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Des logia pour philosophie

À propos du titre de la Philosophie tirée des oracles de Porphyre
Aude Busine
p. 151-168

Résumés

Cet article se propose d’analyser la signification de l’ouvrage Sur la philosophie tirée des oracles de Porphyre à la lumière du titre que l’auteur donna à son traité. Dans un premier temps, il envisage l’intitulé grec Περὶ τῆς ἐκ λογίων φιλοσοφίας en fonction du statut novateur que le philosophe de Tyr accorde aux traditionnels oracles, qui sont désormais source d’enseignement philoso­phique pour l’homme en quête de salut. Dans un second temps, le traité por­phyrien, dont le titre précise qu’il s’inspire de logia, est placé dans le contexte de la polémique autour des révélations divines qui opposait à l’époque penseurs païens et chrétiens.

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Texte intégral

Une version anglaise de cet article a été publiée en 2003-2004 dans un numéro spécial d’Apeiron (voir infra n. 30). La version originale en langue française (traduction par Étienne Helmer, avec le soutien du Leverhulme Trust) a fait l’objet d’une présentation, en mars 2003, à l’intention de l’unité de recherche « Savoirs et Textes » de l’Université Charles-de-Gaulle Lille III, pendant un séjour comme professeur invité par l’Institut universitaire de France. Je remercie mes auditeurs pour leurs nombreuses et précieuses suggestions, et André Laks pour avoir organisé ce qui fut pour moi un séjour hautement productif et profitable à Lille.

  • 1  Sur les soixante-quinze œuvres répertoriées par A. Smith, seules onze ont été conservées dans leur (...)
  • 2  Pour une vue d’ensemble de ces discussions, voir A. Smith 1987.

1Au carrefour des traditions orientales et occidentales, l’œuvre en­cyclopédique du philosophe néoplatonicien Porphyre compte parmi les plus remarquables victimes des naufrages littéraires antiques1 : bien des aspects du corpus porphyrien nous échappent complètement, à tel point que les spécialistes ne parviennent pas à s’accorder sur la chronologie – qu’elle soit relative ou absolue – des différents ouvrages, sur l’attribution des fragments, ni même sur les titres originaux des différents traités2.

Un titre assuré pour un ouvrage peu connu

2La Philosophie tirée des oracles n’a, pour sa part, pas échappé au triste sort du corpus porphyrien : le traité nous est accessible aujourd’hui uniquement par le biais de quelques passages livrés par les auteurs chrétiens, tels Eusèbe, Augustin, Théodoret, Firmicus Maternus, Jean Philopon et l’auteur anonyme de la Théosophie. Pour cette raison, l’ouvrage pose encore de nos jours divers problèmes d’interprétation majeurs, qui concernent tant la date de sa composition que sa nature ou encore sa portée.

  • 3  Eusèbe, Praep. ev., III, 14, 4 ; IV, 1, 1 ; IV, 6, 3 ; IV, 8, 4 ; IV, 19, 8 ; V, 5, 7 ; VI, 1, 1 ; (...)

3Malgré les nombreuses lacunes que présente aujourd’hui l’œuvre, nous sommes heureusement assurés de l’intitulé que lui donna Por­phyre. En effet, lorsqu’Eusèbe se réfère à des passages du traité por­phyrien, il utilise à huit reprises le verbe technique ἐπιγράφω (« j’inti­tule ») qui assure, à lui seul, un gage d’authenticité au titre Περὶ τῆς ἐκ λογίων φιλοσοφίας retranscrit par l’évêque de Césarée3.

  • 4  Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, XIII, 4-5 : in libris enim quos appel­lat Περὶ (...)
  • 5  Voir par exemple Cicéron, De amicitia, 6 ; Academica, 2, 13.

4En outre, le même titre est reproduit en langue grecque par les auteurs latins Firmicus Maternus et Augustin4. Le verbe appellare qui introduit le libellé grec peut, lui aussi, revêtir le sens précis de « donner un nom »5.

  • 6  À ce propos, voir H. Zilliacus 1938 ; E. Nachmanson 1941, n° 19 et, plus récem­ment, J.‑C. Fredoui (...)

5Alors que l’on mesure aujourd’hui toute l’importance des titres des œuvres antiques6, il faut regretter que celui de la Philosophie tirée des oracles n’ait jamais été pris en compte par les commentateurs pour tenter de comprendre la portée de cet ouvrage encore si énigmatique. Cet article tentera de combler ce manque par la mise en perspective du titre que Porphyre choisit de donner à son ouvrage.

« Une philosophie révélée … »

6Comme l’annonce le titre de la Philosophie tirée des oracles que livrent les sources chrétiennes, le traité de Porphyre cherchait à transmettre une philosophie à partir de textes révélés par les dieux. Les fragments du traité rapportent en effet des oracles des dieux païens, d’Apollon pour l’essentiel, mais aussi d’Hécate, de Sarapis et de Pan, qui sont dans de rares cas encore accompagnés du commentaire que l’auteur leur avait appliqué.

  • 7  Sur ce prologue, voir les brèves analyses, souvent accompagnées de propositions de traduction, de (...)

