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Usages et légitimité de l’imagination créatrice en philosophie : une lecture de Martha Nussbaum et Cora Diamond

Cedric Mouriès
p. 67-83

Texte intégral

  • 1 Voir par exemple Descartes, Passions de l’âme, art. 211, ou Platon, République, vi, 511a.

1Le discours philosophique peut-il légitimement recourir à l’imagination, et notamment l’imagination créatrice, tout en maintenant sa prétention à produire une authentique connaissance ? Quelques-uns des grands philosophes de la tradition ont jugé sévèrement l’imagination comprise comme faculté de former des images1. L’imagination mobilise en effet la sensibilité, ce qui la distingue de la conception, et la rend suspecte. L’imagination apparaît alors comme une faculté non rationnelle : non seulement celle-ci marquerait la dangereuse irruption du sensible au sein du conceptuel, mais elle serait encore une faculté de détachement du réel, deux motifs sérieux pour l’estimer nuisible à la poursuite d’une véritable connaissance. Le recours à l’imagination créatrice constituerait ainsi un critère permettant de différencier nettement le discours littéraire du discours philosophique : s’il est évident que l’imagination joue un rôle éminent dans les diverses formes de littérature (roman, poésie, théâtre etc.), il apparaît que le discours philosophique, ne devant s’adresser en principe qu’à la raison, devrait au contraire l’exclure absolument et privilégier des formes, comme celle du traité par exemple, qui n’appartiennent pas à la littérature d’invention et ne paraissent faites que pour déployer la progression la plus transparente possible d’une argumentation.

  • 2 Des empiristes comme Hobbes, Locke ou encore Hume, très critiques vis-à-vis de la façon dont le lan (...)

2Toutefois, les philosophes font un usage conséquent de l’imagination, y compris et surtout ceux qui passent pour les plus sévères à son sujet. Il est manifeste qu’en dépit de la condamnation de la phantasia par le platonisme, le texte platonicien lui-même a recours en permanence à l’imagination, que ce soit à travers les divers paradigmes, allégories, et mythes, mais aussi à travers la théâtralisation elle-même du dialogue. Un tel usage de l’imagination créatrice fait qu’il est bien difficile de maintenir au sujet de textes comme ceux de Platon une distinction parfaitement tranchée entre philosophie et littérature. Ce problème se pose d’ailleurs de la même façon pour presque tous les philosophes. D’une part, la figure de l’écrivain et du philosophe est indissociable chez nombre de grands auteurs comme Montaigne, Pascal, Rousseau, Kierkegaard, Nietzsche, Bergson, etc. D’autre part, même les auteurs de la tradition philosophique en principe les moins suspects de verser dans l’invention littéraire ont recours à l’imagination, notamment à travers un dispositif argumentatif extrêmement fréquent et à la légitimité peu contestée, à savoir l’expérience de pensée2.

  • 3 L’inspiration réciproque est manifeste. Diamond reprend certains des arguments de Nussbaum, et l’un (...)

3Dans le présent article, nous nous attacherons à défendre la légitimité philosophique d’un certain usage de l’imagination à partir des travaux de Martha Nussbaum et de Cora Diamond, lesquels se trouvent liés dans une certaine mesure3. Pour commencer, nous présenterons la thèse défendue par Martha Nussbaum selon laquelle certaines œuvres littéraires constituent des ressources incontournables pour la philosophie morale, précisément par la façon dont elles recourent à l’imagination créatrice. Ensuite, en nous appuyant cette fois-ci sur les travaux de Cora Diamond, nous montrerons que l’œuvre philosophique peut avoir une signification proprement conceptuelle en tant que dispositif littéraire impliquant le travail de l’imagination. Précisément, le sens d’une œuvre apparemment aussi énigmatique que le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein est de susciter chez le lecteur un certain type de travail de l’imagination dans le but de produire des résultats de nature philosophique, ces résultats ne pouvant être obtenus par une procédure argumentative classique. Enfin, nous suggérerons que les idées défendues par Nussbaum et Diamond permettent de jeter une lumière nouvelle sur des textes traditionnels aussi bien connus et commentés que les mythes platoniciens.

Imagination créatrice et philosophie morale

  • 4 Martha Craven Nussbaum, La connaissance de l’amour : essais sur la philosophie et la littérature, t (...)

4Les textes littéraires peuvent-ils nous apprendre quelque chose en philosophie ? S'il est bien évident que l'opposition hermétique entre texte philosophique et texte littéraire a fait long feu, et si les références littéraires sont extrêmement nombreuses dans le travail des philosophes, peu d'auteurs ont en revanche proposé une étude approfondie et précise de la façon dont les textes littéraires peuvent posséder une valeur philosophique, précisément du fait de leur littérarité, et non pas seulement du fait des thèmes impliqués. C'est à une étude de ce genre que sont consacrés les textes rassemblés par Martha Nussbaum dans The Love's Knowledge4.

  • 5 Ibid., p. 17.
  • 6 Ibid., p. 20.

5La conception déployée par Martha Nussbaum s'adosse tout d'abord à une réflexion sur le style lui-même. Celui-ci n'est pas qu'une « forme » que l'on pourrait distinguer d'un « contenu ». Au contraire, « tout texte écrit avec soin et créé par l’imagination présente une relation organique entre la forme et le contenu5 ». Cette relation organique implique qu'il est impossible d'altérer le style sans altérer du même coup le contenu. Le style possède donc déjà une signification philosophique en ceci que selon Nussbaum, le choix d'un style d'expression ne saurait être indépendant de la conception exposée par le texte. Comme le résume l'autrice : « Tout style est en lui-même une thèse6 ». Par exemple, le style standard habituellement visé par le traité philosophique, notamment en philosophie morale, n'est pas neutre, mais véhicule déjà une certaine conception de la moralité. Ce style standard se caractérise précisément par la mise à distance des effets littéraires et le rejet de l'imagination. Ce style est en lui-même l'effet d'une certaine conception selon laquelle les questions relatives à la morale pourraient faire l'objet d'un traitement, si ce n'est scientifique, du moins étroitement conceptuel, analytique, et purement argumentatif. L'adoption de ce style n'est donc pas indépendante de certaines préconceptions concernant la nature de nos émotions ou encore de nos valeurs.

  • 7 Nussbaum s'exprime dans le contexte de la philosophie anglo-américaine.
  • 8 La caractérisation de ces deux traditions de pensée, telle que l’opère Nussbaum, est sans doute con (...)

6Pour Nussbaum, ce genre de style s'est imposé en philosophie morale du fait de la domination de deux conceptions, le kantisme et l'utilitarisme7, auxquelles il convient tout particulièrement. Selon la lecture de Nussbaum, ces deux conceptions auraient en effet pour point commun la dévalorisation du particulier, du singulier, du concret, ainsi que des dimensions émotionnelles de l'existence, ou encore de ce que celle-ci peut comporter d'imprévisible8. Inversement, la généralisation d'un style de ce genre tend au succès de ce genre de conception, dans la mesure où celui-ci rend impensables d'autres conceptions morales. Les conceptions échappant à ce style pourvu d'une forte valeur normative risquent en effet purement et simplement d'être considérées comme étrangères à la philosophie.

