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Actualités

Contextualiser la loi sur l’hymne national en Chine continentale et à Hong Kong

Le football comme terrain d’affrontement politique
Contextualising the National Anthem Law in Mainland China and Hong Kong. Football as a Field of Political Contention
Ting-Fai Yu
Traduction de Pierre-Louis Brunet
p. 85-89

Notes de la rédaction

Article daté du 24 janvier 2018.
Cette synthèse de presse est compilée à partir d’une sélection des revues de presse bimensuelles du CEFC, disponibles sur http://www.cefc.com.hk/.
Read in English > https://journals.openedition.org/chinaperspectives/8240

Texte intégral

Introduction

  • 1 Conseil législatif de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de (...)

1Le 1er octobre 2017, l’Assemblée nationale populaire a voté une nouvelle loi punissant ceux qui manquent de respect envers l’hymne national. Peu après son entrée en vigueur en Chine continentale, l’Assemblée l’a introduite dans l’annexe III de la loi fondamentale de Hong Kong par le biais de l’amendement du 4 novembre 2017 qui demande à la Région administrative spéciale de l’appliquer « localement par voie de promulgation ou par voie législative1 ». Cette décision a été prise suite au Mouvement des parapluies de 2014 à un moment où, dès le début de l’année 2015, les supporters de football hongkongais huent et sifflent l’hymne national pendant les matchs. La perspective d’une législation locale, rendue plus tangible ces derniers mois par les critiques contre ces huées, a suscité l’attention d’une bonne part de l’opinion publique et a ranimé un débat de longue date sur des enjeux tels que la liberté d’expression, les modalités pratiques d’application de la loi, les peines rétroactives et les menaces potentielles contre l’État de droit dans cette ville.

2Cet article se divise en deux parties et cherche à mettre en contexte la polémique autour de la loi sur l’hymne national et ses implications pour la société hongkongaise. Il offrira d’abord une vue d’ensemble de l’histoire des rivalités qui opposent les équipes de football de Chine continentale et de Hong Kong, et montrera que l’univers du football fournit une perspective utile qui tout à la fois nourrit, reflète et est dessinée par l’évolution des tensions politiques entre la Chine continentale et Hong Kong. Il analysera ensuite les contextes de l’élaboration et de l’application de la loi sur l’hymne national en Chine continentale et à Hong Kong en comparant les cadres légaux, les débats juridiques en cours et les attitudes des populations envers l’hymne dans ces deux sociétés. Cet article soulignera, ce faisant, les défis que présentent l’application de la loi et la promotion du patriotisme à Hong Kong.

Structuration du champ du football : histoire du sport, culture de supporters et politiques de la désidentification

3Martha Newson cite des psychologues comportementalistes pour qui le football est « une forme extrême de création de lien social » (Newson 2017 : 1) et soutient « qu’ils montrent que l’univers du football offre aux chercheurs des opportunités uniques de comprendre la culture, et plus généralement la psyché humaine ». Qu’ils impliquent ou non un hymne national, les rituels collectifs où, pendant les matchs, les supporters de football mettent en scène et politisent leurs identités de groupe, au niveau national, régional ou de leur équipe, ne sont pas spécifiques à Hong Kong mais forment un phénomène commun aux supporters du monde entier (voir par exemple Armstrong et Mitchell 2008 ; Brandt, Hertel et Huddleston 2017 ; Brown 2008 ; Dunning 2000). Alors que les événements sportifs internationaux offrent un espace consacré pour l’expression des identités nationales depuis le XXe siècle (Tomlinson et Young 2006), on peut néanmoins affirmer que le cas du football à Hong Kong est assez particulier car son développement a toujours été étroitement lié au statut particulier de cette ville comme colonie britannique jusqu’en 1997, puis comme Région administrative spéciale de Chine. En réalité, contrairement à la plupart des autres cas de rituels pratiqués lors de matchs opposant des nations différentes, l’existence de rencontres entre Hong Kong et la Chine, durant lesquelles la même nation joue contre elle-même à l’occasion d’événements sportifs internationaux, y compris après le transfert de souveraineté, fait en effet ressortir la trace d’un passé colonial, au moment où la ville, alors sous contrôle britannique, avait été reconnue membre à part entière de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et du Comité international olympique (CIO) (Zuser 2017).

