Leo Suryadinata (éd.), Southeast Asia’s Chinese Businesses in an Era of Globalization. Coping with the Rise of China, Singapour, Institute of Southeast Asian Studies, 2006, 374 p.
Texte intégral
1La mondialisation et l’émergence de la Chine comme puissance économique sont deux évolutions majeures de ces dernières décennies. Elles ont toutes deux eu un profond impact sur le contexte sociopolitique et économique de la zone du Sud-Est asiatique. Le livre de Leo Suryadinata se concentre sur trois questions. Est abordée tout d’abord l’émergence de la Chine et son impact sur les économies et les entreprises en Asie du Sud-Est, en particulier celles en lien avec la diaspora chinoise. Ensuite, sont étudiées les politiques des gouvernements des pays d’Asie du Sud-Est concernant cette diaspora, en particulier les politiques économiques et commerciales. Enfin, le livre traite des entreprises chinoises en Asie du Sud-Est à l’heure de la mondialisation. L’ouvrage témoigne des rôles que la diaspora chinoise a joué dans la région et évalue les conséquences de l’émergence de la Chine pour le développement économique des pays d’Asie du Sud-Est. Compte tenu de la diversité des caractéristiques socio-économiques de chaque pays de la région, l’étude est divisée en différentes sections décrivant, respectivement, les cas indonésien, malais, philippin, singapourien et thaï.
2John Wong et Sarasin Viraphol analysent les conséquences de l’émergence économique de la Chine pour l’Asie du Sud-Est en général. Alors que, lors de la mise en place des réformes économiques chinoises de la fin des années 1970, beaucoup ont assimilé la Chine à une force perturbatrice pour la croissance économique de l’ASEAN, sur un plus long terme, son expansion économique s’est révélée être non seulement un nouveau moteur pour le développement de la zone asiatique, mais également un catalyseur pour l’intégration des économies d’Asie du Sud- Est. Tout en expliquant comment la concurrence redoutée s’est métamorphosée en développement favorable à toutes les parties, Wong laisse une place à l’inconnu pour le futur des relations entre la Chine et l’ASEAN, faisant référence au rôle géopolitique que la Chine entend jouer dans la région. Viraphol, lui, met l’accent sur l’idée que la Chine et l’ASEAN, ensemble, peuvent créer une zone économique multilatérale bénéficiant à tous grâce à « l’approche de bonne volonté » de la République Populaire. De plus, contrairement à Wong, Viraphol insiste sur l’importance des entre preneurs chinois d’outre-mer, qui ont joué les intermédiaires durant la première phase du développement économique chinois en aidant à la mobilisation des ressources globales en capital, en accès au marché, en savoir-faire et en talents.
3L’Indonésie est la première étude de cas présentée dans le livre. Le pays est analysé selon trois perspectives différentes par Djisman S. Simandjuntak, Thee Kian Wie, Sujoko Efferin et Wiyono Pontjoharyo. Simandjuntak soutient que, étant donnée la nature transitionnelle du développement auquel la Chine et l’Indonésie font face, toute conclusion sur la manière dont l’émergence de la Chine va affecter l’Indonésie demeure hypothétique. Toutefois, d’après l’auteur, une forte performance de l’économie indonésienne est cruciale pour appuyer l’émergence de nouvelles synergies entre les deux pays. Thee Kian Wie insiste sur l’attitude du gouvernement indonésien à l’égard des minorités chinoises et dégage la principale différence entre le gouvernement de Suharto et celui lui ayant succédé : le premier a donné à la diaspora chinoise de vastes opportunités dans le champ économique uniquement, tandis que cette minorité est aujourd’hui autorisée à être active dans d’autres domaines, notamment politique. Pour conclure, Efferin et Pontjoharyo examinent les caractéristiques et le style managérial des hommes d’affaires chinois d’Indonésie, étudiant leurs activités dans l’est de Java.
