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L’imagination et l’infini. Une critique de l’imagination artificielle

Yuk Hui
Traduction de Sarah Hannah Collet
p. 53-66

Texte intégral

  • 1 Article publié pour la première fois dans Balkan Journal of Philosophy, vol. 15, Issue 1, 2023, “Cr (...)
  • 2 H. Dreyfus, What Computers Still Can’t Do: A Critique of Artificial Reason, New York, Harper & Row, (...)

1L’appel à contribution pour ce numéro spécial1 nous invite à penser la création après le calcul. Le terme « après » suggère que la créativité, telle qu’elle fut précédemment comprise, est déjà épuisée par le calcul, et que cet appel anticipe donc une compréhension nouvelle, voire radicale, de la créativité à venir. Qu’en est-il alors de cette nouvelle créativité qui ne peut être épuisée par le calcul ? Ou pour être plus sceptique : ne s’agit-t-il pas simplement d’une question de temps ? Autrement dit, nous pourrions dresser, à la manière d’Hubert Dreyfus2, une liste de ce que les machines ne peuvent pas faire aujourd’hui, sans pour autant préjuger qu’elles ne pourront pas le faire demain. Il est manifeste que tout scepticisme à l’égard des machines n’est que temporaire et, par conséquent, ce qui en ressort, ce sont seulement des critiques faibles. Aussi modestement soit-il, nous relevons le défi, dans cet article, avec pour approche la question de l’imagination.

  • 3 F. Nietzsche, Le Gai Savoir (1882), trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, 2020, p. 176 [Ndt : les ci (...)
  • 4 Ibid.

2Cependant, pouvons-nous aborder la limite des machines à tous les niveaux ? Depuis l’avènement d’une conscience technologique qui s’est faite aux alentours de la révolution industrielle, nous avons été constamment hantés par un avenir déterminé entièrement par la technologie. En même temps, il était presque impossible de se prononcer avec clarté sur la fin de ce processus, et ainsi, de mettre fin au sentiment partagé entre la peur et l’enthousiasme. Dans l’aphorisme 124 du Gai Savoir, intitulé « Dans l’horizon de l’infini », Nietzsche décrit une scène dans laquelle les modernes abandonnent leurs villages, brûlent les ponts et voguent vers l’infini de l’océan ; mais « il viendra des heures où tu reconnaîtras qu’il est infini, et qu’il n’y a rien de plus effrayant que l’infinité3 ». Les modernes sont semblables au « pauvre oiseau qui s’est senti libre et qui désormais se heurte aux murs de cette cage4 ! » Ce passage dans le Gai Savoir pourrait servir de rappel pour saisir le paradoxe de l’infini qui produit la mélancolie : l’infini est à la fois la liberté et la cage.

Pour une reconsidération de l’éducation esthétique de Schiller

3Aujourd’hui, l’accélération technologique nous laisse de plus en plus dans la perplexité et les grands projets d’exploration spatiale anticipent la fin apocalyptique de l’humanité sur Terre. Des organes artificiels sont produits à une vitesse et un volume tels que l’âme humaine ne peut plus les contenir pour longtemps. Cette disproportion entre l’âme et les organes artificiels tient sa source de l’hubris, de la destruction et de la guerre dont nous sommes témoins aujourd’hui en Europe, et à l’échelle mondiale à l’avenir. Dans le contexte de cet appel pour une réflexion sur la création après le calcul, nous pouvons ainsi nous demander : que peut l’art dans ce processus d’accélération organologique ? Ou peut-être devrait-on poser une autre question en premier lieu : la puissance croissante des machines va-t-elle en définitive rendre l’art obsolète ? En effet, les algorithmes d’apprentissages peuvent désormais produire des images pour lesquelles l’attribution de la paternité se juge difficilement – ce qui pourrait rendre la tâche plus ardue pour n’importe quel maître de la peinture. Dans ce cas, nous pourrions parler d’imagination artificielle et nous demander s’il s’agit là de la fin de l’infini, dans le sens où il n’y aura plus rien d’inquiétant dans l’infini puisque l’être humain, avec ses technologies, aura été capable d’en triompher ; ou bien encore cet infini est-il lui-même une limite qui n’a pas encore été infinie ? J’espère qu’à travers ces questions, nous pourrons parvenir à une nouvelle interprétation de la fin de l’infini et répondre aux questions susmentionnées à propos d’un art « après » le calcul.