  • 2 Histoire et statistiques du football international, « Hong Kong National Football Team : Record v C (...)
  • 3 Frank Chen, « Dark Clouds Loom over HK-China World Cup Qualifier », EJ Insight, 19 août 2015, http: (...)
  • 4 Ibid.
  • 5 Donald Ross, « The 5.19 Incident: China’s Doomed Attempt to Qualify for Mexico’86 », Wild East Foot (...)
  • 6 Ibid.
  • 7 Ibid.
  • 8 Ibid.
  • 9 Frank Chen, art. cit.

4Hong Kong et la Chine ont joué l’une contre l’autre pour la première fois en 1978 lors d’un match amical international2. Cependant, il faut sans doute attendre le premier tour de qualification pour la coupe du monde de 1986, qui s’est déroulé au stade des Travailleurs à Pékin, pour qu’apparaissent pour la première fois les rivalités entre l’équipe chinoise et celle de Hong Kong3. Au cours du dernier match de qualification du 19 mai 1985, alors que la Chine n’avait besoin que d’un match nul pour se qualifier, Hong Kong a, à la surprise générale, gagné 2 à 1. La ville n’a jamais été aussi près d’être sélectionnée pour la coupe du monde4. Depuis la signature de la déclaration conjointe sino-britannique un an avant ce match, le journaliste sportif spécialisé dans le football Donald Ross, suggère qu’« une fois passé l’accord sur le retour de la colonie, l’un des derniers vestiges du “siècle d’humiliation” allait disparaître. Le football offrait au continent une nouvelle occasion de montrer sa force5 ». En réaction à ce score inattendu, les supporters de football chinois ont empêché l’équipe de Hong Kong de quitter le stade provoquant ainsi une émeute connue sous le nom de l’Incident du 19 mai (wuyijiu shijian 五一九事件)6, incident durant lequel « au moins 40 personnes ont été blessées, 25 voitures et une douzaine de bus incendiés ou renversés, une station de métro proche partiellement saccagée7 » et où « finalement 127 personnes ont été arrêtées8 ». Au vu de la gravité des événements, Frank Chen déclare que cela a constitué « le premier cas avéré de hooliganisme de l’histoire du football chinois9 ».

  • 10 James Porteous, « Against All Odds, Hong Kong Hold China to 0-0 Draw in World Cup Qualifier – Live (...)
  • 11 Ibid.
  • 12 Isabella Steger et Marco Huang, « In 0-0 Draw, Hong Kong Soccer Fans ‘Boo’ Chinese Anthem – On Pape (...)
  • 13 James Porteous, « Recap: How Hong Kong Delighted Home Fans with 0-0 Draw Against China in Frantic W (...)
  • 14 « 【港中大戰】全城撐港隊中國作客再遭香港迫和 » ([Gang Zhong dazhan] quancheng cheng gangdui Zhongguo zuoke zaizao Xiangg (...)
  • 15 Isabella Steger et Marco Huang, « In 0-0 Draw, Hong Kong Soccer Fans ‘Boo’ Chinese Anthem – On Pape (...)

5Trente ans après la célèbre victoire de Hong Kong, c’est lors d’un autre match de qualification pour la coupe du monde opposant Hong Kong et la Chine en 2015 que s’est produit le deuxième événement sportif qui a peut-être le mieux illustré la transformation des relations entre Hong Kong et le continent. Le succès inattendu de Hong Kong (classée 145e au classement mondial de la FIFA), faisant match nul 0 à 0 contre la Chine (classée 84e), lors du match aller à Shenzhen le 3 septembre 201510 obligeait celle-ci à gagner le match retour « pour maintenir ses espoirs de qualification11 », ce qui explique en partie pourquoi le match retour à Hong Kong du 17 novembre de la même année a provoqué l’une des plus importantes démonstrations de solidarité communautaire dans la population hongkongaise depuis le Mouvement des parapluies de 2014. Mais contrairement aux évènements violents de 1985 et sans tenir compte des quelques fans qui ont hué l’hymne national chinois, brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Soutenez votre peuple », « Hong Kong n’est pas la Chine », ou « Bouh ! », et scandé dans le stade des slogans tels que « Nous sommes Hong Kong »12, le sentiment général s’est cette fois-ci davantage exprimé à travers une mobilisation de la communauté pour soutenir leur équipe, voire leur ville en général, en dehors du terrain de football13. En réaction à la décision officielle de délocaliser le match du stade de Hong Kong qui offre 40 000 places vers le stade Mong Kok qui n’en offre que 6 700, les habitants de Hong Kong ont organisé de façon inédite un certain nombre de projections en direct un peu partout dans la ville, aussi bien dans les quartiers riches que dans les quartiers défavorisés, dans des endroits comme le Western District, Mei Foo, Ngau Tau Kok, Shatin, les différents campus de l’Université de Hong Kong, celui de l’Université chinoise de Hong Kong et celui du Hang Seng Management College ou encore dans la rue Tung Chau dans le district de Sham Shui Po où vivent de nombreux SDF14. Hong Kong a finalement obtenu un autre match nul par 0-0 contre son rival pourtant plus fort qu’elle, empêchant la Chine de se qualifier et retardant ainsi le moment où pourraient se concrétiser les trois vœux exprimés en 2011 par le président Xi Jinping concernant l’avenir du football chinois : « Que la Chine se qualifie en finale de coupe du monde, qu’elle accueille une coupe du monde et qu’elle remporte une coupe du monde15 ».

