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Dossier

Le cours du Herschel

La construction de l’idée de valeur en photographie
The Herschel Price: The Construction of the Idea of Value in Photography
François Cheval
p. 92-113

Résumés

Certaines images ont acquis une place particulière dans le « panthéon » de l’histoire de la photographie. Le portrait frontal de Sir John Herschel, réalisé par Julia Margaret Cameron en avril 1867, fait partie de ces rares spécimens qui, sans aucune discussion, doivent figurer dans les collections publiques et privées. Lors de la vente historique de Genève en 1961, l’image de l’illustre scientifique britannique atteint un prix record. Depuis, elle ne cesse de s’imposer comme la marque évidente du « talent » de l’autrice, incarnant la photographie comme volonté d’art. De quelles qualités intrinsèques ce portrait est-il doté, pour qu’il soit désormais considéré comme l’objet photographique parfait ? Référence ultime, il est une narration particulière, mise en place dès l’origine par la photographe elle-même, qui s’appuie, entre autres, sur cette image pour affermir sa réputation, c’est-à-dire son nom et son « œuvre ». Associé dorénavant à Cameron, le portrait de Herschel s’est installé définitivement dans le monde des biens de prestige, un univers restreint et univoque.

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Texte intégral

  • 1 Rauch 1961.
  • 2 Vente Phillips, New York, 26 avril 2006, lot 0131, tirage albuminé, 35,2 x 27 cm.
  • 3 Cox et Ford 2003, p. 325. Sauf mention contraire, dans cet article, nous traduisons les citations.
  • 4 Gernsheim et Gernsheim 1965, p. 124.
  • 5 Ibid.
  • 6 Cox et Ford 2003, p. 66.

1De la vente du 13 juin 1961 à Genève1 [Fig. 1], où, pour la première fois, l’on vit une épreuve photographique obtenir un prix comparable à une œuvre d’art, aux enchères du 26 avril 2006 à New York2, qui ont atteint la somme de 90 000 dollars, quels sont les événements qui ont permis à un portrait de devenir plus qu’une image : être dorénavant la valeur étalon de la photographie historique ? L’image dont il s’agit ici a retenu l’attention de la critique et du marché sans discontinuité depuis plus de quarante ans. Ce portrait frontal de l’astronome anglais Sir John Frederick William Herschel, pris par Julia Margaret Cameron en 1867, « D’après nature non agrandi prise à sa résidence Collingwood / Avril 1867 Julia Margaret Cameron3 », est le seul parmi les quatre réalisés durant la même séance qui ait acquis cette destinée. Helmut Gernsheim, le biographe de la photographe, l’a décrit comme étant « probablement le portrait le plus frappant qu’elle [Cameron] n’ait jamais eu en face de l’appareil, l’affichage de la majesté et de l’énergie, du génie, adoucis par l’âge4 ». Et, il ajouta, sans naïveté aucune : « Pour accroître la valeur commerciale du portrait, Cameron envoya à Herschel les montures qu’il signa5 » ! À en croire les biographes successifs de l’artiste, Gernsheim, Julian Cox et Colin Ford, l’image était, dès l’origine, vouée à une grande fortune, médiatique et commerciale6.

Fig. 1 « Julia-Margaret Cameron / Herschel / Angleterre 1867. Composition de Garcia Pimentel », dans Michel F. Braive, L’âge de la photographie.

Fig. 1 « Julia-Margaret Cameron / Herschel / Angleterre 1867. Composition de Garcia Pimentel », dans Michel F. Braive, L’âge de la photographie.

Bruxelles : Éditions de la connaissance, 1965, p. 30.

  • 7 Inscription notée par Julia Margaret Cameron sur le portrait de Sir John William Herschel conservé (...)

2Pour Cameron, ce portrait est avant tout l’hommage rendu à l’homme, au scientifique qui a contribué aux premiers développements de la photographie : « L’ami de 33 ans de ma vie. Mon grand maître dans cet art puisqu’il correspondait avec moi lorsqu’il était en Inde et m’envoyait également des spécimens de l’avancée de la science7. » Dans son essai, Annals of My Glass House [Annales de ma maison de verre] (1874), Cameron relate l’émotion ressentie à faire de ce vieux visage, ridé, mais encore vif, entouré d’un halo miraculeux, une œuvre mémorielle :

  • 8 Cameron 1981, p. 186.

Lorsque j’ai eu de tels hommes devant mon appareil photo, toute mon âme s’est efforcée de faire son devoir envers eux en enregistrant fidèlement la grandeur de l’homme intérieur ainsi que les traits de l’homme extérieur8.

  • 9 Roberts 2009, n. p.
  • 10 Stieglitz 1913, n. p.
  • 11 Ces images ont été acquises par Otto Steinert pour le compte de la collection d’étude de l’école F (...)

3Parmi les faits considérés comme signifiants, on ne manque pas d’insister sur la relation entre le savant, le mentor et la photographe débutante. Herschel, dont Cameron fit la connaissance vers 1836-1837, a en effet accompagné cette dernière dès ses débuts dans ses explorations sur le médium. Proche de William Henri Fox Talbot et d’Anna Atkins, il peut être regardé comme étant à l’origine des gestes premiers et de la nomination de la photographie. Son portrait par Cameron est donc l’objet par lequel s’authentifie l’acte créatif. L’image est l’icône parfaite. Elle serait la rencontre de la « meilleure photographe britannique de portrait de son siècle (voire de tous les temps selon d’aucuns)9 » et du glorieux scientifique, le digne héritier d’Isaac Newton. Reproduite dès janvier 1913 dans le numéro 41 de Camera Work10 [Fig. 2], l’image s’impose pour devenir l’acquisition obligatoire des musées nord-américains, de ceux du moins qui ont fait le choix de la photographie comme art. Elle rentre dans les collections de la George Eastman House dès 1915, tirée et donnée par Alvin Langdon Coburn, au Museum of Modern Art de New York (MoMA) dès 1935, don d’Alfred Stieglitz, et à l’Art Institute of Chicago en 1949. L’énumération serait fastidieuse, avec, en 2003, plus de 86 institutions américaines en possession d’une ou plusieurs images de Cameron, dont la plus représentée reste la figure de Herschel. L’Europe n’est pas en reste, du musée d’Orsay, qui détient deux portraits de Herschel (acquisitions faites en 1981 et 1983), au musée Folkwang de Essen, qui acquiert le portrait frontal par l’intermédiaire d’Otto Steinert à la vente de Genève de 1961 dont il s’avère être un des protagonistes. Avec le soutien de la municipalité de Essen et de la société Agfa, en fin de vente, Steinert se retire avec 369 épreuves dont 144 photographies de David Octavius Hill et Robert Adamson, 45 photographies d’Édouard Denis Baldus, 25 photographies d’Henri Le Secq, etc.11. Évidemment, en Grande-Bretagne, l’image de Herschel se décline en tirages albuminés, épreuves photomécaniques, tirages au charbon, cartes de visite, etc.

Fig. 2 Julia Margaret Cameron, « Herschel (planche III) », photogravure The Autotype Fine Arts Company, Londres, dans Alfred Stieglitz (dir.), Camera Work, no 41, 1913, n. p.

Fig. 2 Julia Margaret Cameron, « Herschel (planche III) », photogravure The Autotype Fine Arts Company, Londres, dans Alfred Stieglitz (dir.), Camera Work, no 41, 1913, n. p.

4De tous les photographes du xixᵉ siècle, Cameron est l’autrice la plus représentée dans les collections publiques. Il en va de même dans la sphère privée qui, de Gabriel Cromer à Samuel Wagstaff, a fait de la détention d’épreuves de cette artiste un point obligé de toute collection prestigieuse. Le portrait de Herschel s’avère être le plus petit dénominateur commun des fonds publics et privés se voulant de « référence ». À l’égal du dollar ou de l’or dans le domaine des échanges économiques, la valeur du Herschel fonde le cours du vintage photographique.

