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Myriam Rolland-Perrin, Blonde comme l’or. La chevelure féminine au Moyen Âge

Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2010
Hélène Bouget
Référence(s) :

Myriam Rolland-Perrin, Blonde comme l’or. La chevelure féminine au Moyen Âge, Senefiance 57, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2010, 364 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage est la version remaniée de la thèse de doctorat de Myriam Rolland-Perrin ; il s’intéresse au thème de la chevelure dans la littérature médiévale à travers un très vaste corpus situé entre le xiet le xvsiècle rassemblant des genres différents (romans, chansons de geste, hagiographie, fabliaux, etc.). La question est abordée sous l’angle de l’écriture du stéréotype et du motif dans le but de « séparer les attributs indispensables des composants contingents et superficiels » (p. 15). Les notions de topos, cliché, stéréotype sont ainsi des éléments essentiels d’une réflexion qui s’étend progressivement de l’analyse du lexique à la poétique des textes.

2La première partie (« Lexique de la chevelure ») passe en revue, à travers des exemples nombreux, variés et fournis, les dénominations, les qualifications et les attributs de la chevelure essentiellement féminine dans le corpus. Elle accrédite de nombreux présupposés auxquels l’auteur apporte une démonstration par les textes, par exemple sur les côtés positifs de la blondeur, négatifs de la rousseur ou de la noirceur, tout en apportant des nuances qui laissent ainsi apparaître des mutations esthétiques vers la fin du Moyen Âge, où l’on voit se développer des portraits de chevaliers méritants dotés d’une chevelure noire qui marquent la « naissance d’un idéal chevaleresque parallèle » (p. 49). On retiendra en particulier un développement tout à fait utile et intéressant sur l’expression topique « desliee fu » en relation avec l’usage du voile et de la guimpe qui fixe, en quelque sorte, les limites de la décence sur le corps féminin.

3La deuxième partie (« Syntaxe des stéréotypes linguistiques ») se concentre sur l’expression du rapprochement entre la blondeur de la chevelure et l’or, et montre comment le cliché comparatif est remotivé au fil des textes par le biais, notamment, des coiffures et accessoires dorés. Cette partie s’intéresse ainsi à la rhétorique du portrait, dont les critères restent toutefois un peu évasifs : on aurait pu souhaiter une incursion un peu plus approfondie dans les arts poétiques médiévaux, même si l’auteur a su éviter ainsi l’écueil d’un trop long développement théorique. Ce qui retient surtout l’attention, c’est l’idée que le stéréotype linguistique qui rapproche l’or et la blondeur se réduit en fait difficilement à un archétype en raison de la multiplicité des variables. L’analyse repose d’abord sur le relevé des termes et outils syntaxiques propres aux comparaisons et métaphores, avant de s’intéresser aux procédés de remotivation du cliché, en particulier par l’intégration de la parure et de l’objet doré aux séquences descriptives. On pourrait en ce sens se demander dans quelle mesure l’objet doré (par exemple le fil d’or) ne devient pas lui-même un stéréotype : après extraction – ou remotivation – du cliché, observe-t-on, par contrecoup, un retour dans le domaine justement du cliché ? Les procédés de réécriture sont également envisagés dans le passage du vers à la prose et l’auteur s’appuie notamment sur la comparaison de l’Erec en vers et en prose, observant que certains « éléments proprement descriptifs […] ont été supprimés selon la tendance commune de toutes les mises en prose » (p. 134), sans néanmoins déterminer dans quelle mesure ce(s) cliché(s) contribuent exactement à l’évolution de la forme romanesque.

4La troisième partie (« Chevelure et motif ») opère le passage de la structure phrastique au paragraphe pour analyser le rôle et la représentation des chevelures dans les scènes de déploration, de mutilation et de maltraitance. Les scènes de déploration se bâtissent en effet autour de la chevelure et constituent davantage un stéréotype narratif que linguistique. Si la notion de « stéréotype linguistique » a été clairement et précisément définie dans les pages qui précèdent, celle de « stéréotype narratif » reste un peu en deçà : certes les variations sont bien étudiées en soi mais une comparaison plus systématique des contextes aurait peut-être pu permettre de discerner davantage le(s) rôle(s) exact(s) des chevelures dans le motif. Par la suite, l’étude de la chevelure coupée ou maltraitée met en avant, de façon convaincante, les connotations religieuses, affectives, sexuelles ou sociales en jeu dans les motifs et souligne ainsi leur intérêt anthropologique. On passe ensuite aux motifs du don et de la toilette qui intègrent, en particulier, une très stimulante analyse de la Première Continuation de Perceval (branche de Caradoc). La chevelure occupe ici une place et une fonction différentes et gagnerait, peut-être, à être sur ce point traitée davantage comme une figure récurrente (variante ou invariante) de différents motifs.

5Enfin, la dernière partie (« Le texte démêlé ») s’attache aux effets de « dilatation » (p. 275) des stéréotypes linguistiques et narratifs à l’échelle des textes. Des œuvres comme les Tristan en vers, Le Bel Inconnu, le Roman du comte de Poitiers ou Cligès sont relues à travers le prisme du cheveu, fil conducteur de la trame narrative, révélateur de la poétique romanesque et des jeux de réécriture. Au-delà de l’esthétique, la chevelure véhicule aussi, à l’échelle des œuvres, une pensée d’ordre anthropologique sur la norme et les rapports entre hommes et femmes.

6Du point de vue de la présentation, si l’on peut regretter la numérotation peu pratique des notes en fin de chapitre, l’on ne peut que saluer la variété et l’abondance des citations systématiquement traduites, toujours clairement et efficacement exploitées et analysées.

7L’ouvrage s’accompagne en annexe d’un cahier iconographique auquel l’auteur renvoie régulièrement, amorçant d’intéressantes comparaisons entre les textes et l’iconographie : l’on aimerait, bien sûr, que ces rapprochements puissent être développés et enrichis, ce qui ne peut se concevoir dans le cadre de l’étude menée et suscitera peut-être des recherches ultérieures.

8Dans l’ensemble, l’ouvrage, clair, stimulant, bien mené, dresse un panorama de la littérature médiévale dont il met en évidence, par le biais inattendu de la chevelure, les procédés d’écriture et de réécriture et rappelle la complexité de la notion fondamentale de motif dans l’élaboration de ces textes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Hélène Bouget, « Myriam Rolland-Perrin, Blonde comme l’or. La chevelure féminine au Moyen Âge »Perspectives médiévales [En ligne], 34 | 2012, mis en ligne le 01 septembre 2012, consulté le 14 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/peme/557 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/peme.557

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Auteur

Hélène Bouget

Maître de Conférences en langue et littérature du Moyen Âge - Université de Bretagne occidentale

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