1Le service Connaissance et Inventaire des Patrimoines de la Région Occitanie a entrepris en 2019 l’inventaire de la ligne ferroviaire Béziers/Neussargues ou « ligne des Causses ». Cette opération de longue haleine, qui a débuté avec l’étude du dépôt-ateliers de Béziers1, revêt une ampleur inédite. L’aire d’étude embrasse en effet un patrimoine linéaire de près de 300 kilomètres de longueur traversant quatre départements, Hérault, Aveyron, Lozère et Cantal, relevant de deux régions administratives : Occitanie pour les trois premiers et Auvergne-Rhône-Alpes pour le quatrième. Conséquence de cette partition, la ligne est écartelée entre deux régions SNCF : Montpellier et Clermont-Ferrand. Ce morcellement administratif implique de dépasser le cadre strictement régional dans lequel s’inscrit en principe l’Inventaire. Il complique également les démarches préalables, notamment les demandes d’autorisation de prises de vue auprès de SNCF-Réseau.
2L’inventaire étant en cours, il est évidemment impossible d’en présenter un bilan d’ensemble. Nous nous limiterons donc, après avoir présenté l’aire d’étude et apporté quelques précisions d’ordre pratique, à illustrer cette opération à travers trois exemples qui montreront comment la consultation des archives permet d’éclairer les observations effectuées sur le terrain : les ouvrages d’art, l’architecture des gares et la halle à voyageurs de Bédarieux. Ce faisant, nous nous attacherons à relever les spécificités de notre ligne mais aussi les similitudes qu’elle offre très logiquement avec d’autres parties de l’ancien réseau du Midi.
3L’ouverture de la ligne Béziers/Neussargues (fig. 1), exploitée par la Cie du Midi puis le PO-Midi jusqu’au 1er janvier 1938, s’est échelonnée sur trente ans, de 1858 à 1888.
Fig. 1
Carte de la ligne Béziers/Neussargues.
V. Marill © Région Occitanie
- 2 - La première partie avait été concédée sous la dénomination « de Mende à la ligne de Millau à Rode (...)
- 3 - Ce système, qui renouait avec le principe posé par la loi du 11 juin 1842, présentait l’avantage (...)
4L’initiative de la première section, de Béziers à Latour, par Bédarieux, revint à une société indépendante, la Cie du chemin de fer de Graissessac à Béziers, qui souhaitait désenclaver le bassin houiller situé au nord de Béziers. Cette société ayant été mise sous séquestre à la suite de difficultés financières, l’État acheva les travaux et ouvrit la ligne en 1858-1859. Son rachat par la Cie du Midi, effectif en 1866, transforma cette antenne de 53 kilomètres orientée vers le Massif Central en tête de pont vers la « montagne ». En effet, le Midi reporta à Béziers l’origine de la rocade Montpellier/Rodez, par Millau et Sévérac-le-Château, dont il avait reçu la concession en 1863. Le tronçon Latour/Millau (Rodez) entra en service en 1872/1880. Avec la concession du prolongement Sévérac/Neussargues, par Marvejols2 et Saint-Flour, ouvert en 1883/1888, la Cie du Midi entendait capter – au préjudice du PO et du PLM – le trafic, notamment des vins, entre le Languedoc et Paris en offrant la moindre distance. Du point de vue de la maîtrise d’ouvrage, deux systèmes furent successivement pratiqués : la section Béziers/Millau fut construite par les compagnies concessionnaires sur la base de projets préparés par leurs ingénieurs. En revanche, au nord de Millau, l’État livra les terrains, les terrassements, les ouvrages d’art ainsi que les maisons de gardes des passages à niveau3 et la Cie du Midi se borna à exécuter la superstructure (pose de la voie et construction des bâtiments des gares). Il en alla de même pour la déviation à double voie de Bédarieux ouverte en 1884 afin de faciliter le raccordement de la transversale de Mazamet achevée en 1889.
