La démocratie est-elle vendable ?
Notes de la rédaction
Traduit de l’anglais par Stéphanie Petit-Tung
Texte intégral
« Nous allons nous efforcer de faire connaître au monde entier la réussite économique de Taiwan et le succès de son processus de démocratisation. Ainsi, la communauté internationale ne manquera pas d’apprécier à sa juste valeur le rôle que notre pays doit tenir sur la scène internationale. »
Dr. Tien Hung-Mao, Ministre des affaires étrangères, 5 juin 20011.
1Taiwan, dont la démocratie est aujourd’hui entrée dans une phase de consolidation, est dans une situation paradoxale : gouvernée selon un régime politique démocratique extrêmement dynamique, l’île n’est toujours pas considérée comme un membre à part entière de la communauté internationale. Comment Taiwan peut-elle inciter ses partenaires internationaux à prendre enfin conscience de sa valeur démocratique et établir avec eux des relations de confiance ? La réponse n’est pas aisée. En effet, Taiwan souffre cruellement d’une carence de relations diplomatiques, n’entretenant de relations officielles qu’avec seulement 29 pays, situés pour la plupart en Amérique du Sud, en Amérique Centrale et en Afrique. Taiwan est reléguée en marge de la scène internationale et se trouve exclue du cadre relationnel et décisionnel qui influence directement son présent et son avenir. En théorie, Taiwan ne saurait être négligée plus longtemps. En effet, les politologues ont démontré qu’il est impossible de ne pas tenir compte des régimes politiques démocratiques dont la souveraineté provient d’un mandat en bonne et due forme que le peuple confie à ses dirigeants par des élections libres et régulières. Néanmoins, cet idéal est souvent battu en brèche par la dure réalité politique. Il est alors malheureusement inutile d’en appeler à l’opinion internationale ou au sens de la justice des partenaires étrangers.
2Taiwan compte 23,5 millions d’habitants. Les électeurs y votent plus souvent que nulle part ailleurs (à l’exception des Etats-Unis et de la Suisse) et le taux de participation est en moyenne égal ou supérieur à 70%. En outre, le parti qui a dirigé le pays pendant plus de cinquante années a accepté sans discuter d’abandonner le pouvoir après sa défaite électorale de mars 2000. Et pourtant, Taiwan ne siège pas aux Nations Unies. Plus singulier encore, des partenaires importants ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’île après que le processus de démocratisation a été enclenché (la Corée du Sud en 1992 et l’Afrique du Sud en 1997). C’est à croire que la démocratie n’est pas une référence universelle, même pour les pays où elle s’exerce. La rivalité diplomatique entre la Chine et Taiwan montre que les relations internationales sont aujourd’hui encore définies par des intérêts stratégiques et géopolitiques. C’est à cette réalité que se heurte Taiwan, et c’est dans ce contexte que seules des actions de propagande lui permettront de compenser la fragilité de son statut international. En bref, Taiwan doit faire ses preuves2. Le gouvernement taiwanais y est bien décidé et manifeste un engagement courageux en faveur de l’idéal démocratique.
3Le présent article actualise un débat entamé avant les élections de l’année 20003. Mon travail était alors motivé par la volonté de comprendre les raisons pour lesquelles Taiwan a développé des actions de propagande (qualifiées par Joseph Nye de « soft power ») dont le but est de consolider ce que j’ai décrit ailleurs comme la « diplomatie informelle » :
4« Le ‘soft power’ consiste à obliger les partenaires à suivre ou à consentir à des normes et des institutions qui, une fois appliquées, engendreront le comportement que l’on cherche à obtenir d’eux. Le « soft power » fonctionne lorsque les idées mises en avant sont séduisantes et lorsqu’on a réussi à influencer les choix des personnes sur lesquelles on l’exerce »4.
5A ce jour, la victoire de Chen Shui-Bian aux élections de l’an 2000 n’a pas eu d’impact direct sur la politique étrangère taiwanaise. Son gouvernement a établi de nouvelles priorités qui, pour la plupart, accentuent plus qu’elles ne remettent en cause l’approche pragmatique adoptée par ses prédécesseurs. Le lancement d’actions de propagande en faveur de la démocratie n’a pas été concomitant de l’élection de Chen Shui-Bian. Le gouvernement nationaliste, au pouvoir jusqu’en 2000, avait clairement montré l’importance qu’il accordait au « soft power ». En 1999, le Ministre des affaires étrangères Jason Hu avait désigné la « réussite de la démocratisation politique, de la libéralisation économique et du pluralisme social » de Taiwan comme étant « en phase avec les tendances internationales ». Et il ajoutait : « ces exploits devront être reconnus par la communauté internationale »5.
6Une succession d’événements récents illustre l’étendue des possibilités qu’offre la propagande réactive (engagée en réaction à des circonstances externes) : l’élection de George W. Bush et surtout les attaques terroristes du mois de septembre 2001. La participation à l’Organisation Mondiale du Commerce offre une nouvelle chance à Taiwan, qui par le biais d’une plus forte intégration économique, pourrait permettre un renforcement des liens politiques entre les deux rives du détroit.
