Théorie politique et théorie de l’idée chez Wolff et Kant
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- 1 Sur cette notion kantienne de publicité et ses implications juridico-politiques, on consultera la (...)
- 2 Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, § 2, traduit et présenté par A. Renaut, Paris, (...)
- 3 On connaît l’interprétation influente d’Hannah Arendt, qui trouve dans cette notion le lieu vérita (...)
1Le projet des Lumières est solidairement intellectuel et politique : la problématique de la constitution du savoir n’y est pas dissociable de celle de sa diffusion. Kant, lorsqu’il s’attache à en résumer l’esprit, souligne vigoureusement que la critique de la censure, au nom de la libre diffusion des idées dans l’espace public, n’a rien d’un à-côté que l’on pourrait subordonner à la formation préalable de ces idées par-devers soi. C’est à travers la possibilité de les publier, en tant donc qu’elles sont destinées à être rendues accessibles à un public en droit universel, que les opinions sont susceptibles d’acquérir une teneur en savoir1. Ainsi Kant ne voit-il d’autre remède à l’égoïsme logique de celui qui « considère qu’il n’est pas nécessaire de mettre son jugement à l’épreuve de l’entendement des autres hommes, exactement comme s’il n’avait aucunement besoin de cette pierre de touche »2, que l’adoption d’un point de vue résolument pluraliste, qui nous reconduise à notre condition de citoyens du monde, du monde savant en l’occurrence. Dans cette page de l’Anthropologie d’un point de vue pragmatique, Kant n’hésite pas à trouver une confirmation paradoxale de sa thèse dans un savoir tel que celui du mathématicien, dont la rigueur des résultats peut pourtant difficilement passer pour une affaire de caution sociale. Et certes, l’horizon social n’intervient pas dans l’élucidation des fondements des mathématiques et des conditions sous lesquelles une telle science est possible : disons qu’il est indifférent à la vérité de cette science. En revanche, il est enveloppé dans la certitude que lui attribue le sujet de connaissance. Car si le mathématicien n’a pas besoin, pour se fier à ses démonstrations ou à ses calculs, d’attendre que les autres se prononcent dessus, sa confiance ne s’explique cependant que par l’expérience passée et répétée de l’accord des hommes attentifs et scrupuleux sur les vérités mathématiques. Là seulement s’atteste effectivement pour nous la capacité des propositions mathématiques à atteindre quelque chose du réel et à se voir reconnaître une portée objective. L’effort de penser par soi-même, loin d’avoir le sens d’un repli sur soi, est ainsi l’envers d’une authentique sociabilité des esprits engagés dans la recherche de savoir, ce qui trouve son aboutissement chez Kant dans la réélaboration de l’idée de sens commun3.
2La capacité naturelle de savoir, inscrite en tout homme à titre de destination, ne peut cependant pas être immédiatement convertie en une possibilité historique. La paresse et la peur ont tourné en une sorte de seconde nature la longue accoutumance à l’état de tutelle, si bien que la communauté effective n’est de fait jamais superposable à cette communauté rationnelle visée dans l’idée de sens commun. L’homme historique est ainsi scindé par une double appartenance, en vertu de laquelle il est solidairement tenu d’obéir et de raisonner – à la fois passif et actif dans son existence sociale et politique, comme il l’est par ailleurs en tout acte de connaissance par la coopération requise de l’intuition et du concept. Dans Qu’est-ce que les lumières ?, cela conduit Kant à une sorte de justification du despotisme éclairé, ce modèle qui triomphe au XVIIIe siècle et qui s’est incarné exemplairement dans la personne de Frédéric II. Le danger serait alors que l’universalité en droit du savoir ne s’inverse en fait en une concentration de la compétence politique sur un seul individu. Les tenants du despotisme éclairé, aussi bien que ses adversaires, n’ont pas hésité à en trouver, pour le meilleur selon les uns ou pour le pire selon les autres, la figure tutélaire dans le philosophe-roi de Platon, et à ce point de notre réflexion, peut-être ne semblera-t-il pas surprenant que Kant ait, quant à lui, pris parti pour cette idée platonicienne. Il nous paraît pourtant qu’il est indispensable de comprendre le positionnement de Kant à l’égard du despotisme éclairé à la lumière de l’interprétation qu’il donne de la formule platonicienne, plutôt que l’inverse. C’est à mettre en évidence la singularité de cette interprétation, son ambition spéculative de redéfinition du statut de l’« idée », et certaines de ses implications politiques, que nous voudrions nous attacher dans cet article. Il apparaîtra alors que, loin de l’idée d’une confiscation du savoir et de la compétence politique par les élites dirigeantes, mais à rebours aussi d’un universalisme abstrait qui postulerait une immédiate transparence à soi de la raison, la prise de position de Kant à l’égard du despotisme éclairé est à comprendre à la lumière d’une conviction d’ordre métaphysique : la conviction selon laquelle le sens rationnel, sans aucunement en rabattre de ses prétentions universalistes, ne se constitue qu’à même l’élément de l’histoire.