5Rançon de la topographie des régions traversées, la ligne de Neussargues compte parmi les plus tourmentées du réseau français. Ces caractéristiques difficiles expliquaient d’ailleurs la section à double voie (jusqu’en 1941) Millau/Saint-Laurent-d’Olt. Toutefois, seule l’électrification, en 1931-1932, permit d’acheminer par cet itinéraire les vins et agrumes détournés jusqu’alors par la vallée du Rhône. La création de la SNCF mit très vite un terme à cet épisode. En revanche, cette pénétrante favorisa le développement économique régional en assurant l’approvisionnement local et « l’exportation » des productions, notamment vins de l’Hérault, bauxite de Bédarieux, houille du bassin de Graissessac-Le Bousquet, verrerie du Bousquet, plomb de Ceilhes, fromage de Roquefort, ganterie de Millau, bétail et bois de l’Aveyron, de la Lozère et du Cantal, etc. Le rail facilita aussi le déplacement des populations longtemps isolées. De nos jours, le trafic fret n’intéresse plus que l’usine Arcelor Mittal, embranchée à Saint-Chély-d’Apcher depuis 1917. Quant à la desserte voyageurs, elle reste assurée sur l’ensemble du parcours par Intercités (train Aubrac Béziers/Clermont-Ferrand) et trains LiO (fig. 2). Desservant 20 gares entre Béziers et Saint-Chély-d’Apcher (où les TER Auvergne-Rhône-Alpes prennent le relais), le service LIO est géré exclusivement par la région Occitanie, autorité organisatrice depuis 2002. Celle-ci finance des campagnes annuelles de travaux portant sur les ouvrages d’art et la voie, qui restent la propriété de la SNCF gestionnaire, afin de pérenniser sur son territoire cette ligne de proximité très prisée des touristes en particulier.
Fig. 2
Roqueredonde (Hérault), gare de Ceilhes-Roqueronde, départ à 14h17 du train LiO n° 878957 Saint-Chély-d’Apcher/Béziers assuré par l’automotrice Bombardier Z 27620 type AGC à 4 caisses (16 mars 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
6Longue de 277 kilomètres, la ligne des Causses, véritable voie de montagne, constitue un riche champ d’étude. Les ouvrages d’art de toute nature sont en effet très nombreux. À son apogée, elle desservait 45 gares et haltes et rencontrait 154 passages à niveau. Depuis l’électrification, 14 sous-stations alimentent la caténaire portée, sur certains tronçons, par de typiques supports en ogive. Mais le « temps de la vapeur » a laissé tout au long du parcours des traces qu’il est bon d’identifier en vue de les sauvegarder : remises, beffroi-réservoirs et même un ancien atelier à Sévérac (fig. 3). Intégrant rails à patin contemporains et rails à double champignon (DC) hérités de la Cie du Midi, l’armement de la voie appelle également une étude.
Fig. 3
Sévérac-d’Aveyron (Aveyron), ancien atelier du dépôt des locomotives, façade ouest (21 septembre 2021). La baie en anse de panier livrait passage à une voie transversale raccordée par plaques tournantes de part et d’autre de la nef. Celle-ci était encadrée par deux secteurs de rotonde pour le remisage des machines.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
- 4 - Ce programme de préservation, porté par SNCF Réseau avec le concours de l’association Rails et Hi (...)
7Il en est de même pour les installations de sécurité dont il est possible de retracer l’évolution, depuis le poste d’aiguillages n° 1 de Millau, inscrit au programme « postes remarquables »4, jusqu’à la télécommande, instaurée en 1991-1992, de la section Bédarieux/Neussargues à partir du poste de commande centralisée (PCC) de Millau. Enfin, de part et d’autre de la ligne, des quartiers surgis autour des gares comme à Sévérac, des sites (ou anciens sites) industriels embranchés ainsi que la création de l’agglomération de Neussargues, où fut transféré en 1872 le chef-lieu de la commune dont dépendait ce hameau, témoignent de la marque imprimée par le chemin de fer sur les régions desservies.
8Un important travail de recherche documentaire accompagne évidemment l’enquête de terrain. Cette démarche est en effet indispensable pour « expliquer » le patrimoine actuel de la ligne et retracer ses mutations au fil des décennies. L’ouverture de la première section remonte en effet au milieu du Second Empire et les conditions d’exploitation se sont depuis lors profondément transformées sous l’influence de facteurs techniques, économiques et démographiques. L’étude s’appuie donc sur le dépouillement de nombreuses archives, principalement « ferroviaires » mais non exclusivement. Pour les premières, ce sont essentiellement :
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les archives de l’Équipement SNCF, héritier du service « Voie et bâtiments » (VB) de la SNCF et, plus antérieurement, du service de la Voie de la Cie du Midi. Une partie de ces archives, plus ou moins anciennes, est susceptible de se trouver au siège des « sections » de la Voie tandis que certains documents sont déposés aux archives de la SNCF au Mans (SARDO). S’agissant de la ligne des Causses, l’Unité Mixte Transcausses de SNCF Réseau (Infrapôle Languedoc-Roussillon), à Millau, détient ainsi de nombreux dossiers et plans intéressant le nord de l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère.
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les procès-verbaux du conseil d’administration de la compagnie, consultables aux archives du Monde du Travail à Roubaix. Ceux-ci sont également précieux car ils contiennent l’approbation des projets et des marchés passés avec les entrepreneurs.