  • 16 Jin Kai, « Why do Hong Kong Football Fans Boo the Chinese National Anthem? », The Diplomat, 14 nove (...)
  • 17 Kris Cheng, « Video: Defiant Hong Kong Football Fans Boo Chinese National Anthem at Asian Cup Match (...)
  • 18 Chan Kin-wa, « Hardcore Fans Boo National Anthem Before Hong Kong Friendly Soccer Match Against Lao (...)
  • 19 Chan Kin-wa, « Hong Kong Fans Ignore Warnings and Again Boo the National Anthem – this Time Before (...)
  • 20 Chan Kin-wa, « Hong Kong Handed US$ 3,000 Slap on the Wrist by AFC for Fans Booing the National Ant (...)

6En dehors des matchs contre la Chine où « un seul hymne devait être joué avant le coup d’envoi » (Zuzer 2017), les huées et les sifflets contre l’hymne national chinois à chaque fois qu’il est utilisé pour représenter l’équipe de Hong Kong sont « devenus un rituel établi à chaque match à domicile » (ibid.) depuis 2015 : qu’il s’agisse des matchs de qualification pour la coupe du monde contre le Bhoutan ou le Qatar16, de matchs de qualification pour la Coupe d’Asie des nations contre le Liban et la Malaisie17, ou de rencontres amicales contre Bahreïn ou le Laos18. Bien que la Hong Kong Football Association (HKFA) ait été condamnée à payer deux amendes de 5 000 et 10 000 francs suisses en 2015 et 201619, et 3 000 dollars US par la Ligue des champions d’Asie (AFC) en 2017 pour violation des codes disciplinaires des instances du football20, ces sanctions n’ont pas semblé avoir d’effet sur les supporters de football hongkongais, qui ont été régulièrement avertis des conséquences de leur comportement. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que leur hostilité à l’égard de la Chine continentale et leur désidentification envers elle, telles qu’elles s’expriment à travers les huées, persistent même après l’adoption et l’application de la loi sur l’hymne national.

La loi sur l’hymne national : histoire, contextes et débats

  • 21 Xing Bingyin 邢丙银 et Zeng Yaqing 曾雅青, « 刑法修正案十表决通过侮辱国歌情节严重的最高可判三年 » (xingfa xiuzheng an shi biaojue (...)
  • 22 « China’s National Anthem Law Takes Effect », Xinhua, 1 octobre 2017, http://news.xinhuanet.com/eng (...)
  • 23 Ibid.
  • 24 Ibid.
  • 25 « Disrespecting National Anthem to Get Criminal Punishment », Xinhua, 4 novembre 2017, http://news. (...)
  • 26 Chris Buckley et Keith Bradsher, « Jail Time for Disrespecting China’s Anthem Jumps from 15 Days to (...)

