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Taiwan

De la taiwanisation à la dé-sinisation. La politique culturelle depuis les années 1990

Chang Bi-yu

Résumé

Quel fut le moteur des transformations survenues dans l’identité taiwanaise au cours des années 1990 ? Comment s’est construit une taiwanité ? Par quels moyens l’Etat élabore-t-il la culture taiwanaise et produit-il du sens ? Cet article analyse de quelle manière les partis politiques au pouvoir ont contribué à la construction de la culture et de l’identité taiwanaise depuis la levée de la loi martiale et propose d’évaluer les différences et continuités entre leurs politiques culturelles. Il apparaît que le KMT privilégie l’indigénisation de Taiwan, tandis que le PDP encourage sa dé-sinisation.

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Notes de la rédaction

Traduit de l’anglais par Nicolas Ruiz-Lescot

Texte intégral

1Le 2 février 2004, moins de 50 jours avant la tenue des élections présidentielles, un lecteur dans une lettre adressée au Lianhe bao (United Daily News) regrettait l’absence de politique culturelle des candidats à la présidence. L’auteur examinait les programmes électoraux des deux principaux partis, le Kuomintang (KMT) et le Parti démocrate progressiste (PDP), et déclarait ne pouvoir y trouver la moindre mention concernant la politique culturelle : « Quel est l’avenir de la culture à Taiwan ? Même le vin et les sacs plastiques ont leur politique, où est notre politique culturelle ? »1.

2La politique culturelle a toujours représenté un enjeu majeur pour le pouvoir taiwanais. L’anti-communisme et la censure furent imposés dans les années 1950 afin de contrôler l’expression culturelle ; le Mouvement de renaissance culturelle (Zhonghua wenhua fuxing yundong) fut lancé comme une riposte à la Révolution culturelle ; en 1977, Chiang Ching-kuo inclut la culture dans ses Douze projets de construction nationale afin de répondre aux transformations de la société ; en 1995, Lee Teng- hui soutint le Mouvement de construction de la communauté (shequ zongti yingzao), qui exprimait son projet politique – la « communauté de destin partagé » (shengming gongtong ti)2. Des fonds furent régulièrement investis et des mesures furent prises, mais les désaccords soulevés par la politique culturelle3 ne cessèrent jamais. Quelle est l’origine de ces critiques ? Elles tiennent pour la plupart à une confusion relative à la définition de la » culture », et aux différentes attentes de ce que devrait être une « politique culturelle ».

Un tissu de significations élaboré par l’Etat

3La « politique culturelle » paraît s’offrir à la compréhension immédiate de chacun : connue par tous, le contenu qu’elle revêt ne semble exiger ni explication ni discussion. Le terme de « politique culturelle » désigne le plus souvent une « politique artistique », ou une « politique relative aux affaires culturelles »4. Du point de vue de l’anthropologie, le sens que revêt le terme de « culture » est particulièrement extensible : tout ce qui distingue la manière de vivre d’un groupe de personnes, d’une communauté, d’une société ou encore d’une nation, peut être qualifié de « culture ». Définir une « politique culturelle » comme uniquement relative aux arts est insuffisant.

4Ainsi que l’a écrit l’anthropologue Clifford Geertz, « l’homme est un animal suspendu à un tissu de significations qu’il a lui-même élaboré, je considère la culture comme étant ce réseau, et son analyse non comme une science expérimentale à la recherche de lois, mais comme une étude interprétative en quête de sens »5. Selon Geertz, la politique culturelle peut donc être considérée comme un réseau que l’Etat essaye d’élaborer afin de produire certaines significations. Toute déclaration officielle, toute politique et toute action/inaction délibérément menée afin de produire des significations et d’élaborer une identité peuvent dès lors être considérées comme une forme de « politique culturelle », indiquant la prégnance de l’Etat sur la culture. Une définition élargie de « la politique culturelle » ne se limiterait donc pas aux événements culturels, au financement des arts, à l’éducation artistique ou aux projets culturels, mais inclurait également toutes les politiques relatives à la langue, à l’éducation, aux mouvements culturels, et certaines politiques sociales, contribuant à la production de significations6.

5Je ne suggère pas que des politiques « top-down » aient une influence absolue sur la construction de l’identité, ni dans l’élaboration de notre vision du monde. Seulement, la dimension idéologique d’une politique culturelle demeure le plus souvent voilée ou sous-estimée. Si l’on envisage la « politique culturelle » à partir de l’idée d’ » hégémonie » de Gramsci7, elle apparaît comme un outil utile dans la diffusion d’un discours hégémonique et dans la lutte menée par l’Etat pour sa suprématie. Au travers du contrôle, du financement, et de la promotion de formes d’arts et d’artistes sélectionnés, la politique culturelle permet à l’Etat d’élaborer une idéologie ayant sa faveur, d’affermir les valeurs choisies par la classe dirigeante, de maintenir son contrôle et d’augmenter la valeur de son capital culturel, enfin d’assurer son hégémonie à la fois culturelle et politique. Examiner les « politiques culturelles » menées par un Etat permet donc de révéler le type de culture que celui-ci entend élaborer, mais aussi de mieux comprendre certains changements sociaux et culturels.

6Après plus de cinquante années de pouvoir, le KMT a perdu l’élection présidentielle de 2000 en faveur du parti d’opposition PDP. L’année 2000 marque la fin de son règne et le début de celui du PDP. Observe-t-on à cette date un changement dans le processus de construction de la culture nationale ? Cet article examine comment les deux partis ont forgé la culture et l’identité taiwanaise depuis les années 1990, en privilégiant l’étude de la taiwanisation, et en évaluant les continuités et les différences entre les deux régimes.

Les débuts de la taiwanisation

7À partir de 1945, le KMT contrôle fermement l’expression culturelle dans l’île. Le principe d’» une littérature et un art anti-communiste » (fangong wenyi) qui prévaut pendant la période d’après-guerre, est suivi dans les années 1960 par le Mouvement pour la renaissance culturelle8. La culture locale est très durement frappée. L’emploi des dialectes locaux est interdit dans les écoles et les lieux publics9, le théâtre traditionnel taiwanais (xiqu) et les arts populaires sont considérés comme grossiers et arriérés, et l’histoire taiwanaise est presque entièrement absente des manuels d’histoire10. En résumé, ce qui est chinois devient synonyme de raffinement, de beauté et de grandeur, ce qui est taiwanais est au contraire jugé vulgaire, stupide et grossier.

8Le principe de cette sinisation est fortement ébranlé durant les années 1970. Les raisons en sont nombreuses : l’impact de l’isolement international, l’exigence de réformes politiques à l’intérieur de l’île, la fin de la Révolution culturelle, et surtout, un réveil culturel de Taiwan au cours de cette période. Le KMT est obligé d’adopter une approche plus locale et ouverte. En 1977, Chiang Ching-kuo décide d’intégrer la culture parmi les « chantiers nationaux », et établit en 1981 le Conseil des affaires culturelles (CAC, Wenhua jianshi weiyuanhui), en charge du développement culturel de Taiwan. Bien que la scène politique reste dominée par une attitude sino-centrique, la culture et l’héritage indigène sont promus pour la première fois au côté de la culture chinoise. Ce réajustement n’est pas seulement le fruit d’une manœuvre politique, mais indique une réorientation culturelle significative, de la Chine traditionnelle vers le Taiwan contemporain11.

9En 1987, la levée de la loi martiale marque officiellement la mise en route du processus d’indigénisation et de démocratisation. La politique culturelle se détourne de la Chine traditionnelle, et s’oriente vers le Taiwan contemporain. C’est toutefois l’avènement de Lee Teng-hui qui, fondamentalement, permet de reconstruire la politique culturelle taiwanaise. À partir du début des années 1990, celui-ci promeut ouvertement la taiwanisation. Il réorganise par exemple en 1991 le Comité de restauration de la culture chinoise (CRCC) en une nouvelle institution, l’Association culturelle nationale (ACN, Wenhua zonghui)12, et défend l’idée d’» une communauté de destin partagé », afin d’encourager le développement d’une conscience taiwanaise. Il souhaite alors que « pour notre future prospérité, nous nous appuyons sur l’un et l’autre. Nous sommes à la fois chinois et taiwanais. Il n’y a aucune différence ethnique… Nous devrions pouvoir être sur un pied d’égalité, avoir les mêmes opportunités »13. L’idée de « communauté »14 fonde cette nouvelle politique.

