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Texte et contre-texte pour la période pré-moderne

Stéphane Marcotte
Édité par Nelly Labère
Référence(s) :

Texte et contre-texte pour la période pré-moderne, Nelly Labère (éd.), Bordeaux, Ausonius Éditions, « Scripta mediaevalia 23 », 2013, 256 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage de belle facture (diffusé par l’excellente librairie De Boccard à Paris), au titre quelque peu intrigant, comporte seize contributions consacrées à ce que l’on pourrait d’abord appeler, par commodité et pour fixer provisoirement les idées, les formes littéraires de la subversion, par détournement ou parodie, à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, dans le domaine d’oïl. Prenant pour point de départ – comme bon nombre d’auteurs de ce recueil – un travail de Pierre Bec sur la poésie lyrique occitane (Burlesque et obscénité chez les troubadours. Le contre-texte au Moyen Âge, Paris, 1984), dont l’intitulé dit l’essentiel, Nelly Labère élargit en sa présentation (p. 9-18) la notion de contre-texte – laquelle s’appliqua d’abord, en psychocritique, à l’ensemble de toutes les réactions possibles au texte, constituant pour ainsi dire son complément – à une production textuelle qui use des codes formels en vigueur dans un genre pour en subvertir le contenu, par réaction, peut-on dire, à celui-ci. L’exemple qui fonde la réflexion de P. Bec est celui de Guillaume de Poitiers chantant simultanément un idéal de fin’amor et sa contre-face obscène, sans qu’en termes de valeur on puisse objectivement trancher sur ce qui prévaut, fait qui suggère que la contre-textualité doit être analysée comme un rapport de complémentarité autant que d’opposition, que l’interprétation de la littérature devrait de préférence être globale, axiologiquement associative plutôt que séparante. Le débat engagé est donc aussi celui de la norme littéraire et de la relation qu’entretiennent les références littéraires et les formes qui leur sont opposées, programmant peut-être la possible substitution de celles-ci à celles-là. Je ne puis ici entrer dans le détail de la courte mais dense préparation à la lecture procurée par Nelly Labère (prolongée par les trois « chapeaux » de chacune des trois sections où se regroupent l’ensemble de ces études), qui fait brillamment miroiter, et nous éblouit ainsi de diverses façons, les multiples facettes du contre-texte, suggérant que toute littérature est à envisager dans un rapport dialectique du pour et du contre, en quelque sens que l’on prenne ce dernier mot (opposition ou proximité).

2Nous n’omettrons pas de signaler en commençant que l’ouvrage est pourvu d’une abondante bibliographie constituée des sources manuscrites (p. 229-230) et des ouvrages cités (p. 231-243), ainsi que de trois index, des auteurs, des œuvres et des notions (p. 244-256), bref que les éditions Ausonius ont parfaitement joué le jeu, lourd mais nécessaire, de la production universitaire, ce qui n’est pas toujours le cas par les temps qui courent et vaut d’être salué.

