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DOSSIER : « QUI PEUT SAVOIR ? »

« Qui peut savoir ? » : Théories de la connaissance et théories politiques aux XVIIe et XVIIIe siècles ‒ Présentation du dossier

Jordan MESSERLÉ et Louis ROUQUAYROL
p. 73-79

Résumé

Ce dossier interroge les tensions, aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui naissent de la rencontre de ce que la philosophie a coutume d’appeler théorie politique et théorie de la connaissance. Sous le titre « Qui peut savoir ? », il interroge le passage problématique d’une théorie de l’esprit humain à des propositions de réformes institutionnelles (par exemple, ces théories permettent-elles de penser un égal droit à l’éducation ? Quelles connaissances est-il utile de diffuser et selon quels critères ? etc.). Les contributions qui composent ce dossier soulignent en particulier que l’idée d’une connaissance en droit accessible à tous les esprits s’accompagne rarement de l’idéal d’une diffusion universelle de la connaissance : encore faut-il concilier l’analyse gnoséologique avec celle de théories politiques aux enjeux normatifs spécifiques.

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Texte intégral

I. Mythe philosophique, mythe politique

1Sous le titre « Qui peut savoir ? », ce dossier entend revenir sur l’intrication, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de ce que l’histoire de la philosophie a coutume d’appeler « théorie de la connaissance » et « théorie politique ». Par théorie de la connaissance, nous entendions des modèles pour comprendre tant la nature et le développement des facultés de l’esprit humain que l’(in)égal accès qui en résulte quant aux formes de savoirs auxquelles chaque esprit peut prétendre. L’expression « théorie politique » renvoyait, quant à elle, à une justification rationnelle des normes qui devraient s’imposer au sein de l’organisation sociale. D’un côté, donc, une science de l’homme qui s’interroge sur la nature et l’extension de sa faculté de connaître ; de l’autre, un discours sur les principes de justice et les architectures institutionnelles que devraient établir les hommes en société.

  • 1  C’est le cas, par exemple, de la notion centrale de « préjugé ». Cf. Bertrand Binoche, « Écrasez l (...)
  • 2  La « Neuvième époque » de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain de Con (...)

2Les théories modernes de la démocratie nous ont, bien entendu, rendus sensibles à la relation qui unit ces deux démarches : si l’on prétend conférer la souveraineté au peuple, ne faut-il pas s’interroger sur les mécanismes qui prévalent à la formation du jugement et de l’opinion ? Autre façon de dire que l’étude de la vie démocratique suppose de comprendre les conditions sociales dont dépend la diffusion du savoir au sens large – c’est-à-dire de comprendre comment les savoirs se forment et circulent plus ou moins librement parmi des citoyens qui, eux-mêmes, y accèdent et s’en saisissent inégalement. Pourquoi alors limiter cette étude aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Il nous a semblé que l’histoire de la philosophie pouvait, modestement et avec les moyens qui sont les siens, participer à la généalogie de problèmes dont se saisissent aujourd’hui empiriquement psychologie sociale, science politique ou sociologie. Deux raisons inclinaient à penser qu’une telle généalogie pût trouver, avec les XVIIe et XVIIIe siècles, un sol fécond : (1) au-delà d’indéniables discontinuités1, les auteurs du XVIIIe et du tournant du XIXe ont vu (à tort ou à raison) dans la promotion de la raison au Grand siècle l’origine d’un processus qui devait mener jusqu’aux profonds changements sociaux dont ils étaient les contemporains2. (2) Par ailleurs, les XVIIe et XVIIIe siècles ont encore la valeur de références mythiques quant à la force émancipatrice du savoir et des bienfaits politiques que l’on pourrait en droit attendre de la diffusion des Lumières. Or, derrière cette histoire monumentale qui sclérose les positions théoriques pour trouver de glorieux précurseurs, se cachent pourtant aussi des problèmes et des paradoxes qui sont, jusqu’à un certain point, encore les nôtres.

