L’auteure remercie la coordinatrice de ce dossier et les participants aux ateliers de préparation pour leurs commentaires pertinents. Elle remercie également les deux évaluateurs anonymes de Perspectives chinoises pour leurs commentaires constructifs. Enfin, elle remercie Jia Yonghui d’avoir partagé une partie de la littérature chinoise sur les associations chinoises au Japon. Ce travail de recherche a été financé grâce à une bourse de niveau 1 accordée par le ministère de l’Éducation de Singapour (bourse numéro M4011678). Toutes les erreurs qui pourraient subsister sont de mon fait.
1Depuis les réformes économiques de 1978, l’émergence de « nouveaux migrants » (xin yimin 新移民) s’est accompagnée de la naissance de nombreuses associations à travers le monde. Alors que les organisations plus anciennes se situaient à l’intersection de plusieurs segments (dialecte, nom de famille et région d’origine), on compte parmi ces nouvelles associations des rassemblements d’anciens élèves ou des associations professionnelles, entre autres (Crissman 1967). En outre, alors que les associations plus anciennes – longtemps considérées comme l’un des trois piliers fondamentaux des communautés chinoises d’outre-mer avec les écoles et les journaux – ont été créées à un moment où les migrants vivaient dans des conditions difficiles, ces associations de nouveaux migrants ont vu le jour dans un contexte d’essor économique et de mondialisation de la Chine (Zhuang 2010 : 10). Les premières associations reposaient sur l’entraide et la protection mutuelle, en même temps qu’elles contribuaient à résoudre les conflits et offraient une médiation entre la communauté chinoise et les dirigeants locaux. Elles permettaient également de mettre les migrants en lien avec leur région d’origine par le biais de transferts de fonds, le financement de lieux de culte et d’écoles, ou bien encore en apportant de l’aide au moment des funérailles (Crissman 1967 : 196-7 ; McKeown 1999 : 320). Certaines de ces associations regroupaient les migrants en fonction de leur clan (zongqinhui 宗親會) ou de leur région d’origine (huiguan 會館), tandis que d’autres étaient liées à leur activité commerciale (shanghui 商會), à une guilde (tongye gonghui 同業公會) ou encore à des activités caritatives (shantang 善堂) (van Dongen 2018 : 13).
- 1 Ce changement de nom en octobre 2019 était en réalité le deuxième. En septembre 2013, elle avait dé (...)
2Compte tenu de l’environnement radicalement différent dans lequel sont apparues ces nouvelles associations de migrants, quelles sont leurs principales fonctions et comment ont-elles évolué au cours du XXIe siècle ? Quels changements ces associations, longtemps associées aux politiques diasporiques chinoises, ont-elles connus depuis la réforme économique, et, plus récemment, depuis les années 2000 ? Cet article explore ces questions à travers une étude de cas, celle de l’Association des nouveaux Chinois d’outre-mer et immigrés d’origine chinoise au Japon (Riben xin Huaqiao Huaren hui 日本新華僑華人會, New Overseas Chinese and Ethnic Chinese Association in Japan en anglais, d’où l’utilisation ci-après de l’acronyme NOCECAJ), une fédération d’associations fondée en 2003 mais connue depuis 2019 sous le nom de Fédération pan-japonaise des associations de Chinois d’outre-mer et immigrés d’origine chinoise (quan Riben Huaqiao Huaren shetuan lianhehui 全日本華僑華人社團聯合會, All-Japan Federation of Overseas Chinese and Ethnic Chinese Associations, ci-après AJF) et de ses huit membres fondateurs1. Ces derniers rendent bien compte de la diversité des nouvelles associations créées au Japon, puisqu’on y trouve une chambre de commerce, des associations spécialisées dans le domaine des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), des associations non spécifiques et des associations professionnelles et régionales.
3À l’échelle mondiale, les nouvelles associations de migrants ont connu d’importants changements depuis le début du XXIe siècle. En Chine, les gouvernements locaux ont contribué plus activement à la création d’associations, et celles-ci ont été de plus en plus mises au service des objectifs économiques et diplomatiques du pays. Dans l’ensemble, la Chine a accordé davantage d’attention aux associations de Chinois d’outre-mer et à leurs liens avec leurs régions d’origine (Zhuang 2020 : 55), en même temps qu’elle a tenté d’organiser et d’harmoniser ces nouvelles associations, toujours plus nombreuses et diversifiées. Cette cooptation informelle des diasporas s’est opérée par le biais de la création à l’étranger de chambres de commerce, d’associations commerciales et d’associations de chercheurs. Plus récemment, la Chine a cherché à assurer sa légitimité en se présentant comme un État bienveillant, responsable et à l’écoute, après des décennies de réformes ayant contribué à créer un écart de richesse qui continue à se creuser (Nguyen et Chen 2017 ; voir Leung dans ce dossier). À ce titre, elle a mis un point d’honneur à apporter son soutien à la diaspora chinoise et à assurer sa protection juridique par le biais de nouvelles initiatives telles que les centres de services chinois (huazhu zhongxin 華助中心), implantés dans le monde entier depuis 2014.
4Néanmoins, cette tendance à la cooptation des organisations diasporiques chinoises entre en tension avec l’implication accrue des gouvernements chinois à l’échelle locale et les différentes interactions entre ces gouvernements, les organisations diasporiques et d’autres acteurs. Par conséquent, cet article ne se donne pas pour seul objectif d’étudier les efforts de cooptation, il entend également analyser ces interactions qui mettent à mal l’idée d’un État diasporique unique. Liu et van Dongen (2016) ont défendu une approche transnationale de la mobilisation de la diaspora en reconnaissant à la fois la centralité ininterrompue de l’État et celle des réseaux. Cependant, comme l’a fait remarquer à juste titre Jen Dickinson (2017 : 2), les approches formulées en termes de « gouvernance en réseau » (Cohen 2015) et de « transnationalisme d’État » (Levitt et de la Dehesa 2003) restent toutes deux orientées vers des formes élitistes d’agentivité politique et risquent de priver les populations diasporiques de leur agentivité.
5Bien que Liu et van Dongen (2016) conçoivent les diasporas chinoises comme un ensemble d’acteurs mus par leurs propres intérêts plutôt que comme des destinataires passifs des politiques publiques, Dickinson note à juste titre que le transnationalisme d’État préserve malgré tout la dichotomie entre État d’origine et État d’accueil. Selon Dickinson (2017 : 2), l’État d’origine ne capte pas « la gamme d’interactions qui se jouent dans et entre les différentes échelles et espaces qui sous-tendent la formulation des stratégies de diaspora d’un État, leur évolution et leurs différents résultats matériels ». Elle préfère donc parler d’« assemblage » ou de « bricolage créatif » (Iskander 2015) pour montrer ces interactions et la nature dynamique de l’élaboration des politiques diasporiques. Cet article tire parti de ces analyses pour nous inciter à remettre en question l’État diasporique et à mettre en avant les interactions multiscalaires. Comme le note Zhang (2019 : 123), les villes chinoises jouent un rôle crucial dans le travail mené auprès des Chinois d’outre-mer dans le domaine des avancées économiques, scientifiques et technologiques. Même si les politiques diasporiques à l’échelle municipale sont officiellement soumises aux politiques nationales, en réalité, des intérêts concurrents coexistent. C’est pourquoi de multiples États diasporiques sont à l’œuvre, avec chacun un ensemble de politiques et d’acteurs qui leur sont propres. Il s’agit là d’un processus qui, loin d’être statique et coordonné, est en perpétuelle évolution.
