Bibliographie
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Babut, D. 1983 : « L’unité du livre X de la République et sa fonction dans le dialogue », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1983/1, p. 31-54 [ = Parerga. Choix d’articles de Daniel Babut (1974-1994), Lyon, 1994 (Collection de la Maison de l’Orient méditerranéen, 24 / Série Littéraire et philosophique, 6), p. 235-258].
Belfiore, E. 1983 : « Plato’s Greatest Accusation against Poetry », dans F. J. Pelletier & J. King-Farlow (éd.), News Essays on Plato, Calgary, 1983 (Canadian Journal of Philosophy. Supplementary vol. , 9), p. 39-62.
Brancacci, A. 2005 : « Musique et philosophie en République II-IV », dans Dixsaut (éd.) 2005, p. 89-106.
Brisson, L. 2005 : « Les poètes, responsables de la déchéance de la cité. Aspects éthiques, politiques et ontologiques de la critique de Platon », dans Dixsaut (éd.) 2005, p. 25-41.
Chailley, J. 1979 : La Musique grecque antique, Paris, 1979 (Collection d’études anciennes).
Chambry, É. 1932-1934 (trad.) : Platon, Œuvres complètes, t. VI : La République, Livres I-III, Paris, 1932 ; t. VII, 1re partie : La République, Livres IV-VII, Paris, 1933 ; t. VII, 2e partie : La République, Livres VIII-X, Paris, 1934 (Collection des Universités de France).
Dixsaut, M. 2000 : Études Platoniciennes, I. Platon et la question de la pensée, Paris, 2000 (Bibliothèque d’histoire de la philosophie. Nouvelle série).
Dixsaut, M. 2003 : Platon : le désir de comprendre, Paris, 2003 (Bibliothèque des philosophies).
Dixsaut, M. 2005 (éd.) : Études sur la République de Platon, I. De la justice : éducation, psychologie et politique, Paris, 2005 (Tradition de la pensée classique).
Elias, J. A. 1984 : Plato’s Defence of Poetry, London, 1984.
Halliwell, S. 2005 : « La mimèsis reconsidérée : une optique platonicienne », dans Dixsaut (éd.) 2005, p. 43-63.
Leroux, G. 2002 (trad.) : Platon, La République, Paris, 2002 (GF Flammarion, 653).
Meinwald C. 2011 : « Reason v. Literature in Plato’s Republic : Does the Dialogue Rule itself out ? », Ancient Philosophy, 31/1 (2011), p. 25-45.
Muller, R. 1997 : La Doctrine platonicienne de la liberté, Paris, 1997 (Histoire des doctrines de l’Antiquité classique, 21).
Muller, R. 2001 : « La musique et l’imitation », dans M. Fattal (dir.), La Philosophie de Platon, I, Paris, 2001, p. 103-137 (Ouverture philosophique).
Muller, R. & F. Fabre 2013 (éd.) : Philosophie de la musique. Imitation, sens, forme, Paris, 2013 (Textes clés).
Murdoch, I. 1977 : The Fire and the Sun. Why Plato banished the Artists, based on the Romanes Lecture, 1976, London-Oxford, 1977.
Robin, L. 1940-1942 (trad.) : Platon, Œuvres complètes, 2 vol. , Paris, 1940-1942 (Bibliothèque de la Pléiade, 58, 64).
Villela-Petit, M. 1991 : « La question de l’image artistique dans le Sophiste », dans P. Aubenque (dir.), Études sur le Sophiste de Platon, Napoli, p. 55-90 (Elenchos, 21).
Wiegmann, H. 1990 : « Plato’s Critique of the Poets and the Misunderstanding of his Epistemological Argumentation », Philosophy and Rhetoric, 23 (1990), p. 109-124.
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Notes
Ainsi par exemple Babut 1983 insiste sur l’interdit jeté par Platon « sur toute la poésie existante » (p. 48), mais évoque brièvement la possibilité d’une poésie authentique (p. 50). Cette possibilité est reconnue par Annas 1994, avec cependant moins de nuances : les arguments de Platon ont selon elle un caractère scandaleux (p. 424), et sa tentative est « extraordinaire, hystérique » (p. 434).
Ce point est aussi celui que les commentateurs développent le plus volontiers, car il engage une thématique importante, souvent abordée par Platon. Par exemple J. Annas dans l’ouvrage cité ; Brisson 2005 ; Halliwell 2005 ; Wiegmann 1990.
