« Le Grand Tour » et retour
Texte intégral
- 1 Le Grand Tour. La revue des biennales d’art contemporain, no 1 : « Venise », mai 2024.
1C’est assez rare pour être signalé : la Biennale de Venise 2024 aura vu la naissance d’une publication annuelle consacrée aux biennales d’art contemporain, Le Grand Tour1. Quelle joie de voir une nouvelle – et belle – revue éclore, qui plus est initiée par deux anciennes étudiantes de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Évelyne Cohen et Julia Hancart ! Nous lui souhaitons bienvenue et longue vie. Non, la revue dans son format papier n’est peut-être pas un modèle aussi dépassé qu’on le dit souvent. Nous en sommes persuadés et que la jeune génération s’en empare est un baume au cœur.
- 2 Magali Ohouens et Julia Hancart, « Présences africaines en perspective », Le Grand Tour, op. cit., (...)
- 3 Julia Hancart, « Everything Precious is Fragile », Le Grand Tour, op. cit., p. 44.
- 4 Voir dans ce numéro de Photographica la rubrique « Traduction » : Jürg Schneider, « La photographie (...)
2Dans leur texte « Présences africaines en perspective »2, Magali Ohouens et Julia Hancart pointent la plus forte présence des États africains à Venise en 2024 (15 pavillons sur 89) et reviennent sur l’histoire de cette participation qui remonte aux années 1980. Un peu plus loin, l’analyse des œuvres du pavillon béninois mentionne le projet « Agbara Women » d’Ishola Akpo qui « parcourt les archives à la recherche de figures oubliées » et conçoit des séries photographiques à partir de ses enquêtes3. Ce n’est pas sans résonner avec l’article publié par Olubukola Gbadegesin dans la rubrique « Source » de ce numéro de Photographica, qui analyse pour la première fois des archives photographiques inédites du Nigéria. De la même manière, on pourrait tisser de nombreux liens entre l’essai de Jürg Schneider sur les photographes africains dans l’espace visuel atlantique, traduit ici en français, et la réflexion que portent les commissaires du pavillon nigérian sur la question des identités et d’un imaginaire collectif de leur pays4.
3Une biennale est toujours un carrefour, un lieu de rencontres et d’intersection, mais aussi un poste d’observation privilégié des logiques politiques et géopolitiques à l’œuvre dans l’art contemporain. Mais, dans ce neuvième numéro de Photographica intitulé « Photo-monde. Pour une histoire décentrée », nous n’avons pas voulu choisir un centre comme point de départ. Nous avons souhaité au contraire « décentrer » : revenir sur l’idée des identités multiples, des lieux variés d’exercice et de pratiques du médium photographique. En cela, nous faisons retour sur et poursuite du travail engagé il y a quelques années maintenant.
- 5 Voir Deborah Poole, « Vision, race et modernité : une économie visuelle du monde des images andines (...)
4En octobre 2021, paraissait le troisième numéro de Photographica, « Histoires-monde de la photographie » ; nous avions cherché à y mettre en avant une histoire connectée du médium, à petite échelle, pour mieux envisager comment écrire une histoire de la photographie comme phénomène mondial mais dispersé, global mais local, divers mais relié. L’enjeu y était tant méthodologique que théorique, et c’est pourquoi nous y proposions notamment la traduction du texte de Deborah Poole autour de la notion d’économie visuelle5. Ces questions, nous avions déjà commencé à les aborder grâce au deuxième opus de la revue qui portait sur les mobilités géographiques des photographes. C’est donc une histoire qui travaille la revue depuis ses débuts ou presque.
- 6 L’exposition « Ouvrir l’album du monde. Photographies (1842-1911) » s’est tenue à Paris au musée du (...)
