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DOSSIER : « QUI PEUT SAVOIR ? »

La notion de peuple chez François de La Mothe Le Vayer et Gabriel Naudé : l’articulation entre le sens commun, les opinions vulgaires et la publicité du savoir dans la pensée libertine du XVIIe siècle

Ambre PEREZ-PARFAIT
p. 109-122

Texte intégral

Introduction

  • 1  François de La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir (...)

Je considère premièrement combien ceux-là se peuvent tromper, qui prennent le sens commun pour le bon, et les plus vulgaires opinions pour les meilleures de toutes. Comme s’il n’y avait rien de plus commun que d’errer ? Comme s’il était rien de plus sot que la multitude ? Et comme si le grand chemin n’était pas celui des bêtes1 ?

  • 2  Cf. Sylvia Giocanti, « La Mothe Le Vayer : un anti-cartésien ? », dans Delphine Kolesnik-Antoine ( (...)

1C’est en ces termes que François de La Mothe Le Vayer traite les thèmes du « sens commun » et du « bon sens » dans son opuscule Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : n’avoir pas le sens commun. On ne peut que constater le fossé qui semble séparer une telle conception de celle du Descartes du Discours de la méthode – ce qui pourrait s’expliquer entre autres par le scepticisme revendiqué de La Mothe Le Vayer, contre lequel Descartes s’érige en cherchant à lui opposer une certitude imparable2. Et certes, une lecture trop rapide du texte de notre auteur pourrait laisser penser que l’affaire est entendue : le sens commun se fait passer pour le bon sens alors qu’il n’est que l’expression des opinions vulgaires et partagées par le plus grand nombre, autrement dit par la foule, qui n’est digne que de mépris.

2Il n’est pas insignifiant que ce soit ce premier degré de lecture qui émerge en abordant ce texte, dont l’auteur est tout autant emprunt du scepticisme de Montaigne que du libertinage de son siècle. Si l’œuvre de La Mothe Le Vayer (1588-1672) est assez dense et variée, c’est un livre publié sous couvert d’un pseudonyme qui retient particulièrement notre attention ici : les Dialogues faits à l’imitation des Anciens [circa 1631]. Composé de neuf dialogues et publié sous une fausse date et un faux lieu d’impression, cet ouvrage jouit d’une liberté de ton qui permet à son auteur de laisser entrevoir l’ampleur de la dimension subversive de sa pensée.

  • 3  Procédé sceptique par lequel chaque argument est contrebalancé par un argument contraire.
  • 4  Cf. Sylvia Giocanti, « Le scepticisme, instrument de la transgression du licite. Le cas La Mothe L (...)

3En effet, bien que les questions qui y sont abordées le soient par le prisme du scepticisme, donc de l’isosthénie3 et de la suspension du jugement, La Mothe Le Vayer n’hésite pourtant pas à élaborer un discours à rebours de la doxa catholique et monarchique de son siècle. C’est d’ailleurs cette double caractéristique de la pensée de La Mothe Le Vayer, hétérodoxe et dissimulée4, qui lui confère dans l’historiographie son titre de libertin. Voire de « libertin érudit » depuis l’étude pionnière de René Pintard, Le Libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle [1943].

  • 5  Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magi (...)

4Parmi les libertins érudits recensés par Pintard, Gabriel Naudé (1600-1653) attire également notre attention, et plus particulièrement deux de ses textes : l’Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement accusés de magie [1625] et les Considérations politiques sur les coups d’État [1639]. Le premier consiste en la défense de quelques figures historiques dont la pensée fut jetée en discrédit par des « historiens et des démonographes »5. Cette publication prend place, comme l’annonce Naudé dans la Préface, au sein de la polémique anti-libertine menée par le père jésuite François Garasse (qui fut à l’origine du procès et de l’emprisonnement du poète Théophile de Viau en 1623) et cherche à établir une méthode de recherche historique capable de se substituer à l’influence de tels polémistes. Le deuxième texte que nous mobiliserons ici, les Considérations politiques sur les coups d’État, paraît fort éloigné de ces thèmes : héritier avoué de Machiavel, Naudé y élabore une science politique fondée sur la raison d’État. Cette notion centrale autour de laquelle son discours se construit révèle de prime abord une théorie favorable à l’absolutisme, régime particulièrement efficace pour maintenir le pouvoir politique et ses institutions, en usant de la force et du secret en cas de nécessité.

  • 6  René Pintard, Le Libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle [1943], Genève-Paris, (...)
  • 7  Cf. François de La Mothe Le Vayer, « De la politique », Dialogues faits à l’imitation des Anciens, (...)
  • 8  Si les libertins n’ont pas l’exclusivité du thème de la religio instrumentum regni (que l’on peut (...)
  • 9  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, Caen, Centre de Philosophie politi (...)
  • 10  François de La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 326 et p. 3 (...)
  • 11  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, « Imposture politique des religions et sagesse libertine », Littératures (...)