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- 5 - Les études et les travaux des lignes relevant de cette catégorie étaient confiés aux ingénieurs e (...)
les archives de l’administration, dépendant du ministère des Travaux publics, chargée de la construction (lignes dont l’infrastructure fut exécutée par l’État)5 ou de la surveillance de la construction pour les travaux exécutés par les compagnies (contrôle des études et travaux des lignes nouvelles) ainsi que du contrôle des travaux neufs et de l’entretien (contrôle de la voie et des bâtiments). Les archives du contrôle sont aujourd’hui intégrées dans la série S des archives départementales concernées, notamment celles de l’Hérault qui conservent une partie des archives du troisième arrondissement du contrôle de la Cie du Midi auquel était rattachée notre ligne.
9Mais le dépouillement des archives « civiles » est également fructueux : fonds préfectoraux, archives judiciaires, enregistrement, cadastre, établissements classés, recensements de population, procès-verbaux des conseils généraux, délibérations municipales, etc. De même, les photographies anciennes, en particulier les cartes postales, révèlent la physionomie révolue de sites aujourd’hui bouleversés voire disparus. Enfin, n’oublions pas les travaux d’histoire ferroviaire, la presse spécialisée, qui nous renseigne notamment sur l’évolution récente de la ligne, et les ouvrages techniques éclairant les concepts rencontrés dans les archives : cours de chemins de fer et cours d’ouvrages d’art (édités par Dunod et Eyrolles notamment). L’enseignement synthétique des premiers peut être complété par la consultation des traités encyclopédiques comme celui publié en 1890 par Ernest Deharme (1837-1916), ingénieur au service central de la Cie du Midi.
10À ces sources s’ajoute la collecte de témoignages, notamment auprès des agents et retraités de la SNCF ou des occupants des gares déchues qui nous ouvrent leur domaine. Nous avons pu ainsi visiter l’ancienne gare de Ribaute-lès-Lieuran, près de Béziers. Celle-ci a été transformée en maison d’habitation mais son nouveau propriétaire a très louablement conservé des témoignages de la vocation antérieure des lieux : horloge régulateur du vestibule (fig. 4), menuiseries du guichet (fig. 5), inscriptions de service, plan schématique des installations sur tôle émaillée (fig. 6), etc.
Fig. 4
Lieuran-lès-Béziers (Hérault), ancienne gare de Ribaute-lès-Lieuran, horloge régulateur dans l’ancien vestibule (17 février 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 5
Lieuran-lès-Béziers (Hérault), ancienne gare de Ribaute-lès-Lieuran, guichet vitré avec inscriptions de service vu depuis l’ancien bureau du chef de gare (17 février 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 6
Lieuran-lès-Béziers (Hérault), ancienne gare de Ribaute-lès-Lieuran, plan schématique des installations sur plaque émaillée (17 février 2021). Régime de la voie directe type Midi, configuration de 1937 (application de la signalisation unifiée dite Verlant).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
11Initiative d’autant plus heureuse que la « modernisation » dans les années 1970-1980 a sacrifié ces éléments dans les gares encore exploitées. D’autres, comme à Laurens, nous ont communiqué des documents « oubliés » dans un placard. Le concours des riverains du chemin de fer peut également se révéler déterminant, notamment pour accéder à des sites isolés lors des campagnes photographiques. Ainsi, après avoir désespérément écumé les chemins creux du Causse de Sévérac, nous eûmes la bonne fortune de rencontrer au bar de notre hôtel, à Campagnac, un autochtone qui se proposa de nous conduire à l’ancienne halte de Tarnesque jusqu’alors vainement cherchée ! La ferme familiale se trouvant à proximité, il y empruntait en effet le train pour « descendre » à Sévérac avec sa mère. Nous devons d’ailleurs saluer ici l’excellent accueil qui nous a été réservé jusqu’à ce jour, signe de l’attachement unanime à la ligne et de l’adhésion à notre démarche.
12L’opération a débuté par l’analyse de quelques documents fondamentaux :
131/ Le « profil itinéraire » à échelle réduite (dit aussi de poche en raison de son format 18,5 x 12 cm), en l’occurrence celui de la « ligne de Béziers à Neussargues » (n° 5) dressé par la division « Voie et lignes nouvelles » (VLN) de la Cie du Midi (fig. 7 et 8). Long de 5 mètres une fois déployé, ce document représente schématiquement le tracé en plan (alignements droits et courbes avec leur longueur et leur rayon) et en profil (paliers, rampes et pentes avec leur longueur et leur taux) ponctué par les points kilométriques (PK).
Fig. 7
Cie des chemins de fer du Midi (Division « Voie et lignes nouvelles »), profil itinéraire de la ligne Béziers/Neussargues, page de titre.
© collection Ph. Marassé
Fig. 8
Cie des chemins de fer du Midi (Division « Voie et lignes nouvelles »), profil itinéraire de la ligne Béziers/Neussargues, plis 16-17 (Tournemire-Roquefort).
