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Dossier

Les demandeurs d’asile, symboles de la non-sinité de Hong Kong

Le cas d’une enquête dans Chungking Mansions
Asylum Seekers as Symbols of Hong Kong’s Non-Chineseness
Gordon Mathews
Traduction de Thibault Le Texier
p. 57-64

Résumés

Cet article traite de la situation des demandeurs d’asile à Hong Kong et de son évolution ces dernières années. Hong Kong traite relativement bien les demandeurs d’asile, même si leurs chances d’obtenir le statut de réfugié sont quasiment nulles. Bien que les demandeurs d’asile n’aient pas le droit de travailler, il leur est presque impossible de vivre uniquement de la minuscule aide gouvernementale qu’ils reçoivent. Face à la négligence du gouvernement, les demandeurs d’asile ont été érigés en héros par certains jeunes Hongkongais après le Mouvement des parapluies. Alors que les demandeurs d’asile étaient jusqu’ici généralement ignorés ou méprisés par les Hongkongais, certains jeunes ont fait d’eux des symboles de la non-sinité de Hong Kong.

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Notes de la rédaction

Article reçu le 13 avril 2018. Accepté le 26 juillet 2018.
Read in English : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chinaperspectives/8132

Texte intégral

Introduction

1À bien des égards, et comme l’attestent les autres articles de ce dossier spécial, la Chine a transformé Hong Kong durant les deux dernières décennies. Ceci étant, la Chine semble avoir eu peu d’impact sur le traitement des demandeurs d’asile à Hong Kong. Le changement le plus important en la matière s’est produit en 2014, lorsque le gouvernement hongkongais a pris le relais du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) afin d’évaluer les demandes d’asile présentées à Hong Kong. Toutefois ce changement s’est effectué non pas sous l’influence de la Chine, mais parce que Hong Kong devait traiter ses demandes d’asile elle-même plutôt que de les confier au HCR : la formule « un pays, deux systèmes » a incité Hong Kong à appliquer sa propre politique d’asile sur son territoire.

2Cependant, si la rétrocession de Hong Kong à la Chine n’a guère eu d’impact direct sur le traitement des demandeurs d’asile par Hong Kong, son impact indirect a été significatif. Dans cet article, après avoir abordé la situation des demandeurs d’asile dans le monde et à Hong Kong, puis examiné l’évolution de la manière dont les demandeurs d’asile étaient traités par le gouvernement hongkongais, nous analyserons comment les demandeurs d’asile ont été érigés par certains jeunes Hongkongais en icônes de la non-sinité de Hong Kong.

  • 1 Est considérée comme demandeur d’asile une personne ayant fui son pays d’origine mais n’ayant pas é (...)
  • 2 Il existe des exceptions à cela dans la littérature. Voir, par exemple, un article récent sur les a (...)

3L’imposante littérature universitaire sur les demandeurs d’asile dans le monde, qu’il s’agisse de livres (voir par exemple Agier 2008 ; Khosravi 2011 ; Kingsley 2017 ; Marfleet 2006) ou d’articles parus dans des revues telles que le Journal of Refugee Studies ou le Journal of Immigrant & Refugee Studies1, dépeint les demandeurs d’asile de manière extrêmement lugubre, décrivant leurs souffrances endurées dans leur pays d’origine, leur périlleuse traversée des frontières, les mauvais traitements qu’ils subissent dans les divers pays qu’ils traversent, et enfin leur intégration lente et souvent douloureuse dans la société où ils finissent par s’installer. En particulier, les demandeurs d’asile sont rarement décrits par cette littérature universitaire comme ayant beaucoup de marges de manœuvre dans leur société d’accueil – ces textes peuvent dénoncer les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent (comme à Hong Kong, voir Vecchio et Beatson 2014), mais ils ne les décrivent pas comme des acteurs pouvant influer sur leur société d’accueil, du moins tant qu’ils n’ont pas accédé au statut de réfugiés puis de citoyens2.

  • 3 Une étude menée en 2016 par Isabella Ng, de l’Education University of Hong Kong, a montré que « seu (...)

4Les écrits universitaires dépeignent généralement la vie des demandeurs d’asile à Hong Kong sous un jour lugubre (voir Vecchio 2015, seul livre ayant été récemment consacré aux demandeurs d’asile à Hong Kong ; voir également Vecchio 2016 ; Mathews 2011 : 78-83, 169-194 ; Mathews 2014 ; et, dans une perspective juridique, Loper 2010, entre autres écrits). Ces portraits sont trop datés pour décrire la manière dont certaines franges de la population hongkongaise ont récemment accueilli les demandeurs d’asile. Jusqu’à récemment, les attitudes des Hongkongais vis-à-vis des demandeurs d’asile étaient extrêmement négatives, et cela reste le cas actuellement pour nombre d’entre eux, même si de récents sondages d’opinion sont mitigés3. Comme l’explique le présent article, certains jeunes Hongkongais ont une attitude accueillante envers les demandeurs d’asile, liée à l’aliénation qu’ils ressentent vis-à-vis de la Chine et du gouvernement hongkongais à la suite du Mouvement des parapluies. La convergence entre des demandeurs d’asile de longue date à la recherche de liens avec la population locale, et des jeunes rebutés par leur gouvernement et le pays qu’ils sont censés aimer, a suscité une résonance entre les jeunes Chinois de Hong Kong et les demandeurs d’asile – résonance sans précédent à Hong Kong et inhabituelle ailleurs dans le monde. Cette résonance affecte les attitudes à l’égard des demandeurs d’asile et les concepts liés à l’identité sociétale : faisant partie intégrante de la Chine, Hong Kong est-elle réservée à des personnes d’ethnie et de nationalité chinoises, ou n’importe qui dans le monde peut-il devenir Hongkongais – à l’exception, peut-être, des Chinois de Chine continentale ?

  • 4 Chungking Mansions n’est pas un bâtiment ordinaire à Hong Kong. C’est pourquoi cette enquête, qui s (...)

5Cet article se fonde en grande partie sur nos interactions avec les demandeurs d’asile ces 12 dernières années, pendant lesquelles nous avons donné chaque semaine un cours « Événements et débats d’actualité » dans Chungking Mansions4. Cette classe a accueilli tout au long de ces années une soixantaine de demandeurs d’asile, issus principalement de pays africains mais aussi d’Asie du Sud, du Moyen-Orient, de Russie et d’autres pays, certains obtenant au fil du temps le statut de réfugié à l’étranger, d’autres retournant dans leur pays d’origine ou y étant expulsés, et d’autres encore restant à Hong Kong durant ces 12 années. Le cours a également accueilli de nombreux participants hongkongais au cours des dernières années, principalement des étudiants mais aussi des enseignants et des employés. Pour cet article, nous avons interviewé 15 demandeurs d’asile de longue durée à Hong Kong et 12 Hongkongais ayant suivi le cours. Les citations de cet article sont tirées de ces entretiens.

Les demandeurs d’asile dans le monde et à Hong Kong

6La demande d’asile, dans sa forme contemporaine, a débuté avec la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, fruit de la culpabilité des pays occidentaux face aux violations des droits de l’homme en Europe pendant la Seconde guerre mondiale, et en particulier face au génocide juif. Frelick (2007) a analysé l’évolution des attitudes depuis cette époque. De la fin des années 1940 à la fin des années 1980, les pays occidentaux ont activement encouragé les flux de demandeurs d’asile, notamment ceux issus des pays communistes. Après la Guerre froide, les demandeurs d’asile ont été moins bien vus ; et suite au 11 septembre 2001, ils sont même perçus comme des terroristes potentiels. Ces dernières années, les sociétés d’Europe de l’Ouest telles que l’Allemagne ont été débordées par les demandeurs d’asile, mais les sociétés comme le Japon voient peu de demandeurs d’asile arriver à leurs frontières et presque tous sont refoulés. Dotée d’un régime de visas libéral afin d’encourager le tourisme, Hong Kong accueille davantage de demandeurs d’asile en proportion de sa population que des sociétés comme le Japon ou la Chine, mais leur nombre reste encore très faible et presque aucun demandeur n’accède au statut de réfugié.