5C’est en partant d’un pareil constat que René Pintard conclut que Naudé et les libertins sont « à l’avant-garde, à l’extrême pointe conquérante du mouvement absolutiste »6. Si l’on suivait une telle interprétation, et en prenant à la lettre les nombreuses mentions du mépris du vulgaire chez La Mothe Le Vayer et Naudé, nous pourrions rapidement répondre à la question « Qui peut savoir ? » : les puissants et les érudits mis dans la confidence de la raison d’État, cette dernière nécessitant de laisser dans l’ignorance le peuple pour mieux le gouverner. Néanmoins, une telle réponse ne nous paraît pas suffisante en ce qu’elle ne permet pas de rendre compte de plusieurs éléments textuels caractéristiques des écrits libertins. Par exemple, on trouve chez La Mothe Le Vayer une défiance aussi grande, si ce n’est plus, pour la monarchie que pour la démocratie7 ; ou encore, chez nos deux auteurs, la présence de la thèse de l’imposture religieuse. En effet cette thèse consiste à affirmer que les religions ne sont qu’un moyen commode d’instaurer et de maintenir un ordre politique en imposant aux peuples des lois censées procéder du divin8. Trouver cette thèse sous la plume de Naudé9 et de La Mothe Le Vayer10 permet d’envisager que d’une part les libertins s’y soustraient en la formulant11 et d’autre part que le fait même d’exposer la thèse de l’imposture religieuse, et de la publier, peut engendrer chez leurs lecteurs l’émancipation de tels carcans.

6S’opposent alors deux lectures de ces textes : l’une qui voit dans les discours libertins, et a fortiori dans ceux de La Mothe Le Vayer, un cheminement sceptique menant à la même issue que chez Montaigne. C’est-à-dire qu’aucun régime politique n’étant in fine ni plus ni moins légitime qu’un autre, la nécessité civile de maintenir la paix l’emporte. Comme on l’a évoqué, cette piste interprétative se double de la référence, parfois explicite, à Machiavel, censée justifier la position absolutiste des libertins. La seconde lecture perçoit au contraire dans les textes libertins des volontés réformatrices, voire une critique vive et profonde du régime monarchique. Elle s’appuie entre autres sur les éléments sceptiques démystifiants, qui délégitiment donc nécessairement le pouvoir politique en place.

  • 12  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 129.
  • 13  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 401.

7Nous exposons ces deux tendances interprétatives pour deux raisons principales : premièrement, il en va de la place que l’on peut attribuer dans le corpus libertin (en tout cas chez La Mothe Le Vayer et Naudé) à la notion de peuple. Celui-ci peut en effet soit réellement tomber sous le coup de la condamnation du « vulgaire », dont l’opinion ne vaut guère qu’on s’y arrête si ce n’est pour signaler sa fausseté, et qui ne peut que rester prisonnier d’un ordre politique qui le dépasse et le brime. Soit le peuple revêt une importance politique singulière, en tant qu’il est une entité politique à part entière12 et même susceptible d’être au fondement d’un régime qui, à tout le moins, ne sera pas pire que la monarchie13.

  • 14  Deux études au moins ont précédé celle de Pintard sur les libertins du XVIIe siècle : celle de Jac (...)

8Le deuxième enjeu est d’ordre historiographique puisque ce sont en réalité deux écoles interprétatives qui s’opposent ici : on l’aura compris, la première est instaurée par René Pintard, et a eu une importance considérable sur les études qui l’ont suivie. En effet, la quasi-primeur de sa thèse sur le libertinage14, ainsi que l’étendue et la densité de ses recherches en ont fait un ouvrage de référence sur le sujet – aujourd’hui encore. La seconde tradition interprétative est plus récente et compte notamment parmi ses représentants Jean-Pierre Cavaillé, Sylvia Giocanti et Sophie Gouverneur. Ils entendent montrer que la dimension critique propre au libertinage comprend le champ politique tout autant que le champ religieux. De ce fait, ils ne souscrivent pas à la thèse de leur prédécesseur concernant l’adhésion des libertins à l’absolutisme.

  • 15  Cf. la présentation de Françoise Charles-Daubert dans Le « Traité des trois imposteurs » et « L’Es (...)

9Un tel désaccord nous semble plus profond que la simple divergence de point de vue entre spécialistes du libertinage : il repose en effet sur deux conceptions de l’histoire des idées du XVIIe siècle. La première envisageant l’hétérodoxie de cette période comme n’étant pas très féconde, en particulier sur le plan politique. La seconde, en revanche, cherche à montrer la positivité de la radicalité de la critique libertine, qui s’exprime notamment dans la postérité des textes libertins, leur transmission et leurs rééditions15.

10Ainsi, pour tenter de déterminer si le savoir est ou non chez les libertins, réservé à une élite politique et intellectuelle, nous nous proposons de mener notre réflexion en trois étapes : dans un premier temps, nous verrons comment le scepticisme de La Mothe Le Vayer neutralise la notion de « sens commun », notamment en définissant le « vulgaire » par son rapport aux opinions communes, plutôt que par le prisme politique ou social. Nous verrons ensuite la façon dont, chez Naudé, la défense de l’absolutisme semble se heurter à un projet scientifique et politique de diffusion du savoir. Enfin, nous envisagerons le rapport qu’entretiennent ces auteurs avec la publication, et donc la publicité, de leurs propos.

I. Le scepticisme de La Mothe Le Vayer : la dissolution du sens commun

  • 16  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, Dis/simulations, Jules César Vanini, François de La Mothe Le Vayer, Gabr (...)

11Notre analyse appelle en premier lieu une remarque d’ordre méthodologique, sur laquelle la majorité des spécialistes du libertinage s’accordent16 : il nous faut chercher à déceler les propos de nos auteurs, souvent masqués par des procédés d’écriture nécessaires à la dissimulation des discours les plus corrosifs, notamment en matière de religion.