7Adoptée par le comité permanent de l’Assemblée nationale populaire le 1er septembre 2017, la loi sur l’hymne national est entrée en vigueur en Chine continentale le 1er octobre de la même année21. Selon cette nouvelle loi, l’hymne national ne devrait « être chanté qu’à l’occasion de rassemblements politiques officiels22 », tels que les réunions du Parti et les cérémonies officielles (par exemple les levées de drapeau ou les serments prêtés à la constitution), ainsi qu’à d’importants évènements diplomatiques ou sportifs. Pour garantir une utilisation convenable de l’hymne, la loi interdit que ce chant soit joué dans des circonstances jugées inappropriées telles que lors d’enterrements, « dans des publicités ou comme musique d’ambiance dans des lieux publics23 », et dispose que toute personne coupable « d’en avoir modifié les paroles de façon malveillante, ou de l’avoir joué ou chanté en le déformant ou d’une manière irrespectueuse, encourt une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 jours ou pourrait même être passible de poursuites pénales24 ». Considérant que 15 jours d’emprisonnement était une peine trop courte, les membres de l’Assemblée nationale populaire ont, le 4 novembre 2017, voté et approuvé un amendement qui alourdit cette peine en y « incluant une privation des droits politiques, une détention criminelle et un emprisonnement pouvant aller jusqu’à 3 ans25 ». Chris Buckley et Keith Bradsher du New York Times interprètent ce changement rapide apporté à la loi comme « le signe d’une exigence croissante de dévotion patriotique encouragée par le président et leader du Parti, Xi Jinping qui a fait du “rêve chinois” un thème récurrent et emblématique de sa politique26 ».

  • 27 Oliver Chou, « The Misery Behind China’s National Anthem, March of the Volunteers, and What its Gro (...)

8Avant de devenir provisoirement l’hymne national peu de temps avant la proclamation de la République populaire de Chine en 1949, la Marche des volontaires (Yiyongjun jinxingqu 义勇军进行曲) était initialement le générique d’un film patriotique sorti en 1935, les Enfants de Chine (Fengyun ernu 风云儿女). Les paroles ont été écrites en 1934 par le célèbre dramaturge Tian Han alors qu’il était emprisonné en raison de son activisme politique à Nankin. La chanson « exploite la forme technique alors ultramoderne du cinéma parlant pour tenter de mobiliser les spectateurs et les amener à s’investir dans une action politique de masse » (Chi 2007 : 22), telle l’action menée durant la Deuxième Guerre sino-japonaise qui éclate en 193727. Ce chant a fait l’objet d’attaques pendant la Révolution culturelle et, accusé d’être contre-révolutionnaire, Tian fut emprisonné en 1966 et mourut en 1968. Bien que l’interdiction de chanter cet hymne fût à nouveau levée après la Révolution culturelle, l’Assemblée nationale populaire a réécrit les paroles en 1978, remplaçant la « thématisation explicite du corps et de la voix exposés au danger » créée par Tian, par des représentations formelles de drapeaux qu’on agite et d’images de foules montant à l’assaut, construisant, se défendant et luttant » (ibid.). Cette version ne réussissant pas « à supplanter les paroles originales dans les esprits, les cœurs, les mémoires et les bouches de nombreuses personnes » (ibid.), les autorités sont finalement revenues sur la décision de 1978 et la Marche des volontaires a officiellement gagné le statut d’hymne national en Chine en 1982, ainsi qu’à Hong Kong après le transfert de souveraineté en 1997.

  • 28 Ng Kang-chung et Chan Kin-wa, « We Might Start Taking Hong Kong Fans’ Names to Curb National Anthem (...)
  • 29 Ibid.
  • 30 Tony Cheung et Danny Mok, « Hong Kong National Anthem Law to Punish Only Those Who Deliberately Dis (...)
  • 31 Ibid.
  • 32 Benjamin Haas, « Hong Kong Activists Fear Chinese Anthem Law is Latest Curb on Freedom », The Guard (...)
  • 33 Karen Cheung, « Any law Requiring Hongkongers to Stand for National Anthem Would Be “Unrealistic” a (...)
  • 34 Benjamin Haas, art. cit.

