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Les Grecs de Heidegger

Glenn W. Most
Traduction de André Laks
p. 169-184

Résumés

Par le biais d’une approche idéal-typique, cet article fait apparaître, dans la manière apparemment idiosyncrasique dont Heidegger se réfère aux Grecs, une série de traits caractéristiques de la culture allemande.

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Texte intégral

1Martin Heidegger se réfère souvent aux Grecs dans ses écrits, plus peut-être qu’aucun autre philosophe depuis Nietzsche. Ces références se présentent sous deux formes. D’un côté, Heidegger nomme souvent certains individus, que le lecteur informé peut sans difficulté identifier comme des auteurs grecs attestés et plus ou moins connus, dont l’œuvre ou une partie de l’œuvre a été transmise. Ce fait soulève une première série de questions : quels sont les Grecs que Heidegger cite de préfé­rence, et pourquoi ceux-ci, plutôt que d’autres ? D’un autre côté, il tend aussi à se référer à un groupe de personnes anonymes et non individua­lisées qu’il appelle, simplement, « les Grecs ». Dans certains de ses textes, et plus précisément certaines sections, des références de ce type cessent d’être simplement occasionnelles et ponctuelles, pour acquérir au con­traire une densité et une consistance particulières. Par exemple Heidegger écrit, en l’espace de quelques pages de son Introduction à la Métaphysique :

  • 1  « Im Zeitalter der ersten und maßgebenden Entfaltung der abendländischen Philosophie bei den Griec (...)

À l’époque du premier déploiement, qui fut déterminant, de la philoso­phie occidentale chez les Grecs, grâce auquel la question de ce qui est en tant que tel prit son véritable départ, on appelait ce qui est φύσις1,

2ou encore :

  • 2  « Die Griechen haben nicht erst an den Naturvorgängen erfahren, was φσις ist », ibid., p. 17 (= t (...)

Ce n’est pas d’abord sur la base des processus naturels que les Grecs firent l’expérience de ce qu’est la φύσις2,

3ou encore :

  • 3  « Das Seiende als solches im Ganzen nennen die Griechen φσις », ibid., p. 18. (= trad. G. Kahn, p (...)

L’étant comme tel, en tant que tout, les Grecs le nomment φύσις3,

4ou enfin :

  • 4  « Wir setzen dem Physischen das »Psychische« , das Seelische, Beseelte, Lebendige entgegen. All di (...)

Nous opposons au physique le « psychique », le spirituel, l’animé, le vivant. Mais tout cela appartient pour les Grecs, même ultérieurement, à la φύσις. Le phénomène qui se présente comme opposé est ce que les Grecs appellent θέσις, le fait de poser, d’établir, ou νόμος, loi, règle au sens des mœurs4.

5Quelques pages de son essai « Ce qu’est et comment se détermine la φύσις (Aristote, Physique, Β 1) » fournissent un autre exemple :

  • 5  « Für die Griechen aber bedeutet »das Sein« die Anwesung in das Unverborgene », « Vom Wesen und Be (...)

Or, pour les Grecs, « l’être » signifie l’entrée en présence dans ce qui n’est pas en retrait5 :

6ou :

  • 6  « Aristoteles […] bewahrt nur das, was die Griechen von jeher als das Wesen des λγειν erkannten » (...)

Aristote […] ne fait que sauvegarder ce que les Grecs depuis toujours ont reconnu être le déploiement propre du λέγειν6,

7ou encore :

  • 7  « An sich hat λγειν mit Sagen und Sprache nichts zu tun; wenn jedoch die Griechen das Sagen als λ(...)

En soi, λέγειν n’a rien à voir avec le parler et la langue ; si pourtant les Grecs conçoivent le parler comme λέγειν, alors il y a une entente tout à fait unique de ce que sont la parole et le dire, dont aucune « philosophie du langage » ultérieure n’a jamais plus été capable de pressentir les abîmes encore inapprochés7,

8ou finalement :

  • 8  « …das Entscheidende […] besteht darin, daß die Griechen die Bewegtheit aus der Ruhe begreifen », (...)

Ce qui décide de tout […] consiste en ceci que les Grecs conçoivent la mobilité à partir du repos8.

9Cet usage linguistique frappant, et très caractéristique de Heidegger, soulève un second type de question : qui sont exactement ces Grecs anonymes auxquels il se réfère ? Les deux séries de questions peuvent être résumées en une : qui sont au juste les Grecs de Heidegger ?

  • 9  Cf. p. ex. « Der Spruch des Anaximander » (1946) dans Holzwege, Frankfurt a. M., 1950, p. 309-310 (...)
  • 10  « Inmitten der Wissenschaften denken, heißt : an ihnen vorbeigehen, ohne sie zu verachten », « Nie (...)