12En cela, il faut admettre que les libertins prévoient dans leurs textes différents degrés de lecture, et donc différents lectorats : l’un, non averti, c’est-à-dire exogène au cercle d’érudits à qui le texte s’adresse explicitement, et qui peut être inquisiteur et dangereux. Dangereux car le risque de censure, voire de condamnation, est important dans cette première moitié du XVIIe siècle. L’autre lecteur, à l’esprit fort, est capable de se frayer un chemin dans un texte labyrinthique, dont le sens est toujours voilé sous l’ironie, les références implicites et un dédale de citations érudites. Remarquons que nous sommes là face à une piste de réponse possible à la question « Qui peut savoir ? », ou du moins à une version négative de ladite question, « Qui ne peut pas savoir ? » : les lecteurs hostiles aux pensées hétérodoxes, qui sont alors empêchés par les stratégies d’écriture d’accéder au sens profond des textes.

  • 17  Sylvia Giocanti, « Le scepticisme, instrument de la transgression du licite. Le cas La Mothe Le Va (...)

13Ces stratégies sont loin d’être étrangères à La Mothe Le Vayer, et elles se doublent chez lui d’une démarche sceptique. Comme le montre Sylvia Giocanti17, sous la plume de La Mothe Le Vayer, le scepticisme est tout autant une voie et une tradition philosophique dont il maîtrise les thèmes et les variantes, de Sextus Empiricus à Montaigne, qu’il est un moyen efficace de masquer la portée dissidente de certaines pensées. Car non seulement notre auteur peut se réfugier dans la suspension du jugement pour qu’aucune opinion ne lui soit reprochée, mais de plus, et surtout, la mise en balance des raisons et des exemples contraires constitue un très bon moyen de délégitimer les discours dominants et de donner à lire des raisonnements dissidents.

  • 18  Leo Strauss, La Persécution et l'art d'écrire, Paris, Presses-Pocket, 1989.

14Nous prenons ces précautions méthodologiques car, d’une part, il va nous falloir nous méfier de la lettre du texte, et bien plutôt chercher un sens caché – et cette démarche ne va pas de soi, bien que Leo Strauss en ait montré la fécondité18. D’autre part, c’est sur cette méthode de lecture que nous nous appuierons ici pour tenter de mettre au jour les réponses de nos auteurs quant à la question « Qui peut savoir » : nous ne nous arrêterons en effet pas au premier degré de lecture. Par exemple, on lit dans la « Lettre de l’auteur » en préface des Dialogues de La Mothe Le Vayer :

  • 19  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 12.

Mocquons-nous des suffrages d’une sotte multitude, et dans le juste mespris d’un siècle ignorant et pervers, jouissons des vrais et solides contentemens de nos entretiens privés19.

15Faut-il prendre au mot ce mépris ? Et cette désertion revendiquée du débat public est-elle l’expression d’un sincère désintérêt ou bien constitue-t-elle une mise en scène prudentielle visant à désamorcer la portée critique de l’ouvrage ? Nous laissons ces questions ouvertes pour l’heure, nous attardant plutôt sur la mention de la « sotte multitude » : en effet, chez La Mothe Le Vayer, le vulgaire, le peuple, la multitude et la foule appartiennent au même champ lexical et semblent tomber sous la même condamnation. Il nous faut alors évidemment sonder la définition de ces termes dans les textes afin de jauger au mieux ladite condamnation.

16Cette définition est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas fondée sur l’appartenance à une classe sociale ; on trouve effectivement au moins trois passages dans les textes de Le Vayer caractérisant le peuple, la multitude ou le vulgaire :

  • 20  Ibid., p. 14.

[…] vulgaire (ce mot comprend à nostre égard le cavalier, l’homme de robbe, et le païsan, également)20.

17Un autre extrait des Dialogues revient sur cette classification et la précise :

  • 21  Ibid., p. 48.

[…] un amas et multitude d’esprits populaires, impertinents et mal faits. Le Gentilhomme, l’Artisan, le Prince, le Magistrat, le Laboureur, ne sont à cet égard qu’une mesme chose […]21.

18De même, le Petit traité sceptique ne dit pas autre chose lorsqu’on y lit :

  • 22  La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir pas le sens (...)

[…] les sots jugements d’un peuple ignorant ; lequel se trouve partout où est la multitude, qui se pare de foi aussi bien que de bure, qui porte la soutane aussi bien que les crochets, et qui hante les cabinets dorés, aussi bien que les Foires, puisque toute sorte de professions composent le peuple dont nous parlons22.

  • 23  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit, p. 414.

19L’insistance avec laquelle cette idée revient sous la plume de La Mothe Le Vayer (notons que quinze ans séparent la publication des Dialogues de celle du Petit traité) nous incite à porter une attention particulière à ces définitions. En premier lieu, recenser ainsi le « Gentilhomme » et surtout le « Prince » au sein de la catégorie du peuple peut paraître contradictoire, à moins de dissocier la notion de peuple de sa dimension politique. Et en effet, ici le « peuple » et le « vulgaire » ne sont pas définis socialement, ni politiquement mais intellectuellement. Il faut à ce sujet remarquer que cette affiliation du Prince au vulgaire est cohérente avec le tableau que La Mothe Le Vayer en dresse dans le dialogue « De la politique », dans lequel est décrite l’inintelligence des hommes d’État23, et sur lequel nous allons revenir.