  • 5 Rachel Blundy, « The Agony of Hong Kong’s Asylum Seekers, Stuck in Limbo ‘Neither Alive nor Dead’ » (...)
  • 6 Christy Leung et Xinqi Su, « Unsuccessful Asylum Seekers, Illegal Immigrants in Hong Kong Sent Back (...)
  • 7 « 酷刑聲請開支逾6 : 確立個案僅佔千分之4 » (Kuxing shengqing kaizhi yu liuyi ; queli ge’an jinzhan qianfenzhisi, Le (...)
  • 8 Les domestiques, généralement originaires des Philippines ou d’Indonésie, n’ont pas le droit de rés (...)

7La population de Hong Kong est composée pour une large part de familles ayant fui la Chine ; lancée à la fin des années 1970, la touch-base policy, qui permettait d’octroyer une carte d’identité de Hong Kong à des fugitifs de la Chine continentale arrivés dans les zones urbaines de Hong Kong sans avoir été incarcérés, témoigne de l’attitude accueillante de Hong Kong à l’époque (cf. Law et Lee 2006). Le principal souvenir récent de demandeurs d’asile à Hong Kong est celui des boat people vietnamiens qui, détenus dans des camps à Hong Kong dans les années 1980 et 1990 (McCalmon 1994 ; Chan 2003), avaient suscité un malaise chez les Hongkongais (Lam 1990). Les demandeurs d’asile sud-asiatiques et africains ont commencé à arriver à Hong Kong après le 11 septembre et le resserrement de l’octroi de visas par les autres pays développés. Alors que le nombre initial de demandeurs d’asile était faible, en 2010 ils étaient environ 6 000 à Hong Kong (Mathews 2011 : 171), un chiffre en hausse jusqu’à il y a peu : les demandeurs d’asile à Hong Kong sont passés de 10 922 en 2015 à 8 956 en 20175, à la fois en raison d’un nombre croissant d’expulsions6 et parce qu’il est bien connu qu’il n’y a aucun espoir d’obtenir le statut de réfugié à Hong Kong, le taux d’acceptation étant inférieur à 1 %. Bien que la presse anglophone soit restée généralement favorable aux demandeurs d’asile à Hong Kong, certains journaux sinophones de Hong Kong sont devenus critiques7. La plupart des demandeurs d’asile à Hong Kong sont des hommes âgés de 22 à 40 ans, mais on observe un nombre croissant de femmes, notamment parce que d’anciennes domestiques se déclarent demandeuses d’asile8. La majorité des demandeurs d’asile viennent d’Asie du Sud (Murgai 2013), environ 10 % d’Afrique subsaharienne et un nombre croissant du Vietnam et d’autres pays d’Asie du Sud-Est ainsi que du monde arabe, du Moyen-Orient et d’ailleurs.

  • 9 Certains de ceux qui ont travaillé à Hong Kong avec un visa tourisme et qui sont régulièrement rent (...)

8Les demandeurs d’asile arrivent à Hong Kong par avion ou illégalement en bateau depuis la Chine, ou bien ils se déclarent demandeurs d’asile après être entrés à Hong Kong sous un autre statut9. Une fois à Hong Kong, ils peuvent facilement faire une demande pour acquérir le statut de demandeurs d’asile. Après des mois d’attente, ils peuvent obtenir du gouvernement 1 200 dollars hongkongais (environ 130 €) de coupons alimentaires, 1 500 HKD d’allocation logement (165 €) et environ 3 000 HKD par mois pour leurs déplacements (330 €). Cela peut sembler beaucoup d’argent pour des personnes issues de pays en développement, mais ce n’est pas suffisant pour survivre à Hong Kong – il est notamment difficile de trouver un logement à ce prix. Les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler et sont passibles d’une peine d’emprisonnement de deux ans s’ils sont arrêtés, bien que les règles strictes d’administration de la preuve à Hong Kong rendent difficile de condamner des demandeurs d’asile en activité. Ces allocations étant insuffisantes, de nombreux demandeurs d’asile travaillent illégalement, à moins qu’ils reçoivent régulièrement des dons charitables ou qu’ils soient entretenus par leur conjoint(e).

  • 10 Cf. Te-ping Chen, « Hong Kong Changing the Way It Handles Refugees », Wall Street Journal, 16 juill (...)
  • 11 Drew DeSilver, « Europe’s Asylum Seekers: Who They Are, Where They’re Going, and Their Chances of S (...)

9Les demandeurs d’asile ont un statut transitoire, susceptible de changer si leur demande est rejetée. Ce qu’ils recherchent le plus est le statut de réfugié. Hong Kong n’étant pas signataire de la Convention sur les réfugiés – bien qu’elle ait signé la Convention contre la torture, voie alternative à la reconnaissance juridique du statut de réfugié –, elle n’accepte généralement pas les réfugiés et obtient du HCR qu’il les envoie dans un autre pays, tel que le Canada ou les Etats-Unis, comme c’est le plus souvent le cas. Être reconnu comme réfugié, c’est franchir une étape vers l’obtention de la citoyenneté du pays d’accueil. Au fil des ans, seul un très faible pourcentage de demandeurs d’asile à Hong Kong ont obtenu ce statut de réfugié, soit par le biais du HCR, soit, plus récemment, par le biais du gouvernement hongkongais lui-même, à travers son mécanisme d’examen unifié (Unified Screening Mechanism), qui permet aux réfugiés d’être réinstallés aux États-Unis ou au Canada. Le HCR a été largement critiqué par les demandeurs d’asile au moment où il rendait ses jugements sur les requêtes des demandeurs d’asile (Mathews 2011 : 191-2) ; seuls 5 à 10 % des demandeurs d’asile ont en effet obtenu le statut de réfugié du HCR, et le mécanisme d’appel était limité. Le mécanisme d’examen unifié du gouvernement hongkongais a remplacé le HCR en 201410, mais son taux d’octroi du statut de réfugié est tombé à moins de 1 % au cours des trois dernières années – un taux extrêmement faible par rapport à certaines sociétés européennes qui ont octroyé le statut de réfugié à plus de 50 % des demandeurs d’asile11.

  • 12 Cet entretien a eu lieu dans un restaurant de Chungking Mansions, le 2 décembre 2017. Beaucoup de d (...)