10J’essaierai d’esquisser une réponse à cette question en avançant six thèses, non sans présenter par avance mes excuses pour leur inévitable grossièreté à l’égard de Heidegger, des Grecs, et de mes lecteurs. Elles ont pour but de susciter la discussion plutôt que d’y mettre un terme, et de contribuer, si possible, à une meilleure compréhension à la fois de ce que Heidegger faisait effectivement et d’une au moins des fonctions que la pensée des anciens Grecs a pu remplir au sein de la pensée allemande moderne. J’écris ici en tant que spécialiste des études classiques et de la tradition classique : je n’écris pas seulement pour les philosophes professionnels, mais aussi pour des non-professionnels plus largement intéressés aux relations mutuelles entre la philosophie, la littérature et la culture. Heidegger lui-même a parfois pris soin de distinguer son propre projet philosophique d’une reconstruction historique des réalités de la Grèce ancienne qui serait à même de satisfaire les critères de l’antiquisant professionnel9 ; mais ce fait, loin de rendre superflue la question de savoir qui sont au juste les Grecs de Heidegger, lui confère d’autant plus d’intérêt. Aucun doute que les heideggériens – et pas seulement eux – trouveront dans mes remarques une confirmation supplémentaire du fait que la « science » et l’« érudition » (Wissenschaft) d’une part, et ce que Heidegger appelle « pensée » (Denken) d’autre part, sont incapables de se comprendre l’une l’autre. « Penser au milieu des sciences signifie passer devant elles sans les mépriser »10 : peut-être, mais la tâche de la science doit demeurer de questionner cette pensée, respectueusement, tandis que celle-ci va son propre chemin.

1. Les Grecs de Heidegger sont un évangile païen

11Quelle que soit l’incertitude concernant l’identité des personnes que dénotent les références de Heidegger aux Grecs, il n’existe guère de doute sur la fonction qui est la leur dans le cadre de la stratégie rhéto­rique qu’il met en œuvre dans ses textes.

12Pour comprendre cette fonction, transportons-nous un dimanche matin en Allemagne du sud-ouest. Nous sommes, évidemment, à l’église – catholique ou luthérienne, peu importe pour le présent propos. Face à l’assistance qui se tient assise, il y a un prêtre ou un pasteur, debout. Il s’adresse aux fidèles. Il les accuse sur un ton en partie péremptoire, en partie compatissant, d’avoir déchu de leurs capacités les plus hautes et d’avoir oublié l’être suprême ; ils ont vécu inconsidérément et dans l’insouciance, dit-il, ils se sont abandonnés aux plaisirs purement transi­toires de ce monde. Il ne fait pas qu’argumenter et accuser : il soutient son propos en se référant à une autorité textuelle. Il cite à titre de preuve un court passage de la Bible, de préférence tiré du Nouveau Testament, et l’interprète de manière aussi détaillée que son inventivité et la patience de son auditoire le permettent. Les fidèles écoutent, cois. Quand il a terminé, ils disent tous « Amen » et retournent à la maison pour se sustenter comme il convient.

13Ma première thèse est que les écrits de Heidegger tendent très souvent à adopter le ton et les stratégies rhétoriques des sermons chré­tiens que je viens d’évoquer, mais que, quand ils le font, ce n’est jamais au Nouveau Testament grec, et encore moins à la Septante (ou à la traduction allemande de cette dernière), que Heidegger consacre son exégèse spirituelle. Ce sont d’autres textes grecs, prose ou poésie, qui lui procurent ce qui peut être précisément décrit comme une Bible païenne. Ils constituent pour lui un levier grâce auquel il peut essayer de déloger la modernité en nous remettant en mémoire ce dont nous pouvons être amenés à croire que nous l’avons naguère connu, mais que nous l’avons oublié depuis. Il semble penser qu’en exploitant ce qui peut être considéré comme leur antériorité, leur originarité, et leur incontestable authenticité, il peut nous convaincre de partager ses conceptions sur ce qui va mal dans la facticité de nos vies, au sein de ce monde moderne et technologique. Fribourg doit être sauvé de New York et de Moscou – mais par Athènes, non par Jérusalem ou par Rome.

  • 11  « Brief über den “Humanismus” », Bern 1947, Frankfurt am Main 1949, 71974, aujourd’hui dans GA, Bd (...)
  • 12  Ibid., p. 330, 334 (= trad. R. Munier, p. 75, 85 sq.).
  • 13  « Das Inhumane », ibid., p. 345-346, 348 (= trad. R. Munier, p. 121, 127).
  • 14  Ibid., p. 342, 352 ( = trad. R. Munier, p. 107 sq., 137 sq.).

14Une certaine version de cette idée a été un lieu commun de toutes les renaissances européennes au moins depuis la Seconde Sophistique, à l’époque de l’Empire romain, et cela est spécialement vrai de la Renais­sance italienne du xve siècle, de l’humanisme romantique allemand autour de 1790, et finalement du Troisième Humanisme propagé par Werner Jaeger dans les années 1930. De telles renaissances ont typique­ment été, dans leur orientation fondamentale, non chrétiennes ou anti-chrétiennes (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu parmi leurs protagonistes certains individus très profondément chrétiens), mais cer­tains des buts qu’elles ont essayé d’atteindre sont identiques à ceux que le christianisme a souvent recherchés – le progrès moral de l’individu, la fondation d’une communauté spirituelle, le renoncement aux délices du monde matériel qui nous entoure au profit de valeurs spirituelles que manifestent les grandes œuvres du passé – et quelques-unes des tech­niques auxquelles elles ont eu recours sont identiques. C’est l’une des raisons, et peut-être la plus fondamentale, de certaines bizarreries de la « Lettre sur l’humanisme » de Heidegger, parue en 1947 : car il n’y a aucun doute que Heidegger – qui dans cet essai rejette explicitement les traditions de l’humanisme européen11, et oppose sa propre philosophie à ce qui est usuellement entendu par humanisme12, tout en déclarant fermement s’opposer à l’« inhumain »13 et en se donnant le plus grand mal pour définir son propre projet philosophique comme un nouvel humanisme plus élevé, et qui seul reflète véritablement la dignité de l’homme14 – est en fait lui-même un humaniste malgré lui.