4Avant d’aborder lesdites questions, nous devrons répondre à deux questions plus fondamentales : qu’est-ce que l’imagination ? Et que fait l’imagination ? Elles sont fondamentales puisque, en faisant l’économie de leur traitement, nous échouerons à comprendre l’imagination artificielle et nous continuerons à la considérer comme une simple production d’images. À l’avenir, nous serons de plus en plus fascinés par la complexité de ces algorithmes capables de produire des images qui dépassent l’imagination humaine : les récentes peintures réalisées par l’I.A. et les bras robotisés, ainsi que l’utilisation massive de logiciels tels que Tensorflow et Midjourney, en sont des illustrations. Il est vrai que de nos jours, des machines – si nous considérons tout particulièrement les algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) – peuvent produire des images surprenantes pour l’être humain. L’augmentation de leur capacité de précision et de sophistication est suffisamment signifiante pour que nous pensions aujourd’hui que ces algorithmes peuvent remplacer les créations artistiques. Néanmoins, je voudrais d’abord montrer que l’imagination ne se résume pas seulement à la production d’images ; au contraire, pour penser l’imagination, il est nécessaire d’aller au-delà des images. Il serait faux de penser que l’imagination artificielle serait équivalente à l’imagination humaine. Cette pensée est improductive et empêche de mettre à jour les problèmes que nous pourrions nommer, à la suite de Kant, le conflit des facultés.

  • 5 Friedrich von Schiller, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1794), trad. R. Leroux, Pari (...)

5Cela dit, la détermination par le calcul à grande échelle est bien présente, comme nous l’avons tous expérimenté lors de la pandémie. Le mot imagination atteint ses limites s’il s'agit simplement d'une logique de préemption fondée sur le calcul, bien qu'une telle compréhension ait une signification importante pour la gouvernance et la politique de l’État. La question de l’imagination artificielle doit être située dans un contexte plus large lié à l’éducation esthétique, à la création artistique et à la politique, étant donné le rôle que jouent les machines dans la prise de décision et la mise en forme de notre environnement. Lorsque j’évoque l’éducation esthétique, je me réfère à l’Ästhetische Erziehung de Friedrich Schiller5, qui ne désigne pas une éducation formelle [Ausbildung] mais plutôt la culture d’une sensibilité envers les formes esthétiques. Schiller abordait une question analogue à la nôtre, à savoir, la confrontation entre les lois de la nature et la liberté humaine. Schiller n’est pas le premier à l’avoir soulevée, mais il est probablement le premier à avoir explicitement tenté de la résoudre par le biais d’une éducation esthétique. Kant est le philosophe qui, avant lui, a formulé dans la Critique de la raison pure une antinomie concernant les lois de la nature et la liberté et Schiller a été influencé par le contenu de la Critique de la faculté de juger. Pour rappeler la complexité de la question et la manière dont Kant la résout, il serait utile de revenir sur la troisième antinomie de Kant :

  • 6 E. Kant, Critique de la raison pure (1781), « Dialectique transcendantale », « Troisième conflit de (...)

Thèse : La causalité qui s’exerce d’après les lois de la nature n’est pas la seule d’où puissent être dérivés les phénomènes du monde considérés dans leur totalité. Il est encore nécessaire d’admettre en vue de leur explication une causalité par liberté. […] Antithèse : Il n’y a pas de liberté, mais tout dans le monde arrive uniquement d’après les lois de la nature6.

6Kant n’aborde pas encore la question de la liberté du point de vue de la raison pratique, mais seulement de la raison pure. Il résout l’antinomie par son idéalisme transcendantal en associant la thèse à la chose en soi et l’antithèse au phénomène. En effet, la chose en soi peut être libre des lois causales de la nature, mais toutes les apparences suivent toutefois les lois de la nature. Par conséquent, selon Kant, la thèse et l’antithèse se révèlent être toutes deux vraies. La créativité de Schiller réside dans sa transformation de l’opposition entre les lois de la nature et la liberté en une opposition politique entre la tyrannie de l’État et la liberté individuelle dans la perspective de la Révolution française. En outre Schiller a voulu dépasser ou combler ces oppositions grâce à une troisième voie : l’art. Dans cette construction, la relation esthétique assume une fonction organologique, en se présentant comme une force unificatrice, constituant une forme vivante (lebende Gestalt). Quand j’énonce l’hypothèse que Schiller soulève une question analogue à la nôtre, il faut comprendre que la rationalité sous forme de calculs s’est imposée à nous de la même manière : ce constat, nous le retrouvons tous les jours dans les médias de masse concernant l’utilisation des big data dans l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, les technologies de surveillance, etc. Nous ne serons pas en mesure d’aborder cette gigantesque question maintenant, nous souhaitons la laisser en arrière-plan avec la perspective que cette discussion reviendra fréquemment.

L’artificialité de l’imagination et les déterminations des machines

7Quel sens donnons-nous à l’imagination artificielle ? Premièrement, je tenterai de démontrer que l’imagination est déjà fondamentalement artificielle. En effet, comme nous pouvons l’observer, le mot imagination porte déjà en lui le terme « image », il est de même pour le mot allemand Einbildungskraft, où einbilden signifie précisément la force de production d’images. L’imagination permet de rendre présent quelque chose qui, pour moi, ne l’est pas encore. Dans les dialogues platoniciens, les mots grecs qui portent le sens d’imagination sont εικασίας et φαντασία, c’est-à-dire, respectivement conjecture et fantaisie : conjecturer, c’est anticiper ce qui n’est pas encore arrivé ; fantasmer, c’est imaginer quelque chose qui n’arriverait pas en temps normal. L’imagination est en définitive une forme mystérieuse – une des raisons pour lesquelles les artistes et les poètes ont été condamnés, précisément, parce qu’elle est un acte de liberté qui part du donné pour arriver à un telos intrinsèque à sa propre capacité.