7On peut se faire une idée plus précise du sens que l’auteur a voulu conférer à un tel libellé grâce aux trois importants extraits du prologue de l’ouvrage reproduits par Eusèbe7.

  • 8  Eusèbe, Praep. ev. IV, 7, 1= Porphyre F 303 (Smith).

8Tout d’abord, dans le premier fragment8, on apprend que la Philo­sophie tirée des oracles est destinée à qui puise dans les oracles, « comme en l’unique source sûre, les espérances d’obtenir le salut » (ὡς ἂν ἐκ μόνου βεβαίου τὰς ἐλπίδας τοῦ σωθῆναι ἀρυτόμενος). Porphyre précise qu’il n’a « rien ajouté ni rien retranché des conceptions des oracles » (οὔτε προστέθεικα οὔτε ἀφεῖλον τῶν χρησθέντων νοημάτων) et s’il avoue avoir parfois complété un vers défectueux, il jure, et prend les dieux à témoin, « qu’il a conservé pure la pensée des oracles » (ὡς τόν γε νοῦν ἀκραιφνῆ τῶν ῥηθέντων διετήρησα).

9Ensuite, lorsqu’il livre le programme de l’œuvre, Porphyre fournit quelques précisions sur le contenu de son traité :

La présente collection consignera un grand nombre des principes philo­sophiques conformes à ce que les dieux ont révélé être la vérité.

Ἕξει δὲ ἡ παροῦσα συναγωγὴ πολλῶν μὲν τῶν κατὰ φιλοσοφίαν δογμάτων ἀναγραφήν, ὡς οἱ θεοὶ τἀληθὲς ἔχειν ἐθέσπισαν.

  • 9  Nous ne discuterons pas ici le sens à donner à cette expression. Soulignons toutefois que tous les (...)

10Il précise ensuite qu’une petite partie de l’ouvrage est consacrée à la chrestike pragmateia (τῆς χρηστικῆς... πραγματείας)9, « qui pourra aider à la contemplation et également à la purification de la vie » (ἥτις πρός τε τὴν θεωρίαν ὀνήσει καὶ τὴν ἄλλην κάθαρσιν τοῦ βίου), et déclare fina­lement que

l’utilité de cette collection sera facilement perceptible par ceux qui ont douloureusement cherché à enfanter la vérité et qui ont un jour prié pour trouver dans l’expérience d’une apparition divine un terme à leur perple­xité, grâce à l’enseignement digne de foi donné par les dieux qui parlent.

  • 10  Eusèbe, Praep. ev. IV, 7, 2= Porphyre F 303 (Smith).

Ἣν δ’ ἔχει ὠφέλειαν ἡ συναγωγή, μάλιστα εἴσονται ὅσοιπερ τὴν ἀλήθειαν ὠδίναντες ηὔξαντό ποτε τῆς ἐκ θεῶν ἐπιφανείας τυχόν­τες ἀνάπαυσιν λαβεῖν τῆς ἀπορίας διὰ τὴν τῶν λεγόντων ἀξιόπισ­τον διδασκαλίαν10.

  • 11  Eusèbe, Praep. ev. IV, 8, 1= Porphyre F 304 (Smith).

11Dans le deuxième fragment du prologue11, Porphyre avertit son lecteur de ne pas divulguer les oracles aux profanes, précisant que ces textes « doivent être livrés à ceux qui ont disposé leur vie en vue du salut de leur âme » (δοτέον δὴ τοῖς τὸν βίου ἐνστησαμένοις πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς σωτηρίαν).

  • 12  Eusèbe, Praep. ev. IV, 8, 2= Porphyre F 305 (Smith).

12Finalement, Porphyre rappelle qu’il faut tenir cachés les textes ora­culaires qu’il livre « car les dieux n’ont pas prophétisé clairement sur ces questions, mais ils se sont exprimés par énigmes » (οὐδὲ γὰρ οἱ θεοὶ φανερῶς περὶ αὐτῶν ἐθέσπισαν, ἀλλὰ δι’ αἰνιγμάτων)12.

13Les fragments du prologue nous éclairent ainsi davantage sur le sens que Porphyre donna au titre de la Philosophie tirée des oracles : le phi­losophe de Tyr a voulu montrer que son ouvrage dévoile, d’un côté, en quoi les oracles des dieux pouvaient être une source d’enseignement phi­losophique et, de l’autre, comment certaines révélations divines pou­vaient fournir à l’homme en quête de salut des questions plus pratiques qui puissent l’aider à la contemplation et à la purification de sa vie. Rappelant en outre la portée mystérique de ces textes, Porphyre explique que l’obscurité des oracles le pousse à en décoder le sens premier et à proposer aux initiés un redressement de la signification, en apparence énigmatique, des révélations divines.

14Quant aux descriptions chrétiennes de l’ouvrage, elles précisent encore le fait que la Philosophie tirée des oracles vise à « tirer une certaine philosophie à partir de révélations divines ». Ainsi, d’après Augustin,

dans les livres auxquels il donne le nom de Philosophie tirée des oracles, il expose et consigne des réponses prétendument divines sur des matières touchant à la philosophie.

