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Socrate sur la scène de l’opéra

Klaus Döring
Traduction de Philippe Büttgen
p. 205-220

Résumés

On examine deux livrets d’opéra, l’un baroque, l’autre contemporain, dans lesquels la figure de Socrate joue le rôle principal. Le livret La patienza di Socrate con due moglie, écrit par N. Minato pour A. Draghi (1680) et repris plus tard sous une forme remaniée par G.P. Telemann pour son opéra Der geduldige Sokrates (1721), repose sur l’histoire imaginaire qui remonte à l’Antiquité, du mariage de Socrate avec deux épouses, Xanthippe et Myrto. Dans le livret écrit par E. Krenek pour son opéra Pallas Athene weint (créé en 1955), la fin de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) de manière à refléter la dictature fasciste d’Adolf Hitler et l’époque de la guerre froide. Au centre de l’action se tient Socrate, qui lutte en vain contre la tyrannie et l’absence de liberté politique, et qui sera pour finir victime de ce combat.

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Mots-clés :

Opéra, Socrate, mariage, tyrannie
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Notes de la rédaction

révisé par Michel Narcy

Texte intégral

  • 1  N. Minato, La patienza di Socrate con due moglie (Prague, 1680) [Livret : Österreichische National (...)

1Le 29 février 1680, l’Opéra impérial de Prague créait La patienza di Socrate con due moglie. À ma connaissance, c’est la première apparition de Socrate sur une scène d’opéra. La musique était due à Antonio Draghi, le livret italien à Nicolo Minato, qui résumait ainsi l’action1 :

Argument. Les Athéniens voulant accroître la population d’Athènes, fortement diminuée à la suite de longues guerres, ordonnèrent que tout habitant de la ville, qu’il fût citoyen ou étranger, devait prendre deux épouses. Contraint, donc, par cet édit, Socrate, philosophe très célèbre, prit Xanthippe et Amitta, petite-fille d’Aris­tide : deux femmes, pour son malheur, batailleuses, bavardes et irri­tables. Elles se disputaient souvent à cause de lui : lui s’en riait, sachant à quel point il était physiquement difforme, mal bâti et peu soigné de sa personne. Innombrables furent les tourments qu’elles lui infligèrent et les injures qu’elles lui firent : jusqu’à le battre et le chasser de sa maison. Et lui prenait tout cela comme un jeu, et l’en­durait patiemment. Ce fut un homme très savant : non seulement en philosophie naturelle, mais aussi en morale. Le poète Aristophane fut son ennemi par jalousie. Il eut de nombreux disciples : entre autres, Platon, Alcibiade et Xénophon.

On imagine que, compte tenu du décret d’avoir à prendre deux épouses, certains pères de famille auraient eu l’idée de donner à leurs fils une épouse à leur convenance, et l’autre, de les laisser la choisir à leur guise. Aussi Mélitos, un prince athénien, aimé de deux princesses, Rodisette et Hédronica, devant prendre pour épouse celle que lui destinait son père et choisir l’autre selon son gré, se trouva dans un grand embarras pour choisir entre les deux qui l’aimaient.

2Voilà pour l’argument : il en ressort que l’action suit deux fils, reliés l’un à l’autre par la loi prescrivant la bigamie. Pour le premier – l’intrigue autour de Socrate – Minato recourt à des matériaux pour lesquels il y avait des sources historiques ; le second – autour de Mélitos – est, comme Minato le dit lui-même, pure invention : il fal­lait l’ajouter à un livret qui sans cela eût été trop court.

3C’est bien sûr le premier fil qui nous intéresse ici : l’histoire célèbre de la bigamie de Socrate. Telle qu’elle est racontée dans le livret, elle s’articule en trois composantes, à savoir : premièrement la loi qui prescrit à tout Athénien de prendre deux femmes ; deuxiè­mement le mariage de Socrate avec Xanthippe et Amitta ; et troisiè­mement les constantes querelles des deux femmes, et le comporte­ment de Socrate à cet égard. L’intrigue s’enrichit de l’apparition de quelques disciples de Socrate, et du poète Aristophane.

4Des trois composantes indiquées, la plus anciennement attestée est le double mariage de Socrate. Selon Athénée (13, 556a), la source la plus ancienne à ce sujet aurait été le dialogue perdu d’Aristote Peri eugeneias, Sur la noble origine (frg. 3 p. 58-59 Ross = frg. 71, 1-2 Gigon). On pouvait y lire, semble-t-il, que Socrate avait d’abord épousé Xanthippe, et par la suite Myrto, une petite-fille ou arrière-petite fille d’Aristide le Juste tombée dans la pauvreté – l’Amitta de Minato. La première lui aurait donné Lamproclès, la seconde, Menéxène et Sophronisque. Pour autant qu’on puisse savoir, la partie du texte d’Aristote qui évoque cette histoire traitait de la question suivante : comment peut-il advenir que des enfants de noble origine montrent des signes de dégénérescence ? À titre d’exemples, sans doute parmi d’autres, Aristote mentionnait les deux fils que Myrto, qui descendait d’une des plus nobles familles d’Athènes, avait donnés à Socrate. Après Aristote, l’histoire des deux femmes de Socrate fut sans cesse reprise, non sans de multiples variations dans le détail. Je n’ai pas à m’y étendre davantage.

5Sur le fait qu’il y aurait eu un décret prescrivant – selon Diogène Laërce (2, 26) – ou permettant – selon Athénée (13, 556a) – aux Athéniens de prendre deux femmes, notre source la plus ancienne est le péripatéticien Hiéronymos de Rhodes, qui vécut au IIIe siècle avant Jésus-Christ. L’origine de ce décret aurait été la volonté d’aug­menter le nombre de naissances à la suite des fortes pertes en hommes de la Guerre du Péloponnèse. Selon toute vraisemblance, toutefois, ce décret n’est qu’une invention destinée à sauvegarder l’honneur de Socrate. Athénée, à qui nous devons l’information selon laquelle Hiéronymos aurait dans un de ses écrits cité le décret athé­nien, l’utilise bel et bien en ce sens. S’il accepte de croire à cette his­toire de bigamie, c’est dans la mesure où ce décret a réellement existé ; c’est ce qui expliquerait aussi, selon Athénée, pourquoi les poètes comiques, qui évoquent si souvent Socrate, n’ont jamais parlé de ses deux femmes : c’était quelque chose de tout à fait normal (13, 556a-b). Voilà pour Athénée. Chez Diogène Laërce, on ne trouve pas d’hésitation de ce genre. Il indique, sans aucun commentaire, que le biographe Satyros et le péripatéticien Hiéronymos auraient fait le récit suivant : « Quand les Athéniens, à cause du manque d’hommes, voulurent accroître leur population, ils votèrent qu’il fallait épouser une Athénienne, mais avoir des enfants aussi d’une autre : d’où vient que Socrate aussi le fit. »

