une histoire plurielle du médium, nous proposons d’interroger leur rôle en tant que mécènes dans l’essor de la photographie. Les cours royales de l’Iran Qajar, du royaume de Siam et les États princiers de Java ont été parmi les premiers à rechercher des professionnels, à former des membres de l’élite locale au nouveau médium et à nommer des photographes officiels à la cour. Face aux Européens braquant de toute part leurs objectifs, comment ces dirigeants s’en sont-ils emparés pour contrôler leur image, aspirant à une autoreprésentation de leur pouvoir et de leur État ? La curiosité pour ce nouveau passe-temps semble se muer rapidement en une politique consciente de l’image. Les travaux d’Estelle Sohier ont montré comment la photographie est devenue sous le règne de Ménélik II (r. 1889-1913), roi des rois d’Éthiopie, un véritable instrument du pouvoir8. Les portraits de ce dernier incarnaient la souveraineté et l’indépendance politiques, au moment où la colonisation gagnait l’ensemble de l’Afrique. Les souverains asiatiques étudiés ici ont-ils considéré la force symbolique de l’image photographique à un moment où l’expansion européenne progressait sur leur continent ?

  • 9 Exposition « Ouvrir l’album du monde, Photographie 1842-1896 » sous le commissariat de Christine B (...)

5Cet intérêt pour le rôle joué par les cours royales asiatiques dans les premières décennies de la photographie a débuté dans le cadre de recherches menées pour l’exposition « Ouvrir l’album du monde, Photographie 1842-1896 » présentée au Louvre Abu Dhabi en 20199. La manifestation, qui s’intéressait aux débuts du médium en dehors de l’Europe, tentait de mieux en comprendre la géographie, les histoires régionales, les pratiques locales, et cherchait à connecter différents espaces ainsi qu’à observer des phénomènes communs dans diverses parties du monde. Ce projet avait pour point de départ les images rassemblées dans la collection historique du musée du quai Branly-Jacques-Chirac, qui sont majoritairement le produit d’un regard européen sur le monde. Penser une histoire de la photographie décentrée à partir d’une telle source relève du défi et nécessite d’interroger constamment les images absentes, invisibles ou moins accessibles en regard de celles connues, numérisées, exposées ou publiées. Les contributions récentes d’historiens en différents points du globe ont fait émerger des collections, des photographes, des personnalités clés, et ont été indispensables au cours des recherches menées dans le cadre de l’exposition pour tenter de rééquilibrer une perception parcellaire de la cartographie du médium.

6Cet article de synthèse, dont l’ambition est avant tout d’esquisser et d’interroger un phénomène plutôt que de développer chacun des cas étudiés, est aussi tributaire de cette géographie contemporaine des sources. Nous nous proposons de croiser des histoires et des objets, en mettant en avant certaines collections moins connues et peu reproduites dans les publications européennes. Ce faisant, il s’agira d’examiner la manière dont la photographie a été comprise, pratiquée, diffusée, collectionnée, en tant qu’outil de communication culturel et politique par ces souverains, et non simplement en tant que processus de transfert d’une technologie coloniale.

Un engouement royal pour la photographie

7Dans la deuxième moitié du xixe siècle, les tensions politiques en Asie s’intensifiaient à mesure que l’expansion coloniale européenne progressait en Inde, en Insulinde, en Chine puis en Cochinchine. La Grande-Bretagne étendait ses territoires coloniaux de l’Inde à la Birmanie et la France étirait l’empire indochinois dans la région du haut Mékong au Laos. Amputée de plusieurs régions, le Siam souffrait de ces empiétements et tentait d’équilibrer sa position géopolitique avec celle des deux puissances européennes. L’Iran, gouverné depuis Téhéran par les Chah Qajar (1785-1925), voyait sa situation géographique stratégique – un espace entre l’Europe et l’Asie, et une voie possible vers l’Inde – attirer les intérêts de la Russie et la Grande-Bretagne, entraînant une rivalité intense entre ces deux empires. Dans l’archipel indonésien, les Pays-Bas renforçaient leur emprise.

8Avec la progression de la colonisation, les contacts des royaumes et des États indépendants avec le Vieux Continent s’intensifièrent par l’intermédiaire des voyageurs étrangers, des échanges commerciaux et d’une présence européenne accrue dans les pays voisins. L’introduction de la photographie se fit dans ce contexte de profonds bouleversements des rapports entre l’Europe et le reste du monde qui influèrent sur l’imaginaire et la connaissance. Elle fut aussi contemporaine des mutations concernant les transports, l’industrie et les sciences. Les souverains extra-européens se trouvèrent rapidement impliqués dans les premières expériences photographiques sur leur territoire. Des récits de voyageurs européens relatent, parfois avec une certaine emphase, les premiers essais ou démonstrations du daguerréotype sous le regard intrigué du dirigeant local.

  • 10 Cette remarque a notamment été soulevée pour le contexte asiatique dans Clark 1998, p. 146.

9Si l’engouement de souverains pour la photographie est attesté dans différentes régions du monde, elle donna lieu à une production exceptionnelle en Asie. Pourtant, l’arrivée de la technologie, ou la capacité à manœuvrer la chambre photographique, ne suffisaient pas à susciter le désir de photographier ou d’être photographié. Dans les cours asiatiques, les démonstrations du nouveau médium par des Européens furent récurrentes, les chambres présentées ou offertes aux souverains nombreuses, les équipements et produits chimiques rapidement disponibles. Toutefois, ce développement technique ne suscita pas toujours une adoption immédiate du médium, dont la compréhension nécessitait un effort culturel10, mais aussi un désir de s’en emparer. L’introduction et la réception de la photographie dans le monde pouvaient être liées aux relations que chaque pays entretenait avec l’Europe, aux rapports de la société aux images, mais également au contexte particulier dans lequel la technologie fut employée à ses débuts. Les premières confrontations avec l’appareil purent provoquer chez certains souverains crainte, perplexité ou méfiance, en raison de croyances religieuses, ou bien parce que le médium symbolisait, en tant qu’instrument venu d’Europe, l’ingérence étrangère.

  • 11 Utama 2016.
  • 12 Veal 2013.
  • 13 Sur l’introduction de la photographie en Iran, voir Adle et Zoka 1983 ; Afshar 1983, p. 7.
  • 14 Adle et Zoka 1983.
  • 15 Cesar Düben, Reseminnen fran Sodra och Norra Amerika, Asien och Africa. Stockolm : CE Fritzes, 188 (...)