4La seconde étude de cas concerne la Malaisie. Lee Poh Ping et Lee Kam Hing traitent tout d’abord des opportunités que « l’ouverture » de la Chine offre aux investisseurs de Malaisie en général et aux Chinois de Malaisie en particulier. Certains aspects négatifs de l’émergence de la Chine sont également mis en lumière, bien que les auteurs soutiennent qu’un gouvernement plus volontariste pourrait surmonter n’importe quel obstacle. Ensuite, comme Thee Kian Wie le fait pour l’Indonésie, Ho Khai Leong examine les politiques économiques du gouvernement malais envers les minorités chinoises. Il souligne la manière dont les activités économiques des Chinois de Malaisie ont été entravées par la régulation et les politiques du gouvernement visant à promouvoir au sein du pays une redistribution des richesses favorable aux Malais. Enfin, Leong Kai Hin présente les résultats de son étude relative aux entreprises chinoises. Par l’analyse des conséquences de la mondialisation sur les entreprises chinoises de Malaisie et les stratégies qu’elles ont adoptées pour faire face à de tels défis, l’auteur démontre que seules les plus grosses entreprises ont tiré profit de la mondialisation et de l’émergence de la Chine, et non les petites et moyennes entreprises.
5La troisième étude de cas concerne les Philippines. Teresita Ang See et Go Bon Juan soutiennent que la menace chinoise en Asie du Sud-Est, et en particulier aux Philippines, est exagérée, si ce n’est sans fondement. Bien qu’ils admettent que les entreprises chinoises ont sensiblement menacé certaines PME philippines, ils soutiennent que les avantages retirés par les Chinois des Philippines faisant des affaires avec la Chine dépassent les inconvénients. Les deux auteurs présentent également cinq études de cas empiriques en soutien à leur thèse. Ellen H. Palanca étudie l’environnement des entreprises, déterminé par les politiques publiques et le contexte politique, dans lequel évoluent les Chinois des Philippines depuis la période coloniale et la manière dont il a affecté leurs activités. Elle conclut que, avant les naturalisations de masse de 1975, le contexte pour les entreprises était versatile et globalement défavorable. En effet, les politiques nationalistes restreignaient le type d’activités et même les professions auxquelles les Chinois des Philippines avaient accès. Cependant, quand les minorités chinoises ont obtenu la nationalité philippine, leur intégration progressive dans la société philippine a débuté et les a conduit rapidement à former un puissant groupe parmi l’élite.
6Ng Beoy Kui décrit les problèmes auxquels Singapour a été confrontés du fait de la mondialisation et de la croissance chinoise. L’auteur souligne que c’est uniquement après la mise en place de relations diplomatiques avec la Chine en 1990 que Singapour a commencé à encourager les entrepreneurs ethniquement chinois à investir en Chine. Cependant, il conclut en affirmant que ce groupe est lui-même hétérogène et que toute tentative visant à stéréotyper les entreprises chinoises d’outre-mer aboutirait à des résultats trompeurs.
7Enfin, Pavida Pananond étudie les cartels d’entreprises chinoises en Thaïlande à travers l’exemple du plus fameux d’entre eux dans le pays, le groupe Charoen Pokphand. Elle conclut que, alors qu’à l’origine le caractère chinois du groupe et ses réseaux étendus en Chine ont pu contribuer à son succès, les défis auxquels il fait face aujourd’hui ont peu de rapport avec ses liens avec la Chine mais plus avec ses capacités en tant qu’entreprise.
8Décrire l’impact de l’émergence de la Chine dans chacun des pays d’Asie du Sud-Est était en soi un défi, et le livre de Leo Suryadinata représente une plongée très documentée dans le sujet, même s’il ne se risque pas à tirer de conclusion synthétique. Néanmoins, il parvient à offrir au lecteur un cadre de référence large et pluriel qui constitue un bon point de départ pour toute analyse plus approfondie.
Pour citer cet article
Référence papier
Claudia Astarita, « Leo Suryadinata (éd.), Southeast Asia’s Chinese Businesses in an Era of Globalization. Coping with the Rise of China, Singapour, Institute of Southeast Asian Studies, 2006, 374 p. », Perspectives chinoises, 2008/1 | 2008, 124-125.
Référence électronique
Claudia Astarita, « Leo Suryadinata (éd.), Southeast Asia’s Chinese Businesses in an Era of Globalization. Coping with the Rise of China, Singapour, Institute of Southeast Asian Studies, 2006, 374 p. », Perspectives chinoises [En ligne], 2008/1 | 2008, mis en ligne le 01 janvier 2008, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/perspectiveschinoises/4853
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