  • 7 Ibid., p. 191 [A 120].
  • 8 Ibid., p. 162 [A 78, B 103].
  • 9 Martin Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique (1929), trad. W. Biemel et A. de Waelhens, (...)

8Dans la Critique de la raison pure, Kant déclare « […] De fait l’imagination doit-elle conduire le divers de l’intuition à former une image7 ». Il considère l’« imagination transcendantale » comme le fondement à partir duquel la sensibilité et la compréhension, ou la réceptivité et la spontanéité, se développent. Heidegger décrit l’imagination transcendantale comme une réceptivité spontanée ou une spontanéité réceptive. Mais le fondement de l’imagination est inconnu ; l’imagination transcendantale est une force étrange à l’intérieur de l’aperception transcendantale. Kant dit que la synthèse, en général, est un simple effet de l’imagination, cependant, elle est « une fonction aveugle mais indispensable de l’âme8 ». Nous savons que dans l’édition B de la Critique de la raison pure, publié en 1787, six ans après la publication de l’édition A, Kant a sous-estimé le rôle de l’imagination transcendantale et seul l’entendement est responsable de la schématisation. Aussi, Heidegger, dans son ouvrage Kant et le problème de la métaphysique (1929)9, examine le sens de la modification faite par Kant. L’ouvrage peut aussi rétrospectivement être considéré comme une critique des néo-kantiens qui voulaient faire de la science, en particulier de la logique mathématique, le fondement de la philosophie transcendantale de Kant. Heidegger mobilise au contraire cette modification afin de montrer que le recul de Kant dans l’édition B expose précisément le fondement de la métaphysique puisque l’imagination n’est pas une opération logique mais plutôt une opération temporelle qui doit être située dans la finitude du Dasein.

  • 10 Bernard Stiegler, La Technique et le Temps tome 3, Paris, Éd. Galilée, 2001.
  • 11 Yuk Hui, On the Existence of Digital Objects, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2016.

9Bernard Stiegler, dans le troisième tome de son ouvrage La Technique et le Temps (2001)10, tente de montrer que les trois synthèses de Kant, à savoir, l’appréhension dans l’intuition, la reproduction dans l’imagination et la reconnaissance dans le concept, ne pourront pas remplir leurs fonctions sans une quatrième synthèse, qui est l’artefact, puisque la reconnaissance implique que quelque chose soit gardé en mémoire, alors que cette mémoire dépend aussi d’une mémoire externe : par exemple, des symboles – le concept d’infini n’est en effet saisissable qu’à travers le signe . Nous pourrions suivre Stiegler et garder ainsi l’appellation de quatrième synthèse. En d’autres termes, l’imagination n’est pas exclusivement limitée à l’esprit humain, mais elle implique plutôt des supports matériels sans lesquels l’esprit humain serait limité aux activités répétitives : par exemple, nous ne pourrions pas comprendre l’infini s’il fallait le compter. La nouveauté est d’avoir rendu manifeste une évolution de la quatrième synthèse puisque la dynamique entre la quatrième synthèse et l’imagination a changé au fil du temps11. En effet, avec l’avancée de la technologie numérique, la quatrième synthèse constitue une herméneutique informatique dans laquelle la relation entre l’homme et la machine doit être conçue comme un couplage récursif, où ce qui suit a de plus en plus la capacité de déterminer ce qui précède. Nous ne parlons pas d’humain d’un côté et d’algorithmes récursifs de l’autre ; la réalité est que nous sommes tous partie prenante de gigantesques opérations récursives telles que Google Search.

10Même si nous suivons le raisonnement ci-dessus selon lequel l’imagination est fondamentalement artificielle, il nous reste encore à clarifier le rôle de « l’imagination artificielle » dans les machines puisque les machines ne sont plus seulement un support passif mais participent aussi, de manière active, au processus cognitif de l’imagination. Néanmoins, ceci ne signifie pas que les artefacts antérieurs à l’ère informatique n’avaient pas la capacité de constituer l’imagination. L’art en serait bien sûr le contre-exemple puisque la question de l’imagination est fondamentale dans l’expression et la création artistiques, qui en tant qu’artistiques, sont artificielles. Face à la pauvreté du raisonnement formulé à l’égard du terme d’imagination artificielle consistant à dire que les machines pourront remplacer les artistes plasticiens en matière de création artificielle, l’art a pour tâche de rouvrir la question de l’imagination en lui donnant un nouveau rôle et en dépassant les limites des attentes industrielles. Maintenant que nous reconnaissons l’artificialité de l’imagination, la question qui reste à poser est de savoir quel est le rôle de l’artifice et comment il affecte notre enquête sur la créativité après le calcul.

  • 12 Yuk Hui, Recursivity and Contingency, Londres, Rowman & Littlefield, 2019.