  • 9 Aristote, Éthique à Nicomaque, 1142a24.
  • 10 Aristote emploie le terme αἴσθησις (1109b18-23).
  • 11 Nussbaum, op. cit., p. 90.
  • 12 Ibid., p. 117.

7Il existe cependant d'autres conceptions morales dont la valeur philosophique est difficilement contestable et qui conduisent à mettre en question, non pas absolument sa pertinence, car il a des qualités certaines, notamment de clarté et de rigueur, mais plutôt son monopole. Nussbaum en voit l'exemple le plus éminent dans l'éthique aristotélicienne. Aristote défend en effet l'idée selon laquelle le raisonnement pratique n'est pas scientifique et ne saurait le devenir9. Alors que l'utilitarisme, par exemple, fonctionne selon une rationalisation quelque peu étriquée, où les individus sont interchangeables, et où toutes les valeurs sont commensurables, Aristote met au contraire en avant les qualités de « perception »10, ou, dans les termes de Nussbaum, une « capacité complexe de réaction aux caractéristiques pertinentes d'une situation concrète11 ». La conception aristotélicienne implique qu'une véritable réflexion morale ne peut faire l'économie du particulier, du singulier, du concret. Elle conduit par ailleurs à attribuer aux émotions et à l'imagination une importance particulière dans le choix rationnel. Il n’y a pas en effet de délibération morale purement conceptuelle sans la représentation imaginative de différentes circonstances de vie. Comme l'écrit Nussbaum, « la délibération bonne est comme l’improvisation musicale ou théâtrale, où ce qui importe est la souplesse, l’attention, l’ouverture à l’extérieur12 ».

8C'est ce qui nous conduit à réévaluer l'importance des textes littéraires pour la philosophie morale, notamment à travers la façon dont les romanciers mettent en œuvre l'imagination créatrice. Chez Aristote, la phantasia intervient tout naturellement dans le raisonnement pratique puisque la délibération consiste bien à anticiper, à se projeter dans ce qui n’est pas encore arrivé. Le raisonnement, sans cesser d'être rationnel, ne peut pas ici se passer de l'imagination, car c’est bien cette faculté de production des images qui permet de se représenter la concrétude et la singularité d’une situation morale. Par ailleurs, toute pensée abstraite s’accompagne nécessairement d’une phantasia délibérative,

  • 13 Ibid., p. 122.

mais alors que le mathématicien peut sans danger négliger les caractéristiques concrètes du triangle imaginé lorsqu’il cherche à démontrer un théorème sur les triangles, la personne dotée de sagesse pratique ne néglige pas les apports concrets de l’imagination lorsqu’elle réfléchit sur la vertu et le bien13.

  • 14 Ibid., p. 18.

9Or c'est précisément à ces dimensions-là de la délibération que le style philosophique standard est aveugle, lui qui ne laisse guère de place à l'évocation de ce que la vie comporte de singulier et d'inattendu. Au contraire, c'est une telle attention que la forme romanesque permet mieux qu'aucune autre. La narration, à travers l’ensemble des choix formels, « exprime un sens de la vie et de la valeur, de ce qui est important ou pas, de ce que c’est qu’apprendre et que communiquer, de ce que sont les relations et les attachements de la vie14 ». La littérature n’a donc pas ici seulement valeur instrumentale ou d’excipient (divertir, rendre plaisant, etc.), communiquant des vérités qui pourraient être communiquées sans elle ou autrement. Ici, il s’agit bien de soutenir que la forme littéraire elle-même est une certaine conception morale.

  • 15 Précision d’importance : Nussbaum ne plaide à aucun moment pour le rejet des textes philosophiques (...)
  • 16 Ibid., p.64.

10L'imagination créatrice intervient alors directement dans la mesure où elle nous offre un riche tableau de nos existences, ce qui nous permet d'éviter les phénomènes de vue étriquée, les réductions théoriques, les raccourcis, et autres simplifications par excès d'abstraction. Si la vie elle-même n'est pas systématique, des traités de philosophie en style standard ne sauraient nous être d'aucun secours pour répondre à la question éthique la plus générale : comment faut-il vivre ? ou encore, comment bien vivre15 ? La narration romanesque permet en particulier de suivre « un ensemble de choix et d’engagements sur une période relativement longue » permettant de « comprendre l’omniprésence de ces conflits dans l’effort humain pour mener une vie bonne16 ». Et les romans ont une efficacité toute particulière pour mettre en évidence les limites des conceptions morales les plus théoriques et abstraites, en montrant que celles-ci se heurtent aisément aux mille détails imprévisibles de l'existence, aux singularités des contextes, à la subtilité et à la complexité des relations personnelles.

11On pourrait toutefois soulever une objection simple : pourquoi, si c'est l'attention au particulier et aux contextes qui importe, ne pas réfléchir directement sur nos vies, en étudiant par exemple des biographies historiques plutôt que des œuvres de fiction ? C'est la valeur de l'imagination créatrice qui est ici mise en question, puiqu'on propose de substituer le travail de l'historien à celui du romancier. Nussbaum emprunte une métaphore proustienne afin de répondre à cette difficulté : nous avons besoin, pour lire notre vie-même, de certains instruments d'optique. Par ailleurs, notre vie personnelle est toujours insuffisante, nous n’avons jamais assez vécu, et le roman, à travers l'action de l'imagination créatrice, étend qualitativement et quantitativement notre expérience. Notre vie réelle est toujours trop bornée et routinière, et c'est précisément à cette vision bornée que l'imagination littéraire nous arrache :

  • 17 Ibid., p. 79.

dans l’activité d’imagination littéraire, nous sommes conduits à imaginer et à décrire avec une plus grande précision, à concentrer notre attention sur chaque mot, en ressentant chaque événement avec plus d’acuité – alors qu’une bonne part de la vie réelle peut se passer de cette conscience soutenue, et n’est pas, en ce sens, pleinement vécue17.

  • 18 Aristote, Poétique, 9, 1451b4-7.

12En outre, là où l'histoire nous présente un pur concret singulier dont il paraît délicat d'extraire des leçons générales, le fruit de l'imagination littéraire est plus à même de nous faire articuler la sensibilité fine aux contextes particuliers, et l'enseignement moral de portée plus générale. C'est ce que disait déjà Aristote, lorsqu'il affirmait que la poésie était plus philosophique que l'histoire18.

13Le traité de philosophie en style standard écrase, voire élude complètement, la temporalité de la délibération. Les motifs, les passions, les intérêts y sont vus, si l'on peut dire, sub specie aeternitatis. Il en résulte des conclusions concernant la rationnalité de l'action qui s'avèrent malheureusement difficiles à mettre en œuvre dans la vie réelle. Notre vision morale se trouve étriquée faute d'avoir cultivé cette qualité de perception propre à l'homme prudent et vertueux. Or, les œuvres issues de l'imagination littéraire ont un rôle majeur à jouer, aussi bien dans l'éducation de la jeunesse que dans le perfectionnement des adultes, par la façon dont elles exercent le jugement et le discernement.