3Un premier ensemble de contributions (« À la marge : représenter le contre-texte ») s’intéresse à la forme même de l’écrit médiéval. Dans une première sous-section (« La matérialité du contre-texte ») Tania Van Hemelryck, dont le propos est général et théorique, s’intéresse au contre-texte matériel, marges et feuillets de garde, qui encadre ou entoure le texte (« Cachez cette marge que je ne saurais voir… », p. 25-31). Elle examine la place de ces notions dans la codicologie et la philologie modernes et, par quelques exemples (Le Débat de deux amants [Bruxelles, KBR 11034], de Christine de Pizan, François Villon [Stockholm, KB ms. Vu 22], Les Lunettes des princes, de Jean Meschinot [Tours, BM 905]) montre la sous-exploitation, ou plus rarement la sur-exploitation, en tout cas l’utilisation insatisfaisante, des données contenues dans ces espaces externes par l’ecdotique jusque contemporaine. La conclusion de l’auteur est que la marge est un « lieu de dialogue et de communication, témoin de la vie d’un texte dont les richesses ne peuvent être saisies que si l’on entreprend l’approche en contre-point de ces contre-textes ». Elle en appelle à la « nouvelle philologie » pour donner à ces espaces, par vocation a-textuels mais parfois saturés d’une textualité envahissante, leurs lettres de noblesse. On trouvera plus bas une parfaite application de ce propos sous la plume de Philippe Frieden, mais en voici déjà une, remarquable, proposée par Olivier Delsaux (« Le texte contre comme contre-texte. Observations sur les fonctions des colophons en moyen français », p. 33-50), qui ne s’intéresse qu’à ce qu’indique son titre, c’est-à-dire au colophon (i. e. « énoncé où le scribe d’un manuscrit fournit des informations relatives à sa confection », p. 33). Le colophon de scribe, dit-il, est l’un des péritextes (i. e. « tout ce qui ne fait pas partie de l’assemblage verbal qu’est le texte », p. 33) les moins sérieusement étudiés, en raison du caractère stéréotypé qu’il présente souvent dans les textes latins. L’étude, qui porte sur un corpus de quelque 450 pièces figurant dans des manuscrits de textes littéraires français, montre que le colophon de scribe est le lieu où s’entend la voix de celui-ci, en concurrence avec celle l’auteur, contre laquelle elle tente d’obtenir sa reconnaissance, de sortir de son anonymat servile, par divers moyens parfaitement décrits, y compris par un cryptage de signature (p. 41), en un temps où le copiste est plus que jamais un maillon indispensable dans la chaîne de transmission du savoir. La seconde sous-section (« Con[tre]texte ») s’ouvre par une contribution de Jelle Koopmans (« Contre-textes et contre-sociétés », p. 54-61) qui, tout en se situant dans le sillage de Pierre Bec, qui faisait du contre-texte un élément d’une contre-culture, note que cette notion même, devenue pour ainsi dire institutionnelle, a partiellement perdu de sa pertinence, et qu’il convient de la revivifier par la saine critique de ses fondements. En s’appuyant (brièvement) sur quatre types d’exemples : pratique folklorique (culte populaire des saints), texte dramatique (la moralité lucernoise Convivii Prozess jouée au carnaval en l’an 1594, adaptation de la Condamnation de Banquet de Guillaume Flamang), « causes grasses de la basoche » (pas de référence précise) et chansons populaires écrites en moyen français, Jelle Koopmans essaie d’affiner la silhouette un peu grossière du contre-texte médiéval en s’affranchissant des catégories faciles censées le caractériser (l’obscène, le burlesque, le parodique). Cette contribution, certes stimulante en ce qu’elle s’efforce de combattre les idées trop bien reçues en matière de contre-culture, qu’elle interroge brillamment, n’aboutit à aucun résultat concret, si ce n’est à ceci, qui paraît pour le moins plausible, sinon dès l’abord évident, s’agissant d’une littérature opposée, que « le champ textuel n’est pas un domaine clos, qu’il faut interroger les textes à partir de leur propre fonctionnalité » (p. 61). Margarida Madureira (« Parodie et contre-texte : Le Sermon Joyeux de la Choppinerie », p. 63-69) prend bien moins de distance que Jelle Koopmans à l’égard des vues de Pierre Bec sur le contre-texte, assez simplement conçu ici, à partir de l’étude d’un sermon joyeux, « parodie de la prédication sérieuse » (p. 63), genre en vogue aux xve et xvie siècles et contre-textuel par nature, comme expression d’une extra-vagance culturelle et – tout particulièrement dans les passages étudiés, où le français farceur fait la nique au latin sérieux – linguistique. Cette étude courte, mais bien menée, intéressera tout particulièrement ceux qui réfléchissent aux questions de diglossie.

