1Le « Bulletin bibliographique de philosophie politique et sociale » est réalisé pour la revue Philosophique par une équipe de rédactrices et de rédacteurs. Il est coordonné par Caroline Guibet Lafaye (CNRS) et Fabien Ferri (université de Franche-Comté) au sein du Centre de Documentation et de Bibliographie Philosophiques de l’université de Franche-Comté (UR 2274 CDBP – Logiques de l’agir), et propose de brèves recensions d’ouvrages récemment parus, réparties dans diverses rubriques thématiques.
2Cette étude sur Tocqueville [4] témoigne d’une attention précise aux écrits et à l’héritage de l’auteur ; elle contribue aussi à situer son apport dans le contexte des interrogations et des débats sur le libéralisme, et dans celui des réflexions sur le colonialisme. L’ouvrage propose des analyses approfondies sur la tension décelée par Tocqueville entre démocratie et libéralisme. Il aborde aussi très utilement les rapports entre démocratie et nationalisme. On apprécie la manière dont l’héritage tocquevillien est saisi dans le contexte des débats sur la « démocratie libérale » et sur la mondialisation.
3Dans la réflexion contemporaine sur les modes d’action des travailleuses et travailleurs, le sabotage est moins connu que la grève ou la manifestation. Il peut passer inaperçu s’il n’est pas revendiqué, d’autant plus s’il reste localisé dans une unité de travail. L’ouvrage de Victor Cachard [10] est le premier tome d’une enquête historique inédite, fondée sur de multiples fonds d’archives, sur le sabotage comme pratique militante de résistance au travail, inscrite dans un esprit et une tradition anarchistes de grande ampleur. Il en donne un vaste panorama, par-delà les bris de machines et le mouvement ouvrier institutionnalisé du xixe siècle, en citant des cas qui s’apparentent au sabotage dès le Moyen Âge, notamment dans la résistance au pouvoir seigneurial et au prélèvement de l’impôt. La lecture peut être complétée par l’anthologie, éditée par Victor Cachard, complète des textes d’Émile Pouget [33], son principal théoricien, syndicaliste révolutionnaire à la CGT, auteur de la brochure Le Sabotage de 1910.
4George Woodcock retrace une histoire de L’anarchisme. Une histoire des idées et mouvements libertaires [40], articulée en deux parties : l’une consacrée aux concepts de l’anarchisme et l’autre à ses courants en Europe mais aussi en Amérique du Nord et du Sud. Très documenté, cet ouvrage de plus de 500 pages s’interroge, au-delà du panorama historique qu’il propose, sur « l’effondrement » de l’anarchisme classique au début du xxe siècle ainsi que, d’autre part, sur la question de savoir pourquoi et comment l’idée anarchiste est réapparue, sous de nouvelles formes, dans la seconde moitié du xxe siècle. En premier lieu, le mouvement anarchiste classique n’aurait pas su produire une alternative à l’État-nation et/ou à l’économie capitaliste susceptible d’emporter l’adhésion d’une large part de la population mondiale. Néanmoins et sur le versant positif, le mouvement anarchiste constituerait une pierre de touche pour formuler une position nécessaire à la survie d’une société libre et humaniste (p. 511).
5Le livre de l’historien Steve Wright [41], issu de sa thèse, réédité et retraduit en français, est le premier ouvrage académique, synthétique et complet, sur l’opéraïsme italien. Courant marxiste hétérodoxe qui existe de 1961 à 1977, il examine les mutations de la classe ouvrière à la suite des transformations du capitalisme italien (taylorisme, migrations Sud-Nord, jeunesse ouvrière), de la figure de l’« ouvrier-masse » à celle de l’« ouvrier-social », et ses potentielles formes d’organisation, du parti révolutionnaire au syndicat en passant par le comité d’usine et les luttes autonomes. Composé de dissidents de gauche, Raniero Panzieri, Romano Alquati, Mario Tronti et Toni Negri, qui éditent diverses revues comme Quaderni Rossi, Classe operaia, puis Primo Maggio, en lien avec les groupes politiques Potere Operaio, Lotta continua et Autonomia operaia, il est difficile de l’analyser globalement. Sur un plan chronologique, l’ouvrage reconstitue minutieusement les étapes et débats du courant selon les mobilisations ouvrières, étudiantes et féministes, jusqu’à son effondrement face à la fragmentation de l’ouvrier-masse, avec l’émergence des employés, précaires et chômeurs, puis celle des groupes de lutte armée. Doté d’un riche appareil critique (un post-scriptum sur les sources, une chronologie précise et une longue bibliographie) très utile pour des recherches futures, l’ouvrage est sans aucun doute une lecture indispensable pour comprendre cette histoire marxiste italienne.