  • 13  Augustin, De civitate Dei, XIX, 23, 1 = Porphyre F 343 (Smith).

In libris quos ἐκ λογίων φιλοσοφίας appellat, in quibus exequitur atque conscribit rerum ad philosophiam pertinentium velut divina responsa13.

15Si l’on se fie à Eusèbe, Porphyre a rassemblé dans ce traité les oracles des dieux et démons, dans l’intention

de démontrer la vertu que l’on retire de ces discours provenant des dieux et d’exhorter les hommes à ce qu’il lui plaît d’appeler la théosophie.

  • 14  Eusèbe, Praep. ev. IV, 6, 3. Je m’éloigne ici en substance de la traduction d’O. Zink 1979, p. 119 (...)

εἴς τε ἀπόδειξιν τῆς τῶν θεολογουμένων ἀρετῆς εἴς τε προτροπὴν ἧς αὐτῷ φίλον ὀνομάζειν θεοσοφίας14.

  • 15  Porphyre, Lettre à Marcella, 16 : ἡ δὲ ὁμοίωσις ἔσται διὰ μόνης ἀρετῆς· μόνη γὰρ ἀρετὴ τὴν ψυχὴν ἄ (...)
  • 16  Voir H. Lewy 1978, p. 444 ; J.‑L. Siémons 1988 ; P.F. Beatrice 1995, p. 413-414 ; Id. 2001, p. xxi (...)
  • 17  Eusèbe, Praep. ev. V, 5, 7= Porphyre F 307 (Smith).

16Chez Porphyre, la notion d’ἀρετή est un élément indispensable pour la purification de l’âme de l’homme pieux, comme en témoigne superbement la Lettre à Marcella15. Aussi la Philosophie tirée des oracles se propose-t‑elle d’ouvrir la voie vers la vertu, et ce par une compréhen­sion adéquate de la θεοσοφία, terme que Porphyre a probablement lui-même inventé pour désigner cette « sagesse venue des dieux » que consignent les oracles16. Eusèbe précise ensuite que l’ouvrage de Porphyre n’a pas prétendu dévoiler les secrets concernant les dieux (μὴ τὰ ἀπόρρητα τῶν θεῶν ἐκφαίνειν)17.

17Tant les fragments de l’œuvre de Porphyre eux-mêmes que les descriptions qu’en firent les auteurs chrétiens relatent donc le statut novateur que Porphyre voulait accorder aux révélations traditionnelles des dieux païens, en faisant de celles-ci une source pour l’enseignement des doctrines philosophiques.

  • 18  Plutarque, L’E de Delphes, 385b.
  • 19  Théon de Smyrne, p. 14, 17-16, 2 (Hiller).

18Certains philosophes de la « renaissance platonicienne » du iie siècle avaient déjà insisté dans leurs théories philosophiques sur l’importance du rôle des révélations divines dans la quête de vérité. On sait que Plutarque annonçait d’emblée que « le dieu n’était pas moins philosophe que devin » (οὐχ ἧττον ὁ θεὸς φιλόσοφος ἢ μάντις)18. Quant à Théon de Smyrne, il a systématiquement comparé la philosophie platonicienne aux différents degrés de l’initiation aux mystères19. Lorsque Maxime de Tyr s’interroge sur la nature du divin chez Platon (τί ποτέ ἐστι τὸ θεῖον κατὰ Πλάτωνα), il est même prêt à s’en remettre aux enseignements que lui dévoileraient les oracles des dieux :

Ah ! que n’ai-je à consulter quelque oracle, qu’il soit de Zeus ou d’Apol­lon, pourvu qu’il voulût répondre d’une manière ni obscure ni ambiguë.

  • 20  Maxime de Tyr, Dissertationes, XI, 2 et XI, 6. Trad. H.‑D. Saffrey.

Εἴθε μοι μαντεῖον ἦν ἐκ Διὸς ἢ Ἀπόλλωνος, οὐ λοξὰ χρησμῳδοῦν οὐδὲ ἀμφίβολα20.

  • 21  Voir notamment E.R. Dodds 1963, p. xviii-xxvi ; H.‑D. Saffrey 1996 ; P. Atha­nassiadi 1999 ; L. Br (...)

19En choisissant un tel titre pour la Philosophie tirée des oracles, Porphyre accorda désormais ses lettres de noblesse à cette nouvelle approche de la philosophie, progressivement élaborée dans un monde où la révélation divine était devenue le moyen privilégié pour atteindre la vérité21. Aussi peut-on mieux comprendre la position charnière de l’œuvre de Porphyre, sorte de trait d’union entre la philosophie rationnelle de Plotin et celle des philosophes postérieurs, comme Jamblique et Proclus, dictée par la théologisation du rite, des prières et, en somme, par la théurgie.

« … à partir de logia »

  • 22  Voir, par exemple, les témoignages de Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, XIII, 4  (...)

20Si la Philosophie tirée des oracles se révèle, du moins dans les fragments qui nous sont conservés, être un écrit d’école destiné à fournir une exégèse symbolique d’oracles païens, ce traité a souvent été réutilisé par les chrétiens dans leurs ouvrages polémiques et apologétiques dans l’intention de démontrer l’absurdité et le caractère démonique des rites païens, ainsi que la faiblesse et la perfidie des arguments de Porphyre. Ils semblent même avoir vu dans l’ouvrage de Porphyre une opposition à leur foi22.