© collection Ph. Marassé
14Il indique également :
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les départements et communes traversés ;
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les gares, haltes, bifurcations et postes de bifurcation, passages à niveau (avec et sans maison de garde), tunnels et logements d’agents avec leur PK ;
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les cantons (subdivision élémentaire pour l’entretien de la voie) avec leur longueur et le nombre d’agents qui leur était affecté ainsi que les sous-sections (districts) et sections dont ils dépendaient.
152/ La liste des ponts et viaducs avec leur position kilométrique et leurs caractéristiques.
- 6 - AD Hérault. 5 S 931, 941, 942 et 1182.
163/ Les plans des gares et haltes sur lesquels figurent les voies, les bâtiments et les installations diverses : bâtiment des voyageurs (BV), lieux d’aisance, halle à marchandises, trottoirs, quais, postes d’aiguillages, remise à locomotives, pont tournant, ateliers, réservoirs, grues hydrauliques, fosses à piquer, etc. Pour notre ligne, les archives départementales de l’Hérault conservent une collection de « plans consigne » au 1/1 000e de tous les établissements (Neussargues excepté) couvrant la période 1870-1937 environ6 (fig. 9).
Fig. 9
Gare de Tournemire-Roquefort (Aveyron), extrait du plan joint à la consigne spéciale provisoire du 4 mai 1933 : « Extension des installations comme conséquence de l’électrification de la ligne de Béziers à Neussargues – Modification provisoire de la signalisation ».
Ph. Marassé © AD Hérault, 5 S 1182
17Ces plans, dont la SNCF utilise une version mise à jour, permettent de suivre l’évolution des installations au fil du temps. Ces mutations doivent être ensuite éclairées, notamment quant à leurs justifications et réalisation, par le dépouillement des dossiers de travaux contenant rapports techniques, plans, croquis, correspondances, décisions ministérielles, procès-verbaux de récolement, etc.
- 7 - Ce document exclut les petits ouvrages qui, établis selon des types, feront l’objet de dossiers c (...)
18L’analyse de ces documents, complétée par une vérification sur le terrain, a permis de dresser un tableau récapitulatif actualisé des gares, passages à niveau (PN), ouvrages d’art et autres points singuliers de la ligne7. Afin de faciliter les opérations, celle-ci a été divisée en 5 secteurs : Béziers/ex Poste de l’Orb (52,430 kilomètres y compris le tracé primitif de Bédarieux), Bédarieux/Millau (74,310 kilomètres), Millau/Banassac-La Canourgue (56,100 kilomètres), Banassac-La Canourgue/Aumont-Aubrac (36,330 kilomètres) et Aumont-Aubrac/Neussargues (66,600 kilomètres). Ce document préparatoire est notre fil d’Ariane pour articuler les dossiers, rédiger les notices et mener les campagnes photographiques. À titre d’exemple, voici l’extrait relatif au tronçon Banassac-La Canourgue/Le Monastier (Lozère), long de 9,600 kilomètres et riche en ouvrages à la jonction des vallées du Lot et de la Colagne :
Désignation (PANG = point d’arrêt non géré)
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PK
|
Observations (HM = halle à marchandises)
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Gare de Banassac-La Canourgue (PANG)
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605, 561
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BV + HM accolée
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Maison de garde du PN 95 (Badaroux)
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606, 960
|
démolie
|
Maison de garde du PN 96 (Booz)
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608, 173
|
|
Pont de la Jarnelle sur le Lot
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608, 633
|
maçonnerie
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Souterrain de Salmon
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609, 063
|
longueur 222 m - foré pour 2 voies
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Bâtiment à 3 logements de Salmon
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609, 250
|
|
Halte d’Auxillac (supprimée)
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609, 286
|
abri
|
Souterrain d’Auxillac
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610, 617
|
longueur 201 m
|
Bâtiment à 2 logements de Céletz
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611, 200
|
démoli
|
Souterrain de Céletz
|
611, 582
|
longueur 613 m
|
Souterrain de Pontillac
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612, 397
|
longueur 266 m - foré pour 2 voies
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Pont des Moriès sur le Lot
|
612, 791
|
maçonnerie - longueur 40 m
|
Maison de garde du PN 97 (Ajustons 1)
|
612, 847
|
|
Souterrain des Ajustons
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612, 875
|
longueur 61 m - foré pour 2 voies
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Maison de garde du PN 98 (Ajustons 2)
|
612, 938
|
Démolie
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Pont des Ajustons sur la Colagne