6La révolution à venir [6] réunit des essais publiés indépendamment par le philosophe Murray Bookchin à la fin de sa vie autour d’une proposition d’organisation politique dont il est le créateur : le communalisme. L’ambition de Murray Bookchin est d’élaborer une organisation politique pour accompagner les mouvements contestataires et leur permettre d’aboutir à des modèles politiques alternatifs à celui de l’État-nation. Selon lui, le marxisme – en particulier pour des raisons écologiques – et l’anarchisme – en raison de l’individualisme qui y est prôné – ne peuvent constituer une alternative crédible même si ces idéologies restent des sources d’inspiration. Une bonne compréhension de la politique consiste au contraire à construire un cadre institutionnel qui permette à chacun et chacune de cogérer directement les affaires de leur communauté municipale via ce qu’il nomme le municipalisme libertaire, chaque communauté locale étant interdépendante et s’inscrivant au sein d’une organisation confédéraliste.
7Dans l’ouvrage collectif Paix et sécurité [3], les auteurs prennent acte de la fin d’une lecture essentiellement transatlantique de l’ordre mondial et tâchent de donner forme, en matière de relations internationales, à une pensée fondée sur l’altérité. L’articulation des questions centrales de la paix et de la sécurité se trouve enrichie, au fil de contributions très diversifiées, par la prise en compte d’un spectre culturel et linguistique très large. Des notions essentielles, telles que l’ordre, l’harmonie ou la guerre, bénéficient ainsi de précieux éclairages. L’ouvrage sera certainement utile à la réflexion contemporaine sur les enjeux des relations internationales, en donnant la mesure d’une complexité souvent négligée jadis, grâce aussi aux exemples historiques significatifs qui sont ici rassemblés.
8Partant de la question de Césaire sur la nature fondamentale de la colonisation et d’ambiguïtés présentes lors de la Conférence de Bandung, et privilégiant une approche descriptive du phénomène colonial, l’auteur de Settling for Less [30] propose une élaboration théorique au sujet de la colonisation de peuplement. La matière historique brassée est considérable et diversifiée. Il en ressort un tableau quelque peu pessimiste de la tendance à la colonisation – y compris vis-à-vis de peuples indigènes – des États en tant que tels, à quoi s’ajoute la dynamique des besoins en ressources propre au capitalisme.
9Le recueil Fréquenter les infréquentables, dirigé par Manon-Nour Tannous [38], aborde des sujets classiques de la Realpolitik à partir d’exemples très contemporains, de conflits ayant touché le monde depuis le milieu du xxe siècle (Europe et Moyen-Orient, Afrique et Amérique du Sud). L’ouvrage interroge d’abord le label de l’« infréquentable » : quels acteurs ou autorités sont-ils légitimes pour apposer ce label sur la scène internationale ? Il interroge également les objectifs de cette labellisation : s’agit-il de neutraliser ou de forcer à la socialisation celui qui est ainsi désigné ? Il aborde enfin les critères d’une telle désignation en proposant une typologie des critères contemporains de la fréquentabilité (i.e. statut étatique, représentativité, respect du droit ou des méthodes de gouvernement). Le recueil s’arrête ultimement sur les attitudes suscitées par cette labellisation-couperet, en l’occurrence : subir le coût de la sentence, privilégier une stratégie de contournement, enfin s’approprier le stigmate.
10Faire référence. La construction de l’autorité dans le discours des institutions [31], écrit par une spécialiste des sciences de la communication constitue une exploration fort intéressante des dimensions de la parole « légitime ». Cette dernière est inséparable des pouvoirs associés au discours, ou qu’on lui prête. Les notions d’autorité et d’institution jouent un rôle notable dans un parcours qui passe par les biographies autorisées, le contraste entre parole savante et profane, l’espace public, etc. L’ouvrage, clairement structuré, conduit à une réflexion sur le compromis, sur l’autoritarisme et sur l’égalité dans les situations de parole.
11Michael Sonenscher [36] propose une histoire du capitalisme dont il revisite également le concept. L’auteur dévoile le réseau de tout ce que le capitalisme tient ensemble : la dette publique et la guerre économique, la division du travail et son évolution depuis le xixe siècle, et suggère que le concept de « société commerciale » doit être distingué du capitalisme. Sonenscher s’appuie enfin sur des auteurs classiques tels que K. Marx, A. Smith, G. W. F. Hegel, D. Ricardo et L. von Stein pour envisager des alternatives au capitalisme.
12Voicing Politics [32] d’Efrén Pérez et de Margit Tavits actualise une thèse philosophique classique établissant que le langage informe la pensée. Tout en l’enrichissant des apports de la psychologie et des sciences politiques, ils la mettent à l’épreuve empiriquement concernant des opinions relatives à des questions de société telles que l’égalité de genre, les droits des minorités ethniques et sexuelles, la préservation de l’environnement. L’étude a été menée auprès d’adultes bilingues aux États-Unis, en Suède et en Estonie. Elle montre notamment que le langage « informe » (shape), donne forme au réel via un procédé dit de « penser pour parler » (thinking for speaking). Il suppose que certaines associations mentales et catégories sont plus accessibles cognitivement et permettent ainsi d’exprimer plus aisément certaines opinions politiques. Le dispositif permet de différencier les effets du langage de ceux de la culture sur la production de ce type d’opinions.