11Il est injuste d’assimiler les machines informatiques modernes à celles de l’époque de Descartes qui étaient de nature purement mécanique : comme je l’expose dans Recursivity and Contingency12, les machines informatiques modernes deviennent plutôt organiques que mécaniques. Néanmoins, il est tout aussi problématique de mystifier l’imagination artificielle, en particulier en ce qui concerne l’apprentissage automatique, avec des termes tels que « apprentissage automatique non-supervisé », beaucoup pensent que cela signifie sans telos, sans objectifs spécifiques ; puisque cela est incorrect, « non-supervisé » signifie simplement que la machine est autorisée à définir automatiquement les données, par exemple, afin de classer les données brutes, la machine associe ces données à des structures sans suivre au préalable des règles. La différence entre le processus récursif d’imagination produit par l’apprentissage automatique et celui de l’homme ainsi juxtaposé, doit donc être clarifiée de différentes manières, et c’est que ce que je me propose d’aborder maintenant à propos du concept d’infini.

12On pourrait penser que si l’imagination des machines est finie et limitée par les contraintes de mémoire, de stockage et de puissance de calcul, l’imagination humaine quant à elle serait infinie. Cela dit, cette démarcation n’est en aucun cas satisfaisante, car l’humain est d’abord défini par la finitude, à savoir, la mortalité. Secondement, les machines de calcul sont puissantes précisément parce qu’elles sont capables de traiter avec l’infini. Par conséquent, la question dépasse la simple opposition fini et infini. Nous devons alors développer la notion d’infini afin de montrer que différents types d’infini peuvent nous permettre d’aborder cette distinction.

L’infini et le fini en mathématiques et en esthétique

  • 13 En française dans l’article.

13Le premier type d’infini est, bien sûr, le « mauvais infini » dans le sens hégélien du terme, à savoir, une augmentation homogène à l'infini, à l’image d’une addition infinie. Il s’agit d’une simple répétition sans fin, ou afin de convoquer un exemple plus sophistiqué, de la recherche du plus grand nombre premier, qui, soit dit en passant, était une méthode utilisée autrefois pour bloquer un ordinateur à usage commun afin que personne ne puisse continuer à l’utiliser. Cet infini est mauvais puisqu’il épuise tout être humain ou ordinateur. Le second infini est l’infini mathématique qui est fondamental pour le calcul. Leibniz est le penseur de l’infini mathématique. Sa métaphysique et son calcul sont basés sur le concept de l’infinitésimal qui est indivisible mais sans minimum. Le calcul de Leibniz divise la courbe en parties infinitésimales et la surface sous la courbe est la somme de toutes les parties infinitésimales. À l’image de la courbe, les vagues de l’océan sont composées de sons et de bruits infinitésimaux, les « petites perceptions13 », qui, bien que ne pouvant être distingués individuellement, existent néanmoins en tant que tels. Les infinitésimaux peuvent être exprimés par un nombre fini de signes. S’énonce ainsi le principe de base de la philosophie de la substance leibnizienne (par exemple, la notion complète de substance individuelle) et de sa monade : nous obtenons un système de signes qui englobe l’infini dans le fini. Ceci n’est pas acceptable pour les cartésiens, précisément parce que l’inscription de l’infini dans le fini est fondée sur le concept d’organisme, qui peut seulement être attribué à l’âme : si ceci s’avérait vrai, il serait alors possible d’admettre qu’une pierre ait aussi une âme. Leibniz objecte que les cartésiens, plus qu’ils ne le croient, pensent plus souvent en termes de signes. Un exemple simple suffira ici. Pour Leibniz, la valeur π que nous appelons un nombre transcendant, peut être exprimée par une formule mathématique qui, tout en s’étendant à l’infini, peut néanmoins être saisie dans le fini :

Figure 1. Formule de Leibniz pour le calcul du nombre transcendant π.

14La formule de Leibniz peut être simulée à l’aide d’un algorithme récursif avec une précision spécifique :

  • 14 Gregory Chaitin, “Leibniz, Information, Math and Physics” (2005), [en ligne], URL : http://arxiv.or (...)

15Nous retrouvons ici dans les algorithmes informatiques une exhaustivité qui est analogue à la notion complète d’une substance individuelle selon Leibniz. En effet, à l’aide du concept de récursivité, une telle substantialité est mesurée par la quantité minimale de code requis pour exprimer un tel résultat. Dans la Monadologie (1714) de Leibniz, ces algorithmes récursifs sont rendus manifestes par les miroirs qui reflètent ce qui est reflété et ceci ad infinitum. L’infini n’est pas impossible à atteindre, au contraire, il pourrait être mathématiquement compris comme un nombre limité d’étapes de réflexion. C’est aussi la raison pour laquelle le mathématicien et pionnier de la théorie de l’information algorithmique, Gregory Chaitin14, a redéfini « le meilleur des mondes possibles » de Leibniz comme celui qui utilise le minimum de règles pour produire le maximum de variétés de phénomènes :

  • 15 G. W. Leibniz, Discours de métaphysique (1686) in Discours de métaphysique et Monadologie, s.l.d. A (...)