6Cet article souligne à la fois la manière dont les associations s’impliquent dans le travail de la diaspora – comme le montre bien la création de la NOCECAJ – et la façon dont les relations à plusieurs niveaux entre les différentes associations et les autres acteurs remettent en question une forme de contrôle centralisé. Il commence par soutenir que la NOCECAJ/AJF a coopéré avec les gouvernements locaux chinois et les bureaux des affaires des Chinois d’outre-mer implantés à l’échelle provinciale et municipale pour promouvoir les programmes économiques de ces derniers. Puis, il montre que les nouvelles associations installées au Japon ont œuvré spécifiquement au recrutement de talents dans le domaine des STEM, et ont servi certains objectifs en matière de diplomatie publique, là encore par le biais d’interactions avec les gouvernements et d’autres acteurs implantés à plusieurs niveaux. Plus récemment, dans le domaine diplomatique, elles ont soutenu, via le centre de services chinois de Tokyo, les ambitions affichées par l’État chinois de se montrer serviable et à l’écoute. Enfin, l’histoire mouvementée des relations sino-japonaises a encouragé certaines de ces associations à s’engager dans l’amélioration des relations bilatérales.
7Cet article s’appuie sur une analyse qualitative du contenu de différents types de sources publiées en langue chinoise. Il peut s’agir du site internet des principales associations et des organismes affiliés, aussi bien que de sources relatives aux politiques de mobilisation de la diaspora ou de publications concernant les associations de nouveaux migrants implantées au Japon et ailleurs dans le monde. L’analyse du site internet de ces associations offre également un aperçu de « la mobilisation numérique de la diaspora » menée par l’État chinois ces dernières années (Kang 2017). Par ailleurs, ces associations qui ne possèdent pas de biens immobiliers dans les quartiers chinois et sont obligées de louer des bureaux ont de plus en plus tendance à diffuser les informations par le biais de leur site internet, des réseaux sociaux et de listes de diffusion plutôt qu’en organisant des réunions en personne (Liao 2012a : 25-6 ; Jia 2019 : 143).
- 2 Pour les sources japonaises, voir Liao (2012b : 29, note 3). Sur les organisations chinoises en Asi (...)
8Cet article contribue doublement à combler les lacunes de la littérature. D’abord parce que les travaux sur les associations de nouveaux migrants restent relativement exceptionnels par rapport à ceux qui portent sur les associations antérieures, et qu’ils n’établissent que rarement un lien avec les politiques de la diaspora. La plupart des recherches se sont jusqu’à présent concentrées sur les premières associations implantées en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est (Freedman 1960 ; Crissman 1967 ; Wickberg 1994). De même, les travaux produits en Chine sur les chambres de commerce se sont surtout concentrés sur les premiers temps de leur histoire dans certains lieux comme Singapour, Hong Kong, la Thaïlande ou les Philippines (Liu 2000 ; Feng 2001), à l’exception de quelques travaux qui s’intéressent au contexte contemporain (Ren et Liu 2022). La recherche japonaise s’est également penchée sur les réseaux commerciaux chinois en Asie ainsi que sur les premières chambres de commerce implantées dans les villes portuaires de Kobe, Osaka, Nagasaki et Yokohama (Liao 2012b : 20)2. Certaines études ont également analysé l’évolution du rôle de ces associations, qui servaient « traditionnellement des intérêts précis et localisés » avant de se confronter à des questions d’envergure nationale (Tien 1983 : 275).
9Si l’intérêt suscité par les associations contemporaines augmente, il n’en existe aucune définition standardisée. Généralement, on considère qu’elles ont pour point commun d’être des organismes non gouvernementaux, à but non lucratif et reposant sur le volontariat (Li 1995 ; Liu 1998 ; Li 2002 ; Zhuang, Qing et Pan 2010 ; Wang et Liu 2011 ; Jia 2019 ; Zhuang 2020). Les auteurs de certains de ces travaux se sont intéressés aux caractéristiques mouvantes de ces associations, à leurs dimensions transnationales ou comparatives (Liu 1998 ; Kuah-Pearce et Hu-Dehart 2006 ; Trémon 2007 ; Zhuang, Qing et Pan 2010 ; Fernandez-Kelly et Portes 2015). Cependant, d’un autre côté, les études sur la mobilisation de la diaspora chinoise ont tendance à s’intéresser davantage aux politiques s’exerçant par le haut (top-down policies) et au fonctionnement des principales institutions chinoises. Néanmoins, certains travaux ont également abordé d’autres aspects de la mobilisation de la diaspora chinoise en s’intéressant aux associations de migrants dans différents contextes géographiques (Pieke 1998 ; Nyíri 1999, 2001 ; Thunø 2001 ; Liu et van Dongen 2016 ; Giese 2017 ; DeHart 2021). Il faudrait réaliser davantage d’études de cas sur le fonctionnement de la cooptation des diasporas chinoises sur le plan organisationnel et sur la manière dont ce processus multiscalaire contribue en même temps à remettre cette stratégie en question. De même, il faudrait mener davantage de travaux sur la manière dont les acteurs diasporiques décident de soutenir ces associations et leur interaction avec les acteurs étatiques chinois, ou bien choisissent d’y résister, selon qu’ils considèrent que cela sert leurs intérêts ou non, et selon qu’ils se sentent représentés ou non (Nyíri 2007 : 104-22 ; Giese 2017 : 58-9).
10La deuxième lacune que l’article cherche à combler concerne les migrants chinois au Japon. Bien que les Chinois y représentent le groupe d’immigrants le plus important (Liu-Farrer 2011 : 2), le Japon fait l’objet de moins d’attention que les pays d’Asie du Sud-Est ou d’Amérique du Nord. Après l’an 2000, le Japon, au même titre que la Corée du Sud, a connu une période d’augmentation sans précédent du nombre de migrants. Or, ces derniers sont à l’origine de la majorité des associations, au Japon comme en Corée (Zhuang 2010 : 10). Certains travaux abordent la question de ces nouvelles migrations chinoises au Japon, en s’intéressant surtout aux migrations pour raisons scolaires ou professionnelles, mais cela revient la plupart du temps à exclure les associations de nouveaux migrants (Le Bail 2005 ; Liu-Farrer 2011, 2020 ; Coates 2015). Jia (2019) aborde la question des associations de nouveaux migrants du Japon, mais il ne s’intéresse pas particulièrement à la question de la mobilisation de la diaspora. Ce n’est que récemment que ces nouvelles associations créées au Japon ont fait l’objet d’études en langue chinoise, la plupart menées par des chercheurs qui en font eux-mêmes partie (Liao 2012a, 2012b ; Yang 2015). Ainsi cet article ajoute-t-il une dimension organisationnelle à l’étude des nouveaux migrants chinois du Japon en la mettant en lien avec la mobilisation de la diaspora chinoise.
11Qu’y a-t-il de nouveau dans ces associations de nouveaux migrants et dans la relation qu’elles entretiennent avec la Chine du XXIe siècle ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord emprunter un bref détour historique. Les associations chinoises sont depuis longtemps impliquées dans les politiques diasporiques et jouaient déjà un rôle diplomatique incontestable au XIXe siècle. Ainsi, à la fin de la dynastie Qing (et jusqu’en 1925), les associations de Chinois installés aux États-Unis, qui regroupaient les migrants par origine géographique, étaient présidées par des chercheurs détenteurs de titres universitaires chinois qui avaient reçu des passeports diplomatiques. Ces associations ont donc rapidement fait office d’« extension du service diplomatique chinois et de canal de communication entre le gouvernement chinois et les Chinois d’Amérique » (Lai 2004 : 48).
