Navigation – Plan du site

AccueilLes numéros2017/3Comptes-rendus de lectureMick Atha et Kennis Yip, Piecing ...

Comptes-rendus de lecture

Mick Atha et Kennis Yip, Piecing Together Sha Po: Archaeological Investigations and Landscape Reconstruction,

Hong Kong, Hong Kong University Press, 2017, 260 p.
Maxime Decaudin
p. 74-75

Texte intégral

1Piecing Together Sha Po est un ouvrage d’archéologie retraçant les quelques 6 500 ans d’occupation humaine de Sha Po, un village côtier au nord-ouest de l’île de Lamma à Hong Kong. Habitant l’île depuis dix ans, les auteurs, Mick Atha et Kennis Yip, sont deux archéologues formés à York en Angleterre. Le premier enseigne sa discipline à l’Université chinoise de Hong Kong tandis que la seconde est consultante professionnelle en archéologie. Y ayant mené de nombreuses fouilles, ils s’appuient sur leur expérience et sur ce qu’ils nomment la « littérature grise » pour rassembler l’ensemble des connaissances archéologiques concernant ce petit village. Contrairement à la majorité des publications concernant l’archéologie de Hong Kong, l’ouvrage ne cherche pas à produire des conclusions générales sur une période précise en comparant les découvertes d’un très grand nombre de sites, mais au contraire vise à ancrer les résultats d’un peu moins d’un siècle de fouilles archéologiques à Sha Po dans leur environnement. Ce choix méthodologique relève de l’archéologie environnementale à laquelle les auteurs ont été formés en Grande Bretagne et qui prône la reconstitution historique des paysages autant que des sociétés étudiées. Cette approche paysagère apporte une double originalité au livre. Scientifiquement, bien-sûr, elle permet de réinterpréter les objets déjà exhumés à la lumière de l’archéogéographie pour mieux compléter les récits socioculturels existants par une reconstitution environnementale. Ensuite, culturellement, il met en avant les paysages de Hong Kong dont la valeur patrimoniale a été largement négligée par la planification urbaine. Même si elle ajoute une certaine complexité à l’ouvrage, les auteurs ont une double ambition. Tout d’abord, afin de contribuer aux débats scientifiques contemporains, ils appuient prudemment leurs conclusions sur un échafaudage complexe de preuves archéologiques. Dans ce but, un catalogue détaillé des objets exhumés figure en annexe et est complété par une bibliographie approfondie. Ensuite, ils s'évertuent à attiser la curiosité d’un public néophyte en produisant un récit captivant. Un très grand nombre d’illustrations accompagne ainsi le texte débarrassé du jargon propre à l’archéologie.

2Les neufs chapitres qui composent l’ouvrage sont distribués en trois parties inégales. La première, relativement courte, cherche à contextualiser l’objet d’étude. Le premier chapitre situe le village de Sha Po dans le temps et l’espace en décrivant son histoire récente, sa géographie, ses caractéristiques topographiques et géologiques. Servant d’introduction, il s’achève par la présentation succincte de tous les chapitres du livre. Le deuxième chapitre, intitulé « How we know about ancient Sha Po », retrace l’historique des fouilles archéologiques sur l’île de Lamma depuis les premières poteries ramassées à même le sol par le père irlandais Finn dans les années 1930 jusqu’aux opérations de sauvetage organisées par la Société d’archéologie de Hong Kong (The Hong Kong Archaeological Society) au cours des décennies qui suivirent la deuxième guerre mondiale. Il faudra attendre 1976 pour que le gouvernement réglemente la profession et 1998 pour que les excavations soient systématiquement menées avant tout chantier dans les zones d’intérêt archéologique comme Yung Shue Wan dont l’ancien village de Sha Po fait partie. C’est au cours de cette dernière période que les auteurs ont effectué la majeure partie de leurs fouilles et acquis leur expertise. Le troisième chapitre défend l’approche paysagère de l’ouvrage en introduisant la notion de paysage social. En effet, le paysage résulte du façonnement de l’environnement par les différents habitants de Sha Po au cours de plusieurs millénaires. Il est important de comprendre cette différence à la fois environnementale et culturelle pour saisir l’effort de reconstitution des auteurs et les difficultés d’interprétation auxquelles ils se sont confrontés. Ce chapitre retrace ensuite très rapidement l’histoire des paysages de Sha Po en remontant le temps, des villages paysans du XIXe aux plages du Néolithique.