Les objectifs diplomatiques taiwanais
7Notre propos est d’expliquer comment le passage réussi de Taiwan à un système démocratique a affecté la propagande en tant qu’instrument de sa diplomatie. L’environnement démocratique induit un contexte idéologique nouveau qui permet d’examiner les méthodes de propagande sous un jour différent. Nous ne nous attarderons pas sur les effets que peut avoir telle ou telle sorte d’endoctrinement car il nous paraît quasiment impossible de les mesurer avec exactitude. Ainsi, dans le numéro d’août 2002 de la Taipei Review, on lit :
« les Américains voient Taiwan de manière plus favorable depuis les élections démocratiques et depuis que l’économie taiwanaise répond aux lois du marché libre. Un sondage Gallup a récemment montré que Taiwan jouit d’une image favorable auprès de 62 % des Américains. Pour 22 % d’entre eux, Taiwan conserve une image défavorable et 16 % sont sans opinion. Il y a deux ans, seulement 47 % des Américains avaient une image favorable de Taiwan »6.
8Même sans préciser les méthodes d’enquête (combien de personnes ont-elles été sondées ? Par quel biais connaissent-elles Taiwan ? Qu’entend-on exactement par favorable et défavorable ?), le sondage en lui-même n’avance pas d’explication pour ces résultats. L’opinion américaine est-elle mieux disposée à l’égard de Taiwan grâce à la propagande ? Cela semble peu probable. La démocratisation de Taiwan dont se sont fait l’écho les médias et le débat qu’elle a suscité au sein de l’élite politique américaine a t-elle sensibilisé les Américains à la cause taiwanaise ? De même, faut-il déchiffrer la rivalité qui oppose la Chine à Taiwan pour gagner des alliés parmi les pays du Tiers Monde au prisme des actions propagande ? Il est certain que l’aide économique peut être considérée comme un acte de propagande (l’un des plus importants pour Taiwan7), mais la plupart des pays en voie de développement « jouent » leurs alliés l’un contre l’autre. Ian Tylor note que « la plupart des gouvernements africains se moquent de savoir laquelle est la « vraie » Chine et avec laquelle il leur faut établir des relations diplomatiques…Cependant, une élite dirigeante avisée comprend le bénéfice qu’elle peut retirer de la compétition diplomatique entre les deux pays… »8.
9Occupant successivement des fonctions à la BBC, à la Voix de l’Amérique pendant la guerre froide, à Radio Moscou au début des années 1990 et à Taiwan, j’ai cherché à comprendre pourquoi les gouvernements éprouvent le besoin de faire connaître leurs politiques, leurs intentions, leurs réactions et parfois même leur idéologie à un large public. Analysant ces efforts de propagande, nous identifions précisément comment les acteurs politiques se voient et comment ils désirent être perçus par le reste du monde. De nombreux éléments tendent à montrer que les actions de propagande entreprises par Taiwan ont peu de résultats concrets et que le statut international de l’île dépend plus de facteurs externes qu’elle ne contrôle pas (notamment l’appui des Etats-Unis) que quelque pouvoir que ce soit, fût-il « soft ». Les présidents Nixon et Carter sont tenus pour responsables de l’isolement actuel de Taiwan, et le président Clinton a été près de reconnaître la souveraineté de la Chine sur Taiwan. George Bush Junior, au contraire, a déclaré, (ce qui a déconcerté ses conseillers) qu’il ferait « le nécessaire » pour aider Taiwan à se défendre9. Nous savons que sa déclaration n’a pas été le résultat de la propagande taiwanaise. En ce cas, pourquoi Taiwan devrait-elle continuer à se soucier de la façon dont elle est perçue par la communauté internationale ?
10J’ai examiné précédemment la relation existant entre propagande et diplomatie en étudiant la concurrence diplomatique que se livrent la RPC et Taiwan10. Cette approche reste valide bien après que Taiwan se soit lancée dans un processus de démocratisation avec le succès que l’on sait, elle reste en position défavorable par rapport à la RPC tant dans la sphère politique que dans le domaine de la propagande. La Chine continue à bénéficier de la reconnaissance internationale. J’ai suggéré que la compétition entre les deux pays soit mesurée à l’aune de plusieurs éléments : l’attention publique que chacun des deux parties obtient, le degré d’accès auprès des gouvernements tiers ou des instances multilatérales, et enfin l’intérêt que chaque acteur suscite auprès des médias ainsi que son degré d’accès aux médias. Mes recherches établissent une corrélation entre le niveau d’intérêt médiatique et le statut diplomatique. Ainsi a-t-on vu les liens entre Taiwan et le Japon s’améliorer en 1997 et 1998, en conséquence d’une meilleure couverture médiatique de l’île par la presse japonaise11. Il n’est pas dans mon intention de revenir ici sur ces débats12, mais remarquons néanmoins une fois encore que la concurrence entre la Chine et Taiwan fait de la propagande un instrument diplomatique essentiel.