12Après la fondation de la République populaire de Chine (RPC), un appareil d’État consacré à la mobilisation de la diaspora a été mis en place sous la forme de la Commission des affaires des Chinois d’outre-mer (CACO), placée sous l’autorité du Conseil des affaires d’État (Thunø 2001 : 911). Abandonné pendant la Révolution culturelle, cet appareil a été rétabli au moment des réformes économiques, pour prendre progressivement sa forme actuelle, constituée de cinq structures dédiées aux Chinois d’outre-mer, à savoir le Bureau des affaires des Chinois d’outre-mer du Conseil des affaires d’État (qiaowu bangongshi 僑務辦公室, BACO) ; le Parti Zhigong ; le Comité des affaires des Chinois d’outre-mer de l’Assemblée nationale populaire ; le Comité des affaires des compatriotes de Hong Kong, Macao, Taïwan et des Chinois d’outre-mer de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) ; et la Fédération nationale des Chinois d’outre-mer revenus au pays (All-China Federation of Returned Overseas Chinese, ACFROC). La mise en place de liens avec les associations de la diaspora constituait et constitue toujours un élément clé de ce système (Liu et van Dongen 2016).
13Depuis les années 1980, les trois principaux objectifs du travail auprès des Chinois d’outre-mer ont été la modernisation économique, la réunification avec Taïwan et l’amélioration des liens entre la Chine et le monde par le biais des médias, de l’éducation et de l’implication des associations chinoises de l’étranger (Thunø 2018 : 187-8, 193). Dans les années 1990, quand les politiques ont progressivement délaissé leurs objectifs de développement économique et de réhabilitation des Chinois de retour de l’étranger et de leurs proches pour se concentrer sur la consolidation des liens avec les nouveaux migrants, ces interactions se sont intensifiées avec la mise en œuvre des stratégies de « sortir et inviter » (zou chuqu, qing jinlai 走出去, 請進來). Les représentants du BACO et les délégations de l’ACFROC rencontraient fréquemment les dirigeants des associations implantées à l’étranger et les invitaient en Chine, renforçant ainsi régulièrement les liens avec les régions d’émigration (qiaoxiang 僑鄉) (Thunø 2001 : 922-5 ; Liu et van Dongen 2016 : 815-9). Depuis les années 1990, la diffusion de nouvelles formes d’associations à travers le monde a permis à la Chine d’entretenir ces liens de manière plus systématique. C’est dans cette optique que le BACO et l’Association chinoise pour les échanges avec l’étranger (Zhongguo haiwai jiaoliu xuehui 中國海外交流學會) ont créé la Fédération mondiale des associations de Chinois d’outre-mer (shijie Huaqiao Huaren shetuan lianyi dahui 世界華僑華人社團聯誼大會). Depuis l’an 2000, les réunions semestrielles de cette fédération rassemblent les représentants des associations diasporiques du monde entier, qui en profitent pour rencontrer des officiels chinois et évoquer les grandes avancées en matière de politiques diasporiques (Liu et van Dongen 2016 : 818). Au XXIe siècle, les efforts réalisés pour entretenir ces liens ont également permis le développement de secteurs s’appuyant sur un niveau d’expertise élevé ainsi que la création de parcs de technologies de pointe, de laboratoires dans le domaine des STEM ou d’autres infrastructures consacrées à la recherche et au développement (ibid. : 816).
- 3 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 在日華僑華人必知的海外惠僑工程, 與你息息相關 (...)
14Le discours prononcé en 2018 par Zhu Huiling 朱慧玲, directrice du Bureau de l’Association chinoise pour les échanges avec l’étranger et directrice adjointe du BACO, offre un bon aperçu des priorités actuelles au niveau des politiques diasporiques et sur la permanence du rôle joué par les organisations diasporiques. Elle y met en avant huit projets différents, à savoir : le développement d’associations de Chinois d’outre-mer ; la création de centres de services chinois ; les échanges culturels ; la formation des Chinois d’outre-mer ; la création de zones d’innovation technologique sous l’égide du BACO et des gouvernements locaux ; l’utilisation de la cuisine pour promouvoir la culture chinoise ; la promotion de la médecine traditionnelle chinoise ; et enfin, la mise en place d’une plateforme d’information et de services inclusive et intégrée consacrée aux affaires des Chinois d’outre-mer3.
15Depuis les années 2000, le développement des associations de Chinois d’outre-mer a accentué les efforts réalisés pour assurer leur intégration à l’échelle régionale, nationale et même transnationale. Davantage de conventions mondiales, qui jalonnent ce processus d’intégration, se sont déroulées en Chine (Zhuang 2020 : 55, 59, 61). Cependant, dans le même temps, ces associations ont également été amenées à jouer un rôle économique plus important, et les liens avec les gouvernements locaux en Chine se sont renforcés (ibid. : 55). En effet, au cours du XXIe siècle, ces gouvernements locaux chinois sont à l’origine de la création d’associations chinoises à l’étranger, qui sont elles-mêmes au service de stratégies de croissance économique ou de développement des connaissances, à l’échelle locale ou nationale. Plus précisément, alors que les organisations comme les chambres de commerce étaient autrefois créées par des commerçants chinois installés sur place, au cours des deux dernières décennies, ce sont les gouvernements chinois, à différentes échelles – des provinces aux municipalités – qui ont été la force motrice à l’origine de leur création. Ces organisations ont également fini par faire office de plateforme pour le commerce extérieur et le commerce avec les régions chinoises, plutôt que de jouer le rôle de structure destinée à protéger les intérêts commerciaux (ibid. : 56). De même, dans une étude récente portant sur les nouvelles organisations commerciales implantées dans trois pays d’Asie du Sud-Est, Ren et Liu (2022) ont fait état de la création d’associations commerciales en coopération avec les gouvernements locaux en Chine.
16Une autre évolution notable est que certaines chambres de commerce ne reposent plus sur la base des associations regroupant des migrants issus de la même ville, du même village ou de la même province (tongxianghui 同鄉會), ce qui montre clairement la fonction économique de certaines de ces nouvelles associations, à l’instar de la chambre de commerce de Shenzhen (ibid. : 57). La plupart de ces associations sont soit des tongxianghui, soit des chambres de commerce, ce qui s’explique par les différences en matière d’éducation, de croyances et d’intérêts qui peuvent diviser les communautés de nouveaux migrants et qui amènent les tongxianghui à jouer un rôle fédérateur. Il convient de préciser que ces associations ne s’appuient pas nécessairement sur des réalités historiques, linguistiques ou géographiques, mais peuvent parfois, de manière plus pragmatique, se référer aux divisions administratives actuelles de la RPC (Nyíri 2007 : 109, 122).
17Il est également pertinent pour mon propos de noter que les pays ou les régions comptant une importante population d’étudiants chinois d’outre-mer – comme les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Australie et l’Europe – ont créé des chambres de commerce qui font office de plateforme pour le commerce extérieur et l’échange d’informations. En outre, les grandes provinces de l’est et du sud-est de la Chine, à l’instar du Jiangsu, du Shandong, du Zhejiang, du Guangdong et du Fujian, ainsi que les grandes provinces intérieures, comme le Hunan, s’en servent pour soutenir la stratégie de développement économique « sortir et inviter » (Zhuang 2020 : 56-9). Même si les travaux de Zhuang portent surtout sur les chambres de commerce, les mêmes principes s’appliquent également à d’autres associations.