  • 24  Jean-Pierre Cavaillé, « Imposture politique des religions et sagesse libertine », op. cit.

20De plus, cette conception d’une foule prisonnière de ses opinions et des impostures tant politiques que religieuses permet de la distinguer de la figure du sage, érudit et réfléchi, ne se trompant pas sur les fondements hasardeux de l’ordre établi. On peut, à l’instar de Jean-Pierre Cavaillé24, analyser une telle division en la ressaisissant dans la filiation de la philosophie antique, qui fait du sage un personnage éloigné et affranchi des lois et coutumes de son temps.

21Néanmoins, ce qui retient particulièrement notre attention présentement est la question de savoir si, en ne définissant pas le peuple et le vulgaire par le prisme de la classe sociale, et si même le Prince est compté au rang de la « sotte multitude », on peut alors supposer que la réciproque est vraie ? Autrement dit, ceux qui constituent politiquement le peuple peuvent-ils intellectuellement faire partie des sages ?

22Il est difficile de trancher définitivement une telle question à partir des textes de La Mothe Le Vayer, néanmoins il nous faut prendre au sérieux une remarque, pourtant anodine à première vue, sur les manières de se vêtir des contemporains de notre auteur, et qui peut nous fournir une piste de réponse :

  • 25  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit, p. 399.

Mais m’estant neantmoins apperceu […] que la soye, la pourpre, le clinquant, ny le cordon bleu, ne couvroient souvent rien que de fort vil et populaire ; de sorte que ayant bien tost reconnu simias in purpura [les singes dans la pourpre], j’estois contraint de tourner en mespris tout ce respect precedent ; je me resolus en fin, puis que l’habit ne faisoit pas le Moine, et qu’il fallait de necessité estre trompé sur les premieres apparences, d’essayer un proceder tout contraire, qui fut, changeant de note, et mettant ces premiers fort bas en mon imagination, de bien et favorablement prejuger de ceux que je voyois non seulement modestement vestus, mais mesme assez mal en poinct25

23Si cette considération ne nous semble pas si anecdotique qu’elle y paraît, c’est tout d’abord parce que nous n’ignorons pas que les stratégies d’écriture et de dissimulation de notre auteur peuvent user de l’euphémisme. Dès lors, la banale remarque reposant sur l’adage « L’habit ne fait pas le moine » est susceptible de recéler un sens plus profond. Car il faut aussi noter qu’elle prend place dans le dialogue « De la politique », au sein du mouvement argumentatif que nous évoquions plus haut, qui jette le discrédit sur les capacités intellectuelles des hommes d’État. On retrouve dans ce passage la même déconsidération pour le pouvoir, ou plus particulièrement pour ses attributs, ramené là aussi au « populaire ».

  • 26  Ibid., p. 399.
  • 27  Ibid., p. 414.

24Mais on trouve de plus dans cet extrait la réciproque précédemment mentionnée : car si ceux qui sont mal vêtus peuvent attiser le jugement bienveillant du philosophe, c’est parce qu’ils ne sont pas aussi systématiquement exclus que les puissants du cercle des sages – ils peuvent, comme La Mothe Le Vayer le signale lui-même, « cach[er] mille bonnes drogues au-dedans »26 comme les Silènes d’Alcibiade. Il apparaît ainsi que les puissants sont au moins autant susceptibles que le commun des hommes de tomber dans les erreurs « populaires », si ce n’est plus étant donné que « ceux à qui il reussit le mieux dans cette sorte d’affaires [les affaires d’État], sont les personnes qui raisonnent le moins hautement dans le reste de la conduitte de leur vie […] »27.

  • 28  La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir pas le sens (...)

25Le sens commun, entendu comme le refuge des opinions vulgaires, est alors partagé tant par l’artisan et le magistrat que par le prince ou le paysan. Il subira en tout cas la même disqualification sceptique, puisque La Mothe Le Vayer relativise fortement les prétentions à l’universalité qui traversent les assertions se réclamant du sens commun. Il tire en effet les leçons des découvertes géographiques du XVIe siècle et invoque l’hypothèse de l’infinité des mondes afin de montrer les limites d’un sens prétendument commun : ainsi, quand bien même ce dernier ne consisterait pas uniquement en l’expression d’une opinion purement individuelle, il ne serait malgré tout que le reflet des positions d’un petit nombre d’humains. Notre auteur conclut donc que « c’est une arrogance insupportable de s’attribuer la connaissance du sens commun, quand à peine l’on sait quels sont les sentiments de ses plus proches voisins28 ».

  • 29  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 401, notamment.

26Dès lors, si le sens commun et le vulgaire sont bel et bien exclus du champ du savoir, ce n’est néanmoins pas nécessairement le cas du peuple, entendu comme catégorie politique cette fois-ci ; en attestent les passages mentionnés plus haut29 dans le dialogue « De la politique », qui ne disqualifient pas l’hypothèse démocratique, et donc le peuple comme moteur politique. Qu’en est-il chez Gabriel Naudé, qui semble soutenir la monarchie absolue bien plus vigoureusement que La Mothe Le Vayer ? Compte tenu de sa défense explicite du secret d’État, doit-on en déduire que sa théorie rende nécessaire la mise à l’écart du peuple de la sphère du savoir politique ? Ou faut-il envisager que sa position dépasse ses notes d’intention et permette bien plutôt de révéler aux non-initiés les ressorts du gouvernement monarchique ?