Imposer un nom, prescrire une œuvre

  • 12 Moureau et Sagot-Duvauroux 2008a.
  • 13 Rauch 1961.
  • 14 Voir Braive 1965, p. 31 : « L’instant décisif de [la première vente de photographies anciennes] fu (...)
  • 15 Bajac et Lemoine 2003, p. 111.

5L’intérêt accordé au médium photographique depuis les années 2000 a sans aucun doute attiré l’attention sur quelques ventes représentatives12. Mais ces dernières ne sont que le point d’orgue du mouvement initié en 1961 avec la première vente d’images anciennes à Genève, qui disperse des lots historiques rassemblés par André Jammes13. L’historien de la photographie, l’archiviste de la Société française de photographie ou le collectionneur – au choix –, est au centre des transactions. Il propose ses « doubles » à un marché embryonnaire. À cette occasion, en présence des représentants de la photographie institutionnelle américaine et européenne, le portrait de Herschel exécuté par Julia Margaret Cameron [Fig. 3] atteint une somme considérable pour l’époque14 : « Je me souviens de Michel-François Braive se levant dans la salle et s’exclamant “on a enfin vendu une photographie le prix d’un Lautrec”. Ce fut le moment solennel de cette vente15. »

Fig. 3 « No 150. J. M. Cameron. Portrait de John Herschel. », dans Nicolas Rauch, La photographie des origines au début du xxe siècle, catalogue de vente N. Rauch S.A., 13 juin 1961, p. 57.

Fig. 3 « No 150. J. M. Cameron. Portrait de John Herschel. », dans Nicolas Rauch, La photographie des origines au début du xxe siècle, catalogue de vente N. Rauch S.A., 13 juin 1961, p. 57.

Description du lot, p. 56 : « 150. CAMERON (Julia Margaret). —Portrait de Sir John Herschel. Collodion. (36×27cm.) 1867. Julia Margaret Cameron a exécuté en Angleterre une série de portraits d’hommes illustres qui se placent au sommet de l’art photographique, au même rang que ceux de Hill et Adamson. Cameron utilisait un matériel primitif et des plaques de grande taille, qui exigeaient un temps de pose très long. Cette durée d’exposition et un objectif défectueux contribuaient à donner un certain flou à ses épreuves. L’éclairage vigoureux et habilement choisi mettait en relief le caractère des personnages. Le portrait de Herschel est le chef-d’œuvre de Cameron. “It is to my mind one of the greatest triumphs of photography and of Mrs Cameron’s gift in that kind that Sir John Herschel’s face has been perpetuated, so that future generations, as well as the present, may see it in all its grandeur and dignity.” (Sir Henry Taylor, cité par Gernsheim, Julia Margaret Cameron, her life and photographic work, p. 79.) ».

  • 16 Solomon-Godeau 2002.

6Rétrospectivement, l’épisode marchand genevois témoigne de l’inscription de la photographie d’art comme voie ultime du médium et de sa métamorphose d’objet de communication en marchandise d’art16. Il ratifie les choix des conservateurs et des historiens dans leur volonté d’imposer Cameron comme le nom de l’auteur photographique. Ce nom est à la fois une désignation et l’équivalent d’une description définie. Il diffère d’un simple nom de photographe. Il n’est pas, non plus, un nom propre comme les autres car ce qu’il désigne est une œuvre. À la différence du nom d’un simple producteur d’images, un nom d’auteur assure une fonction classificatoire ou plutôt discriminatoire. Au-dessus des autres mortels, il est caractéristique d’un mode d’existence à l’intérieur d’une société particulière, une production au-delà des usages communs. Le nom de Cameron est avant tout reconnaissance et légitimité de la photographie. Il s’impose de lui-même, car la légitimité est ancienne et assurée. Et, ce, dès le vivant de la photographe.

  • 17 Wolf 1999.
  • 18 Jammes 1983, n. p.
  • 19 Gernsheim et Gernsheim 1965 ; Armstrong 2000.
  • 20 Letttre de Julia Margaret Cameron à John Herschel, le 28 janvier 1866, Lettres et documents de Sir (...)
  • 21 Cameron 1981.

7Grâce à son opiniâtreté, mais aussi grâce à ses relations, la photographe acquiert en effet rapidement une notoriété qui l’autorise à intégrer la vénérable Photographic Society of London (1864). La tentative d’en faire une artiste et une femme en marge coïncide difficilement avec sa quête constante d’honorabilité17. Sa réputation, rapidement acquise, n’est que la suite logique de ses très nombreux portraits de personnalités influentes de l’establishment victorien. Ce que l’exégèse de l’œuvre de Cameron apprécie par-dessus tout, c’est ce « même dédain pour la technique, même curiosité pour les grands personnages qui l’entourent, même passion pour l’intelligence18 ». La galerie d’hommes prestigieux qu’elle compose est, à la fois, la marque de sa participation à la consolidation de l’impérialisme britannique et une stratégie commerciale habile. Dès les années 1860, Cameron peut se targuer d’être représentée. Elle rejoint la galerie Colnaghi qui organise une vente de ses œuvres dès 1865, soit deux ans après avoir reçu sa première caméra. Ses photographies sont régulièrement acquises par les collections publiques et elle expose fréquemment sur le continent européen. Elle participe notamment à l’Exposition photographique internationale de Berlin en 1865 et à l’Exposition universelle de Paris en 1867. Le statut d’amateur génial dont l’a gratifiée l’histoire de la photographie ne correspond en rien à sa pratique qui doit être qualifiée de professionnelle19. Cameron aspire d’ailleurs à cette nouvelle norme, déclarant dans une lettre de 1866 adressée à Herschel : « Je prends désormais la photographie pour quelque chose de plus sérieux qu’un divertissement20. » Elle est l’une des premières, sinon la première, à élaborer son « ethos » de photographe. Elle assure les termes d’un projet construit avec persévérance en rédigeant sa courte autobiographie inachevée, Annals of My Glass House21, et en établissant des correspondances suivies avec des personnalités importantes de l’establishment britannique.

  • 22 Bruson 1980.

8Dans une frénésie promotionnelle, elle rédige trois cents lettres par mois et poste journellement en moyenne six télégrammes. Elle adresse images et albums à d’illustres personnages, arguant après coup de leur soutien. Ainsi, Cameron envoie 29 tirages à Victor Hugo, à Hauteville House, lors de son exil à Guernesey. Ce qu’elle fera largement savoir22. Ses tirages sont revêtus d’inscriptions variables qui comportent avec plus ou moins de régularité les mots « Photographie déposée », ou « D’après nature », mais la signature, elle, ne manque jamais.

  • 23 Olsen 2003 ; Weiss 2015.
  • 24 Voir Sylvia Wolf, « “Mrs. Cameron’s Photographs, Priced Catalogue” : A Note on Her Sales and Proce (...)
  • 25 Thackeray Ritchie 1893
  • 26 Olsen 2003, p. 177
  • 27 Thackeray 1865.