[…] Dieu a choisi celui [le monde] qui est le plus parfait, c’est-à-dire celui qui est en même temps le plus simple en hypothèses et le plus riche en phénomènes, comme pourrait être une ligne de géométrie dont la construction serait aisée et les propriétés et effets seraient fort admirables et d’une grande étendue. […] Mais je ne prétends point d’expliquer par là ce grand mystère dont dépend tout l’univers15.

16Un algorithme englobe un monde comme une monade reflète le monde dans sa totalité et, comme les monades, les algorithmes construisent le monde selon des axiomes simples. Cependant, cet infini est un infini numérique. Le monde informatique est un monde de nombres et est aussi le milieu dans lequel un algorithme peut exister. Si nous considérons un algorithme d’apprentissage automatique de reconnaissance d’images, un objet – à savoir, une image – est analysé comme une matrice de nombres : en effet, supposons une série de nombres manuscrits, pour que la machine reconnaisse parmi de nombreux nombres, par exemple, le chiffre 8, la machine devra analyser l’image en termes de matrice de valeurs et de vecteurs. L’algorithme de reconnaissance est lui-même récursif puisqu’il continue à s’améliorer en actualisant la déviation d’erreurs.

Figure 2. https://medium.com/​@ageitgey/​machinelearning-is-fun-part-3-deep-learning-and-convolutionalneural-networks-f40359318721

  • 16 E. Kant, Critique de la faculté de juger (1790), trad. A. Renaut, Paris, GF Flammarion, 1995, §26, (...)

17La question porte moins sur la capacité de l’imagination artificielle à traiter ou non de l’infini que sur le fait qu’elle possède un mode d’inscription spécifique de l’infini. Or, ces modes d’inscription partagent quelque chose en commun. Ce point commun se trouve dans ce que Kant nomme le sublime mathématique, mais nous devons être ici très prudents car ceci nécessite une nouvelle lecture du sublime de Kant afin d’aborder la question de l’esthétique dans le contexte de notre discussion. L’infini esthétique est analogue à l’infini mathématique mais il ne peut être réduit à ce dernier. En tant qu'analogie, l’infini esthétique a toujours tendance à épuiser l’imagination, et l’imagination, étant la force de la synthèse, aura besoin d’être arrêtée par la raison. Ceci signifie que l’entendement seul n’a pas réussi à saisir l’objet sublime en l’englobant sous un concept, tandis que l’imagination, étant libre, provoque progressivement l’intervention de la raison pour marquer un arrêt. Le sublime mathématique de la machine de Kant, pour ainsi dire, est le moment où la machine entre dans une boucle infinie de comparaisons et de calculs de grandeurs, jusqu’au point où une force extérieure doit intervenir pour empêcher la machine d’épuiser toutes ses ressources. Par exemple, face à une pyramide, quand nous en sommes trop proches, notre regard se pose toujours sur des appréhensions successives (Auffassung) sans pouvoir comprendre (Zusammenfassen) la pyramide dans une unité16. La raison est une force qui interrompt et impose sa violence à l’imagination afin d’appliquer un état d’arrêt dans le but de permettre au sujet de comprendre sa propre limite. Il en va de même pour le sublime dynamique, dans lequel la machine est dépassée par l’incommensurabilité et le caractère incontrôlable des données qu’elle doit traiter – ici, l’horreur est ressentie et le respect (Achtung) émerge, à savoir, le sujet est élevé au rang d’un sujet moral et religieux.

18Nous verrons ici l’abstraction partagée par le sublime mathématique et le sublime esthétique ; c’est pourquoi il est nécessaire de n’y voir qu’une analogie car la question de la liberté est cruciale pour l’analyse du sublime. De plus, je pense que la ré-articulation par Schiller de la question kantienne est importante pour notre discussion. Si Kant a écrit sur le beau et le sublime en relation avec la nature, il n’a pas écrit sur les œuvres d’art, du moins de manière approfondie. En revanche, Schiller, Schelling et Hegel ont repris le concept de sublime et l’ont attribué à l’art en général. Pour Schiller, le passage à l’Unendlich ou à l’Unbegrenzt par l’esthétique est la réalisation de « l’humanité la plus sublime », dans laquelle l’instinct de jeu (Spieltrieb) surmonte la détermination de l’instinct sensible (Strofftrieb) qui est dominé par la sensualité et la déterminabilité de l’instinct formel (Formtrieb) qui est, à son tour, dominé par la rationalité. L’art n’est donc pas quelque chose qui relie les deux, tel un pont, puisque l’écart même est infini, il est plutôt un moyen par lequel une forme de vie esthétique transcende la contradiction entre le sensible et le formel. Cependant, pour ce faire, il s’agit de préserver autant le sensible que le formel en les rendant contingents avant de les élever à la nécessité – une opération qui préfigure la notion hégélienne d’Aufhebung :

  • 17 Friedrich von Schiller, op. cit., lettre 25, p. 315.

[…] dans la jouissance de la beauté ou de l’unité esthétique, il se produit véritablement une fusion et un échange de la matière et de la forme, de la passivité et de l’activité, il est par là même démontré que l’infini est réalisable dans le fini et que donc l’humanité la plus sublime est possible17.