10Au Siam, où la tradition du portrait royal n’existait pas contrairement à d’autres pays d’Asie, le roi Jessadabodindra (Rama III, r. 1824-1851) ne manifesta guère d’intérêt lors de la présentation du premier appareil à daguerréotyper en 1845, par Jean-Baptiste Pallegoix et Jean-Baptiste Larnaudie, pères des Missions étrangères de Paris. Les historiens ont pu associer cette réticence à une superstition liée à la prise de vue11, mais également au rejet plus général du roi à l’égard de toutes les innovations européennes12. À l’inverse, certains souverains furent à l’origine même de son introduction à la cour. Dans l’Iran Qajar, c’est à la demande officielle du souverain Mohammad Chah (r. 1834-1848) que deux chambres daguerriennes furent envoyées dès 1842 à la cour royale de Téhéran, par la reine Victoria d’Angleterre et le tsar Nicolas Ier de Russie13. Les premiers daguerréotypes, réalisés en décembre 1842 par le jeune diplomate russe Nicolai Pavlov, figèrent les traits du chah et son entourage. Deux ans plus tard, le français Jules Richard réalisa plusieurs portraits de la famille royale14. Le seul daguerréotype aujourd’hui connu de Richard est conservé au musée d’Orsay [Fig. 1]. En Indonésie, le daguerréotypiste itinérant suédois Cesar Düben a relaté dans son récit de voyage ses séances photographiques dans l’enceinte du kraton (palais) de Yogyakarta en 1857. Le sultan Hamengkubuwono VI (r. 1855-1877) lui aurait enjoint de former un membre de la cour au nouveau médium15. Le sultanat était alors sous contrôle néerlandais, et comme beaucoup de souverains autochtones, face à la menace des visées coloniales, Hamengkubuwono VI perçut le potentiel de la photographie, comme outil de représentation du pouvoir.

Fig. 1 Jules Richard, Portrait d’un dignitaire persan, Téhéran (?) en 1848.

Fig. 1 Jules Richard, Portrait d’un dignitaire persan, Téhéran (?) en 1848.

Daguerréotype, 6,9 × 8,7 cm. Paris, musée d’Orsay © photo musée d’Orsay / rmn.

11L’engouement des monarques pour le médium s’accompagnait généralement d’une curiosité intellectuelle pour les nouvelles technologies occidentales, d’un intérêt pour les sciences et d’une certaine ouverture sur l’Europe. C’est le cas par exemple de Naser al-Din Chah (r. 1848-1896) en Iran et du roi Mongkut en Thaïlande (Rama IV, r. 1851-1868). Dès l’origine néanmoins, cet enthousiasme dépassa la simple fascination pour des images d’un nouveau genre, et se mêla rapidement au désir plus politique d’atteindre une position d’égalité visuelle avec les dirigeants européens. Les possibilités de produire et de diffuser une représentation royale allaient sous-tendre les efforts entrepris pour développer l’activité photographique. Ces souverains s’attachèrent ainsi à réunir les conditions favorables à l’essor de la pratique en important des matériaux, des équipements, et en nommant des photographes à leur cour, conscients du profit qu’ils pourraient tirer du médium dans un contexte sociopolitique caractérisé par la nécessité de réaffirmer leur pouvoir face aux visées coloniales européennes, aux rébellions internes et aux menaces voisines.

Photographie et mécénat royal en Iran

  • 16 Afshar 1983 ; Adle et Zoka 1983.
  • 17 Voir notamment Tahmasbpour 2013b ; Pérez González et Sheikh 2015 ; Tahmasbpour 2018 ; Pérez Gonzál (...)

12La photographie prend un essor exceptionnel en Iran sous le règne de Naser al-Din Chah. Homme cultivé, défenseur des arts, ouvert sur l’Europe, le monarque était fasciné par cette nouvelle technologie et les possibilités qu’elle lui offrait comme instrument potentiel du pouvoir. Il rassembla sous son règne une collection exceptionnelle, aujourd’hui conservée au palais du Golestan à Téhéran. Devenu progressivement accessible aux chercheurs après la révolution iranienne en 1979, ce fonds témoigne de l’activité photographique intense dans l’Iran Qajar à partir de la fin de la décennie 1850. Les historiens iraniens Iraj Afshar, Charyar Adle et Yahya Zoka ont publié dans les années 1980 les travaux fondateurs sur l’histoire de la photographie iranienne au xixe siècle16. Depuis une dizaine d’années, les recherches de Mohammad Reza Tahmasbpour mettent plus particulièrement en évidence son essor à la cour sous le règne de Naser al-Din17.

  • 18 Brusius 2015.
  • 19 L’introduction de la photographie en Iran est attestée grâce aux mémoires et chroniques de cour.

13L’enthousiasme de ce dernier pour le nouveau médium trouve certainement son origine dans la tradition du portrait royal, principal outil visuel pour dépeindre le pouvoir des monarques18. Dans le domaine de la photographie, Naser al-Din fut un mécène particulièrement important par la diversité des actions qu’il mena. En 1858, il établit l’Atelier royal de photographie dans l’enceinte du palais du Golestan, premier studio officiel en Iran, et promut l’enseignement de la technique au sein du Dar ol-Fonoun19. Cet établissement, inspiré des écoles polytechniques européennes, proposait à ses élèves une solide formation scientifique et militaire qui comportait la pratique de la photographie au même titre que d’autres disciplines.

  • 20 « most of the publications in the West on nineteenth-century photography in Iran deal with the wor (...)
  • 21 Ibid.

14Plusieurs photographes européens enseignèrent à la cour et au Dar ol-Fonoun, dont le français Francis Carlhian à partir de 1858, qui fut à l’origine de l’introduction du collodion humide en Iran. D’autres ont opéré au cours de missions à travers le pays et contribuèrent à nourrir l’appétit royal pour la photographie. Un album conservé au Musée national des arts asiatiques - Guimet ayant appartenu au colonel Victor François Brongniart, chef de la mission française en Iran entre 1858 et 1861, réunit un portrait du chah par Carlhian en 1860, des miniatures persanes [Fig. 2] et des vues de monuments et sites archéologiques prises par les italiens Luigi Pesce et Antonio Gianuzzi. Des tirages de Pesce sont également présents dans les collections de la Bibliothèque nationale de France. Ces photographes européens jouèrent un rôle important dans l’essor précoce du médium en Iran et l’adoption de codes visuels occidentaux. Toutefois, comme le remarque Carmen Pérez González, « la majorité des publications en Occident sur la photographie du xixe siècle en Iran porte sur l’œuvre de photographes occidentaux20 », au détriment de leurs homologues iraniens pourtant prolifiques, mais dont les témoignages se font plus rares dans les collections occidentales21. En 2012, Carmen Pérez González note qu’il y avait en effet environ une centaine de photographes iraniens actifs dans la deuxième moitié du xixe siècle, contre une trentaine d’occidentaux.

Fig. 2 Francis Carlhian, Nâser-ed-din Shah 1860, Le Shah de Perse. Un Autographe de S.M. En Mai 1859 approuvant un ordre me Concernant Comme Chef de la mission militaire. Carlhian 1860, Perse, 1860.