9Outre l’impact qu’il a eu en Chine continentale, l’amendement de 2015 a aussi introduit la loi sur l’hymne national dans l’annexe III de la loi fondamentale de Hong Kong, ce qui signifie que le gouvernement hongkongais doit adopter une loi locale interdisant l’usage abusif de cet hymne. Cette décision reflète les tentatives du gouvernement chinois de promouvoir le patriotisme à Hong Kong en dépit du fait que la Région administrative spéciale n’ait pas vécu au XXe siècle le passé révolutionnaire de la Chine sur lequel l’hymne se fonde. Selon le South China Morning Post, Patrick Nip Tak-kuen, le secrétaire aux Affaires constitutionnelles et chinoises a laissé entendre qu’il n’y aurait pas de consultation officielle au sujet de la loi locale sur l’hymne national malgré les appels lancés par les pro-démocrates28. Il a au contraire annoncé que le projet de loi serait déposé au Conseil législatif d’ici la fin du premier trimestre 2018 et serait, après approbation du Conseil exécutif, envoyé au Comité des projets de loi pour un nouvel examen29. Malgré le fait que le chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam Cheng Yuet-ngor, ait affirmé que « seules seraient interdites les insultes délibérées à l’encontre de l’hymne qu’il soit joué ou chanté30 » et que, par conséquent personne n’avait à « s’inquiéter d’enfreindre la loi accidentellement31 », certains politiciens locaux ont exprimé leurs vives inquiétudes sur les menaces que la loi faisait peser sur la société hongkongaise et son État de droit. Tanya Chan Sukchong, par exemple, membre du LegCo pro-démocrate et membre fondateur du Civic Party s’est dite inquiète que « la loi ne vienne restreindre notre liberté d’expression et ne porte atteinte à notre système éducatif32 ». De même, des experts juridiques ont remis en cause les modalités pratiques d’application de la loi33. Au niveau législatif, Denis Kwok, membre du LegCo représentant la profession juridique, a pointé du doigt qu’il serait difficile d’appliquer la loi dans la ville dans la mesure où, par exemple, son cadre juridique n’offre pas la possibilité d’une détention administrative de 15 jours34. En ce qui concerne la vie quotidienne, Craig Choy, responsable coordinateur du groupe Progressive Lawyers Group et Eric Cheung, professeur de droit à l’Université de Hong Kong, soutiennent tous les deux que la loi n’est pas réaliste si elle comprend une disposition qui impose à toute personne entendant l’hymne national de se lever.

  • 35 Hong Kong Bill of Rights Ordinance (Cap. 383).
  • 36 Elizabeth Cheung, « Backdating Hong Kong’s National Anthem Law Could Be Constitutional, Basic Law C (...)
  • 37 Shirley Zhao, « ‘Large-scale’ Breach of New Anthem Rules Could See Law Applied Retroactively, Top B (...)
  • 38 Kris Cheng, « Hong Kong Public to Be Consulted on Law Criminalising ‘Disrespect’ of National Anthem (...)
  • 39 Stuart Lau, « Applying National Anthem law Retroactively in Hong Kong is Unconstitutional, Says For (...)
  • 40 Ibid.
  • 41 Ibid.

10Une autre des préoccupations majeures du public est de savoir si la loi sera appliquée de façon rétroactive bien que l’article 12 (« No retrospective criminal offences or penalties ») de la Bill of Rights Ordinance de Hong Kong établisse que « personne ne sera reconnu coupable d’un délit pour un acte ou une omission qui ne constituait pas un délit en vertu de la loi de Hong Kong ou du droit international au moment où il a été commis35 ». Cependant, Elsie Leung Oi-sie, ex-ministre de la Justice et actuelle directrice adjointe du comité de la loi fondamentale de Hong Kong, a déclaré que « le Bill of Rights Ordinance de la ville n’interdit pas les lois rétroactives36 », et a précisé que s’il y a violation de la loi à grande échelle avant qu’on ne légifère, le Conseil législatif a le droit de rendre la loi rétroactive avant que [le gouvernement] ne soumette un projet de loi si nécessaire37 ». En réaction aux propos de Leung, « prononcés alors que les supporters de football locaux avaient été critiqués pour leurs incessants sifflets de l’hymne national38 », Grenville Cross, ancien procureur général et proche conseiller de Leung quand elle était au gouvernement, a néanmoins écarté cette possibilité en déclarant que « si la proposition de loi sur l’hymne national comportait une infraction criminelle rétrospective, la loi serait inévitablement invalidée par les tribunaux sur la base de son inconstitutionnalité39 ». Il a également affirmé que « toute suggestion d’appliquer des lois pénales de façon rétroactive serait en contradiction avec un traité international inscrit dans la loi fondamentale40 », telle que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Malgré les déclarations de Cross, Ronny Tong Ka-wah, membre non-officiel du conseil exécutif a suggéré l’inverse ; il a déclaré que « le statut constitutionnel du PIDCP était inférieur à celui de la loi sur l’hymne national41 ».