14L’œuvre littéraire en tant que narration tient donc bien sa valeur de ce qui la distingue du récit simplement historique ou biographique réel, c’est-à-dire du fait qu’elle est une œuvre de l’imagination. Son caractère fictif rend possible le type d’engagement émotionnel approprié à la manifestation de vérités morales importantes :

  • 19 Nussbaum, op. cit., p. 246.

Un roman, simplement parce qu’il n’est pas notre vie, nous place dans une position morale qui est propice à la perception et il nous montre ce que cela serait que d’adopter cette position dans la vie. Nous éprouvons l’amour sans la jalousie, l’attention sans le préjugé, l’engagement sans l’angoisse19.

15Si la forme narrative est indispensable à l’intelligence morale, c’est parce que celle-ci est la seule qui correspond à la structure émotionnelle de nos existences, qui est toujours temporelle. L’ajout de quelques exemples concrets, même soigneusement analysés, à une argumentation théorique abstraite, est donc insuffisant.

Comment lire le Tractatus logico-philosophicus ? La lecture « austère » de Cora Diamond

  • 20 Un magnifique exemple de ce travail est l’œuvre d’un philosophe comme Bergson, précisément récompen (...)

16Les arguments de Martha Nussbaum mettent en évidence la valeur des textes proprement littéraires pour la réflexion philosophique, en contestant le monopole d’une certaine forme canonique, celle du traité philosophique « analytique ». Cette thèse revient déjà à mettre en question la distinction souvent simpliste entre texte littéraire et texte philosophique, s’il se trouve que certains textes de la littérature sont incontestablement aussi des textes philosophiques par leur contenu. Mais la contestation de cette frontière peut également survenir de l’autre côté, en conservant le même argument initial, à savoir qu’on ne peut séparer forme et contenu. Si tout style est une thèse, le texte philosophique appartient nécessairement à la littérature au sens où il implique le choix d’une forme et un travail de l’écriture tout à fait spécifique20. Si la fin visée n’est pas la même que dans le cas du texte de pure littérature, le texte philosophique appartient néanmoins à la littérature en ce sens moins étroit : il est une œuvre écrite dont la forme n’est pas indifférente au contenu, c’est-à-dire dont l’écriture exige un soin très spécial. S’il se trouve que le texte purement littéraire peut, au-delà du déploiement de certains effets, nous faire lui aussi réfléchir et nous apprendre quelque chose, il convient de s’intéresser d’autre part au fait que le texte a priori purement philosophique est conduit à déployer lui aussi des effets, lesquels, en vertu de l’immanence de la forme et du contenu, ne sont pas sans signification conceptuelle. Cette façon de concevoir le texte philosophique dans sa dimension littéraire est au cœur de la lecture du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein proposée notamment par Cora Diamond. Or il se trouve que Diamond appuie fermement cette dimension littéraire sur l’usage particulier que l’auteur propose de l’imagination dans un but philosophique. Selon Diamond, comprendre un texte comme le Tractatus implique de comprendre le type d’usage de l’imagination qu’il requiert, dans le but de produire une élucidation philosophique d’une nature particulière.

  • 21 Cora Diamond, « Rejeter l’échelle : comment lire le Tractatus? », in L’esprit réaliste, trad. Emma (...)

17Le moins que l’on puisse dire est que le Tractatus est un texte déroutant. Apparemment bâti selon un ordre logique et argumentatif extrêmement rigoureux, il correspond à une version quelque peu extrême de la forme « idéale » du traité de philosophie, de cette forme standard visée par Nussbaum. Le texte lui-même, en dépit d’une très grande concision, énonce des thèses à propos d’un nombre impressionnant de thèmes, et comporte notamment une ontologie ainsi qu’une théorie du langage. Selon Diamond, l’adoption d’une telle forme relève d’un exercice pleinement littéraire mais à visée philosophique, et entend plonger le lecteur dans une expérience de lecture très spéciale marquée par une expérience imaginative éclairante. Une particularité du Tractatus est de comporter, dans la préface et dans les remarques conclusives, des recommandations explicites de l’auteur sur la façon dont le livre doit être lu. Ces recommandations, ouvrant et clôturant le texte, forment un « cadre », pour reprendre l’expression de Cora Diamond21. La principale querelle interprétative à propos du Tractatus concerne la tension qui existe entre ce cadre et le reste de l’ouvrage.

  • 22 Elle précède la trop fameuse proposition 7 (« Sur ce dont on ne peut pas parler, on doit se taire » (...)

18De ce point de vue, la remarque la plus importante est sans aucun doute la proposition 6.54, qui est l’avant-dernière de l’ouvrage22. C’est d’elle que vient toute l’énigme du Tractatus :

  • 23 Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, éd. Sandra Laugier, trad. Christiane Chauviré (...)

Mes propositions éclairent en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme des non-sens, lorsqu’en passant par elles – par-dessus elles – il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire rejeter l’échelle après y être monté.) Il doit dépasser ces propositions – alors il voit le monde correctement23.

  • 24 L’insistance sur cette distinction est, nous allons le voir, cruciale pour la lecture de Diamond : (...)

19Que peut bien vouloir dire Wittgenstein en affirmant que ses propositions doivent être reconnues « à la fin » comme des non-sens ? En quoi voir dans ces propositions des non-sens permettrait-il de le comprendre, lui24 ? L’image de l’échelle suggère que nous pouvons faire un certain usage du non-sens. Comment un tel usage est-il possible et en quoi consiste-t-il ? En faire un usage ne revient-il pas à lui donner une forme de sens, et donc à en amoindrir le caractère de non-sens ? Le traité contient une conception du langage qui paraît nous offrir sur un plateau une conception déterminée de l’opposition entre le sens et le non-sens, en particulier par l’exposition de critères logiques rigoureux permettant de déterminer à quelles conditions une phrase est pourvue de sens. Cependant, cette conception est exposée au moyen de propositions dont Wittgenstein nous dit à la fin qu’il faut les comprendre comme dépourvues de sens. Peut-on recourir à cette conception pour éclairer la proposition 6.54, s’il s’avère qu’une telle conception relève elle aussi du non-sens ? Sur ce point, il existe deux grandes lectures du Tractatus.

  • 25 Voir la lettre 187 à Ludwig von Ficker (un temps pressenti pour être le futur éditeur du Tractatus) (...)

20La première lecture, qui constitue l’interprétation classique, peut être qualifiée d’ineffabiliste. Il convient d’en dire quelques mots afin de bien comprendre en quoi la conception proposée par Cora Diamond s’y oppose. Selon cette interprétation classique, il y a des vérités ineffables et Wittgenstein, parfaitement conscient qu’il n’y a aucun sens à les dire, chercherait néanmoins à les suggérer indirectement. C’est en ce sens que le Tractatus contiendrait, comme l’écrit Wittgenstein à son éditeur, une partie non-écrite consacrée à l’éthique25, c’est-à-dire à ce qui est en fait le plus important pour nous. Le Tractatus serait ainsi un traité de métaphysique négative.