9Proche de George Frederic Watts et Val Prinsep, peintres tous deux en charge de la conception d’un cycle de fresques au South Kensington Museum, la photographe est par leur intermédiaire à même de fréquenter assidûment Henri Cole, le fondateur du musée. L’association avec ce dernier n’est pas sans avantage pour Cameron. Cole l’y expose et la diffuse. Il va jusqu’à mettre à sa disposition un atelier au sein même du musée et fournir des modèles23. Logiquement, le South Kensington Museum négocie, pour la somme de 22 livres et 4 shillings, 80 tirages de ses œuvres en août 1865. Il s’agit de la première vente importante que fait la photographe à une institution, vente qui sera suivie d’un envoi de deux autres lots à titre gracieux. On voit ainsi se développer une habile activité commerciale par des dons accompagnant les achats24. Ainsi, de 1864 à 1875, Cameron fait enregistrer 508 épreuves au dépôt légal de l’Empire britannique, le British Copyright Office. Le soutien de Cole, mais aussi celui d’Anne Thackeray25, l’écrivaine et tante par alliance de Virginia Woolf, lui assurent l’estime, tant recherchée, du monde de l’art et de quelques grands collectionneurs. Elle offre notamment un grand album, non daté, de 142 photographies à Sir Coutts Lindsay, le fondateur de la galerie Grosvenor, et un autre, très important de 111 photographies, à Lord Overstone, éminent banquier. En mai 1865, à Little Holland House – la demeure de Sara Prinsep (née Pattel) –, elle multiplie les portraits de personnalités du milieu artistique : Cole évidemment, Lindsay, William Michael Rossetti, etc. À cette même période, de nombreuses célébrités londoniennes passent devant sa caméra, dont Robert Browning et ses amis Lord et Lady Elcho26. Cameron sait qu’elle doit obtenir le soutien de la critique. Dans cette démarche, elle sera soutenue par Thackeray. En avril 1865, cette dernière publie un article anonyme sur le travail de Cameron dans la Pall Mall Gazette27. L’argumentaire de l’article est fondateur puisqu’il insiste sur la spécificité artistique de la démarche et de son éclatante correspondance avec l’acte pictural.

  • 28 Orain 2016.
  • 29 Emerson 1890.

10La photographe victorienne est reconnue de son vivant. Sa notoriété va s’imposer, constante, pour être portée ultérieurement par la presse spécialisée artistique et photographique, tels le British Journal of Photography ou The Amateur Photographer. Après sa mort en 1879, la réputation de Cameron ne fait que croître28. Le magazine Sun Artists lui rend un hommage appuyé en lui consacrant l’intégralité d’un numéro en 189029. Témoignage d’estime du pictorialisme à ses sources, le texte est signé Peter Henry Emerson.

  • 30 Moholy 1939, p. 79 et suiv.

11Cette fortune critique posthume installe Cameron durant la période photographique pictorialiste comme l’une des fondatrices de « l’art photographique ». Les expositions collectives de la fin du xixᵉ et du début du xxᵉ siècle inscrivent régulièrement la présentation de ses œuvres. On les voit donc, entre autres, à Bruxelles en 1892, à Tokyo en 1893, à l’Exposition internationale de photographie pictorialiste qui se tient à New York, sous les auspices du National Arts Club, du 2 au 20 février 1909, etc. Une réputation qui ne faiblit pas et qui va trouver un nouvel essor lors de la mise en exergue de l’œuvre par l’historien Helmut Gernsheim. Cette fortune critique assidue et constante fournit le viatique à des images qui dès lors vont féconder toute l’histoire de la photographie. Succédant au pictorialisme, les avant-gardes formelles s’en emparent. Lucia Moholy, dans A Hundred Years of Photography : 1839-193930, consacre un chapitre entier à Cameron. La Subjektive Photografie en Allemagne s’en revendique et la revue américaine Aperture l’annexe dans les années 1960.

La construction biographique

  • 31 Sizeranne 1897.
  • 32 Leibowitz 2011.
  • 33 Daniel 1999.

12Ce qui relie Emerson à Gernsheim, Robert de la Sizeranne31 à Annie Leibowitz32, c’est l’explication définitive de l’œuvre par la vie et la personnalité. La biographie se constitue d’événements à la signification éclairante ; elle est le grand fournisseur d’arguments à la pertinence de l’œuvre et, en conséquence, à la fixation de sa valeur. L’unité de l’auteur et de l’œuvre est l’idée la plus communément reçue sur la photographie. Le nom même de l’auteur délimite les bordures de l’image photographique. Car dans la mise en place du marché de l’épreuve photographique, le collectionneur ne tolère pas l’anonymat. La photographie, comme moment romantique, sauve de la mort et confère l’immortalité au sujet photographié et au photographiant. La biographie appelle les accidents et les vicissitudes. On accentue les oppositions que l’œuvre a pu susciter33. C’est le sens de cette « série d’anecdotes », bien souvent superflues, qui fondent l’entreprise cameronienne. Une notice de Sotheby’s dessine les contours et les limites de l’ensemble biographique :

Julia Margaret Cameron (1815-1879) est la photographe britannique la plus connue du xixe siècle. L’histoire de sa vie est aussi pittoresque que ses photographies et est souvent racontée comme une série d’anecdotes… Elle devint une photographe prolifique et dévouée, et affirma que son intention était d’ennoblir la photographie et de lui assurer le caractère et l’usage du grand art.

  • 34 Sotheby’s Photographs 2003, préface non paginée.

La genèse de Cameron en tant que photographe est plus complexe que l’histoire d’un appareil photographique offert. Elle était remarquablement cultivée, parlait couramment plusieurs langues et s’intéressait de près à l’art italien. La combinaison de son éducation dans l’Inde coloniale, de son ascendance aristocratique française et de sa remarquable famille l’a rendue impatiente face aux valeurs qu’elle a rencontrées dans la société anglaise lorsqu’elle s’est installée avec sa famille dans le Sud-Est en 1848. Elle aspirait à une compagnie intellectuelle et cherchait à faire des poètes, des artistes et des écrivains de premier plan ses amis intimes34.

13Si toutes les notices postérieures insistent sur l’ascendance aristocratique française, il ne fait guère de doute que, bien née, Cameron détient en elle les gènes du bon goût victorien.

  • 35 Voir la Vierge à la chaise ou Madonna della sedia (1513-1514), Galerie Palatine, Palais Pitti, Flo (...)
  • 36 Bürger 1847.

14Le rôle attribué à la notice biographique est d’hagiographier sans jamais introduire la moindre contradiction au déroulé narratif. Sa figure est une construction, le résultat d’opérations complexes, narratives, autour du pouvoir créateur de la société britannique. Il est frappant de voir comment très tôt s’est établie la définition des principes d’une certaine unité du style victorien comme cohérence. Cameron est le lieu à partir duquel les contradictions entre les images se résolvent. Entre tradition et modernité, universalisme et nationalisme, mots et images, l’art « victorien » est déchiré. D’où le recours permanent aux références intangibles. L’« effet Rembrandt », tant recherché, est seul susceptible de faire ressentir les choses au lieu de simplement les représenter. Ainsi, l’intitulé exact du portrait par Cameron de Sir Henry Taylor est A Rembrandt (1866). Ce que l’auteure recherche, c’est la fameuse « plasticité », un effet de relief et de modelé, dont parle le photographe Oscar Rejlander – Cameron fait la connaissance de ce dernier dès 1863 et elle gardera avec lui longtemps des relations proches. S’appuyant sur les « études d’art » de son modèle, elle veut retrouver l’intensité dramatique des maîtres anciens. Les choix iconographiques de Rejlander et de Cameron sont explicitement sous influence d’une peinture classique dont Titien, Raphaël et Michel-Ange sont les guides. La photographe n’hésite pas à citer, si ce n’est copier, Raphaël quand elle installe Mary Hillier, sa domestique et modèle, dans le rôle de la Vierge Marie35. « Finesse des tons », « lumières délicates » et poses savamment étudiées, Cameron assemble et ajuste les qualités d’un matériau proche de la peinture de Dante Gabriel Rossetti, de Daniel Maclise ou de Watts36. Elle fait ainsi reproduire sur les cartons de montage de la photographie The Angel at the Sepulcre (1869-1870), l’annotation manuscrite et louangeuse de Watts : « très beau/ rien de mieux/ G. F. Watts ». La photographie, purifiée par la peinture, est acte artistique :

  • 37 Lettre de Julia Margaret Cameron à John Herschel, le 31 décembre 1864, National Portrait Gallery [ (...)