Comme on sait, les objets du monde que représentent les peintres ou les poètes sont considérés dans ce contexte comme des imitations des Idées correspondantes (596b). Le rapport de ces objets aux Idées n’est pas toujours analysé ainsi, Platon contestant lui-même la notion de ressemblance entre les Idées et les réalités nommées d’après elles (cf. Parm. 132d).
Ou d’irascible, ἀγανακτικόν, 604e.
Cette deuxième accusation est spécialement traitée dans l’article de Belfiore 1983. Murdoch 1977, p. 67, estime que Platon combat la poésie sur ce point parce qu’elle serait comme un substitut magique de la philosophie.
C’est le principal intérêt de l’article de Meinwald 2011 de relever l’importance de ces indices. On regrette néanmoins que, dans le but de montrer que Platon n’exclut pas la possibilité d’écrits échappant à l’exclusion, elle désigne ces écrits par le terme général de literature (voir ci-dessous, note 16).
Voir 595b ; 601b ; 605d, e ; 607e.
Cette dualité est empruntée à la tradition, dit Socrate, mais ce point sera corrigé plus loin (410c) : la gymnastique concerne l’âme aussi bien.
Platon n’innove pas en la matière. Ce qui suit sur la musique en général appartient à la culture grecque commune.
Ce sont la citharistique (solo de cithare) et l’aulistique (solo d’aulos), qui se distinguent des citharodies et aulodies (-odie impliquant le chant de la voix humaine). Cf. Banquet, 205c (la poésie au sens spécifique est musique et métrique).
À peu près, parce qu’on trouve des traces d’une certaine pluralité de voix ; mais les spécialistes ne sont pas tout à fait d’accord sur leur interprétation.
Notamment pour la définition de la justice au livre IV, où certains choix de traduction rendent le texte presque inintelligible. La remarque vaut pour d’autres dialogues de Platon. – Parmi les particularités susceptibles d’induire en erreur, il faut signaler la traduction de aulos par flûte : ce terme évoque pour nous la douceur ou la grâce, alors que l’aulos grec est un instrument à anches à la sonorité criarde, « orgiastique » même selon Aristote (Politique, VIII, 6, 1341a22), ce qui explique mieux pourquoi Platon (Resp. 399d) comme Aristote en déconseillent la pratique aux gardiens ou aux citoyens.
L’harmonie en général est l’unification cohérente d’éléments différents voire opposés (de ἁρμόζω, assembler, ajuster) ; d’où, en musique, l’art de structurer les sons du grave à l’aigu, de les répartir en fonction de leurs intervalles. Voir Chailley 1979.
Logos désignait précédemment le fond par opposition à la forme ; ici il renvoie manifestement aux paroles chantées dans chaque réalisation particulière, rappelant par là qu’il ne s’agit pas de musique instrumentale.
Dès le début (376e ; 377a) il est question de logoi, de mythes et de poètes (377d).
Les auteurs qui abordent l’argument de l’imitation dans ce contexte de la République ignorent (ou ne mentionnent qu’en passant) le caractère musical de la poésie, et par suite négligent son intérêt pour la discussion. C’est ainsi par exemple que C. Meinwald englobe explicitement sous le terme de literature toutes les formes de l’écrit, en vers ou non (p. 28-29), sans aucune allusion à la musique à ce propos.
Cette dernière est mentionnée en 597e et 598d.
Dans le prolongement des réflexions sur les trois genres (394e sq.), l’accent mis sur les dangers de l’imitation vise bien le théâtre.
Bien qu’il s’agisse toujours de la formation des gardiens, le vocabulaire de cette fin suggère fortement que cette éducation ne se limite pas à eux ; on y reviendra.
Κυριωτάτη ἐν μουσικῇ τροφῇ (401d, trad. Chambry). Selon Robin : « La culture musicale est d’une excellence souveraine. » Leroux traduit : « Élever un enfant dans la musique < et dans la poésie > constitue une valeur suprême. »
Ce qui fait dire au traducteur : « La poésie conduit au seuil de la philosophie. » (Leroux 2002, p. 584, n. 115). – Brisson 2005 reconnaît que la cité ne peut se passer du poète ; mais il semble n’y voir qu’un pis-aller, négligeant le bénéfice inestimable de l’éducation par la poésie-musique. Dixsaut 2003 relève pareillement le rôle indispensable du poète dans la cité (p. 233), mais souligne en outre, et à juste titre, cette proximité ou parenté de la musique avec la raison (la musique « sœur de la raison », p. 236). Dans le même sens, voir l’analyse plus détaillée de Brancacci 2005, p. 99, 101, 106.
Μισόλογος, ἄμουσος (411d). « Ennemi du raisonnement et inculte » (Robin).