II. Gabriel Naudé : apologie de la monarchie ou intention didactique ?

27Comme évoqué plus haut, les Considérations politiques sur les coups d’État cherchent les principes de la science politique dans les maximes de la raison d’État, entendue comme la façon dont l’action politique se soustrait au droit commun en faisant passer l’intérêt de l’État au-dessus des intérêts particuliers. D’après Naudé, l’une des illustrations les plus notoires de cette raison d’État demeure le massacre de la Saint Barthélémy, qu’il commente au chapitre III des Considérations.

28C’est donc sur ce chapitre que nous allons nous pencher afin de mettre au jour la façon dont Naudé traite la question de l’action politique extraordinaire, et ce faisant, éclairer son rapport à l’absolutisme. Notons premièrement que dans ces pages, juste avant d’aborder l’exemple de la Saint Barthélémy, Naudé précise que les coups d’État violents ne devraient être mis qu’au service de la défense de l’État ou du bien du peuple :

  • 30  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 129.

Cette loy si commune & qui devroit estre la principale regle de toutes les actions des Princes, Salus populi suprema lex esto [que le salut du peuple soit la loi suprême] […]30.

29Et c’est à la suite de cet inventaire des précautions à respecter pour mener à bien les coups d’État que Naudé en donne une première illustration avec l’imposture religieuse, présentée comme une captation du pouvoir par la ruse et le mensonge :

  • 31  Ibid., p. 141.

Et pour parler premierement de l’erection [des Royaumes], si nous considerons quels ont esté les commencemens de toutes les Monarchies, nous trouverons toujours qu’elles ont commencé par quelques-unes de ces inventions & supercheries, en faisant marcher la Religion & les miracles en teste d’une longue suite de barbaries & de cruautez31.

  • 32  Nous nous permettons d’inclure l’Antiquité tardive dans la catégorie.
  • 33  Ibid., p. 151‑154.
  • 34  Ibid., p. 151.
  • 35  Cf. Françoise Charles-Daubert, Le « Traité des trois imposteurs » et « L’Esprit de Spinosa » : Phi (...)
  • 36  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 157‑162.

30Nous reviendrons plus bas sur la portée de l’explicite de cette assertion, car il nous faut d’abord préciser que, parmi les exemples tirés de l’Antiquité32 que Naudé mobilise pour faire valoir une telle théorie, il n’hésite pas à remettre en cause les fondements d’un monothéisme en imputant à Mahomet de faire passer de nombreuses ruses pour des miracles33 afin d’assurer « l’établissement non moins de sa Religion, que de l’Empire lequel est aujourd’hui le plus puissant du monde »34. Si l’on peut souligner l’audace de tels propos (car d’un prophète à un autre, il n’y a qu’un pas, comme l’atteste la circulation quelques années plus tard du Traité des trois imposteurs35), nous constatons également que notre théoricien de la raison d’État ne s’arrête pas là et va jusqu’à expliquer par des raisons politiques la conversion de Clovis au catholicisme, revenant ainsi sur les fondations religieuses du Royaume36.

31À la suite de ces exemples, Naudé en vient donc à l’analyse du massacre de la Saint Barthélémy, et s’attelle dans un premier temps à encenser cet évènement :

  • 37  Ibid., p. 180.

Je ne craindray point toutefois de dire que ce fut une action tres-juste, & tres remarquable, & dont la cause estoit plus que legitime […]37

32Mais il tempère aussitôt :

  • 38  Ibid., p. 180.

[…] quoy que les effets en ayent esté bien dangereux & extraordinaires38.

33En effet, conformément à son affiliation au catholicisme et à son adhésion déclarée à l’absolutisme, Naudé semble donner raison à l’action de Charles IX et de Catherine de Médicis et justifie donc à la fois les moyens et les fins d’un tel pogrom, en allant même jusqu’à déplorer que tous les protestants n’aient pas été éradiqués ce faisant :

  • 39  Ibid., p. 187.

D’où vient doncques que cette action, puis qu’elle estoit si legitime & raisonnable, a neanmoins esté & est encore tellement blâmée & décriée ; pour moy, j’en attribüe la premiere cause à ce qu’elle n’a esté faite qu’à demy, […] où au contraire si l’on eust fait main basse sur tous les Heretiques, il n’en resteroit maintenant aucun au moins en France pour la blâmer […]39.

34En s’en tenant à de tels propos, on ne peut que constater que Naudé fait preuve d’un absolutisme des plus implacables qui ne recule devant aucun abus pour maintenir le pouvoir royal. Il faut toutefois souligner que notre auteur borne son soutien à cet épisode violent en insistant sur les effets dommageables qui l’ont suivi :

  • 40  Ibid., p. 191.

[…] l’on peut dire que la Saint Barthelemy, pour n’avoir pas esté executée comme il falloit, non seulemeny n’appaisa pas la guerre au sujet de laquelle elle avoit esté faite, mais en excita une autre encore plus dangereuse40.