  • 15  Cf. p. ex. « Nietzsches Wort “Gott ist tot” », dans Holzwege, op. cit., p. 202-203.
  • 16  GA, Bd. 40, p. 8-9 ( = Introduction à la Métaphysique, trad. G. Kahn, p. 19 sq.).

15La relation entre Heidegger et le christianisme est naturellement hau­tement complexe et problématique15. Mais ce qui est certain, c’est que le contraste appuyé entre la philosophie et la croyance religieuse sur lequel s’ouvrent des textes tels que son Introduction à la Métaphysique16, aussi bien que son dénigrement fréquent de la langue latine et de la culture romaine – qu’il conteste non seulement à titre de médiation (et donc de trahison) romaine de la philosophie grecque, mais aussi de médiation chrétienne et médiévale du paganisme grec – exclut programmatiquement les évangiles chrétiens d’un discours philosophique qui a évidemment été formé par des traditions chrétiennes. Un espace textuel est ouvert par là, que les Grecs païens peuvent venir remplir.

16La manière dont Heidegger présente les textes grecs rappelle éga­lement l’usage des évangiles dans les sermons chrétiens : citation de courts passages en traduction, ou plus exactement paraphrase explicitant les implications perçues dans le texte au moyen d’une traduction chargée et tendancieuse, suivie d’une longue exégèse qui vise à faire ressortir tout ce qui est impliqué ou caché dans le texte. Pourtant, considéré sous cet angle, le mode d’éxégèse pratiqué par Heidegger est fort étrange : car il se donne presque toujours beaucoup de mal pour travailler contre le texte, pour aller contre son sens apparent au profit d’un autre niveau de signification qui est loin d’être évident. Ainsi, même si la variété d’exé­gèse pneumatique à laquelle Heidegger se livre dérive en fin de compte d’une tradition théologique, elle prend chez lui une forme extrême et problématique. Pour comprendre ce point, il me faut passer à ma seconde thèse.

2. Les Grecs de Heidegger sont les locuteurs d’un lexique de termes philosophiques primordiaux

  • 17  Was heisst Denken, Tübingen, 1954, p. 105-149 ( = Qu’appelle-t-on penser ?, traduit de l’allemand (...)

17Il est très frappant de constater que, dans l’usage que Heidegger fait des Grecs, il n’interprète jamais de façon continue et en totalité, du début à la fin, un texte poétique ou philosophique, mais qu’il se concentre au lieu de cela sur de courtes sections, chapitres, et même souvent phrases. Quand il traite de textes d’une certaine longueur qui ont été transmis in extenso, il aime mieux, de toute évidence, les fragmenter en éléments plus courts. Qui plus est, il semble fortement préférer avoir à faire avec des textes qui ont été transmis sous une forme fragmentaire plutôt qu’avec ceux qui sont intégralement conservés, et dans son interprétation des témoignages subsistants de la philosophie grecque ancienne, il accorde la plus grande part de son attention à des fragments spécialement courts. Un exemple extrême, mais parfaitement caractéristique, se trouve dans Qu’appelle-t-on penser ? : il passe là environ un quart de tout le livre sur un seul vers de Parménide17. Mais ce qu’il préfère apparemment plus que tout, c’est de ne pas même interpréter des textes grecs, ni même des textes fragmentaires, mais bien des mots isolés de la langue grecque. L’interprétation par Heidegger des mots isolés de la langue grecque tend à prendre une des deux formes suivantes : soit il interprète un texte transmis, composé d’une ou de plusieurs unités syntaxiques, en expli­quant l’un après l’autre tous les mots, ou la plupart des mots, ou au moins certains des mots individuels qu’il contient ; ou il discute sim­plement un petit nombre de mots-clefs individuels – par exemple φύσις, ἀλήθεια, λόγος, νοεῖν – et isolés de tout contexte particulier.

18Ainsi Heidegger, comme interprète de la pensée grecque, préfère sys­tématiquement les parties aux ensembles, les fragments aux parties, les phrases aux fragments, les mots isolés aux phrases. En fait, il va même souvent plus loin, en préférant les racines étymologiques supposées aux sens attestés des mots eux-mêmes. Ainsi peut-on dire que Heidegger lexicalise la pensée grecque. Il paraît considérer la langue grecque comme une collection de substantifs individuels au nominatif et ignorer presque complètement tout ce qui dans le discours n’est pas nom ou infinitif, ainsi que toute la structure syntaxique qui permet aux phrases grecques d’être porteuses de signification.

19Les Grecs de Heidegger, en fait, n’écrivent pas, et s’ils écrivent, le moins est le mieux. Les meilleurs Grecs, pour Heidegger, semblent être ceux qui ne font qu’énoncer, et qui énoncent des substantifs isolés, lour­dement chargés de sens, avec lesquels ils opèrent des associations haute­ment sophistiquées et profondément méditées, mais tacites. Les Grecs de Heidegger composent moins des textes littéraires ou philosophiques qu’ils ne s’adressent entre eux ces termes philosophiques primordiaux. Ils se regardent, disent φύσις, et opinent lentement du chef. C’est pourquoi Heidegger doit si souvent interpréter les textes grecs qui subsistent contre leur sens apparent, car il s’efforce de les soustraire à leur condi­tion d’énoncés effectifs, situés dans un contexte, pour les restituer à leur statut originaire et pleinement authentique d’archive primordiale de la philosophie.