Qu’est-ce que la mise au point – et qui a le droit de dire quelle mise au point est légitime – Mes aspirations sont d’ennoblir la Photographie et de lui assurer le caractère et les usages du Grand Art en combinant le réel et l’idéal et en ne sacrifiant rien de la Vérité par toute la dévotion possible à la Poésie et à la beauté37.

15La diffusion du goût et du style dans des cercles rapprochés d’une élite artistique constitue un des motifs d’explication historique majeur de la consécration de la photographe. Cameron, c’est avant tout l’affirmation de l’appartenance d’une auteure à une phratrie créative dont le poète est l’expression suprême. Les sources littéraires contemporaines qu’elle revendique agrègent récits épiques et poèmes de ses amis, Coventry Patmore, Browning et Alfred Tennyson. Ce dernier, qu’elle photographie régulièrement, représente le compagnon, la source et l’inspiration. Cameron s’introduit sur le territoire des Beaux-Arts en prenant la voie de l’inspiration littéraire. Photographe victorienne, elle porte, comme les peintres de son cercle, le même intérêt à une littérature et une poésie qui tentent, tant bien que mal, de faire revivre l’époque médiévale, ou plutôt ses légendes. La photographie s’inscrit ici dans la tradition néogothique, une remise au goût d’une représentation illusionniste du monde. Pour Cameron, l’influence de Tennyson est recherchée pour sa capacité à traduire les états d’âme, par une scénographie, un mélange de tragique et de scènes solennelles. La soumission de la photographie « artistique » et de son imaginaire s’oppose à l’invention moderne d’une photographie « réaliste ». La photographie « artistique » n’est pas que la conséquence des longs temps de pose ou du flou, elle est essentiellement l’aboutissement d’une intention idéologique : la création d’un univers irréel, factice, le fruit d’amusements dominicaux où des personnages littéraires, bibliques ou mythologiques badinent et folâtrent dans des décors bricolés. À l’instar des personnages plutôt patauds de Idylls of the King (1874), série que Cameron considère comme déterminante dans son œuvre, la représentation n’est, à vrai dire, que l’enregistrement photographique d’un divertissement mondain.

  • 38 Cox et Ford 2003, p. 433.
  • 39 Woolf et Fry 1992, p. 24.

16Face à ces travaux, une difficulté va saisir les critiques. Comment relier la qualité reconnue des portraits aux allégories lourdes et anachroniques, d’Idylls of the King, des « Madonna groups » et des « Fancy subjects for pictorial effect », qui forment le cœur du corpus ? Tout simplement en niant l’existence de ces séries. À l’imitation de George Bernard Shaw, qui déclare en 1889 opérer une séparation nette entre les deux propositions : « Alors que les portraits de Herschel, Tennyson et Carlyle battent en brèche tout ce que j’ai jamais vu, pratiquement dans le même cadre, il y a des photographies d’enfants sans vêtements, ou avec des sous-vêtements par simple convenance, avec des ailes en papier bien visibles, regroupées de manière très inartistique et ingénument désignées comme des anges, des saints ou des fées38. » Roger Fry, critique proche des avant-gardes artistiques, n’accorde lui aussi aucune circonstance atténuante à ces séries : « La confiance naïve de ces gens a quelque chose de touchant et d’héroïque. Ils sont si inconscients de l’abîme de ridicule qu’ils contournent, si déterminés, si consciencieux, si vaillamment provinciaux39. »

17Malgré cet obstacle majeur, la reconnaissance de l’œuvre perdure. Sa légitimation, presque immédiate, est due à sa capacité de fournir une représentation « moderne », photographique, acceptable à une classe sociale envieuse de l’exemple français et de ses « salons » !

Un formalisme au service de l’Empire britannique

  • 40 Ibid.
  • 41 Aleksiuk 2000 ; Bajac et Heilbrun 2000 p. 52-53.

18Cameron est membre d’une caste à part qui échappe à la platitude inerte d’un quotidien fait pour la masse. Le génie est transmission, une donnée génétique. C’est là qu’intervient Virginia Woolf, la petite-nièce de Cameron, qui va contribuer à prolonger cette filiation et la moderniser. En écrivant Victorian Photographs of Famous Men and Fair Women40 en association avec Fry, Woolf dépoussière l’objet en le parant d’un esprit « rebelle ». Elle fait de Cameron une femme excentrique et audacieuse, ne tenant pas compte des conventions et remettant en cause l’idéal victorien de modestie féminine41.

  • 42 Woolf 1976, p. 37.
  • 43 Bell 1934, p. 93.

19Néanmoins, l’ouvrage publié en 1926 et réellement découvert en 1969, va devenir une véritable référence contemporaine. Dans une version de sa pièce Freshwater, inspirée par la vie de sa grand-tante, Woolf prête à la photographe des sorties exaltées : « Ah, mais dans mon art, les rimes n’ont pas d'importance. Seule la vérité et le soleil42. » Dans le cercle restreint du Bloomsbury Group, dont font partie Woolf et le couple formé par Clive et Vanessa Bell, on porte un intérêt certain à Cameron. Les Bell vont particulièrement contribuer à l’œuvre « d’actualisation » du personnage. Par intérêt personnel dans un premier temps, puisque Vanessa Bell est la fille du second époux de Julia Duckworth, la nièce de Cameron. Quant à Clive Bell, critique respecté, qui rédigera la préface du livre que Gernsheim consacrera à la photographe en 1948 [Fig. 4], il voit dans l’œuvre de celle-ci une illustration de sa théorie de la « forme significative » : une combinaison abstraite en capacité de produire de l’émotion, en dehors de toute analyse historique ou matérialiste. Clive Bell est un théoricien du formalisme, un fervent propagandiste de l’autonomie de l’œuvre d’art, indépendante du temps et du lieu43.

Fig. 4 Couverture de Helmut Gernsheim, Julia Margaret Cameron : Pioneer of Photography.

Fig. 4 Couverture de Helmut Gernsheim, Julia Margaret Cameron : Pioneer of Photography.

Londres : Fountain Press, 1948.

  • 44 Joseph 1988.

20Les portraits de Cameron, comme l’a bien remarqué Gerhard Joseph, proposent l’esthétique d’un corps fétichisé, l’évocation trouble d’un objet absent, dans un mélange étonnant de piété familiale, de conviction dans l’art comme finalité et d’érotisme affecté44. Ses personnages, baignés dans une atmosphère céleste, bannissent le désir et n’aspirent qu’à la béatitude ou la maternité. Ils ne jouissent que d’être dans l’appartenance au monde surnaturel de la rêverie. Délivrée du péché, parce que bien née, méritante et chrétienne, cette caste détient une beauté intérieure qui est la preuve de son salut et le renoncement à la chair. Le Bloomsbury Group, en faisant de l’œuvre et de la vie de Cameron un objet contemporain, en les positionnant d’un point de vue formaliste, entre en contradiction avec un univers de significations particulièrement soumis à l’ordre établi.

21Cameron opère la liaison entre le monde des arts, la politique, la diplomatie et la haute administration coloniale. L’Empire, cet objet historique fui par la critique, est l’objet photographique même. Il est le non-dit, mais il est le sujet réel. Car de qui Cameron dresse-t-elle le portrait ? Qui sont les compagnons qui rejoignent Herschel dans son panthéon victorien ?