3La deuxième partie est la plus conséquente de l’ouvrage et s’attèle à raconter, chronologiquement et preuves archéologiques à l’appuis, les six mille ans d’histoire de Sha Po et de ses habitants. L’occupation de Hong Kong remonte à quelques 7 000 ans et Sha Po témoigne déjà d’une activité humaine dès 4 500 AEC. Le premier chapitre examine la période néolithique et décrit une population de pêcheurs-chasseurs-cueilleurs installée de façon probablement saisonnière sur les bancs de sable à l’arrière des plages. Le deuxième chapitre montre l’importance du site à l’âge du bronze par la découverte de deux industries préhistoriques : la fonte du bronze ayant lieu sur les plages et le polissage de boucle d’oreilles en quartz, extraites un peu plus loin sur l’île, et dont l’atelier est situé sur un petit promontoire rocheux. Au regard des fosses circulaires retrouvées sur ce même site, l’hypothèse d’un village sur pilotis est avancée. Le chapitre six retrace l’avènement de l’empire chinois au troisième siècle avant notre ère et l’annexion de Hong Kong au deuxième siècle de notre ère par les Han occidentaux qui marque l’entrée de la région dans l’Histoire. Intitulé « On the edge of empire : Han-Yuan Sha Po », il embrasse mille ans d’intégration progressive de Hong Kong dans l’empire chinois. Malgré une grande incertitude quant aux types de constructions et à la pratique de l’agriculture, une étude minutieuse des restes archéologiques permet aux auteurs de reconstituer le paysage social de Sha Po, tel que l’emplacement des tombes, le régime alimentaire et les activités économiques. Ce chapitre s’efforce également de démontrer l’usage, encore très controversé chez les archéologues, des dizaines de fours circulaires retrouvés sur quasiment toutes les plages de Hong Kong et datant du premier millénaire de notre ère. Il s’agit de la production du sel, un monopole impérial très profitable, qui, conjointement à la pêche aux perles, impacte profondément l’environnement, essentiellement par la déforestation. Le septième chapitre s’étend quant à lui de la dynastie Ming à la période coloniale principalement marquée par une immigration importante de Chinois du continent qui introduisent à Hong Kong en général, et dans la vallée de Sha Po en particulier, non seulement la riziculture, mais également la culture chinoise dont le feng shui. Ce sont ces paysages agricoles dont les britanniques s’emparent à la fin du XIXe et qui disparaissent aujourd’hui de l’île de Lamma sous la pression croissante de la promotion immobilière.

4La dernière partie fait office de conclusion en deux chapitres. Dans un effort de synthèse, le premier reprend chronologiquement l’ensemble des six mille ans d’histoire de Sha Po dans le but d’en reconstruire les paysages et les modes de vies des habitants. Les transformations géomorphologiques de la vallée sont décrites au moyen d’une série de cartes et de coupes stratigraphiques. Les reconstitutions les plus efficaces restent les trois illustrations de la main de l’artiste Dina Knight. Il s’agit de trois vues aériennes en contre plongée prises du même angle à trois époques : à l’âge du bronze, à la période des six dynasties aux Tang et de la fin du XIXe au début du XXe siècle. On peut y apprécier les transformations environnementales (taille de la plage, modification des cours d’eau, déboisement, emplacement des villages sur pilotis) ainsi que les activités propres à chaque époques (pêche, chasse, fonte du bronze, atelier de quartz, puis four à sel, commerce maritime, et enfin agriculture, temple, etc.). Le chapitre neuf conclu sur l’importance du cas d’étude de Sha Po pour l’archéologie dans la région mais également sur le travail qu’il reste à faire en spéculant les découvertes à venir.

5Enfin, cet ouvrage est à situer dans le contexte contemporain de quête identitaire et de patrimonialisation que connait Hong Kong. En effet, permettant l’appropriation de l’histoire et de la culture des premiers habitants (« nos ancêtres »), l’archéologie joue un rôle clef dans la définition d’une identité proprement hongkongaise. De plus, la patrimonialisation semble concerner de plus en plus la nature (sa valeur écologique) et les paysages propres à Hong Kong. Ainsi, Mick Atha défend la protection du patrimoine paysager dans un article où l’archéologue rejoint l’activiste : « A Neglected Heritage : Towards a Fuller Appreciation of the Landscapes and Lifeways of Hong Kong’s Rice Farming Past ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Maxime Decaudin, « Mick Atha et Kennis Yip, Piecing Together Sha Po: Archaeological Investigations and Landscape Reconstruction, »Perspectives chinoises, 2017/3 | 2017, 74-75.

Référence électronique

Maxime Decaudin, « Mick Atha et Kennis Yip, Piecing Together Sha Po: Archaeological Investigations and Landscape Reconstruction, »Perspectives chinoises [En ligne], 2017/3 | 2017, mis en ligne le 15 septembre 2017, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/7867

Haut de page

Auteur

Maxime Decaudin

Maxime Decaudin est doctorant en histoire de l’art à l’Université Paris-Sorbonne et chargé de cours en paysagisme à l’Université de Hong Kong (maximed@hku.hk).

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search