19Pour Schelling, l’unité de l’infini dans le fini est l’unité de la Nature et de l’Esprit, comme la Natura naturans et le Natura naturata de Spinoza qui constituent l’activité et l’expression de la nature. La contradiction consiste en la confrontation entre le fini et l’infini, entre la contingence et la nécessité – le conflit même que l’imagination doit affronter et concilier simultanément. De la même manière que dans les tragédies grecques, la contradiction est présentée comme une nécessité et l’acte héroïque surmonte la contradiction produisant ainsi le sentiment du sublime. Œdipe, l’homme intelligent qui résout l’énigme du sphinx, n’a pas pu s’échapper de son destin dont il était averti auparavant. Il s’est rendu aveugle et est parti en exil en acceptant son destin. La tragédie grecque fonctionne sur la réconciliation de la contingence et de la nécessité, du fini et de l’infini. La création artistique s’appuie sur cette possibilité de créer une contradiction comme nécessité et laisse libre à l’imagination pour découvrir le réel en guise de sa liberté.

  • 18 Yuk Hui, Art and Cosmotechnics, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2021. Dans cet ouvrage, (...)
  • 19 Zongsan Mou, Intellectual Intuition and Chinese Philosophy (智的直覺與中 國哲學), Taipei, Taiwan Commercial (...)

20Avec le langage kantien formulé ci-dessus, nous pouvons aussi tenter de comprendre la différence entre l’imagination esthétique de l’Orient et celle de l’Occident. Bien que je ne puisse le faire que brièvement et superficiellement, je voudrais toutefois le mentionner ici parce que, à titre de comparaison, il présente un modèle très différent de la tragédie grecque18. Comme nous le savons, chez Kant, il existe une différence épistémologique entre le phénomène et le noumène. L’expérience humaine ne peut pénétrer que le phénomène à défaut de pouvoir atteindre le noumène. C’est précisément parce que les êtres humains n’ont accès qu’aux intuitions sensibles et non aux intuitions intellectuelles que Kant attribue à Dieu. Le philosophe chinois néo-confucéen Mou Zongsan, également traducteur des trois Critiques de Kant, a tenté de montrer que la démarcation entre la philosophie chinoise et la philosophie occidentale est tracée par cette limite imposée par la philosophie critique. En effet, si la philosophie post-kantienne doit rejeter la spéculation dans le noumène au profit de la science, la philosophie chinoise, depuis l’origine, est une enquête du noumène et consiste à étudier comment l’intellect accède au noumène19. Ce n’est pas notre priorité ici de justifier la revendication de Mou Zongsan, toutefois, si nous suivons son analyse du néo-confucianisme (entre la dynastie Song et la dynastie Ming), il serait justifié de penser que le noumène ou l’infini représente la quête de la philosophie et l’art chinois.

  • 20 Yuk Hui, “On the Varieties of Experience of Art”, in Theory Culture and Society, 2023 [en ligne], U (...)

21Qu’est-ce que cela signifie pour notre enquête sur la création artistique et l’imagination ? Les psychologues ont tenté d’affirmer que la différence entre la peinture bouddhiste zen et la peinture occidentale réside dans le fait que la peinture zen met l’accent sur le fond. En revanche, la peinture occidentale, qu’il s’agisse de natures mortes ou de paysages, met l’accent sur la figure. Ici, les concepts de fond et de figure sont issus de la psychologie de la forme (théorie de la Gestalt). Cette comparaison est largement répandue, mais si nous souhaitons la précision philosophique, elle n’est pas sans poser problème dans la mesure où il existe des compréhensions différentes du fond. Les peintures orientales, en particulier les peintures de paysages, et les peintures bouddhistes zen sont des passages qui mènent au noumène, à savoir, ce par quoi l’imagination peut jaillir dans l’infini. Ce passage du fini, qui est la peinture, dans l’infini, constitue l’esprit de la création artistique en Orient. Si nous regardons une peinture chinoise de paysage, la peinture semble ne suivre aucun code de la perspective paysagère et aucune géométrie projective mais tente plutôt de produire un paysage au-delà de l’image. Que signifie le passage du fini vers l’infini par contraste avec l’inscription de l’infini dans le fini ? Il s’agit ici de deux passages mais ces deux passages impliquent l’imagination au-delà de l’image ; dans la pensée orientale, une telle inscription n’est pas présentée comme une contradiction mais nécessairement un saut grâce auquel l’imagination rejoint l’harmonie du cosmos. C’est dans cette perspective que l’on peut parler des variétés de l’expérience de l’art20.

22Peu importe sa puissance, l’imagination artificielle s’attarde sur l’infini mathématique. Autant l’infinitésimal de Leibniz que le transfini de Cantor sont des concepts mathématiques et métaphysiques qui renouvellent le concept de forme dans l’art et la philosophie, permettant ainsi des expressions au-delà des sens humains dans un infini, qui est toutefois numérique, que nous pouvons identifier dans l’informatique moderne par le biais d’algorithmes récursifs. Cependant, dans l’art, la relation entre le fini et l’infini prend une autre forme d’expression. Nous aimerions reconsidérer la question de la créativité après le calcul sous un autre angle, à savoir, rechercher la créativité au-delà du calcul par le biais du calcul. Dans ce cadre, l’imagination artificielle ne traite pas de la production d’images mais plutôt du passage au-delà de l’image.