3Au regard de ces deux éléments, on comprend qu’une présentation rapide de l’histoire de la philosophie puisse faire du Grand Siècle la matrice d’un universalisme qui prendrait toute son ampleur au siècle suivant. L’homme, prince parmi les autres êtres, tirerait ses quartiers de noblesse de la raison, et il reviendrait aux Lumières d’avoir pensé l’impératif politique de son développement par l’éducation et la liberté de la presse. À cette condition pourrait graduellement naître une citoyenneté éclairée et, avec elle, la promesse de lendemains qui chantent. Mais la téléologie et l’idéalisme de cette présentation gomment une tension essentielle : de la reconnaissance d’une aptitude universelle à la raison, à l’impératif politique d’instaurer les conditions sociales de son développement, la conséquence n’est pas directe. L’histoire de la philosophie peut alors prétendre éclairer pourquoi, chez un même auteur, l’emphase sur les pouvoirs de la raison humaine s’accompagne, parfois et pour des raisons bien définies, de propositions de réformes timides.

II. L’égalité des esprits, et après ?

  • 3  Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes – II, éd. M.‑F. Pellegrin, Paris, Vrin, 2011, p.  (...)

4En effet, il ne va pas de soi que l’égale distribution de la rationalité sur le plan de la connaissance implique, par exemple, la norme d’une égale instruction sur le plan social : encore faut-il montrer que là réside bien l’intérêt de la société. Autrement dit, si l’Âge classique proclame de plus en plus l’égalité des esprits, cette égalité ne suffit pas, à elle seule, à définir jusqu’où il convient d’aller dans la diffusion des savoirs. À cet égard, il est significatif que le cartésien et « philogyne » Poulain de la Barre ait ressenti le besoin de montrer que si « l’esprit n’a point de sexe », ce n’est pas cet état de fait, mais le supplément de bonheur et de vertu que peut espérer la société, qui justifie un égal accès au savoir des femmes et des hommes3. Bien sûr, le discours philosophique qui insiste sur l’égalité séminale des esprits peut avoir une fonction critique : il implique qu’il n’existe aucune aristocratie cognitive naturelle et, si différenciation des esprits il y a, qu’elle trouve son origine dans des causes exogènes, sociales, sur lesquelles l’homme conserve une capacité d’action. Toutefois, il faut alors montrer que la structure inégalitaire de la diffusion du savoir ne présente pas un intérêt pour le corps social qui aurait tort de s’en priver. L’idée d’une communauté de nature se heurte ici aux principes qui structurent l’inconscient social de l’époque : les pauvres n’obéissent-ils pas mieux s’ils demeurent ignorants ? Les femmes ne remplissent-elles pas plus adéquatement leur rôle si elles restent extérieures au champ du savoir ?

  • 4  Ces mots sont ceux de l’article « Cartésianisme » de l’Encyclopédie, signé par l’abbé Pestré et d’ (...)
  • 5  Kant, Réponse à la question : Qu’est-ce que les Lumières ?, éd. publiée sous la direction de F. Al (...)

5Il est vrai que le Discours de la méthode était pourtant appelé à faire fortune ; que le « grand homme » qui avait « déclaré la guerre aux préjugés et à l’ignorance », était destiné à constituer sinon l’exemple pour tout homme se libérant de l’obscurité, du moins sa « consolation » face à l’ingratitude d’un monde où les lumières ne règnent pas encore4 ; que, puisque « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », rien ne peut désormais plus, sinon les vicissitudes du temps, empêcher un tel règne. L’histoire est bien connue et si l’on veut absolument, au-delà de la référence cartésienne, donner à son mouvement sa rigoureuse expression conceptuelle, on pourra dire en somme avec Kant que le temps est à la « propagation des lumières », en regrettant seulement qu’il faille douter qu’en l’état, les hommes « soient déjà capables, ou puissent seulement être rendus capables » de faire un bon usage de leurs « dons naturels »5.