1) Le philosophe-roi et la détermination des idées selon Wolff
- 4 Kant, Critique de la raison pure, A314/B371, traduit de l’allemand par J.‑L. Delamarre et F. Marty (...)
- 5 J.J. Brucker, Institutiones historiae philosophicae [1747], editio secunda auctior et emendatior, (...)
- 6 Ibid., p. 171.
- 7 Kant, Critique de la raison pure, A316/B372, op. cit., p. 334 (Ak. III, 247).
- 8 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, pièces tirées (...)
- 9 Dans la version de Wolff, cela donne : « la République ne jouira jamais d’un plus parfait bonheur (...)
3La mention kantienne du philosophe-roi intervient au moment de fixer le sens du mot « idée » en couronnement de l’échelle graduée des types de représentation : dans le vocabulaire de Kant, il conviendra d’entendre par là un concept pur de la raison, en excès sur les limites de l’expérience possible. C’est l’occasion d’un hommage à Platon, qui trouvait en priorité des idées dans « tout ce qui est pratique »4, en particulier dans le domaine de la politique. Après avoir développé l’exemple moral de l’idée de vertu, c’est de fait sur la politique que s’attarde Kant, pour défendre la République de Platon contre l’accusation qui lui est faite de n’être qu’une construction chimérique. Autant dire que la clarification du type de représentation que constitue « l’idée » revient ici à une élucidation de la fonction remplie par la notion d’idéal en politique. La cible de Kant dans ce passage est Brucker. À en croire ses Institutiones historiae philosophicae de 1747, la République platonicienne serait une construction purement chimérique et sans prise sur la réalité, une République imaginaire que Platon se serait forgée ad normam hypotheseos de ideis5, « selon la norme de son hypothèse concernant les idées », comme suffirait à le montrer une énumération des thèses inacceptables sur lesquelles cette construction repose – à commencer par l’affirmation présomptueuse suivant laquelle « la République est parfaitement heureuse là où les princes sont philosophes, ou où les philosophes ont le pouvoir »6. La formule, qui est au cœur des institutions de la République, mais qui est également un mot d’ordre récurrent de la Lettre VII, apparaît comme l’emblème d’une spéculation stérile, qui se célèbre elle-même au prix d’une perte de contact avec la réalité. Or au moment de dégager contre Brucker le sens philosophique profond de la thèse suivant laquelle, dans la reformulation qu’en donne Kant, « jamais un prince ne gouverne bien s’il ne participe pas aux idées »7, Kant ne peut ignorer qu’un philosophe fameux avait, avant lui, pris la défense du « beau mot de Platon » que « personne n’ignore »8. Car Christian Wolff a consacré tout un article, en 1730, à démontrer la vérité de cette thèse9, sous le titre Le Philosophe-roi et le roi-philosophe. Un article complémentaire, relatif à la Théorie des affaires publiques, paraît en 1731. Il vaut la peine de considérer ces textes pour mieux situer la profonde originalité de la lecture kantienne.
- 10 Ibid., [PRRP], § 2, p. 4.
- 11 Voir P.‑F. Moreau, Le Récit utopique. Droit naturel et roman de l’État, Paris, Presses Universitai (...)
- 12 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, op. cit., [PR (...)
- 13 Ibid., [PRRP], § 8, p. 42‑43. Nous nous abstiendrons de commenter l’occurrence du mot « idée » dan (...)
4L’analyse de Wolff ne saurait être considérée comme une herméneutique de la pensée platonicienne : il ne retient que la lettre de cette formule, et évacue d’emblée les institutions platoniciennes. Wolff affiche en effet son souci de « ne pas supposer une félicité imaginaire, et purement idéale ; comme l’ont fait Campanella et Platon lui-même, dont la République passe depuis longtemps pour chimérique »10. La suggestion d’une filiation entre Platon et les utopies modernes est banale11, et la récusation expéditive de ce bloc intellectuel ne l’est pas moins, mais il est intéressant pour nous de constater que cette posture réaliste est déjà chez Wolff l’expression d’une certaine théorie de l’idée. Le philosophe, attaché à rendre raison de ce qui est réellement, y parvient au moyen d’« idées déterminées ». La détermination de l’idée est ainsi l’acte proprement philosophique, qui permet de rapporter, et il le faut, la sphère du politique à une théorie. La prospérité du royaume de Chine sert alors d’exemple pour confirmer par l’expérience les bénéfices qu’il y a à tirer d’une telle démarche philosophique. C’est une preuve, pour qui en aurait douté encore, qu’une théorie politique n’est pas un corps de « maximes démenties par l’usage, et bonnes à être reléguées au Royaume des Chimères »12 – ainsi utopisme des idéalistes et pragmatisme des opportunistes sont-ils renvoyés dos à dos. D’autant que l’appel à l’expérience, qui confirme la théorie, ne la fonde ni ne l’absorbe, et Wolff retrouve ici à sa manière l’idée d’une nécessité de l’idéal : le « Gouvernement [du peuple chinois], tout admirable qu’il est, ne laisse pas d’être encore fort au-dessous de ce degré de perfection, auquel nous devons élever nos regards, et où peut nous conduire l’idée de l’intime union qui se trouve entre le Bonheur public, et le Gouvernement philosophique »13. Plus la théorie sera complète et plus les décisions des dirigeants se règleront sur elle, plus le peuple sera assurément heureux ; et il n’est jamais possible d’atteindre cette théorie parfaite, bien qu’il faille s’en approcher sans cesse.