3. Les Grecs de Heidegger ne sont que certains Grecs

20Heidegger dit souvent « les Grecs ». Mais la plupart des anciens Grecs réels semblent lui être complètement indifférents, si ce n’est même ignorés de lui.

  • 18  « Das Wort Heraklits im Schutze der Artemis », GA, Bd. 55 (Heraklit), p. 13-19.
  • 19  « Der Ursprung des Kunstwerkes » (1935-1936), dans Holzwege, op. cit. (p. 7-68), p. 30 sqq. (= tra (...)
  • 20  « Das Denken Heraklits im Umkreis von Feuer und Streit und in der Nähe zum Spiel », GA, Bd. 55, p. (...)

21En premier lieu, il fait des Grecs la langue grecque : ce n’est que dans la mesure où les Grecs sont les producteurs de textes écrits ou locuteurs de la langue grecque qu’ils retiennent son attention. Heidegger ne mani­feste aucun intérêt à l’égard de l’histoire grecque, de la guerre grecque, de l’économie grecque, de la politique grecque, de la cuisine grecque, de la compétition sportive grecque, de l’esclavage grec, des familles grecques, des femmes grecques ou des enfants grecs, de l’existence de quoi il n’a même pas conscience. Il mentionne à peine la religion grecque, et – à une exception près, apparemment – il ne le fait que pour expliquer certains aspects de la philosophie grecque, par exemple quand il se réfère à Artémis en relation avec Héraclite18 ; l’exception en question se rencontre quand il en vient à parler du temple grec dans son essai « L’Origine de l’œuvre d’art », où il est cependant difficile de voir quelle relation, s’il en existe une, entretiennent les réflexions que Heidegger associe à cette construction avec la religion grecque telle qu’elle est com­prise par les spécialistes anciens ou modernes19. Ainsi les Grecs, que Heidegger célèbre comme les derniers représentants d’une nature encore non souillée par les défauts de la civilisation occidentale, semblent en fait ne l’intéresser que comme producteurs des monuments traditionnels de la haute culture. Mais même ici, Heidegger ignore les autre formes de haute culture, comme l’art et la sculpture, pour se concentrer exclusive­ment sur les mots de la langue grecque. De manière caractéristique, il tend à négliger les biographies des anciens penseurs. Le séminaire sur Héraclite constitue une exception, mais il ne s’agit là que de réinterpréter radicalement quelques anecdotes d’authenticité douteuse pour leur prêter un sens philosophique profond20.

  • 21  GA, Bd. 40, p. 18 ( = Introduction à la Métaphysique, trad. G. Kahn, p. 28).

22Mais en second lieu, dans le cadre même de cette technique con­sistant à transformer les Grecs en grec, Heidegger se livre à une sévère réduction générique et historique des données pertinentes. Générique­ment, seule la philosophie et les formes les plus élevées de la poésie, les épopées d’Homère, les odes de Pindare et les tragédies de Sophocle entrent dans son champ de vision. Les Grecs de Heidegger n’écrivent ni comédies, ni épigrammes, ni invectives, ni discours, ni histoires, ni romans, ni poésie amoureuse, ni lettres, ni lois, ni textes scientifiques ou médicaux ; en fait, même au sein de la poésie lyrique et de la tragédie, ils n’écrivent pas d’odes saphiques ou de tragédies euripidéennes. Histori­quement, Heidegger n’est intéressé que par la toute première période de la philosophie et de la poésie grecques. S’agissant des poètes grecs, il n’en cite apparemment aucun qui soit postérieur à Sophocle. La poésie et la prose hellénistiques – pour ne rien dire de la littérature byzantine – semblent entièrement absentes de ses lectures. Quant à la philosophie grecque, elle paraît s’éteindre au plus tard avec Platon et Aristote : « Ainsi en est-il de la philosophie des Grecs. Elle a fini dans la grandeur avec Aristote »21. Les grandes écoles de la philosophie hellénistique et im­périale – l’Académie et le Lycée, le scepticisme et le cynisme, l’épicu­risme, le stoïcisme et le néoplatonisme – n’ont laissé pratiquement aucune trace dans ses écrits. Quand il mentionne Simplicius, c’est seule­ment parce que ce dernier transmet – et déforme – des fragments de la philosophie présocratique. Seuls les présocratiques méritent sa pleine admiration – et parmi ces derniers, seuls Anaximandre, Héraclite et Parménide.

23Ainsi les Grecs de Heidegger, dans la mesure où ils sont des auteurs (et non de simples locuteurs de la langue grecque), sont les auteurs d’une toute petite sélection de textes célèbres, d’Homère à Aristote, l’accent étant mis sur le ve siècle (Héraclite, Parménide, Sophocle) plutôt que sur les périodes antérieures ou postérieures. Cette liste correspond à une sélection des auteurs du canon scolaire enseignés dans les lycées classiques allemands (Gymnasien) depuis le xixe siècle – mais investis, en l’occurrence, d’un énorme poids métaphysique.