6La dernière des trois composantes dont est constituée l’intrigue socratique du livret de Minato, à savoir les querelles constantes des deux femmes et le comportement de Socrate à cet égard, n’est attes­tée pour la première fois qu’assez tard. La source la plus ancienne est un fragment de la Philosophos historia du néoplatonicien Porphyre (F 215, 10-14 Smith), conservé chez Théodoret (Graecorum affectionum curatio 12,65). Après s’être étendu, à la suite d’Aristoxène, sur le double mariage de Socrate avec Xanthippe et Myrto, Porphyre conti­nue : « Ces deux-là en venaient fréquemment aux mains ; et quand elles s’arrêtaient, elles tombaient sur Socrate, car celui-ci, loin de jamais mettre un terme à leurs disputes, se contentait de rire lorsqu’il les voyait se disputer, entre elles et avec lui. » Les querelles des deux femmes sont-elles une invention de Porphyre ou proviennent-elles d’une source inconnue de nous ? La question doit rester ouverte. Quoi qu’il en soit, le point de départ doit se trouver dans l’humeur querelleuse bien connue de Xanthippe et dans la placidité et la maî­trise de soi avec laquelle il y faisait face. Vous connaissez tous le pas­sage classique du Banquet de Xénophon (2,10), où ce motif est pour la première fois exposé dans le détail : « Pourquoi, Socrate, demande Antisthène, n’éduques-tu donc pas [...] Xanthippe, et as-tu au contraire la femme la plus difficile de toutes, et même, à mon avis, de toutes celles qui ont jamais été ou seront ? » À quoi Socrate répond : « Parce que je vois que les gens qui veulent devenir bons cavaliers prennent pour eux, non pas les chevaux les plus dociles, mais ceux qui sont ardents. Ils pensent en effet qu’une fois qu’ils seront en mesure de les dominer, ils n’auront certainement pas de mal avec les autres che­vaux. C’est pourquoi moi aussi, qui veux avoir commerce avec les humains et avoir affaire à eux, j’ai pris cette femme, car je le savais bien : si je peux la supporter, je m’entendrai facilement avec tous les autres humains. » De la loi de la bigamie, autant que nous puissions voir, il n’était pas question chez Porphyre. En dehors de Théodoret, à qui nous devons la citation de Porphyre, il n’y a dans l’Antiquité qu’un seul autre texte où il soit question des querelles entre les deux femmes de Socrate et de sa façon d’y répondre. Dans son Adversus Iovinianum, composé en 393, Jérôme, le Père de l’Église, écrit (1,48) : « Socrate avait deux femmes, Xanthippe et Miro (sic !), petite-fille d’Aristide. Elles se disputaient souvent, et il avait coutume d’en rire, parce qu’elles se querellaient pour un homme si extraordinairement laid, au nez camus, au front chauve, aux épaules velues et aux jambes arquées. Elles finissaient par s’attaquer à lui, le châtiant cruellement et le poursuivant longtemps quand il prenait la fuite. »

7Ce que rapporte Jérôme s’écarte tellement de ce qui est dit sur le même sujet dans la Philosophos Historia de Porphyre, qu’il ne peut l’avoir eue comme source. On ne sait pas d’où Jérôme tenait son information. Il ne nous est d’ailleurs pas nécessaire de le savoir pour l’instant. Ce qui seul nous importe, c’est que le texte de Jérôme est la source d’où a dérivé, directement ou indirectement, tout ce qui s’est dit au cours du Moyen-Âge tardif et au début des Temps Modernes sur les querelles des deux femmes de Socrate et de sa façon d’y réagir.

  • 2  Grignaschi 1990, p. 131-190 ; spécialement p. 131-169 sur la date de rédaction et la question de l (...)
  • 3  Gualterius Burlaeus, Liber de vita et moribus philosophorum. Hrsg. von Hermann Knust, Tübingen, 18 (...)
  • 4  Peut-être était-ce celle de Henri Aristippe (mort en 1162, ou peu après), si tant est qu’elle ait (...)
  • 5  Le texte de la traduction de Traversari est cité dans Manetti, Vita Socratis et Senecae (cf. note. (...)

8Le plus souvent, ces récits restent anecdotiques : c’est pourquoi leurs auteurs, comme déjà Porphyre et Jérôme, n’ont aucune raison d’expliquer pourquoi Socrate avait deux femmes, ni même de soule­ver la question. Il en va autrement quand il s’agit de raconter la vie de Socrate sous une forme plus continue. C’est ce qui arrive pour la première fois dans le chapitre 30, consacré à Socrate, du Liber de vita et moribus philosophorum, composé peu avant 13262 et attribué traditionnel­lement au logicien scolastique Walter Burleigh3. L’ouvrage est com­posé sur le modèle de l’histoire de la philosophie de Diogène Laërce. S’agissant des deux femmes de Socrate, l’auteur commence par déclarer, à la suite de Diogène Laërce (p. 116 Knust) : « Comme les Athéniens voulaient augmenter la population, qui avait diminué à la suite de la guerre et de la peste, ils décidèrent que tout Athénien devrait avoir plusieurs femmes. C’est pourquoi Socrate lui aussi prit deux femmes. » La remarque explicative ajoutée au texte de Diogène Laërce, selon laquelle la population avait diminué « à la suite des guerres et de la peste », se trouvait probablement déjà dans la traduc­tion latine de Diogène Laërce qu’utilisait l’auteur mais qui n’a pas été conservée4 ; en tout cas on la trouve aussi dans la plus ancienne tra­duction conservée, celle d’Ambrogio Traversari, qui fut imprimée à titre posthume probablement en 14725. À la suite de la phrase citée, l’auteur du Liber cite textuellement et en indiquant sa source ce que rapporte Jérôme, dans l’Adversus Iovinianum, sur les querelles des deux femmes et la réaction de Socrate.

  • 6  Giannozzo Manetti, Vita Socratis et Senecae. Introd., testo e apparati a cura di Alfonso De Petris (...)
  • 7  François Charpentier, La vie de Socrate, Amsterdam, 1656, puis Paris, 1657, 1668, Amsterdam, 1699.
  • 8  Das Ebenbild eines wahren und ohnpedantischen Philosophi, oder : Das Leben Socratis, aus dem Frant (...)
  • 9  Cf. Knust dans son édition du Liber (cf. note 3), p. 405-416.