- 14 Ibid., respectivement [TAP], § 1, p. 113 et [TAP], § 3, p. 116.
- 15 Sur le concept wolffien de méthode scientifique, son évolution et son importance, voir J. I. Gòmez (...)
- 16 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, op. cit., [TA (...)
5C’est une façon d’admettre qu’en matière politique, il reste toujours un décalage de l’idée à la réalité effective. Mais dans ce décalage, Wolff veut reconnaître une déficience de la réalité effective plutôt qu’une déréalisation de l’idée. D’où la nécessité de fonder au niveau métaphysique une réalité supérieure de l’idée : Wolff accomplit cette tâche en rejoignant ce que Kant présentera d’ailleurs comme la mythologie platonicienne de l’idée (entendons, l’habillage non philosophique superflu dont Platon aurait eu le tort de revêtir sa juste intuition), à savoir en assignant les idées à l’entendement divin et à un « monde rationnel ». C’est une réponse à l’accusation ordinaire faite au théoricien politique de se perdre, du seul fait qu’il resterait théoricien, dans de purs « être[s] de raison », par où l’accusateur n’entend pas autre chose que des produits de l’imagination, des « être[s] chimérique[s] »14. Le discours de Wolff sur le « monde rationnel », qui ente la théorie politique sur la théologie naturelle, se trouve dans l’article sur la Théorie des affaires publiques. Par « monde rationnel », il ne faut pas entendre autre chose que l’ensemble des vérités universelles. Wolff file la métaphore : découvrir des vérités, c’est voyager dans ce monde rationnel ; les enseigner, c’est en ouvrir les portes à d’autres et les y introduire ; les démonstrations conformes à la méthode scientifique servent de véhicules aux voyageurs. Sans cela, on se contenterait d’une approche historique et non philosophique, empirique et non rationnelle15 ; on serait livré à une collecte de l’expérience impuissante à en rendre pleinement raison. Certes, dans les leçons des historiens et de l’expérience en général, la théorie se laisse deviner, mais encore seulement sous la forme d’« idées confuses »16 : dans ce cas, nous jugeons de la valeur d’une décision par le succès de l’événement, en risquant toujours de méconnaître quelqu’une des circonstances déterminantes qui auront fait de cette décision un succès.
6Nous comprenons ainsi en quel sens une théorie philosophique à destination de la sphère politique est affaire de juste détermination des idées. Par exemple, explique Wolff, on peut tirer de l’expérience l’idée générale que « la recommandation [de quelqu’un pour l’obtention d’un poste] doit être suspecte lorsqu’elle est faite par un ami », mais cette idée demeure mal déterminée, car à bien y regarder, on s’aperçoit qu’au cas où cette recommandation viendrait d’un véritable philosophe, animé par l’amour de la vérité et sans prévention dans ses jugements, elle deviendrait alors tout à fait crédible. Le défi proprement théorique consiste donc en un problème de la détermination, consistant en ce que nous devons éviter de nous en tenir à des principes généraux encore trop vagues (par où l’on pourrait suggérer que Benjamin Constant, à bien des égards, lorsqu’il s’en prendra à celui qu’il appelle le « philosophe allemand », reviendra en fait à Wolff par-delà Kant). Wolff considère qu’une théorie politique accomplie n’existe pas encore, et que sa réalisation suppose un ambitieux travail de détermination de toutes nos idées – ce qui est difficile, mais possible. C’est par la détermination des idées qu’on assurera leur prise sur la réalité.
- 17 Ibid., [PRRP], § 11, p. 74.
- 18 Ibid., [PRRP], § 9, p. 54.
- 19 Ibid., [PRRP], § 10, p. 59.
7Pourtant, cela même ne saurait suffire à résorber sans reste l’écart de la théorie à la réalité effective. En effet, le problème de la détermination (problème interne à la théorie), est redoublé par ce que l’on doit appeler un problème de l’application, qui marque cette fois l’irréductible exposition de la théorie à son dehors. La théorie fût-elle absolument achevée, et traquées jusque dans leurs derniers retranchements toutes traces d’« idée vague17 », que cela semblerait d’abord devoir régler le problème de l’application des principes à la réalité, et si nous sommes armés de propositions déterminées, « l’espérance du succès […] est certaine et indubitable »18. Du moins est-ce ce que Wolff commence par annoncer triomphalement, car il faut ajouter qu’il ne tarde pas à en rabattre sur ses prétentions... En réalité, une théorie parfaite, en direction de laquelle il nous est assurément possible de progresser indéfiniment, ne déboucherait pas sur un succès certain : car bien que nous soyons certains de la vérité du principe, nous ne sommes jamais entièrement certains du fait que le cas auquel nous sommes confrontés tombe sous ce principe et non sous un autre. Le nombre infini des circonstances qui constituent un cas singulier fait que nous serons toujours susceptibles d’en omettre ou d’en négliger certaines. « Il ne dépend pas toujours de nous de connaître toutes les circonstances qui entrent dans les cas qui se présentent »19. L’effort pour déterminer nos idées est contrebalancé par notre incapacité à déterminer totalement la réalité elle-même, toujours singulière.
