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Comptes rendus

William W. Fortenbaugh & Stephen A. White (éd.), Aristo of Ceos. Text, Translation, and Discussion

Transaction Publishers, New Brunswick (U.S.A.)-Londres, 2006 (Rutgers University Studies in Classical Humanities, 13), x + 373 p
David Lefebvre
p. 287-290
Référence(s) :

William W. Fortenbaugh & Stephen A. White (éd.), Aristo of Ceos. Text, Translation, and Discussion. Transaction Publishers, New Brunswick (U.S.A.)-Londres, 2006 (Rutgers University Studies in Classical Humanities, 13), x + 373 p.

Texte intégral

  • 1  Vita menagiana, ligne 20 Düring = 4A SFOD et, dans le même sens, les témoignages de Cicéron et Plu (...)
  • 2  IX : Démétrios de Phalère ; X : Dicéarque de Messine ; XI : Eudème de Rhodes ; XII : Lycon de Troi (...)

1L’Ariston dont il sera ici question est le péripatéticien né à Ioulis, dans l’Ile de Céos ; il vécut dans la seconde moitié du iiie siècle av. J.-C., et fut selon toute vraisemblance le successeur de Lycon de Troie, soit le quatrième successeur d’Aristote à la tête du Péripatos1. Comme on le sait, il est difficile de faire le départ entre les textes qui lui reviennent (au moins des Erotika Homoia, un Lycon, et peut-être, selon Diogène Laërce, V, 64, un recueil de vies de philosophes, en particulier du Lycée, avec leurs testaments, utilisés par Diogène) et ceux attri­buables à son homonyme, le stoïcien Ariston de Chios. Cette nouvelle édition des fragments et principalement des témoignages recueillis à son sujet est appe­lée à compléter très utilement les éditions de Knögel (Der Peripatetiker Ariston von Keos bei Philodem, Leipzig, 1933, p. 79-94) et surtout de Wehrli (Die Schule des Aristoteles, VI, Lycon und Ariston von Keos, Bâle-Stuttgart, 1968, p. 32-44). Elle prend place dans la série des RUSCH en cours de publication qui se propose d’actualiser l’édition classique de l’école d’Aristote établie par Wehrli, en adjoi­gnant aux textes commentés une traduction en langue anglaise et des études2. On trouve donc ici, réalisées par Peter Stork, Tiziano Dorandi, William W. Fortenbaugh et Johannes M. van Ophuijsen (en abrégé SFOD ; Stork est aussi parfois présenté comme le seul responsable de l’édition), une nouvelle présentation annotée des témoignages ou fragments, avec davantage de contexte, et une traduction.

  • 3  Diogène Laërce est cité d’après l’édition de Marcovich (Teubner, 1999-2002) confirmée par les coll (...)

2Les textes sont classés en cinq rubriques (Vie, Écrits, Disputés, Dits, Non acceptés). Fait suite un Index des citations du nom « Ariston » (selon qu’il est cité seul ou avec une épithète, « originaire de Ioulis », « de Céos » ou le « philosophe péripatéticien »), une concordance avec Wehrli, Knögel et les éditions des fragments de l’homonyme stoïcien (telles que les SVF et le livre de A.M. Ioppolo sur Aristone di Chio e lo Stoicismo Antico, 1980) et plu­sieurs Indices. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une nouvelle édition de tous les textes mais d’une actualisation de la présentation des textes attribués à Ariston à partir des meilleures éditions disponibles des auteurs qui le citent, éditions d’ailleurs corrigées le cas échéant3. L’apport du volume réside en particu­lier dans l’édition partiellement nouvelle des textes pertinents du papyrus de Philodème et dans leur traduction, la première en langue anglaise (p. 219, n. 7). Par rapport à Wehrli, les choix éditoriaux, ici comme pour les autres vo­lumes de la même collection, sont moins exclusifs, ce qui permet à SFOD d’introduire 22 textes nouveaux. Même si la plus grande partie (17) sont relégués dans la rubrique des textes « non acceptés » ou ne mentionnent pas le nom d’Ariston, l’ensemble recueille de manière plus complète et plus ouverte le matériel disponible sur Ariston ou plutôt les Ariston. On notera en particulier l’introduction dans ce recueil d’un fragment, inconnu de Wehrli, extrait du Περὶ κολακείας de Philodème (PHerc. 222, col. 10.1-10 = 19 SFOD). Dans son étude, Dorandi (p. 229) n’exclut pas de voir dans l’Ariston qui y est mentionné le péripatéticien et considère comme plausible l’hypothèse que Philodème se réfère dans ce texte comme dans le fragment 20 SFOD issu du même traité (PHerc. 1257, col. 11.37-42) au Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας d’Ariston de Céos.