11La démocratie constitue une contrainte supplémentaire car les gouvernements démocratiques doivent s’assurer l’adhésion de leur électorat à leur politique. Les propagandes nationale et internationale manquent parfois de cohérence dans leurs objectifs car elles s’adressent à deux groupes dont les intérêts sont différents, voire divergents. Le gouvernement taiwanais encourt des risques à devoir satisfaire deux auditoires différents. L’administration de Chen Shui-Bian a adopté une attitude très courageuse face à la RPC et a parfois poussé Pékin jusqu’à ses limites extrêmes de tolérance. La récente déclaration du Président selon laquelle Taiwan et la Chine sont chacune « un pays de chaque côté du détroit de Taiwan » en est l’illustration. Chen s’adresse là directement à son électorat et tente de se démarquer de ses concurrents à l’élection présidentielle de 2004. Chen Shui-Bian se montre d’ailleurs aujourd’hui plus pro-indépendantiste qu’il ne l’était lors de son investiture en mai 2000. Ce comportement est néanmoins en contradiction avec l’image que l’île de Taiwan essaie de donner d’elle à l’étranger, et plus particulièrement aux Etats-Unis : celle d’un Etat responsable, membre de la communauté internationale et qui ne provoquera pas de guerre avec la RPC. Voilà le prix de la démocratie. Les Etats autoritaires, eux n’ont pas ce genre de soucis, puisqu’ils n’ont pas à compter avec une quelconque opposition politique à l’intérieur de leurs frontières. C’est pourquoi leurs propagandes nationales et internationales s’articulent de manière plus cohérente.
12Gregg Wolper a défini la propagande comme le concept « qui reste le plus adéquat si le lecteur veut bien admettre qu’il ne recouvre pas l’utilisation de méthodes malhonnêtes de divulgation de fausses nouvelles, même s’il ne les exclut pas totalement »13. Bien entendu, la connotation péjorative attachée au terme « propagande » ne doit pas surprendre : les totalitarismes au vingtième siècle en ont fait l’usage le plus cynique qui soit. Le terme « propagande » sous-entend des motivations très sombres et il est difficile de reconnaître que nous sommes aujourd’hui encore tout autant acteurs que victimes de la propagande. On accuse (à tort) la propagande d’être manipulatrice ; et nous sommes méfiants à l’égard de toute manipulation car elle implique un exercice secret du pouvoir, sur lequel nous n’avons aucun contrôle. Philip Taylor, dans une prose imagée, considère que la propagande est une « maladie qui affecte notre capacité individuelle et collective de nous forger notre propre opinion sur ce qui se passe dans le monde qui nous entoure »14.
13Cette image trompeuse de la propagande influence la façon dont nous percevons notre propre engagement dans la propagande. Ainsi, les diplomates taiwanais continuent de transmettre le message que « nous » (c'est-à-dire Taiwan) ne faisons pas de propagande, mais que « nous » disons la vérité et donnons des informations véridiques sur notre pays. « Eux » (c'est-à-dire les chinois communistes) font de la propagande. De la part de communistes, d’ailleurs, cela n’est pas étonnant. Il est communément admis que la propagande ne peut être le fait que de ceux que l’on méprise. Cependant, l’histoire de la propagande montre qu’elle peut être considérée tout simplement comme une façon de communiquer (on pourrait dire de vendre) une idéologie, un système politique, un gouvernement ou un Etat15. Les diplomates nationalistes chinois des années 1940 acceptaient cette définition. Ainsi en 1949, Wellington Koo, ambassadeur nationaliste auprès des Etats-Unis, engagea un spécialiste des relations publiques, dont la clientèle comptait une compagnie aérienne et Coca-Cola, pour faire la promotion et de « vendre » la Chine nationaliste aux Etats-Unis16. La propagande est là un simple « instrument de vente ». Les gouvernements, les mesures politiques et les idéologies peuvent être « vendus » comme des savonnettes, de la nourriture pour chiens ou n’importe quel autre bien de consommation.
14Si l’on conserve une définition péjorative et réductrice de la propagande, alors Taiwan restera éternellement dans une position défensive. A moins que les acteurs du jeu diplomatique ne reconnaissent ouvertement qu’ils font de la propagande, ils ne peuvent l’utiliser à bon escient. Il est dommage que ce soit la compétition diplomatique avec la Chine qui reste l’élément déterminant des stratégies de propagande de Taipei. Jusqu’en 1999, la lutte pour gagner des alliés sur la scène internationale était organisée autour des désaccords entre Taiwan et la RPC et la rhétorique taiwanaise était encore lourde des symbolismes de la Guerre froide.
« La RPC a fait beaucoup d’efforts pour aider ses amis d’Afrique. Les dons et prêts consentis l’année dernière se sont portés à environ 500 millions de dollars américains. Au cours des six premiers mois de l’année, de hauts fonctionnaires de la RPC ont visité le continent africain à au moins 20 reprises. Ces éléments tendent à prouver que la RPC est fermement décidée à empêcher tout développement de la présence taiwanaise dans cette région et de saboter les amitiés que nous avons nouées avec des pays africains amis »17.