Fig. 2 Francis Carlhian, Nâser-ed-din Shah 1860, Le Shah de Perse. Un Autographe de S.M. En Mai 1859 approuvant un ordre me Concernant Comme Chef de la mission militaire. Carlhian 1860, Perse, 1860.

Album de style qajar sur la Perse, tirages sur papier salé et deux miniatures persanes, 26,2 × 31,2 cm. Paris, Musée national des arts asiatiques - Guimet, AP11186 / rmn.

  • 22 Tahmasbpour 2018. Iraj Afshar (1983) et Yahya Zoka (1997) incluent dans leurs ouvrages certaines p (...)
  • 23 Pérez González et Sheikh 2013, p. 2.

15Les photographes européens en Iran n’agissent pas seuls mais profitent d’un climat favorable à l’égard du médium. Naser al-Din importa ainsi de nouvelles technologies et encouragea la traduction en persan de nombreux manuels techniques et écrits sur la photographie, qui furent bientôt suivis de textes d’intellectuels iraniens discutant des aspects scientifiques, philosophiques, artistiques et religieux associés au médium22. L’engouement personnel du chah, la publication de traités et la présence de photographes européens favorisèrent une certaine légitimité de l’image photographique et ouvrirent la voie à sa propagation, et à son enracinement durable, dans un pays où les considérations religieuses auraient pu empêcher ou freiner son adoption23.

  • 24 Pérez Gonzalez et Tahmasbpour 2019, p. 46-65.
  • 25 Nabipour et Sheikh 2018.

16Carlhian forma au procédé du collodion le chah et, à la demande de ce dernier, le fils d’un courtisan, Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh (1843-1889). Tous deux expérimentèrent avec enthousiasme différentes techniques à la cour et élaborèrent des mises en scène, parfois teintées d’humour [Fig. 3]. Aqa Reza fut le premier à recevoir le titre de photographe de cour (Akkasbashi) en 1863 ; il accompagnait le chah au cours de ses expéditions à l’intérieur et en dehors de l’Iran, et forma à son tour la première génération de photographes iraniens. D’autres après lui reçurent le titre d’Akkasbashi sous le long règne de Naser al-Din puis de son successeur Mozaffaredin Chah (r. 1896-1907). La Kimia Foudation à Los Angeles conserve un ensemble remarquable de vues stéréoscopiques d’Aqa Reza, dit désormais Reza Akkasbashi, dont une image de la lune photographiée en 1864 [Fig. 4] à Shahrestanak24. À Paris, les fonds de la Société de géographie renferment quelques tirages légendés en persan, qui sont sans doute l’œuvre d’un photographe de cour iranien. Mais la grande majorité de la production de la dynastie Qajar se trouve aujourd’hui dans les collections exceptionnelles du palais du Golestan25 : 1 040 albums, contenant près de 42 000 photographies.

Fig. 3 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], Naser al-Din Shah et ses courtisans photographiés dans l’Atelier Royal.

Fig. 3 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], Naser al-Din Shah et ses courtisans photographiés dans l’Atelier Royal.

Tirage sur papier albuminé, album 188, no 1, 1864. Téhéran, Archives du palais du Golestan.

Fig. 4 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], La lune photographiée à Shahrestanak, 1864.

Fig. 4 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], La lune photographiée à Shahrestanak, 1864.

Vue stéréoscopique. Los Angeles, Kimia Foundation.

  • 26 Voir Tahmasbpour 2013b. La majorité des photographies dont il est l’auteur – qui comprennent souve (...)
  • 27 Au sujet des photographies des femmes du chah, voir Scheiwiller 2013 ; Nameghi et Sattari 2018.
  • 28 Brusius 2015.

17Si l’intérêt de Naser al-Din fut déterminant dans l’institutionnalisation de la photographie à la cour, le médium représentait également pour le chah un passe-temps de prédilection26. Il photographia notamment les femmes de son harem, parmi lesquelles Anis al-Dowleh (1840-1897) et Amineh Aqdas (?-1893) qui participaient activement à l’élaboration des mises en scène27 [Fig. 5]. Le monarque réalisa aussi des portraits des enfants de la cour, enregistra des scènes quotidiennes du palais et réalisa de nombreux autoportraits. Ces images, réservées à la sphère privée, offrent une facette intime de la vie à la cour et dévoilent dans le même temps le fait que la photographie n’était pas seulement un instrument politique pour Naser al-Din mais également un moyen d’expression individuelle28.

Fig. 5 Naser al-Din Chah, Autoportrait et portrait de femmes.

Fig. 5 Naser al-Din Chah, Autoportrait et portrait de femmes.

Page d’album annoté par Naser al-Din Chah, album 289, no 4, 1864-1879. Téhéran, Archives du palais de Golestan.

  • 29  Pérez-González 2012.
  • 30 Pérez González 2018.
  • 31 Diba 2013, p. 89.

18Les conditions de l’arrivée du médium en Iran expliquent sans doute le caractère original et hybride du langage photographique à ses débuts. La production iranienne entre 1860 et 1880 mêle, parfois dans une même image, éléments de l’iconographie occidentale et réminiscence de la culture visuelle locale, notamment des miniatures persanes29. L’analyse conduite par Carmen Pérez González, à partir d’un corpus de cinq mille portraits provenant majoritairement de collections iraniennes institutionnelles et privées, a mis en évidence les principales caractéristiques visuelles de la photographie de ce pays, parmi lesquelles le sens de lecture, son organisation de droite à gauche et l’insertion de textes poétiques dans l’image30. Le recours à l’album, l’arrangement particulier des photographies à l’intérieur de celui-ci [voir Fig. 5] et l’ornementation des marges décoratives ont pu être rattachés à la tradition persane des albums muraqqa’, qui compilaient calligraphies, dessins et peinture31. La mise en scène du corps des modèles oscille quant à elle entre postures traditionnelles dérivées de l’iconographie persane – comme la position à genoux – et gestuelle, mais aussi éléments de mobilier ou décor empruntés aux codes visuels européens, comme c’est le cas dans les portraits de notables réalisés par Reza Akkasbashi, où le fond peint représente parfois une maison victorienne.

  • 32 Pérez González 2012, p. 35.
  • 33 E’Temâd al-Saltaneh, « Propagation de la science et de la pratique photographique », 1306/1888-188 (...)
  • 34 À l’exception presque exclusive du photographe Antoine Sevruguin (c. 1851-1933).