13Un collectif de chercheurs et chercheuses tourne les projecteurs vers l’enquête sociologique pour mettre en évidence les conditions de sa réalisation, en particulier en contexte difficile, qu’il soit autoritaire ou « post-démocratique ». L’enquête en danger [2] soulève la question de la liberté de la recherche, « socle indivisible de la démocratie » (p. 21) et interroge « un nouveau régime de surveillance dans les sciences sociales » qui s’articule autour de trois axes : en premier lieu, les nouvelles normes managériales et sécuritaires imposées par les autorités de tutelle ; en deuxième lieu, la surveillance et une forme de censure portées par les pairs ainsi que les enquêtées et enquêtés ; enfin, les tensions entre ces deux groupes d’acteurs pouvant déboucher sur une tendance à la judiciarisation. Dix-sept contributions permettent ainsi de balayer l’attention policière, administrative ou gestionnaire qui encadre les chercheurs.
14Prenant comme fil conducteur la revue Arguments (1956-1962), forte de ses grandes figures intellectuelles, Thomas Franck apporte un éclairage précis et informatif sur les rapports entre Adorno et la France [21]. Si l’École de Francfort a largement nourri la réflexion théorique en France, les échanges entre Adorno et les intellectuels français méritent en effet d’être mieux connus. Ils sont ici mis en miroir avec l’intérêt d’Adorno pour la tradition littéraire française et pour les leçons à en tirer concernant la théorie de la culture. Les réflexions sur le positivisme d’Auguste Comte et sur la technique font l’objet de développements conséquents. L’ouvrage contribue aussi à situer le mouvement intellectuel lié à la revue Arguments, au miroir de l’Allemagne.
15Noam Chomsky propose dans un bref entretien publié aux éditions Lux, Un monde complètement surréel [13], une analyse critique des « institutions idéologiques occidentales » dotées, selon lui, de la capacité de transformer l’interprétation des faits dans l’intérêt de ceux qui dominent l’économie et le système politique. Il décortique ainsi l’idéologie dominante transmise par les médias, les sociétés supranationales et les institutions financières qui organisent l’économie mondiale et le commerce international, pour soulever la question : « comment en est-on arrivé à une soumission aussi étonnante au système doctrinal ? » (p. 60).
16La raison économique et ses monstres [18] vise, pour sa part, à déconstruire les « mythes » socioéconomiques qui tissent le quotidien des sociétés libérales occidentales. Laurent Éloi, son auteur, déconstruit ce qu’il nomme les mythologies néolibérales, fondées sur des représentations quantifiant l’ensemble des domaines de l’existence et faisant de la responsabilité individuelle la clef explicative des inégalités sociales, mais également les mythologies sociales-xénophobes et les mythologies écolo-sceptiques. La deuxième partie du propos s’articule autour de la doctrine de l’État régalien comme étant central dans le projet républicain. Les dernières mythologies économiques démystifiées coïncident avec les discours que d’autres baptiseraient « greenwashing », dont une transition écologique nourrie par les progrès scientifiques constitue la figure emblématique. Il s’agit donc pour l’auteur de se détourner des deux artifices représentationnels que sont la croissance économique et la croissance numérique, en « renouant nos attaches naturelles » afin de retisser « nos liens sociaux » (p. 103).
17Le spécialiste des pensées utopiques et professeur émérite d’histoire à l’université de Londres Gregory Claeys entend proposer une utopie pour le xxie siècle dans son ouvrage massif Utopianism for a Dying Planet [15]. Il montre que la critique de la consommation ostentatoire et du luxe est une constante de la pensée utopique. La contre-culture des années 1960 est sans doute, estime-t-il, le mouvement utopique contenant les idées les plus inspirantes sur cette question des alternatives au consumérisme. La force de l’utopie tient à ce qu’elle ne nous convainc pas seulement du caractère souhaitable et possible d’une alternative, mais qu’elle nous donne envie de nous diriger vers elle, de quitter les formes de vie qui sont les nôtres en nous montrant que d’autres peuvent être plus satisfaisantes. Ici, la satisfaction liée à la distinction sociale propre au consumérisme pourrait faire place à celle tirée de rapports humains plus horizontaux, caractérisés par de forts liens d’appartenance et de respect mutuel, propres à un « utopisme républicain ». Claeys défend ainsi l’égalitarisme, la propriété collective et la simplicité volontaire dans le cadre de formes et de niveaux de consommation durables.
18Dans Le sauvage et le politique [25], Édouard Jourdain interroge les caractéristiques définitionnelles et fondatrices de la civilisation occidentale dans ses différences affirmées, revendiquées d’avec le « sauvage », la « sauvagerie ». L’auteur met en perspective plusieurs piliers de cette civilisation (État, propriété, individu, droit, démocratie) à partir des notions constitutives de sociétés échappant à celle-là, telles que le chef, le pouvoir sacré, le sacrifice, la magie mais également à partir de modes de fonctionnement social comme les droits d’usage, la gestion des stocks, le sens de la guerre, l’esclavage, le nomadisme ou encore à partir de leur rapport à l’environnement.