- 20 Ibid., [TAP], § 14, p. 204‑205.
8Une théorie constituée d’idées bien déterminées donne bien une certitude, seulement ce n’est pas la certitude du succès, mais seulement la certitude que nous n’avons rien à nous reprocher. La théorie politique « sert à nous mettre à couvert de tout reproche »20, entendons au premier chef de tout reproche que nous serions autrement enclins à nous adresser à nous-mêmes. Autrement dit, l’imprévisibilité du cours du monde (limitée de surcroît par le recours à une théorie des probabilités) n’empêche pas qu’il soit possible d’y tenir une ligne de conduite. Cela revient en dernière instance à rapporter l’évaluation d’une ligne politique à un critère irréductiblement moral : contre ce que suggèrerait une lecture trop rapide, l’ambition conséquentialiste de Wolff ne l’amène pas à refuser toute pertinence à une morale de l’intention, y compris dans la sphère de l’action politique.
2) La réalité de l’idée : une critique kantienne des idéologies
- 21 Kant, Sur l’expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela n (...)
- 22 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 11.
- 23 Ibid., p. 11‑12.
9Il est frappant que ce qui est chez Wolff un point d’aboutissement devienne un point de départ dans l’opuscule kantien de 1793, Sur l’expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien. Si la détermination du principe incombe à l’entendement, il revient en revanche à la faculté de juger de « décider si le cas tombe sous la règle ou non »21. Il n’est pas envisageable de donner des règles pour l’application des règles. L’application est donc moins un problème théorique qu’une affaire de « don de nature »22. Cette limite une fois reconnue, Kant s’accorde avec Wolff sur la défense de la théorie. Le contraire de la théorie, ou pour mieux dire : son dehors, n’est pas la pratique, mais l’expérience ; et pour ce qui concerne la pratique, en particulier la politique, il faut admettre qu’une théorie, c’est-à-dire un corps de principes bien déterminés, en est constitutive. Kant commence par prendre acte du problème de l’application, pour ensuite souligner la nécessité de pallier les éventuelles insuffisances de la théorie par une meilleure détermination de celle-ci plutôt que par une disqualification de toute théorie en tant que telle : « dans ce cas, ce n’est pas la faute de la théorie si elle n’a que peu de valeur pour la pratique ; cela vient de ce qu’on n’a pas assez de théorie »23. Il ne serait pas difficile de montrer que la secondarisation du problème de l’application, immédiatement évacué, tient à la façon dont Kant renouvelle en profondeur la question de la certitude, à partir de la thèse du caractère catégorique du concept de devoir. Une éthique pragmatiste, fondée sur le calcul des conséquences, est vouée à l’incertitude, en revanche la détermination de ce en quoi consiste, ou non, le devoir donne lieu à une certitude sans reste – et Kant se garde bien de subordonner celle-ci à une compétence philosophique particulière telle que la requiert la méthode scientifique de Wolff.
- 24 Ibid., p. 13.
10Sans entrer davantage dans le détail de ces questions, nous pouvons nous contenter, pour ce qui fait l’objet de cet article, de prendre ce renversement de la problématique, lié à une liquidation du problème de l’application, pour un indice que l’accord de surface entre Wolff et Kant sur la valeur de la théorie pour la pratique politique, et plus radicalement sur l’appréciation de l’idéal du philosophe-roi, recouvre une véritable révolution conceptuelle. Or celle-ci se joue précisément dans le statut accordé à l’« idée ». Défendre la valeur de la théorie pour la pratique revient pour Kant à établir que les idées sur lesquelles se règle la pratique ne donnent pas lieu à une « idéalité vide »24, sans être pour autant réduit à assurer leur réalité en les projetant, à la manière de Wolff, dans un « monde rationnel ». Le système rationnel des idées n’a ni l’irréalité d’une chimère, ni pour autant la réalité d’un monde, et le chapitre de Kant dont nous sommes partis dans l’introduction de cet article n’est compréhensible qu’à condition d’en situer le propos entre ces deux écueils.
- 25 Kant, Critique de la raison pure, A314/B371, op. cit., p. 333 (Ak. III, 246).