L’éducation esthétique après le calcul

23Quelqu’un pourrait contester la position ci-dessus en argumentant que nous défendons simplement les facultés humaines contre les facultés artificielles. Schiller était, après tout, un humaniste de son époque, et en reprenant les recherches de Schiller et par extension, celles de Kant, ne suivons-nous pas le même chemin historique ? En vérité c’est le contraire, d’abord parce qu’il n’y a pas de facultés humaines à défendre, ensuite parce que notre point de départ est la limite et la faiblesse des facultés humaines. Ce qui serait problématique aujourd’hui, c’est d’opposer les deux facultés comme si l’une était la simulation ou l’imitation de l’autre ; au contraire, nous devons reconnaître le conflit des facultés et, en tant que tel, penser organologiquement. En d’autres termes, il ne s’agit pas de montrer quelle imagination est la plus forte et la plus puissante, mais de spéculer sur la manière dont l’unité organologique de l’imagination peut nous permettre d’accéder à l’Inconnu.

24Aussi, ce que nous avons essayé de faire précédemment, c’est de clarifier le potentiel et la limite de l’imagination artificielle. Nous avons montré que l’imagination repose tout d’abord sur une quatrième synthèse qui la conditionne, selon le modèle établi par Kant, de sorte que l’imagination est toujours déjà artificielle. Cela implique, pour que nous puissions réfléchir sur la question de la créativité après le calcul, une organologie de l’imagination comme fonction. Nous avons aussi étudié la nature de l’« imagination artificielle ». Enfin, nous avons essayé de montrer les différentes manières de penser la relation entre le fini et l’infini, en mathématiques, dans l’art et dans la pensée orientale. En gardant ces différences à l’esprit, nous avons évité une opposition entre la machine et l’homme et par la même nous évitons également une mystification de l’apprentissage statistique ou de l’imagination artificielle. Nous avons ainsi profité de cette occasion pour réinvestir la réflexion sur l’éducation esthétique, telle qu’elle a été soulevée jadis par Schiller.

25Dès lors, la question est : comment l’imagination artificielle, en tant qu’élément de la comprehensio aesthetica, peut-elle ouvrir une nouvelle voie afin de dépasser la tension que nous avons mentionnée plus haut ? Devons-nous admettre que l’imagination artificielle, avec son pouvoir croissant, nous imposerait une détermination plus forte et limiterait ainsi notre capacité d’action ? Les arts fondés sur la technologie et les médias tentent d’apporter au public une nouvelle forme d’expérience visuelle et sonore, mais sont-ils parvenus à porter cette expérience au-delà des images ? Ou restent-ils abusés par le désir de créer de plus en plus d’images et de proposer des expériences sensorielles plus riches ?

  • 21 Jean-François Lyotard, L’Inhumain. Causerie sur le temps, Paris, Éd. Galilée, 1988, p. 147.
  • 22 Ibid., p. 152.

26Je pense que Jean-François Lyotard a soulevé un problème similaire, il y a près de quarante ans, lorsqu’il a développé son étude autour de la postmodernité. Dans un article intitulé « Après le sublime, l’état de l’esthétique » Lyotard affirme que « depuis un siècle, les arts n’ont plus le beau pour enjeu principal, mais quelque chose qui relève du sublime21 ». Pour Lyotard, le sublime est au centre du modernisme et de l’avant-garde dans la mesure où la peinture moderne porte sur une peinture non-figurative et où le désir de l’avant-garde de transcender les règles objectives s’enracine dans une tentative de saisir l’infini dans la finitude de l’œuvre d’art. C’est la raison pour laquelle l’imprésentable (Undarstellbar) de l’aistheton constitue l’idée centrale de l’avant-garde ; par exemple, dans le timbre et la nuance en musique, nous trouvons « une sorte d’infinité, l’indétermination des harmoniques au sein du cadre déterminé par cette identité22 » ou « l’ici et le maintenant » dans la peinture de Barnett Newman. L’Imprésentable active la confrontation entre la raison et l’imagination, conduisant à l’irreprésentable (Unvorstellbar). Lyotard, toutefois, se détourne de l’avant-garde pour interroger le statut de l’art après le sublime, à savoir, après la philosophie de la subjectivité. La proposition de Lyotard est de se tourner vers la chose qui réside dans une matérialité immatérielle. Ce sujet fascine Lyotard dans les années 1980 et donne lieu à l’exposition phare Les Immatériaux (1985) consacrée à la nouvelle sensibilité qui accompagne la matérialité nouvelle, notamment ce que nous appelons aujourd’hui la technologie numérique et la nanotechnologie. C’est aussi à cette occasion que Jacques Derrida, Bruno Latour et de nombreux philosophes, en tant que participants à l’exposition, ont utilisé pour la première fois un ordinateur pour écrire.