4. Les Grecs de Heidegger sont les Grecs de Nietzsche

24La sélection très restreinte qu’opère Heidegger au sein des textes préservés de la littérature et de la philosophie grecques rappelle de manière frappante les canonisations opérées par Friedrich Nietzsche au sein du même corpus. Dans tous les domaines de la culture grecque, la préférence générale de Nietzsche pour l’archaïque dans toutes ses manifestations l’avait conduit à privilégier les périodes plus anciennes au détriment des périodes postérieures, le classique au détriment de l’hellénistique et de l’impérial, le pré-classique au détriment du classique. Certes, au sein de la poésie grecque, Nietzsche préférait de beaucoup la tragédie à tous les autres genres poétiques grecs antérieurs et plus tardifs, et au sein de la tragédie il préférait de beaucoup Sophocle à Eschyle et à Euripide. Bien sûr, dans ces choix, Nietzsche suivait simplement, ou plutôt justifiait de nouvelle façon, des préférences que l’on peut faire remonter à l’Antiquité, mais qui étaient redevenues communes au xixe siècle, spécialement dans le sillage des cours d’August Wilhelm Schlegel sur la poésie dramatique, dont l’influence fut énorme. En revanche, en marquant une préférence, au sein de la philosophie grecque, pour les présocratiques au détriment de Platon et de toute la philosophie grecque postérieure, Nietzsche innovait véritablement : son influence est ici directe. C’est avant tout Nietzsche qui légua à la pensée allemande contemporaine et postérieure l’idée que les premiers penseurs Grecs formaient une communauté idéale d’individus isolés, héroïques, polé­miques et incompris, dont les intuitions philosophiques fragmentaires étaient plus nobles et plus profondes que celles des écoles optimistes, ba­nales et systématiques qui suivirent la césure marquée par Socrate et Platon. On peut même jusqu’à un certain point soutenir que Nietzsche a « inventé » le concept de philosophie présocratique.

25Heidegger met l’accent sur les mêmes Grecs que Nietzsche, à ceci près que Socrate, qui joue un rôle négatif crucial dans la compréhension que Nietzsche a de la philosophie grecque, est apparemment entière­ment absent des écrits de Heidegger – pour Heidegger le monologique et l’anti-platonicien, Socrate est probablement trop dialogique, ou trop dif­ficile à séparer de Platon. Parmi les présocratiques, Heidegger semble préférer plus que tout autre Héraclite qui, dans l’esprit de beaucoup d’Allemands, était étroitement lié à Nietzsche. Ce dernier avait de fait lui-même assigné à Héraclite une éminence et un pathos particuliers au sein de ceux qu’il appelait « les tyrans de l’esprit », à titre de représentant le plus tragiquement philosophique et le plus philosophiquement tragique de la « philosophie à l’âge tragique », et il n’est pas jusqu’à Hermann Diels, grand adversaire de Nietzsche, qui n’ait relevé, dans la préface de son édition critique des fragments d’Héraclite, les affinités entre l’ancien philosophe grec et le philosophe allemand contemporain. N’exprimaient-ils pas tous deux leur philosophie sous forme d’aphorismes frappants, mémorables et hautement métaphoriques, n’adoptaient-ils pas l’un et l’autre une attitude violemment polémique à l’égard des idéologies domi­nantes de leur époque, ne s’adressaient-ils pas tous deux à une élite spiri­tuelle, n’étaient-ils pas tous deux notoirement affectés de mélancolie ?

26Il existe naturellement des différences indéniables entre l’inter­prétation heideggérienne des présocratiques, s’agissant notamment d’Héraclite, et celle de Nietzsche. Heidegger se donne lui-même souvent beaucoup de mal pour souligner ces différences, créant par là l’impres­sion qu’il est plus indépendant des conceptions de Nietzsche sur la philosophie grecque qu’il ne l’est en réalité. En fait, Heidegger semble user de Nietzsche comme d’un moyen tactique pour se situer lui-même au-dessus de et en opposition à d’autres manières contemporaines de lire la philosophie grecque.

  • 22  H. Cohen, Schriften zur Philosophie und Zeitgeschichte, hrsg. von A. Görland & E. Cassirer, Bd. 2, (...)