35Naudé constate que non seulement la Saint Barthélémy ne mit pas fin aux guerres de religion en France, mais qu’elle a en outre attisé la véhémence de la Ligue catholique. L’analyse de ce coup d’État que fut la Saint Barthélémy, si enthousiaste envers l’action royale paraisse-t-elle, s’ouvre et se conclut donc par une note réprobatrice – qui ne se place certes pas dans le champ de la morale (qui n’est de toute façon pas le prisme par lequel Naudé interprète les évènements historiques), mais qui dessine bien plutôt les manquements politiques, du point de vue des effets, de cet épisode. Cette remarque, de même que la structure du chapitre (notamment la priorité accordée au salut du peuple et le dévoilement de l’imposture religieuse que nous avons mentionnés), nous enjoint à nous demander si les Considérations consistent bien en un ensemble de conseils au prince dans une perspective absolutiste, ou si elles ne sont pas plutôt au fondement d’une entreprise de divulgation des arcana imperii.

  • 41  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, « Gabriel Naudé : Destinations et usages du texte politique », Les Cahie (...)

36Si l’on ne peut légitimement pas exclure l’intention de donner des maximes aux acteurs de l’action politique, nous n’écartons pas non plus l’hypothèse selon laquelle Naudé cherche à y faire accéder un public plus large41. Nous pouvons en outre mobiliser une piste supplémentaire alimentant cette hypothèse en nous penchant sur le projet constitutif d’un autre ouvrage de Naudé, l’Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement accusés de magie. Car si ce texte se montre lui aussi d’emblée hostile envers les « opinions communes », ce n’est toutefois pas le vulgaire qui en porte la responsabilité :

  • 42  Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magi (...)

[…] si tu avais vu avec moi combien ces opinions communes que j’entreprends de combattre et renverser sont enracinées dans la fantaisie de quelques historiens et maintenues obstinément par la plupart de nos démonographes […]42.

  • 43  Ibid., p. 141.

37Ce sont alors certains producteurs du savoir qui sont à blâmer pour la diffusion et la persistance des « erreurs populaires et communes »43. Naudé entend y remédier par la publication de son livre :

  • 44  Ibid., p. 142.

[…] j’estime que […] tu ne dénieras ton consentement à la vérité que je veux enseigner et établir en icelle [cette Apologie], pour la faire servir comme d’un phare haut élevé et grandement nécessaire à tous ceux qui se laissent emporter avec si peu de discrétion et résistance aux bourrasques et tempêtes des opinions communes et erronées44 ».

  • 45  Ibid., p. 142.

38La visée didactique est ainsi clairement énoncée : Naudé explicite son ambition d’instruire, de partager ses lumières, et ce pour le « bien du public »45. Un tel dessein, consistant à informer le public et à infléchir les opinions communes, se trouve prolongé par l’activité de bibliothécaire de Naudé.

39En effet, dès 1627, Naudé n’envisage pas le couronnement d’une bibliothèque autrement qu’en l’ouvrant au public :

  • 46  Gabriel Naudé, Advis pour dresser une bibliothèque, Paris, chez François Targa, 1627, p. 113‑114.

S’imaginer qu’il faille après tant de peine et despense cacher toutes ces lumières sous le boisseau et condamner tant de braves esprits à un perpétuel silence et solitude, c’est mal recognoistre le but d’une bibliothèque […] en vain celuy là s'efforce il de pratiquer aucun des moyens susdits, ou de faire quelque despense notable apres les Liures, qui n'a dessein d’en vouer et consacrer l’usage au public et n’en desnier jamais la communication au moindre des hommes qui en pourra avoir besoin […]46.

  • 47  Dans une lettre du 24 mars 1649, dans Considérations politiques sur la Fronde – La correspondance (...)

40Cette ambition est intacte plus de vingt plus tard, puisqu’il n’hésite pas à insister auprès de son patron, le cardinal Mazarin, pour rendre sa bibliothèque publique47. Ces éléments sont révélateurs de l’importance pour Naudé de transmettre et diffuser le savoir au public le plus vaste possible – donnant ainsi du crédit à l’hypothèse de la révélation des secrets d’État par les Considérations politiques sur les coups d’État.

  • 48  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 12.

41Il nous reste une autre piste à prendre en considération, qui indique que la pensée libertine du XVIIe siècle n’a pas tant vocation à « demeurer dans l’obscurité d’un cabinet amy »48 que ses auteurs le proclament : c’est que cette pensée se dit, même de biais, et surtout se publie. En va-t-il alors d’une aspiration à rendre publiques des idées hétérodoxes ?

III. Publications libertines et publicité du savoir

  • 49  Ibid., p. 12.
  • 50  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 2.

42Avant de répondre à cette question, il nous faut premièrement remarquer que la posture manifeste de nos deux auteurs consiste à se défendre d’une quelconque volonté de diffusion : La Mothe Le Vayer destinerait ainsi ses Dialogues à son cercle d’amis plutôt que de « souffrir l’éclat et le plein jour d’une publique lumière »49, et Naudé ne réserverait la lecture de ses Considérations qu’à son commanditaire, le cardinal Bagni50.

  • 51  Jean-Pierre Cavaillé, « Gabriel Naudé : Destinations et usages du texte politique », op. cit.

43Néanmoins, en considérant ces affirmations comme de possibles stratégies de dissimulation, on constate aussitôt que, quelle qu’en soit leur réelle portée, elles sont contredites par le geste même de la publication. Puisque Naudé et La Mothe Le Vayer n’ignorent pas qu’une fois imprimés, les livres ont leurs vies propres, l’impression facilitant la diffusion, la transmission, voire la réédition des textes. De plus on peut remarquer avec Jean-Pierre Cavaillé que rien à notre connaissance n’atteste du tirage restreint à une douzaine d’exemplaires que Naudé avance dans la préface des Considérations51. Le commentateur interprète cette indication comme un procédé rhétorique visant bien plutôt à attiser la curiosité d’un lectorat plus large, puisque le dispositif même du texte invite le profane à percer les mystères du secret d’État.