3La seconde partie du livre (p. 179-359) réunit huit études. Dans la première, « In search of Aristo of Ceos », David Hahm, pour sortir du problème selon lui exclusivement « moderne » de la distinction entre les deux Ariston, donne une présentation chronologique de la réception des deux auteurs selon les différen­tes traditions de témoignage (la mention du testament de Straton dans Diogène Laërce, Panétius, Cicéron et Strabon, enfin Plutarque, Athénée et Stobée). Il en sort une histoire de la perception d’Ariston, d’abord comme auteur de biogra­phies ou de successions de philosophes, mais surtout l’idée que la confusion des Ariston est un problème moderne et non antique, qui s’est nourri de la remarque de Panétius rapportée par Diogène (VII 163 = 8 SFOD) selon laquelle la plupart des œuvres d’Ariston de Chios (sauf les Lettres) seraient en réalité de l’Ariston péripatéticien. La stratégie de Panétius de purger la tradition stoïcienne des œuvres d’Ariston de Chios coupable de déviationnisme cynique aurait semé le trouble dans la constitution du corpus de l’homonyme aristotélicien. L’étude de Hahm qui donne une intéressante présentation des témoignages laisse cepen­dant entièrement de côté le problème de l’interprétation du matériel conservé sur papyrus, pour lequel la question de l’attribution se pose au premier chef.

  • 4  Sur le status quaestionis, voir aussi des éléments dans la contribution de V. Tsouna, note 1, p. 2 (...)
  • 5  Voir de G. Ranocchia : « Filodemo e il Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας. Contributo ad una nuova edi (...)

4Les quatre études suivantes abordent justement cette question très disputée de l’origine du plus long et du plus intéressant des textes édités, un extrait d’un traité Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας cité et paraphrasé par Philodème dans son De vitiis (PHerc 1008, col. 10.10-30 ; 21a-21o SFOD et 13, 1-7 Wehrli) : « I frammenti papiracei di Aristone di Ceo » (Tiziano Dorandi) ; « L’autore del Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας : un problema riaperto » (Graziano Ranocchia) ; « Characters in Aristo » (Sabine Vogt) et « Aristotle on Blends of Arrogance » (Voula Tsouna). Seul dans ce recueil, Ranocchia défend la thèse de l’attribution de ces textes à l’Ariston stoïcien, comme l’avait déjà fait notamment Ioppolo (1996), ce qui conduit raisonnablement SFOD à reléguer le traité dans la rubri­que des textes d’attribution « disputée ». Dorandi fait l’état de la question de l’identification de l’Ariston cité par Philodème depuis la première édition (Caterino, 1827)4 et, à partir du texte de Jensen corrigé par Anna Angeli, donne, contre Ranocchia, des éléments nouveaux en faveur de l’attribution de ces frag­ments à Ariston de Céos. Ranocchia5 maintient de son côté l’hypothèse de l’attribution du Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας à l’Ariston stoïcien en se basant notamment sur la nature épistolaire du texte cité par Philodème (l’un des enjeux de la reconstruction de la colonne 10 du PHerc. 1008 est la lecture des lignes 12-13, où Philodème indique la nature du texte qu’il cite : une lettre, pour Dorandi et Ranocchia notamment, un epitome, pour Jensen et Wehrli). L’examen des manuscrits n’est pas le seul recours pour éclairer cette question et Ranocchia introduit dans la suite de son étude (p. 251-257) des éléments issus cette fois de la comparaison entre le genre péripatéticien des caractères et le Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας : il ne s’agit pas d’une étude caractérologique de type péripatéticien mais les éléments descriptifs sont au service d’un projet parénétique visant, comme l’indique le titre, à « libérer » le destinataire de cette lettre protreptique de son arrogance – cette finalité exhortative étant pour l’auteur bien sûr un élément supplémentaire à l’appui d’une attribution au stoïcien. C’est justement la question du genre philosophique du texte que discutent Sabine Vogt et Voula Tsouna, qui assument l’attribution péripaté­ticienne de ces textes. De manière utile et très intéressante, Sabine Vogt (éditrice des Physiognomoniques pour l’édition de l’Académie de Berlin) replace le Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας dans le cadre d’une étude plus globale du genre péripatéticien des caractères (Rhétorique et Éthiques d’Aristote, Des vertus et des vices et les Physiognomoniques du pseudo-Aristote, et les Caractères de Théophraste). À partir d’une analyse de la méthode (« inférentielle » ou « conceptuelle ») de caractérisation et d’une comparaison de la description des mêmes traits de caractère, elle conclut que l’auteur du traité sur l’arrogance associe les deux voies et peut être identifié au péripatéticien. Dans une lecture interne très fine des mêmes textes, Voula Tsouna montre de quelle façon Ariston conçoit l’arrogance comme un mélange structuré de dispositions, comme un vice « focal » capable de réunir autour de lui d’autres traits psychologiques et éthiques.