- 26 Kant, Critique de la raison pure, A317/B373, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
- 27 Kant, Critique de la raison pure, A317/B374, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
11La grandeur de Platon est d’avoir senti « que notre raison s’élève naturellement à des connaissances trop hautes pour qu’un quelconque objet que l’expérience puisse donner soit jamais susceptible d’y correspondre, mais qui n’en ont pas moins leur réalité [Realität] et ne sont aucunement de pures chimères [Hirngespinste] »25. Contre l’écueil empiriste, Kant souligne que l’idée a une certaine réalité ; contre l’écueil rationaliste, il maintient que l’idée « ne p[eut] jamais se réaliser [zu Stande kommen] »26 . L’expression est frappante, car elle montre que le rationaliste commet le non-sens de transposer dans l’intelligible le mode d’existence lié à la donation des objets dans l’expérience. Il traite l’intelligible comme un objet non sensible, mais un objet tout de même, un Gegenstand. Or l’idée n’est justement pas position d’un quelque chose auquel nous serions alors susceptibles de faire face. L’idée n’est pas susceptible d’un Stand, d’une position stable. Elle est horizon, c’est-à-dire qu’elle se définit par le fait d’être visée à travers une distance à résorber, et partant indéfiniment en voie de résorption. « Distance infranchissable »27, puisque constitutive de ce dont elle nous sépare : elle est la condition sous laquelle est pensable et pensée cette réalité qui n’est pas susceptible de se donner comme un objet.
12La distance gardée de l’idée est ce qui nous permet de n’être pas englués dans notre expérience, piégés dans la réalité telle qu’elle se donne. Cela se décline suivant deux fonctions : c’est par l’idée qu’est possible un jugement de valeur sur la réalité ; c’est par elle aussi qu’est possible, par suite, la représentation d’un progrès incitant à opérer une transformation du réel. Cela indique que l’idée est toujours chez Kant le corrélat d’une certaine historicité. Aussi, quand on accuse un idéal de n’être qu’une chimère sans réalité, le revers de la médaille est qu’on ampute ladite réalité de toute dynamique historique. Car en vérité, c’est pour avoir trop longtemps négligé les idées que nous nous retrouvons face à une réalité qui semble n’y être nullement conforme. Quand, en politique, on en appelle aux faits contre les idéalistes, on s’interdit immanquablement de reconnaître dans ces faits des résultats, des produits d’un faire – absolutisation de ce qui est en fait historique, par laquelle se définit ce que nous avons pris l’habitude d’appeler une idéologie. L’idéologie, si on veut lui donner un sens kantien, ne sera pas l’apanage de celui qui, victime éventuellement d’une illusion transcendantale, cède à la tentation de l’hypostase de l’idée ; elle sera tout autant du côté de celui qui consent à la négation de l’idée, et qui prétend juger de ce qui est sur autre chose que sur elle.
13C’est évidemment dans le domaine de la théorie politique que les effets de telles dérives idéologiques se feront le plus nettement sentir. Là, la disqualification des idées signifie immanquablement l’intention de se dispenser de tout effort en direction d’un progrès, car ainsi va le monde, n’est‑ce pas ? Une législation qui laisse, c’est-à-dire qui en vienne à laisser à la liberté de chacun le plus de place qu’il est possible sans préjudice de celle des autres ; ou encore une société où les peines soient, c’est-à-dire soient devenues superflues, ainsi que l’envisage Platon – voilà certes ce que nous n’avons pas sous les yeux, mais à quoi cependant rien ne doit nous dispenser de tendre. Nous en donnerons pour finir un exemple supplémentaire, emprunté cette fois au corollaire de la deuxième section de l’opuscule de 1793, et d’autant plus probant qu’il se donne de prime abord moins comme idée d’une destination que comme idée d’une origine : l’idée de contrat social.
3) Le cas de l’idée de contrat social et l’historicité du sens rationnel
- 28 Karlfriedrich Herb, « Contrat et histoire. La transformation du contrat social de Rousseau à Kant (...)
- 29 Ibid., p. 111.
14Kant emprunte la notion de contrat social à la tradition jusnaturaliste et à Rousseau, mais en le désignant comme une idée, il en déplace la signification. Certains aspects de ce que Karlfriedrich Herb appelle cette « transformation délibérée de l’acte en idée »28 sont bien connus, et nous ne reviendrons pas ici sur la confrontation, évidemment incontournable, avec Rousseau ; mais il nous semble qu’à trop mettre l’accent sur la provenance non historique de l’idée kantienne de contrat social, on ne s’est pas toujours montré assez sensible à ce qu’on peut appeler sa fonction d’historicisation, dont on ne prend pas la mesure en la réduisant à « un rapport détendu avec la réalité historique »29. Pour mieux comprendre cela, partons de l’enjeu explicite : refuser l’alternative qui assignerait le contrat social soit à une réalité historique, soit à une fiction de l’imagination.
- 30 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 39 pour les deux occurrences.
- 31 Ibid., p. 45.
- 32 Ibid., p. 39.