- 4 « Major Issues in China-Japan Relations over the Past 40 Years », China Daily, 15 octobre 2013, htt (...)
18Comment ces changements se sont-ils donc produits dans le contexte japonais ? Pour répondre à cette question, il convient d’abord de revenir sur l’histoire de la migration chinoise au Japon et des organisations communautaires qui s’y sont développées. Si les Chinois étaient déjà présents au Japon depuis des siècles, les Coréens et les Chinois sont devenus, à la faveur des mouvements de migration liés à la colonisation, les deux groupes d’immigrants les plus importants sur le territoire japonais (Shao 2017 : 148). Le nombre de marchands venus de Chine a augmenté après la signature du traité d’amitié et de commerce sino-japonais de 1871. Entre 1895 et 1945, le groupe le plus important était celui des étudiants et intellectuels chinois désireux de tirer des enseignements du Japon après les réformes Meiji (Jia 2019 : 122-4). C’est pourquoi, à cette époque, les principales associations étaient des organisations commerciales, des chambres de commerce, des fédérations et des associations politiques fondées par des étudiants et des intellectuels (Cui 2010 : 295-305 ; Jia 2019 : 120-5). Après la naissance de la RPC en 1949, les migrations de la Chine vers le Japon ont presque entièrement cessé. Si les relations sino-japonaises ont été normalisées dès 1972, elles n’ont officiellement repris qu’en 1978, avec la signature d’un traité de paix et d’amitié4.
- 5 Shao note qu’une distinction est établie entre les citoyens de la République populaire de Chine, de (...)
19Au milieu des années 1980, le Japon, dont l’économie était florissante mais dont la main-d’œuvre commençait à se faire rare, a accueilli des immigrants dans le cadre de stages, de migrations de retour, en attirant des étudiants étrangers ou encore en démultipliant les formes d’import de main-d’œuvre (Liu-Farrer 2011 : 10). Le fait d’attirer des étudiants étrangers au Japon a servi de canal et de « porte dérobée » à une migration professionnelle, puisque bon nombre de ces étudiants ont travaillé pendant leurs études et sont restés au Japon après l’obtention de leur diplôme (Liu-Farrer 2011 : 2-3, 2020 : 47). Liao (2012b : 20-1) a étudié l’évolution des professions exercées par les ressortissants chinois installés au Japon. En 1959, la plupart d’entre eux exerçaient la profession de chef cuisinier, travaillaient dans le commerce de détail et de gros, ou bien étaient à la tête de petites entreprises. En 1984, en revanche, certains travaillaient également dans le domaine des sciences et des technologies, ou exerçaient la profession d’enseignant. La catégorie qui a connu la plus forte hausse est celle des étudiants : entre 1986 et 2018, plus de 500 000 ressortissants chinois se sont rendus au Japon dans le cadre de leurs études (Liu-Farrer 2020 : 48). Selon les données du ministère japonais de la Justice, la communauté chinoise au Japon est passée de 48 528 personnes en 1978 (en comptant les ressortissants taïwanais), soit 6,3 % du nombre total de résidents étrangers, à 694 974 (dont 40 197 Taïwanais) en 2014, soit 33 % du nombre total de résidents étrangers (Shao 2017 : 163)5. En 2018, les groupes de résidents étrangers les plus importants au Japon étaient les Chinois, les Coréens, les Vietnamiens et les Philippins, les Chinois représentant toujours près de 30 % des résidents étrangers au Japon (Liu-Farrer 2020 : 40).
- 6 « 2015在日華人十大新聞(組圖) » (2015 zai Ri Huaren shi da xinwen (zutu), Les dix informations à connaître sur (...)
20Dans toute l’Asie du Sud-Est, l’augmentation du nombre de nouveaux migrants, l’amélioration des relations sino-asiatiques et le mouvement de « re-sinisation » lié à l’ascension de la Chine ont permis aux associations chinoises de refaire surface à partir des années 1980 (Zhuang 2010 : 10). Au Japon, de nouvelles associations professionnelles réunissant des avocats, des médecins, des scientifiques ou des ingénieurs sont apparues dans les années 1990, suivies par des chambres de commerce régionales et des associations de district dans les années 2000 et 2010. D’après le 中文導報 Zhongwen daobao, en 2015, le Japon comprenait environ 200 associations chinoises, parmi lesquelles des associations commerciales, économiques, professionnelles, ou bien regroupant des personnes issues d’une même région ou encore les anciens élèves d’une même institution (Shao 2017 : 156-7)6. Comme ces chiffres ne tiennent compte que des associations les plus influentes, leur nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.
21Bien que le Japon soit devenu en pratique un « pays d’immigration », il a conservé son « identité ethno-nationaliste » (Liu-Farrer 2020 : 4, 10). Incités par les relations difficiles entre les deux pays et par des raisons plus pragmatiques, comme le fait de simplifier les circulations transfrontalières, de nombreux Chinois ont choisi de se faire naturaliser (Le Bail 2005 : 12). Même en devenant citoyens ou résidents permanents au Japon – statut dont le nombre a augmenté après les années 2000 – nombreux sont ceux qui s’identifient toujours comme nouveaux Chinois d’outre-mer (xin Huaqiao 新華僑) plutôt que comme migrants. Le terme d’immigrés d’origine chinoise (xin Huaren 新華人) est aussi parfois utilisé pour désigner les Chinois ayant obtenu la citoyenneté japonaise. Cela explique le nom de la nouvelle organisation qui regroupe ces deux termes, l’Association des nouveaux Chinois d’outre-mer et immigrés d’origine chinoise au Japon (New Overseas Chinese and Ethnic Chinese Association in Japan), qui reflète le fait que de nombreux Chinois du Japon ne se considèrent pas comme faisant partie intégrante de la société japonaise (Liu-Farrer 2011 : 135-6).
22En 2003, la NOCECAJ a été fondée pour réunir les huit grandes associations de Chinois du Japon7. Le banquet qui s’est tenu en février 2003 en l’honneur des professeurs Zhu Jianrong 朱建榮 et Wu Zhishen 吴智深, tous deux représentants des Chinois d’outre-mer à la CCPPC, qui s’apprêtaient à se rendre à Pékin pour assister à une réunion, a joué un rôle déterminant dans sa création. À ce banquet étaient également présents le consul général de Chine Zhang Liguo 張立國, le consul Wu Gang 吴剛, ainsi que des représentants des associations de nouveaux migrants chinois au Japon. C’est à cette occasion que l’idée d’une fédération a été évoquée et que les travaux préparatoires ont commencé. Le premier événement auquel les membres de la NOCECAJ ont assisté était la réunion de la Fédération mondiale des associations de Chinois d’outre-mer évoquée ci-dessus, qui s’est tenue en 2003 (Yang 2015 : 206-7).
- 8 Site internet de l’AJF, « 中文章程 » (Zhongwen zhangcheng, Règlement en chinois), https://www.ucrj.jp/r (...)
- 9 « 2015在日華人十大 (…) » (2015 zai Ri Huaren shi da (…), Les dix informations à connaître (…)), op. cit.
- 10 Site internet de l’AJF, « 團體成員 » (Tuanti chengyuan, Membres de l’organisation), https://www.ucrj.jp (...)