19À partir des années 1870, la photographie cesse d’être l’apanage exclusif du monarque et de la famille royale pour se répandre à travers l’Iran, touchant en premier lieu l’élite sociale, les commerçants fortunés et les hauts fonctionnaires. Pour satisfaire une attente de la population, le chah ordonna à Reza Akkasbashi d’ouvrir le premier studio public à Téhéran en 1868. Ce dernier en confia la gestion à l’un de ses élèves, ‘Abbas-Ali Baik (actif à partir de 1863)32. Témoignant d’une expansion de ces commerces, le secrétaire de cour E’Temâd al-Saltaneh écrit en 1888-1889 qu’il est difficile d’évaluer le nombre d’ateliers photographiques actifs à Téhéran et dans les principales villes du pays : Tabriz, Ispahan, Mashad, Shira, Bushahr, Yazd, Kerman et Rasht33. L’Iran n’était toutefois pas sur l’itinéraire des steamers et échappa en grande partie à une production commerciale à destination des touristes et des Européens de passage34, au profit d’un marché presque exclusivement iranien. Ailleurs en Asie, les photographes appelés à la cour alternaient bien souvent commande royale et activité commerciale visant une clientèle à la fois locale et étrangère.

Être photographe de cour en Asie

  • 35 Voir Sheehi 2016.

20Le titre honorifique de photographe de cour octroyé par les empires du xixe siècle et les cours royales à travers le monde est à la fois révélateur d’une politique de l’image et d’une reconnaissance du statut et de la profession. Ce titre donnait un nouvel élan à la carrière des photographes, qui pour beaucoup le considéraient comme le sommet de leur trajectoire et prenaient soin d’indiquer cette distinction dans leur publicité commerciale. Comme la reine Victoria, Dom Pedro II (r. 1831-1889), second et dernier empereur du Brésil, honore les professionnels les plus talentueux du titre de « Photographe de la Maison Impériale » à partir de 1851, favorisant considérablement l’essor de la photographie dans le pays. En France, les frères Mayer, Louis Frédéric et Ernest Léopold, et Pierre Louis Pierson devinrent photographes de l’empereur Napoléon III en juillet 1862, réalisant de nombreux portraits de la famille impériale. Dans l’Empire ottoman, les frères Abdullah – Vichen (1820-1902), Hovsep (1830-1908) et Kevork (1839-1918) – furent nommés photographes de cour auprès des sultans Abdülaziz (r. 1861-1876), Mourad V (r. 1876) et Abdülhamid II (r. 1876-1909)35. Ce statut privilégié les autorisait à imprimer au format carte de visite les portraits du sultan (tugra) et de la famille impériale, avantage commercial non négligeable. Leur panorama d’Istanbul pris depuis la tour Beyazit en 1865 suscita par ailleurs l’intérêt du public à l’Exposition universelle de 1867 à Paris.

21En Asie, le cas le plus célèbre est certainement le photographe indien Lala Deen Dayal (1844-1905), qui alterna toute sa carrière entre mécénat princier et commande d’officiers coloniaux. Le nizam d’Hyderabad lui décerna le titre de photographe officiel à partir de 1884, ce qui contribua à sa renommée internationale. Ici comme ailleurs, la distinction constituait un honneur prestigieux, une reconnaissance de la prouesse de son récipiendaire qui avait su remporter la confiance du souverain. Il y avait donc sans doute un avantage à être un photographe autochtone pour être nommé à cette fonction, même si dans les faits de nombreux Européens reçurent ce titre. Au Siam, le roi Mongkut et son successeur Chulalongkorn (Rama V, r. 1868-1910) employèrent en effet majoritairement des étrangers à la cour, à l’exception néanmoins du thaïlandais Francis Chit (1830-1891).

  • 36 Au sujet de Francis Chit, voir Newton 2017 et Bautze 2016.

22Chit et le javanais Kassian Cephas (1845-1912) sont certainement les deux photographes de cour autochtones les plus importants en Asie du Sud-Est au xixe siècle. Le premier reçut ce titre sous Rama IV et Rama V, et le deuxième fut le photographe officiel du sultanat de Yogyakarta à Java. Leur parcours est révélateur de la manière dont ils ont su combiner une carrière commerciale avec leurs fonctions à la cour. Chit Chitrakani (Chitrakhanee), qui avait adopté le nom de Francis Chit après sa conversion au christianisme36, ouvrit en 1863 son studio dans une « maison flottante » sur le canal dans le quartier de Kudi à Bangkok, en face de l’église Santa Cruz. Il y recevait une clientèle européenne et thaïlandaise, et commercialisait des images de la royauté. Pour garantir le succès de son commerce auprès des étrangers, il choisissait des sujets attractifs aux yeux des touristes de passage : il se rendit ainsi célèbre en 1864 grâce à la réalisation spectaculaire d’un panorama de Bangkok composé de six tirages, qui démontrait une grande prouesse et venait concurrencer les réalisations des plus grands studios européens contemporains [Fig. 6]. Sans doute la renommée ainsi acquise attira l’attention du roi Mongkut qui lui décerna en 1866 le titre de Khoon Soondr Sadis Lacks (Officier de la belle image). Chit s’empressa d’apposer ses nouvelles fonctions prestigieuses de « Photographe de Sa Majesté le Roi du Siam » au dos de ses cartes de visite. Il conserva ce titre sous le règne du roi Chulalongkorn dont il documenta le deuxième couronnement en 1873 ainsi que des événements officiels du prince héritier Vajirunhis, dont son investiture en 1886 et son neuvième anniversaire en 1887 [Fig. 7].

Fig. 6 Francis Chit, Panorama de Bangkokla, la rivière Chao Phraya et l’île de Rattanakosin, depuis le Prang de Wat Arun, c. 1866-1867.

Fig. 6 Francis Chit, Panorama de Bangkokla, la rivière Chao Phraya et l’île de Rattanakosin, depuis le Prang de Wat Arun, c. 1866-1867.

Panorama de six tirages. Tirages albuminés, d’après négatifs verre, 18,8 × 140 cm. Collection Serge Kakou.

Fig. 7 Francis Chit, Le roi Chulalongkorn (Rama V) et son fils, le prince héritier Maha Vajirunhis lors d’une cérémonie marquant son neuvième anniversaire, Bangkok, 1887.

Fig. 7 Francis Chit, Le roi Chulalongkorn (Rama V) et son fils, le prince héritier Maha Vajirunhis lors d’une cérémonie marquant son neuvième anniversaire, Bangkok, 1887.

Tirage sur papier albuminé, 27,5 × 21,5 cm. Canberra, National Gallery of Australia, NGA 2006.662 / Bridgeman Images

  • 37 Au sujet de Kassian Cephas, voir Newton 2017 ; Cox 2014 ; Knapp 1999 ; Gillot 1981.
  • 38 Knapp 1999, p. 18.