  • 23 Ibid., p. 154.

Le paradoxe de l’art “après le sublime”, c’est qu’il se tourne vers une chose qui ne se tourne pas vers l’esprit, qu’il veut une chose, ou qu’il en veut à une chose, qui ne lui veut rien. Après le sublime, on se trouve après le vouloir. Sous le nom de matière, j’entends la Chose. La Chose n’attend pas qu’on la destine, elle n’attend rien, elle n’en appelle pas à l’esprit. Comment l’esprit peut-il se situer, se mettre en rapport avec quelque chose qui se soustrait à tout rapport ?23

27Ce passage de Lyotard pourrait évoquer ce que nous désignons aujourd’hui par le terme de la philosophie orienté-objet (object-oriented philosophy). Ceci dit, Lyotard n’avait pas pour perspective de développer son propos dans ce sens. L’art après le sublime s’éloigne de l’esprit pour se diriger vers la chose, vers la matérialité immatérielle, vers l’agentivitié de la chose ; dans le même temps, l’esprit devra se situer afin d’être en relation avec la chose – une tâche que Schiller expose lorsqu’il évoque l’éducation de la sensibilité (Ausbildung des Empfindungsvermögens). Cette dernière est rendue possible par la matérialité nouvelle et les opérations nouvelles des machines. Ainsi, c’est dans ce cadre des possibles que nous pourrions nous demander ce que nous entendons par créativité après le calcul.

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Notes

1 Article publié pour la première fois dans Balkan Journal of Philosophy, vol. 15, Issue 1, 2023, “Creativity After Automation” : « sous le titre anglais » Imagination and the Infinite – A Critique of Articial Imagination.

2 H. Dreyfus, What Computers Still Can’t Do: A Critique of Artificial Reason, New York, Harper & Row, 1972.

3 F. Nietzsche, Le Gai Savoir (1882), trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, 2020, p. 176 [Ndt : les citations d’ouvrages, traduites en française, proviennent d’éditions françaises de référence universitaire].

4 Ibid.

5 Friedrich von Schiller, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1794), trad. R. Leroux, Paris, Aubier, 1943.

6 E. Kant, Critique de la raison pure (1781), « Dialectique transcendantale », « Troisième conflit des idées transcendantales », trad. A. Renaut, Paris, GF-Flammarion, 2021[2006], p. 442 [A 445, B 473].

7 Ibid., p. 191 [A 120].

8 Ibid., p. 162 [A 78, B 103].

9 Martin Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique (1929), trad. W. Biemel et A. de Waelhens, Paris, Gallimard, 1981.

10 Bernard Stiegler, La Technique et le Temps tome 3, Paris, Éd. Galilée, 2001.

11 Yuk Hui, On the Existence of Digital Objects, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2016.

12 Yuk Hui, Recursivity and Contingency, Londres, Rowman & Littlefield, 2019.

13 En française dans l’article.

14 Gregory Chaitin, “Leibniz, Information, Math and Physics” (2005), [en ligne], URL : http://arxiv.org/abs/math/0306303.

15 G. W. Leibniz, Discours de métaphysique (1686) in Discours de métaphysique et Monadologie, s.l.d. A. Robinet, Paris, Vrin, 1974, p. 6 [vi, 35-48].

16 E. Kant, Critique de la faculté de juger (1790), trad. A. Renaut, Paris, GF Flammarion, 1995, §26, p. 232-239.

17 Friedrich von Schiller, op. cit., lettre 25, p. 315.

18 Yuk Hui, Art and Cosmotechnics, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2021. Dans cet ouvrage, je tente de montrer une logique récursive différente qui pourrait se retrouver dans la peinture chinoise de paysage et la pensée taoïste.

19 Zongsan Mou, Intellectual Intuition and Chinese Philosophy (智的直覺與中 國哲學), Taipei, Taiwan Commercial Press, 2006.

20 Yuk Hui, “On the Varieties of Experience of Art”, in Theory Culture and Society, 2023 [en ligne], URL : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1177/02632764221147673.

21 Jean-François Lyotard, L’Inhumain. Causerie sur le temps, Paris, Éd. Galilée, 1988, p. 147.

22 Ibid., p. 152.

23 Ibid., p. 154.

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Table des illustrations

Légende Figure 1. Formule de Leibniz pour le calcul du nombre transcendant π.
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Légende Figure 2. https://medium.com/​@ageitgey/​machinelearning-is-fun-part-3-deep-learning-and-convolutionalneural-networks-f40359318721
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Pour citer cet article

Référence papier

Yuk Hui, « L’imagination et l’infini. Une critique de l’imagination artificielle »Philosophique, 27 | 2024, 53-66.

Référence électronique

Yuk Hui, « L’imagination et l’infini. Une critique de l’imagination artificielle »Philosophique [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 26 janvier 2024, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosophique/1830 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philosophique.1830

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Auteur

Yuk Hui

Université Erasme de Rotterdam

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