10Dans le même esprit, lorsque le ministère de l’Intérieur révise la législation sur le recensement, l’inscription du zuji15 (le lieu d’origine des ancêtres) est abolie et remplacée par un document indiquant le « lieu de naissance » de la personne. Les registres des « Continentaux de seconde génération » sont officiellement effacés et la distinction entre ancêtres parmi les baby-boomers nés à Taiwan s’estompe. Le changement apporté ne manifeste pas seulement un effort pour diminuer les conflits liés à la « province natale » (shengji)16, mais une volonté officielle de mettre un terme aux divisions inutiles.

11Lorsqu’en février 1993 la principale faction du KMT (zhuliupai), menée par Lee Teng-hui, remporte la victoire dans les luttes internes agitant le parti, le mouvement d’indigénisation peut enfin rassembler ses forces et s’accélérer. En 1995, Lee formule le slogan « Diriger le grand Taiwan, édifier la nouvelle Zhongyuan » (Jingying da Taiwan, jianli xin zhongyuan), exprimant ainsi son intention de placer Taiwan au « centre ». Sa future politique, souligne-t-il, s’emploiera à « affermir la position supérieure de Taiwan en tant que centre d’une nouvelle Zhongyuan »17

12En 1995, avec la participation et le soutien de Lee, le CAC lance le Mouvement de construction de la communauté. Conçu par l’anthropologue Chen Chi-nan18, il doit être le moteur de l’édification d’une conscience et d’une identité taiwanaise nouvelle. Sa finalité ultime est d’inciter la population locale à prendre mieux soin de son environnement, de l’encourager à prendre elle-même des décisions, et de créer ainsi une conscience collective, un sentiment d’appartenance et de fierté19. Ce mouvement s’est donc porté au-delà du domaine des arts, et s’est employé à élaborer une « vision culturelle » – la construction d’une nouvelle patrie (xin guxian)20.

13Une revendication politique résumée par la formule » être chez soi son propre maître » (dangjia zuozhu) est devenue subitement un enjeu majeur dans la vie quotidienne des Taiwanais. Malgré ses faiblesses et des difficultés nombreuses, le Mouvement de construction de la communauté consolide le sentiment d’appartenance des Taiwanais à une communauté, en édifiant Taiwan comme leur « patrie ». Symboliquement, ce mouvement est la première manifestation de la volonté officielle de rompre avec l’identité sino-centrique promue jusque là par le KMT.

14D’autres réformes vont dans le même sens. Le développement des pouvoirs locaux permet d’accroître l’intérêt porté à la culture taiwanaise et élève le niveau de participation dans les affaires locales. Mais c’est surtout la réforme longtemps attendue de l’éducation qui modifie, elle aussi, la culture taiwanaise. L’éducation a toujours été conservatrice et réticente à s’adapter aux changements sociaux, parce qu’elle constitue l’ultime bastion de l’élaboration de l’idéologie et de la reproduction des valeurs du pouvoir dirigeant21. En 1968, le KMT impose des manuels scolaires standardisés ainsi que neuf années d’éducation obligatoire. Le système éducatif propose alors un modèle unique de « vérité », et engendre ainsi une génération de Taiwanais ne pouvant concevoir d’alternative sérieuse au modèle économique et culturel qui perdure jusqu’à aujourd’hui22.

15L’appel à la libéralisation de l’enseignement voit le jour au début des années 1980, mais le changement n’intervient que plus tard. Ce n’est qu’en 1996 que le système du manuel standardisé est aboli dans les écoles élémentaires, et en 1999 dans les collèges et les lycées23. Depuis, les enseignants taiwanais sont libres de choisir eux-mêmes leurs manuels et ont voix au chapitre sur leur méthode d’enseignement.

16Bien que le ministère de l’Education ait admis la nécessité de développer les contenus indigènes dans les manuels scolaires, l’application de cette reconnaissance est tardivement effective. Par exemple, le ministère de l’Education refuse plusieurs propositions visant à créer des départements de littérature taiwanaise dans les universités. Mais peu après la victoire de Lee Teng-hui aux premières élections présidentielles de 1996, le vent semble tourner.

17En 1997, une discipline neuve est ajoutée au nouveau programme scolaire des lycées : « Connaître Taiwan » (renshi Taiwan). Elle est néanmoins vivement critiquée pour ses nombreuses erreurs et son caractère surpolitisé. Certains soulignent un contenu par trop sélectif et partial, d’autres condamnent l’omission délibérée de la répression coloniale japonaise, d’autres encore le trouvent préjudiciable pour les aborigènes et les femmes, et certains enfin suspectent une volonté de dé-sinisation (qu Zhongguo hua)24. En dépit des controverses, la nouvelle discipline est tout de même adoptée. La même année, le premier département de littérature taiwanaise est inauguré à l’université Alétheia (puis à l’Institut de gestion de Tanshui). Depuis lors, le ministère de l’Education a non seulement approuvé l’établissement de nombreux départements de littérature taiwanaise25, mais a aussi très vigoureusement encouragé leur développement afin de former des professeurs enseignant la discipline nouvelle et obligatoire des » études régionales» (xiangtu jiaoxue)26.

18Après avoir été forcé d’adopter une position favorable à l’indigénisation dans les années 1980, le KMT sous l’égide de Lee Teng-hui, poursuit la taiwanisation plus agressivement et ouvertement. Le terme de « taiwanisation » est utilisé par le KMT pour gagner de nouveaux soutiens, rénover une image démodée, et maintenir son hégémonie culturelle. La politique culturelle des années 1990, illustrée par le Mouvement de construction de la communauté, encourage la culture taiwanaise, favorise l’émergence d’un sentiment d’identité taiwanais et d’un ensemble de nouvelles valeurs.

19Le processus de « taiwanisation », qui débute dans les années 1980 et s’accélère dans les années 1990 altère l’identité « sino-centrique » qui dominait auparavant, et crée un nouveau consensus national et populaire. Reconstruire une culture indigène longtemps ignorée devient alors un enjeu commun, tandis que s’élabore un discours sur une subjectivité taiwanaise et qu’émerge une nouvelle identité. En quelques années seulement, le sentiment identitaire de la population s’est spectaculairement transformée27. À la fin des années 1990, le mouvement de taiwanisation est accepté comme politiquement correct. Conformément à la théorie gramscienne, le changement de régime politique n’est réalisé que par un changement d’hégémonie culturelle. En 2000, le PDP remporte l’élection présidentielle parce qu’il manifeste alors cette subjectivité taiwanaise. Non sans ironie, la mutation culturelle qui fut en partie promue par le KMT a entraîné sa propre chute.

La politique culturelle du PDP

20Depuis la victoire du candidat Chen Shui-bian à l’élection présidentielle de 2000, l’indigénisation occupe le devant de la scène et constitue la priorité du gouvernement PDP. L’ère de la taiwanisation semble enfin battre son plein. Face à la concurrence de la Chine et en réaction au choix de Pékin pour l’organisation des Jeux olympiques de 2008, le PDP a lancé le « Défi 2008-Plan de développement national »28.

21Selon l’Office d’information gouvernemental (GIO)29, le projet comprend dix programmes, et des réformes à la fois politiques, financières et fiscales. L’objectif est d’élever le niveau de la main-d’œuvre, de développer les activités de recherche et de développement, de faciliter l’innovation, de renforcer les réseaux logistiques, et d’améliorer l’environnement naturel.

22Selon le Conseil pour le planning et le développement économique (CPDE)30, le projet a pour ambition de transformer Taiwan en une « Green silicon island » (lüse xidao)31, une île-Etat à la pointe des hautes technologies et innovante.