10En revanche, les décisions du mécanisme d’examen unifié peuvent faire l’objet de recours devant les tribunaux de Hong Kong, ce qui n’était pas le cas de celles du HCR. Bien que les demandeurs d’asile puissent être emprisonnés lorsque tous leurs appels ont été déboutés, ils ne sont expulsés qu’à condition de signer une déclaration d’acceptation d’expulsion (que certains signent sans en comprendre les implications). Des avocats ont expliqué aux demandeurs d’asile de longue date que, même s’ils n’ont quasiment aucune chance d’obtenir le statut de réfugié, ils auront sans doute la possibilité de prolonger indéfiniment leur procédure d’appel et de rester ainsi à Hong Kong. Il y a longtemps que de nombreux demandeurs d’asile à Hong Kong se sont rendus compte du fait que le seul moyen de trouver une certaine stabilité était de se marier avec un(e) Hongkongais(e). Mais comme les demandeurs d’asile n’ont ni emploi légal ni statut reconnu dans la société, cela s’avère difficile. Comme confié par un homme venu du Moyen-Orient : « une fois qu’une Hongkongaise découvre que je suis demandeur d’asile et que je n’ai pas de carrière, elle ne veut plus avoir affaire à moi12 ». Les demandeurs d’asile considèrent qu’un mariage avec un(e) Hongkongais(e) a des chances d’être malheureux (Vecchio 2015 : 146), à cause du déséquilibre des pouvoirs inhérent à ce type d’union.

  • 13 Le processus a été considérablement accéléré pour les nouveaux demandeurs d’asile, certaines demand (...)

11Le traitement des demandeurs d’asile à Hong Kong est meilleur que celui de certains pays et pire que celui d’autres. L’Australie a placé des demandeurs d’asile en détention illimitée en mer (Pickering et Weber 2014), ce qui n’est pas sans conséquences sur leur santé mentale à long terme (Coffey et al. 2010). À Hong Kong, les demandeurs d’asile ne sont généralement pas placés en détention, sauf pendant une brève période au cours de leur demande initiale si leur visa a expiré. Ils peuvent donc vivre librement à Hong Kong. Cependant, contrairement aux demandeurs d’asile dans certaines sociétés européennes (Migration Watch UK 2013), ils ne sont pas autorisés à travailler, même si beaucoup le font quand même. Et surtout, bien que le traitement des demandes d’asile prenne 12 ou 18 mois dans la plupart des autres sociétés, à Hong Kong, certains demandeurs d’asile attendent dix ans ou plus que leur demande soit traitée – une attente que certains trouvent insupportables13. À Hong Kong, les demandeurs d’asile ont le droit d’aller où ils le souhaitent sur l’ensemble du territoire et de fréquenter qui ils veulent, sans craindre d’être arrêtés par la police simplement parce qu’ils sont demandeurs d’asile, et ils peuvent obtenir une allocation minimale. Mais ils risquent de rester bloqués indéfiniment à Hong Kong et leur demande finira presque certainement par être rejetée.

12Si la situation des demandeurs d’asile a considérablement changé ces dernières années, c’est aussi le cas de celle des Hongkongais, comme nous allons maintenant le voir.

Le changement de situation des Hongkongais et des demandeurs d’asile

13Dans les années qui ont précédé 1997, la rétrocession de Hong Kong de la Grande-Bretagne à la Chine a suscité une très grande inquiétude : « Il ne sert à rien de dissimuler que l’appréhension est le sentiment le plus général », déclarait un journal local en 1996 à l’occasion du Nouvel An (Mathews 1996 : 399). Dans les premières années qui ont suivi la rétrocession, on a pu observer un léger optimisme dans l’air, dans la mesure où les pires prédictions ne se sont pas réalisées : Hong Kong n’a pas changé autant que certains le craignaient. Cependant, le premier chef exécutif de la Région administrative spéciale de Hong Kong, Tung Chee-hwa, a proposé d’adopter l’article 23, qui exige que les Hongkongais prêtent serment à la Chine, ce qui a provoqué des manifestations massives en 2003 et en 2004 rassemblant chacune quelque 500 000 personnes (Mathews, Ma et Lui 2008 : 3, 56-7). Le nouveau gouvernement de Donald Tsang a offert un nouveau répit, avant de céder lui aussi (Tsang a finalement été emprisonné pour faute dans la conduite des affaires publiques). Le chef exécutif suivant, C. Y. Leung, s’est montré bien moins libéral et a cherché à rendre l’éducation plus patriotique à Hong Kong, tout en cédant à l’insistance de la Chine pour que le choix du chef de l’exécutif de Hong Kong ne soit pas soumis à une procédure démocratique. Ces facteurs ont conduit au Mouvement des parapluies de l’automne 2014, où jusqu’à 100 000 personnes souhaitant la tenue d’élections démocratiques à Hong Kong ont occupé pendant 11 semaines la principale avenue située devant le bâtiment du Conseil législatif de Hong Kong et plusieurs autres artères importantes (Veg 2016). Comme nous l’avons écrit à l’époque :

  • 14 Gordon Mathews, « Politicians and Police Have Done a Thorough Job of Alienating Our Youth », South (...)

La majorité des étudiants de Hong Kong considèrent la Chine continentale comme une dictature étrangère plutôt que comme une patrie, et ils estiment que Hong Kong est en train d’être avalée par ses maîtres autoritaires du continent. Voilà qui est complètement différent de ce que les experts hongkongais et chinois envisageaient il y a 20 ans, lorsqu’ils prévoyaient que ces jeunes deviendraient plus chinois14.

  • 15 « HKU POP Releases the Latest Survey on Hong Kong People’s Ethnic Identity », Public Opinion Progra (...)
  • 16 Kris Cheng, « HKU Poll: Only 3.1% of Young Hongkongers Identify as Chinese, Marking 20 Year Low », (...)
  • 17 Kris Cheng, « Hong Kong a Part of China ‘Since Ancient Times’: CY Cites Basic Law Amid Independence (...)

14Selon un rapport publié en 2017 par le Hong Kong Public Opinion Program, les Hongkongais se considèrent plus volontiers comme « Hongkongais », « Asiatiques » et « citoyens du monde » que comme « Chinois » ou « citoyens de la RPC »15. Ce qui est particulièrement frappant, c’est que seulement 3,1 % des répondants âgés de 18 à 29 ans ont déclaré se considérer principalement comme Chinois, chiffre le plus bas enregistré depuis 20 ans16. En dépit des déclarations continuelles des gouvernements chinois et hongkongais sur la sinité de Hong Kong (l’accent est mis notamment sur le fait que Hong Kong est une partie indissociable de la Chine depuis des temps anciens17), un très grand nombre de jeunes Chinois de Hong Kong n’y croient tout simplement pas.

15Ces dernières années, la façon dont les demandeurs d’asile sont traités à Hong Kong a beaucoup changé. Au début des années 2000, lorsque les demandeurs d’asile ont commencé à venir à Hong Kong, le gouvernement semblait n’avoir aucune idée de la manière avec laquelle les traiter. En 20062007, il arrêtait les demandeurs d’asile à vue. Si cette politique a été abandonnée, la situation des demandeurs d’asile est restée fragile. Au fil des ans, diverses ONG ont été montées pour venir en aide aux demandeurs d’asile ; des avocats, payés sur fonds publics, ont commencé à aider les demandeurs d’asile ; et les différentes étapes du processus de demande d’asile ont été harmonisées. Un demandeur d’asile russe explique ces changements :

  • 18 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 3 février 2018.