9Dans l’intervalle entre le Liber de vita et moribus philosophorum et La patienza di Socrate con due moglie de Minato, parurent deux biographies complètes de Socrate. En 1440, Gianozzo Manetti composa la pre­mière biographie originale de Socrate, combinée avec une biographie de Sénèque6 ; et en 1656 parut La vie de Socrate de François Charpentier. Aussi bien Manetti que Charpentier, pour ce qui touche à la thématique qui nous intéresse, puisent dans Diogène Laërce et Jérôme, comme faisait l’auteur du Liber de vita et moribus philosophorum. Toutefois, à la différence de ce dernier, ils transforment librement ce qu’ils y trouvent. Le livre de Charpentier, pendant de nombreuses décennies, fit autorité en tant que biographie de Socrate. On s’en rend compte au fait qu’elle connut de nombreuses réimpressions7 et qu’elle fut également traduite en allemand par le célèbre philosophe et juriste Christian Thomasius8. On pourrait par conséquent suppo­ser que Minato a aussi eu recours à ce livre. Tel n’est pourtant pas le cas. Minato doit avoir eu sous les yeux le Liber de vita et moribus philoso­phorum, qui à partir de sa publication fut sans cesse réédité et traduit en plusieurs langues (espagnol, allemand, italien)9. De fait, si l’on compare à ce texte l’argument de Minato, celui-ci apparaît comme une traduction libre, tantôt un peu enrichie, tantôt un peu abrégée, du passage correspondant du Liber de vita et moribus philosophorum. Je les confronte dans ce qui suit : « Volendo gli Ateniesi aumentare di Popolo Atene, che per le lunghe Guerre n’era molto scemata (Athenienses volentes augere multitudinem que ex bellis et peste fuerat diminuta), ordinarono, che ogni habitante nella Città, fosse ò Cittadino, ò Forestiero, dovesse prender due Mogli (decreverunt ut unusquisque Atheniensium plures haberet uxores). Costretto perciò dall’Edito Socrate, famosissimo Filosofo, pigliò Santippe, & Amitta, nipote d’Aristide (accepit ergo Socrates duas uxores, Xanthippen et Mirto neptem Aristidis), fem­mine, per sua mala sorte, rissose, garule, & inquiete. Contendevano ben spesso insieme per lui : & egli se ne rideva : conoscendo la deformità di sua persona, mal composta, & incolta (quae cum crebro inter se iurgarent et ille eas inridere esset solitus, quod propter se foedissimum hominem simis naribus, recalva fronte, pilosis umeris et repandis cruribus disceptarent…). Innumerabili furono le molestie, che gli recarono, e le ingiurie, che li fecerro : fino a batterlo, e cacciarlo di Casa (novissime verterunt in eum impetum et multcatum fugientemque diu persecute sunt).

10Tournons-nous à présent vers Nicolo Minato et son livret.

11D’abord quelques remarques sur l’auteur. Minato était né en 1630 à Bergame. Après s’être fait une réputation comme librettiste à Venise, il fut appelé en 1669 à la Cour impériale de Vienne, où il resta jusqu’à sa mort en 1698.

  • 10  La liste des titres se trouve dans The New Grove Dictionary of Opera, vol. 3, p. 403-404 (Minato, (...)
  • 11  Sur Le risa di Democrito, Gl’ atomi d’Epicuro et La lanterna di Diogene, cf. Seifert 1985, p. 226- (...)

12Minato rédigea plus de cent livrets d’opéras10, et en outre quelque cent livrets pour d’autres œuvres. Les sujets de ses livrets d’opéra étaient le plus souvent empruntés à l’histoire ancienne, occasionnel­lement à la mythologie. Un ensemble particulier de livrets à thèmes tirés de l’histoire ancienne est constitué par les quatre comédies de philosophes (toutes mises en musique par Draghi) : Le risa di Democrito (1670), Gl’atomi d’Epicuro (1672), La lanterna di Diogene (1674) et La patienza di Socrate con due moglie (1680). Toutes ces pièces représentent, sur un mode divertissant, la façon dont, à un sage imperturbable au milieu des hommes qui l’entourent, surviennent des embarras de diverses natures, le plus souvent inventés, et parmi lesquels ceux que provoque l’amour tiennent un rôle particulier11.

13L’intrigue du livret de l’opéra sur Socrate, nous la connaissons déjà dans ses grandes lignes. Je voudrais maintenant en venir à quelques détails.

14Je rappelle que l’intrigue du livret se déroule suivant deux fils, l’intrigue autour de Socrate et celle autour de Mélitos. Commençons par l’intrigue socratique. Les personnages en sont Socrate ; ses deux épouses Xanthippe et Amitta ; les disciples de Socrate, Platon, Alcibiade et Xénophon, plus loin un disciple maladroit du nom de Pitho, ou pour mieux dire une sorte de valet ; enfin Aristophane. L’action est transposée dans un milieu bourgeois : Socrate apparaît comme un sage et patient professeur. Au début du premier acte, il est assis à une table dans la pièce où il étudie et enseigne, entouré de quelques livres et se félicitant de sa vie de savant. Surviennent les deux femmes, en pleine dispute et se tirant les cheveux. Socrate s’in­terpose pour qu’au moins elles ne puissent plus s’agresser physique­ment. Puis il les amène à lui expliquer le motif de leur dispute : à chacune il a offert une poule, mais le malheur veut que celle d’Amitta ponde deux œufs par jour, mais celle de Xanthippe seule­ment un. Xanthippe est donc jalouse d’Amitta. Après quelques allers et retours, Socrate parvient à mettre fin au conflit : tous les deux jours, Amitta devra donner un œuf à Xanthippe ; ainsi en auront-elles exactement autant. Les deux femmes acceptent la sentence et quittent la scène satisfaites. Apparaissent les élèves de Socrate, Platon, Xénophon et Alcibiade, qui font l’éloge du savoir et rendent hom­mage à leur maître avec respect. Mais voici que Xanthippe revient en courant pour se plaindre : elle veut avoir immédiatement le premier œuf que pondra la poule d’Amitta, parce qu’elle aime Socrate davan­tage que ne l’aime Amitta. Socrate trouve ridicule cette agitation et essaie de convaincre Xanthippe de quitter son cabinet de travail. Xanthippe, indignée, se retire en proférant les pires menaces contre lui (I 4) :

« Je le veux, ce premier œuf, je te le dis. Et, si tu ne me le fais pas avoir, je te déchirerai tes habits ; ton repas, tu l’auras à n’importe quelle heure, mélangé de cendres, et mal assaisonné ; le lit, dur, et le matelas pas secoué ; avec la chandelle je te brûlerai les cheveux ; je crierai pendant ton sommeil, et quand tu sera éveillé. »

15La pièce continue dans le même registre : les deux femmes entrent sans cesse dans de violentes disputes, le plus souvent provo­quées par Xanthippe, qui se croit lésée, et Socrate s’efforce inlassa­blement de ramener la paix. Le plus souvent, c’est Amitta qui doit tôt ou tard battre en retraite, tandis que Xanthippe, à plusieurs reprises, tourne ensuite sa colère contre Socrate, et en vient aux mains avec lui.

16Raconter par le menu la suite de l’intrigue socratique nous entraî­nerait trop loin. J’ajoute seulement ceci : entre les scènes où les deux femmes se disputent et où Socrate s’efforce de ramener la paix, les trois disciples, Platon, Alcibiade et Xénophon, reviennent à chaque fois pour faire l’éloge du savoir ; Pitho joue le rôle du servo scemotto, du valet lent d’esprit, repris de la commedia dell’arte ; et de temps à autre se produisent des rencontres entre Socrate et Aristophane, au cours desquelles tous deux s’insultent mutuellement.