15Chang Fu-Mei, le directeur de la Commission taiwanaises des Chinois d’outre-mer a lancé en 2002 une initiative visant à renforcer la propagande à l’intention des communautés d’outre-mer. Selon lui « dans ce qui semble être une tentative de se rallier les cœurs de nos compatriotes d’outre-mer, la Chine a intensifié sa propagande en dehors de ses frontières. La Commission doit absolument contrer les efforts de la Chine communiste »18. Par bien des aspects, le discours taiwanais conserve des relents de guerre froide et de l’époque de la lutte géostratégique entre la « Chine libre » et le régime communiste de Pékin. Cette attitude est regrettable car une position hyper-réactive est restrictive et au final, Taiwan risque la défaite. Une position uniquement réactive donne un écho plus fort au message originel et place Taiwan sur la défensive. En considérant que seuls les communistes font de la propagande, Taiwan confirme auprès de l’opinion publique internationale que toute propagande est mauvaise, la sienne comprise. A nier que la propagande ait quelque valeur que ce soit, on risque de négliger que la crédibilité, l’objectivité, la véracité et la tendance à ne fournir que des informations brutes constituent des méthodes efficaces pour faire passer un message politique. C’est ce que Nicholas Pronay a appelé la « propagande basée sur des faits réels »19.
16Comment ces éléments aident-ils à comprendre le fonctionnement de la diplomatie ? Hans J. Morgenthau, fondateur de la théorie réaliste des relations internationales réalistes, a défini la diplomatie comme étant « la mise en avant des intérêts nationaux par des moyens pacifiques ». Selon lui, la communication et la propagande jouent un rôle à part entière dans la diplomatie et les relations internationales.
« Le but de la politique extérieure (peu importe comment elle s’exerce) est le même pour toutes les nations : promouvoir ses intérêts propres en influençant ses adversaires. Pour cela, la diplomatie menace ou promet de satisfaire des intérêts spécifiques ; elle s’appuie sur la force militaire… [et] la propagande, la persuasion, la mise en avant de valeurs morales, de préférences. La politique étrangère, donc, ne serait qu’une lutte constante pour convaincre. C’est le rôle de la propagande, quand elle cherche à modeler les esprits de manière directe plutôt que par l’intermédiaire de la manipulation d’intérêts ou de la violence physique ». 20
17La diplomatie est affaire de communication, de persuasion et de négociation. Elle n’est pas une « autre forme de guerre ». La corrélation entre la propagande et la diplomatie implique que les diplomates ne peuvent pas ignorer les bénéfices que la propagande peut apporter à leur travail. La diplomatie, c’est savoir convaincre et non imposer21.
Taiwan à la poursuite du « soft power »
18Le jeu diplomatique engendre un type de propagande qui résulte directement de la nature officielle ou informelle de la diplomatie. Cette propagande se développe selon le contexte diplomatique et selon les objectifs de politique étrangère. La politique extérieure et l’orchestration de la propagande doivent être décidées de manière globale et cohérente. La propagande sera alors à même de renforcer et de servir les objectifs diplomatiques de l’Etat.
19Le gouvernement de Chen Shui-Bian poursuit les objectifs de politique extérieure suivants22 : affermir la sécurité nationale et défendre la souveraineté de facto de Taiwan ; consolider les relations bilatérales avec les autres démocraties, surtout dans la région Asie-Pacifique (Etats-Unis et Japon) et consolider l’intégration de Taiwan dans les instances régionales ; convaincre la communauté internationale que Taiwan doit participer aux organisations intergouvernementales, notamment les Nations Unies et ses agences ; promouvoir des relations amicales entre les deux rives du détroit de Taiwan ; encourager la démocratisation en Chine ; mettre en contact les Organisations non gouvernementales actives à Taiwan et celles du reste du monde23 ; renforcer et promouvoir la démocratie à Taiwan par la diffusion du message sur le « miracle économique » taiwanais. L’île de Taiwan doit continuer à affirmer qu’elle s’est engagée dans un processus irréversible de transformations politiques et sociales et qu’elle connaît aujourd’hui la démocratie constitutionnelle projetée par ses fondateurs en 1947.
20De ce dernier objectif dépendent tous les autres. En effet, ces objectifs ne seront atteints que si Taiwan parvient à convaincre la communauté internationale qu’elle mérite son attention et sa reconnaissance en raison de ses références démocratiques. Certes, l’histoire du miracle économique taiwanais est connue de tous. Mais la transformation politique de Taiwan l’est moins. C’est la raison pour laquelle le gouvernement de Chen Shui-Bian a fait de la reconnaissance du système politique démocratique taiwanais par la communauté internationale la pierre angulaire de sa politique extérieure.