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613, 018
|
tablier métallique - longueur 41 m
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Pont de Saint-Pierre sur la Colagne
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613, 564
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tablier métallique - longueur 36 m
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Viaduc de Bois Rôti sur la Colagne
|
613, 733
|
tablier métallique - longueur 56 m
|
Viaduc de la Bohémienne sur la Colagne
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614, 091
|
tablier métallique 2 voies - L. 45 m
|
Gare du Monastier (PANG)
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615, 161
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BV, HM, secteur de rotonde (démoli) + corps de garde, prise d’eau, sous-station (bâtiment démoli en 2013)
|
19La ligne des Causses parcourt une région de hauts plateaux entrecoupés de vallées plus ou moins profondes qu’elle suit, escalade ou franchit : Libron, Orb, Gravezon, Sauclet, Tès, Orb, Vérenne, Sorgue, Soulzon, Cernon, Tarn, Aveyron, Lot, Colagne, Merdarié, Crueize, Chapchiniès, Rimeize, Truyère et Ander avant de rejoindre l’Alagnon à Neussargues. Traversant des paysages d’une grande variété, depuis la plaine viticole biterroise jusqu’à l’austère planèze de Saint-Flour, elle présente un profil en long en dents de scie émaillé de déclivités avec courbes et contre-courbes de 300 mètres de rayon minimum (et même exceptionnellement 270 mètres). Les rampes maxima atteignent 33,3 mm/m et seuls les transpyrénéens affichent des taux supérieurs en voie normale. Le dénivelé absolu entre Béziers et le faîte d’Arcomie (Lozère), à 1 056 mètres d’altitude, est de 1 039 mètres, la voie serpentant à plus de 1 000 mètres sur 25 km. L’établissement de la voie ferrée exigea donc d’importants travaux d’art : remblais, tranchées (fig. 10), murs de soutènement, tunnels pour passer sous les cols qu’il était impossible de traverser à ciel ouvert, ponts et viaducs pour traverser les vallées.
Fig. 10
Espondeilhan (Hérault), tranchée de la ligne Béziers/Neussargues vue en direction de Béziers (23 février 2021). La voie en rails Vignoles U 33 sur traverses mixtes fer-béton a été posée en 1964 lors du RVB (renouvellement voie et ballast) Béziers/Magalas. Noter la pédale d’annonce du passage à niveau n° 5.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
20Le nombre de grands ouvrages est remarquable même s’il est moindre que sur la radiale ex-PLM Nîmes/Clermont-Ferrand (ligne des Cévennes) : 46 ponts et viaducs d’une longueur supérieure à 20 mètres et 39 tunnels d’une longueur cumulée de 17 237 mètres. Les ouvrages de la section Béziers/Millau furent édifiés sous la direction des ingénieurs des compagnies concessionnaires (Graissessac et Midi) qui en dressèrent aussi les plans. Sur la déviation de Bédarieux et le tronçon Millau/ Neussargues, dont nous savons que l’infrastructure fut exécutée par l’État (ce qui nous vaut de connaître les entrepreneurs adjudicataires à défaut de pouvoir identifier tous les sous-traitants), les études et la direction des travaux incombèrent aux ingénieurs des Ponts et Chaussées chargés du service de la construction : l’ingénieur en chef Ange Robaglia et les ingénieurs ordinaires Barrand et Pader pour le tronçon Millau/Sévérac (Rodez) par exemple. Au nord de Sévérac, nous relevons notamment la signature de l’ingénieur ordinaire Léon Boyer (1851-1886), le père du viaduc de Garabit, dont le nom a souvent été occulté par celui d’Eiffel. Les dossiers tenus par la SNCF pour chaque ouvrage, du plus modeste au plus magistral, sont une précieuse source pour une étude d’inventaire. Ils contiennent en effet tous les éléments permettant de décrire un ouvrage et d’en suivre l’évolution : plans anciens, procès-verbaux d’inspection détaillée et de visite annuelle avec photographies, comptes-rendus d’auscultation, plans des modifications et travaux divers, etc. Intéressons-nous aux grands ouvrages, les plus spectaculaires, dont certains furent distingués en leur temps.
21Il existe sur les Causses toute la gamme des ouvrages sous voie : aqueducs (ouverture inférieure à 1,50 mètre), ponceaux (ouverture comprise entre 1,50 et 4 mètres), ponts (ouvrages parfois importants mais ne traversant qu’un seul obstacle) et viaducs (ouvrages considérables destinés à franchir de grands espaces). Nous limiterons ici notre propos aux deux dernières catégories qui se divisent (comme les ouvrages d’ouverture inférieure) en deux types :
22Ils sont souvent tracés en courbe et en rampe et beaucoup sont au gabarit de la double voie. Ils comptent une ou plusieurs arches généralement en plein cintre mais nous rencontrons parfois des arcs surbaissés comme au pont de Merdans (PK 580+080) formé d’une arche de 22 mètres d’ouverture. Les parements vus sont classiquement appareillés par assises horizontales ou en opus incertum. Sur certains ouvrages, tels que le pont de Miège-Rivière (PK 599+851) et le viaduc du Piou (PK 619+916) (fig. 11a), les plinthes sont soutenues par des modillons.