5La contribution de Denis M. Searby, « Aristo of Ceos in the Greek Gnomologies » examine l’absence de dicta attribués à Ariston de Céos dans la tradition gnomologique grecque et penche pour l’attribution au stoïcien de ceux attribués simplement à « Ariston » ou à « Ariston le philosophe ». Les deux études finales, « Natural Philosophy in the Peripatos after Strato » (Robert W. Sharples) et « Peripatetic Biology and the Epitome of Aristophanes of Byzantium » (Oliver Hellmann) complètent heureusement le volume sans entretenir pour autant de rapport direct avec Ariston. L’une et l’autre abordent la question de la postérité des études physiques d’Aristote, Robert Sharples au sein du Péripatos, Oliver Hellmann dans l’Epitome d’Aristophane de Byzance. Ils aboutissent à des conclusions qui ne sont pas sans rapport. Pour R. Sharples, les très rares traces d’une activité dans le domaine de la philosophie de la nature chez Lycon, Hiéronymos et Ariston doivent être prises avec précaution dans la mesure où rien ne garantit qu’elles procédaient d’un intérêt réel de ces philosophes pour l’étude de la nature. Si l’on trouve chez Critolaos, le successeur d’Ariston, l’expression d’un certain nombre de thèses physiques typiquement aristotéliciennes, il faut peut-être moins y voir les signes d’un retour aux études physiques que ceux d’un besoin de manifester la différence et l’originalité du Péripatos vis-à-vis des thèses des écoles rivales, dont notamment le stoïcisme. Hellmann, au terme d’une lecture assez singulière de l’Epitome, en conclut que son objet véritable n’était pas la zoologie mais que sa fonction première devait être de fournir une sorte de lexique à l’usage de poètes savants « à la recherche d’un matériel pour décrire un animal dans une œuvre poétique mais sans intérêt pour la biologie scientifique » (p. 354). L’ensemble du volume, où l’on rencontre ici et là quelques erreurs matérielles inattendues, constitue un instrument sans aucun doute très précieux pour la connaissance de l’histoire du Péripatos et de la tradition du genre des caractères, au-delà pour l’histoire philosophique des vices.

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Notes

1  Vita menagiana, ligne 20 Düring = 4A SFOD et, dans le même sens, les témoignages de Cicéron et Plutarque (9 et 3 SFOD). Par rapport à Wehrli, SFOD ajoutent à ce sujet un texte des Stromates (I, XIV, 63, 5) où Clément ne mentionne justement pas Ariston dans la succession d’Aristote, contrairement à ce qu’on lit dans le DPhA, I, p. 398.

2  IX : Démétrios de Phalère ; X : Dicéarque de Messine ; XI : Eudème de Rhodes ; XII : Lycon de Troie et Hiéronymos de Rhodes (voir Philosophie Antique, 6, 2006, p. 213-216). Les prochains volumes à paraître portent sur Héraclide du Pont et Straton de Lampsaque.

3  Diogène Laërce est cité d’après l’édition de Marcovich (Teubner, 1999-2002) confirmée par les collations de T. Dorandi pour sa nouvelle édition des Vies (p. 5-6) et le livre X de Philodème, De Vitiis, est cité d’après l’édition de Jensen (Teubner, 1911) mais SFOD ont eu accès à la reconstruction inédite de la colonne 10 du PHerc. 1008 avec des lectures nouvelles dues à Anna Angeli et Mario Capasso. Une nouvelle édition due à Giovanni Indelli est annoncée (voir dans l’étude de T. Dorandi, p. 219).

4  Sur le status quaestionis, voir aussi des éléments dans la contribution de V. Tsouna, note 1, p. 279-280.

5  Voir de G. Ranocchia : « Filodemo e il Περὶ τοῦ κουφίζειν ὑπερηφανίας. Contributo ad una nuova edizione del PHerc. 1008 », Papyrologica Lupiensia, 10 (2001), p. 231-263, et Aristone : Sul modo di liberare dalla superbia, nel decimo libro De vitiis di Filodemo, Florence, Olschki, 2007.

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Pour citer cet article

Référence papier

David Lefebvre, « William W. Fortenbaugh & Stephen A. White (éd.), Aristo of Ceos. Text, Translation, and Discussion »Philosophie antique, 10 | 2010, 287-290.

Référence électronique

David Lefebvre, « William W. Fortenbaugh & Stephen A. White (éd.), Aristo of Ceos. Text, Translation, and Discussion »Philosophie antique [En ligne], 10 | 2010, mis en ligne le 11 juillet 2019, consulté le 23 avril 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philosant/2400 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philosant.2400

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Auteur

David Lefebvre

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