23Toutefois, le projet rencontre rapidement de sérieuses difficultés. Elles sont les conséquences de l’impact du 11 septembre sur l’économie mondiale, des incertitudes entraînées par le conflit en Irak, mais également de l’onde de choc produite par l’épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003. Afin de réactiver l’économie et de renouveler les objectifs du « Défi 2008 », le Conseil exécutif annonce en novembre 2003, le projet des « Dix nouveaux grands chantiers » et prévoit d’investir 500 milliard de dollars taiwanais en cinq ans32. Il n’est pas exagéré d’affirmer que ces « Dix nouveaux grands chantiers » constituent la pièce majeure du « Défi 2008 » qui doit en accélérer le processus et en assurer la réussite33.

24Selon le GIO, la conception et l’objectif de ces projets doivent « renforcer la compétitivité internationale de Taiwan, lui permettre d’assurer sa position de numéro un en Asie, et d’accélérer son entrée parmi les trois grandes puissances économiques mondiales » (qianghua Taiwan guoji jingzhengli, quebao Yazhou di yi, jinjun shijie san qiang)34. Le PDP ne manque manifestement pas d’ambition. Il a pour objectif de faire de Taiwan une puissance économique d’envergure internationale et un centre de haute technologie.

25Dans le cadre de ce projet, les volets consacrés à la culture privilégient la créativité, les expressions multiculturelles et le tourisme intérieur. Les « Dix nouveaux grands chantiers » veulent faire de Taiwan à la fois une « patrie » et un lieu d’innovation, tout en préservant le patrimoine naturel. L’objectif essentiel se situe toutefois au-delà : il vise la transformation de Taiwan en un pays développé, se prévalant d’une culture unique, et distinct en tout point de la Chine.

Trois tendances de la politique culturelle du PDP

26Si l’on compare la politique culturelle du KMT à celle menée par le PDP durant les deux dernières décennies, la première apparaît comme nettement plus conservatrice, en proie à des démêlés constants avec son héritage nationaliste, tandis que la seconde célèbre avec enthousiasme la taiwanité et s’efforce de bâtir une nouvelle patrie spirituelle. Toutefois, si l’importance particulière attachée à la construction de la communauté et à l’indigénisation demeure pour l’essentiel inchangée dans les deux régimes, la politique culturelle du PDP présente trois tendances propres : l’importance accordée à la valeur économique des entreprises culturelles, la théorisation d’une subjectivité taiwanaise, et le souci de labelliser Taiwan comme un produit culturel.

Le musée de la céramique à Yingge, dans le xian de Taipei, ouvert en 2000.

Le musée de la céramique à Yingge, dans le xian de Taipei, ouvert en 2000.

© Gilles Guiheux

Le souci de la rentabilité économique

27Depuis son accession au pouvoir, le PDP a vigoureusement défendu le potentiel économique représenté par les industries de la culture et de la création. Plutôt que de privilégier la culture classique comme l’avait fait le KMT, le PDP a choisi de favoriser les industries de la création (comprenant le design, le tourisme, la musique populaire, la mode et les industries digitales), en insistant sur la valeur ajoutée qu’elles représentent. Un discours nouveau a vu le jour : citant à l’appui les résultats de recherches menées par l’Unesco et prenant exemple sur les pays européens (plus particulièrement la Grande-Bretagne), le PDP proclame que « la culture est un marché », souligne le potentiel qu’elle représente pour l’emploi, et qualifie les industries de la création d’» industries orientées vers l’avenir »35.

28En réalité, cette approche n’est pas nouvelle à Taiwan. En 1996, le Mouvement de construction de la communauté annonçait déjà vouloir « industrialiser la culture, et cultiver l’industrie » (wenhua chanye hua, chanye wenhua hua), en encourageant le mariage entre la culture locale et l’industrie (représentant l’agriculture, le tourisme et les métiers de l’artisanat)36. Toutefois, l’objectif est alors essentiellement la consolidation des communautés locales et la création d’un sentiment de fierté. Depuis 2000, l’objectif s’est déplacé de l’édification des communautés locales vers la promotion du tourisme intérieur et l’invocation des bénéfices économiques offerts par la culture. Plutôt que de financer les catégories traditionnelles d’arts et d’assurer l’organisation d’événements ou la promotion de la « construction de la communauté », l’ambition du PDP en matière de politique culturelle s’attache plus à découvrir « les moyens d’accroître sa valeur économique ».

29À l’époque, la présidente du CAC Tchen Yu-chiou37 (2000-2004) fait part de ses inquiétudes quant à la possibilité pour le Mouvement de construction de la communauté, de permettre à une société traditionnellement agricole d’affronter l’impact de l’adhésion à l’OMC de Taiwan Un déplacement de la « construction communautaire » vers le » développement de l’industrie » apparaît comme nécessaire38.

30Le tourisme est apparu comme la meilleure solution alliant culture locale, ressources naturelles et activités commerciales. Le tourisme culturel paraît en effet offrir une réponse à tous les problèmes : il renouvelle le tissu social de la société rurale et permet le passage des activités agricoles traditionnelles aux services. De plus, il donne aux Taiwanais la possibilité de découvrir les richesses de l’île, de consommer des produits culturels et des spécialités locales, et offre ainsi une expression à leur affection pour leur « patrie ». Pour le gouvernement PDP, le tourisme culturel ne présente que des avantages : les Taiwanais apprennent à découvrir les beautés longtemps méconnues de leur patrie, et leurs dépenses régénèrent les régions en crise39.

31Selon Tchen Yu-chiou40, la culture locale doit permettre le développement du tourisme et favoriser la création d’emplois. Sa mise en valeur bénéficierait selon elle à la fois aux habitants des campagnes et à ceux des villes, et aiderait à la renaissance de l’économie locale. De telles remarques semblent suggérer que la « culture » n’a de valeur que dans la mesure où elle permet de « gagner de l’argent » et « contribue à l’économie ».

32Afin d’aider à la modernisation des industries locales et de leur permettre de se transformer en produits culturels, le CAC lance en 2002 le « Programme des maisons de la culture locale » (difang wenhua guan). Ce programme encourage l’investissement privé dans des maisons de la culture locale, destinées à accueillir des événements et des expositions. Réunissant des artistes, des historiens locaux, des représentants des secteurs agricoles et touristiques, des urbanistes, le programme choisit une approche holistique.

Avant les années 1970, la culture locale et les arts populaires étaient méprisés

Avant les années 1970, la culture locale et les arts populaires étaient méprisés

© Imaginechina

33Dans le plan des « Dix nouveaux grands chantiers », la majeure partie de l’investissement culturel est destiné à la construction de galeries d’art et de centres culturels41, ainsi qu’au développement du tourisme culturel. Néanmoins, l’essentiel des investissements du PDP en matière culturelle reste destiné à la construction de bâtiments, et non à la culture elle-même, ainsi qu’aux industries de création, et non à la création.

34Par ailleurs, dans son plan de développement national, le PDP met l’accent sur la « culture » et « l’environnement ». Plus attentif aux problèmes environnementaux et au développement culturel, le gouvernement du PDP apparaît plus visionnaire et sophistiqué que son prédécesseur KMT, généralement plus soucieux de croissance économique. L’idéal d’une « île verte » semble être l’issue naturelle des transformations d’une industrie taiwanaise modernisée et non polluante. Inévitablement, la tension augmente entre le souhait de « préserver la culture et les ressources naturelles » et le besoin de « développer l’économie ».

35Par exemple, l’Agence des ressources en eau envisage la construction de quatre lacs artificiels sur l’île afin de lutter contre les inondations et de garantir l’approvisionnement en eau. Des groupes écologistes protestent à présent contre l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Néanmoins, lorsque le 11 juin 2004 le Conseil législatif approuve l’ordonnance spéciale pour l’augmentation de l’investissement dans la construction publique, il est exigé de ce plan qu’il soit prioritairement mis en application42, en dépit des objections des écologistes. Lorsque l’économie est en jeu, le projet d’« île verte » peut être aisément sacrifié. Les questions environnementales restent secondaires par rapport à la croissance économique pour le PDP. 