Conclusion

11Comme nous l’avons montré dans l’analyse ci-dessus, la transposition de la loi sur l’hymne national depuis le cadre juridique de la Chine continentale vers celui de Hong Kong a, de par son caractère ambigu et assez imprévisible, nourri une série de débats et de polémiques sur les effets et problèmes potentiels autour de son application locale. Alors que les politiciens du camp pro-démocratie et qu’une part importante de la population hongkongaise sont perçus comme étant pessimistes à propos de l’application locale de cette loi, le processus législatif, à l’heure où nous écrivons cet article, n’en est qu’à sa phase initiale et il est prévu que la loi fasse l’objet de plusieurs cycles de négociations entre différents acteurs dans les mois à venir. Ainsi, même si l’opinion de la population locale ne parvient pas à se faire entendre dans le processus législatif, il y a fort à parier que l’avenir continuera de conférer au stade de football sa fonction actuelle, celle d’un lieu d’expression et de cristallisation de désaccords politiques.

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Bibliographie

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Notes

1 Conseil législatif de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, « Applying National Laws in Hong Kong », https://www.legco.gov.hk/research-publications/english/essentials-1516ise07-applying-national-laws-in-hong-kong.htm (consulté le 21 avril 2018).

2 Histoire et statistiques du football international, « Hong Kong National Football Team : Record v China PR », https://www.11v11.com/teams/hong-kong/tab/opposingTeams/opposition/China%20%20PR/ (consulté le 21 avril 2018).

3 Frank Chen, « Dark Clouds Loom over HK-China World Cup Qualifier », EJ Insight, 19 août 2015, http://www.ejinsight.com/20150819-dark-clouds-loom-over-hk-china-world-cup-qualifier (consulté le 21 avril 2018).

4 Ibid.

5 Donald Ross, « The 5.19 Incident: China’s Doomed Attempt to Qualify for Mexico’86 », Wild East Football, 5 octobre 2017, https://wildeastfootball.net/2017/10/5-19-incident-chinas-doomed-attempt-qualify-mexico86 (consulté le 21 avril 2018).

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Frank Chen, art. cit.

10 James Porteous, « Against All Odds, Hong Kong Hold China to 0-0 Draw in World Cup Qualifier – Live Blog », South China Morning Post, 3 septembre 2015, https://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/1855037/china-v-hong-kong-world-cup-qualifier-live-blog (consulté le 21 avril 2018); Isabella Steger, « Tensions High Ahead of Hong Kong vs. China Soccer Match », The Wall Street Journal, 17 novembre 2015, https://blogs.wsj.com/chinarealtime/2015/11/17/tensions-run-high-ahead-of-hong-kong-vs-china-soccer-match/ (consulté le 21 avril 2018).

11 Ibid.

12 Isabella Steger et Marco Huang, « In 0-0 Draw, Hong Kong Soccer Fans ‘Boo’ Chinese Anthem – On Paper », The Wall Street Journal, 18 novembre 2015, https://blogs.wsj.com/chinarealtime/2015/11/18/in-0-0-draw-hong-kong-soccer-fans-boo-chinese-anthem-on-paper/ (consulté le 21 avril 2018).

13 James Porteous, « Recap: How Hong Kong Delighted Home Fans with 0-0 Draw Against China in Frantic World Cup Qualifier », South China Morning Post, 17 novembre 2015, http://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/1879851/hong-kong-v-china-follow-all-action-live (consulté le 21 avril 2018).

14 « 【港中大戰】全城撐港隊中國作客再遭香港迫和 » ([Gang Zhong dazhan] quancheng cheng gangdui Zhongguo zuoke zaizao Xianggang po he, [Guerre sino-hongkongaise] Toute la ville soutient l’équipe hongkongaise, Hong Kong fait match nul à domicile contre la Chine), In-Media, 17 novembre 2015, http://www.inmediahk.net/node/1038952 (consulté le 21 avril 2018).

15 Isabella Steger et Marco Huang, « In 0-0 Draw, Hong Kong Soccer Fans ‘Boo’ Chinese Anthem – On Paper », The Wall Street Journal, 18 novembre 2015, https://blogs.wsj.com/chinarealtime/2015/11/18/in-0-0-draw-hong-kong-soccer-fans-boo-chinese-anthem-on-paper/ (consulté le 21 avril 2018).