  • 23  G. Wolff 1856, p. 38; A. von Harnack 1916, p. 3-5; J. Bidez 1913, p. 16; T.D. Barnes 1973; Id. 199 (...)

21Rappelons brièvement que les commentateurs modernes considèrent généralement la Philosophie tirée des oracles comme une première attaque portée au christianisme, tentative quelque peu maladroite que Porphyre aurait reprise et améliorée dans son ouvrage Contre les chrétiens, qu’il aurait rédigé par la suite en Sicile23.

  • 24  Voir P.F. Beatrice 1988; Id. 1991, p. 119-138; Id. 1992a; Id. 1994; Id. 1997; contra G. Madec 1992 (...)
  • 25  P.F. Beatrice 1989.

22Radicalement opposé à ces vues, P.F. Beatrice a avancé une hypo­thèse aussi novatrice qu’audacieuse, qui implique une révision totale des publications de G. Wolff et d’A. von Harnack. Pour résumer, le spécia­liste italien propose l’hypothèse selon laquelle Porphyre n’aurait rédigé qu’un seul ouvrage de polémique anti-chrétienne, intitulé Philosophie tirée des oracles, dans lequel il faudrait dès lors inclure, notamment, la plupart des fragments rapportés traditionnellement, depuis A. von Harnack, au Contre les chrétiens, à l’exception des fragments de l’adversaire anonyme de Macarios de Magnésie24. Ainsi, pour le spécialiste italien, les extraits des κατὰ φιλοσοφίαν δόγματα, qu’annonce le prologue de Porphyre, de­vaient avant toutes choses contenir des doctrines des philosophes, et notamment des extraits des Ennéades de Plotin, auxquels Augustin fait allusion en évoquant ses lectures platoniciennes à Milan25.

  • 26  R. Goulet 2004.

23R. Goulet a récemment réfuté ces interprétations polémisantes de la Philosophie tirée des oracles, en affirmant que cet ouvrage de Porphyre n’était en rien une œuvre de polémique anti-chrétienne, que « la perspective anti-chrétienne n’était pas inscrite dans la forme de l’ouvrage », et qu’il fallait davantage se fier au prologue de l’ouvrage, dans lequel l’auteur destinait son écrit aux seuls philosophes païens26.

  • 27  Porphyre FF 343, 344, 345, 346 (Smith). Voir notamment J.J. O’Meara 1959, p. 49-61 ; M.B. Simmons (...)

24Il ne s’agit pas tant de se prononcer ici sur ce débat sensible que d’apporter une nouvelle pièce au dossier. Que la Philosophie tirée des oracles ait été directement adressée aux chrétiens (thèse de P.F. Beatrice) ou qu’elle ait été, au contraire, strictement réservée aux philosophes païens en quête de vérité (thèse de R. Goulet), l’ouvrage comportait manifes­tement une critique à l’encontre de la religion chrétienne. On retrouve notamment cette critique dans les discussions relatives au Christ et aux chrétiens. En effet, Eusèbe et Augustin rapportent que Porphyre fit usage de prophéties d’Apollon et d’Hécate pour affirmer la mortalité et la souffrance du Christ, voulant par là montrer que les chrétiens véné­raient le Christ comme s’il était un dieu, et non pas un homme sage et pieux, et qu’ils seraient de la sorte tombés dans l’erreur27.

  • 28  Voir A. Kofsky 2000, p. 250-275; A. Busine 2003.

25Il faut cependant noter que l’ampleur et la portée de la dimension polémique de la Philosophie tirée des oracles se dérobent singulièrement à toute analyse fondée sur les fragments qui lui sont attribués avec cer­titude. En effet, lorsqu’ils en citèrent des passages, les auteurs chrétiens n’ont que très rarement utilisé les éventuels arguments de Porphyre contre le christianisme et se sont davantage référés au traité dans le but de démontrer la perversité et la nature démonique des soi-disant dieux de leurs adversaires païens28.

  • 29  Par exemple, Origène, Contre Celse, II, 47, 9 ; VII, 68, 40 ; VIII, 1, 3, etc. Sur le titre provoc (...)

26Dans ce contexte, il semble également utile d’envisager le titre que donna Porphyre à son traité, à savoir Περὶ τῆς ἐκ λογίων φιλοσοφίας, en fonction de la contestation du christianisme développée par le philo­sophe de Tyr. On sait en effet que les titres donnés à leurs ouvrages par certains philosophes païens comportaient parfois une part de provoca­tion à l’égard de la religion chrétienne : ainsi, l’intitulé Ἀλη­θὴς λόγος (« Discours véritable ») du pamphlet anti-chrétien de Celse fut vivement contesté par Origène, qui en dénonça le caractère ambitieux, usurpateur et frauduleux29.