5Depuis, ont eu lieu plusieurs manifestations et publications scientifiques qui nous semblaient passionnantes : l’exposition « Ouvrir l’album du monde. Photographies (1842-1911) » qui s’est tenue dans sa deuxième version augmentée à Paris au printemps 2023, la publication qui l’accompagnait Mondes photographiques, histoires des débuts proposant des éclairages sur les débuts de la photographie par grandes régions du monde, et le colloque « Photo-monde » qui a suivi, organisé en juin 2023, réunissant des chercheurs et chercheuses venus de tous horizons6. Face à l’intérêt qu’ont suscité en nous ces projets et recherches menés par Christine Barthe et Annabelle Lacour au musée du quai Branly-Jacques Chirac, nous avons souhaité poursuivre le travail entamé en 2021 à la revue et inviter leurs deux protagonistes à diriger ce dossier « Photo-monde ». Que Christine Barthe et Annabelle Lacour soient ici remerciées d’avoir accepté cette invitation et d’avoir convié des auteurs et autrices à faire part de leurs recherches les plus récentes ! L’histoire du daguerréotype en Colombie dialoguera ici avec l’histoire des fournitures de matériel photographique en Turquie, de la photographie d’antiquités à Java, des archives de la Church Mission Society au Nigeria, de la fondation Alkazi en Inde, etc.
6Si ce n’est toutes les manières de suivre les questions photographiques dans différentes régions du monde en fonction de logiques propres à ces espaces, ce numéro montre aussi que l’université et le musée, partageant un intérêt pour des sujets liés à une manière contemporaine de concevoir l’histoire de la photographie, loin de se télescoper, se complètent et nourrissent la réflexion.
Note de fin
1 Le Grand Tour. La revue des biennales d’art contemporain, no 1 : « Venise », mai 2024.
2 Magali Ohouens et Julia Hancart, « Présences africaines en perspective », Le Grand Tour, op. cit., p. 36-39.
3 Julia Hancart, « Everything Precious is Fragile », Le Grand Tour, op. cit., p. 44.
4 Voir dans ce numéro de Photographica la rubrique « Traduction » : Jürg Schneider, « La photographie africaine dans l’espace visuel atlantique. Photographes itinérants, circulation des images », p. XXX-XXX et Magali Ohouens, « Nigeria Imaginary. Identité(s) collective(s) », Le Grand Tour, op. cit., p. 114-117.
5 Voir Deborah Poole, « Vision, race et modernité : une économie visuelle du monde des images andines », Photographica, no 3, octobre 2021, p. 16-41.
6 L’exposition « Ouvrir l’album du monde. Photographies (1842-1911) » s’est tenue à Paris au musée du quai Branly-Jacques Chirac du 4 avril au 2 juillet 2023 dans une version augmentée. Elle faisait suite à une première exposition présentée au Louvre Abu Dhabi du 25 avril au 13 juillet 2019 et dont le catalogue éponyme était paru en 2019 : Christine Barthe (dir.), Ouvrir l’album du monde. Photographies 1842-1896. Beyrouth : Kaph Books, 2019. À l’occasion de l’exposition de 2023, est paru l’ouvrage suivant : Christine Barthe et Annabelle Lacour (dir.), Mondes photographiques, histoires des débuts. Paris et Arles : Musée du quai Branly-Jacques Chirac et Actes Sud, 2023. Quant au colloque « Photo-monde », il s’est tenu à l’auditorium du musée du quai Branly-Jacques Chirac les 15 et 16 juin 2023 : <https://www.quaibranly.fr/fr/recherche-scientifique/activites/colloques-et-enseignements/conferences-et-colloques/details-de-levenement/e/photo-monde-39729> (consulté le 3 juillet 2024).
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Éléonore Challine et Paul-Louis Roubert, « « Le Grand Tour » et retour », Photographica, 9 | 2024, 6-8.
Référence électronique
Éléonore Challine et Paul-Louis Roubert, « « Le Grand Tour » et retour », Photographica [En ligne], 9 | 2024, mis en ligne le 21 octobre 2024, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/2334 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12pb2
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