  • 6  Indépendamment, du reste, de la signification que l’appel au « bon sens » avait pour Descartes, co (...)

6Il ne s’agit pas, on l’aura compris, de rejeter ces déclarations de principe, mais seulement de se demander si les choses sont aussi simples et si ceux qui les formulèrent étaient conséquents en toutes choses. On s’étonnera en particulier, de deux indices textuels qui conduisent à envisager un héritage de ce morceau de bravoure cartésien6 plus ambigu que ne le laisserait penser l’exemple de Poulain de la Barre.

  • 7  Cf. par exemple Louis de Bonald, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les (...)

7(1) N’y aurait-il pas lieu, par exemple, de considérer que chez Descartes les exigences de la recherche de la vérité doivent être radicalement distinguées des normes propres à la conduite de la vie (individuelle ou collective), dans la mesure où cette dernière doit être entièrement soumise aux croyances traditionnelles du sens commun ? C’est ainsi, du moins, que l’envisagèrent certains auteurs contre-révolutionnaires7.

8(2) De même, n’est-il pas remarquable que ce ne soit pas le Descartes défenseur de l’égalité des raisons que retiennent les encyclopédistes ? Ainsi, lorsque d’Alembert rend hommage au geste cartésien, c’est avant tout comme critique des apparences de savoir :

  • 8  Jean d’Alembert, « Discours préliminaire des éditeurs », Encyclopédie, op. cit., t. I, 1751, p. xx (...)

Descartes a osé du moins montrer aux bons esprits à secouer le joug de la scolastique, de l’opinion, de l’autorité, en un mot des préjugés et de la barbarie ; et par cette révolte dont nous recueillons aujourd’hui les fruits, la philosophie a reçu de lui un service, plus difficile peut-être à rendre que tous ceux qu’elle doit à ses illustres successeurs8.

  • 9  C’est ce dont témoigne la situation mise en place par La Recherche de la vérité par la lumière nat (...)
  • 10  Ibid., p. ix. Sur une conception sceptique possible de l’esprit humain dans l’Encyclopédie, cf. Vé (...)

9Pour le Discours préliminaire, l’image d’un Descartes pourfendeur du préjugé fait oublier les tourbillons et les idées innées, mais peut-être, aussi, une radicalité possible du cartésianisme sur le plan de la connaissance. Quel sens, d’ailleurs, donner à cette expression « bons esprits » qui ne revient pas moins de cinq fois dans le Discours préliminaire et, symétriquement, comment caractériser un « mauvais esprit » ? Si l’on s’en tient à ce discours introductif, le syntagme semble très peu cartésien, puisque Descartes réserve aux « bons esprits » l’invention scientifique, mais accorde au « bon sens », partageable par tous les esprits non prévenus, le privilège de renverser la scolastique9. Selon d’Alembert, l’art de raisonner lui-même, la logique, ne permet d’ailleurs de rapprocher les esprits qui diffèrent le plus que « jusqu’à un certain point »10. Dès lors, si la diffusion de la raison est une arme contre la domination du prêtre et du tyran, il ne s’ensuit pas que chacun y soit également apte, ni même qu’il soit dans l’intérêt de la société que chacun soit également éclairé.

  • 11  La notion médicale de tempérament, c’est-à-dire l’organisation naturelle du corps de l’homme, cons (...)

10Certes, sous certaines conditions fragiles, les Lumières croient aux progrès des facultés de « l’esprit humain », mais encore faut-il préciser le sens du singulier : quelle unité conférer à la notion d’esprit au sein de sociétés dans lesquelles les « conditions » économiques et sociales des hommes (sur lesquelles revient sans cesse la querelle du luxe), ou encore les « tempéraments » nationaux – sinon individuels11 – sont loin d’être jugés égaux ? Sans doute la politique doit-elle s’appuyer sur une science de la faculté de connaître et jouer des institutions pour transformer les esprits (sans quoi il n’y a pas de luttes possibles contre le préjugé), mais a-t-on jamais pensé qu’il fallait attendre les mêmes transformations dans toutes les classes de la société et selon les mêmes moyens ?