27On proposera ici l’hypothèse selon laquelle Porphyre, tout comme Celse, ne choisit probablement pas innocemment le titre de la Philosophie tirée des oracles. Au contraire, il y a fort à parier que le titre de l’ouvrage, qui prétendait exposer les doctrines philosophiques à partir de λόγια, et non de χρησμοί, ait provoqué une certaine irritation chez les apologistes chrétiens grecs comme latins, qui ne manquèrent jamais l’occasion de reproduire le libellé dans son entièreté.

  • 30  G. Wolff 1856.
  • 31  Par exemple, Hérodote, IV, 178, 203 ; Thucydide, II, 8 ; Diodore, II, 14, 3 ; II, 26, 9 ; Polybe, (...)
  • 32  Mêmes constatations chez H. Lewy 1978, p. 446-447 ; é. des Places 1996, p. 10.
  • 33  Porphyre F 341 (Smith)= Eusèbe, Praep. ev. VI 5, 3-4.
  • 34  Porphyre FF 310, 314, 323, 324 (Smith).
  • 35  Proclus, In Tim. I, 408, 12 et III, 89, 22. Voir G. Kittel 1942, col. 140. Plus tard, chez les néo (...)

28Certes, le terme grec λόγιον utilisé par Porphyre, que G. Wolff tra­duisit par oraculum lors de son édition des fragments30, désigne tradi­tionnellement une réponse oraculaire et revêt à peu près le même sens que χρησμός dans toute la littérature classique, depuis Hérodote jusqu’à Plutarque31. Quant à Porphyre, il ne paraît pas non plus distinguer rigou­reusement les termes λόγιον et χρησμός32. En effet, le philosophe de Tyr qualifie de χρησμοί la majorité des textes conservés de la Philosophie tirée des oracles, en dépit du titre de son traité qui propose une philosophie à partir de logia (ἐκ λογίων) : des fragments conservés de la Philosophie tirée des oracles, seul un extrait qualifie de λόγια les oracles des dieux païens : καὶ ὅτι ταῦτα ἀληθῆ ἐστιν ἅπερ ἔφαμεν, δηλώ­σει τ λγια. Ἔφη γοῦν τις κληθεὶς τῶν θεῶν· ... (« et que nous avons dit vrai, c’est ce que montreront les oracles. Par exemple, un des dieux, évoqué, a dit : ... »)33. Ailleurs, c’est le terme χρησμοί qui désigne, à quatre reprises, les paroles divines34. Ce n’est qu’au ve siècle que Proclus introduisit une distinction formelle entre λόγιον et χρησμός, en faisant du λόγιον une révélation transmettant une théologie issue des dieux (θεοπαράδοτος θεολογία), par contraste avec le χρησμός, qui désigne, selon lui, un oracle concer­nant des matières occasionnelles, matérielles ou privées35.

29Si Porphyre semble donc, en apparence, avoir utilisé indifféremment les termes λόγια et χρησμοί pour désigner les textes divins à l’origine des doctrines philosophiques, les usages que les auteurs chrétiens firent des mêmes termes peuvent, nous semble-t-il, offrir un angle d’investigation nouveau pour appréhender la signification du titre de l’œuvre.

  • 36  Voir E. Hatch, H.A. Redpath et al. 1954, p. 880-881, s.v. λόγιον (surtout dans les Psaumes).
  • 37  Par exemple, Rom. 3, 2 : τὰ λόγια τοῦ θεοῦ. Voir G. Kittel 1942.
  • 38  Voir, par exemple : Clément, Stromates, II, 7 : οἱ χρησμοί οἱ θεῖοι ; Origène, De principiis, IV, (...)
  • 39  Voir les nombreux exemples dans G.W.H. Lampe 1961-1968, s. v. λόγιον ; W. Bauer, F.W. Gingrich & F (...)

30En effet, contrairement à χρησμός, le terme λόγιον est employé très fréquemment dans la traduction grecque de la Septante pour rendre les mots hébreux qui désignent dans la Bible les prophéties divines36. Dans le Nouveau Testament également, on observe une nette prépondérance de l’emploi du terme λόγιον sur celui de χρησμός, où il désigne les pro­phéties vétéro-testamentaires, comme, par exemple, dans l’épître aux Ro­mains37. Dans la littérature patristique, les χρησμοί ne se réfèrent plus qu’exceptionnellement aux prédictions oraculaires des textes scriptu­raires38, tandis que le terme λόγια fut, quant à lui, copieusement utilisé pour désigner successivement le décalogue, les prophéties vétéro-testamentaires, et, par la suite, les sentences de Jésus, les évangiles et même, de façon plus générale, la Bible39.

  • 40  Voir notamment A.J. Droge 1989, p. 124-167.
  • 41  Par exemple, Clément, Stromates, VI, 15, 123, 1 ; Origène, Contre Celse, V, 29 ; De principiis, IV (...)

31Reste à signaler que, à partir du iie et au iiie siècle, dans le cadre du violent débat qui opposa païens et chrétiens, les Pères de l’église ont tenté de montrer que les dogmes du christianisme étaient en parfaite harmonie avec la philosophie grecque. Dans ce contexte, poursuivant la démarche exégétique inaugurée par Philon, les alexandrins Clément et Origène ont notamment essayé de montrer que les révélations sacrées du christianisme, transmises par les divins logia de la Bible, étaient en accord avec la meilleure tradition philosophique grecque40. À plusieurs reprises, Clément et Origène enjoignent alors à leur lecteur de chercher la vérité (ἀλήθεια) ou la sagesse (σοφία) dans les logia, c’est-à-dire dans les prophéties bibliques41.