19Dans la somme (969 p.) proposée par Bernard Lahire sur Les structures fondamentales des sociétés humaines [27], l’auteur s’appuie sur des connaissances à la fois anthropologiques, éthologiques et de biologie évolutionniste pour esquisser des invariants ou « propriétés centrales » de l’espèce humaine. L’analyse s’initie par une réflexion sur la notion de loi et sur le nominalisme constructiviste puis sur la question de la convergence sur les plans anatomiques, biologiques, comportementaux, sociaux et culturels. Ce faisant, l’auteur en vient à énoncer « l’ensemble des grands faits biologiques et anthropologiques, les lignes de forces historiques et les lois générales présentes depuis le début de l’humanité » (p. 50), à partir d’un regard porté sur cent cinquante ans de recherches pluridisciplinaires sur les sociétés humaines.
20Dans un tout autre domaine, Sabine Choquet pose la question de la violence sociale à partir d’un prisme original, celui de La violence de l’État [14] remise en perspective historiquement. Elle interroge la fondation de l’État-nation à l’époque contemporaine, en passant par l’examen de la formation historique de l’État moderne. Cette historicisation lui permet d’aborder aussi bien la désignation des opposants à la réforme de l’État au xviiie siècle comme « ennemis de la liberté » que la spécificité du maintien de l’ordre « à la française » dans le paysage européen actuel. Il s’agit ainsi d’analyser les contours d’une nouvelle forme de violence, la « violence préventive » visant tout fauteur présumé de trouble à l’ordre public.
21Prenant le contre-pied des usages communs de la notion de radicalisation, Claude Serfati déclare L’État radicalisé [35], analysant et documentant les processus d’activisme militaire et de durcissement sécuritaire qui, selon lui, caractérisent la radicalisation de l’État français. Par l’analyse du pouvoir de l’armée au sein des institutions de l’État et du développement du complexe militaro-industriel, l’auteur détaille l’avancée de l’État militaro-sécuritaire et conteste la pérennité de l’État de droit en France, remis en cause non pas par un coup d’État mais par la promulgation de lois sécuritaires. La réponse à la question de savoir jusqu’où la radicalisation de l’État français peut conduire dépend à la fois des forces endogènes à l’État qui y sont favorables mais aussi de la capacité du gouvernement en place à mener à son terme le programme politico-économique des classes sociales les plus favorisées.
22Adam Smith’s America [29] prend au sérieux le fait que l’économie, telle que la concevait Smith, était inévitablement une « économie politique », un objet de réflexion pour un théoricien du social ambitieux et appartenant aux Lumières, et l’œuvre d’un philosophe moral. À partir de là, l’enquête approfondie qui est menée permet à Glory Liu de restituer sa complexité et son épaisseur historique à la réception nord-américaine de la Richesse des nations. Les aspects culturels et doctrinaux sont mis en valeur, tout comme le rôle déterminant des controverses sur le libre-échange au xixe siècle. Du siècle des Lumières à la vision du monde véhiculée par l’école néolibérale de Chicago, c’est aussi un sondage de certains aspects de l’identité politique américaine qui est proposé. Le rapport aux intentions de Smith et à ses écrits, à sa figure historique aussi, permet d’apercevoir par différence ce qui relève de la construction culturelle et de l’influence des circonstances ou des événements à différentes époques.
23Pierre Leroux est souvent présenté comme l’inventeur du terme « socialisme ». Or il est frappant que ce défenseur d’une forme de solidarisme, que Marx qualifiait de « génial », ait délégué la presque totalité des entrées économiques de la Revue encyclopédique qu’il dirigeait à son frère Jules Leroux (1805-1883). Les deux principales notices [28], que ce frère inconnu rédigea (« Adam Smith » et « Économie politique »), viennent enfin de sortir de l’oubli un penseur qui influença pourtant Georges Sand (p. 88). Une très riche introduction d’une centaine de pages retrace ainsi la vie et le contexte de ce typographe, défenseur précoce du communisme (il sera d’ailleurs membre fondateur de l’Association Internationale des Travailleurs). On y découvre aussi les relations de frères-adversaires (plus qu’ennemis) que cette figure touchante et sensible entretient avec Pierre, à qui il reproche le caractère bourgeois. C’est en fait son expérience de prolétaire qui le pousse à écrire en réaction au succès des théories libérales de l’école française (Boisguilbert, Quesnay, Turgot et Say) et à ses prétentions scientifiques. Se revendiquant d’une pensée de la communauté, il recrée tout un système d’économie politique en redéfinissant les principaux concepts relatifs à la production, à la distribution et à la répartition. L’ouvrage ouvre donc la voie à un travail de commentaire pour analyser la pertinence, notamment contemporaine, de certaines de ses analyses, dont l’originalité est d’être menée par une forme d’égalitarisme non seulement distributif mais aussi relationnel.