III. Qui peut savoir ?

  • 12  Cf. par exemple : Claude-Adrien Helvétius, De l’esprit, Discours III, chap. 1, in Œuvres complètes(...)

11Il nous semble ainsi que le problème de l’articulation entre théories de la connaissance et théories politiques aux XVIIe et XVIIIe siècles pose la question générale « qui peut savoir ? », à condition de comprendre que la question ne signifie pas seulement « qui a la capacité de savoir ? », mais aussi « qui a le droit de savoir ? », c’est-à-dire qui peut accéder à telle ou telle connaissance et selon quelle(s) limite(s) ? Ces questions engagent, elles, une légitimation politique de l’extension qu’il convient d’assigner au « qui ». Même si l’on considère que la connaissance est en droit également accessible à tous les esprits (hypothèse d’ailleurs rare au XVIIIe, à l’exception notable d’Helvétius12), encore faut-il concilier l’analyse gnoséologique avec celle d’une théorie politique aux enjeux normatifs spécifiques. En ce sens, les contributions qui composent ce dossier entendent revenir sur ce que nous pourrions nommer des « politiques de la connaissance », c’est-à-dire des justifications de l’extension ou de la limitation à donner à la diffusion sociale du savoir et des instruments à employer dans ce but.

12Certes, le champ des possibles dépasse nécessairement les choix circonscrits qu’ont faits les contributeurs de ce dossier. En ce sens, certains thèmes ou figures topiques sont absentes des articles qui suivent (que l’on songe, par exemple, à l’empirisme, à Rousseau ou à la tradition féministe britannique). Nous espérons, néanmoins, que ces absences ne nuiront pas à une lecture de la philosophie des XVIIe et XVIIIe siècles qui nous a semblé originale et féconde.

13Elles n’empêchent pas, du reste, une certaine cohérence du parcours ici proposé : l’article de Louis Rouquayrol tâche d’expliciter tant l’importance inaugurale de la proclamation cartésienne de l’égalité du bon sens (tout le monde peut savoir), que les difficultés rencontrées par Descartes au moment d’en penser l’application concrète à un savoir, pourtant fondateur dans l’arbre de la philosophie et sensible eu égard à ses objets (Dieu, l’âme) – la métaphysique (certains doivent, pour conserver leur bon sens pratique, demeurer dans l’ignorance).

14Parce que certaines critiques de la condition féminine aux XVIIe et XVIIIe s’inscrivent dans la continuité de cet universalisme cartésien, l’article de Clément Raymond montre l’importance, au-delà d’une simple proclamation de l’égalité du bon sens, du pragmatisme politique dans la défense d’un droit de savoir des femmes (qui peut conduire à des positions hétérogènes, comme celles de Poulain de la Barre et d’Émilie du Châtelet).

15Ambre Perez-Parfait insiste dans son article sur le nécessité de bien distinguer la dimension politique de la dimension gnoséologique de la question « Qui peut savoir ? » : si, en effet, les libertins érudits ne cachent pas leur mépris pour le « sens commun », rien n’indique que nous ne soyons pas – jusqu’au roi – « tous du vulgaire » (selon la formule de Montaigne) quand il s’agit de savoir ; rien n’indique non plus qu’on ne puisse désirer du « peuple » qu’il joue le rôle d’une force politique en l’instruisant des arcana imperii.

16Louis Guerpillon montre que le recours à l’idéal en politique, loin de fonder une conception aristocratique d’un pouvoir limité aux seuls éclairés (ou, mieux : aux seuls philosophes), ouvre également aux progrès des lumières et aux droits des citoyens un horizon de réalisation historique. Revenant sur certains textes de Kant, il montre que l’idée, au-delà de la Critique de la raison pure, peut aussi inspirer une critique des errements du pouvoir à travers la liberté de la presse, pourvu qu’elle soit garantie par le despote éclairé.