23Dans les Indes néerlandaises, Cephas, qui occupait un poste administratif au sein du kraton, apprit les rudiments du médium vers 1867 auprès de Wilhelm Camerik, militaire néerlandais et photographe de cour auprès du sultan Hamengkubuwono VI37. Cephas inaugura son studio en 1871 dans le quartier résidentiel européen de Loji Kecil, et succéda à Camerik comme « Photographe du Sultan », titre qu’il fit également figurer dans ses publicités. La réussite de son commerce lui valut une reconnaissance et un certain statut au sein d’une classe moyenne émergente. Converti au christianisme, membre de la loge maçonnique de Mataram à partir de 1892, Cephas parvint à évoluer habilement entre les exigences d’une clientèle javanaise et européenne. Il réalisa des portraits de la famille royale et de l’aristocratie javanaise (priyayi), alors fortement fragilisée par la présence coloniale. Comme photographe officiel du sultanat, Cephas a également immortalisé les interactions des membres de la cour avec les officiers coloniaux et les visiteurs étrangers, rendant ainsi compte des échanges et rencontres diplomatiques. En 1896, il photographia ainsi la visite du roi de Siam Chulalongkorn à Jogjakarta38.

  • 39 Voir Knapp 1999.
  • 40 Voir Newton 2017.

24Cephas doit néanmoins l’essentiel de sa notoriété au travail qu’il entreprit sur les sites archéologiques javanais dans les années 1880 et 1890. Il collabora avec le physicien néerlandais au service du sultan, Isaac Groneman, archéologue et ethnographe amateur, fondateur de l’Union archéologique (Archaeologische Vereeniging). À l’instar des autres puissances coloniales européennes, la politique impérialiste néerlandaise encouragea le développement des missions archéologiques dans le centre de Java. La photographie fut associée à cette entreprise en tant qu’outil de description, avec comme objectif sous-jacent d’accroître le rayonnement à l’international de l’image des Pays-Bas. En 1889-1890, Cephas se voit ainsi confier le reportage du temple hindou de Prambanan et, de fin 1890 à mi-1891, il réalisa cent soixante-quatre photographies des vestiges et des bas-reliefs excavés du temple de Borobudur. Ses images furent publiées par le Royal Netherlands Institute of Southeast Asian and Caribbean Studies (KITLV) à Leyde, qui conserve aujourd’hui la plus vaste collection de photographies de Cephas39. Ce dernier, reconnaissable à sa large moustache blanche, se place au milieu des antiquités et monuments javanais dans une trentaine d’images, légendées, datées et commercialisées par son studio40. Il figure ainsi appuyé contre un stupa du temple de Borobudur ou encore aux côtés du Bouddha dans le temple de Mendut [Fig. 8]. Cette présence récurrente et intentionnelle du photographe dans un vaste projet de documentation archéologique est sans équivalent dans les productions contemporaines en Asie et signe une œuvre énigmatique et majeure qui mérite encore d’être étudiée en profondeur.

Fig. 8 Kassian Cephas, Autoportrait, temple de Mendut, Java.

Fig. 8 Kassian Cephas, Autoportrait, temple de Mendut, Java.

Tirage sur papier albuminé. Université de Leyde, KITLV 40199.

Circulation des élites et des images

25L’attrait qu’exerça le médium sur les souverains fut rapidement associé à sa possible circulation. Objet transportable et échangeable, bientôt reproductible, l’image photographique s’insérait parfaitement dans ce nouveau monde caractérisé par l’accélération des rencontres, des interactions transnationales. Les échanges, à travers les déplacements de personnes officielles, d’équipements, d’albums et de clichés, se faisaient dans différentes directions et pas seulement depuis l’Europe. Les élites autochtones circulaient aussi, lors de déplacements diplomatiques ou pour se former, et jouèrent un rôle majeur dans la construction de nouveaux imaginaires. Le roi de Siam Chulalongkorn voyagea ainsi dans les Indes néerlandaises, mais également en Birmanie, en Inde, à Singapour, accompagné de son photographe de cour. Il fut photographié à Calcutta en 1872 par le studio W. F. Westfield aux côtés du vice-roi d’Inde, Richard Southwell Bourke, et à Bombay en février 1872 par le célèbre studio Bourne & Shepherd.

  • 41 Tahmasbpour 2013a, p. 7-13.
  • 42 Sur les portraits de Naser al-Din Chah, voir Behdad 2016, p. 133-141.
  • 43 Journal de voyage en Europe (1873) du shâh de Perse, traduit du persan, Arles, Actes Sud, 2000, p. (...)
  • 44 Je remercie Mohammad Reza Tahmasbpour et Carmen Pérez González dont les recherches nous ont permis (...)

26Dans les collections françaises, de nombreux témoignages attestent de la présence de visiteurs étrangers à Paris. Depuis l’Iran, des élèves du Dar ol-Fonoum furent envoyés en Europe par Naser-al Din. Les photographes de cour Reza Akkasbashi et Abdollah Mirza Qajar (1850-1912) se formèrent ainsi en Europe aux nouvelles techniques et procédés les plus récents41. Le chah effectua lui-même trois voyages en Europe en 1873, 1878 et 1889, accompagné par Reza Akkasbashi pour les deux premiers. En 1873, il se fit portraiturer par Nadar à Paris et diffuse l’une de ces images au format carte de visite [Fig. 9 et 10]. La posture est confiante, le regard sévère et les regalia – le costume sophistiqué, l’épée richement décorée – représentent symboliquement la grandeur du monarque42. Cette rencontre avec Nadar, relatée dans le journal de voyage du chah, ne laissa pas ce dernier indifférent : « J’ai reçu Nadar, qui est un remarquable photographe parisien. Il a fait ma photographie. Précédemment il est très souvent monté en ballon, mais à présent il ne se livre plus à cette fantaisie et s’occupe de photographies. C’est un homme sympathique et corpulent43. » Pour sa part, Jacques Philippe Potteau photographia au sein du Muséum national d’histoire naturelle dans les années 1860 l’architecte du chah, Mohammad Taqui44 [Fig. 11]. Parmi les nombreux modèles étrangers passés devant son objectif, on compte également des membres de l’ambassade siamoise.

Fig. 9 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse. Tirage albuminé 14,5 × 10,5 cm.

Fig. 9 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse. Tirage albuminé 14,5 × 10,5 cm.

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.

Fig. 10 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse.

Fig. 10 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse.

Tirage albuminé imprimé au format carte de visite. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.

Fig. 11 Jacques Philippe Potteau, Mohamed, âgé de 28 ans, né à Téhéran, en grand costume, Paris, années 1860.

Fig. 11 Jacques Philippe Potteau, Mohamed, âgé de 28 ans, né à Téhéran, en grand costume, Paris, années 1860.

Tirage sur papier albuminé. Paris, musée du quai Branly-Jacques-Chirac, PP0024972 / rmn.