Fig. 11
a) Marvejols (Lozère), viaduc en maçonnerie du Piou construit pour deux voies (6 arches de 20 mètres d’ouverture) (28 juin 1983). L’automotrice série Z 7100 tirant une remorque ZR se dirige vers le sud. b) Aguessac (Aveyron), viaduc en maçonnerie d’Aguessac (carte postale début XXe siècle). La double voie régnait alors entre Millau et Saint-Laurent-d’Olt. À la sortie de l’ouvrage, la maison de garde-barrières du passage à niveau n° 75.
a) © J.-P. Autié, collection Ph. Marassé ; b) © Collection Ph. Marassé
23Parfois, les contreforts adossés aux piles s’élèvent jusqu’au couronnement. Douze ouvrages ont plus de 100 mètres de longueur, le viaduc en courbe d’Aguessac (556+480) (fig. 11b), en rampe de 33, 3 mm/m et long de 239 mètres, arrivant en tête avec ses 15 arches dont 14 de 12 mètres et une de 18,50 mètres d’ouverture.
- 8 - Le viaduc de la Crueize revint à 1 289 693,43 F.
24Le viaduc de la Crueize ou de l’Enfer (PK 629+723) (fig. 12), construit sous la direction de l’ingénieur en chef Alceste Bauby et de l’ingénieur Boyer précité, est en rampe de 27,5 mm/m et comprend 6 arches de 25 mètres d’ouverture8. Culminant à 63,30 mètres, il est l’ouvrage en pierre le plus hardi de la ligne et se classe, de ce point de vue, au second rang national après le viaduc de l’Altier (aujourd’hui partiellement « noyé »), sur la radiale des Cévennes.
Fig. 12
Saint-Léger-de-Peye (Lozère), viaduc en maçonnerie de la Crueize ou de l’Enfer construit pour deux voies (23 juin 1988). Le train de marchandises monte vers Neussargues au crochet d’une UM (unité multiple) de BB 9400. Les supports de caténaire en ogive ont été implantés en prévision de la pose (jamais exécutée) de la seconde voie entre Le Monastier et Saint-Sauveur-de-Peyre.
© J.-P. Autié, collection Ph. Marassé
- 9 - Le viaduc de Vézouillac coûta 644 000,75 F.
25Les piles de ce viaduc, qui fut salué par le journal Le Génie civil en 1891, présentent sur toutes leurs faces des fruits décroissant graduellement depuis le bas jusqu’au sommet. Ce système, qui uniformise les pressions sur les diverses assises tout en contribuant à accuser la hauteur de l’ouvrage grâce à la suppression des retraites, fut d’abord utilisé au viaduc de Vézouillac (PK 565+425) (fig. 13a) construit par l’entrepreneur Chêne9.
Fig. 13
a) Verrières (Aveyron), viaduc en maçonnerie de Vézouillac construit pour deux voies (21 septembre 2021) ; b) Marvejols (Lozère), viaduc en maçonnerie de Sénouard construit pour deux voies (1er mars 2022). À la sortie de l’ouvrage, la maison de garde-barrières du passage à niveau n° 102.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
26Celui-ci se compose de 7 arches de 16 mètres d’ouverture. Il est en courbe de 300 mètres de rayon, ce qui justifie ses piles trapézoïdales, et en rampe de 32,1 mm/m. Citons encore les viaducs de Saint-Laurent-d’Olt (PK 596+120) et de Sénouard (PK 622+307) (fig. 13b), respectivement 10 et 9 arches, tous deux franchissant le thalweg à 50 mètres de hauteur.
- 10 - Un tableau, une vue d’ensemble et un « modèle » de 4 arches au 1/25e du viaduc de Vézouillac figu (...)
27Outre le Garabit, trois de ces ouvrages furent présentés lors d’une Exposition universelle : Vézouillac (1878), Saint-Laurent-d’Olt et la Crueize (1889)10. Enfin, n’oublions pas, sur le tracé primitif de Bédarieux, le grandiose viaduc de l’Orb abandonné en 1975 (fig. 14). Long de 713 mètres (ce qui en fait l’un des plus longs viaducs français), il aligne 37 arches dont 35 de 15 mètres d’ouverture et deux de 16,50 mètres sur les rives, la hauteur sous clef de l’arche centrale étant de 20,50 mètres.
Fig. 14
Bédarieux (Hérault), viaduc en maçonnerie de l’Orb ou « Grand viaduc » sur le tracé primitif de la ligne Béziers/Graissessac (carte postale début XXe siècle). Au droit de la troisième arche, la grue hydraulique implantée sur l’ouvrage en raison de l’exiguïté de la gare de Bédarieux-Saint-Alexandre (sur la rive gauche du fleuve) et, sur la deuxième pile contrefort, le signal carré protégeant la bifurcation donnant accès à la ligne Béziers/Neussargues (sur la rive droite).