24The Role of the Public Sector [23] propose tout à la fois une présentation synthétique des bases de l’économie publique et l’exposé de conceptions plus originales au sujet du rôle de l’État dans le « développement social ». Très lisible, il pourra intéresser un lectorat pluriel, au-delà des frontières (d’ailleurs mouvantes) des sciences économiques. L’accent est mis notamment sur la dépendance réciproque et déterminante des secteurs public et privé dans les économies modernes, quoi qu’il en soit de l’influence des croyances néolibérales depuis les années 1980 surtout. En conformité avec la méthodologie reçue en économie normative, l’auteur s’intéresse aux rapports entre le « pour » et le « contre » de différentes options, les mettant en rapport avec des critères évaluatifs (évidemment discutables en eux-mêmes). On apprécie particulièrement la clarté de l’exposé, l’articulation entre les aspects conceptuels et les aspects empiriques, ainsi que la prise en compte des aspects internationaux.
25La copossession du monde [16] interroge une croyance répandue dans la tradition économique, selon laquelle la possession en commun des ressources aboutit finalement à un ordre social défavorable à tous (thèse illustrée par la célèbre « tragédie des communs » exposée par G. Hardin). L’ouvrage peut donc se lire en diptyque de La part commune (2020), où l’auteur analysait « l’idéologie propriétaire » déployée par une certaine tradition juridique justifiant la propriété privée par des arguments déontologiques en vertu d’un droit naturel. On se tourne ici vers la tradition économique qui se fonde sur des arguments conséquentialistes portant sur le type de société plus souhaitable qu’engendre la propriété privée. L’auteur renverse l’accusation en expliquant que c’est plutôt cette dernière qui est responsable de troubles sociaux, qu’autrement dit l’idée d’un « ordre par la propriété » (p. 18) n’est qu’une illusion. L’auteur propose alors de refonder la propriété. S’inscrivant dans la tradition démontrant que « la » propriété est en vérité à concevoir comme un « faisceau de droits », il argumente en faveur d’une « conception écosystémique de la propriété » qui implique « une vision inclusive du rapport aux ressources, interdisant d’exclure les droits de ceux qui partagent le même milieu de vie » (p. 220). Dès lors, « il serait impossible de se dire propriétaire d’une chose ; tout au plus pourrait-on posséder certains droits sur les choses, droits compatibles avec ce que nous nous devons les uns aux autres » (p. 31).
26La philosophe féministe et théoricienne critique Nancy Fraser, que le lectorat français a pu découvrir à travers la traduction salutaire d’une série d’articles (Qu’est-ce que la justice sociale ?, 2005), offre avec Cannibal Capitalism [22] un court ouvrage vivifiant condensant la richesse de son analyse du capitalisme. Bien loin du réductionnisme dans lequel est trop souvent tombé le marxisme au xxe siècle, on pourrait qualifier d’« holistique » son approche (Fraser parle de « conception élargie du capitalisme ») : elle embrasse la multiplicité des crises existantes, qui ne sont pas qu’économiques, mais aussi écologiques, sociales et politiques, et cherche à comprendre leur articulation. La domination de classe, les asymétries de genre et de sexe, l’oppression raciale/ethnique/impériale et la domination politique ne sont pas des épiphénomènes du capitalisme mais lui sont internes ; autrement dit, ils ne sont pas que des conséquences du capitalisme mais en ont été aussi et en sont encore des conditions de réalisation : « La production capitaliste n’est pas autosuffisante, mais dépend (free-rides) de la reproduction sociale, de la nature, du pouvoir politique et de l’expropriation ; pourtant, son orientation vers l’accumulation sans fin menace de déstabiliser les conditions mêmes de sa possibilité » (p. 23). Preuve en est que les luttes sociales en cours, à condition d’y être attentifs, questionnent de façon fructueuse certaines thèses doctrinales (marxistes en l’occurrence) et en précisent d’autres, comme le paradoxe voulant que le capitalisme parasite et détruise ce qui l’a engendré, tel l’ouroboros (ce serpent qui se mord la queue) placé en couverture de l’ouvrage.
27Se situant dans la démarche visant à ressaisir l’histoire des disciplines par le prisme du genre, Annabelle Bonnet propose une sociohistoire des femmes philosophes [5] entre 1880 et 1949. Dans la continuité des travaux menés par Geneviève Fraisse, Françoise Collin ou encore Michèle Le Dœuff, elle met en évidence le parcours et les obstacles rencontrés par des femmes philosophes injustement éclipsées par le statut d’unique représentante féminine de la philosophie que l’inconscient collectif a attribué à Simone de Beauvoir dans la seconde partie du xxe siècle. La loi Camille Sée interdit l’enseignement de la philosophie aux filles dans l’éducation publique jusqu’en 1924 et une partie de la population continue de s’y opposer, comme en témoigne l’analyse des controverses législatives et médiatiques dont rend compte l’ouvrage. C’est donc contre leur époque que 169 femmes sont parvenues à décrocher l’agrégation et que 35 sont devenues docteures lors de cette période. Parmi elles, les femmes dont le parcours est retracé dans cet ouvrage et dont une très utile frise chronologique aide à restituer l’ancrage institutionnel successif : Jenny d’Héricourt, Julie Favre, Jeanne Crouzet, Julie Hasdeu, Clémence Royer, Jeanne Baudry, Léontine Zanta, Alice Steriad, Lucy Prenant, Hélène Metzger, Renée Déjean, Yvonne Picard, Simone Weil, Marguerite Buffard Flavien et Dina Dreyfus.