« Notre démocratie est efficace. Malheureusement, nous sommes encore rejetés par la communauté internationale…Nous n’exportons pas d’armes, nous ne volons pas de technologie nucléaire, nous ne lançons pas de missiles sur les autres pays, nous n’envahissons pas nos voisins, nous ne persécutons pas les religions et nous ne violons pas les droits de l’homme. Nous sommes isolés simplement à cause de notre puissant voisin. De plus, à l’encontre de la plupart des Etats parias, nous avons non seulement réussi à développer et moderniser notre économie, mais aussi à démocratiser notre régime politique »24.
21En bref, le gouvernement de Chen Shui-Bian articule sa propagande autour d’un message simple qui reprend les intérêts de sa politique extérieure. La démocratie est « bonne » ; elle facilite la paix et la coopération entre les peuples. Le système politique de la Chine continentale est défaillant et Taiwan, en tant que démocratie, a pour mission de le transformer. Il est clair que la démocratisation du continent chinois n’est pas seulement un objectif de pure forme visant à flatter l’électorat taiwanais. Il s’agit bien de persuader la communauté internationale que la Chine, acceptée comme membre légitime de cette communauté (elle est membre des Nations Unies) n’est pas une démocratie. Le projet démocratique pourrait devenir alors un levier pour des changements politiques futurs.
22Ainsi Taiwan utilise de plus en plus l’arme du « soft power » dans la poursuite de ses objectifs de politique extérieure et met en œuvre une stratégie de communication à long terme qui s’éloigne du discours traditionnel de type « guerre froide ». C’est ce qui se dégage de la réunion du 8 septembre 2002 à laquelle ont participé le Président Chen, des membres de son gouvernement, de l’Exécutif et du Parti Démocratique ; les résolutions adoptées sont les suivantes : former une « Fondation pour la démocratie à Taiwan » chargée de faire le lien avec les organisations démocratiques des pays développés ; favoriser la création d’une alliance démocratique de l’Asie-Pacifique chargée promouvoir la démocratie dans la région ; utiliser les médias publics comme porte-parole ; inviter les dirigeants chinois à observer le déroulement des prochaines élections taiwanaises et former des équipes chinoises ; gagner le soutien des chinois résidents à l’étranger par la création d’une « Alliance démocratique des chinois d’outre-mer » ; soutenir la position du gouvernement taiwanais selon laquelle seuls les 23 millions de taiwanais ont le droit par référendum de décider de l’avenir de leur pays25.
23Le gouvernement de Chen Shui-Bian a orienté sa politique extérieure à partir de principes novateurs tels que la « diplomatie basée sur la démocratie », la « diplomatie basée sur la défense des droits de l’homme », la « diplomatie basée sur les droits civiques », la « diplomatie basée sur le respect de l’opinion publique », ou encore la « diplomatie basée sur la coopération interparlementaire ». Officiellement lancée en avril 2002, cette dernière fait référence à l’instauration de relations entre les parlementaires de Taiwan et d’autres nations démocratiques. Ainsi que l’a remarqué un membre du Conseil Législatif, « les législateurs, au service de 23 millions de taiwanais, sont les mieux placés pour témoigner de la démocratie et de la liberté, et intégrer Taiwan à la communauté internationale »26. S’il est vrai que les législateurs taiwanais ont toujours été actifs dans cette sorte de diplomatie (Taiwan est membre de l’Union des parlementaires d’Asie-Pacifique depuis 1965), la démocratisation a donné à leur participation plus de crédibilité. Ainsi, les parlementaires élus directement et représentant tous les partis politiques de Taiwan participent aujourd’hui à des activités de portée internationale. En effet, les démocrates sont les hommes de choix pour promouvoir la démocratie.
24Ces différentes méthodes innovantes sont directement issues du système politique démocratique taiwanais. Elles illustrent le constant effort de Taiwan pour prouver que, dans une démocratie, « la diplomatie est trop importante pour être laissée aux mains des seuls diplomates »27. Elles découlent de la conviction profonde du gouvernement que tout citoyen, et non seulement les élites, peut participer à l’action diplomatique. C’est dans ce contexte que Dr. Tien évoque la « mobilisation de tous » pour la réalisation des ambitions extérieures de Taiwan28.