© Collection Ph. Marassé
28Ils permettent de franchir une plus grande portée qu’un pont en maçonnerie. Ils donnent donc une plus grande latitude pour la disposition et l’espacement des points d’appui, d’où une certaine économie de construction. De plus, le tablier métallique étant beaucoup plus léger que la maçonnerie des voûtes, la surface des points d’appui peut être réduite. En revanche, alors que les ponts en pierre sont d’une solidité à toute épreuve, les ouvrages métalliques sont calculés pour une surcharge donnée. L’utilisation d’un matériel plus lourd que celui pris en compte lors de la conception d’un ouvrage exige donc, soit sa reconstruction, soit son renforcement. Enfin, le métal nécessite un entretien suivi, notamment pour le protéger contre la rouille. Schématiquement, le tablier métallique des ponts d’une certaine importance se compose de deux poutres latérales à âme pleine ou à treillis reliées par des pièces de ponts supportant deux files de longerons. Les rails s’appuient sur ces derniers par l’intermédiaire de longrines en bois (dispositif aujourd’hui abandonné) ou de traverses ordinaires. Suivant la position des pièces de pont par rapport aux poutres latérales, l’ouvrage est dit à voie inférieure, à voie intermédiaire ou à voie supérieure. Les pièces métalliques sont assemblées par rivetage ou, sur les constructions plus récentes, par soudure. Le tablier repose sur deux culées en maçonnerie et, lorsque l’ouvrage comporte plusieurs travées, sur des piles intermédiaires en maçonnerie ou (pour les grands viaducs) métalliques. Des dispositifs spéciaux intercalés entre les maçonneries et le tablier (fig. 15) permettent la dilatation de celui-ci.
Fig. 15
Joncels (Hérault), viaduc à tablier métallique de Béros, appareil d’appui à rouleaux (25 février 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
29Excepté le fameux viaduc de Garabit sur la Truyère (PK 675+689), qu’il paraît superfétatoire de présenter ici, les grands ouvrages métalliques de la ligne des Causses se concentrent sur la moitié sud du parcours, entre Béziers et Le Monastier, la quasi-totalité se trouvant sur le tronçon Béziers/Millau. Tous sont à voie unique sauf le pont de la Bohémienne (PK 614+090), sur la Colagne, peu avant Le Monastier, commun aux lignes de Neussargues et de Mende. Notons que la voie étant ici en courbe de 300 mètres de rayon, les 4 files de longerons du tablier de ce dernier suivent une ligne polygonale épousant sensiblement la courbure des rails, le profil trapézoïdal des traverses donnant le dévers. Six ouvrages ont une longueur supérieure à 100 mètres, le Garabit arrivant en tête avec 447,82 mètres, suivi par le viaduc à voie intermédiaire de l’Usclade (PK 492+074) (fig. 16), en rampe de 33 mm/m, à 4 travées d’une longueur totale de 125,80 mètres.
Fig. 16
Joncels (Hérault), viaduc à tablier métallique de l’Usclade sur le ravin du ruisseau de Sauclet (25 février 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 17
Saint-Georges-de-Luzençon (Aveyron), pont à tablier métallique sur le Tarn (carte postale début XXe siècle).
© collection Ph. Marassé
- 11 - Travaux exécutés d’urgence, le projet n’étant approuvé par le ministre des Travaux publics que le (...)
30Ses 3 piles sont en maçonnerie mais un plan de 1869 révèle que des palées métalliques furent un temps envisagées. Vient ensuite le pont à voie inférieure sur le Tarn (PK 540+149) (fig. 17) composé de 4 travées d’une longueur totale de 118,08 mètres. Quoique beaucoup plus modeste avec son unique travée de 34,43 mètres, le pont sur le Libron (PK 443+063) (fig. 18) se signale par une histoire originale. La Cie de Graissessac avait en effet construit un ouvrage en maçonnerie à 3 arches de 10 mètres d’ouverture chacune. Celui-ci ayant été emporté par les eaux le 25 septembre 1857, donc avant sa mise en service, il lui fut substitué un tablier métallique formé de deux poutres en fer à âme pleine. En 1905, l’arrivée de locomotives plus puissantes et dès lors plus lourdes conduisit la Cie du Midi à remplacer ce pont par un tablier en acier à poutres treillissées11 livré par les Éts Daydé et Pillé à Creil, l’un de ses fournisseurs habituels que nous retrouverons à Bédarieux. L’ouvrage actuel est donc le troisième jeté sur le Libron tandis que les deux modes de construction, pierre et métal, furent successivement mis en œuvre !