  • 42  Selon toute vraisemblance, Porphyre avait eu connaissance des ouvrages des deux Alexandrins, voir (...)
  • 43  Voir Origène, Contre Celse, VII, 2-18 ; VIII, 45-47.

32On peut dès lors supposer que le titre de la Philosophie tirée des oracles ait été destiné à répondre aux brillantes démonstrations des ennemis de Porphyre, qui entendaient tirer une vérité ou une sagesse des logia de la Bible42. Dans cette hypothèse, l’ouvrage de Porphyre aurait voulu démontrer que c’était à partir des logia du paganisme que l’on pouvait espérer, à condition d’en décoder le sens, tirer une philosophie divine. En cela, Porphyre se serait inscrit dans la polémique païenne autour des révélations bibliques, déjà thématisée avant lui par Celse, qui avait montré que les prophéties auxquelles les chrétiens accordaient tant de crédit étaient en tous points inférieures aux oracles païens43.

33Si la suggestion selon laquelle le titre donné par Porphyre à la Philosophie tirée des oracles reflète déjà en soi les vifs débats qui opposaient païens et chrétiens ne peut être imposée, elle permet à tout le moins de mieux comprendre la réaction passionnée des auteurs chrétiens, qui durent être choqués par le titre de l’ouvrage porphyrien, qu’ils se devaient de décrier comme prétentieux et mensonger. Si les prophéties païennes venaient se substituer aux révélations bibliques dont devait découler tout enseignement philosophique, le recours de Porphyre aux textes religieux païens acquerrait alors une tout autre dimension, à la fois provocatrice et dangereuse pour la religion chrétienne.

34Pour conclure, le titre que Porphyre choisit de donner à la Philosophie tirée des oracles résume à lui seul le double défi que l’auteur se proposait de relever.

35D’un côté, le titre de l’ouvrage définit le statut jusque-là inédit que le philosophe entend attribuer aux oracles des dieux païens, qui doivent désormais être lus comme révélant les principales doctrines philo­sophiques. De l’autre, l’ouvrage se serait aussi présenté comme une alter­native païenne à la recherche de la vérité dans les logia de la Bible, telle que la préconisaient Clément et Origène.

  • 44  Voir A. Smith 1997; A. Busine 2003.

36Ce tour de force ne permit pas seulement à Porphyre de concilier la quête mystique et rationnelle du salut telle que la développa son maître Plotin et une nouvelle tendance propre à l’époque, qui voulait que seul le divin puisse détenir la vérité et la communiquer à l’homme. Il visait aussi à réactualiser le rite païen alors aux prises avec les plus virulentes cri­tiques chrétiennes. À ce propos, une analyse approfondie de l’attitude critique de Porphyre à l’égard des pratiques religieuses païennes tradition­nelles reste encore à mener et permettra certainement de mettre en lumière d’autres aspects de la place de la Philosophie tirée des oracles dans la vaste entreprise menée par le philosophe néo-platonicien pour sauver le rite païen et, du même coup, répondre aux diatribes des Pères de l’Église44.

37Que la Philosophie tirée des oracles ait consisté en une attaque directe adressée aux chrétiens, ou qu’elle ait été exclusivement destinée aux philosophes païens en quête de salut, l’œuvre porphyrienne, qui con­férait aux divins logia de la tradition hellénique un rôle novateur dans la quête de salut de l’homme pieux, aura longtemps été perçue par les apo­logistes chrétiens comme un ouvrage hostile à la progression de la foi chrétienne. C’est peut-être cette puissante entreprise d’apologétique païenne qui encouragea les auteurs chrétiens, comme Lactance et l’auteur de la Théosophie, à adopter les révélations des dieux païens, tant critiqués par leurs prédécesseurs, dans l’intention de montrer que ces textes sacrés étaient en accord avec les principaux dogmes constitutifs du christianisme.

38Soulignons enfin que ni Jamblique ni Proclus n’ont poursuivi la relecture massive des oracles d’Apollon et d’Hécate proposée dans la Philosophie tirée des oracles pour remettre la tradition hellénique à l’hon­neur. Sans doute avaient-ils trouvé dans les Oracles chaldaïques un meilleur moyen pour transmettre et commenter l’autorité d’un Livre constitué des révélations conjointes du divin Platon et des dieux de l’hellénisme.

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Bibliographie

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Notes

1  Sur les soixante-quinze œuvres répertoriées par A. Smith, seules onze ont été conservées dans leur ensemble par la tradition directe ; voir A. Smith 1993, p. l-liii.

2  Pour une vue d’ensemble de ces discussions, voir A. Smith 1987.

3  Eusèbe, Praep. ev., III, 14, 4 ; IV, 1, 1 ; IV, 6, 3 ; IV, 8, 4 ; IV, 19, 8 ; V, 5, 7 ; VI, 1, 1 ; Dem. ev., III, 6, 39 : ἐν οἷς ἐπέγραψεν Περὶ τῆς ἐκ λογίων φιλοσοφίας.