17Au fur et à mesure que la pièce avance, le deuxième fil de l’action, l’intrigue autour de Mélitos, prend de plus en plus d’importance, parce que, à la vérité, les possibilités de l’intrigue socratique s’épui­sent peu à peu. Rodisette et Hédronica sont toutes les deux amou­reuses de Mélitos, fils de Nicias, roi d’Athènes. Elles sont de leur côté toutes les deux aimées d’Antippos, qui voudrait les épouser toutes les deux comme la loi le permet. Son amour ne trouve cepen­dant pas d’écho, puisqu’elles aiment toutes les deux Mélitos. Le père de celui-ci, Nicias, fait venir Socrate dans son palais et sollicite son conseil pour sortir d’embarras dans l’affaire suivante : il veut arriver à ce que Mélitos se soumette au devoir que lui prescrit la loi, et qu’il épouse deux femmes. Il sait que Rodisette et Hédronica sont amou­reuses de son fils. Par ailleurs, il a promis aux parents d’une jeune fille nommée Calissa de marier son fils avec leur fille. Il se trouve donc dans une situation délicate : Melitos n’a pas le droit d’épouser trois femmes. Des deux qu’il doit épouser, il faut que l’une, comme son père l’a promis, soit Calissa. Mais qui sera la seconde, Rodisette ou Hédronica ?

18Cette fois encore je renonce à rapporter par le menu la suite de l’intrigue. Une solution du problème vient enfin de ce que, tout d’abord, le père de Calissa renonce à sa prétention de marier sa fille à Mélitos, puis de ce que la loi qui prescrit la bigamie est abrogée par le Conseil d’Athènes, parce qu’entre temps suffisamment de jeunes ont été engendrés. Par ailleurs, a statué le Conseil, la décision de savoir si Mélitos doit épouser Rodisette ou Edronica est confiée à l’arbitrage de Socrate. Un test permet à Socrate d’établir que c’est Rodisette qui aime le plus Mélitos. Il décide donc que c’est elle qui sera sa femme. Hédronica, profondément blessée, annonce qu’elle va se tuer. Arrive Antippos qui, avec l’aide de Nicias, Socrate et Mélitos, parvient à la convaincre de le prendre pour mari. Ainsi s’achève le livret. La repré­sentation de l’opéra était suivie d’un ballet, dansé par les deux couples de nouveaux mariés et par Socrate avec ses deux épouses.

19Les livrets étaient à l’époque des textes indépendants. Ils n’étaient pas liés à leur première mise en musique, mais menaient leur propre vie. Après leur première publication, ils étaient considérés plus ou moins comme un bien commun. D’autres compositeurs pouvaient décider de les mettre à nouveau en musique, soit sous leur forme originale, soit dans une adaptation due à un nouveau librettiste.

  • 12  Händel-Handbuch, Leipzig, 1978-1985, Bd. 1, p. 481. Bd. 4, p. 293. Albert Gier, Das Libretto. Theo (...)

20Prenons l’exemple du livret intitulé Xerxès, qui fut le deuxième composé par Minato, et qui fut représenté en 1654 à Venise sur une musique de Francesco Cavalli. Quarante ans plus tard, il fut remanié par Silvio Stampiglia et représenté à Rome en 1694 sur une musique de Giovanni Bononcini. Encore une fois, plus de quarante ans après, l’adaptation de Stampiglia fut à son tour remaniée par un auteur inconnu et représentée à Londres en 1738 sur la musique de Hændel (Xerxès)12. Vous connaissez tous, probablement, le célèbre largo Ombra mai fù, qui est en réalité un larghetto, et qui fut chanté lors de sa création par le célèbre castrat Caffarelli.

  • 13  Menke 1983, p. 75 [21 :1].
  • 14  Cf. Wolff 1957, I Textband, p. 68-70.

21Parmi les livrets consacrés par Minato à des philosophes, seul Gl’atomi d’Epicuro semble n’avoir pas connu d’adaptation ultérieure après sa première mise en musique par Draghi. Le Risa di Democrito fut représenté à Leipzig en 1703, dans une version allemande intitulée Der lachende Democritus, sur une musique de Telemann13 ; La lanterna di Diogene fut révisé par Postel pour l’Opéra de Hambourg, où elle fut jouée en 1691 sous le titre Diogenes cynicus, sur une musique de Conradi ou de Förtsch14. Mais c’est le livret socratique qui eut la sur­vie la plus riche : il connut par la suite au moins quatre adaptations, trois pour l’opéra et une pour le théâtre.

  • 15  Schmidt 1929, p. 3.
  • 16  Christian Flemmer, Die zwey Weiber oder die Gedult des Socrates, Wolfenbüttel, 1680. La pièce fut (...)

22L’adaptation au théâtre fut la première. Elle eut lieu quelques mois seulement après la représentation de l’opéra de Minato et Draghi : à la fin août 168015 fut représenté au Théâtre de la Cour de Wolfenbüttel le drame intitulé Die zwey Weiber oder die Gedult des Sokrates, dont l’auteur était Christian Flemmer16. Le point de départ de l’intrigue est chez Flemmer le même que chez Minato. Du fait, cependant, que Flemmer n’écrivait pas pour l’opéra mais pour le théâtre, il lui fallait naturellement beaucoup plus de texte. Ce plus, Flemmer le trouvait d’abord en augmentant considérablement le volume des répliques. Pour renforcer l’élément comique, il accorde par ailleurs plus de place au personnage de Pithos. Mais surtout, il introduit un troisième fil supplémentaire dans l’intrigue, accroché au personnage de Calissa, donc à cette jeune fille que, chez Minato, Nicias avait choisie comme épouse pour son fils Mélitos. Cela conduit à des complications sup­plémentaires, et finalement à ce que, à la fin de la pièce, aux deux unions heureuses Rodisette-Mélitos et Hédronica-Antippos s’en ajoute une de plus, Calissa-Alcibiade.

  • 17  The New Grove Dictionary of Opera 1, p. 683-687 (Caldara), 3, p. 1297-1298 (Reutter).
  • 18  Cf. Brito 1989, p. 129.
  • 19  Georg Philipp Telemann, Der geduldige Sokrates, hrsg. von Bernd Baselt, Kassel etc., 1967 [Georg P (...)
  • 20  Cf. Pipers Enzyklopädie des Musiktheaters, Bd. 6, p. 259.
  • 21  Hungaroton HCD 12957-60

23Comme je l’ai dit, le livret de Minato fut encore par la suite utilisé au moins trois fois comme canevas pour un opéra : il fut mis en scène à Hambourg en 1721 sur une musique de Georg Philipp Telemann, à Vienne en 1731 sur une musique due pour une part à Antonio Caldara, pour l’autre à Georg von Reutter17, et à Lisbonne en 1733 sur une musique de Francisco Antonio d’Almeida18. Parmi ces adaptations musicales, celles de Caldara-Reutter et celle de d’Almeida, de même que la première, de Draghi, sont depuis longtemps tom­bées dans l’oubli. Seule a survécu celle de Telemann19. Elle a été plu­sieurs fois étudiée et jouée après la seconde Guerre mondiale, en Allemagne et en Suisse20 ; j’ai moi-même assisté à une représentation dans une des cours intérieures du Château de Heidelberg au cours de l’été 1985. Elle est par ailleurs disponible aussi en CD21.

  • 22  Kleßmann 1980, p. 181-182, 184.
  • 23  II 4, II 9, II 10, III 2, III 5, III 7, III 10 (deux arias).