25Mais la politique extérieure taiwanaise est encore essentiellement motivée par les relations avec la Chine, conséquence de l’ombre que projette Pékin sur Taiwan. Le discours politique et public taiwanais continue de s’énoncer autour des relations entre les deux rives du détroit, surtout lors des périodes électorales. La priorité du Dr. Tien Hung-Mao, dès sa nomination au Ministère des affaires étrangères, a été d’apaiser les craintes à Taiwan, en Chine et ailleurs, que le gouvernement de Chen Shui-Bian serait prêt à aller jusqu’à l’affrontement avec la Chine. Ces craintes étaient fondées car le parti de Chen avait mené sa campagne électorale précédente sur le thème de la proclamation de l’indépendance et de l’abandon du projet de réunification avec la Chine selon les conditions de Pékin. Bien que Chen n’ait pas repris ce thème pour sa campagne 2000, Pékin prétendait encore que s’il venait à être élu, il déclarerait l’indépendance et fournirait alors à la Chine un prétexte pour envahir l’île. Sensible aux arguments de Pékin et satisfait d’avoir été élu Président en dépit du travail de sape de la Chine (quoique sans majorité puisqu’il n’obtient que 39 % des votes), Chen s’est hâté de lancer des signes rassurants pour calmer les craintes d’une nouvelle crise dans le détroit. Dans son discours d’investiture (qui a été décrit comme une « offensive pour la paix »), il a énuméré les 5 « non »29 : non à la déclaration d’indépendance de Taiwan ; non au changement de nom pour Taiwan qui reste « République de Chine » ; non à la révision de la constitution dans le sens d’une négociation entre Pékin et Taipei pour des relations d’Etat à Etat ; non au référendum décidant du statut de Taiwan ; non à l’abolition du Conseil National sur l’Unification tant que la Chine n’attaque pas Taiwan30. De plus, le Président a proposé d’établir des liaisons maritimes et aériennes dans le détroit de Taiwan si la Chine s’engage à garantir la sécurité de Taiwan. Ces concessions ont été favorablement reçues par Pékin dont les intentions belligérantes se sont apaisées au lendemain de l’élection de Chen. La « possibilité d’une reprise des négociations de manière sereine et retenue… » a alors été considérée31.
26Le processus de démocratisation permet à Taiwan d’envisager ses relations avec la Chine de manière plus audacieuse et d’acquérir la certitude que les Etats-Unis viendraient à son secours en cas de conflit militaire dans le détroit. Taipei a récemment mis à mal la susceptibilité de la Chine en modifiant sur les passeports de ses ressortissants la mention « émis en République de Chine » qui est devenue « émis à Taiwan ». De plus, George W. Bush a réaffirmé, de la manière la plus énergique qui soit depuis Nixon, les liens de sécurité unissant les Etats-Unis à Taiwan32. Il a ainsi mis fin à l’ambiguïté qui permettait aux Etats-Unis de soutenir Taiwan tout en maintenant la politique de la Chine « unique ».
27En août 2002, le Président Chen est revenu sur la théorie selon laquelle Taiwan et la RPC constituent « un pays de chaque côté du détroit ». Il a annoncé que « seuls les 23 millions de taiwanais pourront décider de la destinée de Taiwan. Taiwan et la Chine, situé de chaque côté du détroit de Taiwan, sont deux pays distincts. » Il poursuit en affirmant « Taiwan n’appartient à personne d’autre qu’à nous. Taiwan n’est pas une province d’un autre Etat »33. Bien entendu, Pékin a considéré ces déclarations comme étant pure provocation et a accusé Chen d’être plus que jamais décidé à mener à terme l’indépendance de Taiwan. En tant qu’instrument de propagande, les déclarations de Chen n’ont pas eu d’autre effet que de relancer le débat, surtout à Taiwan et aux Etats-Unis, parmi les politiciens et dans les médias, entre les pro- et les anti-indépendantistes. Au moment où les Etats-Unis (acteur essentiel du maintien de la paix dans le détroit) avaient des soucis plus pressants tels que la poursuite de la guerre contre le terrorisme, la formation d’une coalition internationale aux Nations Unies (où ils espéraient obtenir le soutien de la Chine) pour soutenir leur action militaire contre l’Irak, les déclarations de Chen ont été assez inopportunes. Les Etats-Unis n’avaient aucune envie d’être distraits de leurs projets, surtout si c’était pour raviver la tension avec la RPC et entraîner Washington dans un conflit.
28Taipei peut difficilement continuer à s’opposer aux propositions de Pékin pour résoudre la question des liaisons directes dans le détroit. Ainsi en mai 2002, le Vice Premier Ministre chinois Qian Qichen a déclaré que les négociations sur les liaisons aériennes, maritimes et postales pourraient se poursuivre si les deux parties reconnaissent que la question relève de l’économie intérieure : « puisque la question des trois liaisons relève de l’économie, il faut en exclure tout débat sur la Chine unique ». Il espère ainsi satisfaire la communauté des affaires taiwanaise qui demande depuis longtemps que des liens directs soient établis entre la Chine et Taiwan. Taipei a reçu la réponse de Qian d’une manière prudente : selon le Président Chen, des liaisons directes ne sont pas la « panacée » pour tous les problèmes qui divisent Taiwan et la RPC34.
29S’il est vrai que les hésitations de Taiwan sont à replacer dans le contexte historiquement chargé des relations entre les deux rives du détroit, il n’en reste pas moins que Pékin trouve là matière à se faire valoir : comment Taiwan se permet-elle de refuser des négociations d’où sont volontairement écartés les problèmes politiques ? Le gouvernement de Chen, conscient que le rejet total des propositions chinoises est perçu négativement, n’a pas non plus souhaité les accepter dans leur intégralité et risquer de passer pour trop faible vis-à-vis de Pékin. En l’occurrence, la prudence et l’hésitation sont les seules alternatives possibles pour Taipei.