23Le quatrième article des statuts de la NOCECAJ mentionne la promotion de l’interaction entre les associations chinoises du Japon et les Chinois installés ailleurs dans le monde, l’amélioration de la position sociale et de la réputation des Chinois au Japon, ainsi que le développement des échanges amicaux et de la coopération entre les deux pays8. La NOCECAJ/AJF est passée de huit membres fondateurs en 2003 à 47 organisations membres en 20159. En août 2022, son site internet répertoriait 91 associations réparties selon les catégories suivantes : associations locales (10) ; associations liées à la région d’origine (20) ; chambres de commerce (19) ; associations professionnelles (31) ; associations académiques et scientifiques (8) ; et associations d’anciens étudiants (3)10. Ces évolutions correspondent à la tendance plus globale remarquée par Zhuang (2020), à savoir que la plupart des associations de nouveaux migrants sont soit des associations liées à la région d’origine, soit des chambres de commerce. Cependant, au Japon, ce sont les associations professionnelles qui sont les plus nombreuses, ce qui peut s’expliquer par le profil des Chinois qui s’y installent et qui ont pour la plupart un haut niveau d’éducation.
24Comme je l’ai mentionné ci-dessus, depuis les années 1990, les politiques de mobilisation de la diaspora se sont davantage concentrées sur le développement des connaissances et le recrutement de talents plutôt que sur la croissance économique à proprement parler. Cela prend à la fois la forme d’actions visant à inciter le retour en Chine d’étudiants et de « talents » hautement qualifiés, et d’initiatives visant à leur permettre de soutenir la Chine depuis l’étranger (Zweig et Wang 2013 : 594 ; Liu et van Dongen 2016 : 817-9 ; Thunø 2018 : 189-90). Un autre changement notable est qu’au début des années 2000, la montée en puissance de la Chine et son regain de confiance progressive ont permis au soft power de prendre de l’ampleur dans le discours officiel. C’est ainsi qu’il s’est vu associé à l’objectif de faire des Chinois de l’étranger des acteurs de la diplomatie publique (gonggong waijiao 公共外交) au service de la politique étrangère chinoise. Cela impliquait un changement majeur par rapport aux politiques précédentes qui, compte tenu de l’histoire tumultueuse des Chinois en Asie du Sud-Est et des soupçons d’infiltration politique qui pesaient sur la Chine pendant la guerre froide, s’étaient montrées plus prudentes (Thunø 2018 : 184-5, 189, 193-4). C’est plus particulièrement depuis les années 2010 que les Chinois de l’étranger, forts de leur nombre, de l’amélioration de leur statut socioéconomique et de leurs profils et réseaux transnationaux, ont commencé à jouer un rôle sur le plan de la diplomatie publique (Chen 2012 : 58-61).
- 11 Site internet de l’AJF, « 簡介 » (Jianjie, Introduction), op. cit.
25Cette évolution en matière de politique diasporique se reflète également dans les ambitions actuelles de l’AJF, qui cherche à faire progresser le développement de la Chine et du Japon dans les domaines de « l’économie, la culture, et la science et la technologie », ce qui implique de soutenir le retour des étudiants chinois11. En outre, l’implication croissante des gouvernements chinois locaux est elle aussi visible : la NOCECAJ/AJF a collaboré avec certaines provinces et villes chinoises, et plus particulièrement avec les grandes provinces de l’est, pour mettre en œuvre une stratégie économique et de recrutement de talents. Ainsi, en août 2007, la NOCECAJ, en collaboration avec d’autres associations et avec le département du personnel de la province du Jiangsu, a organisé un événement de plusieurs jours destiné à une centaine de Chinois titulaires d’un doctorat japonais, qui ont participé dans ce cadre à des forums spécialisés dans toute la province du Jiangsu (Yang 2015 : 209). Plus récemment, l’Association des titulaires chinois d’un doctorat japonais, fondée en 2013, a sélectionné certains Chinois installés au Japon pour qu’ils participent à des « foires aux talents » organisées en coopération avec le BACO du Jiangsu, à l’instar de la foire de Kunshan, une ville de la province, qui s’est tenue le 25 juillet 2015 (Jia 2019 : 154).
- 12 Site internet de l’AJF, « 中文章程 » (Zhongwen zhangcheng, Règlement en langue chinoise), op. cit.
- 13 Hao Di, « Japanese Overseas Chinese Celebrate the Anniversary », Chinaculture.org, http://en.chinac (...)
26Le tournant vers une mobilisation de la diaspora chinoise sur le plan de la diplomatie publique se retrouve clairement dans les discours et les activités de l’AJF. Selon son premier président, Zhou Weisheng 周瑋生, les Chinois de la nouvelle génération font office d’ambassadeurs civils (minjian dashi 民間大使) dans le cadre des relations sino-japonaises (Yang 2015 : 215)12. Cela n’est pas sans évoquer les mesures adoptées par le ministère de l’Éducation en 2016 visant à faire des étudiants des ambassadeurs civils chargés d’assurer la propagande du « rêve chinois » (Thunø 2018 : 191). Certains événements auxquels la NOCECAJ a participé sont surtout d’ordre symbolique, à l’instar de la célébration du 60e anniversaire de la RPC en 2009 à Tokyo, à laquelle ont assisté des milliers de Chinois, aux côtés de l’ambassadeur de Chine Cui Tiankai 崔天凱 et de certains politiciens japonais13.
- 14 Consulat général de RPC à San Francisco, « President Hu Jintao Attends and Addresses a Welcoming Re (...)
27D’autres événements auxquels la NOCECAJ a pris part ont contribué aux relations diplomatiques de manière plus directe. Cela a été le cas par exemple de son implication dans l’organisation d’une réception de bienvenue organisée en l’honneur du président de l’époque, Hu Jintao 胡錦濤, qui s’est tenue à Tokyo le 8 mai 2008. Jusqu’alors, les dirigeants chinois étaient reçus par les « sept groupes d’amitié Japon-Chine » (Ri Zhong youhao qi tuanti 日中友好七團體), mais en 2008, la NOCECAJ et trois autres associations chinoises étaient présentes à la réception du président Hu (Yang 2015 : 208-11)14. L’amélioration de l’image de la Chine peut également prendre la forme d’une participation aux actions de secours menées au Japon, comme cela a été le cas lors de la collecte de dons et de la livraison de denrées alimentaires dans les zones sinistrées organisées après le tremblement de terre et la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011 (ibid. : 211-4). En bref, on retrouve dans tous les discours et les activités de la NOCECAJ puis de l’AJF la trace des principaux changements dans les politiques de mobilisation de la diaspora – qu’il s’agisse du regroupement des associations diasporiques, de la promotion du développement technologique et scientifique, ou de son implication en matière de diplomatie publique – ainsi que celle de l’investissement croissant des gouvernements locaux.
28Cette section examine plus précisément les stratégies mises en place sur une période de dix ans par les huit membres fondateurs de la NOCECAJ. Selon Liao Chiyang, bien que certaines de ces associations aient une fonction avant tout symbolique, tandis que d’autres jouent un rôle plus actif, toutes s’intéressent aux cinq enjeux suivants : l’échange entre les membres ; l’avancement de la société des Chinois d’outre-mer ; le développement et l’unification de la Chine (deux des trois principaux objectifs fixés par la politique diasporique chinoise) ; les échanges sino-japonais ; et le développement des réseaux chinois à travers le monde (Liao 2012a : 10-1, 13). Toutefois, il convient également de noter les intérêts en matière d’économie et de développement des savoirs à l’échelle régionale que servent ces associations.