4  Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, XIII, 4-5 : in libris enim quos appel­lat Περὶ τῆς ἐκ λογίων φιλοσοφίας ; Augustin, De civitate Dei, XIX, 23, 1 : nam in libris quos ἐκ λογίων φιλοσοφίας appellat. Sur le titre cité par Augustin, voir J.J. O’Meara 1959, p. 18-21.

5  Voir par exemple Cicéron, De amicitia, 6 ; Academica, 2, 13.

6  À ce propos, voir H. Zilliacus 1938 ; E. Nachmanson 1941, n° 19 et, plus récem­ment, J.‑C. Fredouille, M.‑O. Goulet-Cazé, Ph. Hoffmann et al. 1997.

7  Sur ce prologue, voir les brèves analyses, souvent accompagnées de propositions de traduction, de J.J. O’Meara 1959, p. 29-31 ; Id. 1969, p. 107-110 ; G. Fowden 1981, p. 180 ; R. Goulet 1982, p. 376-378 ; H. D. Saffrey 1984, p. 155-159 ; P.F. Beatrice 1989, p. 254-255 ; C. Van Liefferinge 1999, p. 180 ; R. Goulet 2004.

8  Eusèbe, Praep. ev. IV, 7, 1= Porphyre F 303 (Smith).

9  Nous ne discuterons pas ici le sens à donner à cette expression. Soulignons toutefois que tous les commentateurs modernes rapprochent l’adjectif χρηστική du verbe χράω (« rendre un oracle »), sens jamais attesté ailleurs, et non pas du verbe χράομαι (« se servir de »), sens recueilli par les différents dictionnaires de la langue grecque ancienne. Ainsi, ils traduisent χρηστικὴ πραγματεία par « practice of divination » (E.H. Gifford), « activité prophétique » (O. Zink), « oracular science » (G. Fowden), « fa­çon dont il faut user des oracles », « discipline oraculaire » (R. Goulet 1982, 2003), « divination » (C. Van Liefferinge), « pratique oraculaire » (H.‑D. Saffrey) ou encore « activité prophétique » (M. Zambon). S’agit-il ici d’un jeu de mots de Porphyre ? Une étude plus approfondie des usages de l’adjectif χρηστικός devrait être menée, et nous poussera peut-être à rendre à la χρηστικὴ πραγματεία un sens plus neutre et plus commun, comme par exemple, en attendant meilleure suggestion, « matière d’étude pratique ».

10  Eusèbe, Praep. ev. IV, 7, 2= Porphyre F 303 (Smith).

11  Eusèbe, Praep. ev. IV, 8, 1= Porphyre F 304 (Smith).

12  Eusèbe, Praep. ev. IV, 8, 2= Porphyre F 305 (Smith).

13  Augustin, De civitate Dei, XIX, 23, 1 = Porphyre F 343 (Smith).

14  Eusèbe, Praep. ev. IV, 6, 3. Je m’éloigne ici en substance de la traduction d’O. Zink 1979, p. 119, qui propose « la puissance de ceux que l’on considère comme des dieux ».

15  Porphyre, Lettre à Marcella, 16 : ἡ δὲ ὁμοίωσις ἔσται διὰ μόνης ἀρετῆς· μόνη γὰρ ἀρετὴ τὴν ψυχὴν ἄνω ἕλκει καὶ πρὸς τὸ συγγενές. Καὶ μέγα οὐδὲν ἄλλο μετὰ θεὸν ἢ ἀρετή (« l’assimilation (scil. de l’esprit de l’homme à Dieu) ne s’opérera que par la seule vertu, car seule la vertu tire l’âme en haut vers l’être qui lui est connaturel. Et après Dieu rien d’autre n’est plus grand que la vertu. » Trad. é. des Places 1982) ; voir aussi Lettre à Marcella 7, 12 et 23 et l’étude d’H. Whittaker 2001.

16  Voir H. Lewy 1978, p. 444 ; J.‑L. Siémons 1988 ; P.F. Beatrice 1995, p. 413-414 ; Id. 2001, p. xxix. Signalons que le mot θεοσοφία apparaît aussi dans un papyrus magique non daté (PMG XIII, 6, 17).

17  Eusèbe, Praep. ev. V, 5, 7= Porphyre F 307 (Smith).

18  Plutarque, L’E de Delphes, 385b.

19  Théon de Smyrne, p. 14, 17-16, 2 (Hiller).

20  Maxime de Tyr, Dissertationes, XI, 2 et XI, 6. Trad. H.‑D. Saffrey.

21  Voir notamment E.R. Dodds 1963, p. xviii-xxvi ; H.‑D. Saffrey 1996 ; P. Atha­nassiadi 1999 ; L. Brisson 2002.

22  Voir, par exemple, les témoignages de Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, XIII, 4 ; Eusèbe, Praep. ev. I, 9, 6 ; IV, 6, 2-3 ; V, 5, 5 : τὴν καθ’ ἡμῶν συσ­κευήν ; Dem. ev. III, 6, 39 : τῆς τοῦ καθ’ ἡμῶν πολεμίου γραφῆς ; Augustin, Civ. XIX, 22, 17 ; Théodoret, Thérapeutique des maladies helléniques, I, 42 ; III, 65-66 ; VII, 36 : τὴν καθ’ ἡμῶν τυρεύων γραφήν ; X, 11-12.