Je suis arrivé ici en 2006 la première fois. À cette époque, c’était beaucoup plus dur d’être aidé. Il y avait des ONG mais pas beaucoup, pas autant qu’aujourd’hui. Le processus est plus facile maintenant, plus clair, parce que les ONG et le gouvernement hongkongais vous l’expliquent. Avant ça, vous présentiez une demande au HCR, mais ils ne vous expliquaient pas le processus, et si elle était rejetée c’était fini. Maintenant, si votre demande est rejetée, vous pouvez faire appel. À Hong Kong, le traitement des demandeurs d’asile s’est standardisé. Les ONG fournissent des informations mais les services d’immigration aussi, sur leur site internet. C’est vrai, la situation des demandeurs d’asile s’est améliorée. Mais ça ne veut pas dire que c’est bien. Vous êtes toujours coincé ici pour toujours !18

16C’est en raison des procédures d’appel que les demandeurs d’asile restent indéfiniment à Hong Kong, à la manière de cet homme, même s’ils vivent dans l’incertitude d’un avenir précaire, d’une aide au compte-gouttes et d’un emploi irrégulier. Un Centrafricain raconte comment il a gâché les meilleures années de sa vie :

  • 19 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

Je suis arrivé ici en 2006 en tant que demandeur d’asile. Au début, les coupons alimentaires et l’allocation logement n’existaient pas – de ce point de vue, on peut dire que oui, ça a changé. Mais si vous parlez de la façon dont les services d’immigration traitent les dossiers, les choses ont très peu bougé. Des gens sont ici depuis 14, 15 ou 16 ans et ils ne sont toujours pas régularisés. Je pense que le gouvernement hongkongais veut décourager les gens de venir. Vous venez ici à 20 ans et vous voilà 15 ans plus tard… vous avez gâché les meilleures années de votre vie. Si seulement ils pouvaient traiter les dossiers plus rapidement, j’aurais très vite été fixé sur mon sort, et j’aurais cherché d’autres opportunités pour faire ma vie. Mais ils m’ont gardé tellement longtemps19 !

  • 20 De nombreux habitants de Hong Kong craignent que l’État de droit finisse par ployer sous l’influenc (...)
  • 21 La différence entre les demandeurs d’asile « authentiques » et les « faux » demandeurs d’asile fait (...)

17L’une des raisons de ces retards interminables dans le traitement des dossiers des demandeurs d’asile est la lenteur bureaucratique, du moins pour ceux qui sont en attente de traitement ; mais la principale raison est peut-être la loi hongkongaise, qui autorise des appels sans fin. Cela peut sembler être une très bonne chose dans un pays qui, comme Hong Kong, écorne par ailleurs l’État de droit20. Mais comme presque tout le monde finira par être débouté, ces appels sont simplement sans espoir, à moins qu’ils visent seulement en fait à gagner du temps. Ils aident en effet les demandeurs d’asile qui viennent à Hong Kong pour des raisons économiques, mais ils sont préjudiciables à ceux qui immigrent là parce qu’ils craignent pour leur vie. Ceux qui viennent à Hong Kong pour travailler illégalement peuvent probablement travailler de nombreuses années avant de rentrer chez eux ou d’être expulsés. Nous connaissons des Indiens qui ont financé les mariages de leurs frères et sœurs, reconstruit la maison de leur famille, soutenu leurs parents vieillissants et financé des entreprises qu’ils ont lancées par la suite, tout cela grâce aux revenus qu’ils ont touchés à Hong Kong tout en étant demandeurs d’asile. D’un autre côté, les demandeurs d’asile qui fuient la persécution dans leur pays d’origine ont souvent peur de travailler illégalement et d’être expulsés, et ils peuvent vivre dans l’angoisse pendant des années21. Il semble possible que les autorités hongkongaises utilisent cette situation pour bénéficier d’une main-d’œuvre irrégulière flexible ; quoi qu’il en soit, il semble évident que le travail des demandeurs d’asile profite de manière significative à l’économie hongkongaise (Vecchio 2016).

18Plus largement, certains demandeurs d’asile à Hong Kong ont acquis une importance sociale et symbolique non négligeable pour certains jeunes Hongkongais.

L’attitude changeante des Hongkongais à l’égard des demandeurs d’asile

19Les demandeurs d’asile résidant à Hong Kong depuis longtemps que nous avons interrogés ont affirmé que les attitudes des jeunes Hongkongais ont considérablement évolué ces dernières années. Un Ouest-Africain déclare :

  • 22 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

Je suis arrivé ici en 2005. Les choses ont énormément changé. On est allés dans des écoles, on a parlé des questions de race, c’est une des raisons pour lesquelles Hong Kong est devenue un lieu plus accueillant pour les demandeurs d’asile. C’était bien pire auparavant – c’était difficile de se faire des amis chinois. Personne ne voulait s’asseoir à côté de vous dans le métro. On a mis sur pied un programme qui s’appelle « mon voisin africain », pour essayer d’éduquer les gens d’ici. Les élèves avaient l’habitude de demander : « Pourquoi est-ce que vous venez ici ? » sur un ton agressif. Mais maintenant, depuis quelques années, ils veulent vraiment parler avec nous ! Beaucoup d’étudiants viennent à Chungking Mansions maintenant, et je les aide en répondant à leurs questions. Je réponds à un et puis dix viennent m’écouter, y compris leur professeur22 !

20Un demandeur d’asile centrafricain prend l’exemple du basket :

  • 23 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

Il y a quelques années, quand j’entrais sur un terrain de basket à Hong Kong, tous les Chinois partaient. Maintenant ils veulent tous jouer avec moi et ils m’invitent même à dîner23.

21Les demandeurs d’asile interrogés parlent abondamment du racisme à Hong Kong, la plupart d’entre eux affirmant qu’ils l’ont fréquemment observé. Un jeune homme venu du Moyen-Orient raconte :

  • 24 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 3 février 2018.

Les jeunes Hongkongais, la nouvelle génération, ils voient très positivement les demandeurs d’asile. Mais beaucoup de Hongkongais plus âgés ne pensent pas comme ça. Vous allez au marché : les gens, là-bas, ils n’aiment pas les gens comme nous24.

22Un Africain de l’Est confie :

  • 25 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

Personne ne sait que vous êtes demandeur d’asile, parce qu’ils ne peuvent pas voir vos papiers ; pour eux, vous êtes juste un étranger. Mais il y a plusieurs sortes d’étrangers : si vous êtes blanc, vous êtes favorisé ; mais si vous êtes africain comme moi, ils vous traiteront peut-être mal25.

  • 26 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Chri (...)

23Il raconte qu’une vieille femme chinoise, quelques jours avant notre entretien, lui a crié dessus puis a fourré un mouchoir dans son pantalon, a essuyé son derrière et a mis son mouchoir en boule avant de lui jeter dessus. Il nous a dit : « J’ai rigolé : son insulte était tellement créative26 ! »

  • 27 York Chow, « Racist Hong Kong is Still a Fact », South China Morning Post, 25 mai 2013, https://www (...)
  • 28 Luisa Tam, « Where Do You Stand in Racist Hong Kong? Here’s Something to Chew Over », South China M (...)

24Le racisme persiste à Hong Kong (Sautman 2004 ; Law et Lee 2012 ; Crabtree et Wong 2013), les Blancs étant souvent mieux traités que les Sud-Asiatiques dans les échanges quotidiens, tandis que les Philippines et les Indonésiennes, majoritaires parmi les domestiques à Hong Kong, sont souvent méprisées. Quant aux Chinois du continent, ils peuvent être maltraités par les Chinois de Hong Kong (cette dernière tension ne constitue peut-être pas du racisme à proprement parler, mais il s’agit du conflit interculturel le plus marqué aujourd’hui à Hong Kong). En 2013, l’enquête sur les valeurs mondiales a révélé que 27 % des Hongkongais ne souhaitaient pas avoir un voisin d’une autre race, suscitant la consternation des commentateurs27. Le racisme des Hongkongais est souvent décrié par les journalistes, mais il a la vie dure, qu’il s’agisse des politiques gouvernementales à l’égard des SudAsiatiques28, des pratiques éducatives envers les Sud-Asiatiques et les Chinois continentaux (Chee 2012), ou des multiples interactions quotidiennes à Hong Kong. La question du racisme à Hong Kong est complexe : dans quelle mesure s’agit-il de la couleur de peau ou de la couleur du passeport ? C’est évidemment un mélange des deux : un Africain ou un Sud-Asiatique ayant un passeport américain ou britannique peut trouver que sa nationalité et sa maîtrise de l’anglais prévalent sur son ethnicité dans la manière dont il est traité. Mais la plupart des demandeurs d’asile d’Afrique et d’Asie du Sud que nous connaissons nous disent être souvent en butte au racisme – un racisme que les Blancs ne percevraient peut-être pas ont-ils insisté.