Théoriser Taiwan

36Après que le président Lee Teng-hui eut encouragé ouvertement la taiwanisation, le gouvernement KMT a établi des centres de recherches et des musées43 chargés de préserver l’histoire et la culture taiwanaises, sans pour autant abandonner la posture sino-centrique44. La politique culturelle du KMT a pu alors sembler schizophrénique, écartelée entre la demande publique, la pression de l’opposition et celle provenant des forces réactionnaires à l’intérieur du parti. Elle poursuivait le processus d’indigénisation, tout en restant attachée à une idéologie sino-centrique et aux liens culturels de Taiwan avec la Chine. Lorsque le PDP accède au pouvoir en 2000, le discours de la « subjectivité taiwanaise » est déjà largement élaboré. À travers sa politique culturelle, le gouvernement du PDP a directement pris part à la construction de « ce qu’est la culture taiwanaise », introduisant une vision du monde taiwano-centrique, restructurant les cadres de transmission du savoir et redéfinissant le sens de la « taiwanité ».

37La promotion de la littérature taiwanaise et la création d’une nouvelle discipline, les » études taiwanaises », jouent un rôle crucial dans l’édification d’une « patrie spirituelle ». Ainsi que l’a soulignée Tchen Yu-chiou, la littérature taiwanaise symbolise « un territoire national spirituel », et sa promotion est pour les Taiwanais une reconquête du pouvoir et des moyens d’élaborer leur identité et de participer au « récit national »45. Les efforts menés pour digitaliser les archives historiques de Taiwan ont non seulement jeté les fondements des « études taiwanaises », mais également permis leur accessibilité immédiate. L’ampleur de ces projets de digitalisation est stupéfiante : plus de soixante projets ont été initiés et sont en cours46, plusieurs centres virtuels de recherche ont également été créés47. Les archives digitales et les banques de données n’offrent pas uniquement de précieuses ressources accessibles en ligne pour la recherche universitaire, transcendant les limites du temps et de l’espace, mais offrent aussi des ressources utiles pour l’enseignement des « études taiwanaises » dans les écoles.

38Avec pour ambition le développement des « études taiwanaises » comme champ reconnu et légitime, le financement destiné aux recherches universitaires en liaison avec Taiwan a augmenté de manière spectaculaire. Par ailleurs, une large portion de l’aide étrangère est transformée en bourses destinées aux étudiants désireux d’étudier à Taiwan48. Ainsi que l’a suggéré le Premier ministre PDP Yu Shyi-kun, de nombreux bénéfices peuvent être attendus de l’octroi de ces bourses, notamment diplomatiques. Selon Yu, Taiwan « forge ainsi un maillon essentiel des relations à long terme avec les pays étrangers et permet d’étendre le rayonnement de Taiwan »49.

39À l’intérieur du pays, la construction d’un « territoire national spirituel » nouveau par l’éducation est une idée qui fait encore son chemin. Le système éducatif pourrait être très efficace dans la construction d’» un régime de vérité » et d’une nouvelle identité. En 2001, un système éducatif entièrement nouveau est mis en place, le premier « Programme en neuf ans pour les écoles primaires et les collèges »50. « Connaître Taiwan » a été retiré du nouveau programme, mais les contenus relatifs à Taiwan ont été répartis à l’intérieur de plusieurs disciplines51. « Taiwan » est devenu le thème dominant du nouveau programme d’enseignement. Par ailleurs, les disciplines comme les « langues régionales » (xiangtu yuyan)52sont devenues obligatoires dans les écoles élémentaires. À partir de la troisième année, les écoliers doivent étudier les « langues régionales » une à deux heures par semaines, et l’enseignement ne devient optionnel qu’au collège.

40Le programme des lycées a également été modifié afin de l’harmoniser avec le « Programme en neuf ans pour les écoles primaires et les collèges ». Ce nouveau programme devait être exempt de tout contenu politique ou idéologique. Mais le nouveau programme d’histoire au lycée a été violemment critiqué, précisément pour son contenu sur-politisé.

41Les débats portent surtout sur la structure du programme, la pédagogie et le contenu, notamment la césure chronologique de l’année 150053. La première année est consacrée à l’enseignement de l’histoire intérieure, incluant en premier lieu l’histoire taiwanaise (de la préhistoire à la période contemporaine), puis l’histoire ancienne de la Chine (de la préhistoire aux débuts de la dynastie des Ming). La seconde année est consacrée à l’histoire du monde moderne. L’histoire chinoise depuis 1500 – incluant la dernière période de la dynastie Ming, la dynastie des Qing et les débuts de l’histoire de la République de Chine (jusqu’en 1949) – est étudiée comme un chapitre de l’ » histoire du monde contemporain ».

42La ligne éditoriale prônée dans ces manuels d’histoire – la théorie des « cercles concentriques » (tongxintuan) de l’historiographe Tu Cheng-sheng – se fonde sur des principes identiques à ceux utilisés pour la compilation de » Connaître Taiwan » : « avoir Taiwan pour base, être concerné par la Chine, entrer dans l’arène internationale » (lizu Taiwan, guanhuai Zhongguo, jinru shijie). Fortement attachée au principe d’une subjectivité et d’une centralité taiwanaise, à partir de laquelle se comprennent et s’interprètent le monde et l’histoire, Tu parle de « priorité donnée à Taiwan »54.

43Un tel découpage de l’histoire est accusé de diffuser l’idée d’une indépendance taiwanaise et de jeter les bases idéologiques d’un programme politique : « un Etat sur chaque rive » (yi bian yi guo)55. La césure chronologique choisie, l’année 1500, est accusée de trancher le cordon ombilical reliant les deux cultures, et de construire une subjectivité historique indépendante – une « Taiwan post-Ming »56. Tu Chen-sheng dément que sa théorie puisse servir la dé-sinisation57. Néanmoins, le débat continue et le nouveau programme d’histoire est toujours en cours de modification. Lorsqu’en mai 2004, Tu Chen-sheng est nommé ministre de l’Education, il annonce que le nouveau programme entrera en vigueur pour l’année scolaire 200658.

44Par l’édification d’» un territoire national spirituel », la promotion des « études taiwanaises » et la diffusion d’une vision du monde taiwano-centrée, le PDP procède en réalité à une reconquête du territoire national de Taiwan. Au côté de la réforme constitutionnelle dans la sphère politique, le concept de « territoire national » est lui aussi en reconstruction. Le PDP retrace la carte de Taiwan. En 2000, deux séries de cartes sont publiées, qui défient avec succès les perspectives habituelles. Elles s’intitulent : « Représentations thématiques de Taiwan : cartes centrées sur Taiwan » et « Taiwan vue de l’étranger : représentations dans une perspective mondiale ».

45La première série est constituée de sept nouvelles cartes de Taiwan, offrant différentes approches, qui rompent avec les perspectives traditionnelles et représentent les aspects maritimes, ethniques, linguistiques et culturels de l’île. Elles s’intitulent « Nos voisins d’Asie orientale », « En venant de Batan », « De Tangshan à Taiwan », « L’avis de Taiwan », « Nos amis austronésiens », « Voisins du bout du monde », « Taiwan vu du fond des mers ».

46La seconde série est une sélection de 32 cartes anciennes qui présentent Taiwan telle qu’elle fut perçue à l’étranger pendant les 400 dernières années et ses relations maritimes avec la Hollande, l’Espagne, l’Angleterre et le Japon.

47Selon le CAC, « une carte… reflète le point de vue de son auteur et son interprétation d’un lieu, elle est par suite un symbole de pouvoir… À travers ces cartes, la subjectivité taiwanaise… est clairement représentée, elles permettent aux Taiwanais de comprendre leur patrie et d’envisager l’avenir »59. Ces cartes représentent la position internationale de Taiwan, indiquent ses liens avec ses voisins asiatiques et le reste du monde depuis le xvie siècle. Leur ambition est de révéler que les relations de Taiwan avec la Chine constituent seulement une part minime de son passé.

48Le gouvernement PDP s’est efforcé d’affranchir Taiwan d’un discours considérant l’île comme « une partie de la Chine ». Retracer la carte de Taiwan permet d’affirmer l’existence d’une « subjectivité taiwanaise » et d’articuler son « récit national ». Pour le CAC, c’est un moyen de redéfinir le » territoire national ».

49Depuis son accession au pouvoir, le PDP a adopté de nombreuses mesures exprimant une position taiwano-centrique, afin de produire du sens et de transformer les valeurs au sein de la population. Par exemple, les termes dans les nouveaux passeports ont changé60, les banques émettrices et le design des billets de banques ont été modifiés61, le discours sur l’origine des aborigènes a été reconstruit62, un projet visant à déplacer la capitale de Taipei vers Kaohsiung a été annoncé63, les fêtes nationales ont été constamment modifiées64. Cet ensemble d’initiatives a permis de formuler un nouveau « récit national », générant une identité indépendante et une vision du monde singulière, libérée de l’influence chinoise.