4La deuxième section (« Motifs contre-textuels ») et la première sous-section (« conjointure et contrefacture ») s’ouvrent par un article de Patricia Victorin (« Le paradoxe nostalgique ou Chrétien de Troyes revu et corrigé dans le Conte du Papegau : Anti-doxa ou ante-doxa ? », p. 77-84), qui prend elle aussi pour point de départ les considérations de P. Bec sans guère les remettre en question, hormis sur le problème de la réception (pour P. Bec le contre-texte suppose que les lecteurs du texte ‘normal’ et du texte ‘déviant’ soient les mêmes), évident ici en raison de l’écart temporel entre le modèle (Chrétien) et l’imitateur (anonyme de la fin du xive ou du début du xve siècle). C’est précisément une réflexion sur la réception de ce texte ‘marginal’ (au moins par sa diffusion : un seul manuscrit connu) que l’auteur nous offre, associée à de pertinentes considérations sur le cliché et le « paradoxe nostalgique, fondateur de la rétroécriture [ou réécriture] », qui « repose sur la présence simultanée du vieux et du neuf » (p. 84), c’est-à-dire du texte et du contre-texte dans un même hyper-texte, fait qui prend dans le Conte du Papegau une dimension particulière, si l’on admet, avec Patricia Victorin, que l’auteur, par un jeu subtil de flashback, cherche aussi à donner un avant au texte de Chrétien et à faire ainsi de ce dernier même un continuateur, donc un autre (et fictif) contre-texte. Le long article suivant, dû à Jean-Claude Mühlethaler (« Histoires d’amour à l’ombre d’un poirier : entre réécriture et parodie [du Cligès de Chrétien de Troyes au Cligès en prose] », p. 85-100) pourrait presque se passer de commentaire tant son titre semble explicite. Il faut pourtant s’y attarder, car non seulement l’auteur aborde la problématique du contre-texte sous un angle original et particulièrement intéressant, à la fois théorique et pratique (comment, se demande-t-il, un même motif, soit une rencontre amoureuse à l’ombre d’un poirier, peut, en certains contextes, paraître parodique, sans que l’on sorte officiellement du registre courtois, comment « mesurer cette différence dans la parenté qui distingue le sérieux du ludique » [p. 85] ?), mais il nous fait goûter, dans son enquête sur la poire et le poirier, à bien plus de textes que les deux Cligès susnommés, le terme étant la XLIe nouvelle des Cent Nouvelles Nouvelles qui relate une rencontre amoureuse tout analogue à celles des textes courtois, à ceci près que les protagonistes en sont une nonne et un moine jacobin. Au terme d’un examen subtil, et véritablement passionnant, il suggère que ce dernier maillon fait ressortir la véritable portée du texte de Chrétien, dont la scène du poirier est idéalisée par ses épigones, mais qui se révèle par contraste plus décalée qu’il ne paraît. La seconde sous-section, intitulée « contre-lectures », est ouverte par une contribution d’Hélène Haug (« Les scènes de lecture en moyen français : modèles, réécritures…subversions ? », p. 103-112) ; l’article, qui offre d’intéressantes considérations méthodologiques (p. 104-106), se présente sous la forme d’une enquête qui « vise à décrire les modes de lecture en vigueur dans les cours françaises et bourguignonnes à la fin du Moyen Âge » (p. 104) ; il s’agit d’établir des modèles-types de scènes de lectures (pieuse, studieuse, divertissante) afin de mettre en évidence leur « subversion » dans les romans, et surtout dans la farce. Madeleine Jeay poursuit avec une étude intitulée « Les Évangiles des Quenouilles : contre-texte de référence pour Jean Molinet et Eloy d’Amerval » (p. 113-123), dans laquelle elle montre comment ces deux auteurs utilisent plus que probablement Les Évangiles des Quenouilles comme un contre-texte, chacun à sa manière, le premier sans en renier les intentions parodiques, concevant même son texte comme un prolongement de celles-ci, le second pour les dénoncer dans une perspective pastorale.