17Jordan Messerlé étudie deux justifications politiques de l’ignorance des pauvres au xviiie siècle, celles de Bernard Mandeville et de Jacques Necker. Il souligne ainsi la possibilité d’un décrochage radical entre théorie de l’esprit humain et buts poursuivis par la politique. Certes, chacun dispose peut-être d’une égale capacité à savoir ; mais ce donné anthropologique semble, pour ces auteurs, de peu de poids face au rôle social que doit jouer l’ignorance au sein de sociétés marchandes caractérisées par une pauvreté structurelle.

18Enfin, Pierre Brossard examine, à travers la figure de Dom Deschamps, les tensions qui traversent l’appel des Lumières à la diffusion sociale de la raison : s’il faut rapporter l’inégalité des savoirs à l’ordre hiérarchique des conditions sociales, seul un renversement complet de « l’état de lois » semble pouvoir rendre effectives les promesses d’émancipation des philosophes – mais alors se pose la question de savoir jusqu’à quel point la vérité peut elle-même être l’instrument d’une telle révolution.

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Notes

1  C’est le cas, par exemple, de la notion centrale de « préjugé ». Cf. Bertrand Binoche, « Écrasez l’infâme ! ». Philosopher à l’âge des Lumières, Paris, La Fabrique éditions, 2018, p. 24‑29.

2  La « Neuvième époque » de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain de Condorcet (1795), introduit une continuité explicite entre « l’impulsion générale » imprimée aux esprits par Descartes et « la formation de la république française », « époque heureuse de l’entière et pure liberté sociale » (éd. A. Pons, Paris, GF, 1988, p. 211‑212). Pour ce qui concerne les contre-révolutionnaires, c’est seulement avec Lamennais que la philosophie cartésienne est identifiée comme origine de tous les maux du siècle (« Préface » de la Défense de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, Paris, Méquignon fils aîné – Lyon, Périsse frères, 1821). Sur ces sujets, cf. François Azouvi, Descartes et la France. Histoire d’une passion nationale, Paris, Fayard, 2002, chap. vi et vii.

3  Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes – II, éd. M.‑F. Pellegrin, Paris, Vrin, 2011, p. 115. Sur le « tournant » opéré au XVIIe siècle concernant la différence des sexes, et son rapport avec l’anthropologie cartésienne, cf. Marie-Frédérique Pellegrin, Pensées du corps et différences des sexes à l’époque moderne. Descartes, Cureau de la Chambre, Poulain de la Barre et Malebranche, Lyon, ENS Éditions, 2020.

4  Ces mots sont ceux de l’article « Cartésianisme » de l’Encyclopédie, signé par l’abbé Pestré et d’Alembert (Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson, David l’aîné, Le Breton, t. III, 1753, p. 725‑726).

5  Kant, Réponse à la question : Qu’est-ce que les Lumières ?, éd. publiée sous la direction de F. Alquié, Paris, Gallimard, 1985, p. 503.

6  Indépendamment, du reste, de la signification que l’appel au « bon sens » avait pour Descartes, comme des relations particulièrement complexes entretenues par sa philosophie à la politique. Sur ce dernier point, cf. notamment Denis Kambouchner, « L’horizon politique », in Lectures de Descartes, F. de Buzon, É. Cassan et D. Kambouchner (dir.), Paris, Ellipses, 2015, p. 385-412.

7  Cf. par exemple Louis de Bonald, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules lumières de la raison, in Œuvres complètes de M. de Bonald, éd. Migne, Paris, chez J.‑P. Migne, 1859, t. I, p. 1059‑1062.