25Pratiquement tous les demandeurs d’asile interrogés ont perçu un fossé générationnel dans l’attitude des Hongkongais à leur égard, les jeunes acceptant davantage les différences ethniques que leurs aînés. Il n’existe pas de données complètes démontrant ces changements d’attitude, mais la différence entre il y a dix ans et aujourd’hui est claire – au moins parmi les étudiants. Dans les cours que nous donnons à la Chinese University of Hong Kong, les étudiants issus de pays en développement, qui auraient auparavant été discrètement dédaignés par leurs camarades hongkongais, sont maintenant souvent courtisés par des étudiants hongkongais désireux de comprendre leur société et leur existence. Et il y a tellement de jeunes Hongkongais qui veulent participer à notre classe de demandeurs d’asile du samedi à Chungking Mansions qu’ils sont souvent plus nombreux que les demandeurs d’asile. Il nous faut trier tous les participants hongkongais potentiels, non pas parce que les demandeurs d’asile craignent qu’il s’agisse d’espions à la solde du gouvernement – comme ce fut parfois le cas dans le passé –, mais simplement parce que de nombreux jeunes Hongkongais souhaitent assister à ce cours et que le nombre de places est limité.

  • 29 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 20 janvier 2018.

26Nous avons demandé en entretien aux jeunes Hongkongais qui fréquentent la classe des demandeurs d’asile pourquoi ils venaient. La réponse la plus simple fut la suivante : « Je viens à ce cours parce que je veux parler à des personnes ayant des expériences différentes des miennes »29. Une autre étudiante a évoqué une motivation différente :

  • 30 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018, prolongé le 17 février 2018 so (...)

Si j’avais un petit ami demandeur d’asile, mes amis penseraient que c’est trop cool. Oui, vraiment, mes amis pensent qu’il est beaucoup plus cool d’avoir un petit ami africain que, je ne sais pas, un petit ami japonais ! Mais c’est vrai que mes parents pourraient s’opposer à notre mariage… Et non non, je ne voudrais pas du tout d’un petit ami de Chine continentale30 !

27On pourrait critiquer cette attitude, qui fait du petit ami africain le dernier accessoire cool pour une jeune Hongkongaise, en attendant de passer à des choses plus sérieuses. Néanmoins, si on la compare à la situation dix ans auparavant, c’est remarquable. Peu d’étudiantes hongkongaises auraient alors même osé s’aventurer dans Chungking Mansions, considéré comme le cœur de l’altérité raciale à Hong Kong (Mathews 2011 : 15) ; et aujourd’hui, quelques-unes viennent peut-être y chercher des amants. Ces amants potentiels ne sont pas issus de pays développés – ni du Japon, ni de Corée, ni d’Europe, ni des États-Unis – mais de pays en développement, le mépris prévalant hier laissant place à la fascination. Ces amants potentiels ne sont pas non plus des Chinois du continent – et affirmer qu’il est infiniment préférable d’avoir un petit ami originaire d’Afrique plutôt que de Chine du continent, voilà qui est remarquable dans un Hong Kong qui est « retourné à la mère patrie ».

  • 31 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Chri (...)

28D’autres jeunes Hongkongais ont évoqué des raisons politiques pour expliquer leur souhait de participer à notre classe. Un jeune engagé a déclaré : « J’ai entendu dire que le gouvernement traitait mal les demandeurs d’asile et je voulais voir par moi-même en découvrant comment ils vivent »31.

29La réponse politique la plus éloquente émanait d’une travailleuse sociale, qui déclare :

  • 32 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Chri (...)

À cause du gouvernement chinois et de ce qu’il fait à Hong Kong, je vais peut-être finir moi aussi par demander l’asile, et donc il vaut mieux que je comprenne comment ça marche. La plupart de mes amis participent à des mouvements sociaux ; beaucoup d’entre nous pensent de cette façon. À Hong Kong, certains avocats spécialistes des droits de l’homme se sont inquiétés du fait qu’ils pourraient bientôt devenir demandeurs d’asile, sans quoi ils risquaient d’être emprisonnés comme les avocats des droits de l’homme sur le continent32.

30Cette déclaration est extraordinaire. Elle montre que les demandeurs d’asile de notre classe ne sont pas considérés comme des êtres exotiques mais plutôt comme les porteurs de leçons utiles dans un Hong Kong peu à peu englouti par le régime autoritaire chinois.

31Lorsque nous avons demandé à cette femme de développer ses sentiments envers la Chine, elle a dit :

Je ne suis pas anti-chinoise, je déteste juste le gouvernement chinois et le Parti communiste. J’ai beaucoup d’amis sur le continent.

32Cependant, beaucoup de jeunes Hongkongais méprisent explicitement les nombreux Chinois du continent qu’ils croisent à Hong Kong. L’absence de racisme chez les jeunes Hongkongais décrits par les demandeurs d’asile correspond souvent moins une ouverture à l’autre en général qu’une ouverture à l’autre non-chinois. Ce sont souvent les mêmes jeunes qui, d’une part, s’opposent avec tant de véhémence à la Chine et au gouvernement hongkongais et qui ont été actifs dans des mouvements comme celui des parapluies, et qui d’autre part sont très favorables aux demandeurs d’asile. Lorsque nous avons demandé aux jeunes Hongkongais interviewés s’ils pensaient que l’identité de Hong Kong devrait être chinoise ou internationale, leur réponse fut unanime. Selon les mots d’un étudiant :

Elle devrait être internationale, c’est évident. Si Hong Kong est uniquement chinoise, c’est mort.

  • 33 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Chri (...)

33Les demandeurs d’asile peuvent-ils être hongkongais, leur avons-nous demandé ? Oui, m’a-t-on dit, parce qu’ils vivent à Hong Kong. « Quiconque vit à Hong Kong, indépendamment de son appartenance ethnique, peut être un Hongkongais », a déclaré un jeune militant. « Les demandeurs d’asile ne sont pas des étrangers ! », a-t-il insisté33.

  • 34 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

34Les demandeurs d’asile sont désormais invités à venir parler à de jeunes Hongkongais, ce qui représente un changement significatif par rapport au passé récent. Plusieurs demandeurs d’asile nous ont confié qu’ils vont dans des lycées et des universités dix ou 15 fois par an pour parler de leur situation de demandeurs d’asile, et pour parler de leur société d’origine et de sa culture. Comme le dit un demandeur d’asile : « mon boulot, c’est de faire connaître l’Afrique à ces jeunes »34 – il est ironique que ces demandeurs d’asile introduisent les étudiants hongkongais aux sociétés qu’ils ont fuies, mais les demandeurs d’asile que nous connaissons n’en parlent pas. En tout état de cause, les demandeurs d’asile à Hong Kong tels que ceux à qui nous donnons cours bénéficient de cette attitude accueillante parmi les jeunes et les adultes libéraux, et ils ont contribué au renforcement de cette attitude en introduisant les Hongkongais à leurs sociétés d’origine. Les demandeurs d’asile se demandent parfois combien de personnes exactement parmi leur public « écoutent réellement » leur discours, et ils s’inquiètent également de voir que « seules les écoles libérales » les invitent à parler. C’est tout à fait vrai : ce sont les lycées les plus libéraux et les moins pro-establishment de Hong Kong qui ont tendance à accueillir les demandeurs d’asile. Mais le simple fait que cela se produise est significatif : certains Hongkongais accueillent effectivement des demandeurs d’asile.