28Comment faire en sorte que le sexe qui est, contrairement aux évidences, une chose publique ne soit plus « violent, égoïste et inégalitaire » (p. 138) ? Très remarquée dans le monde anglo-saxon lors de sa publication en 2021, la collection d’essais d’Amia Srinivasan [37] prend pour objet les questions relatives aux pratiques sexuelles telles qu’elles se présentent dans l’actualité (principalement celle des États-Unis, du Royaume-Unis et de l’Inde) et démontre qu’elles renvoient à d’autres questions difficiles à trancher pour la théorie féministe. Dans un style vivant sont analysées les évolutions de la sexualité avec l’arrivée d’internet ou encore la question des sanctions à apporter ou non aux violences et crimes sexuels. Pour chaque question, Srinivasan prend soin de retracer avec une grande précision l’historique de la question dans le débat féministe et d’évoquer l’état des connaissances empiriques dans les sciences sociales sur le sujet. Les positions de l’autrice sont marquées d’abord par « une critique politique du désir » (p. 146) qui lui fait prendre le contre-pied des focalisations contemporaines sur la notion de consentement. Comme beaucoup de féministes radicales des années 60-70, ce qui l’intéresse est de comprendre « quelles sont les forces à l’origine du oui d’une femme » (p. 16). Ses positions se situent ensuite dans une approche intersectionnelle, qui, comme elle le rappelle, ne vise pas seulement à comprendre l’articulation entre les différentes oppressions (ici le genre, la race, la classe, le handicap, la nationalité et la caste) mais cherche à rappeler qu’en se focalisant sur l’une d’elle (le genre par exemple), les conclusions normatives ont souvent tendance à renforcer les autres phénomènes d’oppression (ainsi les féministes libérales ont pu participer à renforcer le racisme ou les inégalités de classe).
29Dans Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple [19], Didier Eribon analyse l’existence et le vieillissement de sa mère, de sa condition de femme et de mère ouvrière contrainte d’accepter de petits boulots alimentaires jusqu’à son placement en maison de retraite près de Reims, où elle meurt quelques mois plus tard. En partant de son expérience personnelle, l’auteur critique le fait que la vieillesse soit « reléguée socialement » et « conceptuellement occultée ». L’injonction à l’autonomie et la morale qui l’accompagne coïncident mal en effet avec le vieillissement et la vulnérabilité grandissante. Le vieillissement s’accompagne d’un isolement social toujours plus grand, et l’intégration en maison de retraite est vécue par les personnes concernées comme une mise au ban, une exclusion pure et simple du champ de vision du social, tant et si bien que nous l’occultons complètement de notre champ de pensée – et donc d’action. Les maltraitances institutionnelles qui ont cours au sein de certaines maisons de retraite ne sont pas le fait d’un dysfonctionnement ou de l’immoralité des organismes auxquels est déléguée la charge des personnes âgées : ces maltraitances reflètent cette exclusion à laquelle nous adhérons implicitement, faute de prendre pleinement conscience de l’expérience vécue par les personnes en perte d’autonomie.
30Dans La vie psychique, objet de droit [1], G. Aïdan s’applique à poser des jalons pour une approche de l’intériorité psychique telle qu’elle est saisie par le droit, en accordant une place importante à la construction du concept de « fait psychique », aux figures du « sujet psychique » et à l’émergence de formes nouvelles de normativité et de gouvernementalité en rapport avec le psychisme. Si la philosophie a donné un écho important au rôle du clivage entre usage extérieur du libre-arbitre et intériorité dans la caractérisation kantienne de la différence entre droit et morale, il n’en demeure pas moins que les juristes doivent affronter un nombre croissant de phénomènes dans lesquels le recours aux normes juridiques est bel et bien ancré dans une certaine vision de l’intériorité, des motifs privés ou du psychisme. Les questions théoriques et conceptuelles sont alors pressantes. Au long du parcours proposé, les analyses des « comportements psychiques normés » et des faits conditionnels psychiques retiendront l’attention. L’ouvrage débouche sur des réflexions originales et éclairantes au sujet du rapport entre le droit et l’observation, mais aussi sur l’insaisissable et sur la personne en droit.
31Political Ethics: A Handbook [24] est un précieux manuel d’éthique politique, coédité par Edward Hall et Andrew Sabel. Composé de onze chapitres, il aborde des problèmes comme le mensonge et la tromperie, les compromis, l’intégrité politique, l’éthique de la représentation et du leadership, l’éthique de la politique partisane, de l’administration publique, des lanceurs d’alerte, l’éthique en situation d’état d’urgence, du lobbying, et le problème de la corruption politique. Bien que ces problèmes soient clairement identifiés, l’éthique politique reste complexe et même paradoxale. Même ceux qui insistent sur la propension de nombre de responsables politiques à mal agir doivent reconnaître leur rôle dans la détermination et les garanties des biens publics. L’ouvrage ne s’arrête pas à l’étude de cas précis. Il propose de constituer une éthique politique pour savoir comment réfléchir en vue de pouvoir poser des jugements politiques responsables. Les auteurs abordent ces problèmes en tenant compte des contraintes de la vie politique, dont la compétition entre adversaires lorsque certains ne tiennent pas compte des exigences éthiques, ou encore des bénéfices collectifs que le décideur en responsabilité peut permettre d’acquérir (par exemple la sécurité) et les maux qu’il doit permettre d’infliger pour y arriver.