5La troisième section (« Auteur et autorité ») s’ouvre sur une première sous-section intitulée « Contre-textualités narratives : le “moi” en débat » ; elle est inaugurée par Luca Pierdominici qui nous offre, dans « Les visions du moi dans le Paradis de la reine Sibylle d’Antoine de La Sale » (p. 131-144), une intéressante et subtile dissertation sur les instances narratives, et leur rapport au voyage, au temps qui passe, au changement, dans le texte polymorphe, très ambigu dans ses intentions, et qui s’affirme de nouveau ici comme un très grand texte, que La Sale écrivit pour Agnès de Bourbon, au point que l’auteur peut suggérer avec vraisemblance que « la possibilité de donner différentes interprétations de la même histoire introduit dans le Paradis les résonances du texte et de son propre contre-texte » (p. 143), ce que le texte, parsemé de signes ambivalents, où signifiants et signifiés se dissocient « dans une sorte de désincarnation sémantique » (p. 140), parvient à faire par un travail subtil sur l’étoffe même de la langue. C’est à un autre gros morceau que s’intéresse Philippe Frieden (« Jean de Meun et le Testament de la Rose », p. 145-156). L’auteur fait d’abord utilement le point sur certains éléments factuels (tradition manuscrite et titre) de ce texte attribué très tôt à Jean de Meun, très diffusé (117 mss également répartis sur les xve et xvie siècles), qui comporte, selon les cas, entre 530 et 550 quatrains d’une poésie moralisante, dont la thématique est proche de celle du Roman de la Rose. Il pourrait avoir été composé par Jean de Meun entre 1291 et 1305. L’originalité du point de vue adopté ici est qu’il considère le Testament comme un contre-texte, non pas en raison de son contenu (il ne s’écarte pas des préoccupations du Roman de la Rose), mais de sa mise en recueil et de son environnement codicologique, incipit et explicit, qui font de ce texte « le passage obligé qui conduit aux contre-textes rédigés in extremis par Jean de Meun. » (p. 156). Je ne puis que renvoyer ici à l’analyse exemplaire et pénétrante donnée par P. F., laquelle apparaît ainsi comme l’illustration manquante de l’article de Tania Van Hemelryck. Dans le dernier article de cette sous-section (« Le Silène de Rabelais : jeu et enjeux d’un contre-texte de la Renaissance », p. 157-165), Peter Frei tente de comprendre ce qui fait d’un texte un contre-texte, c’est-à-dire un facteur de rupture dans la continuité des mentalités : « comment certains textes en sont-ils venus à rendre pensable ou dicible une fracture dans l’ordre des idées et des représentations […] ? » (p. 157). Après une courte introduction densément théorique, il s’intéresse à la description du Silène que donne Rabelais dans le prologue de son Gargantua, qu’il confronte, pour en faire percevoir la nouveauté, à celles que pouvaient en donner ses contemporains au tournant du xve et du xvie siècle. Tout comme Érasme, Rabelais utilise la dualité du Silène non seulement comme motif, mais il en fait la forme même de son discours, dans un moment (la fin du Moyen Âge), qui est le temps par excellence de la crise des signes (politiques et religieux) et l’avènement d’un autre rapport à la littérature. La deuxième sous-section, intitulée « Contre-textualités lyriques : la mort du poète », s’ouvre par une longue lecture « carnavalesque » du Testament de Villon par Karin Becker (« Villon et la danse macabre », p. 169-185). L’hypothèse que l’auteur cherche à vérifier, et qui fut parfois émise mais sans recevoir l’approfondissement dû, est que « le Testament dans son intégralité participe [au] renouvellement du genre de la danse macabre », en cherchant à comprendre « à quel point la composition entière obéit au principe structurel de la danse macabre » (p. 170), poursuivant ainsi le travail d’écriture qui caractérise les trois Ballades dédiées aux dames, seigneurs et langage du temps jadis. Adrian Armstrong clôt cette sous-section par un très bel article consacré à Jean Molinet (« Un cimetière bigarré : les épitaphes poétiques de Jean Molinet », p. 186-201). C’est l’occasion de chercher à définir le propre de ce type de poésie funèbre dans l’œuvre de Molinet, sans s’attarder ni sur les problèmes généraux de genre, ni sur les problèmes d’attribution, en partant d’une hypothèse séduisante, selon laquelle Molinet composerait « chaque épitaphe […] contre celles qu’il a déjà composées », par quoi l’« on est en droit de parler de techniques d’autodépassement : il s’agit non seulement de variation mais de surenchère formelle ». L’étude, très détaillée, d’une quinzaine d’épitaphes révèle que Molinet apporte bien à l’épitaphe sa touche personnelle, qui décale ses productions par rapport à l’alignement dans lequel se retrouvent ses contemporains ; en particulier, il ne se soucie pas d’insérer ses poèmes dans de plus vastes ensembles, ce qui leur confère une autonomie remarquable. L’article se clôt par un très utile index descriptif des épitaphes attribuées à l’auteur. La troisième sous-section de cette dernière section, intitulée « Renaissances textuelles : écritures et réécritures du contre » (p. 186-201), s’ouvre par un article de Maria Christina Panzera consacré à Jodelle : « Leurres et ruines de la beauté : Jodelle et la tradition italienne des contr’amours » (p. 205-214). Cette contribution qui tape, si j’ose dire, dans le mille, eu égard à la problématique générale du recueil, consacrée à un poète qui s’est en partie rendu célèbre pour sa production anti-pétrarquisante, est fort bien venue. M. C. Panzera, par un savant retour aux sources, montre que cette partie contr’amoureuse de l’œuvre de Jodelle doit autant à l’Italie que le texte amoureux dont elle se démarque. Nathalie Dauvois clôt cette belle série de contributions par un article intitulé « Des contreblasons de La Hueterie au Contrepoison d’Artus Désiré, enjeux et formes d’une poétique du contre à la Renaissance » (p. 215-225). Depuis Marot, en effet, blasons et contreblasons forment l’envers et l’avers d’une même pièce, le prétexte aux jeux virtuoses de la variation. C’est la querelle, ouverte par Sagon et Charles de La Hueterie, qui suivit la composition, en 1536, des blasons et contreblasons marotiques du « tetin », qu’étudie N. Dauvois. La polémique est poursuivie par Artus Désiré qui s’en prend, en 1560, à la version marotique des Psaumes, insuffisamment conforme à la doctrine catholique et qu’elle se propose donc d’amender par un contrepoison. L’auteur montre, par ces exemples, que s’opposent ici, au-delà des controverses religieuses et idéologiques, deux conceptions du contre, la première, marotique, est celle du jeu, du détour et du renversement, toutes opérations essentiellement rhétoriques, la seconde, illustrée par ses contradicteurs, La Hueterie et Désiré, est celle de l’attaque et de la correction morale.