Fabriquer une image de marque pour Taiwan

50Convaincu des bénéfices économiques représentés par la culture, le CAC a uni ses forces au Bureau du développement industriel (ministère des Affaires économiques), afin d’encourager le développement des industries de la création, et de financer des projets culturels. Dans un discours, la présidente du CAC, Tchen Yu-chiou, affirme ouvertement que « les industries de la culture et de la création vont jouer un rôle de première importance dans l’élaboration d’une image de marque taiwanaise, qui présente au monde la Taiwan actuelle »65.

51Le CAC a pris l’initiative d’organiser des concours et d’octroyer des financements afin de promouvoir l’essor des industries de la création. Le « Festival 2003 de la mode taiwanaise » encourage les créateurs à introduire dans leurs modèles des éléments provenant de la culture indigène et à utiliser les textiles locaux. Selon le Taiwan Journal, une publication officielle en anglais du GIO, le projet vise à la création d’un « costume national… qui reflète l’essence culturelle de Taiwan et soit comme la pierre de touche de son identité nationale »66.

52Le projet intitulé « À la recherche du rouge de Taiwan » (xunzhao Taiwan hong) fournit aussi un exemple de l’utilisation de la culture pour élaborer la « marque de fabrique de Taiwan ». Il s’agit de trouver une couleur qui puisse représenter Taiwan au sein de la société internationale, et ainsi développer les opportunités commerciales pour les produits et les industries culturels taiwanais. Selon Tchen Yu-chiou, « la Turquie a son turquoise, Taiwan elle aussi devrait avoir sa couleur propre »67. C’est finalement une nuance de rose cendré qui fut choisie, une couleur associée à la culture traditionnelle, aux fêtes et aux cérémonies. Le rouge de Taiwan fut comparé à la couleur du gâteau de riz rouge (hongguike). Cette couleur, selon Tchen, représente la « joie de Taiwan », et donne du pays une image positive, moderne et enthousiaste, dépoussiérant celle d’un passé vieux et triste »68.

53Lorsque a lieu à Taiwan l’exposition « la Terre vue du Ciel » du photographe français Yann Arthus-Bertrand, le CAC négocie avec son atelier un accord afin d’inclure Taiwan dans son nouveau projet Visages et paysages. Tchen Yu-chiou, alors présidente du CAC, affirme placer de nombreux espoirs dans ce projet et souhaite qu’il puisse « permettre au monde de voir Taiwan et de mieux nous comprendre »69.

54« Permettre au monde de voir Taiwan » est la finalité ultime de la « marque de fabrique taiwanaise ». Le CAC70 fait ainsi un lobbying agressif auprès de l’Unesco afin que soient acceptés douze sites dans sa liste du Patrimoine mondial71. Le projet d’organiser une Exposition de Taiwan en 2008, une Exposition des arts taiwanais en 2005, et des Jeux Mondiaux en 2009 répondent à la même ambition de révéler l’île au monde.

55Le désir d’» être reconnus » est profondément ancré chez les Taiwanais depuis les revers diplomatiques des années 1970. Ainsi que l’affirme Charles Taylor72 avec pertinence, la reconnaissance par les autres est fondamentale dans la formation de l’identité. Il est essentiel que cette conquête de la reconnaissance emprunte le chemin d’un dialogue avec autrui73. Durant des années, en dépit des difficultés, Taiwan s’est efforcé de prendre une part active dans les institutions internationales et d’établir un réseau de relations diplomatiques informelles. Pour briser le blocus diplomatique de la République populaire de Chine et éviter les conflits directs, la « culture » a toujours été ce « dialogue » créant et articulant une « identité idéale » avec le reste du monde.

56Une nouvelle « marque de fabrique » taiwanaise est en cours d’élaboration, produit d’un mélange de stratégies commerciales, de tradition inventée, et d’idées novatrices. Employer une politique culturelle comme outil de marketing afin de créer l’image de marque d’un pays semble être une idée judicieuse. Le PDP semble privilégier l’indigénisation et l’édification de la patrie, mais sa politique culturelle est profondément animée du désir de voir entrer Taiwan sur la scène internationale au rang de nouvelle nation culturelle. Plutôt que d’encourager les artistes taiwanais à produire des « arts chinois traditionnels » sur la scène internationale ainsi que l’avait fait le KMT, le PDP s’est efforcé d’élaborer de nouvelles formulations du « récit » de Taiwan. Parmi toutes les influences culturelles en présence à Taiwan, c’est la culture aborigène qui a été identifiée comme le meilleur atout pour créer une image non-chinoise et « vendre » Taiwan74.

57Depuis 2000, le PDP poursuit une politique culturelle de grande ampleur. Il s’emploie à l’édification d’une « subjectivité taiwanaise » à chaque niveau possible de la société, des écoles aux communautés locales, par des activités aussi bien commerciales qu’universitaires.

58Dans le passé, le KMT mit les échanges culturels au service de la diplomatie. Le PDP est allé plus loin dans cette direction. Taiwan est désormais présenté comme un produit culturel et mis sur le marché international à l’aide de marques, de logos et d’une « personnalité ». Taiwan est vendue par le PDP comme un lieu foisonnant de beautés naturelles et offrant un patrimoine culturel unique, avec une couleur nationale, une industrie informatique hautement développée, et de nombreux théâtres aux normes internationales. La « marque Taiwan » articule une « identité idéale » et une nouvelle version du « récit national ». En se globalisant, le PDP souhaite renouveler l’image internationale de Taiwan, et couper les liens culturels avec la Chine.

59À partir des années 1990, les similarités entre les politiques culturelles des deux partis sont saisissantes. Le PDP et le KMT se sont l’un et l’autre engagés dans le développement de la culture, la construction de la communauté, l’encouragement au développement multiculturel et la préservation de l’héritage. Ils ont chacun défendu l’établissement d’un ministère de la Culture et du Tourisme75. Toutefois, le PDP a été plus créatif et plus efficace. Les différences majeures entre les deux partis tiennent essentiellement dans leurs priorités.

60Le KMT a utilisé la taiwanisation afin de conserver son pouvoir politique et s’est efforcé de maintenir son hégémonie culturelle pendant près de deux décennies. Bien qu’à la fin des années 1990, la préservation de la culture chinoise ne soit plus aussi importante que le développement de la culture taiwanaise, le gouvernement nationaliste n’a jamais coupé les liens culturels de l’île avec la Chine. L’objectif du PDP est au contraire la « dé-sinisation » : il revendique le mélange unique que constitue la culture hybride de Taiwan, et épouse le discours de la subjectivité taiwanaise76.

61En 2004, Chen Shui-bian a été réélu à la présidence, et la domination idéologique du PDP s’est vue confirmée et renforcée. La taiwanisation a fait l’objet d’un consensus national et populaire. La victoire de Chen a donné lieu à une intéressante série de nominations. L’anthropologue Chen Qi-nan, l’architecte du Mouvement de construction de la communauté, a été promu président du CAC en charge de la construction de la culture ; sa nomination indique que le PDP entend continuer la construction d’une « nouvelle patrie ». L’historien Tu Cheng-sheng a été nommé ministre de l’Education ; une promotion qui révèle que la transmission des savoirs va se poursuivre. Tchen Yu-chiou, l’ancienne présidente du CAC et vétérante du PDP, a été nommée consultante en politique nationale au Bureau présidentiel ainsi qu’ambassadrice de la culture ; ses réqlisations passées dans le marketing de Taiwan permettent d’interpréter sa nomination comme une volonté de poursuivre de manière plus agressive la fabrication d’une « marque Taiwan ». Les remaniements du nouveau cabinet confirment la stratégie du PDP : créer une image de marque internationale de l’île, élaborer une culture hybride contemporaine, enfin, théoriser et transmettre une version PDP du récit national.