24L’opéra de Telemann, Der geduldige Sokrates, fut en son temps un grand succès : sa création le 28 janvier 1721 fut suivie de six représen­tations en février, puis d’une en juin de la même année, et enfin d’une autre le 16 novembre 172222. Telemann utilisa le livret de Minato dans une adaptation qu’avait faite pour lui Johann Ulrich König ; ce dernier avait été actif comme librettiste à l’Opéra de Hambourg avant le séjour de Telemann dans cette ville et était devenu entre temps poète de Cour à Dresde. Au canevas de l’intrigue, König n’a apporté que des modifications comparativement minces. Dans certains cas il a interverti des scènes, ou encore il en a introduit de nouvelles, parfois il a resserré l’action (surtout à la fin du troisième acte). Il a élargi l’ensemble des personnages à Cupidon, qui fait une brève apparition au début de l’acte III, et à un chœur. Dans le détail, il est vrai que König suit sa propre voie. Dans la confection des récitatifs en allemand, il ne tient à son modèle que dans les grandes lignes. Pour les airs et les ensembles, il procède différem­ment : dans certains cas il reprend le texte original italien, sous une forme le plus souvent abrégée, quelquefois il remplace le texte italien par un texte allemand, fréquemment il ajoute par ailleurs des airs et des ensembles de son cru, le plus souvent en allemand, mais aussi, à huit reprises, en italien23. D’où viennent les textes italiens supplé­mentaires, on ne le sait pas. On peut penser que König n’a pas utilisé le livret de Minato dans sa forme originale, mais une adaptation datant des années 1680-1720, restée jusqu’ici inconnue. Dans ce cas, c’est à l’auteur de cette adaptation que remontent les textes italiens supplé­mentaires.

25***

  • 24  L’opéra de Giovanni Paisiello Socrate immaginario, sur un livret de G.B.Lorenzi et F.Galiani, Napl (...)

26De l’opéra baroque, je saute à l’opéra contemporain24.

  • 25  Ernst Krenek, Pallas Athene weint. Oper in 1 Vorspiel und 3 Akten. Klavierauszug, Mainz-Wien, 1955 (...)

27L’une des Premières avec lesquelles, en 1955, s’ouvrit le Staatsoper de Hambourg après sa reconstruction fut la création de l’opéra d’Ernst Krenek Pallas Athene weint25. Comme il l’avait déjà fait pour des opéras antérieurs, Krenek avait lui-même écrit le livret. Si j’aborde ici cet opéra, c’est, on l’a déjà compris, que Socrate y apparaît. En fait il y joue l’un des rôles principaux ; dans deux actes sur trois il est presque continuellement en scène.

  • 26  La pagination est donnée d’après le livret.

28L’opéra commence par un prélude. Les ombres des morts dans l’Élysée entendent une plainte véhémente : Pallas Athéné pleure sur sa ville d’Athènes, qui a été prise par les Spartiates, et elle pleure en particulier sur Socrate, que son propre peuple vient de mettre à mort. Apparaît Socrate dans l’Élysée. Il a appris à ses concitoyens à se connaître eux-mêmes et à respecter leur propre dignité et celle des autres, et il s’est efforcé de les amener à « être libres par la sagesse » (p. 6)26. Comment a-t-il pu si épouvantablement échouer ? Les évé­nements qui dans la suite vont être mis sous nos yeux montreront comment on en est arrivé là, et doivent en même temps servir d’aver­tissement : « Apprenez, si vous le pouvez, à éviter ce qui nous a menés à la chute », dit Socrate (p. 6), tourné vers le public, avant de s’éloigner.

29Le contenu des trois actes qui suivent est constitué par des scènes de la dernière phase de la Guerre du Péloponnèse, du début de l’ex­pédition de Sicile à la chute d’Athènes.

30Krenek a par la suite décrit de la façon suivante le rapport du livret de son opéra Pallas Athene weint avec les faits historiques qui y sont utilisés :

  • 27  Ici Krenek a écrit par erreur « Lucien » à la place de « Plutarque ».
  • 28  Krenek 1965, p. 30.

« L’action du drame est une interprétation moderne et un condensé des événements historiques, tels qu’ils ont été rap­portés par Thucydide et Plutarque27. L’élément politique est au premier plan. Il n’est pas difficile d’identifier, en Europe comme en Amérique, où l’œuvre fut achevée en 1955, des modèles contemporains correspondant à la tyrannie dictato­riale de Sparte, aussi bien qu’au démagogue athénien Mélétos, l’accusateur de Socrate qui, sous prétexte de lutter, en ultra-patriote, pour la préservation des libertés traditionnelles, n’a pour but que de détruire les libertés réelles. »28

31Les événements historiques sont donc représentés de façon à refléter les événements contemporains. Quels sont ces événements, c’est ce dont il sera question plus tard ; quarante-cinq ans après la création de l’opéra, il ne sont peut-être plus aussi faciles à identifier que Krenek pouvait le supposer, au moment où il écrivait les phrases que j’ai citées (1965). Il convient avant cela de considérer l’intrigue de l’opéra. Ce faisant il faut garder constamment à l’esprit qu’il s’agit, comme l’écrit Krenek, d’une « interprétation moderne et [d’]un condensé des événements historiques », car cela a pour conséquence que les événements représentés par Krenek s’écartent dans une mesure considérable de ceux que nous connaissons à partir des sources. Ce qui demeure de ces derniers, ce n’est guère plus que la plupart des acteurs principaux et le cadre extérieur de l’action. Krenek en revanche a fabriqué en toute liberté les détails de l’in­trigue. Il serait certainement profitable et intéressant de suivre scène par scène sa façon de procéder. Cela exigerait cependant trop de temps. Je me limite donc à considérer l’intrigue de l’opéra dans la mesure où la figure de Socrate y est impliquée.

32L’action est entretenue au moyen de deux conflits qui se recou­vrent l’un l’autre : le conflit militaire entre Athènes et Sparte et le conflit politique entre trois disciples de Socrate. Parmi ceux-ci, un seul nous est connu comme un disciple de Socrate : Alcibiade ; les deux autres, Mélétos et Méton, Krenek en a fait des élèves de Socrate pour les besoins de la cause. Par ailleurs, il a fondu dans le personnage de Mélétos deux individus portant ce nom : le célèbre accusateur de Socrate et le Mélétos qui fut accusé d’avoir participé à la profanation des Mystères et à la mutilation des colonnes d’Hermès (Andocide, 1, 12-13. 35. 63). Méton était connu de Krenek par Plutarque. Ce dernier raconte à son propos que, prévoyant la catastrophe de Sicile, il se serait fait passer pour fou, aurait incendié nuitamment sa maison et se serait, le lendemain matin, lamenté à grand bruit de son malheur sur la place du marché, et aurait obtenu de cette façon que son fils, qui servait comme soldat dans la flotte, restât à la maison (Plutarque, Alc., 17, 5-6. Nic. 13, 7-8).