  • 45 McCauley 2011.
  • 46 Cameron 1835.
  • 47 Ibid., p. 15

22Anne McCauley a su distinguer les conformations de cette élite masculine45. Sages éthérés ou titans michelangelesques, libéraux, créateurs et protecteurs des arts, de vénérables hommes d’âge mûr règnent sur un monde féminin virginal et sans taches. Monde masculin, constitué de veufs et de célibataires, monde asexué et surjoué par les garants de l’ordre politique et moral de l’Empire britannique. Charles Hay Cameron, le mari de la photographe, est un digne représentant de cette catégorie sociale. Juriste, admirateur de Jeremy Bentham, grand propriétaire colonial, descendant des comtes d’Erroll, il a travaillé à Ceylan en tant qu’avocat de la Commission d’enquête sur les colonies orientales. Il est devenu ensuite propriétaire de plantations de café sur l’île, dans les vallées de Dimbola et de Dikoya. Parmi ses nombreuses charges, il est membre du Conseil des Indes, un organe lié à la Couronne et à la Compagnie des Indes orientales. En complément de ses activités professionnelles, il rédige un traité sur le beau et le sublime46. Dans cet essai, confus, il tente de catégoriser des notions où la morale l’emporte bien souvent sur l’esthétique47. Il n’en reste pas moins que la proximité entre les époux Cameron laisse supposer une perception commune de l’art, celle d’un monde sans « incongruités », pour tout dire « indélicat ».

23Quant aux modèles féminins, jeunes vierges pures, détentrices d’une excellente éducation, elles sont les héritières de notables impériaux. Elles pratiquent la poésie et la littérature. Thackeray, Christina Catherine Fraser-Tytler expriment dans leurs attitudes, leur port et leurs formes de langage, des comportements propres à leur appartenance de classe. Cameron les a choisies pour ce qu’elles représentent, une conjugaison parfaite de beauté et d’idéal moral, une fracture avec le « vulgaire » et le monde réel, et en conséquence avec la représentation des couches populaires. La conception de la beautiful life de l’élite, déjà en œuvre à Little Holland House, a trouvé à Dimbola, la villa acquise sur l’île de Wight en 1860, la meilleure représentation théâtralisée de son narcissisme de classe.

  • 48 Hughes 1861.

24Dans ce monde clos, où les codes moraux prédominent, Herschel n’est pas seulement accompagné de peintres, de poètes officiels, mais il est essentiellement entouré de fonctionnaires coloniaux, bien souvent d’origine aristocratique, et d’intellectuels profondément élitistes. Sir Thomas Carlyle, écrivain et historien résolument réactionnaire, oppose à la vision bourgeoise de l’histoire son obsession d’un Moyen Âge idyllique, et réfute le socialisme au profit de la « loi naturelle ». Une seule voie est souhaitable, selon lui, le gouvernement de la société par un petit nombre de « héros », sécularisation du « génie » romantique et divinisation du pouvoir. Ce modèle est repris par Thomas Hughes, autre modèle cameronien qui, dans cette seconde moitié du xixᵉ siècle, établit dans son livre Tom Brown at Oxford48 les principes du « christianisme musculaire ». Virilité physique, esprit chevaleresque, soumission à Dieu, protection des pauvres, telles sont les qualités indispensables aux héros britanniques. Le nationalisme constitue d’ailleurs un point de ralliement des personnalités qui fréquentent Dimbola. S’y croisent entre autres Sir Francis Doyle, auteur d’un dithyrambe sur le duc de Wellington, et Edward John Eyre, gouverneur de Jamaïque de 1864 à 1866, connu pour sa brutalité exercée à l’encontre des populations locales.

  • 49 Tennyson 1975, p. 151.

25Ce sont ces mêmes valeurs que partagent les « poètes » victoriens. Les légendes arthuriennes de Tennyson, poète officiel de l’impératrice Victoria, renforcent les caractéristiques vertueuses de l’Empire. Viscéralement anti-modernistes49, convaincus par l’idée de perfection, de la nécessaire éducation des bonnes mœurs, croyant aux vertus de la « bonne santé » et de l’action, valorisant le prestige de l’homme fort et les qualités du commandement, les légendes arthuriennes participent par-dessus tout à installer l’Empire, l’Empire achevé. Cette chanson de geste photographique salue la vieille mère, l’Angleterre éternelle.

  • 50 Weaver 1984.
  • 51 Ibid., p. 156.
  • 52 Armstrong 1996.
  • 53 Pollack 1961, p. 169.
  • 54 Robert, Pohlmann et Galifot (dir.) 2015, p. 73.
  • 55 McCauley 2011.
  • 56 Voir supra dans l’introduction ; Cameron 1981, p. 186.

26Cameron, en chrétienne convaincue, fait de l’art photographique une mission religieuse50. Le « grand art », dans la tradition de la Renaissance est, pour tout dire, affaire de croyance. Cameron se fait une obligation morale de montrer les êtres sous l’angle de leur immortalité virtuelle. L’acte photographique s’accorde avec les idéaux comportementaux qu’elle a forgés pour elle et pour les autres. Sa correspondance n’est que l’expression d’une vocation, d’un aboutissement entre apprentissage et révélation51. Chemin de Damas qui la mène de l’ombre à la lumière, lumière à laquelle elle déclare vouer un culte en 186652. La lumière, en définissant le contour des corps, pénètre toute chose et représente le principe de toute vérité : « Elle [Cameron] avait trouvé dans l’appareil photographique l’élément idéal pour bien saisir et fixer les caractéristiques physiques et morales de ses sujets. Son studio était un lieu saint ; ses créations de véritables icônes53. » La photographie est un viatique, une situation, presque théologique54, qui l’autorise à « créer en un instant le trésor impérissable que représente un portrait fidèle55 ». Le portrait de Herschel est, pour bien des commentateurs, une rencontre exceptionnelle entre génie humain et inspiration divine. Et la fameuse citation sur l’aura du portrait n’est pas qu’admiration devant le talent mais une action de grâce traditionnelle56. Le but d’une telle photographie est de réaliser l’accord parfait entre le plaisir esthétique et les idéaux moraux. Les sens donnent accès à la vision de l’infini et les contemplations photographiques au Bien et à Dieu. La photographie instruit, purifie et ennoblit.

Cameron : un pacte de « solidarité » entre historiens, critiques et conservateurs

27C’est sur cette construction idéologique qu’intervient la première monographie consacrée à l’autrice et qui paraît en 1948 [voir Fig. 4 plus haut]. Grâce à une collaboration avec les héritiers de Cameron, Gernsheim accède à des documents inédits et à de nombreuses images qui l’autorisent à devenir le spécialiste de la photographie britannique. En publiant successivement les corpus de Cameron (1948), Lewis Carroll (1949) et Roger Fenton (1953), Gernsheim et son épouse, Alison, s’imposent comme les prescripteurs d’une catégorie vague, la « photographie victorienne », objet pourtant contradictoire.

  • 57 Gernsheim 1951.
  • 58 Gernsheim et Gernsheim 1965, p. 124.
  • 59 Newhall 1967, p. 64.

28En 1951, l’exposition « Masterpieces of Victorian Photography », qu’ils organisent au Victoria and Albert Museum, présente une sélection de photographes qui fait la part belle à Cameron57 [Fig. 5]. En deux décennies, les Gernsheim installent définitivement l’œuvre et la personnalité de cette dernière. Ils trouvent dans le corpus la concrétisation de leur pensée sur le photographique, qu’ils nomment « vision », une création pure débarrassée du réel. L’œuvre n’a de valeur que pour les portraits, rares, et s’oppose à la vulgarité du multiple, représentée par la carte de visite : « Julia Margaret Cameron déplorait la superficialité et le manque d’individualité des cartes de visite de ses célèbres amis, dans lesquelles on ne s’efforçait pas d’enregistrer ce qu’elle appelait “la grandeur de l’intérieur ainsi que les traits de l’extérieur”58. » [Fig. 6]. Non sans difficulté, les époux Gernsheim resserrent et réduisent l’œuvre de Cameron autour du portrait et d’une technique, le collodion humide, en évacuant la théâtralisation préraphaélite, déjà rejetée, sinon moquée par Shaw, Emerson et Fry. Ce qui désormais soumet l’exercice théorique à un grand écart permanent. Beaumont Newhall, à la suite des Gernsheim, exprime l’ambiguïté de l’œuvre en la scindant en deux parties antagonistes : « Cette ambivalence de la photographie caractérise l’œuvre de Julia Margaret Cameron. Ses portraits pleins de vie et de noblesse sont incomparables, et pourtant, ses photographies de genre ne font que suivre les formules des pré-Raphaélites et débordent d’une sentimentalité excessive59. »

Fig. 5 « 52. Julia Margaret Cameron : Sir John Herschel. 1867. », dans Helmut Gersheim, Masterpieces of Victorian Photography, 1840-1900, from the Gernsheim Collection : Catalogue of an Exhibition at the Victoria and Albert Museum.