35Les demandeurs d’asile à Hong Kong peuvent s’affirmer en faisant connaître leur situation, comme en témoigne leur présence dans les médias de Hong Kong et du monde entier (cf. pour une liste partielle des demandeurs d’asile de Hong Kong dans les médias locaux et globaux, les musiciens Talents Displaced, l’ancien demandeur d’asile et maintenant étudiant à l’université Innocent Mutanga, ou encore le romancier John Outsider35). Lam parle des « demandeurs d’asile à Hong Kong qui tentent de tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation » en venant en aide également à la communauté africaine de Hong Kong36. Citons aussi l’African Community Hong Kong37. Comme nous l’a dit un officier des services d’immigration :

  • 38 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

Nous avons organisé des ateliers avec la Commission pour l’égalité des chances. Parfois des fonctionnaires travaillant au siège de la police viennent aussi nous demander conseil38.

36La liste ci-dessus est partielle, au sens où certains demandeurs d’asile présents dans les médias ne revendiquent pas leur statut de demandeur d’asile ; mais elle est néanmoins remarquable.

Conclusion

37Il semble que les attitudes des jeunes et des adultes libéraux vis-à-vis des demandeurs d’asile se soient modifiées à Hong Kong. Notre échantillon est restreint, pioché principalement dans nos propres cours donnés à Chungking Mansions et parmi les personnes qui y ont assisté. Cependant, à en juger par les rapports constants que nous recevons concernant leurs rencontres quotidiennes à Hong Kong, ce changement d’attitude paraît bien réel.

38Comment l’expliquer ? Comme nous l’avons vu, cela semble lié à l’attitude des jeunes Hongkongais à l’égard du continent. Lowe et Tsang (2018) écrivent à propos des jeunes militants du Mouvement des parapluies : « Beaucoup de ceux qui n’ont jamais visité la Chine expriment déjà un mépris sinophobe et une aversion pour le continent ». Ils discutent dans un autre article du fait que « le sentiment d’identité collective des Hongkongais se fortifie à mesure qu’ils construisent les Chinois continentaux comme l’inverse d’eux-mêmes, par rejet du concept d’ethnicité pan-chinoise promu par la Chine populaire » (2017 : 137). Cette description correspond à l’attitude des jeunes Hongkongais qui viennent dans notre classe de demandeurs d’asile. Au moins dans une certaine mesure, l’animosité raciale qui visait les Sud-Asiatiques ou les Africains voilà une ou deux décennies s’adresse désormais aux Chinois du continent ; la Chine continentale a remplacé l’Asie du Sud et l’Afrique comme principal objet de discrimination. Il est remarquable qu’un certain nombre de jeunes Hongkongais que nous connaissons s’identifient davantage avec les demandeurs d’asile africains qu’avec les Chinois continentaux. Sur le plan politique, il semble évident que certains jeunes Hongkongais, fatigués de la sinité imposée de plus en plus par le gouvernement, recherchent la non-sinité de Hong Kong, et qu’ils la trouvent chez les demandeurs d’asile.

39Pourquoi les demandeurs d’asile ? Pour la militante politique citée à la fin de la section précédente, la réponse est évidente. Comme elle pourrait elle-même devenir une demandeuse d’asile si la répression chinoise continuait à s’abattre sur Hong Kong, elle estime qu’elle a beaucoup à apprendre des demandeurs d’asile à Hong Kong : leurs luttes passées et présentes pourraient devenir ses propres luttes. Pour les Hongkongais moins engagés politiquement, on peut se demander pourquoi les demandeurs d’asile devraient être des symboles de la non-sinité de Hong Kong ? Pourquoi pas, par exemple, les Britanniques ? Si nous sentons parfois indéniablement de la nostalgie chez certains jeunes Hongkongais, à qui il arrive de dire, lors de nos cours à l’université, que « Hong Kong était mieux sous les Anglais », le fait est que les Européens et les Américains blancs représentent souvent une population d’expatriés privilégiés issue d’un monde au colonialisme moribond et d’une Amérique de moins en moins influente. Quant aux hommes japonais et coréens, les jeunes Hongkongaises considèrent qu’ils sont les caricatures mêmes du chauvinisme masculin. On note en effet un intérêt croissant pour les Sud-Asiatiques ; mais comme ils possèdent leurs propres mondes sociaux distincts à Hong Kong (Murgai 2013), c’est aux demandeurs d’asile qu’il incombe d’incarner la non-sinité.

40Les demandeurs d’asile jouant un rôle sur la scène publique hongkongaise sont généralement éduqués et s’expriment bien ; ils ne correspondent pas aux stéréotypes naïfs s’appliquant aux « gens du monde en développement » (sinon par leur manque d’argent). Leurs manières de penser peuvent paraître familières aux jeunes Hongkongais instruits, beaucoup plus que celles des étudiants du continent dont certaines attitudes patriotiques sont d’un parfait exotisme à Hong Kong. Certains de ces Hongkongais, comme expliqué précédemment, pourraient facilement considérer comme des Hongkongais les demandeurs d’asile d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, mais ils seraient réticents à étendre cette désignation aux étudiants du continent. En d’autres termes, « les Africains, les Moyen-Orientaux et les Sud-Asiatiques peuvent être des Hongkongais, mais pas les Chinois continentaux ». C’est d’autant plus frappant que la Chine entretient, dans une large mesure, une identité culturelle à base ethnique : « la Chine aux Chinois Han » (Wu 1991 : 150-1). Ces jeunes Hongkongais renversent cette équation ethnique en affirmant que « Hong Kong est ouverte à tout le monde sauf aux Chinois du continent ».

41Cette attitude aurait été difficile à imaginer il y a 20 ans, alors que l’identité de Hong Kong était censée devenir de plus en plus chinoise et de moins en moins internationale. Elle aurait même été difficile à imaginer il y a dix ans, lorsque les demandeurs d’asile étaient pressés de toutes parts et marginalisés, considérés comme étrangers et différents. Mais c’est pourtant ce qui est advenu. Comme cet article l’a montré, les demandeurs d’asile sont devenus, pour certains jeunes Hongkongais, les symboles de la non-sinité de Hong Kong.

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Notes

1 Est considérée comme demandeur d’asile une personne ayant fui son pays d’origine mais n’ayant pas été officiellement reconnue comme réfugié – une personne dont « la demande d’asile doit encore être évaluée de manière définitive » (Vecchio 2015 : 12). Un réfugié est une personne ayant été officiellement reconnue comme telle, ce qui lui permet d’obtenir la citoyenneté de son pays d’accueil. Dans la littérature universitaire, le terme de « réfugié » est généralement préféré à celui de « demandeur d’asile », ce premier terme ne préjugeant pas de la validité des demandes des demandeurs d’asile. Nous utilisons le terme « demandeur d’asile » car Hong Kong reconnaît très peu de demandeurs d’asile comme réfugiés. Caractériser de « réfugiés » les personnes décrites dans cet article occulterait le fait crucial que presqu’aucune d’entre elles ne sera jamais officiellement reconnue comme « réfugiée » par le gouvernement hongkongais.