27Heidegger avait en particulier à négocier entre deux approches très différentes qui, à l’époque, dominaient la culture intellectuelle allemande. D’un côté se tenaient les philologues classiques, qui réclamaient la philo­sophie grecque comme leur bien propre parce qu’elle était la philosophie grecque. Des savants comme Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff (dans des ouvrages tels que Aristoteles und Athen, 1893, Platon : sein Leben und seine Werke, 1918) développaient une interprétation résolument histori­sante et positiviste des œuvres, soulignant les contextes biographique, historique et politique qui étaient à l’origine de leur production et leur déniant explicitement toute validité philosophique permanente. D’un autre côté, les philosophes allemands contemporains, et surtout les néokantiens de Marbourg, réclamaient la philosophie grecque comme leur bien propre, parce qu’elle était la philosophie grecque. Des philo­sophes comme Hermann Cohen (« Platons Ideenlehre und die Mathe­matik »22) et Paul Natorp (Platos Ideenlehre : eine Einführung in den Idealismus, 1903, 21921) justifiaient ce qu’ils considéraient être la pertinence philoso­phique persistante des philosophes grecs, et en particulier (quoique non exclusivement) celle de Platon, en voyant dans leurs écrits autant de tentatives d’affronter les mêmes problèmes que ceux qu’ils identifiaient dans les œuvres de Kant. Quiconque ne souhaitait ni réduire la philo­sophie grecque aux circonstances uniques et non répétables, qu’elles fussent personnelles ou sociales, qui lui avaient donné naissance, ni justifier une prétention de la philosophie grecque à la validité pérenne en l’identifiant avec une étape particulière de la philosophie idéaliste allemande, devait d’une manière ou d’une autre trouver une médiation entre ces deux camps ennemis. Un exemple en est Julius Stenzel (Studien zur Entwicklung der platonischen Dialektik von Sokrates bis Aristoteles, 1917, Zahl und Gestalt bei Platon und Aristoteles, 1924, Platon der Erzieher, 1928), qui déploya beaucoup d’efforts pour rejeter explicitement les deux positions extrêmes, tout en trouvant lui-même difficile, si ce n’est impos­sible, de tracer un portrait philosophiquement cohérent de Platon qui fût radicalement différent des grandes lignes de l’interprétation de l’école de Marbourg.

28Se concentrer sur Platon dans l’Allemagne des années 1920 sans en finir une fois pour toutes avec d’un côté les néokantiens de Marbourg et de l’autre Wilamowitz et ses disciples aurait été extrêmement difficile, et peut-être impossible. En adoptant le canon de Nietzsche, Heidegger se mettait en position d’éviter ce dilemme en se concentrant à la place sur les présocratiques, que les néokantiens et Wilamowitz avaient largement négligés, mais vers lesquels beaucoup de spécialistes de l’antiquité clas­sique s’étaient tournés depuis la première guerre mondiale. Heidegger pouvait ainsi sembler à la fois non conformiste et dans le vent. En même temps, il pouvait donner l’impression de participer à une culture intellec­tuelle plus large, et pas seulement disciplinaire : il pouvait sauver les Grecs des professeurs de grec, et les philosophes grecs des professeurs de philosophie.

5. Les Grecs de Heidegger sont des Allemands en toge

29Heidegger ignore, supprime ou dissout par le biais de l’interprétation beaucoup de ce qui est typiquement grec : dans l’ancienne Grèce de Heidegger, il n’y a pas d’homosexualité, pas d’hétérosexualité, pas d’athlétisme, pas de guerre, pas de vin, pas de chant, pas de colère, pas de rire, pas de peur, pas de superstition. En lieu et place, Heidegger se concentre sur les aspects des anciens Grecs qui anticipent les valeurs qu’il voudrait voir adopter par les Allemands : réflexivité, réceptivité, amour de la nature, admiration pour les grands poètes et penseurs, sensibilité au langage, « Kampf » (combat social et politique) ou « Gelassenheit » (calme et résignation) – selon les circonstances politiques. Dans la mesure où les Allemands de Heidegger sont encouragés à prendre les Grecs pour modèle, les Allemands de Heidegger sont des Grecs en Lederhosen ; mais puisque les Grecs de Heidegger sont en fait une version idéalisée de certaines vertus spécifiquement allemandes et puisque les idéalisations des Grecs sont en fin de compte toutes d’inspi­ration romaine, les Grecs de Heidegger peuvent être finalement décrits comme des Allemands en toge.

30Les Grecs de Heidegger sont les premiers Européens, non seulement parce qu’ils ont posé les fondations de tout ce qui en est dérivé de bon, mais aussi par les mauvaises traditions qu’ils ont fondées. Ce qui rend les Grecs de Heidegger en fin de compte si allemands, c’est qu’ils sont déjà pleinement victimes de la chute qui leur fait abandonner la φύσις pour la technologie, chute que toute l’histoire européenne va répéter à grande échelle. Déjà Platon et Aristote trahissent la philosophie grecque et la mettent au service de l’optimisme, de la réification et de la « science » (« Wissenschaft »). Au moment où surgissent les premiers documents de la pensée grecque à avoir survécu, il est déjà presque trop tard. Ceci avait été un des points centraux de la première philosophie de Nietzsche, déjà clairement esquissés dans la Naissance de la tragédie. Pour Nietzsche, comme pour Heidegger, l’histoire européenne – et cela signifie, pour les deux penseurs, essentiellement l’histoire allemande – ne fait que répéter, amplifier et accomplir le modèle grec.

31Si Heidegger peut donc être considéré comme donnant aux Grecs les traits des Allemands, il peut simultanément être compris comme se pré­sentant lui-même sous les traits d’un Grec. Il adore souligner ce qu’il pense être des affinités entre les pratiques et les langues alémanique et souabe, d’une part, et celles des Grecs d’autre part. Et son style d’écriture particulier – avec ses jeux de mots, son exploration des possibilités étymologiques, ses néologismes, et notamment sa façon de prendre des mots du langage ordinaire pour les substantiver en concepts philoso­phiques – produit sur le lecteur allemand un effet assez similaire à celui que les écrits d’Aristote doivent avoir produit sur leurs lecteurs grecs (si l’on néglige le contraste entre l’extrême brachylogie d’Aristote et la proli­xité non moins extrême de Heidegger). Que Heidegger ait pris consciem­ment ou non Aristote pour modèle de son propre style – on se rapellera que les œuvres d’Aristote furent celles que le jeune Heidegger étudia le plus intensément de tous les textes grecs –, je ne peux m’empêcher de penser que l’expérience de lire Heidegger en allemand présente une ressemblance frappante avec celle de lire Aristote en grec. Il pourrait valoir la peine de rassembler sérieusement la documentation linguistique qui serait nécessaire pour confirmer ou réfuter cette intuition.