Fig. 5 « 52. Julia Margaret Cameron : Sir John Herschel. 1867. », dans Helmut Gersheim, Masterpieces of Victorian Photography, 1840-1900, from the Gernsheim Collection : Catalogue of an Exhibition at the Victoria and Albert Museum.

Londres : Arts Council of Great Britain, 1951.

Fig. 6 « 102 Julia Margaret Cameron. Sir John Herschel, 1867 », dans Alison et Helmut Gersheim. A Concise History of Photography.

Fig. 6 « 102 Julia Margaret Cameron. Sir John Herschel, 1867 », dans Alison et Helmut Gersheim. A Concise History of Photography.

Londres : Thames and Hudson, 1965.

  • 60 Ford 1975. Voir aussi Cox et Ford (dir.) 2003.
  • 61 Voir Van Deren Coke 1975.

29L’ensemble, œuvre et biographie de la photographe, est relayé à partir de 1955 par André Jammes et en 1959 par Otto Steinert sur le continent européen. Les années 1970 marquent l’achèvement de cette élaboration longue et cohérente par un événement, l’acquisition d’un album photographique, The Herschel Album, par Colin Ford, conservateur à la National Portrait Gallery60. Dès lors, le portrait de Herschel légitime la photographie comme genre limité, clos, la présentant sous l’aspect d’un pacte de solidarité entre conservateurs, marchands, historiens et collectionneurs. Véritable autofiction, un type de récit met en scène l’histoire des représentations dans des situations fictives. Pur produit d’une histoire de l’art anglo-saxonne, un tel bricolage n’a pu fonctionner qu’en s’appuyant sur un réseau européen « d’experts » choisis hors des musées. Les Gernsheim, Steinert en Allemagne, Jammes en France vont ainsi relayer la vision de l’histoire de la photographie élaborée par Newhall, et développée ultérieurement par John Szarkowski, la justifiant par une écriture « historique » et « technique ». Autocélébration, chacun participe à l’édifice en exposant, en publiant et en se séparant, à contrecœur évidemment, de ses épreuves rares à destination des institutions américaines. Juste retour des choses, Gernsheim rend ce qu’il doit à Newhall dans les « Hommages », parus en 1975, en rédigeant un article sur Cameron61. Newhall va largement appuyer son histoire de la photographie sur la personne de Cameron. En dehors de la critique sur les images dites préraphaélites, il n’en fait pas moins qu’un des piliers de sa vision photographique : rareté, authentification de l’auteur et originalité novatrice. Il n’y a guère de publications à son initiative ou en relation avec sa « pensée » qui n’accorde une place substantielle à la photographe victorienne.

  • 62 Newhall 1967.
  • 63 Gernsheim et Gernsheim 1955.

30La constitution de collections américaines s’est garantie en s’abritant derrière la posture irréprochable de « l’historien » européen, sans signaler la fonction première de certains de ces personnages : l’activité marchande. La figure du pseudo-historien occupe un rôle central dans ce dispositif. Elle participe à la redéfinition des critères de l’échelle des valeurs des produits et, plus largement, à l’extension du domaine des biens rares. Le projet disposait de quelques atouts, à travers la puissance des institutions américaines et des cercles d’influence répartis entre l’université et les revues. Et, ce sont les personnalités extérieures à la sphère institutionnelle américaine qui vont fournir les idées et les œuvres de ce qu’il faut considérer comme un geste unique de construction d’artefacts dans l’histoire de la photographie. The History of Photography from 1839 to the Present Day de Newhall62 et The History of Photography from the Earliest Use of the Camera Obscura in the Eleventh Century up to 191463 des époux Gernsheim vont poser les bases d’une doxa jamais remise en cause.

  • 64 Ford 1975, p. 78.

31Les trois « historiens » de la photographie, Newhall, Gernsheim et André Jammes, partagent une vision de la photographie que l’on doit qualifier de sélective : ils professent un mépris identique pour la dissémination, et bien qu’acceptant la spécificité technique du médium, croient en l’art comme pratique et mystique. Colin Ford résume ainsi cette pensée en commentant le travail critique de Gernsheim sur Cameron et Carroll : « Ces deux ouvrages – qu’il a dû écrire en même temps, ce qui est remarquable – ont ouvert les yeux d’une génération sur le fait que la Photographie pouvait, dans les mains de certains praticiens, être de l’art. Ce concept avait pratiquement disparu, du moins en Grande-Bretagne, lorsque George Eastman inventa l’appareil Kodak, à peu près à l’époque de la mort de Cameron64. »

Révisionnisme photographique

32Dans une relecture de l’histoire contemporaine, on feint d’ignorer l’engagement social et politique de la communauté artistique européenne aux côtés des démocrates et des révolutionnaires lors des journées de 1830 et 1848, et notamment lors de la Commune de 1870. On s’appuie sur l’origine sociale des « pionniers » de la photographie pour brosser le portrait imaginaire d’un groupe socialement homogène, délicieusement romantique, à l’écart du combat politique et social, uniquement concentré sur l’acte de création.

33Le continuum historique, le soubassement de « la tradition photographique », que l’on dresse de Talbot à Stieglitz, s’échafaude par touches successives sans que l’on ait besoin de nouveaux apports. Le modèle historique n’a aucune difficulté à intégrer les notions de rupture et d’avant-garde, mais débarrassées des catégories politiques et des pensées radicales. Ici, la photographie n’a que faire de l’histoire. L’esthétique – la fin de toutes choses étant le beau – se construit dans un champ autonome à l’écart des contradictions de classe et de la spécificité du médium.

34Après la Seconde Guerre mondiale, cette tradition photographique s’installe, solide et cohérente, sur un support particulier, le calotype, et ses conséquences « fécondes ». Cependant, la photographie originelle revisitée en « âge d’or » ne peut satisfaire seule la demande universitaire et le marché. Des « primitifs » à la « photographie pure » américaine, des pans entiers du médium subissent un exercice de bricolage. L’histoire de la photographie est une entreprise de relecture à même de remplir les cases blanches et intermédiaires d’une histoire fictive, fondée sur les notions centrales de l’auteur et de l’œuvre. Conçue comme objet idéal et vaste continuum, elle réclame le recrutement additionnel de figures phares aux qualités diverses et complémentaires. Cameron et Nadar sont les premiers à être convoqués pour avoir « renouvelé » l’art du portrait et avoir proposé une vision du xixe siècle en accord avec une théorie du médium entendue comme fille du romantisme, et fondamentalement rétive au réalisme. La Bohème, ce recueil de clichés larmoyants, est sans nul doute préférable à la Commune, dans un Paris lui-même parcouru par Eugène Atget, ultérieurement tout autant réinterprété et « poétisé ». Quand les rapports de classe s’exacerbent dans cette seconde moitié du siècle, les images de Cameron ont la volonté de soumettre le réel, de s’en démarquer, repliant le sujet sur lui-même. La photographie, ici, exprime le renoncement volontaire et progressif des classes dirigeantes à se confronter et restituer des éléments de la réalité.