15D’un côté, il ne s’agit pas d’un « fait » (entendons, d’un fait historiquement déterminé) mais d’une « simple idée de la raison »30. Rabattre l’une sur l’autre est l’erreur caractéristique du rebelle : comme si, au cas où le contrat social originaire n’aurait pas effectivement eu lieu, ou au cas où l’on jugerait qu’il n’aurait manifestement pas été respecté, le système du droit tout entier s’en trouvât frappé de nullité, et que chacun s’en trouvât dispensé de toute obéissance. « Ils ont pris l’idée d’un contrat originaire, qui ne cesse de se présenter comme fondement dans la raison, pour quelque chose qui a dû se produire réellement »31. Suspendre le devoir d’obéissance du sujet à l’effectivité d’un tel fait, ce serait l’exposer aux aléas de l’histoire : une histoire incertaine et pour laquelle nous feront la plupart du temps défaut d’une part les documents attestant la réalité du contrat originaire, d’autre part le critère permettant de juger, en cas de conflit d’interprétation entre le souverain et son peuple, si les termes du contrat, tel qu’il a été accepté, ont effectivement été transgressés. Aussi le contrat social n’est-il pas affaire de documents, et il faut renoncer, en ce qui le concerne, à « prouver par l’histoire »32. À cet égard, il est frappant que Kant procède, pour désigner le contrat social originaire, de la même façon que Rousseau lorsqu’il remontait à l’état de nature, qui en est la négation : en commençant par écarter tous les faits.
- 33 Ibid., p. 39.
- 34 Ibid., p. 41.
- 35 Ibid., p. 46.
16D’un autre côté, il importe d’écarter un second écueil : la réduction de l’idée de contrat social à une simple fiction sans réalité. De même que la première erreur transformait le peuple en rebelle, de même cette seconde erreur transforme le souverain en despote. Le despote oublie que l’idée de contrat social, bien qu’elle ne soit pas assignable à un fait historique déterminé, a cependant « une réalité (pratique) indubitable, en ce sens qu’elle oblige tout législateur à édicter ses lois comme pouvant avoir émané de la volonté collective de tout un peuple, et à considérer tout sujet, en tant qu’il veut être citoyen, comme s’il avait concouru à former par son suffrage une volonté de ce genre »33. L’idée, étant dégagée à l’égard de ce qui est de fait, permet ainsi de juger de ce qui est de droit. Elle est la pierre de touche de la légitimité de la loi, « étalon infaillible »34 du droit, « principe rationnel permettant d’apprécier toute constitution juridique publique en général »35.
- 36 C’est le constat dont s’autorisent des lectures qui, comme celle de Luc Vincenti, vont jusqu’à voi (...)
17Cette présentation est correcte, mais à nous en tenir à elle, nous pourrions être tentés d’affirmer que l’idée de contrat social permet à Kant de formuler une norme anhistorique destinée à limiter aussi bien la tentation de la rébellion que celle du despotisme. Nous commettrions alors un contresens sur la fonction propre de cette idée. D’abord, la symétrie des deux écueils n’est pas aussi parfaite que la présentation kantienne tend à le suggérer. En effet, l’argumentation consiste à montrer que l’idée de contrat social, en tant qu’elle n’est ni plus ni moins qu’une idée, d’une part ne saurait légitimer les prétentions des rebelles qui y font appel pour justifier leurs actions violentes, d’autre part doit limiter le souverain dans ses prises de décisions. Autrement dit, cette idée est ce qui est positivement opposé au despote, mais elle est seulement ce dont le rebelle ne saurait se prévaloir. Quant aux raisons qui sont positivement opposées au rebelle par Kant, elles tiennent plutôt à l’hétérogénéité entre les considérations qui sont relatives au bonheur et celles qui sont relatives au fondement du droit, et il n’est pas indispensable de faire intervenir l’idée de contrat social dans cette argumentation. Quand il s’attache à déconstruire la notion de droit de désobéir, jamais Kant n’écrit que les citoyens se doivent d’obéir parce qu’ils sont tenus de respecter l’idée du contrat originaire ; il écrit seulement qu’ils ne sauraient désobéir en son nom36. Aussi, on aurait tort de voir dans l’idée kantienne du contrat social l’instrument d’un immobilisme politique, limitant, pour autant qu’il en sera tenu compte, les possibilités historiques, en proscrivant certaines déviations aussi bien du côté du peuple que du côté du souverain.
- 37 André Charrak, Rousseau. De l’empirisme à l’expérience, Paris, Vrin, 2013, p. 27.