6. Les Grecs de Heidegger ne sont pas les Grecs – c’est précisé­ment la raison pour laquelle ils nous intéressent

32Pour le spécialiste des études classiques, il n’y a presque rien d’intéressant dans le travail de Heidegger sur la philosophie et la poésie grecques – ce qui en dit certainement autant sur les antiquisants professionnels que sur Heidegger. Le travail de Heidegger demeure de leur point de vue tout à fait marginal, si l’on excepte quelques très rares antiquisants qui sont eux-mêmes largement marginaux. L’étude profes­sionnelle de la philosophie ancienne en Angleterre et en Amérique l’ignore largement ; il y a quelques exceptions en France et en Italie. L’intérêt pour son travail sur la philosophie ancienne est beaucoup plus grand parmi les professeurs de philosophie allemands, mais cela est dû à l’influence que Heidegger lui-même a longtemps exercée et qui semble à présent s’éteindre. Autrement dit, la réception du travail de Heidegger sur la philosophie grecque parmi les philosophes allemands relève de la philosophie allemande, pas des études classiques allemandes ; l’antago­nisme entre Heidegger et les antiquisants de profession, qu’il a alimenté, s’est prolongé après sa mort. La situation est assez différente dans le cas des études germaniques. Le travail de Heidegger sur Hölderlin, par exem­ple, a fortement influencé les études hölderliniennes, au moins à titre de réaction contre Heidegger, et pas seulement en Allemagne. Cela peut en partie être dû aux différences entre les relations institutionelles et profes­sionnelles, en Allemagne et ailleurs, entre les études classiques et la philo­sophie d’une part, les études germaniques et la philosophie d’autre part.

33Ce qui est intéressant chez les Grecs de Heidegger, ce n’est pas qu’ils soient grecs, mais qu’ils soient allemands, et qu’ils soient les Grecs de Heidegger. Comme allemands, ils offrent un exemple particulièrement frappant du besoin allemand traditionnel (bien qu’en voie de disparition rapide) d’auto-légitimation par appel aux Grecs. C’est là un phénomène complexe, dont trois aspects au moins sont particulièrement frappants : un malaise profond à l’égard de la modernité ; le besoin de se distinguer du modèle français, qui était largement fondé sur Rome ; et la pluralité des confessions, qui signifiait que le christianisme ne pouvait offrir de solution, mais seulement une série de problèmes. Heidegger présuppose tacitement une science de l’antiquité (« Altertumswissenschaft ») largement allemande dans l’usage qu’il fait des éditions, des commentaires, des lexiques, et des dictionnaires étymologiques ; sa croyance évidente qu’il lui suffit d’affirmer le privilège historique mondial des anciens Grecs sur les autres cultures sans avoir à l’expliquer ou à le défendre en détail pré­suppose tacitement le philhellénisme allemand ; sa croyance non moins évidente qu’il lui suffit d’affirmer la supériorité des premiers Grecs sur les Grecs plus tardifs sans avoir davantage à l’expliquer ou à la défendre présuppose tacitement une nostalgie des origines typiquement allemande et spécifiquement nietzschéenne. De tous ces points de vue, Heidegger est un penseur allemand absolument typique, qui ne diffère d’autres, si tel est le cas, que par le caractère extrême de certaines de ses positions.

34Ce qui distingue Heidegger le plus significativement d’autres repré­sentants du philhellénisme allemand depuis la fin du xviiie siècle, c’est l’intensité passionnée de son absorption des anciens textes grecs et son aptitude à communiquer cette intensité à ses lecteurs, et spécialement à ceux qui n’ont pas ou n’ont que peu de connaissance des anciens Grecs eux-mêmes. La patience extraordinaire avec laquelle ils accueillent son ton moralisant et ses longues interprétations obscures est un témoignage remarquable du pouvoir que possèdent les anciens Grecs, quelle que soit la façon dont ils sont médiatisés, de fasciner les lecteurs jusque dans notre propre siècle.

35La plupart des spécialistes de l’Antiquité ignorent Heidegger ; le petit nombre de ceux qui ne l’ignorent pas déplore son existence. C’est là une erreur. Les Grecs survivront probablement à Heidegger, ils en ont vu d’autres. Et si c’est le cas, ce sera en partie grâce à ses mérites.

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Notes

1  « Im Zeitalter der ersten und maßgebenden Entfaltung der abendländischen Philosophie bei den Griechen, durch die das Fragen nach dem Seienden als solchem im Ganzen seinen wahrhaften Anfang nahm, nannte man das Seiende φσις », Einführung in die Metaphysik, Tübingen 1953, 41976 = Gesamtausgabe (dorénavant GA), Frankfurt-am-Main, Bd. 40, p. 15 ( = Introduction à la Métaphysique, traduit de l’allemand et présenté par Gilbert Kahn, Paris, Gallimard, 1967, p. 25 sq.). (Les citations de Heidegger sont en principe traduites directement de l’alle­mand : la référence aux traductions françaises existantes n’est donnée que pour faciliter la consultation.)