  • 65 Moureau et Sagot-Duvauroux 2008b.

35Les photographies ont une histoire. Elles ne surgissent pas de nulle part. Elles n’ont aucune vie propre. Ce sont les hommes, leurs appétits et leurs conflits, qui confèrent à ces objets particuliers une destinée. Les qualités dont on encombre les images mécaniques ne relèvent aucunement du magique. Rien ne les dispose à devenir icône, fétiche et encore moins vintage. En revanche, quand le goût de quelques-uns croise les intérêts de certains groupes sociaux, quelques images bien choisies se trouvent investies de toutes les valeurs. Elles peuvent alors rejoindre la terre sacrée de l’histoire de la photographie et surtout accéder à la série limitée des objets dignes d’intégrer les grandes collections publiques et privées. Le marché de la photographie ancienne, comme support au transfert massif de tirages d’un continent à l’autre, a entériné un accord tacite, un jeu de connivences entre partenaires de chaque côté de l’Atlantique. Le nouvel ordre hiérarchique des épreuves photographiques s’est vu confirmé par l’échange marchand, lui-même justifié et légitimé par la somme des expositions, la qualité reconnue des musées et l’appareil universitaire ou savant (livres, catalogues, etc.). Et c’est non sans clairvoyance et habileté que cette opération commerciale a pu s’édifier grâce à la réputation influente de quelques prescripteurs au centre du processus de légitimation de l’œuvre photographique. Le marché de la photographie a pris corps tardivement, au milieu des années 1970. Une décade plus tard, le résultat des transactions offrait aux opérateurs un taux moyen annuel de rentabilité de 30 %65. La vente aux enchères incarne au plus près cette relation qui unit recherche, institutions et collections. Elle va au-delà des simples opportunités. À l’instar de la kula, échange d’objets prestigieux décrit par Bronislaw Malinowski, la vente est un épisode constitutif de la renommée. Elle est l’événement de l’échange de biens rares, le moment partagé par une nouvelle aristocratie.

36Les œuvres de Julia Margaret Cameron sont désormais considérées, non comme des objets de compréhension de la production photographique du xixe siècle, mais comme des objets auxquels on doit soumission et respect. Cameron annonce et façonne une modalité de représentation de l’auteur qui bouleverse radicalement la réception même de l’œuvre photographique. On veut voir dans les traits de caractère de cette femme les prémices d’une photographie de genre qui forme un continuum sans failles menant droit à l’œuvre de Diane Arbus. Cameron devait devenir un monument pour que ses épreuves deviennent œuvre et marchandise. Cette formule fut écrite par une succession de chroniques, par l’accumulation de personnages tous plus « remarquables » les uns que les autres, un regroupement de personnalités « sensibles ». La légende photographique demande des êtres d’exception qui ne peuvent pas être des êtres concrets. Peu importe qu’ils mettent l’Inde et l’Afrique orientale sous le joug britannique, ils exonèrent l’Empire de ses actes, recouverts qu’ils sont de leurs drapés et coiffés d’un couvre-chef artiste. Pour le jeune marché de la photographie ancienne en quête de collectionneurs et d’institutions, Cameron était le sujet achevé et son portrait de Herschel, l’image aboutie.

  • 66 Newhall 1967, p. 64.

37Parce qu’elle agrège le bon goût et l’exubérance britannique, la modernité photographique et le classicisme pictural, l’art et la science, la morale et l’ordre, cette forme est suffisamment ouverte pour que le critique, le commissaire et le collectionneur s’y retrouvent, qu’ils soient de fervents admirateurs de beauté virginale ou des amoureux fous du flou. Par sa maladresse même, par ses refus des canons d’une image contrastée et nette, sans retouche, elle aborde les confins de la pureté66 !

38Plus qu’une aubaine, le portrait de Sir John Herschel incarne la photographie comme volonté d’art, objet irréprochable et exemplaire, destiné au cercle restreint des grandes collections publiques ou privées. Son image dispose d’une ambivalence certaine par son caractère intemporel. Herschel comme personnalité, plus que toute autre, figure le retour du grand ancêtre. Dans une vision anglo-saxonne de l’histoire de la photographie, il précède les figures de Nicéphore Niépce et de Louis Daguerre. Lors des « grandes ventes », moments solennels, ces représentations dramatiques au cours desquelles le portrait de Herschel est montré théâtralement, son nom glorieux prononcé, le mort est censé être de retour. Cette assemblée d’hommes – car presque tous les acteurs de ce petit théâtre sont des hommes – aspire à se réclamer de l’illustre fondateur de la photographie. La possession de l’image donne le droit d’utiliser son nom, de le convoquer et de l’exhiber. Associé à Cameron, il est synonyme de magie parce que la simple détention du portrait installe plus fort son propriétaire dans le monde de la photographie ancienne, dans la liste prestigieuse de ses possédants successifs. Plus qu’un autre portrait, il est un argument d’autorité masculine qui naît du consensus d’un milieu autoproclamé. Sa détention suppose un capital culturel, une « connaissance » de l’histoire de la photographie ancienne, un ensemble de références restrictives partagé par une petite élite cooptée.

39Le Herschel est une narration particulière et limitée, une fable qui reformule l’invention du médium, la relation parfaite entre la science et l’art, la loi, la foi et la beauté. Achat d’hommes mûrs, aisés et reconnus, il incarne tout à la fois le savoir, la sagesse et le détachement. Dans cette construction, Cameron offre un corpus respectueux d’anciens et de jeunes gens soumis à l’ordre établi. Chacun voit dans cette accumulation de signes de classe, de genre et de race, une distinction qui tient autant de « l’œuvre d’art » que du « document photographique ». Ici, la valeur n’est nullement liée à une quelconque validité universelle du jugement esthétique, mais à l’intercession sociale entre partenaires du même milieu se positionnant à l’intérieur de l’espace clos du monde de la photographie. Il suggère un échange social et une confrontation. Posséder un portrait de Herschel, l’acquérir lors d’un événement exceptionnel, que représente une vente de prestige, sanctionne une compétition institutionnalisée et réglée dont l’enjeu est la valeur sociale des personnes. L’objet, comme tout bien de prestige, exprime la visibilité de la valeur sociale de celui qui le possède. Et, pour s’élever au-dessus de ses rivaux, rien n’est plus délicieux que de l’offrir, après coup, au musée ! L’acquisition du portrait de Herschel par Otto Steinert, à la vente de 1961, prouve, s’il en est nécessaire, que la possession n’est pas la fin ultime de la collection, que seul le don aux institutions fournit un gage d’éternité. Des quatre photographies de Herschel réalisées le 7 avril 1867 à Collingwood, une seule vraiment a retenu l’attention de cet aréopage savant. Herschel, en fixant la caméra, d’un regard vide, nous propose un ars moriendi, la conscience inquiète de la mort, une mort qui survient quatre ans après la prise de vue. Ses grandes découvertes sont derrière lui. Comblé par les honneurs et les distinctions, Herschel attend. Il a appris, pour ce faire, à cultiver l’indifférence, l’impassibilité, une forme de détachement, tout ce qui occasionne la dispute entre la raison et la sensibilité.

40Cette image ne pouvait qu’impressionner les « premiers » collectionneurs, hommes du livre, attachés non seulement aux formes classiques, mais aussi, et surtout, à la tradition parce que Herschel, ce sont eux !