2 Il existe des exceptions à cela dans la littérature. Voir, par exemple, un article récent sur les adolescents nord-coréens relogés dans des écoles secondaires sud-coréennes, qui peuvent offrir à leurs camarades sud-coréens une fenêtre sur la vie dans le Nord tout en devenant eux-mêmes citoyens du monde (Cho, Palmer et Jung 2016). De récents articles décrivent également comment les demandeurs d’asile qui protestent contre les traitements inhumains dont se rend coupable le gouvernement de leur pays d’accueil recueillent un large soutien et une perception favorable de la part de la population, comme en Belgique (Willner-Reid 2015). Plus communément, cependant, la littérature universitaire récente décrit comment les sociétés d’accueil du monde entier sont devenues moins accueillantes vis-à-vis des demandeurs d’asile (par exemple, Reilly 2016).

3 Une étude menée en 2016 par Isabella Ng, de l’Education University of Hong Kong, a montré que « seuls 4,7 % des Hongkongais considèrent les réfugiés positivement, mais presque la moitié avouent leur méconnaissance du sujet », Hong Kong Free Press, 30 août 2016. www.hongkongfp.com/2016/08/30/only-4-7-of-hongkongers-view-refugees-positively-but-almost-half-admit-ignorance-over-issue-study/ (consulté le 28 mai 2018). Une enquête de 2018, également menée par le Dr Ng, a montré que plus de la moitié des personnes interrogées déclarent que les enfants de demandeurs d’asile devraient avoir le droit de séjourner à Hong Kong et plus d’un tiers des répondants déclarent que les demandeurs d’asile présents à Hong Kong depuis au moins cinq ans devraient avoir le droit de travailler. Cf. Rachel Carvalho, « Racism is Alive and Well in Hong Kong, But There’s Growing Sympathy for Refugee Children », South China Morning Post, 19 avril 2018, https://www.scmp.com/news/hong-kong/law-crime/article/2142397/racism-alive-and-well-hong-kong-theres-growing-sympathy (consulté le 28 mai 2018).

4 Chungking Mansions n’est pas un bâtiment ordinaire à Hong Kong. C’est pourquoi cette enquête, qui se fonde sur des entretiens qualitatifs, doit être comprise dans ce contexte particulier. Voir aussi Gordon Mathews, « Arguing, Learning, Waiting » (article d’opinion), New York Times, 27 juin 2012, https://www.nytimes.com/2012/06/28/opinion/asylum-seekers-wait-and-learn-in-hong-kong.html (consulté le 2 juin 2017).

5 Rachel Blundy, « The Agony of Hong Kong’s Asylum Seekers, Stuck in Limbo ‘Neither Alive nor Dead’ », South China Morning Post, 13 mai 2017, https://www.scmp.com/news/hong-kong/education-community/article/2094115/agony-hong-kongs-asylum-seekers-stuck-limbo (consulté le 6 janvier 2018). Les comptes rendus des différents médias de Hong Kong divergent sur des faits fondamentaux tels que le nombre de demandeurs d’asile à Hong Kong et les chiffres mêmes du gouvernement de Hong Kong peuvent faire l’objet de diverses interprétations. Cf. Hong Kong Immigration Department, « Statistics on Non-Refoulement Claims », www.immd.gov.hk/eng/facts/enforcement.html (consulté le 30 mai 2018). Les chiffres cités ici sont exacts, d’après les vérifications que nous avons pu faire.

6 Christy Leung et Xinqi Su, « Unsuccessful Asylum Seekers, Illegal Immigrants in Hong Kong Sent Back on Chartered Flight to Vietnam », South China Morning Post, 29 décembre 2017, https://www.scmp.com/news/hong-kong/community/article/2126150/unsuccessful-asylum-seekers-illegal-immigrants-hong-kong (consulté le 2 juin 2018); Ellie Ng, « Hong Kong Repatriated 5,932 Unsuccessful Refugee Claimants Last Year; China Top Country of Origin – Gov’t », Hong Kong Free Press, 2 avril 2017, www.hongkongfp.com/2017/04/02/hong-kong-repatriated-5932-unsuccessful-refugee-claimants-last-year-china-top-country-origin-govt/ (consulté le 2 juin 2018); Rachel Carvalho, « Charter Flight Plan for Pakistanis Denied Asylum », Sunday Morning Post, 29 juillet 2018, https://www.scmp.com/news/hong-kong/hong-kong-law-and-crime/article/2157265/hong-kong-and-islamabad-considering (consulté le 30 juillet 2018).

7 « 酷刑聲請開支逾6 : 確立個案僅佔千分之4 » (Kuxing shengqing kaizhi yu liuyi ; queli ge’an jinzhan qianfenzhisi, Les allégations de torture coûtent chaque année 600 millions de dollars de Hong Kong au gouvernement et seulement 0,4 % sont avérées), Oriental Daily, 28 mars 2015, http://hk.on.cc/hk/bkn/cnt/news/20150328/bkn-20150328222614750-0328_00822_001.html (consulté le 22 décembre 2017).

8 Les domestiques, généralement originaires des Philippines ou d’Indonésie, n’ont pas le droit de résidence à Hong Kong. Si leurs contrats ne sont pas renouvelés ou si elles ne peuvent pas obtenir de nouveau contrat, elles doivent partir. Devenir demandeuse d’asile peut ainsi sembler une alternative viable pour celles qui veulent rester à Hong Kong (cf. la discussion sur la demande d’asile à Hong Kong dans Constable 2014 : 183-215).

9 Certains de ceux qui ont travaillé à Hong Kong avec un visa tourisme et qui sont régulièrement rentrés chez eux pour renouveler leur visa ont compris qu’il était plus facile de rester à Hong Kong en tant que demandeurs d’asile. Comme confié par un demandeur d’asile indien : « Pourquoi je devrais retourner en Inde tous les 42 jours pour renouveler mon visa alors que je peux parler à mes enfants tous les jours ici, à Hong Kong ? » L’inconvénient pour ce demandeur d’asile est de ne pas pouvoir rentrer chez lui ; mais avec des réseaux sociaux si faciles à utiliser et si peu coûteux, il estime que le jeu en vaut la chandelle.

10 Cf. Te-ping Chen, « Hong Kong Changing the Way It Handles Refugees », Wall Street Journal, 16 juillet 2013, www.wsj.com/articles/SB10001424127887324694904578601171702287356 (consulté le 21 décembre 2017).

11 Drew DeSilver, « Europe’s Asylum Seekers: Who They Are, Where They’re Going, and Their Chances of Staying », Pew Research Center, 30 septembre 2015, https://www.pewresearch.org/fact-tank/2015/09/30/europes-asylum-seekers-who-they-are-where-theyre-going-and-their-chances-of-staying/ (consulté le 28 mai 2018).

12 Cet entretien a eu lieu dans un restaurant de Chungking Mansions, le 2 décembre 2017. Beaucoup de demandeurs d’asile, mais pas tous, craignant pour leurs demandes en cours auprès du gouvernement hongkongais, n’ont pas souhaité être nommés dans cet article. Les noms et/ou le pays exact dont ils sont issus ont été changés. De faux noms ont été utilisés pour nos informateurs hongkongais, sauf quand il s’agissait de personnalités publiques.

13 Le processus a été considérablement accéléré pour les nouveaux demandeurs d’asile, certaines demandes étant réglées dans un délai d’un an ou moins ; mais on observe toujours des retards.

14 Gordon Mathews, « Politicians and Police Have Done a Thorough Job of Alienating Our Youth », South China Morning Post, 3 décembre 2014, https://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/1654663/politicians-and-police-have-done-thorough-job-alienating-our (consulté le 24 décembre 2017).