62Quand bien même le KMT eût remporté l’élection présidentielle de 2004, son Livre blanc de la culture indique qu’il aurait sans nul doute poursuivi la taiwanisation, en développant l’industrie digitale, les activités sportives et les loisirs. Par contraste, le PDP a continué de privilégier la construction de la culture locale, et s’attache à limiter l’influence chinoise. En tant que jeune Etat émergent, ou du moins comme entité politique de facto, le gouvernement du PDP s’efforce de présenter Taiwan comme une « île-Etat » de plein droit, plutôt qu’une « île chinoise côtière », ou un point de référence pour la Chine. L’objectif est simple : restreindre la revendication chinoise sur la culture taiwanaise ainsi que son droit de propriété politique.

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Notes

1 Lu Lu, « Even Rice Wine Has a Policy, Where is Cultural Policy? », United Daily News, 2 février 2004. Durant la campagne de l’élection présidentielle de 2004, le PDP n’a pas proposé de politique culturelle clairement définie ; le KMT, lui, a publié le 20 février un Livre blanc sur la culture. Lors de l’élection présidentielle de 2000, les deux partis avaient chacun publié un Livre blanc sur la culture.
2 Lee Teng-hui encouragea les habitants de Taiwan à s’unir en « une communauté », leur rappelant leur destin et leur intérêt commun. Lee Teng-hui, Jingying da Taiwan (Diriger le grand Taiwan), nouvelle édition, Yuanliu, Taipei, 1995, p. 106.
3 Voir par exemple Chu Hui-liang, « Wo guo wenhua zhengci zong jiantao » (Examen critique de la politique culturelle taiwanaise), rapport de recherche de la National Policy Foundation (NPF), édition Internet, disponible sur http://www.npf.org.tw/PUBLICATION/EC/093/EC-R-093-001.htm, consulté le 10 février 2004 ; Li Yiyuan, Wenhua de tuxiang (Portrait de la culture), Taipei, Yunchen, 2e éd., 1996 ; Han Pao-teh, « What kind of ministry of culture we need ? », Zili wanbao (Independent Evening News), 5 novembre1989.
4 Dimaggio P., « Cultural Policy Studies: What They Are and Why We Need Them », The Journal of Arts Management and Law, vol. 13, n° 1, printemps 1983, pp. 241-248 ; Lewis J., « Designing a Cultural Policy », The Journal of Arts Management, Law and Society, vol. 24, n° 1, printemps 994, pp. 41-56.
5 Clifford Geertz, The Interpretation of Cultures, Londres, Fontana Press. 1973, p. 5.
6 Par exemple, le choix des fêtes nationales, la dénomination des rues et des villes, ou encore l’ajout de « Taiwan » écrit en anglais sur les passeports ou les changements dans l’enregistrement au recensement.
7 Antonio Gramsci, Selections from Prison Notebooks, Londres, Lawrence & Wishart, 1971.
8 Le Mouvement de renaissance culturelle fut lancé par le KMT afin d’établir sa légitimité politique sur le terrain de la culture. Durant les dix années de Révolution culturelle qui agitent la Chine, alors complètement fermée au reste du monde, Taiwan élabore avec succès une alternative à la Chine traditionnelle. L’idée que la RdC de Taiwan était en réalité plus chinoise que la Chine fut constamment assénée à la population. Ku Feng-hsiang, « Tuixing Zhonghua wenhua fuxing yundong ershi nian » (Vingt ans de mouvement de renaissance culturelle), Zhongyang ribao (Central Daily News), 28 juillet 1987.
9 En 1966, le gouvernement provincial annonce le Programme de renforcement de la pratique du mandarin (Jiaqiang tuixing guoyu jihua). Ceux qui sont surpris à l’école – y compris dans une conversation privée – à converser dans un dialecte local sont humiliés et punis. Bien que les dialectes locaux continuèrent d’être utilisés de manière privée ou dans les foyers, cette campagne a diffusé dans l’esprit des Taiwanais un sentiment de honte dans l’usage de leurs propres langues. Chen Mei-jun, « Taiwan zhanhou yuyan kecheng yu jiaoxue yanbian qushi zhi yanjiu » (Etudes sur le programme et les transformations de l’enseignement de la langue à Taiwan durant l’après-guerre), Taipei, Université normale de Taiwan, thèse, 1996.
10 Avant les années 1990, Taiwan comme sujet d’étude est absent des manuels scolaires taiwanais. Si l’on prend l’exemple des manuels d’» Histoire chinoise » (Benguo shi, édition de 1983), l’étude de Taiwan représente moins de 5 % du programme des six années d’éducation secondaire. L’essentiel dans cette brève présentation est en outre consacré au « développement » de l’après-guerre. Liu Hsiao-fen, « Wo guo Zhongguo lishi jiaokeshu zhong Taiwan shi jiaocun de fenxi » (Analyse des manuels scolaires dans l’enseignement de l’histoire de Taiwan), Taipei, Université nationale Chengchi, master thesis, 1991, p. 107.
11 Chiang Ching-kuo établit le CAC pour mettre sur la touche le Comité de restauration de la culture chinoise (CRCC, Zhonghua wenhua fuxing yundong weiyuanhui). Son intention est alors manifestement de substituer le « développement culturel » à la « renaissance culturelle ». Elu président de la RdC en 1978, il refuse de prendre la suite de son père et de Yen Chia-kan, à la présidence du CRCC. Il signe alors le déclin de l’influence du CRCC.
12 En 1991, Lee Teng-hui remplace le CRCC par l’ACN et devient son président. Avant que son pouvoir ne se soit stabilisé, l’ACN lui sert de tribune pour expliquer et élaborer ses idées politiques.
13 Lee Teng-hui, « Guojia jianshi yanjiu ban di yi qi shici » (Discours au premier Groupe de recherche sur la construction nationale), 10 juin1994, version Internet.
14 Lee Teng-hui, Jingying da Taiwan, op. cit., pp. 106- 107.
15 Dans l’ancienne procédure de recensement, une personne arrivée après 1945 du continent et originaire de Quanzhou avait son zuji enregistré à « Quanzhou, province du Fujian ». Au contraire, ceux ayant résidé à Taiwan avant 1945, même si leurs ancêtres étaient originaires de Quanzhou avaient leur zuji enregistré à « Taiwan ».
16 Shengji signifie littéralement « la province natale ou d’origine ». D’après Wachman, les Taiwanais se définissent eux-mêmes, d’après leur shengji, comme aborigènes, taiwanais (incluant les Minnan et les Hakkas) ou continentaux. Les Austronésiens de Taiwan sont les premiers habitants de l’île. En décembre 2003, on comptait 444 823 Austronésiens, représentant 1,968 % de la population totale (22 604 550 personnes). La catégorie des « Taiwanais », dans ce contexte, se réfère aux Chinois han (ou à leurs parents) ayant vécu à Taiwan avant la migration des années 1940. La catégorie « continentale » désigne les Chinois qui vinrent à Taiwan après 1945. Par conséquent, les distinctions entre shengji à Taiwan se réfèrent non seulement aux origines, mais considèrent également la période d’arrivée sur l’île. Alan M. Wachman, Taiwan: National Identity and Democratisation, M.E. Sharpe, 1994, p. 17 ; ministère de l’Intérieur, bureau du Recensement, « Zhonghua minguo Tai Min diqu zhongyao renkou zhibiao » (Index des populations importantes de Taiwan et du Fujian), 8 juin 2004.
17 Zhongyuan symbolise non seulement une notion géographique, mais aussi une position culturelle centrale et l’importance de la légitimité politique. Le slogan de Lee Teng-hui, revendiquant l’existence d’une culture nouvelle zhongyuan, née  à Taiwan après la Seconde Guerre Mondiale, manifeste son intention de faire de l’île le centre de rayonnement de cette culture, mais aussi son ambition de rompre avec l’oppressante mère patrie, et de constituer Taiwan comme nouvelle patrie spirituelle. Lee Teng-hui, Jingying da Taiwan, op. cit., p. 11 ; « Lee Teng-hui xiansheng bashisi nian yanlun ji » (Discours de Lee Teng-hui prononcés en 1995), Taipei, GIO, 1996, pp. 11-19.
18 Lee Teng-hui fait appel à Chen au début des années 1990 comme conseiller pour les affaires culturelles. Il est par la suite nommé vice-président du CAC pour lancer le Mouvement de construction de la communauté (1994-96), puis président du CAC en mai 2004.