33Les disciples de Socrate désirent tous les trois le bien de leur Cité, mais se font des idées entièrement différentes de la façon de l’at­teindre. Alcibiade et Mélétos sont tous les deux partisans de l’expédi­tion de Sicile ; tous les deux veulent en être le commandant en chef. Mélétos, qui tient pour « la force ancestrale et la vertu simple des Pères » (p. 8), voit dans ce qui est à ses yeux, chez Alcibiade, une absence de principes et de conscience, un danger pour la sécurité d’Athènes ; il s’efforce donc de l’écarter. Méton, adversaire déclaré de l’expédition, est même devenu avec le temps un pacificiste radical. Cela lui a non seulement valu l’hostilité du peuple, qui menace de le lyncher, mais aussi celle de Mélétos, qui pense que la liberté d’Athènes ne peut être sauvée que par une victoire sur Sparte. Il veut pour cela interdire Méton de parole. Socrate fait observer à Mélétos qu’il se contredit : il croit qu’il faut préserver la liberté d’Athènes en enlevant à Méton sa liberté de parole. À quoi Mélétos réplique : « Tes discours sont dangereux, Socrate. Tu affaiblis la volonté de combattre de notre jeunesse ». Réponse de Socrate : « Je ne peux pas les empê­cher de voir la vérité. » Mélétos : « La vérité, c’est que nous devons gagner la guerre » (p. 9).

34Quand vient le choix du commandant en chef, Mélétos doit accepter son échec ; c’est Alcibiade qui l’emporte. Il veut partir tout de suite. Les complications pourtant ne tardent pas. Elle sont provo­quées par deux événements que les témoignages anciens mention­nent également : la profanation des Mystères et la mutilation des Hermès. Krenek a toutefois considérablement transformé le premier de ces deux événements : Althaea, prêtresse d’Eleusis – un person­nage fictif – s’oppose à Alcibiade et exige qu’avant le départ il fasse amende honorable pour avoir fait irruption au milieu du culte sous le masque d’un dieu, pour elle cependant clairement reconnaissable, pour la violer. Alcibiade ne reconnaît pas les faits, pas plus qu’il ne les nie ; mais il ne fait pas mystère du désir que lui inspire Althaea. Peu après on apprend que les Hermès qui se trouvent devant chaque maison ont été pendant la nuit presque tous mutilés. Le soupçon d’être l’instigateur de ce crime se porte aussitôt sur Alcibiade. Celui-ci repousse l’accusation ; Méton reconnaît l’avoir publiquement accusé pour écarter le soupçon qui s’était porté sur lui. Alcibiade est à présent décidé à ne pas quitter Athènes avant d’avoir fait la preuve de son innocence devant le tribunal. Mais comme la flotte n’est pas prête à accepter un autre chef que lui, il cède, et l’expédition peut donc commencer. Mélétos en est enchanté : Alcibiade absent, il peut mieux le combattre. Socrate, qui pendant tout ce temps était présent sur la scène, pressent qu’une intrigue politique s’est nouée parmi ses disciples, sans pouvoir encore vraiment la démêler. Il pressent l’im­minence d’une catastrophe.

35Ainsi se déroule le premier acte.

  • 29  Le récit de cette liaison a sa source dans Plutarque (Alc. 23, 7-8. Lys. 22, 6-7) ; Thucydide se c (...)
  • 30  La fuite d’Alcibiade avec Timaea, ainsi que tous ce qui suit à propos de ce couple, est une invent (...)

36Le deuxième se passe à Sparte. Socrate n’y apparaît pas. L’action, résumée en quelques mots, est la suivante : après le départ d’Alcibiade et les premiers succès qu’il a remportés en Sicile, les Athéniens, sous l’impulsion de Mélétos, le rappellent pour le traduire en justice à cause de la mutilation des Hermès. Lors d’une escale du bateau qui doit le ramener à Athènes, il s’échappe et passe dans le camp des Spartiates. Dans la maison du roi Agis, il a une liaison avec la femme du roi, Timaea29. Alcibiade et Timaea s’enfuient30. Les Spartiates les poursuivent.

37L’acte III est divisé en deux. La première partie se passe dans une grotte au pied de l’Hymette, où Méton s’est retiré en ermite pour échapper à la folie qui s’est emparée d’Athènes. Socrate vient le voir pour l’informer de la situation : Alcibiade étant passé dans le camp spartiate, la flotte a péri devant Syracuse et les Spartiates ont abordé au Pirée. La situation d’Athènes est désespérée. Terrifié par la catas­trophe qui s’annonce, Méton livre un secret : c’est lui qui a mutilé les Hermès sur l’ordre de Mélétos, parce qu’il croyait pouvoir ainsi empêcher l’expédition. Mais le vrai but de Mélétos lui apparaît désormais clairement : il voulait faire porter les soupçons sur Alcibiade et ainsi le pousser à sa perte. Au moment même où Méton fait cette révélation, Mélétos apparaît à l’entrée de la grotte et le tue d’un coup de couteau. Socrate est désormais le seul à connaître le coupable de la mutilation des Hermès. Mélétos l’avertit d’avoir à se tenir sur ses gardes.

38Dans leur fuite, Alcibiade et Timaea arrivent à la grotte. Ils voient le cadavre de Méton. Apprenant que c’est Mélétos l’assassin, Alcibiade est fermement résolu à aller à Athènes et à traîner Mélétos devant le tribunal. Entre temps toutefois, ses poursuivants sont arrivés devant la grotte. Lorsqu’Alcibiade en sort, il est passé au fil de leurs lances. Socrate et Timaea sont faits prisonniers et emmenés ; les deux cadavres sont emportés.

  • 31  Ce point vient de la célèbre amnistie de 403-402.

39La deuxième partie du troisième acte se déroule à Athènes après la chute de la Cité. Agis nomme Mélétos gouverneur. La foule veut savoir de Mélétos qui a bien pu mutiler les Hermès ; le coupable est à ses yeux la source de son malheur et elle veut le châtier. Mélétos recommande à Agis de tarir immédiatement cette source de dés­ordre. Agis proclame une amnistie générale : il est dorénavant interdit de poursuivre des crimes antérieurs à l’installation du nouvel ordre politique31.

40Les soldats de Sparte apportent le cadavre d’Alcibiade ; ils sont suivis de Timaea et de Socrate. Agis proclame qu’Alcibiade doit rece­voir une sépulture de héros. Timaea doit être torturée puis exécutée. Survient un dialogue entre Agis et Socrate, au cours duquel Socrate représente à Agis à quel point il est absurde de jeter les hommes dans la guerre et la peur au nom de l’ordre, chose que Agis déclare la chose la plus importante du monde. Lorsqu’il dit en face à Agis qu’il ne prêche l’ordre que parce qu’il a « peur du rire des hommes libres » (p. 30), Agis veut le faire exécuter immédiatement. Sur ces entrefaites arrive Mélétos, qui recommande de faire plutôt à Socrate un procès en bonne et due forme ; cela correspondrait mieux au désir de justice du peuple. Agis y consent. Pendant que Lysandre exhorte les hommes d’Athènes à abattre les murs de leur cité conquise, Mélétos vient voir Socrate et lui promet de favoriser sa fuite. Il craint que Socrate puisse révéler que c’est lui qui a ordonné la mutilation des Hermès. Socrate le repousse : « cette liberté que tu m’offres comme un salaire de misère pour acheter mon silence est plus répugnante que la tyrannie à laquelle tu me donnes en pâture. Moi, te dénoncer ? Quelle indigne besogne ! C’est pour l’homme que je veux rendre témoignage […], me présenter à la déesse qui m’a donné la faculté de penser [c’est-à-dire Pallas Athéné], la prier de faire en sorte que ce sacrifice ne soit pas oublié, que grâce à lui l’homme apprenne un jour à être libre dans la sagesse. » (p. 31-32)

41Socrate se laisse emmener. Les hommes d’Athènes sont contraints sous le fouet à démolir les murs de la Cité. L’opéra s’achève sur un chant de lamentation des femmes d’Athènes.