  • 45 Sur Jean-Baptiste Larnaudie, voir Bautze 2016, p. 15-25.
  • 46 Newton 2017, p. 84. Le célèbre photographe suisse Pierre Rossier l’aurait quant à lui instruit au (...)
  • 47 Voir Woodhouse 2017 ; Veal 2013.
  • 48 Séance de prise de vue relatée par John Thomson : Thomson 1875, p. 93-94.
  • 49 Newton 2017, p. 85.
  • 50 Sur l’attribution à l’abbé Larnaudie des daguerréotypes envoyés aux dirigeants étrangers, voir Bau (...)

27Le roi de Siam Mongkut avait envoyé en effet une délégation à Napoléon III en 1861, qui défila également devant l’objectif de Nadar. Sur l’une des photographies figure le père missionnaire Larnaudie cité précédemment, l’introducteur du daguerréotype à la cour de Bangkok en 1845, devenu depuis proche du souverain et interprète officiel45 [Fig. 12]. C’est lui qui forma à la technique du daguerréotype de jeunes Thaïlandais, dont Khun Mot (1819-1896), ingénieur et métallurgiste, considéré comme le premier photographe du Siam46. Plusieurs historiens ont rattaché l’intérêt du roi et de l’élite pour le médium à la notion de Siwilai, qui désigne l’interprétation par la cour des idées occidentales associées à la « civilisation »47. La signature du traité Bowring en 1855 avec la Grande-Bretagne marqua le début de l’ouverture du pays au commerce avec les puissances occidentales, suivie de l’adoption par l’élite des idées, technologies et codes vestimentaires européens. Dans la continuité, Mongkut accéléra la production d’images à la cour et commanda des portraits royaux pour en faire des cadeaux diplomatiques. De façon significative, lorsqu’il fut photographié en 1865 par John Thomson, le roi choisit de se présenter en dirigeant moderne, vêtu de l’uniforme militaire à la française48 [Fig. 13]. Mongkut reçut et échangea des portraits du pape Pie IX, de l’empereur Napoléon III, de la reine Victoria et du président américain James Buchanan49. L’abbé Larnaudie est l’auteur des daguerréotypes représentant le roi, la reine et leurs enfants envoyés à Victoria, conservés au château de Windsor et à la Smithsonian Institution à Washington50, ainsi que d’un tirage rehaussé de couleur envoyé à Napoléon III, aujourd’hui présent dans les collections du musée national du château de Fontainebleau [Fig. 14].

Fig. 12 Atelier Nadar, Ambassade Siamoise. Sujets : Narong, Phra (1836?-18..), Navaï, Phra (1828?-18..) Rajikosa Thipusi (1818?-18..?), Sarb Vijisy, Xai, Pho (1849?-19..?), et l’abbé Larnaudie (1819-1899), 1861.

Fig. 12 Atelier Nadar, Ambassade Siamoise. Sujets : Narong, Phra (1836?-18..), Navaï, Phra (1828?-18..) Rajikosa Thipusi (1818?-18..?), Sarb Vijisy, Xai, Pho (1849?-19..?), et l’abbé Larnaudie (1819-1899), 1861.

Paris, Bibliothèque nationale de France.

Fig. 13 John Thomson, Le roi Mongkut (Rama IV) portant l’uniforme de Maréchal de France.

Fig. 13 John Thomson, Le roi Mongkut (Rama IV) portant l’uniforme de Maréchal de France.

Tirage sur papier albuminé, 1866, 2,5 × 2 cm. National Library of Scotland/Wellcome Institute for the History of Medicine © Wellcome Collections.

Fig. 14 Jean-Baptiste François Louis Larnaudie (Abbé Larnaudie), Portrait du roi Mongkut, avant le 18 février 1861.

Fig. 14 Jean-Baptiste François Louis Larnaudie (Abbé Larnaudie), Portrait du roi Mongkut, avant le 18 février 1861.

Tirage et rehauts de couleurs, 20 × 14,5 cm. Musée national du château de Fontainebleau, inv. no SNAG 26 / rmn.

28Dans leurs portraits, les souverains conçoivent la mise en scène et s’entourent d’objets symboliques du pouvoir. Ces images incarnent ainsi la puissance politique, et donnent à voir l’autorité de personnalités éloignées géographiquement. La photographie permet dès lors aux souverains d’accéder au même régime représentationnel que les puissances coloniales et de véhiculer l’image de dirigeants modernes.

  • 51 Pinney 2008, p. 31.
  • 52 Voir Cabos-Brullé 2020, p. 47 ; Hogge 2011. Voir aussi dans ce numéro, la rubrique « un numéro, un (...)

29Le médium s’insère dans des réseaux d’échanges transnationaux : les portraits royaux sont offerts aux gouverneurs locaux et internationaux. Ce phénomène était aussi visible dans les cours princières indiennes où les photographies de souverains étaient adressées aux autorités britanniques dans le but de consolider les relations avec ces dernières, face à la présence coloniale grandissante. En témoigne par exemple le daguerréotype du raja de Dhar, offert par ce dernier à la Compagnie anglaise des Indes orientales, conservé à la British Library51. En Chine, l’impératrice douairière Cixi (r. 1861-1908), de la dynastie Qing, s’intéressa à la photographie pour réhabiliter son image sévèrement entachée après les défaites militaires face aux puissances occidentales et au Japon, et surtout à l’issue de la révolte des Boxers, l’insurrection nationaliste chinoise de 190052. Réalisés pour l’essentiel entre 1903 et 1904, les clichés pris par un photographe amateur, Yu Xunling (1874-1943), sous le contrôle de l’impératrice, seront offerts comme cadeaux diplomatiques et diffusés à la population par le biais des studios implantés en Chine.

30La politique photographique des puissances extra-européennes ne se limitait toutefois pas au portrait. Les souverains étaient à l’origine de commandes visant à rassembler une documentation visuelle et à cerner l’étendue de leur territoire. Naser al-Din en Iran et le sultan ottoman Abdülhamid II, également défenseur enthousiaste du nouveau médium, commandèrent des expéditions photographiques et accumulèrent dans l’enceinte de leur palais des collections exceptionnelles constituant une véritable mémoire visuelle de leur empire. Des albums permettaient par exemple de cartographier visuellement leurs territoires, et ce faisant, de les relier au pouvoir central, réaffirmant leur autorité53. Certains albums furent également adressés comme cadeau diplomatique à l’étranger. L’historien turc Edhem Eldem note d’ailleurs que les recherches sur la collection photographique d’Abdhülamid II se sont souvent concentrées sur les cinquante et un volumes envoyés à Washington et Londres, numérisés et accessibles sur les catalogues en ligne de la Library of Congress et de la British Library54, et ce au détriment des collections restées sur place, conservées à la Bibliothèque centrale de l’université d’Istanbul. Or, en se cantonnant à l’analyse d’images pensées, choisies et compilées pour l’étranger, ces travaux ont pu donner une perception biaisée de cette immense production de quelque 33 000 photographies55.