Les huit grandes associations fondatrices sont, par ordre chronologique de création (ibid. : 10) :
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L’Association des scientifiques et ingénieurs chinois du Japon (Association of Chinese Scientists and Engineers in Japan, ACSEJ), zai Ri Zhongguo kexue jishuzhe lianmeng 在日中國科學技術者聯盟 (créée en 1993)
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L’Association des anciens étudiants chinois du Japon (Association of Chinese Alumni in Japan, ACAJ), Zhongguo liu Ri tongxuehui 中國留日同學會 (créée en 1995)
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<#ITALIQUES#></#ITALIQUES#>L’Association pan-japonaise des docteurs chinois (All-Japan Chinese Doctoral Association, ACDA), quan Riben Zhongguoren boshi xiehui 全日本中國人博士協會 (créée en 1996)
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La chambre de commerce chinoise au Japon (Chinese Chamber of Commerce in Japan, CCCJ), Riben Zhonghua zongshanghui 日本中華總商會 (créée en 1999)
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L’Association des avocats chinois du Japon (Association of Chinese Lawyers in Japan, ACLJ), zai Ri Zhongguo lüshi lianhehui 在日中國律師聯合會 (créée en 2000)
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L’Association des nouveaux Chinois d’outre-mer de l’ouest du Japon (The Western Japan New Overseas Chinese Association, WJNOCA), xi Riben xin Huaqiao Huaren lianhehui 西日本新華僑華人聯合會 (créée en 2002)
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La Fédération des Chinois d’outre-mer d’Hokkaido (The Hokkaido Overseas Chinese Federation, HOCF), Beihaidao Huaqiao Huaren lianhehui 北海道華僑華人聯合會 (créée en 2003)
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La Société des professeurs chinois du Japon (The Society of Chinese Professors in Japan, SCPJ), Riben Huaren jiaoshou huiyi 日本華人教授會議 (créée en 2003)
29La volonté d’œuvrer au développement scientifique et technologique est perceptible dès l’énoncé de mission de l’Association des scientifiques et ingénieurs chinois du Japon : elle encourage les échanges scientifiques et technologiques entre la Chine, le Japon et d’autres pays, qu’elle souhaite guidés par le « pragmatisme », la « création de passerelles » et le « dévouement »15. L’association a organisé des rencontres universitaires et des expositions pour apporter son soutien à des organisations gouvernementales ou non, à l’instar du ministère des Sciences et de la Technologie, le BACO, l’ACFROC et l’Académie chinoise des sciences16. Son site internet mentionne également l’Organisation sino-japonaise pour la promotion des technologies de pointe (Zhong Ri gaokeji cujin jigou 中日高科技促進機構), fondée en 2009, qui soutient les échanges sino-japonais en matière de technologies de pointe, les gouvernements locaux et les programmes d’échange pour la jeunesse, le recrutement de talents étrangers ainsi que des services scientifiques, technologiques et d’information17.
- 18 Site internet de l’ACAJ, « 中國留日同學會代表拜會中華人民共和國駐大阪總領事薛劍 » (Zhongguo liu Ri tongxuehui daibiao baihui (...)
- 19 Site internet de l’ACAJ, « Kaichō aisatsu » (Vœux du président), http://acajapan.org (consulté le 2 (...)
- 20 La traduction anglaise proposée sur le site internet est « Chinese Academy of Science and Engineeri (...)
- 21 Site internet de l’ACDA, « 協會章程 » (Xiehui zhangcheng, Règlement de l’association), www.casej.jp/cn/ (...)
- 22 Site internet de l’ACDA, « 協會章程 » (Xiehui zhangcheng, Règlement de l’association), op. cit.
- 23 « 全日本中國人博士協會2019 (…) » (Quan Riben Zhongguoren boshi xiehui 2019 (…), La réunion annuelle de l’Asso (...)
30Les membres de l’Association des anciens étudiants chinois du Japon (ACAJ), dont 40 % sont titulaires d’un doctorat, travaillent au Japon, dans des universités, des instituts de recherche ou des entreprises. Parmi les activités de l’ACAJ figure l’organisation de cérémonies de remise de prix qui récompensent l’excellence en matière de recherche et d’innovation18. Par ailleurs, l’association cherche tout particulièrement à renforcer la collaboration et l’échange de talents avec les gouvernements locaux en Chine, et fait office de plateforme pour les anciens étudiants chinois du Japon qui retournent en Chine et y créent leur entreprise19. L’Association pan-japonaise des docteurs chinois (ACDA)20, fondée en 1996, encourage, elle aussi, le développement scientifique et technologique de la Chine. Ses adhérents sont pour la plupart des titulaires d’un doctorat qui travaillent dans des institutions ou des entreprises japonaises liées au développement technologique. En décembre 2019, l’association comptait 684 membres ainsi que des branches à travers la Chine21. L’ACDA développe les échanges universitaires et la coopération entre ses membres sur le plan de la recherche en organisant des conférences universitaires, en publiant des revues et en encourageant la transmission des savoirs22. Elle interagit également avec d’autres associations, des représentants du gouvernement et des responsables officiels des affaires des Chinois d’outre-mer (qiaowu 僑務), là encore souvent au niveau des gouvernements locaux, pour élaborer les politiques de la Chine et du Japon dans le domaine des sciences et des technologies de pointe. Ainsi, la réunion annuelle de l’ACDA qui s’est tenue à Tokyo en décembre 2019 a-t-elle été marquée par la participation de représentants du Bureau de représentation économique et commerciale de Shenzhen au Japon, de l’ancien directeur de l’Administration d’État des affaires des experts étrangers (State Administration of Foreign Experts Affairs) et de représentants du bureau japonais de l’Association chinoise d’échange de talents internationaux (China International Talent Exchange Association). Elle s’est également engagée auprès de diplomates et de responsables des qiaowu à l’échelle locale pour développer les échanges scientifiques et technologiques entre la Chine et le Japon. Par exemple, entre le mois d’août et le mois d’octobre 2015, elle est entrée en contact avec, entre autres, l’ambassade de Chine au Japon, le directeur du Bureau des affaires des experts étrangers à Tianjin, et des responsables des qiaowu au Jiangsu (Jia 2019 : 154)23.
- 24 Site internet du CCCJ, « 關於我們 » (Guanyu women, Qui sommes-nous ?), www.cccj.jp/?mid=1&lan=zh (consu (...)
- 25 Site internet du CCCJ, « Kaichō aisatsu » (Vœux du président), www.cccj.jp/?mid=8&lan=ja (consulté (...)
- 26 Site internet de l’ACLJ, « 歡迎訪問 » (Huanying fangwen, Bienvenue), https://acljsite.wordpress.com (co (...)
- 27 Site internet de l’ACLJ, « 歡迎訪問 » (Huanying fangwen, Bienvenue), op. cit. ; Site internet de l’ACLJ (...)
31La chambre de commerce chinoise au Japon, fondée en 1999 à Tokyo, a pour mission de stimuler le développement économique régional et de « construire une plateforme d’échanges économiques entre les Chinois d’outre-mer installés au Japon, la Chine et le reste du monde » (Liao 2012b : 24)24. En avril 2019, elle totalisait plus de 320 membres, et comptait plus de 70 entreprises japonaises comme membres bienfaiteurs. En plus de son siège social de Tokyo, la chambre dispose de branches régionales dans le Kansai et à Niigata25. Elle coopère avec des associations de divers secteurs, et notamment avec des associations de Chinois d’outre-mer impliquées dans le secteur économique (ibid.). L’Association des avocats chinois du Japon est une association professionnelle dont la mission est « de renforcer le professionnalisme » et « de développer les échanges internationaux26 ». Elle s’est également impliquée dans la stratégie de soutien (abordée plus loin) en proposant des consultations juridiques semestrielles gratuites aux Chinois du Japon, pour les aider à résoudre leurs problèmes de divorce, de visa ou des litiges économiques. En outre, elle contribue aux objectifs politiques essentiels que sont par exemple la promotion de « la construction et la réunification de la patrie » et le développement de l’amitié sino-japonaise27.