42Pourquoi Krenek, pour représenter des problèmes contempo­rains, a-t-il choisi précisément ce sujet ?

  • 32  Krenek 1958, p. 335-341, ici p. 335 ; ainsi que dans : Krenek 1984, p. 51-57, ici p. 51 ; première (...)
  • 33  Krenek 1965, p. 29. Les parties achevées entre 1916 et 1919 du roman Athburg und Sparberg sont con (...)

43Pour répondre à cette question, il me faut parler de la biographie de Krenek. Krenek (né en 1900 en Vienne, mort en Californie en 1991) raconte ceci sur lui-même dans une notice autobiographique : « L’Antiquité grecque m’a toujours captivé et fait réfléchir depuis mes années d’école. Aussi loin que je puisse me rappeler, cet intérêt était constamment fondé sur le fait que, dans les événements de l’Anti­quité classique, je croyais pouvoir découvrir des rapports avec les problèmes du présent. »32 C’est en particulier l’opposition d’Athènes et de Sparte qui l’a fasciné. Il avait à cette époque commencé à écrire un roman « dont le personnage principal était un Alcibiade exagéré­ment brillant, transposé au vingtième siècle ». À côté de cela il avait « construit un pays fictif, partagé en deux Républiques engagées dans un conflit interminable, Athburg et Sparberg. »33

  • 34  Lors de l’exposition « Art dégénéré » qui s’ouvrit le 22 mai 1938 à Düsseldorf, l’œuvre fut un des (...)

44Lorsque Krenek, quelque trente-cinq ans plus tard, revint au sujet qui déjà dans sa jeunesse l’avait fasciné, il avait derrière lui de mul­tiples expériences qui lui faisaient apparaître les événements de l’Antiquité sous un éclairage entièrement nouveau. Deux d’entre elles ont imprégné de manière décisive le livret de Pallas Athene weint. En 1938, Krenek s’était vu contraint par la calomnie et les menaces des nazis à émigrer en Amérique ; c’était surtout son opéra créé en 1927, Jonny spielt auf, un opéra-jazz dont le personnage principal, Jonny, est un violoniste de jazz noir américain, qui leur était apparu comme un fâcheux exemple d’« art dégénéré ». Le fait que Krenek, avec cet opéra, ait remporté un succès sensationnel n’avait fait qu’empirer les choses34.

45La première expérience fut donc la totale destruction de la liberté par la dictature nationale-socialiste d’Adolf Hitler. La seconde fut la campagne contre les prétendus communistes dans l’administration et la vie publique des États-Unis menée au temps de la Guerre froide, de 1950 à 1954, par le sénateur républicain Joseph McCarthy, qui aboutit à créer dans une société libre comme celle des États-Unis un climat anti-intellectuel et nationaliste si agressif que des hommes comme Charlie Chaplin, en 1952, et Thomas Mann en 1953 – pour ne citer que les plus éminents – se virent obligés de tourner le dos aux États-Unis.

46Si, après ces remarques, on revient au livret, on comprend claire­ment ce que voulait dire Krenek lorsqu’il écrivait, à propos de ce livret (cf. p. **) : « Il n’est pas difficile d’identifier, en Europe comme en Amérique, des modèles contemporains correspondant à la tyran­nie dictatoriale de Sparte, aussi bien qu’au démagogue athénien Mélétos, l’accusateur de Socrate » ; ce qui était visé par là, c’était la dic­tature fasciste de Hitler d’un côté et McCarthy de l’autre.

  • 35  Cette scène est une invention. Le Brasidas historique était déjà tombé en 422 devant Amphipolis, e (...)

47La dictature fasciste de Hitler a pour image la « tyrannie dictato­riale de Sparte » avec à sa tête le roi Agis. En rapportant le contenu de l’opéra, j’ai presque totalement passé sous silence cette partie du livret. Pour montrer comment Sparte y est représentée, on peut ici renvoyer, à titre d’exemple, à une scène de l’acte II : le capitaine Brasidas est conduit enchaîné devant le roi Agis. C’est son fils Ctésippe, partisan fanatique et inconditionnel du système, qui l’a dénoncé pour propos défaitistes. Agis instruit brièvement le procès de l’accusé : Brasidas sera publiquement décapité ; son poste sera occupé par son fils. Une fois Brasidas emmené, l’épouse d’Agis, Timaea, essaie de faire comprendre à son mari à quel point son « gouvernement sanguinaire » a, avec le temps, corrompu le peuple : poussé par l’ambition, le fils y assassine son propre père. Agis réplique que tout signe de faiblesse, dans la situation présente, doit mener son auteur à sa perte ; « même la plus petite hésitation » doit « être extirpée par le fer et le feu » (p. 17)35.

48À la totale destruction de la liberté dans les États tyranniques anciens ou modernes correspond la limitation et la liquidation ram­pantes de la liberté à Athènes à l’époque de la Guerre du Péloponnèse et aux États-Unis à l’époque de McCarthy. L’activité de ce dernier a son image dans celle de Mélétos. Ce dernier est convaincu qu’il n’y a pas d’autre moyen de protéger la liberté d’Athènes de la menace extérieure que de la limiter rigoureusement à l’intérieur, en conséquence de quoi il menace en bloc tous ceux qui ont une autre opinion politique que la sienne. Même le maître de Mélétos, Socrate, est finalement victime de cet écrasement de la liberté. Et c’était inévitable : dans un État comme celui de Mélétos il n’y a pas de place pour un homme comme Socrate, qui, sans com­promis, poursuit le but d’enseigner aux hommes à être « libres dans la sagesse ».

  • 36  Krenek 1958, p. 337 et 353.

49Voici ce qu’écrit Krenek sur Socrate et sa doctrine, dans le pro­gramme édité pour la création de l’opéra : « Socrate est représenté comme l’un de ces sages qui représentent l’idéal de la dignité humaine, celle qui permet à son détenteur de vivre de façon telle qu’il n’a besoin de faire violence ni à lui-même ni aux autres. Comme nous le savons, Socrate a payé de sa vie son engagement pour cette dignité humaine. Le cas de trois de ses disciples permet de voir le naufrage que subit son enseignement au moment où, à travers les actions publiques de ces trois personnages, il fut soumis au test d’une crise politique : Alcibiade, pour qui l’humanité signifie mener sa vie pour son propre compte sans prendre garde à rien, provoque la chute d’Athènes ; Méton, en se tenant prêt à suivre fanatiquement la doctrine, la mène à l’absurde, et Mélétos trahit aussi bien son maître que la doctrine. »36

50Comme dans l’Antiquité à Athènes, l’enseignement de Socrate n’a cessé dans la suite des temps, jusqu’à aujourd’hui, de « subir un nau­frage ». L’opéra de Krenek est un appel à s’efforcer pourtant d’y être fidèle. « Apprenez, si vous le pouvez, à éviter ce qui nous a conduits à la chute », avait dit Socrate, tourné vers le public, à la fin du pro­logue.