30Du point de vue de la propagande, l’élément le plus intéressant de ces discussions a été la réaction des médias taiwanais. Ainsi, un éditorial du Ziyou shibao (Liberty Times) n’a pas hésité à verser dans l’alarmisme : « une fois que les liaisons directes seront ouvertes, les touristes chinois déferleront sur Taiwan, puisque Pékin souhaite nous envahir »35. Un autre éditorial s’est fait l’écho des mêmes peurs : « des liaisons directes remettront en cause notre identité, nos certitudes et notre système démocratique. Les affaires et les investissements fuiront notre île et nos industries seront vidées de leur substance. Le jour où des liaisons directes seront mises en place marquera le début de l’absorption de Taiwan par la Chine »36. Il est difficile d’établir, en l’absence de sondage d’opinion à grande échelle, si les électeurs taiwanais adhèrent à cette propagande. La rhétorique de ces éditoriaux ( » hordes de Chinois prêts à envahir Taiwan » ) rappelle la guerre froide. Les relations Chine-Taiwan continuent de susciter une propagande lourde d’émotion des deux côtés. Il ne semble pas que ce soit le meilleur moyen pour parvenir à un jugement raisonné, des prises de décision claires et une communication diplomatique de qualité. A la suite des attaques terroristes contre les Etats-Unis en septembre 2001, Taiwan a réaffirmé son alliance tacite avec Washington et s’est présentée comme un membre de la communauté internationale également menacé par le terrorisme. Le gouvernement taiwanais a offert son aide aux Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme et a proposé aux Nations Unies une aide humanitaire en faveur de l’Afghanistan : « En tant que membre de la communauté internationale et en tant qu’allié démocratique, la République de Chine aidera les Etats-Unis à lutter contre le terrorisme et acceptera les résolutions anti-terroristes prises par les Nations Unies »37. La propagande est claire : Taiwan est prête à contribuer à un système international qui pourtant la rejette. Taiwan est prête à accepter les résolutions des Nations Unies, alors qu’elle n’appartient pas à cette organisation. Le gouvernement taiwanais trouve là un moyen d’apporter la preuve que son statut international est absurde et de susciter la sympathie des autres Etats.
31En réalité, la démocratisation n’a pas vraiment amélioré l’horizon diplomatique de Taiwan. Toutefois, l’abolition de la loi martiale en 1986, attendue de longue date, a montré que le discours évoquant « la Chine libre » était définitivement dépassé. Jason Hu, l’ancien directeur du Bureau des Renseignements (le GIO) et Ministre des affaires étrangères du parti nationaliste a regretté que « les réformes n’aient pas reçu suffisamment l’attention de la presse peut-être parce qu’elles ont eu lieu sans effusion de sang et sans tourmente sociale »38. Taiwan fait la une des journaux à l’occasion d’évènements dramatiques : menace militaire chinoise, accidents d’avion, tremblements de terre, déraillement de train en Angleterre où des taiwanais trouvent la mort. En d’autres termes, l’opinion publique occidentale entend parler de Taiwan pour des évènements négatifs. Or, si le gouvernement taiwanais veut continuer à promouvoir ses efforts démocratiques à l’étranger, il faut que les diplomates et les membres du GIO réussissent à faire parler de Taiwan de manière positive. En créant de nouveaux pôles d’intérêts, l’île de Taiwan rectifiera la façon dont les médias la présentent et sera à même de mieux avertir les Taiwanais des défis qui les attendent. Pour Jacques Ellul, « la propagande ne peut avoir d’effets que si elle va dans le sens des évènements. Elle n’a de capacité à séduire que si elle est immédiate, inscrite dans le temps présent »39.
32En 1949, l’ambassade chinoise nationaliste aux Etats-Unis avait recouru aux services de Norman Paige, un ancien correspondant de la chaîne ABC, connaisseur avisé de l’Asie et qui dirigeait la meilleure station radio des Philippines. Paige reconnaissait que les médias s’intéressaient de moins en moins à Taiwan. « Il faut que votre histoire fasse la une des journaux », recommanda-t-il à Joseph Ku, et il ajouta : « si vous n’avez pas d’histoire à sensation à fournir, ce sera difficile »40. La visite du Président Lee Teng Hui à l’université Cornell en 1995 était en première page des journaux. A cette occasion, les presses américaine, japonaise et hongkongaise ont soutenu un rapprochement avec Taiwan41. La couverture médiatique dont a bénéficié la visite du Président a sans conteste aidé à faire connaître Taiwan. Ainsi que le mentionne le Free China Journal du 19 janvier 1996, peu après la controverse suscitée par la visite de Lee : « Si vous demandez aujourd’hui aux Canadiens qui est le Président Lee, ils le savent. Avant, ils ne connaissaient pas grand-chose de Taiwan. » Le Dr. Tien Hung-Mao, directeur du bureau de représentation de Taiwan au Royaume-Uni, fait de son mieux pour développer la communication avec les médias britanniques. Il rencontre régulièrement les journalistes de la BBC, du Daily Telegraph et de l’Economist étant donné le rôle important que tiennent les journalistes britanniques dans la diffusion de la propagande. En outre, le Dr. Tien ne manque pas de mettre en pratique le style de diplomatie active qu’il préconisait lorsqu’il était Ministre des affaires étrangères. Il participe régulièrement à des rencontres organisées par le groupe parlementaire Taiwan-Royaume-Uni, par le ministère des affaires étrangères, par les universités et par les principaux partis politiques anglais42. Toutes ces activités sont autant d’occasions de s’entretenir du « miracle » taiwanais avec des personnages influents de la vie politique et publique britannique.