23  G. Wolff 1856, p. 38; A. von Harnack 1916, p. 3-5; J. Bidez 1913, p. 16; T.D. Barnes 1973; Id. 1994; R.L. Wilken 1979; Id. 1984, p. 126-163, spéc. p. 135-136; A. Meredith 1980; R.J. Hoffmann 1994, p. 16-17.

24  Voir P.F. Beatrice 1988; Id. 1991, p. 119-138; Id. 1992a; Id. 1994; Id. 1997; contra G. Madec 1992; R. Goulet 2001, p. 395-397; Id. 2004. Sur l’identification de l’ad­versaire de Macarios, voir R. Goulet 2003, p. 112-149.

25  P.F. Beatrice 1989.

26  R. Goulet 2004.

27  Porphyre FF 343, 344, 345, 346 (Smith). Voir notamment J.J. O’Meara 1959, p. 49-61 ; M.B. Simmons 1997.

28  Voir A. Kofsky 2000, p. 250-275; A. Busine 2003.

29  Par exemple, Origène, Contre Celse, II, 47, 9 ; VII, 68, 40 ; VIII, 1, 3, etc. Sur le titre provocateur donné par Celse à son pamphlet, voir M. Borret 1976, p. 24-28 ; A.J. Droge 1989, p. 72-81 ; H.‑D. Saffrey 1996, p. 206-207 ; M. Frede 1997, p. 229-231.

30  G. Wolff 1856.

31  Par exemple, Hérodote, IV, 178, 203 ; Thucydide, II, 8 ; Diodore, II, 14, 3 ; II, 26, 9 ; Polybe, III, 112, 8 ; VIII, 30, 6 ; Plutarque, Thésée, 26 ; Lysias, 22 ; au pluriel : Héro­dote, I, 64 ; VIII, 62, 141 ; Aristophane, Cavaliers, v. 120 ; Plutarque, Marcellus, 3, 6 ; Pélo­pidas, 20, 7 ; Nicias, 1, 3, etc.

32  Mêmes constatations chez H. Lewy 1978, p. 446-447 ; é. des Places 1996, p. 10.

33  Porphyre F 341 (Smith)= Eusèbe, Praep. ev. VI 5, 3-4.

34  Porphyre FF 310, 314, 323, 324 (Smith).

35  Proclus, In Tim. I, 408, 12 et III, 89, 22. Voir G. Kittel 1942, col. 140. Plus tard, chez les néoplatoniciens tardifs, comme Michel Psellos, le terme λόγια désignera même les Oracles chaldaïques, voir S.I. Johnston et T. Heinze 2000.

36  Voir E. Hatch, H.A. Redpath et al. 1954, p. 880-881, s.v. λόγιον (surtout dans les Psaumes).

37  Par exemple, Rom. 3, 2 : τὰ λόγια τοῦ θεοῦ. Voir G. Kittel 1942.

38  Voir, par exemple : Clément, Stromates, II, 7 : οἱ χρησμοί οἱ θεῖοι ; Origène, De principiis, IV, 1, 2 ; Commentarii in Genesim (fragm.), 12, 68 ; Jean Chrysostome, Hom. 26, 6 in Mt (7. 321C).

39  Voir les nombreux exemples dans G.W.H. Lampe 1961-1968, s. v. λόγιον ; W. Bauer, F.W. Gingrich & F.W. Danker 1979, s. v. λόγιον.

40  Voir notamment A.J. Droge 1989, p. 124-167.

41  Par exemple, Clément, Stromates, VI, 15, 123, 1 ; Origène, Contre Celse, V, 29 ; De principiis, IV, 2, 4 ; Philocalie, I, 11 ; XXII, 8 ; Fragmenta ex commentariis in epistulam I ad Corinthios, 19 ; Fragmenta in Psalmos, 1-150 [Dub.], Psalm. 118, v. 140 : διδάσκει ἡμᾶς τί δεῖ φρονεῖν περὶ τῶν λογίων τοῦ Θεοῦ, etc.

42  Selon toute vraisemblance, Porphyre avait eu connaissance des ouvrages des deux Alexandrins, voir notamment R.M. Grant 1972 ; R. Goulet 1977 ; P.F. Beatrice 1992b.

43  Voir Origène, Contre Celse, VII, 2-18 ; VIII, 45-47.

44  Voir A. Smith 1997; A. Busine 2003.

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Pour citer cet article

Référence papier

Aude Busine, « Des logia pour philosophie »Philosophie antique, 4 | 2004, 151-168.

Référence électronique

Aude Busine, « Des logia pour philosophie »Philosophie antique [En ligne], 4 | 2004, mis en ligne le 26 juin 2024, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosant/8725 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vt2

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Aude Busine

Wolfson College, Oxford

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