  • 26 G. E. M. Anscombe, An Introduction to Wittgenstein’s Tractatus, Repr. of the 1971 ed, Wittgenstein (...)
  • 27 P. M. S. Hacker, « Essayait-il donc de le siffler ? », in Wittgenstein, éd. Claude Romano et Jacque (...)
  • 28 Ludwig Wittgenstein, Carnets 1914-1916, éd. Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe et Georg Henrik vo (...)

21Cette lecture classique du Tractatus, telle qu’elle se trouve déjà exposée par Anscombe26, et défendue à nouveaux frais par Hacker27 notamment, repose sur la distinction que fait Wittgenstein entre dire et montrer. Cette distinction est faite explicitement et à plusieurs reprises – avec une certaine insistance – aussi bien dans le Tractatus lui-même que dans les textes personnels qui accompagnent sa publication, et notamment dans plusieurs lettres et dans les Carnets préparatoires28. La lettre à Russell du 19 août 1919 est sans doute le texte qui l’expose le plus explicitement tout en indiquant avec précision sa fonction dans le traité :

  • 29 Lettre 44 à Russell du 19/08/1919, in Wittgenstein, Correspondance philosophique, trad. Élisabeth R (...)

je crains que tu n’aies pas saisi mon intention fondamentale. Le point essentiel est la théorie qui distingue ce qui peut être exprimé (gesagt) par des propositions – i.e. par le langage – (et, ce qui revient au même, ce qui peut être pensé), et ce qui ne peut pas être dit, mais seulement montré. Et cette théorie est, à mon sens, le problème cardinal de la philosophie29.

22L’interprétation classique du Tractatus conduit à penser les limites du langage en termes d’impuissance :

  • 30 Hacker, « Essayait-il donc de le siffler ? », op. cit., p. 104.

ce qu’il [Wittgenstein] affirme, ou du moins semble affirmer, est que, du fait même de la nature du langage, ou de n’importe quel système de représentation, il y a des choses qu’on ne peut ni établir ni décrire, dont on ne peut parler, mais qui sont en un sens montrées par le langage30.

23Le langage ne pourrait tout simplement pas affirmer de façon sensée un certain nombre de vérités. Par exemple, le langage peut bien dire la réalité du fait que la structure du langage est analogue à la structure de la réalité, en revanche, le langage ne peut pas lui-même dire son harmonie avec la réalité, celle-ci ne pouvant que se montrer à travers l’usage qui en est fait. En tant qu’image de la réalité, la proposition représente la réalité mais ne peut pas représenter sa propre forme de représentation. De même, les vérités liées à la structure du monde lui-même, aux principes métaphysiques des sciences de la nature, ou encore, bien sûr, à l’éthique, à l’esthétique, ou à la religion, pourraient seulement être montrées, mais jamais dites de façon sensée. Autrement dit, toute proposition tâchant de les dire enfreint la grammaire logique et ne peut être que dépourvue de sens. Cette distinction permet de rendre compte de la manière dont les propositions du Tractatus pourraient ne rien dire, donc effectivement constituer des non-sens, mais néanmoins montrer quelque chose.

  • 31 Le principal recueil accueillant les contributions de ces interprètes adopte ce titre : Alice Crary (...)

24Cette lecture a commencé à être sévèrement critiquée à partir des années 1980 par un certain nombre d’interprètes à l’origine de ce qu’on appelle parfois le « New Wittgenstein »31. Cette nouvelle lecture est plus souvent qualifiée d’« austère » ou encore de « résolue » dans la mesure où elle s’adosse à une interprétation plus radicale de la conception wittgensteinienne du non-sens. Parmi les erreurs reprochées aux tenants de la lecture classique, la principale est la distinction entre plusieurs sortes de non-sens, notamment entre les purs non-sens dont on ne peut absolument rien faire, et des non-sens qui permettraient néanmoins de montrer quelque chose. Or, comme l’écrit Cora Diamond,

  • 32 Cora Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », in Wittgenst (...)

Le non-sens est du non-sens, il n’y a pas d’espèces de non-sens […]. Donc, il n’y a pas de propositions éthiques […], il n’y a pas non plus de propositions à travers lesquelles nous pouvons désigner, même maladroitement, des vérités indicibles, et tout ce que nous prenons alors pour une proposition éthique n’a pas plus de sens que » turlututu chapeau pointu32 ».

25Ce qui est reproché aux lecteurs classiques est la tentative d’affaiblir la distinction radicalement établie par Wittgenstein entre sens et non-sens et d’envisager des non-sens qui, en un certain sens, mal voire non défini, auraient du sens. C’est la fixation sur la distinction dire/montrer qui est la clef de ce dispositif de contournement : ce qui se « montre » permet d’envisager une alternative à la distinction claire et nette entre ce qui peut se dire et ce qui ne peut pas du tout être dit. S’il y a de l’indicible qui est montrable, cela signifie qu’il y a deux sortes d’indicibles, et donc un indicible un peu moins indicible que l’autre, un indicible qui ne le serait pas totalement. Cette manœuvre de contournement prend plusieurs formes, mais toutes se rattachent toujours à la même tentation. Comme l’écrit James Conant,

  • 33 James Conant, « Must We Show What We Cannot Say ? », in The Senses of Stanley Cavell, éd. Richard F (...)

La tentation est ici de s’imaginer, d’abord qu’il existe une chose particulière que ces non-sens avoués échouent à dire, et ensuite que l’on pourrait comprendre ce qu’est cette chose, précisément à travers la manière dont l’énoncé en question échoue à la dire – dans son échec à la dire, l’énoncé pourrait, pour ainsi dire, faire un geste muet vers elle33.

  • 34 Wittgenstein, op. cit., p. 90.
  • 35 Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, trad. Françoise Dastur et al., Paris, Gallimard, 20 (...)
  • 36 Pour ce qui est de cette conception Frege-Wittgenstein, que nous n’avons pas la place de présenter (...)

26La lecture classique, selon le terme employé par Diamond, consiste à « se dégonfler » face à la radicalité de la distinction opérée par Wittgenstein, ou encore à rester accroché à l’échelle que celui-ci nous demande pourtant de rejeter. C’est que les non-sens « intéressants » dégagés par la lecture classique ne sont pas, en fait, de véritables non-sens, mais du sens voilé. Leur statut est d’autant plus problématique que c’est par le fait qu’ils sont des non-sens qu’ils devraient par ailleurs revêtir une sorte de sens. Or on ne trouve finalement rien, dans la conception du sens exprimée par Wittgenstein, permettant de penser ce genre de non-sens. Au contraire, Wittgenstein affirme dès la préface que « ce qui se trouve au-delà de la limite [du dicible et du pensable] relèvera du simple non-sens34 ». Le §500 des Recherches philosophiques le dit aussi de façon particulièrement frappante, bien qu’il s’agisse d’un texte nettement ultérieur : « Lorsqu’on dit qu’une phrase est dénuée de sens, ce n’est pas parce que son sens serait quasiment dénué de sens, mais parce qu’une combinaison de mots est exclue du langage, retirée de la circulation35 ». Autrement dit, ou bien une suite de mots a un sens, ou bien elle n’en a pas, mais elle ne saurait avoir une sorte de sens par le fait qu’elle n’en possède pas. Selon Cora Diamond, Wittgenstein hérite sur ce point d’une conception de Frege et la défend constamment tout au long de son œuvre36.