32Quant à l’Association des nouveaux Chinois d’outre-mer de l’ouest du Japon, basée à Osaka, elle affiche comme ambition « le patriotisme, l’installation, l’unité et l’assistance mutuelle, ainsi que la paix et l’amitié ». Parallèlement à l’objectif de réunification pacifique officiellement fixé par les politiques diasporiques, elle cherche à réunir les différentes associations de l’ouest du Japon et à construire une « “communauté harmonieuse” pour les Chinois d’outre-mer ». Elle souhaite également constituer une plateforme d’échange pour les Chinois installés à l’ouest du Japon et faire progresser l’amitié sino-japonaise28. La Fédération des Chinois d’outre-mer d’Hokkaido renforce la coopération mutuelle et les échanges entre les Chinois d’Hokkaido, et œuvre à l’amélioration de leur statut social ainsi qu’au développement économique de la région. Elle apporte également son soutien aux échanges sino-japonais ainsi qu’au développement économique, culturel, scientifique et technologique des deux pays29.
33La stratégie en matière de diplomatie publique se manifeste surtout dans les objectifs et les activités de la Société des professeurs chinois du Japon, fondée par Zhu Jianrong 朱建榮, un universitaire spécialisé en science politique (Liao 2012a : 17). Zhu, dont la formation a été marquée par l’histoire complexe des relations sino-japonaises, compare la Société des professeurs chinois du Japon au Comité des 100 (C-100, bairenhui 百人會), fondé aux États-Unis en 1989 par des membres de l’élite sino-américaine pour renforcer l’implication sociale des Chinois d’Amérique et consolider les liens entre les deux pays (ibid. : 28-9)30. En décembre 2020, elle comptait environ 110 membres issus des sciences, de l’ingénierie, de l’agriculture ainsi que des sciences humaines et sociales31. La plupart de ses membres sont détenteurs d’un doctorat et sont professeurs d’université, même si certains travaillent également en tant que chercheurs dans des groupes de réflexion ou bien en tant que critiques indépendants ou écrivains. La majorité d’entre eux sont des Chinois du continent de nationalité chinoise, même si quelques-uns sont originaires de Taïwan ou de Hong Kong. Certains sont d’« anciens » Chinois d’outre-mer, des Chinois de deuxième génération de nationalité japonaise ou encore des Chinois d’Asie du Sud-Est (ibid. : 14-20).
- 32 Site internet de la SCPJ, « Kaisoku » (Règlement), op. cit.
- 33 Site internet de la SCPJ, « Kore made no katsudō » (Activités à ce jour), http://scpj.jp/?cat=14 (c (...)
34La Société compte plusieurs comités de recherche qui reflètent ses principales préoccupations : la politique et l’économie chinoises, les relations sino-japonaises, le développement de la Chine occidentale et septentrionale, les talents chinois, les technologies de l’information et la culture chinoise (ibid. : 14). À l’instar d’autres associations, elle promeut l’unité et l’amitié sino-japonaise32. Depuis 2004, la Société organise chaque année un séminaire abordant des thématiques contemporaines, telles que le Covid-19, les relations sino-américaines et la mondialisation, ou encore les relations sino-japonaises, comme cela a été le cas en 2020 et 202133. La Société est en relation avec de grandes entreprises telles que Toyota ainsi qu’avec la chambre de commerce chinoise ou encore d’anciens premiers ministres étrangers, des ambassadeurs, l’ambassade de Chine au Japon et des représentants du Conseil des affaires d’État. Elle envoie également chaque année une délégation sur le sol chinois, et des représentants du gouvernement assistent à ses principaux événements depuis 2003. Son principal interlocuteur reste toutefois le ministère japonais des Affaires étrangères, avec lequel ont été organisées des réunions formelles et informelles (ibid. : 23-6 ; Jia 2019 : 152).
35En bref, les huit membres fondateurs du NOCECAJ/AJF soutiennent les échanges scientifiques, technologiques et culturels, et œuvrent au retour des talents sur le sol chinois ainsi qu’à l’instauration d’une plateforme d’information et de services. L’action diplomatique figure clairement dans les stratégies de certaines associations, mais la mesure dans laquelle des associations telles que la SCPJ sont engagées dans les relations sino-japonaises est singulière, et intrinsèquement liée à l’histoire des relations entre les deux pays. Les statuts de chacune des associations insistent tout particulièrement sur l’amitié sino-japonaise, et nombre d’entre elles cherchent à contribuer à la vie de la société japonaise et à améliorer l’image des Chinois au Japon. Comme nous l’avons remarqué, ces associations soutiennent les stratégies officielles de mobilisation de la diaspora. Néanmoins, en raison de leur implication dans le progrès scientifique et technologique et le développement des connaissances, nombre d’entre elles promeuvent les intérêts économiques à l’échelle régionale ou locale, et interagissent plus particulièrement avec les gouvernements locaux en Chine ainsi qu’un grand nombre d’autres acteurs locaux.
36Un dernier changement notable survenu dans les années 2010 mérite d’être abordé. Il concerne la place qu’occupe le soutien apporté à la diaspora à la fois dans le discours officiel chinois et dans la mobilisation de la diaspora. Ce changement s’inscrit dans le cadre d’une évolution plus générale amorcée dans les années 2000, dans le contexte de l’essor économique de la Chine et de ses tentatives de gagner en influence sur le plan politique, et tend vers une meilleure protection des ressortissants chinois à l’étranger et la mise en œuvre de différentes initiatives et actions lorsque des catastrophes naturelles se produisent ou, plus récemment, au moment de la pandémie de Covid-19 (Thunø 2018 : 191-202 ; Zhang 2019 : 27-50 ; voir Leung dans ce dossier). En plus des missions de secours menées depuis le début des années 2000, ces initiatives comprennent également la protection des entreprises appartenant à des Chinois installés dans diverses localités, et même la protection des touristes chinois dans les grandes villes européennes (Thunø 2018). Depuis 2018, avec l’intégration du BACO au département du travail du Front uni (DTFU), les notions d’unité et de soutien, ainsi que le rôle diplomatique des Chinois à l’étranger ont fait l’objet d’encore plus d’attention.
- 34 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 譚天星 : 關於僑務工作基本經驗的一些認識 » (...)
37Ainsi, dans un discours prononcé en 2019, Tan Tianxing 譚天星, le directeur adjoint du DTFU, a souligné l’unité entre les Chinois résidant sur le continent, les Chinois d’outre-mer et leurs proches, ainsi que la direction et la gestion unifiées du travail concernant les Chinois d’outre-mer. Tan a également fait référence au soutien apporté aux Chinois d’outre-mer et à la protection de leurs droits et de leurs intérêts. Il les a en outre exhortés à poursuivre l’étude de la pensée de Xi Jinping 習近平 concernant le DTFU et à « prendre en main les affaires des Chinois d’outre-mer » (qiaowu gongzuo de shiganjia 僑務工作的實幹家)34. Comme le note Ding Sheng, l’intégration du BACO au sein même du DTFU « souligne également l’importance croissante de la diaspora chinoise en tant que nouvel instrument et plateforme au service de la diplomatie chinoise » (Ding 2022 : 65).