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Bibliographie

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Notes

1  N. Minato, La patienza di Socrate con due moglie (Prague, 1680) [Livret : Österreichische Nationalbibliothek, Musiksammlung, 407.385-A.M (TB) ; partition manuscrite de l’opéra : Österreichische Nationalbibliothek, Musiksammlung, Mus. Hs. 16.036 Leopoldina]. Un court extrait de la musique de Draghi se trouve dans Schering, 1931, n° 226, p. 296-301.

2  Grignaschi 1990, p. 131-190 ; spécialement p. 131-169 sur la date de rédaction et la question de l’auteur.

3  Gualterius Burlaeus, Liber de vita et moribus philosophorum. Hrsg. von Hermann Knust, Tübingen, 1886.

4  Peut-être était-ce celle de Henri Aristippe (mort en 1162, ou peu après), si tant est qu’elle ait réellement existé : cf. Haskins 1924, p. 166.

5  Le texte de la traduction de Traversari est cité dans Manetti, Vita Socratis et Senecae (cf. note. 6), p. 139, note sur 18-23.

6  Giannozzo Manetti, Vita Socratis et Senecae. Introd., testo e apparati a cura di Alfonso De Petris, Florence, 1979.

7  François Charpentier, La vie de Socrate, Amsterdam, 1656, puis Paris, 1657, 1668, Amsterdam, 1699.

8  Das Ebenbild eines wahren und ohnpedantischen Philosophi, oder : Das Leben Socratis, aus dem Frantzösischen des Herrn Charpentier ins Teutsche übersetzt von Christian Thomas, Halle, 1692, puis 1693 et 1720.

9  Cf. Knust dans son édition du Liber (cf. note 3), p. 405-416.

10  La liste des titres se trouve dans The New Grove Dictionary of Opera, vol. 3, p. 403-404 (Minato, Count Nicolò).

11  Sur Le risa di Democrito, Gl’ atomi d’Epicuro et La lanterna di Diogene, cf. Seifert 1985, p. 226-228, 246-262.

12  Händel-Handbuch, Leipzig, 1978-1985, Bd. 1, p. 481. Bd. 4, p. 293. Albert Gier, Das Libretto. Theorie und Geschichte einer musikoliterarischen Gattung, Darmstadt, 1998, p. 84-88.

13  Menke 1983, p. 75 [21 :1].

14  Cf. Wolff 1957, I Textband, p. 68-70.

15  Schmidt 1929, p. 3.

16  Christian Flemmer, Die zwey Weiber oder die Gedult des Socrates, Wolfenbüttel, 1680. La pièce fut jouée encore une fois quarante ans plus tard : Chr. Flemmer, Die Gedult des Socratis bey seinen zwey Weibern, Blanckenburg, 1710.

17  The New Grove Dictionary of Opera 1, p. 683-687 (Caldara), 3, p. 1297-1298 (Reutter).

18  Cf. Brito 1989, p. 129.

19  Georg Philipp Telemann, Der geduldige Sokrates, hrsg. von Bernd Baselt, Kassel etc., 1967 [Georg Philipp Telemann, Musikalische Werke XX]. Georg Philipp Telemann, Der geduldige Sokrates : TWV 21 :9, Libretto : Johann Ulrich König. Textdruck, Oschersleben, 1998.

20  Cf. Pipers Enzyklopädie des Musiktheaters, Bd. 6, p. 259.

21  Hungaroton HCD 12957-60

22  Kleßmann 1980, p. 181-182, 184.

23  II 4, II 9, II 10, III 2, III 5, III 7, III 10 (deux arias).

24  L’opéra de Giovanni Paisiello Socrate immaginario, sur un livret de G.B.Lorenzi et F.Galiani, Naples, 1775, mériterait un traitement à part. Livret : Ferdinando Galiani, Socrate immaginario. Opera buffa napoletana, posta in versi da G. B. Lorenzi, per la musica di G. Paisiello. A cura di Massimo Ragi, Turin, 1943.

25  Ernst Krenek, Pallas Athene weint. Oper in 1 Vorspiel und 3 Akten. Klavierauszug, Mainz-Wien, 1955. Ernst Krenek, Pallas Athene weint, Textbuch, Mainz-Wien, 1955. Le livret se trouve aussi dans Ernst Krenek, Prosa Dramen Verse, München , 1965, p. 271-297. – Autres représentations : Mannheim 1956, Linz 1957, Prague 1969 (version radio), Vienne 1988 (version de concert) ; cf. Stewart 1991, p. 319-321.

26  La pagination est donnée d’après le livret.

27  Ici Krenek a écrit par erreur « Lucien » à la place de « Plutarque ».

28  Krenek 1965, p. 30.

29  Le récit de cette liaison a sa source dans Plutarque (Alc. 23, 7-8. Lys. 22, 6-7) ; Thucydide se contente de mentionner deux fois, sans autre précision (8, 12, 2. 8, 45, 1), qu’Agis et Alcibiade étaient ennemis.

30  La fuite d’Alcibiade avec Timaea, ainsi que tous ce qui suit à propos de ce couple, est une invention de Krenek.

31  Ce point vient de la célèbre amnistie de 403-402.

32  Krenek 1958, p. 335-341, ici p. 335 ; ainsi que dans : Krenek 1984, p. 51-57, ici p. 51 ; première publication en 1955 dans le programme de la création. Cf. aussi Krenek 1965, p. 29.

33  Krenek 1965, p. 29. Les parties achevées entre 1916 et 1919 du roman Athburg und Sparberg sont conservées dans le Nachlaß de Krenek : cf. Bowles 1989, p. 121, sous K 2.

34  Lors de l’exposition « Art dégénéré » qui s’ouvrit le 22 mai 1938 à Düsseldorf, l’œuvre fut un des principaux objets de déni­grement : cf. Dümling & Girth 1988, p. 127-143, qui contient aussi un facsimilé de l’écrit incendiaire qu’avait rédigé pour l’occasion l’initiateur de l’exposition, Hans Severus Ziegler : H. S. Z., Entartete Musik. Eine Abrechnung, Düsseldorf, 1939.

35  Cette scène est une invention. Le Brasidas historique était déjà tombé en 422 devant Amphipolis, et les sources conservées ne disent rien d’un fils qui se serait appelé Ctésippe.

36  Krenek 1958, p. 337 et 353.

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Pour citer cet article

Référence papier

Klaus Döring, « Socrate sur la scène de l’opéra »Philosophie antique, 1 | 2001, 205-220.

Référence électronique

Klaus Döring, « Socrate sur la scène de l’opéra »Philosophie antique [En ligne], 1 | 2001, mis en ligne le 23 juin 2024, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosant/8185 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vsw

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Auteur

Klaus Döring

Université de Bamberg

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