32L’ouvrage de l’historienne Kate Brown, Tchernobyl par la preuve [8], ouvre un champ inépuisable – et effrayant – de réflexions autour de la gestion politique de la catastrophe nucléaire survenue à Tchernobyl et surtout de ses conséquences. L’objet est en partie de démontrer comment le régime soviétique et des partenaires occidentaux ont minimisé publiquement le désastre écologique, sanitaire et social voire économique de l’explosion de la centrale nucléaire. Il s’agit aussi et surtout de questionner et d’analyser les décisions politiques concrètes prises face à ce qui s’apparente à une série de dilemmes moraux sans précédents. Faut-il exiger un confinement à durée indéterminée aux populations pour limiter les conséquences sanitaires d’une exposition sur la durée à de faibles radiations ? Que faire de la laine des moutons exposés aux radiations ? Comment détruire les stocks de légumes, viande, etc. tout en évitant de polluer les sols ? Face à l’impréparation dans la gestion d’une telle catastrophe, il n’y a plus que de mauvaises solutions.
33Le recueil pluridisciplinaire Le souci de la nature [20] offre un panorama des expériences contemporaines de notre rapport à la nature et à l’environnement. L’objectif assumé est d’inventer de nouvelles visions du monde, relations sociales et gouvernances pour construire un monde plus durable. Nombre de champs sont balayés : d’abord les approches institutionnelles de l’environnement qu’elles soient de niveau international, national ou local. Une place est ensuite faite aux courants symboliques et religieux. Un volet est consacré au rapport des individus à la nature à partir de disciplines comme la psychologie, les neurosciences, le cinéma. L’ouvrage se clôt par quelques « pistes de réflexions pour de nouveaux futurs » passant par une nouvelle éducation, des approches corporelles renouvelées, de nouvelles normes socio-politiques, une nouvelle éthique plus respectueuse de l’environnement.
34Usant d’un prisme plus micro, Thom Van Dooren s’appuie sur un projet de sauvetage des gastéropodes à Hawaï (Snail Extinction Prevention Program – SEPP) pour aborder notre compréhension de l’extinction de la biodiversité. À travers plusieurs récits singuliers, plusieurs Histoires d’escargots au temps des extinctions [39], l’auteur déploie une philosophie de l’environnement centrée, non pas seulement sur les vivants non-humains, mais sur les relations humaines qui sont « au travail et en jeu » dans l’effondrement de la biodiversité. Cette extinction est ainsi convertie de problème « environnemental » en un processus humain, en ce que ses ramifications concernent plus largement la globalisation, la colonisation, la militarisation, le changement climatique, etc. En dernière analyse, l’ouvrage soulève la question de savoir ce que nous pourrions devenir quand des espèces disparaissent.
35D’une actualité sans pareille, l’édition en format poche de l’ouvrage de Pierre Charbonnier, La fin d’un grand partage [11], revisite la partition héritée de l’Antiquité entre nature et société à partir de trois œuvres majeures, celles d’É. Durkheim, de C. Lévi-Strauss et de P. Descola. Il s’agit d’abord de déconstruire l’illusion de ce partage et de considérer que la pensée qui se décrit comme écologique correspond à un nouvel ordre politique et épistémologique. Plus précisément, le livre vise à revenir sur la façon dont l’anthropologie et la sociologie ont abordé les relations des communautés humaines à leur milieu. Ainsi l’auteur parcourt ces disciplines « du point de vue de la nature », l’objectif étant d’en faire les interlocuteurs privilégiés d’un projet philosophique et politique de transformation des rapports entre le naturel et le social.
36L’anthologie commentée Médecins, soignants… Osons la littérature ! [9] relève à plusieurs niveaux d’une « mise en dialogue » concertée. Il s’agit en effet d’abord, dans un mouvement orienté vers les outils d’analyse, de confronter des textes venus de la philosophie et des sciences humaines à des études littéraires et sémiologiques. Il s’agit aussi de retrouver dans les œuvres littéraires des thèmes centraux de l’interrogation éthique (handicap, vieillesse, souffrance, etc.). La dernière partie de l’ouvrage est véritablement une invitation à la lecture, valorisant la diversité des sources et proposant ainsi aux soignants un apport venu des « humanités médicales ». Les textes réunis, pertinents et parfois peu connus, contribueront assurément à un élargissement des perspectives à propos de questions difficiles et concrètes, parfois accablantes.