- 35 Site internet de l’AJF, « 全日本華僑華人社團聯合會理事會換屆改選第十一屆理事會第一次全體會議(網絡)成功召開 » (Quan Riben Huaqiao Huaren sh (...)
38De même, la stratégie de soutien à la diaspora chinoise est clairement encouragée dans le contexte japonais. Dans un discours prononcé en avril 2021, le président réélu de l’AJF, He Naihe 賀乃和, a mentionné le « soutien apporté aux Chinois d’outre-mer », tandis que dix nouveaux comités ont été créés pour soutenir les Chinois du Japon et « jouer un plus grand rôle dans le développement des échanges sino-japonais35 ». Le quatrième président de la Fédération, Chen Daiheng 陳玳珩, avait lui aussi souligné auparavant que la Fédération était avant tout une organisation de soutien (Yang 2015 : 217-8).
39Le pendant institutionnel à cette rhétorique du soutien est l’existence des centres de services chinois, partiellement financés par le BACO et l’Association chinoise pour les échanges avec l’étranger depuis leur création en 2014. Le centre de services chinois de Tokyo, inauguré en 2014, est géré conjointement par le BACO et l’Association pour les échanges avec les Chinois de l’étranger de Tokyo (Dongjing Huaqiao zonghui 東京華僑總會). C’était le deuxième centre de ce type au monde, après celui de San Francisco. On peut lire sur son site que :
- 36 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (ancienne version), « 關於東京華助中心 » (Guanyu Dongj (...)
Le « centre de services chinois » est une organisation non gouvernementale (minjian 民間) à but non lucratif, gérée par les Chinois d’outre-mer pour les Chinois d’outre-mer (qiaobao 僑胞). Avec l’appui des associations de Chinois d’outre-mer, il s’adresse à tous les Chinois d’outre-mer et est ouvert à tous. Son fonctionnement est en conformité avec la loi, et il est soutenu par le gouvernement (du pays de résidence et du pays d’origine). Il entend « adhérer aux principes d’“unité, d’entraide, de service et de dévouement” et développer son rôle de prise en charge, d’assistance et d’intégration36 ».
- 37 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 關於我們 » (Guanyu women, Qu (...)
- 38 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 東京華助中心換屆, 賀乃和任代表理 » (Don (...)
- 39 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 新聞公告 » (Xinwen gonggao, (...)
- 40 Site internet du centre de services chinois de Tokyo (nouvelle version), « 東京華助中心提醒 : 關於中國駐日本大使館新年全 (...)
- 41 Site internet du centre de services chinois (nouvelle version) « 東京華助中心協辦面向華人的免費法律諮詢會 » (Dongjing h (...)
40Comme on peut le voir ci-dessus, le centre promeut l’unité et l’intégration, en plus d’être tourné vers le soutien et l’assistance, ce qui comprend également l’amélioration du niveau de service fourni par les agences chargées des Chinois d’outre-mer37. En mars 2021, He Naihe et Chen Longjin 陳隆進, président de l’Association des Chinois d’outre-mer de Tokyo, en ont été élus directeurs38. Le centre, qui a pour vocation de promouvoir l’unité et l’intégration, parraine des événements sportifs tels que des compétitions de tennis de table, ou encore des cérémonies de commémoration. En outre, il diffuse les informations relatives aux festivals, aux séminaires, aux visites de délégations chinoises ou de responsables des qiaowu, ou encore aux activités liées aux associations chinoises du Japon39. Cette stratégie de soutien recouvre des aspects pratiques, tels que l’aide aux demandes de visa et de passeport40. Certains des services rendus par le centre de services chinois de Tokyo impliquent une coopération avec les membres de la NOCECAJ/AJF. Ainsi, en mai 2016, le centre a aidé l’Association des avocats chinois du Japon à organiser ses consultations juridiques gratuites destinées à aider les Chinois du Japon à régler leurs problèmes de visas, d’immobilier, de conflits au travail et de contrat, ou à gérer les accidents41. Par ailleurs, comme le montrent d’autres articles de ce dossier, cette stratégie de soutien est également mise en vigueur au niveau local, parfois par le biais de plateformes virtuelles de services, les gouvernements locaux jouant le rôle d’innovateurs plutôt que de bénéficiaires passifs (voir Bofulin dans ce dossier).
41Enfin, comme certains des membres de la NOCECAJ/AJF, le centre soutient la création d’une plateforme numérique intégrée pour la mobilisation de la diaspora. Souvent, les messages publiés sur son site internet reprennent des articles parus dans le Zhongwen daobao, le magazine de référence qui, avec le 日本新華僑報 Riben xin Huaqiao bao, a été fondé au Japon dans les années 1980 pour tenir la communauté chinoise informée (Liao 2012a : 26). Sur le site internet du centre figurent également des liens vers d’autres publications, menant ainsi les lecteurs vers des médias tenus par les communautés chinoises d’outre-mer tels que 海外網 Haiwai wang ou vers des médias liés aux politiques diasporiques tels que 中國僑網 Zhongguo qiaowang. Ce dernier est le principal site internet de 華聲報社 Huasheng baoshe, journal intégré à l’agence Chine nouvelle depuis 2005. Il fournit des informations aux Chinois d’outre-mer du monde entier et fonctionne en Chine comme une plateforme d’information pour les politiques relatives aux Chinois d’outre-mer (École de cadres pour les affaires des Chinois d’outre-mer du BACO 2006 : 245-8). Malgré ces références croisées, il n’existe pas de description claire quant à la façon dont cette plateforme numérique intégrée est envisagée.
42Cet article analyse comment le phénomène général d’évolution vers des interactions accrues entre les gouvernements chinois à l’échelle locale et les associations de Chinois d’outre-mer – au service de stratégies économiques et diplomatiques de plus en plus fédérées – se déroule au Japon. Ses principales conclusions sont qu’au Japon, l’aspect économique prend principalement la forme d’un soutien au recrutement de talents dans les domaines des STEM, tandis que le volet diplomatique concerne essentiellement l’amélioration des relations sino-japonaises et de l’image des Chinois au Japon. Comme ailleurs, cependant, il existe des interactions évidentes entre ces associations et les gouvernements chinois à l’échelle locale et les bureaux du BACO à l’échelle provinciale et municipale. Comme je l’ai montré, ces interactions multiscalaires apportent de la complexité à l’idée d’un État diasporique unique et nous incitent à dépasser une conception de la mobilisation de la diaspora se limitant à une forme de cooptation passive. Les modèles construits autour du « transnationalisme dirigé par l’État » ou de la « gouvernance en réseau », malgré leurs mérites, occultent les institutions locales, et surtout les interactions entre une multiplicité d’acteurs. Par conséquent, compte tenu du rôle croissant des associations dans les domaines de l’économie et du développement des savoirs, ainsi que celui que les villes, les provinces et les autres localités jouent dans ce processus, la notion d’« assemblage » (Iskander 2015 ; Dickinson 2017) offre une approche particulièrement pertinente. Il faudrait mener davantage d’études sur les nombreux autres acteurs impliqués dans ce changement d’orientation qui a conduit les associations de nouveaux migrants chinois à se tourner vers le développement économique et celui des connaissances, ainsi que sur la manière dont cela correspond, ou au contraire s’oppose, au rôle que les associations de migrants peuvent jouer dans la mobilisation de la diaspora au sein d’autres contextes économiques, politiques et géographiques.