  • 56 Voir notamment pour l’Iran Nabipour et Sheikh 2018 et Helbig 2018 ; et pour l’Empire ottoman Çelik (...)

31Les collections amassées par les souverains en Iran et dans l’Empire ottoman, aujourd’hui conservées au palais de Golestan à Téhéran et à la Bibliothèque centrale de l’université d’Istanbul, invitent à considérer ce que fut la politique photographique à l’échelle locale. Les travaux menés sur ces fonds exhument de nouveaux corpus et renouvellent la connaissance de la production photographique dans ces régions, en mettant à jour la diversification des usages du médium dans ces empires à la fin du xixe siècle56.

 

32Les figures régnantes dans les cours d’Asie ont été des moteurs de l’engouement photographique et du développement de la profession de photographe dans cette région du monde, portés par des desseins autant idéologiques que politiques. Ces images commanditées, offertes, collectionnées, offrent une documentation visuelle de ces pays vus à travers un objectif royal, et expriment les ambitions de pouvoir de dirigeants autochtones face à la domination croissante des puissances coloniales européennes. Ces exemples de politiques photographiques nous ont permis de croiser des dynamiques et des trajectoires particulières. La circulation des élites et des images au xixe siècle nous autorise ici à reconnecter des espaces géographiques et des récits transnationaux.

33À l’échelle locale, le phénomène mis en lumière dans cet article soulève une autre question : si l’appropriation des souverains a pu favoriser l’essor de l’activité photographique et une certaine familiarisation des élites avec l’appareil, quel impact a-t-elle eu sur les usages et pratiques vernaculaires, lorsque les équipements deviennent plus accessibles et moins coûteux au tournant du siècle ? Les collections royales, souvent motivées dès l’origine par un désir de préservation, et les images réalisées par les élites locales, soucieuses de leur postérité, constituent aujourd’hui des corpus identifiables et accessibles à la recherche. Les productions plus ordinaires en revanche ont rarement fait l’objet d’une politique de préservation et n’ont pas toujours survécu au passage du temps. Elles suscitent néanmoins un intérêt nouveau depuis une dizaine d’années chez les chercheurs, historiens, historiens de la photographie et anthropologues, qui exhument régulièrement des ensembles et rassemblent des collections. Objets interculturels, transportables, archivables mais aussi fragiles, les photographies peuvent émerger de manière inattendue et alimenter une histoire du médium toujours mouvante, et nécessairement en voie de décentrement.

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Notes

1 Cette remarque a notamment été soulevée dans le cas de la photographie dans le Moyen-Orient. Voir Ritter et Scheiwiller (eds) 2018 ; Brusius 2015, p. 58-79.

2 Voir Pinney et Peterson 2003 ; Sheehan 2015.

3 Voir notamment les travaux d’Erin Haney sur l’histoire de la photographie en Gold Coast (2012) et ceux de Terry Bennett sur les premiers photographes locaux en Chine (2013).

4 Sur la photographie peinte en Inde, voir Alkazi et al. 2013 ; sur l’usage de l’ambrotype au Japon dans les années 1860, voir Estèbe 2006.

5 Voir notamment Ritter 2018, p. 11-26 ; Pinney 1997, p. 93.

6 Venayre et Singaravélou 2017, p. 17.

7 Ibid.

8 Sohier 2012.

9 Exposition « Ouvrir l’album du monde, Photographie 1842-1896 » sous le commissariat de Christine Barthe, présentée au Louvre Abu Dhabi du 25 avril au 13 juillet 2019. Voir Barthe (dir.) 2019. Nous poursuivons actuellement les recherches commencées en 2016 dans ce cadre.

10 Cette remarque a notamment été soulevée pour le contexte asiatique dans Clark 1998, p. 146.

11 Utama 2016.

12 Veal 2013.

13 Sur l’introduction de la photographie en Iran, voir Adle et Zoka 1983 ; Afshar 1983, p. 7.

14 Adle et Zoka 1983.

15 Cesar Düben, Reseminnen fran Sodra och Norra Amerika, Asien och Africa. Stockolm : CE Fritzes, 1886, p. 186. Cité dans Bennett 2009, p. 25.

16 Afshar 1983 ; Adle et Zoka 1983.

17 Voir notamment Tahmasbpour 2013b ; Pérez González et Sheikh 2015 ; Tahmasbpour 2018 ; Pérez González et Tahmasbpour 2019 ; Pérez González 2019.

18 Brusius 2015.

19 L’introduction de la photographie en Iran est attestée grâce aux mémoires et chroniques de cour.

20 « most of the publications in the West on nineteenth-century photography in Iran deal with the work of Western photographers », Pérez González 2012, p. 20, nous traduisons.

21 Ibid.

22 Tahmasbpour 2018. Iraj Afshar (1983) et Yahya Zoka (1997) incluent dans leurs ouvrages certaines publications pionnières en Iran dont deux manuscrits : Qava’ed-e ‘aks va telegraf (Principes de la photographie et du télégraphe, 1880) et Aksiyeh-ye hashriyeh (Photographie pour tous, 1889).

23 Pérez González et Sheikh 2013, p. 2.

24 Pérez Gonzalez et Tahmasbpour 2019, p. 46-65.

25 Nabipour et Sheikh 2018.

26 Voir Tahmasbpour 2013b. La majorité des photographies dont il est l’auteur – qui comprennent souvent des commentaires écrits – furent compilées en albums, conservés au palais du Golestan. Voir Nabipour et Sheikh 2018.

27 Au sujet des photographies des femmes du chah, voir Scheiwiller 2013 ; Nameghi et Sattari 2018.

28 Brusius 2015.

29  Pérez-González 2012.

30 Pérez González 2018.

31 Diba 2013, p. 89.

32 Pérez González 2012, p. 35.

33 E’Temâd al-Saltaneh, « Propagation de la science et de la pratique photographique », 1306/1888-1889. Cité dans Adle et Zoka 1983, p. 251.

34 À l’exception presque exclusive du photographe Antoine Sevruguin (c. 1851-1933).

35 Voir Sheehi 2016.

36 Au sujet de Francis Chit, voir Newton 2017 et Bautze 2016.

37 Au sujet de Kassian Cephas, voir Newton 2017 ; Cox 2014 ; Knapp 1999 ; Gillot 1981.

38 Knapp 1999, p. 18.

39 Voir Knapp 1999.

40 Voir Newton 2017.

41 Tahmasbpour 2013a, p. 7-13.

42 Sur les portraits de Naser al-Din Chah, voir Behdad 2016, p. 133-141.

43 Journal de voyage en Europe (1873) du shâh de Perse, traduit du persan, Arles, Actes Sud, 2000, p. 195.

44 Je remercie Mohammad Reza Tahmasbpour et Carmen Pérez González dont les recherches nous ont permis d’identifier qu’il s’agissait de l’architecte du roi.