  • 52  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 77.

44Dans cette perspective, on pourrait s’étonner du fait que Gabriel Naudé reproche à Machiavel d’avoir le premier éventé les secrets des puissants52, alors que c’est précisément ce qu’il fait lui-même. À l’ironie flagrante de ce passage, nous pouvons légitimement nous demander si Naudé ne serait pas en réalité en train de proposer implicitement une grille de lecture à son propre ouvrage : si le secrétaire florentin a été pour Naudé une porte d’accès aux arcana imperii, il se proposerait alors à son tour d’éclairer le public sur les moyens mis en œuvre par les princes pour gouverner et maintenir leurs États.

  • 53  Cette hypothèse rejoint la ligne interprétative de Sylvia Giocanti selon laquelle il est possible (...)

45Chez La Mothe Le Vayer, on peut également constater un écart entre la déclaration susmentionnée qui prétend ne destiner son texte qu’à un cercle privé – et le fait-même de le faire imprimer, alors qu’un manuscrit aurait été plus indiqué pour un tel usage. Rappelons par ailleurs que la fausse date et le faux lieu d’impression, ainsi que le pseudonyme utilisé par l’auteur laissent à penser que ce dernier, bien conscient de la teneur séditieuse de ses propos, cherchait malgré tout à les diffuser en se mettant à l’abri d’éventuelles poursuites53.

  • 54  Ainsi va son jugement : « Quel obstacle, aussi, au rayonnement de leurs idées [des libertins érudi (...)

46Cette question de la portée des publications libertines n’est pas anecdotique puisqu’elle peut mettre au jour l’intention des auteurs de prendre part au débat public, malgré ce qu’ils en disent eux-mêmes et ce qu’en a conclu une partie de l’historiographie à la suite de Pintard54 ; en ce sens, nous pouvons indiquer que la publication libertine peut être interprétée comme un geste politique en ce qu’elle actualise la publicité du savoir. Si la recherche chez ces auteurs d’une efficacité dans le champ politique n’est pas immédiatement sensible, elle est néanmoins rendue possible par la publication qui leur permet d’espérer la postérité, si ce n’est de leurs noms, à tout le moins de leurs idées.

47C’est ainsi, nous semble-t-il, que peut s’élaborer une conception du libertinage ne présentant pas les auteurs comme des soutiens indéfectibles à la monarchie, ni comme les élitistes réservant jalousement leur savoir à l’entre soi, au mépris du plus grand nombre : il apparaît plutôt chez Naudé une volonté d’ouvrir presque littéralement les portes du savoir en mettant à disposition du public de vastes bibliothèques, et chez La Mothe Le Vayer le très probable dessein de diffuser son scepticisme transgressif auprès d’un lectorat enclin à s’éloigner du « sens commun ».

  • 55  La recherche interroge en effet la possible filiation entre libertinage et Lumières radicales. Cf. (...)

48En effet, et pour conclure notre propos, nous observons que le courant du libertinage érudit n’est pas tari dans la seconde moitié du XVIIe siècle et, comme le souligne Françoise Charles-Daubert, les ouvrages de Naudé et de La Mothe Le Vayer sont réédités entre 1650 et 1680, de même que de nouvelles productions libertines voient le jour dans les années 1650-1660, tels que l’Histoire comique des États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac ou le Theophrastus Redivivus (Anonyme). Il faut alors envisager l’éventualité selon laquelle les écrits de La Mothe Le Vayer et de Naudé aient atteint leur but inavouable : à savoir prendre part à une tradition dissidente de la philosophie, qui se poursuivrait jusqu’au XVIIIe siècle55. En tout état de cause, d’après nos analyses, il est très probable que les libertins souhaitaient bel et bien infuser le champ philosophique de leurs idées, répondant ainsi de manière bien moins restrictive qu’il n’y paraît de prime abord à la question « Qui peut savoir ? ».

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Notes

1  François de La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir pas le sens commun [1646], Paris, Gallimard, 2003, p. 22.

2  Cf. Sylvia Giocanti, « La Mothe Le Vayer : un anti-cartésien ? », dans Delphine Kolesnik-Antoine (éd.), Qu’est-ce qu’être cartésien ?, Lyon, ENS Éditions, 2013, p. 79‑94.

3  Procédé sceptique par lequel chaque argument est contrebalancé par un argument contraire.

4  Cf. Sylvia Giocanti, « Le scepticisme, instrument de la transgression du licite. Le cas La Mothe Le Vayer », dans Antony McKenna, Pierre-François Moreau (éd.), Libertinage et Philosophie au XVIIIe siècle, t. 12 : Le libertinage est-il une catégorie philosophique ?, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2010, p. 83‑100.

5  Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie, dans Libertins du XVIIe siècle, t. 1, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. 141.

6  René Pintard, Le Libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle [1943], Genève-Paris, Slatkine, 1983, p. 560.

7  Cf. François de La Mothe Le Vayer, « De la politique », Dialogues faits à l’imitation des Anciens, Paris, Fayard, 1988, p. 387‑451.

8  Si les libertins n’ont pas l’exclusivité du thème de la religio instrumentum regni (que l’on peut trouver chez Lucrèce ou Machiavel par exemple), la façon dont il est traité chez nos auteurs retient toutefois notre attention pour les raisons que nous allons développer.