  • 37 Sandra Laugier, Wittgenstein. Les sens de l’usage, Paris, Vrin, 2009, p. 63.
  • 38 On trouve une très bonne synthèse de la lecture de Diamond sur cet aspect thérapeutique dans Emmanu (...)

27La proposition 6.54 doit donc être lue sans louvoyer, ce qui ne présente en fait pas de difficulté pour peu que l’on fasse bien attention à cette petite subtilité du texte : Wittgenstein ne parle pas de comprendre ses propositions, mais de le comprendre lui-même. Puisque les propositions du Tractatus sont de purs non-sens, il n’y a justement rien à y comprendre : celles-ci ne sont pas des manières de dire ou encore de montrer une vérité ineffable. En revanche, l’auteur lui-même peut être compris, et cette compréhension suppose à la fois d’avoir compris que les propositions du Tractatus étaient des non-sens et de les rejeter résolument en tant que telles. L’interprétation de Cora Diamond consiste à soutenir que cette compréhension ne peut avoir lieu sans un travail tout à fait spécifique de l’imagination. Si le Tractatus entend produire une élucidation, ce n’est pas par une compréhension du non-sens, lequel ne peut être compris, mais par l’entente de « ce que son auteur veut dire/faire (de lui-même et de vous) en l’énonçant37 ». Il y aurait donc bien chez Wittgenstein un usage délibéré du non-sens, mais dans un but thérapeutique. Ce dont nous sommes victimes en lisant le traité est l’illusion selon laquelle il existerait dans ces pages une recherche philosophique au sens traditionnel, et c’est ce dont le Tractatus aurait pour intention de nous guérir. Wittgenstein viserait tout particulièrement la compulsion théorique et systématique du philosophe, sa tentation de formuler des vues définitives sur le monde compris comme une totalité, fondées uniquement sur le raisonnement le plus abstrait. Les propositions du livre – exception faite du « cadre » – constitueraient la parodie d’une telle recherche. Il s’agirait précisément de nous faire éprouver le plus profondément possible cette illusion afin de mieux nous en délivrer38. L’image de l’échelle se trouve ainsi éclairée : une certaine manière d’éprouver l’illusion doit nous conduire à la reconnaître comme illusion et à la rejeter totalement. Selon la lecture classique, l’échelle a une consistance qui nous permet de montrer véritablement « quelque part », en l’occurrence d’accéder à une vérité ineffable. En revanche, selon la lecture austère, c’est ce processus d’ascension lui-même qui doit être finalement vu comme une illusion. Le « rejet » de l’échelle ne correspond à aucun regret, celle-ci n’étant lestée d’aucun sens mystérieux.

28Or, pour qu’une telle élucidation se produise, l’argumentation rationnelle standard est inefficace, mais l’auteur doit mettre en œuvre, à travers la composition du texte, un jeu complexe de l’imagination. Cora Diamond résume en ces termes l’esprit qui anime sa tentative d’interpréter l’ouvrage :

  • 39 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 73-7 (...)

Mon idée est donc que le Tractatus, dans sa compréhension de lui-même comme s'adressant à ceux qui sont sous l'emprise du non-sens philosophique, et dans sa compréhension de ce qu'il exige de ses lecteurs, suppose une sorte d'activité de l'imagination, un exercice de cette capacité à considérer le non-sens comme du sens, de cette capacité à faire sienne par l'imagination la tendance de quelqu'un à croire qu'il pense alors, au sein de ce non-sens, quelque chose. Si je ne pouvais pas, en quelque sorte, voir votre non-sens comme du sens et m'autoriser à ressentir par l'imagination son attrait je ne pourrais pas vous comprendre. Et cela constitue un usage très particulier de l'imagination39.

  • 40 Pour prendre l’exemple canonique, la phrase « César est un nombre premier » donne prise à notre ima (...)

29Les phrases dépourvues de sens apparaissent dans deux contextes que l’on peut distinguer par l’imagination : d’une part les contextes où l’on peut imaginer que le non-sens a un sens caché, d’autre part les contextes où l’on ne peut pas l’imaginer. C’est cette distinction qui est à l’origine de la conception naturelle du non-sens et qui est au fondement de la lecture classique : si aucun non-sens ne dit quoi que ce soit, certains cependant montreraient quelque chose. Mais cela revient à dire que c’est l’imagination qui est à l’origine de l’illusion selon laquelle certains non-sens pourraient avoir une sorte de sens. Dans tous les cas, les caractéristiques logiques des énoncés sont telles que ceux-ci ne peuvent être considérés que comme de purs non-sens. Cependant, certains d’entre eux donnent lieu à certaines associations mentales qui nous conduisent à imaginer illusoirement un sens voilé. L’imagination se trouve ainsi au cœur de la production du non-sens métaphysique : certaines phrases nous fascinent malgré leur non-sens, et nous nous plaisons à imaginer que nous signifions quelque chose à leur moyen, étant donné qu’elles suscitent des associations mentales similaires à d’autres phrases pourvues de sens40.

  • 41 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 77-7 (...)

30L’imagination joue un rôle à la fois dans la production du non-sens, et dans notre attraction vers le non-sens. La stratégie du Tractatus est alors de nous faire elle-même imaginer pour le voir : « c'est précisément ce point de vue illusoire que le Tractatus imagine consciemment en essayant de nous faire voir qu'il n'y a, dans cette attraction exercée par les mots que nous avons tendance à prononcer, qu’imagination trompeuse41 ». Il faut accompagner celui qui est pris dans l’illusion pour le guider au dehors. Or ceci ne peut se faire qu’au moyen de l’imagination. Pour le dire autrement : seule l’imagination peut dénouer les faux-problèmes dans lesquels elle nous a enlisés. Ou encore : seule l’imagination est apte à nous donner le type de vision permettant de dissiper les illusions qu’elle a elle-même engendrées. Une remarque de Wittgenstein extérieure au Tractatus permet de bien comprendre le type de dénouement dont il est question ici :

  • 42 Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, op. cit., §2.

Pourquoi la philosophie est-elle aussi compliquée ? Elle devrait pourtant être tout à fait simple. – La philosophie défait dans notre pensée les nœuds que nous y avons introduits de façon insensée ; mais c’est pour cela qu’il lui faut accomplir des mouvements aussi compliqués que le sont ces nœuds42.

  • 43 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 88-8 (...)

31Le Tractatus adopte la forme et le style d’un pur traité de philosophie, mais c’est pour mieux embrasser le point de vue de celui qui est victime de l’illusion philosophique. Il faut faire usage de l’imagination car il s’agit du seul moyen d’entrer dans la perspective de celui qui est victime de l’illusion, de faire sienne la tendance à être attiré par le non-sens, afin de mieux la comprendre et d’en être libéré. S’il est vrai que celui qui reste fasciné par le jeu métaphysique est dans l’erreur, il se trouve du même coup hors d’atteinte des stratégies argumentatives classiques. Le fait d’être captivé par l’illusion a pour conséquence d’empêcher de compr jn, endre en quoi les arguments qui pourraient être présentés contre sont pertinents, et tout l’effort que nous déployons pour dénouer ne fait que resserrer davantage le nœud. Le remède n’est alors pas approprié à la nature de la maladie. Ce qu’il faut, c’est parvenir à faire voir. Or, la nature de l’erreur fait qu’une telle opération requiert un usage effectivement très particulier, et pleinement légitime, de l’imagination. Il s’agit bien, en suivant le Tractatus, d’accepter de « se laisser tromper par le fait qu'un énoncé dépourvu de sens peut nous apparaître comme ayant un sens43 ».