- 38 Kant, Critique de la raison pure, A317/B374, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
18Allons plus loin : par l’idée de contrat social, il s’agit précisément de restituer sans restriction l’histoire à son dynamisme. Aussi est-ce plus fondamentalement la notion même de norme anhistorique qui fait contresens. C’est sur ce point que le rapprochement avec l’état de nature rousseauiste est le plus instructif. Il nous indique surtout que le refus kantien de déterminer historiquement le contrat social ne revient pas à en soutenir l’anhistoricité, au sens d’une totale étrangeté à la dimension de l’histoire. On manque son sens en le désignant purement et simplement comme intemporel et non historique. Car de même que l’état de nature rousseauiste est, comme y a insisté André Charrak, une sorte de mythe qui a pour fonction de « rend[re] ineffaçable l’histoire qui [le] suit »37, de même le contrat social kantien a-t-il pour fonction, en tant qu’idée, de garantir l’ouverture de cette histoire. À l’inscription, dans ce qui est, d’une historicité ineffaçable, répond ainsi l’ouverture de ce qui est à une histoire irréductible. C’est pour être un opérateur d’historicité que le contrat social doit être préservé de toute inscription dans un moment déterminé de l’histoire : il met en jeu moins une sortie hors de l’histoire qu’une remontée du sens statique de l’histoire comme moments à son sens dynamique comme mouvement, ordinairement occulté par la considération des faits historiques. Ce qu’il est impossible de figer dans un ou plusieurs moments de l’histoire, et partant d’objectiver en elle, n’est pas ce qui serait étranger à cette histoire, mais cela même qui invite à reconnaître qu’à même le mouvement de l’histoire se déploie un sens, et réciproquement que le sens est susceptible d’un déploiement historique. Car l’idée de contrat social n’est pas originaire au sens d’un passé révolu rendu obsolète par l’histoire qui le suit, mais elle l’est encore moins au sens d’une fascination de l’origine qui figerait l’histoire par son prestige sans cesse reconduit. L’actualité de cette origine tient à ce qu’elle est ce qui à chaque instant garantit que l’histoire, au lieu de continuer sur sa lancée ou de se répéter à l’identique, commence à nouveau, bref qu’elle demeure historique. Elle a pour fonction, proprement anti-idéologique, d’assurer à chaque instant l’ouverture indéfinie de l’histoire, car c’est ainsi seulement qu’une volonté, en tant que telle affirmation du fait de la liberté « qui peut franchir toute limite »38, peut vouloir considérer l’histoire sans se contredire elle-même.
- 39 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 47.
19À bien considérer les applications que Kant fait de l’idée de contrat social, il est en effet flagrant que ce à quoi le souverain se sent tenu pour autant qu’il considère cette idée, c’est à chaque fois de rejeter toute mesure qui reviendrait à refermer par avance des possibilités futures de l’histoire. La volonté du souverain fait certes loi, mais traiter son présent acte de volonté comme une loi définitive et indépassable, et ainsi nier l’efficience de l’histoire, voilà ce dont il revient à l’idée de contrat social de le détourner. Me représentant l’idée de contrat social originaire, il m’apparaît par exemple aussitôt qu’une organisation ecclésiale définitive ne saurait y être comprise, car, quelle qu’elle puisse être et par le seul fait qu’elle prétende à être définitive, elle serait « contraire à la destination et aux fins de l’humanité » : légiférer sur ce mode, ce serait vouloir dès à présent soustraire l’avenir aux possibilités du vouloir, et un tel vouloir serait aussitôt frappé de contradiction. De la même manière, l’idée de contrat social dénonce immédiatement comme illégitime le principe de l’hérédité des privilèges sociaux, tels les titres de noblesse, car un accord unanime de chacun sur cette question, y compris de ceux qui seraient ainsi à tout jamais exclus de ces privilèges, est une représentation contradictoire, c’est-à-dire proprement qu’il n’est pas même possible de se le représenter, voulût-on même feindre cet accord. Dans cet exemple aussi, ce n’est pas l’attribution de privilèges sociaux qui fait en elle‑même problème, mais bien la prétention à les soustraire une fois pour toutes à l’histoire. Ces considérations apportent un éclairage singulier au rapport établi par Kant entre idée du contrat social originaire et préservation de la liberté d’écrire. Nul ne doit pouvoir désobéir à la loi : c’est une proposition vraie mais indépendante de l’idée du contrat social originaire. Ce qu’indique en revanche cette idée, c’est que chacun doit pouvoir, tout en obéissant à la loi, écrire, rendre accessible sa pensée à un public en droit universel – c’est-à-dire aussi bien qu’il doit pouvoir œuvrer, autant qu’il le jugera bon, pour que la loi change : « Il faut accorder au citoyen, et cela avec l’autorisation du souverain lui‑même, la faculté de faire connaître publiquement son opinion sur ce qui dans les décrets de ce souverain lui paraît être une injustice à l’égard de la chose publique »39.
20Avec cette dernière thèse, nous rejoignons finalement ce à quoi aboutissait Kant dans Qu’est-ce que les Lumières ? : le despote œuvrera au progrès de l’histoire non pas en tant qu’il serait dépositaire d’une compétence spécifique, mais pour autant qu’il autorisera chacun, sous condition d’une obéissance sans réserve, à critiquer publiquement sa propre législation. Il est frappant que le premier trait par lequel Kant caractérise alors le despote éclairé consiste à ne pas prendre peur devant des ombres, sich nicht vor Schatten fürchten. Est Aufklärer celui qui, s’arrachant par ses lumières à la caverne de nos peurs, dissipe les ombres. Car ce n’est pas en définitive l’idée qui est chimérique, mais la peur que nous éprouvons face à elle, lorsque précisément nous nous sentons inlassablement poussés à la dénoncer comme une chimère.
Notes
1 Sur cette notion kantienne de publicité et ses implications juridico-politiques, on consultera la première section de l’article de François Calori intitulé « Laut denken : de la transparence chez Kant », Raison publique (revue en ligne), 2011.
2 Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, § 2, traduit et présenté par A. Renaut, Paris, Flammarion, 1993, p. 53 (Ak. VII, 128).
3 On connaît l’interprétation influente d’Hannah Arendt, qui trouve dans cette notion le lieu véritable d’une pensée politique kantienne : voir en particulier H. Arendt, Juger. Sur la pensée politique de Kant, traduit par M. Revault d’Allones, Paris, Seuil, 1991.