6Il est difficile d’émettre un jugement d’ensemble sur un ouvrage aussi dense et varié, qui, ainsi que le soulignent les quelques lignes de conclusion de Nelly Labère (p. 227), ne prétend apporter de définition définitive du contre-texte ni en général ni au Moyen Âge et à la Renaissance en particulier. Ces contributions explorent des voies tantôt divergentes, tantôt convergentes et le sentiment que l’on en retire est que tout peut être, selon le point de vue, contre-textuel ; et cette notion même, paradoxalement, ne requiert pas de dualité : tout texte peut être porteur d’une contradiction interne, de décalage ou d’ironie à l’égard de sa propre manifestation. Sans doute, en élargissant à ce point la notion du contre, aux surfaces manuscrites, aux formes littéraires et à l’idéologie, à l’opposition et à la contiguïté, court-on le risque de la diluer, de lui faire perdre ce qu’elle avait au départ d’utile pour marquer nettement des lignes de partage tracées entre une littérature pourvue d’un statut non équivoque, et le reste, qui ne se trouvait de légitimité que dans une forme de dérision, tout en amorçant des procès de métamorphose qui conduiraient à des formes nouvelles d’expression littéraire, se tenant ainsi à l’avant-garde. À ce propos, on pourra regretter de ne pas trouver dans ce recueil d’allusion au contre-texte médiéval par excellence, le Roman de Renart, jamais cité (sauf erreur), certes beaucoup et bien étudié, et composé de surcroît hors la période retenue, mais la matière renardienne, tant liée à la matière épique qu’elle moque ou du moins détourne, qu’elle contrefait, prouve, mieux qu’aucune autre ne le fit jamais, l’aptitude du contre-texte à se développer comme genre autonome et à conquérir ses lettres de noblesse littéraire.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphane Marcotte, « Texte et contre-texte pour la période pré-moderne »Perspectives médiévales [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/peme/8155 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/peme.8155

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Auteur

Stéphane Marcotte

Université Paris IV-Sorbonne

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