Imagination et conversion

  • 44 Voir notamment « Rien que des arguments ? » dans Diamond, L’esprit réaliste., op. cit., p. 391-416, (...)

32Ces réflexions de Cora Diamond à propos du Tractatus rejoignent les thèses de Martha Nussbaum dans la mesure où l’ouvrage de Wittgenstein y est interprété, non pas comme un texte philosophique transparent déployant une argumentation rationnelle au premier degré, mais au contraire comme une œuvre qui produit ses effets en vertu de sa forme et de son style, c’est-à-dire en tant qu’elle possède une dimension littéraire. Cora Diamond a elle-même consacré certains travaux à l’importance des textes littéraires pour la réflexion morale, en reprenant les idées de Nussbaum à propos de la valeur de l’imagination créatrice44. Il ne s’agit pas ici d’effacer la frontière entre le texte proprement philosophique et le texte proprement littéraire. Toutefois, il ne faut pas négliger certaines ambiguïtés en établissant une distinction trop hâtive et trompeusement tranchée. Certaines de ces ambiguïtés tiennent précisément au statut de l’argumentation philosophique, et au rôle complexe que l’imagination peut éventuellement y tenir.

33Admettons que les textes littéraires soient effectivement des ressources importantes pour la réflexion philosophique, qu’en est-il de l’imagination au sein même du texte philosophique ? Nous touchons ici au délicat problème de la délimitation et de la légitimité des différentes procédures par lesquelles il est possible de produire des effets sur la conception des interlocuteurs ou des lecteurs. L’imagination créatrice, notamment via le recours aux inventions narratives, ne doit pas être substituée à l’exercice purement rationnel de l’argumentation, mais doit au contraire toujours être exercée sous le contrôle de la raison. Il apparaît toutefois que celle-ci est la seule à même de produire certains effets conceptuels et philosophiques, s’il est vrai que l’argumentation strictement logique ne s’adresse qu’à un interlocuteur idéal, supposé libre de tout préjugé et exempt de tout biais, interlocuteur que nous avons bien peu de chance de rencontrer dans la vie réelle. Comme le constate Cora Diamond,

  • 45 « Rien que des arguments », in ibid., p. 392-393.

Quand nous entrons dans une discussion philosophique sur un sujet comme l’avortement, ou le statut moral des animaux, qui faut-il penser que nous essayons de convaincre ? Car si nous procédons en donnant des arguments, nous n’espérons sens ément pas être en mesure de convaincre quiconque est incapable de suivre nos arguments, ou quiconque est trop prévenu contre eux pour les prendre en considération. S’il s’agit de convaincre des êtres humains, argumenter le cas est un moyen imparable de ne pas convaincre nombre d’entre eux45.

  • 46 Ainsi, certaines expériences d’ordre purement émotionnel ont le pouvoir de rendre soudainement acti (...)

34De fait, en dépit de toutes les déclarations de principe que nous pouvons faire concernant les vertus du débat, les arguments sont souvent faibles, y compris en philosophie où ceux-ci devraient pourtant régner en maître. Sans parler des situations problématiques où les interlocuteurs sont de mauvaise foi ou malveillants, la difficulté à réellement convaincre, à faire entendre ses raisons, est entière même là où les interlocuteurs sont à l’écoute et respectueux. C’est que la bonne volonté ne suffit pas pour se mettre dans les conditions propices à la réception d’un argument, surtout lorsque celui-ci vise les fondements même de notre erreur. Il nous manque alors la disposition d’esprit permettant de voir véritablement l’argument, de sorte que nous y restons aveugles. Quand bien-même nous l’avons compris théoriquement, l’argument ne nous affecte pas encore comme il devrait nous affecter, nous ne sommes pas encore disposés à y être sensibles46. Constater lucidement cet état de fait permet sans doute de mieux comprendre la façon dont un auteur en apparence aussi sévère que Platon vis-à-vis de l’imagination et de l’intervention de la sensibilité fait cependant appel de façon aussi massive à l’imagination créatrice en truffant ses dialogues de récits mythiques et d’autres fables parfois extravagantes.

  • 47 Monique Dixsaut, Platon et la question de l’Âme, Paris, Vrin, 2013, p. 266-267.

35Considérons par exemple le Phédon, car ce dialogue est l’une des illustrations les plus parfaites de l’intrication du mythe et de l’examen dialectique. D’une part, le dialogue est incontestablement une œuvre littéraire, indépendamment même de sa valeur philosophique. Les mythes qui ponctuent le développement de la discussion sont par ailleurs d’authentiques fictions narratives. Par ailleurs, la façon dont l’examen dialectique (c’est-à-dire ce qui correspond à l’argumentation rationnelle standard) et le mythe (imagé et apparemment irrationnel) se trouvent intimement imbriqués, indiquent que Platon est très sensible à l’insuffisance de la pure argumentation, et c’est ce que le déroulement même du dialogue montre très clairement. Ce dialogue met, plus qu’aucun autre, la puissance du logos philosophique à l’épreuve, car il s’agit d’en apprécier les effets à propos de ce qui est sans doute son objet majeur : la mort. Comme l’a justement relevé Monique Dixsaut47, aucun des arguments de Socrate dans ce dialogue n’est à proprement parler réfuté. Le problème rencontré est un peu différent : ces arguments semblent dépourvus de la force nécessaire pour convaincre véritablement, alors même que personne dans l’assistance n’y trouve à redire. Autrement dit, aucun des interlocuteurs en présence n’est en mesure de montrer la fausseté des arguments de Socrate, et cependant, ces arguments n’ont pas la portée attendue, au grand embarras des interlocuteurs eux-mêmes, fort bienveillants, et qui ne demandent qu’à être convaincus. La difficulté n’a rien d’étonnant, si l’on considère que notre rapport à la mort ne saurait être complètement rationnel. Au contraire, la mort suscite en nous des sentiments violents, au premier rang desquels, bien sûr, la peur. C’est donc à des individus captivés par leurs sentiments, à des individus incapables de véritablement raisonner, et de les entendre, que les arguments se trouvent adressés. La seule manière de rendre au logos vrai son efficace est de lever les obstacles qui se dressent sur sa route. Pour cela, il faut guérir les interlocuteurs des sentiments mêlés et confus qui les tourmentent. Autrement dit, il faut accepter de s’adresser aussi à autre chose qu’à leur raison.

  • 48 Voir par exemple République, 377d : « Ce qu’il faut, dis-je, d’abord et par-dessus tout leur reproc (...)
  • 49 On retrouve explicitement cette analogie à plusieurs reprises dans les dialogues. Elle est particul (...)
  • 50 Gorgias, 456 b-c.