À moins de regarder le livre X comme une « excroissance », un livre « gratuit et gauche » (Annas 1994, p. 423-424). Thèse combattue notamment dans l’article de Babut 1983.
Épinomis, 975d ; cf. Lois, II, 667c-d.
Comparer Muller 2001, p. 112.
Contre l’idée répandue selon laquelle Platon a une vision très critique de l’imitation, Halliwell 2005, p. 47-48, remarque justement : 1. qu’il n’y a pas de conception uniforme de la mimesis dans les dialogues ; 2. que Platon est « familier de l’art mimétique de la poésie » et qu’il ne lui est pas absolument hostile.
Qui suggère que même le simulacre (copie non fidèle) pourra, sous sa forme de mimétique savante, retrouver une légitimité.
Sur ce sujet (comme sur d’autres) le vocabulaire de Platon n’est pas toujours parfaitement univoque. Mais que tout ce développement relève bien du problème de l’imitation, l’amorce initiale (235d-e) l’avait annoncé.
Politique, 300c sq.
Expresse (en II, 669a-b, l’Athénien énonce trois principes ou conditions d’une œuvre musicale correcte), mais malgré tout partiellement obscure ; voir la traduction proposée dans Muller & Fabre 2013, p .69.
Cette formule n’exclut pas le plaisir (cf. ci-dessous note 48), elle renvoie au passage précédent (667d-e) qui distingue les activités de pur plaisir de celles qui ont encore d’autres fins, et qui peuvent par suite être jugées selon leur aptitude à les atteindre (comme la santé pour la nourriture, et la fidélité pour les arts imitatifs).
Lois, II, 669b-670a.
Cratyle, 424d-e.
Sophiste, 235d : respect des proportions du modèle (συμμετρία). Le passage oppose cette analogie géométrique à une symmetria optique productrice d’illusion. Mais si Platon relève, dans ce second cas, les distorsions par rapport aux proportions du modèle, il ne nie pas que cette distorsion soit imposée par la différence de taille : si les proportions étaient respectées, l’image trahirait l’original. Voir notamment Villela-Petit 1991, p. 77.
Cf. Cratyle, 432d-e.
Resp. 399a-c. Dans la musique classique européenne, la question de l’imitation (des objets du monde, des sentiments) par les ressources qu’offrent les modes, les rythmes, les instruments etc. a suscité des débats passionnés sans aboutir à des conclusions consensuelles. Voir Muller & Fabre 2013.
Les commentateurs font parfois comme si le savoir et le savoir-faire des divers techniciens (artistes, mais aussi sophistes) n’avaient aucun prix aux yeux de Platon, ou qu’ils ne pourraient que servir de mauvais desseins, tromperies et enchantements divers (tendance perceptible dans le livre d’I. Murdoch). Les analyses des livres II et III ont pourtant mis en évidence que les bons poètes-musiciens ont besoin de connaissances techniques précises (cf. Sophiste, 253b : il faut une connaissance technique pour bien distinguer les sons). Dixsaut 2000, p. 297 note justement que l’art des simulacres n’implique nullement l’ignorance ; au contraire, peut-être exige-t-il un savoir-faire de plus.
Pour mémoire : 377a-b pour le début ; 401d sq. pour la fin.
On objectera que ce beau se voit réduit au bien (c’est-à-dire : ce qui est moralement louable est beau de ce seul fait). Il est vrai que καλόν embrasse l’un et l’autre, et que les auteurs grecs exploitent parfois la confusion. Mais Platon les distingue en plusieurs occasions, notamment quand il oppose le charme de l’épopée ou de la tragédie à leur immoralité (allant jusqu’à avouer, comme on l’a vu, qu’on peut jouir de la poésie malgré son immoralité éventuelle). – L’éloge final du livre III suggère même plutôt la relation inverse : c’est parce que rythme et harmonie touchent profondément l’âme qu’elle s’ouvre au bien et à la raison, autrement dit les qualités esthétiques ouvrent la voie à la vertu ! Ce qui n’est pas sans évoquer le § 59 de la Critique de la faculté de juger de Kant : en contemplant le beau, l’esprit a conscience d’être ennobli.
Ce point est à juste titre souligné par la plupart des commentateurs, mais les avis peuvent diverger sur son interprétation (voir ci-après, point IV).
Notamment 601a-b.
La connaissance (εἰδέναι) de ce que sont réellement ces produits (595b).
