Hervé Barbier, Les Canonnières françaises du Yang-tsé : de Shanghai à Chongqing (1900-1921)
Texte intégral
1Depuis que les archives diplomatiques françaises concernant l’Extrême-Orient ont été transférées à Nantes, divers étudiants et doctorants en ont fait la base de leurs recherches, ce qui a donné lieu à une demi-douzaine de mémoires de maîtrise dont on retrouve les conclusions dans l’ouvrage dirigé par Jacques Weber, La France en Chine 1843-1943, publié à Nantes (Ouest Edition), en 1997. Plus ambitieux, l’ouvrage d’Hervé Barbier s’inscrit dans un travail de thèse. Il ajoute donc à ces sources celles qu’il a trouvées au service historique de la Marine de Vincennes et de Toulon, ainsi que diverses archives personnelles. L’ensemble est sérieux, avec index et photographies, mais décevant. Le sujet est, en effet, fort mince : quelques décennies de l’histoire d’une flottille de trois ou quatre « caisses à savon », mal adaptées à des missions mal définies, qui protègent grâce au talent de leurs équipages le pavillon français entre Yichang au Hubei et Suifou (actuellement Yibin) au Sichuan. Cette protection du pavillon les conduisit à l’occasion à apporter aide et secours à des vapeurs en réalité chinois mais arborant les trois couleurs, qui se livraient au trafic d’armes ou à celui de l’opium. Quelques bonnes pages sur la vie à bord ou dans les escales de ces marins du bout du monde avec l’évocation des rencontres entre marins et missionnaires bretons parlant leur langue et savourant ensemble leur nostalgie, n’effacent pas l’impression de malaise que m’a procurée cette lecture.
2Quelques erreurs n’y sont pas pour rien. Sans doute ai-je peu apprécié la pauvreté d’une bibliographie qui ignore cet ouvrage essentiel pour le sujet qu’est le livre de Lyman P. van Slyke, Yangtze : Nature, History and the River (Stanford, Ca., Stanford University Press, 1988). Peut-être ai-je également été surpris par une présentation historique plus que hâtive et partiale du cruel bombardement de la ville de Wanxian au Sichuan (p. 128) par deux canonnières anglaises le 5 septembre 1926, qui tua des centaines de civils chinois innocents, et illustrait la célèbre « diplomatie de la canonnière » de triste mémoire.
3Là réside sans aucun doute la faiblesse du livre : l’auteur s’y place de façon exclusive aux côtés de ces marins dont il épouse, un siècle plus tard, les préjugés et les comportements d’un autre temps. Ainsi est-il aux côtés du lieutenant de vaisseau Hourst, commandant l’Olry qui venait de franchir les terribles gorges du Yangzi en août 1902, quand ce dernier sur la foi d’un rapport de missionnaire « complètement exagéré » (p. 73) outrage le vice-roi du Sichuan. Cet officier aventurier typique du temps des expéditions coloniales est désavoué par le ministre de la Marine Pelletan qui condamne cette « tournée semi-épiscopale semi-militaire » : l’attitude parfaitement républicaine du ministre radical ne plaît visiblement pas à notre auteur. Qui n’apprécie pas non plus (p. 193) la politique d’indigénisation du clergé catholique en Chine menée à partir de 1925 par le cardinal Constantini, accusé par lui de menacer le protectorat religieux de la France sur les catholiques chinois. On le voit, ce livre a des airs de machine à remonter le temps.
Pour citer cet article
Référence électronique
Alain Roux, « Hervé Barbier, Les Canonnières françaises du Yang-tsé : de Shanghai à Chongqing (1900-1921) », Perspectives chinoises [En ligne], 95 | Mai-juin 2006, mis en ligne le 28 mai 2007, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/994
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