8  Jean d’Alembert, « Discours préliminaire des éditeurs », Encyclopédie, op. cit., t. I, 1751, p. xxvi.

9  C’est ce dont témoigne la situation mise en place par La Recherche de la vérité par la lumière naturelle : Poliandre, homme de bon sens et libre de préjugés, détruit avec l’aide d’Eudoxe la doctrine d’Épistémon, représentant de l’École. Cf. en particulier : Henri Gouhier, La Pensée métaphysique de Descartes [1962], Paris, Vrin, 2016, p. 76‑84.

10  Ibid., p. ix. Sur une conception sceptique possible de l’esprit humain dans l’Encyclopédie, cf. Véronique Le Ru, « Le scepticisme dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert », Revue de Métaphysique et de morale, n° 65 (1), 2010, p. 75‑92. Le baron d’Holbach dira les choses plus abruptement : « La nature a mis entre les hommes la même diversité que nous voyons régner dans ses ouvrages. Ils différent entre eux d’une façon très marquée par les forces, soit du corps, soit de l’esprit, par les passions et les idées qu’ils se font du bien être, par les moyens qu’ils prennent pour les satisfaire » (Politique Naturelle, Discours premier, § X, in Œuvres Philosophiques, Paris, Éditions Alive, 2001, p. 353).

11  La notion médicale de tempérament, c’est-à-dire l’organisation naturelle du corps de l’homme, constitue une des voies du matérialisme pour reconduire les facultés intellectuelles à des divisions matérielles. Elle constitue ainsi un des ressorts de la critique d’Helvétius par Diderot : alors que le premier considère que nous ne pouvons connaître l’influence réelle des causes organiques (et donc qu’il faut rapporter les différences de caractère à des causes morales), le second confère une importance discriminante aux dispositions organiques innées (cf. Denis Diderot, Réfutation suivie de l’ouvrage d’Helvétius intitulé L’Homme, §. IV, in Œuvres Philosophiques, éd. P. Vernière, Paris, Classique Garnier, 2018, p. 581‑597). Sur le matérialisme de Diderot, cf. notamment Ann Thomson, « Diderot, le matérialisme et la division de l’espèce humaine », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie [en ligne], 26, avril 1999.

12  Cf. par exemple : Claude-Adrien Helvétius, De l’esprit, Discours III, chap. 1, in Œuvres complètes, t. I, Paris, Honoré Campion, 2016. Sur le sujet, cf. Jean-Claude Bourdin, « Helvétius, l’idée d’une science de l’homme et la politique », in Matérialisme français du XVIIIe siècle. La Mettrie, Helvétius, d’Holbach, S. Audidière, J.‑C. Bourdin, J.‑M. Lardic, F. Markovits, Y.‑C. Zarka (éd.), Paris, P.U.F., 2006, p. 167‑192. Marx et Engels remarquaient qu’une telle radicalité, propre à Helvétius, en théorie de la connaissance (« l’égalité naturelle des intelligences humaines »), parce qu’elle confère une « toute-puissance » à « l’éducation », ne pouvait manquer de conduire aux conséquences politiques les plus révolutionnaires : « nul besoin d’une grande sagacité pour découvrir le lien de nécessité qui rattache le matérialisme au communisme » (Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte famille, in Œuvres, éd. M. Rubel, t. III, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la pléiade », 1982, p. 570‑571).

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Pour citer cet article

Référence papier

Jordan MESSERLÉ et Louis ROUQUAYROL, « « Qui peut savoir ? » : Théories de la connaissance et théories politiques aux XVIIe et XVIIIe siècles ‒ Présentation du dossier »Philonsorbonne, 15 | 2021, 73-79.

Référence électronique

Jordan MESSERLÉ et Louis ROUQUAYROL, « « Qui peut savoir ? » : Théories de la connaissance et théories politiques aux XVIIe et XVIIIe siècles ‒ Présentation du dossier »Philonsorbonne [En ligne], 15 | 2021, mis en ligne le 03 février 2021, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/philonsorbonne/1747 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/philonsorbonne.1747

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