2  « Die Griechen haben nicht erst an den Naturvorgängen erfahren, was φσις ist », ibid., p. 17 (= trad. G. Kahn, p. 27).

3  « Das Seiende als solches im Ganzen nennen die Griechen φσις », ibid., p. 18. (= trad. G. Kahn, p. 28).

4  « Wir setzen dem Physischen das »Psychische« , das Seelische, Beseelte, Lebendige entgegen. All dieses aber gehört für die Griechen auch später noch zur φσις. Als Gegenerscheinung tritt heraus, was die Griechen θσις Setzung, Satzung nennen oder νμος, Gesetz, Regel im Sinne des Sittlichen », ibid., p. 18 (= trad. G. Kahn, p. 29).

5  « Für die Griechen aber bedeutet »das Sein« die Anwesung in das Unverborgene », « Vom Wesen und Begriff der Φύσις. Aristoteles, Physik Β, 1 », GA, Bd. 9, p. 270 ( = « Ce qu’est et comment se détermine la φύσις », traduit par François Fédier, dans Questions II, Paris, Gallimard, 1968, p. 224).

6  « Aristoteles […] bewahrt nur das, was die Griechen von jeher als das Wesen des λγειν erkannten », ibid., p. 279 (= trad. F. Fédier, p. 238).

7  « An sich hat λγειν mit Sagen und Sprache nichts zu tun; wenn jedoch die Griechen das Sagen als λγειν begreifen, dann liegt darin eine einzigartige Auslegung des Wesens von Wort und Sage, deren noch unbetretene Abgründe keine spätere »Sprachphilosophie« je wieder ahnen konnte », ibid., p. 280 (= trad. F. Fédier, p. 239).

8  « …das Entscheidende […] besteht darin, daß die Griechen die Bewegtheit aus der Ruhe begreifen », ibid., p. 283-284 (= trad. F. Fédier, p. 245).

9  Cf. p. ex. « Der Spruch des Anaximander » (1946) dans Holzwege, Frankfurt a. M., 1950, p. 309-310 ( = « La parole d’Anaximandre », dans Chemins qui ne mènent nulle part, traduit de l’allemand par Wolfgang Brokmeier, Paris, Gallimard, 1962, p. 274).

10  « Inmitten der Wissenschaften denken, heißt : an ihnen vorbeigehen, ohne sie zu verachten », « Nietzsches Wort ”Gott ist tot“ », dans Holzwege, op. cit., p. 195 ( = « Le mot de Nietzsche “Dieu est mort” », trad. W. Brokmeier, p. 175).

11  « Brief über den “Humanismus” », Bern 1947, Frankfurt am Main 1949, 71974, aujourd’hui dans GA, Bd. 9 (p. 313-364), p. 320 ( = Lettre sur l’humanisme, texte alle­mand traduit et présenté par Roger Munier, nouvelle édition revue, Paris, 1964, p. 47).

12  Ibid., p. 330, 334 (= trad. R. Munier, p. 75, 85 sq.).

13  « Das Inhumane », ibid., p. 345-346, 348 (= trad. R. Munier, p. 121, 127).

14  Ibid., p. 342, 352 ( = trad. R. Munier, p. 107 sq., 137 sq.).

15  Cf. p. ex. « Nietzsches Wort “Gott ist tot” », dans Holzwege, op. cit., p. 202-203.

16  GA, Bd. 40, p. 8-9 ( = Introduction à la Métaphysique, trad. G. Kahn, p. 19 sq.).

17  Was heisst Denken, Tübingen, 1954, p. 105-149 ( = Qu’appelle-t-on penser ?, traduit de l’allemand par Aloys Becker et Gérard Granel, Paris, PUF, 1959, 41983 (Épiméthée), p. 165-226).

18  « Das Wort Heraklits im Schutze der Artemis », GA, Bd. 55 (Heraklit), p. 13-19.

19  « Der Ursprung des Kunstwerkes » (1935-1936), dans Holzwege, op. cit. (p. 7-68), p. 30 sqq. (= trad. W. Brokmeier, p. 31 sqq.).

20  « Das Denken Heraklits im Umkreis von Feuer und Streit und in der Nähe zum Spiel », GA, Bd. 55, p. 6-13.

21  GA, Bd. 40, p. 18 ( = Introduction à la Métaphysique, trad. G. Kahn, p. 28).

22  H. Cohen, Schriften zur Philosophie und Zeitgeschichte, hrsg. von A. Görland & E. Cassirer, Bd. 2, Berlin, 1928, p. 336-366. Trad. fr. par M. de Launay et C. Prompsy dans Néokantismes et théories de la connaissance, Paris, 2000, p. 13-48.

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Pour citer cet article

Référence papier

Glenn W. Most, « Les Grecs de Heidegger »Philosophie antique, 4 | 2004, 169-184.

Référence électronique

Glenn W. Most, « Les Grecs de Heidegger »Philosophie antique [En ligne], 4 | 2004, mis en ligne le 26 juin 2024, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosant/8783 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vt3

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Traducteur

André Laks

École normale supérieure de Pise ; Université de Chicago

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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