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Notes

1 Rauch 1961.

2 Vente Phillips, New York, 26 avril 2006, lot 0131, tirage albuminé, 35,2 x 27 cm.

3 Cox et Ford 2003, p. 325. Sauf mention contraire, dans cet article, nous traduisons les citations.

4 Gernsheim et Gernsheim 1965, p. 124.

5 Ibid.

6 Cox et Ford 2003, p. 66.

7 Inscription notée par Julia Margaret Cameron sur le portrait de Sir John William Herschel conservé au Museum of Fine Arts de Houston (Texas) sous le numéro 2021.282.3 : <https://emuseum.mfah.org/objects/151438/john-frederick-william-herschel?ctx=f62176cb09ad7e6860ad8286a82127b063fd1e49&idx=72#> (consulté le 25 janvier 2024).

8 Cameron 1981, p. 186.

9 Roberts 2009, n. p.

10 Stieglitz 1913, n. p.

11 Ces images ont été acquises par Otto Steinert pour le compte de la collection d’étude de l’école Folkwang de Essen. Depuis 1979, elles sont intégrées, comme l’ensemble de cette collection d’étude au musée Folkwang.

12 Moureau et Sagot-Duvauroux 2008a.

13 Rauch 1961.

14 Voir Braive 1965, p. 31 : « L’instant décisif de [la première vente de photographies anciennes] fut atteint, lorsque la firme “Agfa” offrit 3.600 francs suisses pour ce portrait fabuleux du savant qui légua l’hyposulfite de soude aux photographes. Et il donna son nom à la photographie que Niépce avait appelé “Héliographie”. »

15 Bajac et Lemoine 2003, p. 111.

16 Solomon-Godeau 2002.

17 Wolf 1999.

18 Jammes 1983, n. p.

19 Gernsheim et Gernsheim 1965 ; Armstrong 2000.

20 Letttre de Julia Margaret Cameron à John Herschel, le 28 janvier 1866, Lettres et documents de Sir John Herschel, Londres, The Royal Society, no 13082, cité par McCauley 2011, p. 8.

21 Cameron 1981.

22 Bruson 1980.

23 Olsen 2003 ; Weiss 2015.

24 Voir Sylvia Wolf, « “Mrs. Cameron’s Photographs, Priced Catalogue” : A Note on Her Sales and Process », dans Wolf 1998, p. 208-218.

25 Thackeray Ritchie 1893

26 Olsen 2003, p. 177

27 Thackeray 1865.

28 Orain 2016.

29 Emerson 1890.

30 Moholy 1939, p. 79 et suiv.

31 Sizeranne 1897.

32 Leibowitz 2011.

33 Daniel 1999.

34 Sotheby’s Photographs 2003, préface non paginée.

35 Voir la Vierge à la chaise ou Madonna della sedia (1513-1514), Galerie Palatine, Palais Pitti, Florence.

36 Bürger 1847.

37 Lettre de Julia Margaret Cameron à John Herschel, le 31 décembre 1864, National Portrait Gallery [archive], no P201.

38 Cox et Ford 2003, p. 433.

39 Woolf et Fry 1992, p. 24.

40 Ibid.

41 Aleksiuk 2000 ; Bajac et Heilbrun 2000 p. 52-53.

42 Woolf 1976, p. 37.

43 Bell 1934, p. 93.

44 Joseph 1988.

45 McCauley 2011.

46 Cameron 1835.

47 Ibid., p. 15

48 Hughes 1861.

49 Tennyson 1975, p. 151.

50 Weaver 1984.

51 Ibid., p. 156.

52 Armstrong 1996.

53 Pollack 1961, p. 169.

54 Robert, Pohlmann et Galifot (dir.) 2015, p. 73.

55 McCauley 2011.

56 Voir supra dans l’introduction ; Cameron 1981, p. 186.

57 Gernsheim 1951.

58 Gernsheim et Gernsheim 1965, p. 124.

59 Newhall 1967, p. 64.

60 Ford 1975. Voir aussi Cox et Ford (dir.) 2003.

61 Voir Van Deren Coke 1975.

62 Newhall 1967.

63 Gernsheim et Gernsheim 1955.

64 Ford 1975, p. 78.

65 Moureau et Sagot-Duvauroux 2008b.

66 Newhall 1967, p. 64.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 « Julia-Margaret Cameron / Herschel / Angleterre 1867. Composition de Garcia Pimentel », dans Michel F. Braive, L’âge de la photographie.
Légende Bruxelles : Éditions de la connaissance, 1965, p. 30.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre Fig. 2 Julia Margaret Cameron, « Herschel (planche III) », photogravure The Autotype Fine Arts Company, Londres, dans Alfred Stieglitz (dir.), Camera Work, no 41, 1913, n. p.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 4,2M
Titre Fig. 3 « No 150. J. M. Cameron. Portrait de John Herschel. », dans Nicolas Rauch, La photographie des origines au début du xxe siècle, catalogue de vente N. Rauch S.A., 13 juin 1961, p. 57.
Légende Description du lot, p. 56 : « 150. CAMERON (Julia Margaret). —Portrait de Sir John Herschel. Collodion. (36×27cm.) 1867. Julia Margaret Cameron a exécuté en Angleterre une série de portraits d’hommes illustres qui se placent au sommet de l’art photographique, au même rang que ceux de Hill et Adamson. Cameron utilisait un matériel primitif et des plaques de grande taille, qui exigeaient un temps de pose très long. Cette durée d’exposition et un objectif défectueux contribuaient à donner un certain flou à ses épreuves. L’éclairage vigoureux et habilement choisi mettait en relief le caractère des personnages. Le portrait de Herschel est le chef-d’œuvre de Cameron. “It is to my mind one of the greatest triumphs of photography and of Mrs Cameron’s gift in that kind that Sir John Herschel’s face has been perpetuated, so that future generations, as well as the present, may see it in all its grandeur and dignity.” (Sir Henry Taylor, cité par Gernsheim, Julia Margaret Cameron, her life and photographic work, p. 79.) ».
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 2,3M
Titre Fig. 4 Couverture de Helmut Gernsheim, Julia Margaret Cameron : Pioneer of Photography.
Crédits Londres : Fountain Press, 1948.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 3,1M
Titre Fig. 5 « 52. Julia Margaret Cameron : Sir John Herschel. 1867. », dans Helmut Gersheim, Masterpieces of Victorian Photography, 1840-1900, from the Gernsheim Collection : Catalogue of an Exhibition at the Victoria and Albert Museum.
Crédits Londres : Arts Council of Great Britain, 1951.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,8M
Titre Fig. 6 « 102 Julia Margaret Cameron. Sir John Herschel, 1867 », dans Alison et Helmut Gersheim. A Concise History of Photography.
Crédits Londres : Thames and Hudson, 1965.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/docannexe/image/2142/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 2,8M
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Pour citer cet article

Référence papier

François Cheval, « Le cours du Herschel »Photographica, 8 | 2024, 92-113.

Référence électronique

François Cheval, « Le cours du Herschel »Photographica [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 16 mai 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/photographica/2142 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11pb7

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Auteur

François Cheval

François Cheval est commissaire d’expositions et a exercé la fonction de directeur de musée depuis 1982. Il a dirigé notamment le musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône de 1996 à 2016. Il occupe actuellement la direction artistique du Centre photographique de Mougins. Dans une vision critique de l’histoire de la photographie, il a publié notamment : « L’épreuve du musée », Études photographiques (no 11, 2002) ; « Conserver et exposer la photographie au musée », et « Déception, mélancolie et malentendu, contre la fatalité de la visite du musée : la fiction cohérente ou la dernière chance du musée de la photographie », Musées et collections publiques de France (no 251, 2007) ; « L’impossible musée de la photographie : l’ère des collusions », dans Exposition et médias, photographie, cinéma, télévision dirigé par Olivier Lugon (L’Âge d’homme, 2012) ; et avec Yasmine Chemali, La fabrique des illusions (Sursock Museum, 2019).

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