37Des glaces polaires au climat de la terre. Enquête sur une aventure scientifique [26] est une investigation intéressante autour de l’importance des carottes de glace d’une dizaine de centimètres de diamètre, menée par le sociologue et historien des sciences Morgan Jouvenet. En effet ces documents participent des travaux du GIEC, de la connaissance des paléoclimats et du nôtre. Ce travail au long cours commence au sein d’une recherche collective initiée en 2011. Au fil de descriptions très imagées et détaillées, le texte présente ce qu’est la climatologie, mais aussi l’agencement des centres et les efforts de recherche de crédits, les reformulations de narrations et des prises de positions de climatologues dans les débats publics et politiques, notamment dans un chapitre intitulé « Une histoire politique de l’ice core science. Science, pouvoir, nature » (p. 231 sqq.).
38Très bonne question que de chercher à Comprendre pourquoi on ne se comprend pas [17]. Certes l’auteur de l’ouvrage censé y répondre, Éric Dacheux, qui s’appuie sur les sciences de l’information et de la communication, reconnaît l’ambivalence fondamentale de la communication (p. 39 sqq.) ou ce qu’il nomme la « certitude de la communication incertaine » (p. 13 sqq.). Il accepte même une forme d’incommunication (p. 200). L’incompréhension partielle serait la norme. L’ouvrage insiste à bon escient sur l’intention floue de celui qui parle et de la réception créatrice des auditeurs (p. 85 sqq.). L’écoute est une recréation. Un chapitre est consacré aux outils numériques et à leurs dangers. En effet, ils abolissent le temps et l’espace qui sont nécessaires à la compréhension réciproque. Ils sapent les fondements de la communication compréhensive. L’introduction du livre revient fort à propos sur des idées autant fausses que répandues sur la communication. Les sciences de l’information et de la communication ont très bien su les remettre en question.
39Dans Pourquoi s’opposer à l’inégalité [34], Thomas M. Scanlon cherche à « comprendre pourquoi nous devrions nous soucier de l’inégalité […] plutôt que simplement améliorer le sort de ceux qui ont moins » (p. 267), comme cela peut être défendu par exemple au sein de politiques de lutte contre la pauvreté à l’appui de principes théoriques suffisantistes (ce qui importe alors est que les plus démunis aient suffisamment de ressources). Il défend qu’il existe différentes formes d’inégalités et donc différentes raisons de principe de s’y opposer : la violation d’une exigence d’égalité d’attention, par exemple d’une institution à l’égard des citoyens d’une société donnée, une violation d’une exigence d’égalité de statut, dans des cas de racisme avéré par exemple, ou encore une violation de principes d’équité procédurale, conduisant en particulier à des écarts illégitimes de revenus au sein du marché du travail. Préciser les formes d’inégalités et les différentes raisons de s’y opposer permet de développer des réponses appropriées aux situations d’inégalités rencontrées.
40Le revenu universel est un dispositif de politique publique qui consisterait à attribuer sans conditions à l’ensemble d’une population donnée un même revenu. La proposition n’est pas nouvelle. Elle fut défendue en premier lieu par Thomas More dans L’Utopie, au début du xvie siècle. Depuis, elle fait l’objet de nombreux débats : des débats éthiques – est-il souhaitable de soutenir financièrement des personnes qui font le choix délibéré de passer leur temps à des activités qui ne leur permettent pas de contribuer à la communauté, comme le surf par exemple ? – ou encore des débats autour de son applicabilité économique – comment financer de manière pérenne un tel dispositif, et quel niveau de revenu allouer ? L’ouvrage dirigé par Gwendal Châton et Martine Long [12] nous fait voir les promesses et les limites de cette idée en passe peut-être de devenir réalité en réunissant des contributions théoriques issues de différentes disciplines (droit, science politique, philosophie et économie) et des contributions plus pratiques de la société civile et des collectivités territoriales.
41L’élection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République symboliserait la consécration d’un nouveau clivage politique en France en lieu et place du clivage droite/gauche : conservatisme contre progressisme. Sans y adhérer pleinement, les initiateurs du Dictionnaire du progressisme [7] y voient un marqueur à même de faciliter l’observation des débats politiques français. Ce dictionnaire constitue le troisième pan de leur travail d’analyse après les publications du Dictionnaire du conservatisme et du Dictionnaire des populismes. À travers les différentes entrées de ce dictionnaire, il s’agit pour les contributeurs d’apporter des éclairages sur ce concept qui « n’est au fond rien d’autre que la déclinaison idéologique de l’idée de Progrès ». Le concept est parfois utilisé à tort et à travers, en particulier dans le débat public pour marquer une différence avec l’extrême droite. Il n’en reste pas moins un marqueur intéressant pour comprendre les positionnements actuels et leur application publique.
42Recensions de :
43Caroline Guibet Lafaye : 2, 11, 13, 14, 18, 20, 25, 27, 32, 35, 36, 38, 39, 40.
44Céline Marty : 10, 33, 41.
45Emmanuel Picavet : 1, 3, 4, 9, 21, 23, 29, 30, 31.
46Bernard Reber : 17, 24, 26.
47Cédric Rio : 6, 7, 8, 12, 19, 34.
48Camille Ternier : 5, 15, 16, 22, 28, 37.