9  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, Caen, Centre de Philosophie politique et juridique de l’Université de Caen, 1989, p. 141.

10  François de La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 326 et p. 397.

11  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, « Imposture politique des religions et sagesse libertine », Littératures classiques, vol. 55, n° 3, 2004, p. 27‑42.

12  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 129.

13  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 401.

14  Deux études au moins ont précédé celle de Pintard sur les libertins du XVIIe siècle : celle de Jacques Denis en 1884 et celle de François-Tommy-Perrens en 1896. Mais ce sont bien les travaux de Pintard qui instituent la catégorie de « libertinage érudit » et qui auront le plus de retentissements dans l’historiographie.

15  Cf. la présentation de Françoise Charles-Daubert dans Le « Traité des trois imposteurs » et « L’Esprit de Spinosa » : Philosophie clandestine entre 1678 et 1768, Oxford, éd. Voltaire Fondation, 1999, « Introduction générale », p. 2.

16  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, Dis/simulations, Jules César Vanini, François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto : Religion, morale et politique au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2002.

17  Sylvia Giocanti, « Le scepticisme, instrument de la transgression du licite. Le cas La Mothe Le Vayer », op. cit., p. 84.

18  Leo Strauss, La Persécution et l'art d'écrire, Paris, Presses-Pocket, 1989.

19  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 12.

20  Ibid., p. 14.

21  Ibid., p. 48.

22  La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir pas le sens commun, op. cit., p. 28.

23  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit, p. 414.

24  Jean-Pierre Cavaillé, « Imposture politique des religions et sagesse libertine », op. cit.

25  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit, p. 399.

26  Ibid., p. 399.

27  Ibid., p. 414.

28  La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler : N’avoir pas le sens commun, op. cit., p. 30.

29  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 401, notamment.

30  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 129.

31  Ibid., p. 141.

32  Nous nous permettons d’inclure l’Antiquité tardive dans la catégorie.

33  Ibid., p. 151‑154.

34  Ibid., p. 151.

35  Cf. Françoise Charles-Daubert, Le « Traité des trois imposteurs » et « L’Esprit de Spinosa » : Philosophie clandestine entre 1678 et 1768, op. cit.

36  Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 157‑162.

37  Ibid., p. 180.

38  Ibid., p. 180.

39  Ibid., p. 187.

40  Ibid., p. 191.

41  Cf. Jean-Pierre Cavaillé, « Gabriel Naudé : Destinations et usages du texte politique », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 20|1998, mis en ligne le 20 avril 2009, consulté le 01 décembre 2020. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccrh/2539 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccrh.2539.

42  Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie, op. cit., p. 141.

43  Ibid., p. 141.

44  Ibid., p. 142.

45  Ibid., p. 142.

46  Gabriel Naudé, Advis pour dresser une bibliothèque, Paris, chez François Targa, 1627, p. 113‑114.

47  Dans une lettre du 24 mars 1649, dans Considérations politiques sur la Fronde – La correspondance entre Gabriel Naudé et le Cardinal Mazarin, textes édités par Kathryn Wolfe et Phillip Wolfe, Tübingen, Papers on French Senventeenth Century Literature, coll. Biblio 17, 1991, p. 2.

48  La Mothe Le Vayer, Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 12.

49  Ibid., p. 12.

50  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 2.

51  Jean-Pierre Cavaillé, « Gabriel Naudé : Destinations et usages du texte politique », op. cit.

52  Naudé, Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 77.

53  Cette hypothèse rejoint la ligne interprétative de Sylvia Giocanti selon laquelle il est possible que La Mothe Le Vayer espère en réalité la diffusion de son texte. Cf. « Ce que le libertinage politique, s’il existe, doit au scepticisme », Littératures classiques, vol. 55, n° 3, 2004, p. 53‑67.

54  Ainsi va son jugement : « Quel obstacle, aussi, au rayonnement de leurs idées [des libertins érudits], que la lourdeur de leurs volumes latins, ou la rareté de leurs volumes français, les uns et les autres réservés à un petit nombre ! Stagnation, mutilation, recul : pauvre bilan de leur entreprise » (Le Libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, op. cit., p. 568).

55  La recherche interroge en effet la possible filiation entre libertinage et Lumières radicales. Cf. Jean-Pierre Cavaillé, « Libertinage ou Lumières radicales », dans L. Bove, T. Dagron, C. Secrétant (éd.), Qu’est-ce que les Lumières « radicales » ? Libertinage, athéisme et spinozisme dans le tournant de l’âge classique, Paris, éd. Amsterdam, coll. Caute !, 2007, p. 61‑74.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ambre PEREZ-PARFAIT, « La notion de peuple chez François de La Mothe Le Vayer et Gabriel Naudé : l’articulation entre le sens commun, les opinions vulgaires et la publicité du savoir dans la pensée libertine du XVIIe siècle »Philonsorbonne, 15 | 2021, 109-122.

Référence électronique

Ambre PEREZ-PARFAIT, « La notion de peuple chez François de La Mothe Le Vayer et Gabriel Naudé : l’articulation entre le sens commun, les opinions vulgaires et la publicité du savoir dans la pensée libertine du XVIIe siècle »Philonsorbonne [En ligne], 15 | 2021, mis en ligne le 03 février 2021, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philonsorbonne/1842 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philonsorbonne.1842

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