36Bien souvent, nous dit Platon, le mythe tel que l’emploient les poètes n’est qu’un poison. Toutefois, ce que Platon reproche aux poètes n’est pas l’usage de la fausseté elle-même, mais le mauvais usage de la fausseté48. Bien avant Wittgenstein et sa conception thérapeutique de la philosophie, Platon n’a cessé de mettre en œuvre l’analogie entre le corps et l’âme. Nous la retrouvons ici : de même que le médecin œuvre pour la santé du malade et vise sa guérison, le philosophe vise également à délivrer son patient de la maladie de l’opinion ; et tandis que le médecin administre des drogues, le philosophe administre des discours49. Cet exemple médical permet d’adresser au philosophe un important avertissement par la voix de Gorgias50 : toute la science médicale du médecin n’est d’aucun secours s’il n’est pas en mesure de persuader le malade de prendre son remède. Or, il ne suffit pas pour cela d’avoir les « bons » arguments, car les arguments corrects d’un point de vue logique ou gnoséologique ne sont pas nécessairement les plus efficaces. Le vrai, malheureusement, n’a en soi pas la moindre force de persuasion. Certes, la rhétorique ne fait pas partie de la médecine, mais il faut bien admettre qu’elle en est un art auxiliaire. Il en est de même pour la philosophie.

  • 51 Dans le Phédon, aux passages auxquels nous avons déjà fait référence, mais également dans les Lois, (...)
  • 52 Charmide, 157 a.
  • 53 Diamond, L’esprit réaliste, op. cit., p. 405.

37Le mythe platonicien a donc ainsi une valeur thérapeutique, non pas en dépit du recours à l’imagination, mais précisément grâce à l’imagination. S’il n’est lui-même ni vrai, ni vérifiable, il a du moins pour vertu de disposer l’âme à la vision du vrai. C’est la raison pour laquelle, en tant que discours, le mythe est rapproché par Platon de l’incantation51. Le Charmide insiste justement sur cet aspect thérapeutique de l’incantation : « il disait, bienheureux ami, que l’on soigne l’âme grâce à des incantations, et que ces incantations consistent en de beaux discours. C’est ce genre de discours qui engendre la sagesse dans les âmes52 ». On voit bien ici que l’incantation platonicienne n’est pas seulement une version plus corsée de la catharsis aristotélicienne, mais qu’elle va plus loin. Ce que les mythes produisent n’est pas seulement une purification, mais bien une conversion : ils convertissent le regard de l’âme pour la rendre disponible à être convaincue. Le mythe est ce qui doit nous conduire, non pas seulement à voir, mais à voir comme, s’il s’avère qu’il existe bien des façons de voir et d’apprécier la portée d’un argument, et si toutes ne s’avèrent pas efficaces. La fiction irrationnelle produit sur l’âme endormie le vacarme qui la tire de son sommeil doxastique, et qui met la pensée en mouvement. Alors, la dialectique devient vraiment possible. Ainsi se trouve réglé l’apparent conflit entre le caractère irrationnel du muthos et le caractère rationnel du logos. Comme l’écrit Cora Diamond à propos de l’usage spécifiquement conceptuel qui peut être fait des fictions de la littérature : « L'appel est adressé à l'intelligence, mais ne procède pas par arguments – quelque difficile que cela puisse être pour nos systèmes philosophiques53 ».

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Notes

1 Voir par exemple Descartes, Passions de l’âme, art. 211, ou Platon, République, vi, 511a.

2 Des empiristes comme Hobbes, Locke ou encore Hume, très critiques vis-à-vis de la façon dont le langage philosophique a tendance à se laisser porter par l’imagination, ont très fréquemment recours à l’expérience de pensée. L’état de nature est une expérience de pensée, la statue à l’origine du problème de Molyneux est une expérience de pensée, etc. D’autre part, les philosophes analytiques les plus attentifs à l’usage du style le moins « littéraire » possible s’avèrent également très friands d’expériences de pensée. Des exemples aussi incontournables que le dilemme du tramway ou le cerveau dans la cuve mettent avant tout en jeu notre imagination. Incontestablement, l’importance philosophique de l’expérience de pensée est un argument sérieux permettant de soutenir qu’un usage philosophique de l’imagination peut nous conduire à un accroissement de notre connaissance.

3 L’inspiration réciproque est manifeste. Diamond reprend certains des arguments de Nussbaum, et l’un des textes publiés dans Lesprit réaliste est une réponse explicite à Nussbaum.

4 Martha Craven Nussbaum, La connaissance de l’amour : essais sur la philosophie et la littérature, trad. Solange Chavel, Paris, les Éd. du Cerf, 2010.

5 Ibid., p. 17.

6 Ibid., p. 20.

7 Nussbaum s'exprime dans le contexte de la philosophie anglo-américaine.

8 La caractérisation de ces deux traditions de pensée, telle que l’opère Nussbaum, est sans doute contestable et quelque peu réductrice, en particulier en ce qui concerne le kantisme. Cette lecture force en effet le trait par la façon dont elle laisse de côté les diverses prises en considération de la sensibilité chez Kant, où celle-ci est fondatrice, dans le domaine éthique d’une part, à travers les analyses très importantes de la notion de respect, et dans le domaine esthétique d’autre part. Le biais manifesté par la lecture de Nussbaum s’explique peut-être par l’influence d’une certaine tradition morale empiriste, prenant ses racines dans la Théorie des sentiments moraux d’Adam Smith, par contraste avec laquelle l’éthique kantienne peut sembler étroitement formaliste. Plus précisément, il semble qu’aux yeux de Nussbaum le caractère universalisant de l’éthique kantienne empêche la constitution de modèles authentiquement inclusifs (voir par exemple Frontiers of Justice : disability, nationality, species membership, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2006). Une bonne illustration de cette opposition se trouve dans la controverse opposant Nussbaum à John Rawls, lequel, s’il n’est rien moins qu’un épigone de Kant, revendique du moins l’influence de l’éthique kantienne de façon très explicite (voir John Rawls, Théorie de la justice (1971), trad. Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987). Rawls affirme que ses principes de la justice sont analogues à l’impératif catégorique. Les partenaires à l’origine du contrat les mettent en œuvre, non pas en raison de leurs fins particulières, mais parce qu’ils désirent des biens qu’il est rationnel de vouloir. Cette détermination prend la forme d’une déduction et s’effectue à un très haut degré de généralité, excluant les contingences de l’existence humaine. Rawls et Nussbaum partagent en revanche le rejet de l’utilitarisme.

9 Aristote, Éthique à Nicomaque, 1142a24.

10 Aristote emploie le terme αἴσθησις (1109b18-23).

11 Nussbaum, op. cit., p. 90.

12 Ibid., p. 117.

13 Ibid., p. 122.

14 Ibid., p. 18.

15 Précision d’importance : Nussbaum ne plaide à aucun moment pour le rejet des textes philosophiques standards et leur substitution par la littérature. Les textes littéraires ne sont pas suffisants, mais nécessaires : ils constituent « des sources d’éclaircissement, sans lesquelles l’enquête ne peut pas être menée à bien. » (ibid., p. 44-45) La thèse de Nussbaum est que la philosophie morale ne peut pas se passer de leur étude, mais pas qu’elle pourrait ou devrait s’y réduire.