16 Jin Kai, « Why do Hong Kong Football Fans Boo the Chinese National Anthem? », The Diplomat, 14 novembre 2017, https://thediplomat.com/2017/11/why-do-hong-kongers-boo-the-chinese-national-anthem/ (consulté le 21 avril 2018); James Porteous, « Hong Kong Football Association Fined Again by Fifa for Booing China National Anthem », South China Morning Post, 14 janvier 2016, http://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/1901082/hong-kong-football-association-fined-again-fifa-booing-china (consulté le 21 avril 2018).

17 Kris Cheng, « Video: Defiant Hong Kong Football Fans Boo Chinese National Anthem at Asian Cup Match Against Lebanon », Hong Kong Free Press, 14 novembre 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/11/14/just-defiant-hong-kong-football-fans-boo-chinese-national-anthem-asian-cup-match-lebanon/ (consulté le 21 avril 2018).

18 Chan Kin-wa, « Hardcore Fans Boo National Anthem Before Hong Kong Friendly Soccer Match Against Laos », South China Morning Post, 5 octobre 2017, https://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/2114181/hardcore-fans-boo-national-anthem-hong-kong-friendly-soccer-match (consulté le 21 avril 2018); Benjamin Haas, « Defiant Hong Kong Football Fans Boo China’s National Anthem » The Guardian, 9 novembre 2017, https://www.theguardian.com/world/2017/nov/09/defiant-hong-kong-football-fans-boo-china-national-anthem (consulté le 21 avril 2018); Christy Leung et Tony Cheung, « Don’t boo Chinese National Anthem, Hong Kong Football Authority Begs Fans While Admitting its Hands Tied », South China Morning Post, 6 octobre 2017, http://www.scmp.com/news/hong-kong/community/article/2114309/dont-boo-chinese-national-anthem-hong-kong-football (consulté le 21 avril 2018).

19 Chan Kin-wa, « Hong Kong Fans Ignore Warnings and Again Boo the National Anthem – this Time Before an Asian Cup Qualifier », South China Morning Post, 10 octobre 2017, http://www.scmp.com/sport/soccer/article/2114782/hong-kong-fans-ignore-warnings-and-again-boo-national-anthem-time-asian (consulté le 21 avril 2018); Kris Cheng, « HKFA Fined Again Over National Anthem Jeers at November Home Match Against China », Hong Kong Free Press, 14 janvier 2016, https://www.hongkongfp.com/2016/01/14/hkfa-fined-again-over-national-anthem-jeers-at-november-home-match-against-china/ (consulté le 21 avril 2018); James Porteous, « Hong Kong Football Association Fined Again by Fifa for Booing China National Anthem », South China Morning Post, 14 janvier 2016, http://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/1901082/hong-kong-football-association-fined-again-fifa-booing-china (consulté le 21 avril 2018).

20 Chan Kin-wa, « Hong Kong Handed US$ 3,000 Slap on the Wrist by AFC for Fans Booing the National Anthem », South China Morning Post, 20 décembre 2017, http://www.scmp.com/sport/hong-kong/article/2125035/hong-kong-handed-us3000-slap-wrist-afc-fans-booing-national-anthem (consulté le 21 avril 2018); Kris Cheng, “Hong Kong Football Association Fined US$ 3,000 After Fans Boo National Anthem at Lebanon Match”, Hong Kong Free Press, 20 décembre 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/12/20/hong-kong-football-association-fined-us3000-fans-boo-national-anthem-lebanon-match/ (consulté le 21 avril 2018).

21 Xing Bingyin 邢丙银 et Zeng Yaqing 曾雅青, « 刑法修正案十表决通过侮辱国歌情节严重的最高可判三年 » (xingfa xiuzheng an shi biaojue tongguo, wuru gouge qingjie yanzhong de zuigao kepan sannian, Un amendement au droit pénal est adopté, porter ateinte à l’hymne national est dorénavant une infraction grave passible de trois ans d’emprisonnement), The Paper, 4 novembre 2017, http://www.thepaper.cn/newsDetail_forward_1843801 (consulté le 21 avril 2018).

22 « China’s National Anthem Law Takes Effect », Xinhua, 1 octobre 2017, http://news.xinhuanet.com/english/2017-10/01/c_136652827.htm (consulté le 21 avril 2018).