19 Wenhua baipi (Le Livre blanc de la culture), Taipei, CAC, 1998, p. 85.
20 Chen Chi-nan, « Xin guxiang yundong, chong xian taohua yuan » (Le mouvement pour la nouvelle patrie fait renaître la Terre des Pêchers en Fleurs), United Daily News, 18 février 1996.
21 Michael Apple, Ideology and Curriculum, Londres, Boston et Henley, Routledge & Kegan Paul, 1979, pp. 26-30.
22 Ibid, p. 6.
23 En 1989, le système s’assouplit et permet aux éditeurs de compiler eux-mêmes certains manuels scolaires. Néanmoins, les manuels relatifs aux disciplines traditionnelles (comme le chinois, les mathématiques, l’histoire et la géographie) et ceux concernant l’idéologie (comme les sciences sociales et l’éducation civique) continuent d’être fournis par l’Institut national de compilation et de traduction.
24 Wang Chung-fu, Wei lishi liuxia jianzheng : ‘renshi Taiwan’ jiaoke shu cankao wenjian xinbian (Témoin de l’Histoire : documents de référence sur les manuels « Connaître Taiwan »), Taipei, Strait Academic, 2001.
25 Par exemple, l’université nationale Cheng Kung, l’université nationale Ching Hua, l’université Providence, et de nombreuses universités normales.
26 Le ministère de l’Education (MŒ) commença en 1993 par mettre en place le module optionnel d’» études régionales ». Celui-ci ne devint obligatoire qu’en 2001. Weng Tsui-ping, « State-Run Universities will set up Taiwanese Literature Department in 2002 », Central News Agency,17 janvier 2001.
27 En1992, la majorité de la population à Taiwan se perçoit toujours comme « chinoise » (44 %) ou « à la fois chinoise et taiwanaise » (36,5 %). Seuls 16,7 % des habitants affirment être simplement « taiwanais ». Cette situation bascule entre 1994 et 1996. Le nombre des habitants s’identifiant comme » chinois » ne cesse de chuter (21,7 % en 1994, 23,8 % en 1995, 20,5 % en 1996, 23,1 % en 1997, 18,7 % en1998, 13,1 % en 1999 et 13,6 % en 2000) tandis que celui de ceux se considérant comme « taiwanais » est en progression constante (28,4 % en 1994, 27,9 % en 1995, 24,9 % en 1996, 36,9 % en 1997, 37,8 % en 1998, 44,8 % en 1999, 42,5 % en 2000). Le groupe qui s’appréhende comme “à la fois taiwanais et chinois” est devenu à présent majoritaire. « Minzhong dui ziwo rentong de kanfa » (Comment se perçoivent les habitants de Taiwan), Taipei, Conseil des affaires intérieures, janvier 2000, édition Internet disponible sur http://www.mac.gov.tw/big5/mlpolicy/pos/9001/table12.htm
28 CEPD, Défi 2008 – Plan de développement national, édition Internet, 31 mai 2002.
29 GIO, Projet des dix nouveaux grands chantiers, édition Internet, 2003.
30 CPDE, Défi 2008, 2002.
31 Tchen Yu-chiou, « Taiwan wenhua sin siwei » (Réflexions nouvelles sur la culture taiwanaise), édition Internet, discours prononcé au Centre de recherche de l’industrie technologique, 27 février 2004.
32 CPDE, Projet des dix nouveaux grands chantiers, édition Internet, 10 février 2004.
33 Communication personnelle avec le CPDE (sur webserv@my.cepd.gov.tw), 30 mars 2004.
34 GIO, Projet des dix nouveaux grands chantiers, 2003.
35 CAC, « L’origine du projet », Le plan de développement pour les industries culturelles et créatives, édition Internet, 2003
36 Chen Chi-nan, Shequ zongti yingzao yu shengcheng xuexi (La construction de la communauté et l’apprentissage au long de la vie), Taipei, CAC, 1996.
37 Tchen Yu-chiou, « Difang wenhua guan de zhengce yu shijian » (Politique et mise en pratique de la culture locale), Difang wenhua guan tongxun jikan (Revue trimestrielle des maisons de la culture locale), décembre 2002, vol. 1, p.1.
38 CAC, « L’origine du projet », 2003.
39 CAC, Difang wenhua guan jihua (Programme pour les maisons de la culture locale), 10 septembre 2002.
40 Tchen Yu-chiou, « Politique et mise en pratique de la culture locale », 2002.
41 Le PDP s’attache à la construction d’infrastructures culturelles et se flatte de leurs normes « internationales ». Le projet de construction inclut le nouveau Metropolitan Opera de Taipei, l’aile sud du Musée national du Palais, la transformation de casernes appartenant à l’armée en Centre d’art de Weiwuying (Kaohsiung), et le nouveau Parc culturel austronésien (Taitung). Bien que les négociations soient dans l’impasse, le musée Guggenheim à Taichung est toujours programmé.
42 « Artificial Lakes Get Attention of Ecology Groups », Taipei Times, édition Internet, 21 juin 2004.
43 Il y a de nombreux exemples de musées et de centres de recherche bâtis à la fin des années 1990, mais qui n’ouvrirent leurs portes qu’après 2000. Ils comprennent les écoles préparatoires du Centre national des arts traditionnels (construit en 1996), l’Institut de recherche sur la musique traditionnelle (1999), le Musée national de la littérature taiwanaise (1997) et le Centre de recherche et de préservation de l’héritage culturel national (1997).
44 La décision prise par Lee de sauver l’opéra de Pékin qui existe à Taiwan en est un bon exemple. Le ministère de la Défense nationale est l’autorité en charge de la préservation et des activités de l’opéra de Pékin depuis 1949. Sous la pression de l’opposition, il décida en novembre 1994 de dissoudre les trois troupes d’opéra de Pékin. C’est alors une période sensible de pré-élections, et les objections provenant de l’intérieur même du KMT alarment Lee Teng-hui. Sur les conseils de son secrétaire général Chiang Yen-shih, Lee annule la proposition de dissolution. Chiang fut chargé de venir au secours du plan en confiant au ministère de l’Education la tâche de mettre en place une troupe nationale d’opéra de Pékin.
45 « Le musée national de la littérature taiwanaise est officiellement ouvert », Lettre d’information du gouvernement de la ville de Tainan, 17 octobre 2003.
46 Les institutions participant à ces projets sont l’Academia Sinica, le CAC, l’Academia Historica, le Musée national de la nature et de la science, le Musée national du palais, l’Université nationale de Taiwan, le Musée national de littérature, la Bibliothèque nationale centrale.
47 Par exemple, les archives du gouvernement général japonais à Taiwan, « l’Histoire et la culture de Taiwan dans le temps et l’espace », et « la Banque de données sur l’origine des noms géographiques dans la région de Taiwan ».
48 Un total de 80 millions de NT$ (2,4 millions de US$) sera consacré chaque année à la sélection d’au moins 200 étudiants étrangers. Le programme doit durer dix ans et recevoir 140 millions NT$ chaque année, pour permettre d’accueillir progressivement jusqu’à 400 étudiants étrangers. « Government Tries to Lure Foreign Students with Cash », Taipei Times, édition Internet, 7 juin 2004.
49 GIO, « Yu demande des bourses pour les étrangers étudiant à Taiwan », lettre d’information du GIO, 2 décembre 2003.
50 Chang Shu-fang, « Tan guomin jiaoyu jiu nian yiguan kecheng fazhan » (Le développement du programme en neuf ans pour les écoles primaires et les collèges), Zhongshi tushuguan guanxun (Revue trimestrielle des enseignants de Taichung), vol. 28, édition Internet, décembre 1999. Disponible sur http://lib.ntctc.edu.tw/info/info28/info28-1.htm
51 « Les raisons de la suppression de la discipline “Connaître Taiwan” », lettre d’information du ministère de l’Education, 15 octobre 2001.
52 Les dialectes minnan, hakka, et les langues aborigènes.
53 Selon le Comité éditorial des programmes d’histoire, le choix de cette date s’explique ainsi : « ce fut le début de fréquentes communications entre les pays... aucune nation, ni aucune culture ne pouvaient être isolées du reste du monde. Ils considèrent que les événements essentiels survenus en Chine après le xvie siècle furent le résultat d’interactions avec d’autres pays ou forces étrangères ». « Ne pas juger de façon dogmatique le programme d’Histoire des lycées », Lettre d’information du ministère de l’Education, 23 septembre2003.