45 Sur Jean-Baptiste Larnaudie, voir Bautze 2016, p. 15-25.

46 Newton 2017, p. 84. Le célèbre photographe suisse Pierre Rossier l’aurait quant à lui instruit au procédé papier d’après une lettre de Fredor Jagor, dont un extrait est publié dans Bautze 2019.

47 Voir Woodhouse 2017 ; Veal 2013.

48 Séance de prise de vue relatée par John Thomson : Thomson 1875, p. 93-94.

49 Newton 2017, p. 85.

50 Sur l’attribution à l’abbé Larnaudie des daguerréotypes envoyés aux dirigeants étrangers, voir Bautze 2016, p. 15-16.

51 Pinney 2008, p. 31.

52 Voir Cabos-Brullé 2020, p. 47 ; Hogge 2011. Voir aussi dans ce numéro, la rubrique « un numéro, une image ».

53 Ces vastes projets de cartographie visuelle pourraient notamment être analysés à la lumière des travaux de Schwartz et Ryan (eds) 2003.

54 Catalogue en ligne de la Library of Congress <https://www.loc.gov/collections/abdul-hamid-ii/about-this-collection/> ; présentation de la collection sur le site de la British Library <http://www.bl.uk/eblj/1991articles/pdf/article9.pdf>

55 Voir Eldem 2018.

56 Voir notamment pour l’Iran Nabipour et Sheikh 2018 et Helbig 2018 ; et pour l’Empire ottoman Çelik et Eldem (eds) 2015.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 Jules Richard, Portrait d’un dignitaire persan, Téhéran (?) en 1848.
Légende Daguerréotype, 6,9 × 8,7 cm. Paris, musée d’Orsay © photo musée d’Orsay / rmn.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 4,7M
Titre Fig. 2 Francis Carlhian, Nâser-ed-din Shah 1860, Le Shah de Perse. Un Autographe de S.M. En Mai 1859 approuvant un ordre me Concernant Comme Chef de la mission militaire. Carlhian 1860, Perse, 1860.
Légende Album de style qajar sur la Perse, tirages sur papier salé et deux miniatures persanes, 26,2 × 31,2 cm. Paris, Musée national des arts asiatiques - Guimet, AP11186 / rmn.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 2,7M
Titre Fig. 3 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], Naser al-Din Shah et ses courtisans photographiés dans l’Atelier Royal.
Légende Tirage sur papier albuminé, album 188, no 1, 1864. Téhéran, Archives du palais du Golestan.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,8M
Titre Fig. 4 Reza Akkasbashi [Aqa Reza Iqbal al-Saltaneh], La lune photographiée à Shahrestanak, 1864.
Légende Vue stéréoscopique. Los Angeles, Kimia Foundation.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 2,6M
Titre Fig. 5 Naser al-Din Chah, Autoportrait et portrait de femmes.
Légende Page d’album annoté par Naser al-Din Chah, album 289, no 4, 1864-1879. Téhéran, Archives du palais de Golestan.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 3,4M
Titre Fig. 6 Francis Chit, Panorama de Bangkokla, la rivière Chao Phraya et l’île de Rattanakosin, depuis le Prang de Wat Arun, c. 1866-1867.
Légende Panorama de six tirages. Tirages albuminés, d’après négatifs verre, 18,8 × 140 cm. Collection Serge Kakou.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 707k
Titre Fig. 7 Francis Chit, Le roi Chulalongkorn (Rama V) et son fils, le prince héritier Maha Vajirunhis lors d’une cérémonie marquant son neuvième anniversaire, Bangkok, 1887.
Légende Tirage sur papier albuminé, 27,5 × 21,5 cm. Canberra, National Gallery of Australia, NGA 2006.662 / Bridgeman Images
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 2,4M
Titre Fig. 8 Kassian Cephas, Autoportrait, temple de Mendut, Java.
Légende Tirage sur papier albuminé. Université de Leyde, KITLV 40199.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 3,1M
Titre Fig. 9 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse. Tirage albuminé 14,5 × 10,5 cm.
Légende Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 3,4M
Titre Fig. 10 Atelier Nadar, Sa Majesté le shah de Perse.
Légende Tirage albuminé imprimé au format carte de visite. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 3,3M
Titre Fig. 11 Jacques Philippe Potteau, Mohamed, âgé de 28 ans, né à Téhéran, en grand costume, Paris, années 1860.
Légende Tirage sur papier albuminé. Paris, musée du quai Branly-Jacques-Chirac, PP0024972 / rmn.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 4,3M
Titre Fig. 12 Atelier Nadar, Ambassade Siamoise. Sujets : Narong, Phra (1836?-18..), Navaï, Phra (1828?-18..) Rajikosa Thipusi (1818?-18..?), Sarb Vijisy, Xai, Pho (1849?-19..?), et l’abbé Larnaudie (1819-1899), 1861.
Légende Paris, Bibliothèque nationale de France.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 2,6M
Titre Fig. 13 John Thomson, Le roi Mongkut (Rama IV) portant l’uniforme de Maréchal de France.
Légende Tirage sur papier albuminé, 1866, 2,5 × 2 cm. National Library of Scotland/Wellcome Institute for the History of Medicine © Wellcome Collections.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 4,0M
Titre Fig. 14 Jean-Baptiste François Louis Larnaudie (Abbé Larnaudie), Portrait du roi Mongkut, avant le 18 février 1861.
Légende Tirage et rehauts de couleurs, 20 × 14,5 cm. Musée national du château de Fontainebleau, inv. no SNAG 26 / rmn.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/594/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 3,6M
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Pour citer cet article

Référence papier

Annabelle Lacour, « Des objectifs royaux ? »Photographica, 3 | 2021, 72-96.

Référence électronique

Annabelle Lacour, « Des objectifs royaux ? »Photographica [En ligne], 3 | 2021, mis en ligne le 18 novembre 2021, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/594 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.54390/photographica.594

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Auteur

Annabelle Lacour

Annabelle Lacour est responsable de collections photographiques au musée du quai Branly-Jacques-Chirac depuis 2018. Elle a mené des recherches pour les expositions « Garden of the East : Photography in Indonesia 1850s-1940s » (2014) à la National Gallery of Australia à Canberra et « Ouvrir l’album du monde, Photographies 1842-1896 », présentée au Louvre Abu Dhabi (2019). Ses travaux et publications portent sur les débuts de la photographie en Asie et au Moyen-Orient et sur les photographies de Gaëtan Gatian de Clérambault au Maroc en 1918-1919.

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