Λόγον, 608a. Cf. Protagoras, 313e : « si tu es connaisseur (ἐπιστήμων) en matière de choses qui s’enseignent (μαθήματα), tu peux sans risque (ἀσφαλές) acheter les enseignements des sophistes. »
La traduction habituelle par « parties » expose à de graves difficultés (cf. Muller 1997, p. 86 sq.). Platon emploie à l’occasion μέρος, mais ordinairement γένος ou les simples neutres (τὸ λογιστικόν, τὸ θυμοειδές, τὸ ἐπιθυμητικόν ; 439d sq.).
608a. On peut hésiter sur le sens de logos : raisons, raisonnement, argument. Même si on se contente de « paroles » (Robin), il est clair que Socrate renvoie ici à l’ensemble de ce qui précède, et personne ne contestera son caractère rationnel.
« C’est un grand combat, Glaucon, et plus grand qu’on ne pense, celui où il s’agit de devenir bon ou méchant. » (608b.)
L’aspect « enchanteur » de la poésie prend une signification à première vue assez différente dans l’analyse d’Elias 1984 : sous le nom de poésie, et en tenant compte des autres dialogues où il en est question, Platon met en lumière l’aspect émotionnel du psychisme, distinct de la rationalité démonstrative ; cet aspect forme la matière du mythe (entendu en un sens large) ; son importance tient à ce que la connaissance a besoin de ce fondement, car elle ne peut se constituer sur la base d’axiomes purement rationnels. La concession de Socrate en Resp. 607c est interprétée en ce sens.
On peut être surpris que des notions comme le plaisir ou le charme reviennent si souvent dans les passages des Lois qui parlent de musique, de poésie ou de danse (II, 654a, 657d, e, 658e, 659c, 665c, 670d ; VII, 813a…). Tout le contraire de « la peur du plaisir » invoquée par I. Murdoch 1977, p. 16.
Traduction Brisson pour τῷ μετὰ νοῦ προσχρωμένῳ Μούσαις.
Homère est nommé une trentaine de fois, et l’Iliade et l’Odyssée fournissent de nombreuses citations. On trouve aussi, entre autres, Hésiode, Simonide, Pindare, Hésiode, Eschyle, Euripide. Si ces mentions sont souvent critiques, ce n’est pas toujours le cas (cf. 466c : Hésiode est vraiment sage, pour une de ses maximes tout au moins). Homère lui-même se voit loué à plusieurs reprises : pour son art (383a ; 387b), et pour certaines de ses idées : sur des questions secondaires (404b-c ; 468c-d), mais son autorité est invoquée aussi sur un point important de la doctrine de l’âme, la division entre l’instance rationnelle et la colère (Ulysse réprimandant son cœur : 441b).
C’est-à-dire selon le modèle de la République, du Politique ou des Lois.
Référence explicite, en 612b, à la question initiale et à Gygès.
« Philosophe », nom ou adjectif en 581c, 582b ; « juste » adjectif seul en 580c, 588a ; « homme » (ἄνθρωπος) en 589a-b ; « homme doué d’intelligence » (ὁ νοῦν ἔχων) en 591c.
C’est, dit Socrate, l’unique grande prescription, qu’il vaut encore mieux appeler la prescription suffisante (423e).
Ainsi Brisson 2005, p. 35. Au contraire Murdoch 1977, p. 32-33 : la justice est possible pour le grand nombre, et l’art peut y contribuer.
Voir 428b sq. et 432a.
Surtout, ajoute-t-il, chez les enfants, les femmes, les serviteurs, et chez la plupart des hommes qui ont beau être libres mais ne valent pas cher : quantitativement, cela représente la majorité des habitants !
La cité « idéale » a besoin de juges et de tribunaux (408d), parce qu’il existe des actions injustes (405b ; 409a). Dans le résumé de la République qui ouvre le Timée, il est question des méchants (κακῶν, 19a) dont il faut exiler les enfants. Plus étonnant, les gardiens de la République eux-mêmes sont susceptibles de commettre des fautes : en transgressant les lois du mariage (461a), en recherchant un bonheur ordinaire (466b), voire en se montrant lâches au combat (468a), un comble pour des hommes spécialement éduqués au courage. Dans les Lois (IX, 853a-d), l’Athénien souligne cette anomalie : dans une cité où sont réunies toutes les conditions pour que les citoyens pratiquent la vertu, il est honteux (αἰσχρόν) de se préoccuper des moyens de punir les auteurs de crimes.
432a. Les gardiens, eux, sont pauvres, on le sait depuis III, 416d.
Conformément à ce qui apparaît comme un trait caractéristique de sa pensée politique ; sur ce point, voir notamment Muller 1997, p. 216 sq., spéc. 221.
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