23 Ibid.

24 Ibid.

25 « Disrespecting National Anthem to Get Criminal Punishment », Xinhua, 4 novembre 2017, http://news.xinhuanet.com/english/2017-11/04/c_136728106.htm (consulté le 21 avril 2018).

26 Chris Buckley et Keith Bradsher, « Jail Time for Disrespecting China’s Anthem Jumps from 15 Days to 3 Years », The New York Times, 4 novembre 2017, https://www.nytimes.com/2017/11/04/world/asia/china-hong-kong-national-anthem.html (consulté le 21 avril 2018).

27 Oliver Chou, « The Misery Behind China’s National Anthem, March of the Volunteers, and What its Growing Presence Means for Hong Kong », Young Post, 3 janvier 2017, https://yp.scmp.com/news/china/article/105265/misery-behind-china%E2%80%99s-national-anthem-march-volunteers-and-what-its (consulté le 21 avril 2018).

28 Ng Kang-chung et Chan Kin-wa, « We Might Start Taking Hong Kong Fans’ Names to Curb National Anthem Booing, FA Director Says », South China Morning Post, 8 novembre 2017, https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2118985/we-might-start-taking-hong-kong-fans-names-curb-national (consulté le 21 avril 2018).

29 Ibid.

30 Tony Cheung et Danny Mok, « Hong Kong National Anthem Law to Punish Only Those Who Deliberately Disrespect it, Carrie Lam Says », South China Morning Post, 7 novembre 2017, https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2118722/carrie-lam-says-hong-kong-law-national-anthem-punish-only (consulté le 21 avril 2018).

31 Ibid.

32 Benjamin Haas, « Hong Kong Activists Fear Chinese Anthem Law is Latest Curb on Freedom », The Guardian, 31 août 2017, https://www.theguardian.com/world/2017/aug/31/hong-kong-activists-fear-chinese-anthem-law-is-latest-curb-on-freedom (consulté le 21 avril 2018).

33 Karen Cheung, « Any law Requiring Hongkongers to Stand for National Anthem Would Be “Unrealistic” and “Impractical” – Legal Experts », Hong Kong Free Press, 6 novembre 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/11/06/law-requiring-hongkongers-stand-national-anthem-unrealistic-impractical-legal-experts/ (consulté le 21 avril 2018).

34 Benjamin Haas, art. cit.

35 Hong Kong Bill of Rights Ordinance (Cap. 383).

36 Elizabeth Cheung, « Backdating Hong Kong’s National Anthem Law Could Be Constitutional, Basic Law Committee Vice-chairwoman Insists », South China Morning Post, 15 novembre 2017, http://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2120028/backdating-hong-kongs-national-anthem-law-would-be (consulté le 21 avril 2018).

37 Shirley Zhao, « ‘Large-scale’ Breach of New Anthem Rules Could See Law Applied Retroactively, Top Beijing Adviser Elsie Leung Says », South China Morning Post, 12 novembre 2017, http://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2119554/large-scale-breach-new-anthem-rules-could-see-law-applied (consulté le 21 avril 2018).

38 Kris Cheng, « Hong Kong Public to Be Consulted on Law Criminalising ‘Disrespect’ of National Anthem, but Retroactive Effect Unclear », Hong Kong Free Press, 1 novembre 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/11/01/hong-kong-public-consulted-law-criminalising-disrespect-national-anthem-retroactive-effect-unclear/ (consulté le 21 avril 2018).

39 Stuart Lau, « Applying National Anthem law Retroactively in Hong Kong is Unconstitutional, Says Former Prosecutor », South China Morning Post, 14 novembre 2017, http://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2119693/applying-national-anthem-law-retroactively-hong-kong (consulté le 21 avril 2018).

40 Ibid.

41 Ibid.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ting-Fai Yu, « Contextualiser la loi sur l’hymne national en Chine continentale et à Hong Kong »Perspectives chinoises, 2018-3 | 2018, 85-89.

Référence électronique

Ting-Fai Yu, « Contextualiser la loi sur l’hymne national en Chine continentale et à Hong Kong »Perspectives chinoises [En ligne], 2018-3 | 2018, mis en ligne le 01 septembre 2018, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/8677

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Auteur

Ting-Fai Yu

Ting-Fai Yu est chercheur associé au International Institute for Asian Studies de l’Université de Leiden (tingfai.88.hk[at]gmail.com).

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