15 « HKU POP Releases the Latest Survey on Hong Kong People’s Ethnic Identity », Public Opinion Programme, The University of Hong Kong, 20 juin 2017, www.hkupop.hku.hk/english/release/release1474.html (consulté le 27 décembre 2017).

16 Kris Cheng, « HKU Poll: Only 3.1% of Young Hongkongers Identify as Chinese, Marking 20 Year Low », Hong Kong Free Press, 21 juin 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/06/21/hku-poll-3-1-young-hongkongers-identify-chinese-marking-20-year-low/ (consulté le 27 décembre 2017).

17 Kris Cheng, « Hong Kong a Part of China ‘Since Ancient Times’: CY Cites Basic Law Amid Independence Debate », Hong Kong Free Press, 15 mars 2016, https://www.hongkongfp.com/2016/03/15/hong-kong-a-part-of-china-since-ancient-times-cy-cites-basic-law-amid-independence-debate/ (consulté le 12 décembre 2017); Yi-Zheng Lian, « Is Hong Kong Really Part of China? », New York Times, 1er janvier 2018, www.nytimes.com/2018/01/01/opinion/hong-kong-china.html (consulté le 29 mai 2018).

18 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 3 février 2018.

19 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

20 De nombreux habitants de Hong Kong craignent que l’État de droit finisse par ployer sous l’influence de la Chine continentale. En Chine, le juridique est subordonné au politique ; certains observent aussi cela à Hong Kong, comme par exemple dans le cas des poursuites répétées à l’encontre de Joshua Wong et de ses camarades pour leurs actions au sein du Mouvement des parapluies et pour la sélection politique des candidats aux élections (cf. Ernest Kao et Tony Cheung, « Bar Association Slams ‘Political Vetting’ in Polls », South China Morning Post, 15 février 2018, https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2133321/inaccurate-assume-landmark-ruling-means-agnes-chow-will-win (consulté le 30 mai 2018).).

21 La différence entre les demandeurs d’asile « authentiques » et les « faux » demandeurs d’asile fait l’objet d’une controverse. Un éditorial (« Loopholes Mean Genuine Asylum Seekers Suffer », South China Morning Post, 28 novembre 2010) a critiqué le gouvernement hongkongais pour avoir tardé à instaurer une politique globale à l’égard des demandeurs d’asile, soutenant que « soit les demandeurs sont authentiques et leurs vies sont en danger, soit ce sont simplement des migrants économiques dont les demandes devraient être rapidement traitées ». Cependant, comme l’a relevé Marfleet, « de plus en plus les réfugiés et les migrants strictement économiques sont des représentations idéales que l’on croise rarement dans la vie réelle » (2006 : 310). Cela s’applique aux demandeurs d’asile à Hong Kong, dont la plupart ont des raisons à la fois économiques et politiques de fuir leur pays, bien que leur dossier officiel accentue nécessairement les secondes et tait les premières. Nous connaissons plusieurs demandeurs d’asile qui disent fuir des menaces de mort, par exemple de la part de créanciers (Mathews 2011 : 174) ; seulement, si ces menaces peuvent être bien réelles, elles ne leur permettent pas de prétendre au statut de réfugié, car elles n’impliquent ni torture ni persécution ethnique, politique ou religieuse.

22 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

23 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

24 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 3 février 2018.

25 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018.

26 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Christian Action, 10 février 2018. Comme la plupart des demandeurs d’asile, il ne connaît que quelques mots de cantonais et recourt à l’anglais dans ses échanges quotidiens. Il ne pouvait donc comprendre les insultes verbales que cette femme lui avait adressées.

27 York Chow, « Racist Hong Kong is Still a Fact », South China Morning Post, 25 mai 2013, https://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/1245226/racist-hong-kong-still-fact (consulté le 27 mai 2018).

28 Luisa Tam, « Where Do You Stand in Racist Hong Kong? Here’s Something to Chew Over », South China Morning Post, 15 janvier 2018, https://www.scmp.com/news/hong-kong/community/article/2128326/where-do-you-stand-racist-hong-kong-heres-something-chew (consulté le 27 mai2018); Yonden Lhatoo, « Hong Kong’s Ethnic Minority Woes Just Keep Getting Worse », South China Morning Post, 11 février 2018, https://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/2132845/hong-kongs-ethnic-minority-woes-just-keep-getting-worse (consulté le 27 mai 2018).

29 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 20 janvier 2018.

30 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 10 février 2018, prolongé le 17 février 2018 sous la forme de commentaires.

31 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Christian Action, 3 février 2018.

32 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Christian Action, 3 février 2018.

33 Commentaire fait dans notre classe pour demandeurs d’asile, Chungking Mansions Service Center, Christian Action, 10 février 2018.

34 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

35 Hillary Leung, « Artists First, Asylum Seekers Second: Talents Displaced Share Love of Music with Local Community », Hong Kong Free Press, 24 septembre 2017, https://www.hongkongfp.com/2017/09/24/artists-first-asylum-seekers-second-talents-displaced-share-love-music-local-community/ (consulté le 21 janvier 2018) ; Jessie Yang, « Beyond the Lens of Innocence: The Lives of Refugees in Hong Kong », TheNewsLens, 22 août 2016, https://international.thenewslens.com/article/47237 (consulté le 21 janvier 2018) ; Innocent Mutanga, « Context Matters: The Racist Laundry Ad Was Ignorant, But So Were the Reactions », Hong Kong Free Press, 9 juin 2016, https://www.hongkongfp.com/2016/06/09/context-matters-the-racist-laundry-ad-was-ignorant-but-so-were-the-reactions/ (consulté le 21 janvier 2018) ; Innocent Mutanga, « Decentering Colonial Narratives About Zimbabwe », Mangal Media, 27 novembre 2017, www.mangalmedia.net/english//decentering-colonial-narratives-about-zimbabwe (consulté le 21 janvier 2018) ; Jessie Yang, « John Outsider : 一位揭露強韌生命 的香港難民作家 » (John Outsider: Yi wei jielu qiangren shengmingli de xianggang nanmin zuojia, John Outsider : l’écrivain réfugié à Hong Kong à la vie si résiliente), The Wandering Voice, 12 octobre 2017, www.thewanderingvoice.com/singlepost/2017/10/12/John-Outsider- (consulté le 21 janvier 2018).

36 Jeffie Lam, South China Morning Post, 27 décembre 2017, www.scmp.com/news/hong-kong/community/article/2125679/asylum-seekers-hong-kong-who-are-trying-make-best-out-bad (consulté le 23 janvier 2018).

37 African Community Hong Kong, http://africancommunity.hk/ (consulté le 23 janvier 2018).

38 Entretien dans un restaurant de Chungking Mansions, 27 janvier 2018.

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Pour citer cet article

Référence papier

Gordon Mathews, « Les demandeurs d’asile, symboles de la non-sinité de Hong Kong  »Perspectives chinoises, 2018-3 | 2018, 57-64.

Référence électronique

Gordon Mathews, « Les demandeurs d’asile, symboles de la non-sinité de Hong Kong  »Perspectives chinoises [En ligne], 2018-3 | 2018, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/8553

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Auteur

Gordon Mathews

Gordon Mathews est professeur et président du Département d’anthropologie à l’Université chinoise de Hong Kong. Room 407 Humanities Building, New Asia College, The Chinese University of Hong Kong, Shatin, N.T. Hong Kong (cmgordon[at]cuhk.edu.hk).

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