54 « Tu Cheng-sheng’s Concentric Circle Theory Emphasises Indigenous Culture and Prioritising Taiwan », Central News Agency, 19 mai 2004.
55 Wu Chan-liang, « Xia yi dai xuyao shenme yangde shiguan? » (De quelle perspective historique la jeune génération a t-elle besoin ?), China Times, édition Internet, 9 septembre 2003.
56 Sung Kuo-cheng, « Zhe jiu shi women yao de bentuhua ma ? » (Est-ce là l’indigénisation que nous souhaitons ?), Xin xinwen (Nouveau Journalisme), vol. 865, version Internet, 7 octobre 2003, p. 56.
57 « Legislators Clash over High School History Textbooks », Taipei Times, version Internet, 16 octobre 2003.
58 Huang I-ching, « High school new curricula will be implemented in 2006 as planned », Liberty Times, version Internet, 19 mai 2004.
59 « Taiwan guandian ditu xilie, huan ge jiaodu kan Taiwan » (Cartes dans une perpective taiwanaise : regarder Taiwan sous un autre angle), site Internet du CCA, 2004.
60 Depuis septembre 2003, le mot « Taiwan », écrit en anglais, a été ajouté sur la couverture des passeports pour distinguer les Taiwanais des Chinois du Continent.
61 La monnaie nationale est généralement considérée comme un symbole de l’identité d’un pays. Depuis 2000, une série de billets de banque, d’un nouvel aspect, a été émis à Taiwan. Bien que cette décision fut prise en 1999, la différence majeure réside dans le changement de banque émettrice, qui passe de la Banque de Taiwan à la Banque centrale de Chine (Zhongyang yinhang). Au fil des années, l’article 13 du « Règlement de la banque centrale de Chine » fut révisé plusieurs fois. La Banque centrale a été légalement désignée comme banque émettrice de la monnaie nationale en 1961, et le New Taiwanese Dollar est considéré depuis 1967 comme « équivalent de monnaie nationale ». Toutefois, afin de maintenir la RC comme représentante de la Chine, la Banque centrale n’a pas directement émis le New Taiwanese Dollar, mais a confié à la Banque de Taiwan le soin d’émettre la monnaie. Lorsque Chen Shui-bian accéda au pouvoir en 2000, le gouvernement PDP mit aussitôt en application l’article 13. Le New Taiwanese Dollar, à présent émis par le Banque centrale de Chine, est par conséquent devenu la monnaie nationale.
62 Ces récentes années, le discours de l’appartenance des aborigènes taiwanais au groupe des austronésiens s’est très largement diffusé. Grâce à des travaux de recherche et au soutien officiel, il s’est rapidement développé, et les liens entre les aborigènes de Taiwan, des Philippines, de Malaisie et de Nouvelle Zélande s’accroissent fortement.
63 En juin 2004, lors d’une visite à Kaohsiung, la vice-présidente Annette Lu déclara que le PDP examinait l’éventualité d’un transfert de la capitale vers Kaohsiung après 2009. Elle expliqua que le Sud représentait l’expression locale, et que la délocalisation faisait parti de la politique du PDP pour mener à bien Révolution du Sud (Nanfang geming). La proposition de Lu fut cependant rapidement rejetée par le PDP. Le terme de « Révolution du Sud » apparaît après les élections de 1998, lorsque le candidat du PDP Chen Shui-bian perd son siège de maire à Taipei et que le candidat du  KMT Wu Tun-I est également défait à Kaohsiung. Certains crurent y voir l’amorce d’une fracture nord/sud. Le terme de « Révolution du Sud » désigne en général le projet du PDP de transférer le pouvoir du gouvernement central du nord vers le sud.
64 Depuis la fin des années 1990, le nombre de jours fériés a diminué de manière drastique. Le gouvernement KMT a en effet progressivement supprimé plusieurs jours, considérés comme « politiquement incorrectes » ou anachroniques, comme la Journée de la jeunesse (ou Jour des Martyrs, le 29 mars), la Journée de la reconquête de Taiwan (le 25 octobre), et l’anniversaire de Chiang Kai-shek (le 31octobre). Après la victoire de Chen Shui-bian en 2000, le PDP a encore supprimé deux journées de vacances nationales : la journée anniversaire de Sun Yat-sen (le 12 novembre), et la Journée de la Constitution (le 25 décembre).
65 Tchen Yu-chiou, « Perspectives nouvelles sur la culture taiwanaise », 2004.
66 Rita Fang, « Fashion Designers Enlisted to Create National Costume », Taiwan Journal, 15-21 novembre 2003.
67 Chen Hui-min, « Red Will be our Cultural Colour », Financial Daily News, Section 5, 20 janvier 2004.
68 Young Shao-hua, « Taiwan hong, kaifa wuxian wenchuang chanzhi » (Le rouge taiwanais : développer la valeur industrielle ajoutée (VIA) illimitée des industries de la création), Qian zazhi (Le magazine de l’argent), édition Internet, janvier 2004.
69 Wu Mercy, « CCA Launches Project to Highlight Taiwan », E-Taiwan News, 19 février 2004.
70 En mai 2004, on compte 754 sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial défini par l’Unesco (582 sites culturels, 149 sites naturels, et 23 sites mixes répartis dans 178 Etats). La République populaire de Chine compte 30 sites sur la liste, Taiwan aucun. Depuis 2002, sur les recommandations des gouvernements locaux et de chercheurs, douze sites (le vieux chemin de fer de la montagne Ali, Jinmen, ou Fort Santo Domigo) ont été sélectionnés par le CAC afin d’être présentés au Comité du patrimoine mondial. CAC, « Denglu shijie kanjian Taiwan » (Inscrite au patrimoine mondial, Taiwan deviendrait visible), édition Internet, 2003. http://wpc.e-info.org.tw/PAGE/DISCUSS/taiwan_heritage.htm
71 Ibid.
72 Charles Taylor, « The Politics of Recognition », in Amy Gutman (éd.), Multiculturalism and 'The Politics of Recognition': An Essay, New Jersey, Princeton University Press, 1992, p. 32.
73 Ibid, p. 34.
74 Selon le PDP, la culture taiwanaise est un mélange qui doit autant aux cultures préhistoriques, aborigènes, hollandaises, espagnoles, et japonaises qu’aux cultures chinoises minnan et hakka. La culture austronésienne est identifiée comme l’aspect essentiel de la taiwanité, puisqu’elle distingue Taiwan de la Chine. Bureau du tourisme, « Ershiyi shiji Taiwan fazhan guanguang xin zhanlue » (Nouvelle stratégie pour le développement de Taiwan au xxie siècle), disponible sur http://202.39.225.136/auser/b/stratagem/index.htm
75 Lee Shun-te, « The Ministry of Marine Affairs is Denied, the Councils for Aboriginal and Hakka Affairs are Secured », United Daily News, 8 septembre 2004.
76 Tchen Yu-chiou affirme que la culture taiwanaise est une culture hybride qui mélange 60 % de culture chinoise et 40 % d’autres cultures, comprenant les cultures austronésiennes, japonaises, américaines, et ouest-européennes. Tchen Yu-chiou, in Taiwan’s social and political landscape since 2000, SOAS, 29 septembre 2004.
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Table des illustrations

Titre Le musée de la céramique à Yingge, dans le xian de Taipei, ouvert en 2000.
Légende © Gilles Guiheux
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/docannexe/image/682/img-1.jpg
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Titre Avant les années 1970, la culture locale et les arts populaires étaient méprisés
Légende © Imaginechina
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/docannexe/image/682/img-2.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Chang Bi-yu, « De la taiwanisation à la dé-sinisation. La politique culturelle depuis les années 1990 »Perspectives chinoises [En ligne], 85 | septembre-octobre 2004, mis en ligne le 01 septembre 2007, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/682

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