33Il est étonnant de constater que ni les diplomates ni les membres du GIO ne reçoivent de formation sur la façon dont ils doivent communiquer avec les médias dans les pays où ils sont affectés. Cette absence de formation remet sérieusement en cause l’efficacité d’une diplomatie moderne. La situation est cependant en voie d’amélioration puisque le Dr. Tien a créé à Taipei un Institut de la Diplomatie. Ceci devrait aider Taiwan à diffuser plus efficacement le message relatif à sa transition réussie vers la démocratie.
34LES REPRESENTANTS des gouvernements non reconnus par la communauté internationale éprouvent les plus grandes difficultés à faire entendre leur voix43. Placé dans cette situation, le gouvernement de Taiwan recherche de nouvelles méthodes d’action diplomatique, reposant toutes sur la propagande. Les techniques efficaces pour « vendre » Taiwan sont les mêmes que celles qui sont utilisées pour vendre tout autre produit ou service ; il convient donc d’identifier d’abord les thèmes porteurs, de mettre en forme un message et enfin de le communiquer de manière séduisante aux « consommateurs ».
35La guerre froide et ses divisions idéologiques internationales ont permis à Taiwan de se positionner en tant que « Chine libre », même si la loi martiale oblitérait la crédibilité de cet affichage. Ironiquement, la fin de la guerre froide et l’avènement de la démocratie ont fait disparaître cette appellation, preuve de sa faible pertinence, y compris pour qualifier la réalité démocratique contemporaine. Cependant, la guerre froide a déterminé toute la propagande taiwanaise et l’ensemble des relations de Taiwan avec la Chine. Au moment où ces lignes sont écrites, l’Asie lutte contre l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) qui a débuté dans la province du Guangdong. Taiwan a sévèrement critiqué le silence prolongé des autorités chinoises et son exclusion de l’Organisation Mondiale de la Santé. Si Taiwan avait appartenu à l’Organisation, peut-être la maladie aurait-elle pu être tenue à l’écart de l’île.
36La démocratie appelle de nouveaux défis. La propagande doit désormais s’adresser à des groupes dont les intérêts ne sont pas forcément homogènes. Le gouvernement de Chen Shui-Bian doit davantage se soucier de ce qui se passe en amont de la propagande que de la façon dont cette dernière est diffusée. En effet, des décisions maladroites ou irréfléchies concernant les relations avec la Chine ont des répercussions si négatives que même un tour de passe-passe diplomatique ne saurait y remédier. Le choc qu’a provoqué, à Taiwan et sur le continent, la déclaration du président Chen selon laquelle Taiwan et la Chine sont chacune « un pays de chaque côté du détroit » montre que son gouvernement doit agir avec précaution s’il veut prouver qu’il est un membre responsable de la communauté internationale. Dans le même temps, Taiwan doit éviter d’éveiller l’animosité de la RPC en faisant état de sa démocratie de manière trop arrogante.
37Certes, des efforts de relations publiques ne suffiront pas à résoudre les difficultés diplomatiques de Taiwan. Mais une propagande savamment orchestrée autour d’un message en cohérence avec les objectifs de politique étrangère contribuera à apporter des solutions à long terme. A l’opposé du discours de l’époque de la guerre froide qui a enfermé la propagande taiwanaise dans une rhétorique limitée, la démocratie est aujourd’hui pour la propagande un vecteur porteur et durable. Le gouvernement de Chen Shui-Bian semble décidé à en profiter. Le message sera-t-il entendu ? L’apprentissage de la démocratie ne se fait pas sans risque. Aucun système de sécurité ne garantit la portée et l’effet des changements diplomatiques. Toutefois, il existe déjà quelques preuves rassurantes que la propagande atteint son but. Colin Powell, Secrétaire d’Etat américain déclarait ainsi en juin 2002 : « On fait souvent allusion au « problème » de Taiwan. Je crois que Taiwan n’est pas un problème, mais une success story. La capacité de rebondir de Taiwan est étonnante. La démocratie taiwanaise est dynamique et l’île est un membre de grande valeur de la communauté internationale »44.
Notes
Pour citer cet article
Référence électronique
Gary D. Rawnsley, « La démocratie est-elle vendable ? », Perspectives chinoises [En ligne], 76 | mars - avril 2003, mis en ligne le 24 juillet 2006, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/88
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