16 Ibid., p.64.

17 Ibid., p. 79.

18 Aristote, Poétique, 9, 1451b4-7.

19 Nussbaum, op. cit., p. 246.

20 Un magnifique exemple de ce travail est l’œuvre d’un philosophe comme Bergson, précisément récompensée du Prix Nobel de Littérature.

21 Cora Diamond, « Rejeter l’échelle : comment lire le Tractatus? », in L’esprit réaliste, trad. Emmanuel Halais et Jean-Yves Mondon, Paris, P.U.F, 2015, p. 241‑276.

22 Elle précède la trop fameuse proposition 7 (« Sur ce dont on ne peut pas parler, on doit se taire ») qui formule une évidence presque tautologique et n’a en fait rien de paradoxal.

23 Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, éd. Sandra Laugier, trad. Christiane Chauviré et Sabine Plaud, Paris, Garnier-Flammarion, 2021, 6.54, p. 228.

24 L’insistance sur cette distinction est, nous allons le voir, cruciale pour la lecture de Diamond : il n’y a rien à comprendre dans ces propositions si ce sont des non-sens. Ce qui peut être compris, c’est l’auteur lui-même (c’est-à-dire : l’effet qu’il souhaite produire à travers le déploiement du non-sens), et non pas les non-sens eux-mêmes.

25 Voir la lettre 187 à Ludwig von Ficker (un temps pressenti pour être le futur éditeur du Tractatus), d’octobre ou novembre 1919, in Ludwig Wittgenstein, Correspondance philosophique, trad. Elisabeth Rigal, Paris, Gallimard, 2015, p. 237 : « mon livre comporte deux parties, celle qui est présentée ici, et tout le reste que je n’ai pas écrit. Et c’est justement cette seconde partie qui importe. […] Voici, en bref, ce que je crois : tout ce dont bien d’autres parlent aujourd’hui pour ne rien dire, c’est en le taisant que mon livre l’a établi. »

26 G. E. M. Anscombe, An Introduction to Wittgenstein’s Tractatus, Repr. of the 1971 ed, Wittgenstein Studies, Bristol, Thoemmes Press, 1996.

27 P. M. S. Hacker, « Essayait-il donc de le siffler ? », in Wittgenstein, éd. Claude Romano et Jacques Bouveresse, trad. Jean-Luc Gautero et Élisabeth Rigal, Paris, Ed. du Cerf, 2013, p. 103‑168.

28 Ludwig Wittgenstein, Carnets 1914-1916, éd. Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe et Georg Henrik von Wright, trad. par Gilles-Gaston Granger, Paris, Gallimard, 1971.

29 Lettre 44 à Russell du 19/08/1919, in Wittgenstein, Correspondance philosophique, trad. Élisabeth Rigal, Paris, Gallimard, 2015, p. 78.

30 Hacker, « Essayait-il donc de le siffler ? », op. cit., p. 104.

31 Le principal recueil accueillant les contributions de ces interprètes adopte ce titre : Alice Crary et Rupert Read ed., The New Wittgenstein, London, Routledge, 2002.

32 Cora Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », in Wittgenstein, op. cit., trad. Julien Jimenez, p.  63-64.

33 James Conant, « Must We Show What We Cannot Say ? », in The Senses of Stanley Cavell, éd. Richard Fleming et Michael Payne, Bucknell Review, v. 32, no 1, p. 253.

34 Wittgenstein, op. cit., p. 90.

35 Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, trad. Françoise Dastur et al., Paris, Gallimard, 2014, §500.

36 Pour ce qui est de cette conception Frege-Wittgenstein, que nous n’avons pas la place de présenter ici de façon développée, et son opposition à la conception naturelle du non-sens, voir en particulier « Frege et le non-sens » et « Ce que le non-sens pourrait être » dans Cora Diamond, L’esprit réaliste, op. cit.

37 Sandra Laugier, Wittgenstein. Les sens de l’usage, Paris, Vrin, 2009, p. 63.

38 On trouve une très bonne synthèse de la lecture de Diamond sur cet aspect thérapeutique dans Emmanuel Halais, Wittgenstein et l’énigme de l’existence : la forme et l’expression, Science, histoire et société, Paris, PUF, 2007, p. 105.

39 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 73-74.

40 Pour prendre l’exemple canonique, la phrase « César est un nombre premier » donne prise à notre imagination, là où une phrase comme « César est ou » ne suscite rien en nous (ou beaucoup moins spontanément) : c’est que celle-ci évoque beaucoup plus une phrase sensée comme « 3 est un nombre premier ».

41 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 77-78.

42 Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, op. cit., §2.

43 Diamond, « L’éthique, l’imagination et la méthode du Tractatus de Wittgenstein », op. cit., p. 88-89.

44 Voir notamment « Rien que des arguments ? » dans Diamond, L’esprit réaliste., op. cit., p. 391-416, auquel nous nous référons plus bas, ou encore, dans le même volume, « Passer à côté de l’aventure, réponse à Martha Nussbaum », p. 417-428, qui étudie la façon dont l’imagination créatrice permet de préserver la philosophie morale de l’étroitesse d’esprit.

45 « Rien que des arguments », in ibid., p. 392-393.

46 Ainsi, certaines expériences d’ordre purement émotionnel ont le pouvoir de rendre soudainement actifs des systèmes conceptuels pourtant bien assimilés théoriquement, mais jusqu’à lors sans effets. Pour reprendre une image de Wittgenstein, c’est toute notre conception de la vie qui pivote alors sur son axe. Et le récit romanesque, par l’usage qu’il fait de l’imagination, est sans doute la forme la plus appropriée pour rendre compte de cette sorte de conversion.

47 Monique Dixsaut, Platon et la question de l’Âme, Paris, Vrin, 2013, p. 266-267.

48 Voir par exemple République, 377d : « Ce qu’il faut, dis-je, d’abord et par-dessus tout leur reprocher, c’est-à-dire le fait que l’on y mente d’une manière qui ne convient pas ».

49 On retrouve explicitement cette analogie à plusieurs reprises dans les dialogues. Elle est particulièrement développée dans le Gorgias (465 b-e).

50 Gorgias, 456 b-c.

51 Dans le Phédon, aux passages auxquels nous avons déjà fait référence, mais également dans les Lois, x, 887 c-d ou 903 a-b.

52 Charmide, 157 a.

53 Diamond, L’esprit réaliste, op. cit., p. 405.

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Pour citer cet article

Référence papier

Cedric Mouriès, « Usages et légitimité de l’imagination créatrice en philosophie : une lecture de Martha Nussbaum et Cora Diamond »Philosophique, 27 | 2024, 67-83.

Référence électronique

Cedric Mouriès, « Usages et légitimité de l’imagination créatrice en philosophie : une lecture de Martha Nussbaum et Cora Diamond »Philosophique [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 26 janvier 2024, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosophique/1847 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philosophique.1847

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Auteur

Cedric Mouriès

Professeur agrégé au lycée Jules Haag de Besançon

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