4 Kant, Critique de la raison pure, A314/B371, traduit de l’allemand par J.‑L. Delamarre et F. Marty à partir de la traduction de J. Barni, Paris, Gallimard, 1980, p. 333 (Ak. III, 246).
5 J.J. Brucker, Institutiones historiae philosophicae [1747], editio secunda auctior et emendatior, Lipsiae, Breitkopf, 1756, p. 171.
6 Ibid., p. 171.
7 Kant, Critique de la raison pure, A316/B372, op. cit., p. 334 (Ak. III, 247).
8 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, pièces tirées des œuvres de Monsieur Chr. Wolff, traduites du latin par J. Des‑Champs, Berlin, Haude, 1740, [PRRP], § 1, p. 1. Nous citons dans la traduction donnée dès 1740 par Jean Deschamps, en indiquant [PRRP] ou [TAP] pour désigner l’un ou l’autre des deux opuscules, et en modernisant l’orthographe le cas échéant.
9 Dans la version de Wolff, cela donne : « la République ne jouira jamais d’un plus parfait bonheur que lorsqu’elle sera gouvernée par des philosophes, ou que ses rois seront philosophes » (ibid., [PRRP], § 1, p. 1).
10 Ibid., [PRRP], § 2, p. 4.
11 Voir P.‑F. Moreau, Le Récit utopique. Droit naturel et roman de l’État, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 25‑29.
12 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, op. cit., [PRRP], § 7, p. 41.
13 Ibid., [PRRP], § 8, p. 42‑43. Nous nous abstiendrons de commenter l’occurrence du mot « idée » dans ce passage et de lui attribuer un poids particulier, car il s’agit d’un écart de la traduction par rapport au texte original. Notons cependant que le perspecturi du texte de Wolff n’est pas sans évoquer chez le lecteur ce que sera, dans les pages de la Critique de la raison pure dont nous sommes partis, l’Absicht kantienne.
14 Ibid., respectivement [TAP], § 1, p. 113 et [TAP], § 3, p. 116.
15 Sur le concept wolffien de méthode scientifique, son évolution et son importance, voir J. I. Gòmez Tutor, Die wissenschaftliche Methode bei Christian Wolff (GW III, 90), Hildesheim, G. Olms, 2004. S’agissant en particulier du rôle, pour Wolff, de cette méthode dans la préservation de la liberté de philosopher, on consultera la première partie de l’article de Robert Theis, « “Libertas philosophandiˮ – “Liberté de penserˮ. La constellation Wolff-Kant », Revue philosophique de Louvain, 112 (4), 2014, p. 633‑654.
16 C. Wolff, Le Philosophe-Roi et le Roi-Philosophe. La Théorie des Affaires-publiques, op. cit., [TAP], § 13, p. 192.
17 Ibid., [PRRP], § 11, p. 74.
18 Ibid., [PRRP], § 9, p. 54.
19 Ibid., [PRRP], § 10, p. 59.
20 Ibid., [TAP], § 14, p. 204‑205.
21 Kant, Sur l’expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien (1793), suivi de Sur un prétendu droit de mentir par humanité (1797), traduction et notes de L. Guillermit, Paris, Vrin, 2000, p. 11. Désormais cité sous le titre : Théorie et pratique.
22 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 11.
23 Ibid., p. 11‑12.
24 Ibid., p. 13.
25 Kant, Critique de la raison pure, A314/B371, op. cit., p. 333 (Ak. III, 246).
26 Kant, Critique de la raison pure, A317/B373, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
27 Kant, Critique de la raison pure, A317/B374, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
28 Karlfriedrich Herb, « Contrat et histoire. La transformation du contrat social de Rousseau à Kant », Revue germanique internationale, 6, 1996, p. 103.
29 Ibid., p. 111.
30 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 39 pour les deux occurrences.
31 Ibid., p. 45.
32 Ibid., p. 39.
33 Ibid., p. 39.
34 Ibid., p. 41.
35 Ibid., p. 46.
36 C’est le constat dont s’autorisent des lectures qui, comme celle de Luc Vincenti, vont jusqu’à voir dans ces thèses de Kant « la fin du contractualisme » : voir L. Vincenti, « Philosophie des normes chez Kant », Multitudes, 34/3, 2008, p. 208.
37 André Charrak, Rousseau. De l’empirisme à l’expérience, Paris, Vrin, 2013, p. 27.
38 Kant, Critique de la raison pure, A317/B374, op. cit., p. 335 (Ak. III, 248).
39 Kant, Théorie et pratique, op. cit., p. 47.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Louis GUERPILLON, « Théorie politique et théorie de l’idée chez Wolff et Kant », Philonsorbonne, 15 | 2021, 123-135.
Référence électronique
Louis GUERPILLON, « Théorie politique et théorie de l’idée chez Wolff et Kant », Philonsorbonne [En ligne], 15 | 2021, mis en ligne le 03 février 2021, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philonsorbonne/1850 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philonsorbonne.1850
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