Fig. 18
Lieuran-lès-Béziers (Hérault), pont à tablier métallique sur le Libron (17 février 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
31Les tunnels de la ligne des Causses sont très souvent en rampe et en courbe, parfois en S, la plupart étant au gabarit de la double voie. Leur section est généralement ovoïde (voie unique) (fig. 19) ou elliptique (double voie) (fig. 20) pour mieux résister à la poussée des terres.
Fig. 19
La Tour-sur-Orb (Hérault), tête côté Neussargues du souterrain du Four à chaux (357 mètres de longueur) (18 mars 2021). À gauche de la bouche, la plaque d’identification apposée par la SNCF.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 20
Bourgs-sur-Colagne (Lozère), tête côté Neussargues du souterrain des Ajustons (61 mètres de longueur) (carte postale début XXe siècle). Ce tunnel est encadré par les passages à niveau n° 97 et 98, ce dernier au premier plan. La garde-barrière et son mari, cantonnier au service de la Voie, posent près de la barrière roulante métallique. Au fond, le souterrain de Pontillac (266 mètres).
© Ph. Marassé
32Les têtes, avec murs en aile ou en retour, sont construites avec simplicité mais elles témoignent parfois d’une certaine recherche : chaînes et bandeaux à refends, corniches soutenues par des modillons (fig. 21), etc.
Fig. 21
Saint-Léger-de-Peyre (Lozère), tête côté Béziers du souterrain de Sainte-Lucie foré au gabarit de la double voie (1 103 mètres de longueur) (1er mars 2022).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
33Le tunnel le plus court mesure 25 mètres (Puech-Loubié au PK 517+276) tandis que 6 autres dépassent le kilomètre : Saint-Lucie (1 103 mètres) au PK 626+372, Campagnac (1 198 mètres) au PK 593+527, Les Cabrils 1 (1 425 mètres) au PK 493+298, col de Mallet (1 454 mètres) au PK 703+620, Saint-Xist (1 721 mètres) au PK 504+649 et Pétafy (1 861 mètres) au PK 465+232, ce dernier sur la section historique Béziers/Latour (Graissessac). Du temps de la vapeur, le tunnel des Cabrils, au gabarit de la voie unique – contrairement à Saint-Xist – posait des problèmes de ventilation. Les travaux de captation des eaux et l’exhaussement des 3 cheminées d’aérage, en 1905, améliorèrent toutefois la situation. Si bien qu’il fut inutile de construire un « ventilateur » mû par une machine à vapeur contrairement à l’Albespeyre, sur la ligne des Cévennes. Notons aussi la configuration originale des souterrains de Bonne Eau (101 mètres), au PK 462+932, et Faugères (132 mètres), au PK 464+086, comportant deux galeries parallèles. La seconde livrait passage à la transversale aujourd’hui déposée (Bédarieux) Faugères/Paulhan/Montpellier, juxtaposée à la ligne des Causses entre Faugères et le point de divergence des deux itinéraires, à Roquessels. En revanche, bien qu’approuvé en 1882, le projet de doublement du tunnel de Pétafy n’aboutit pas, en dépit de travaux préparatoires, en raison de son coût estimé à 2 500 000 F. Pétafy resta donc un goulot à voie unique sur le tronc commun aux lignes de Neussargues et Montpellier.
34Le public accède au chemin de fer en des points dédiés dont l’emplacement était fixé après une enquête spéciale : les gares. À « l’âge d’or » du rail, celles-ci intégraient deux parties affectées respectivement aux voyageurs (Grande vitesse ou GV) et aux marchandises (Petite vitesse ou PV). La première comprenait le bâtiment des voyageurs (BV) abritant les bureaux, vestibule, salles d’attente et des bagages au rez-de-chaussée et le logement du chef de gare à l’étage ; les lieux d’aisance et les trottoirs pour monter ou descendre du train. La seconde comportait des quais hauts couverts (halle) et découverts permettant le chargement et le déchargement direct des wagons, grue, pont-bascule, gabarit de chargement, etc. Les bâtiments, proportionnés à l’importance du trafic attendu, étaient exécutés selon des types propres à chaque réseau et correspondant à la classe de l’établissement. Leur conception était très simple – ce qui n’excluait pas une facture soignée – sauf dans les villes importantes où l’architecture était plus recherchée tel le BV de Millau (fig. 22).
Fig. 22
Gare de Millau (Aveyron), pavillon central du bâtiment des voyageurs côté cour (23 mars 2021). L’horloge occupe l’emplacement d’une ancienne fenêtre en chien-assis.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
35Ils devaient également être facilement agrandissables. Les gares de bifurcation (comme Bédarieux, Tournemire-Roquefort et Sévérac-le-Château) ou de relais (Millau) disposaient en outre d’équipements spéciaux pour le service des locomotives à vapeur : remise annulaire ou rectangulaire, atelier, pont tournant, quai à combustibles, grues hydrauliques alimentées par un réservoir, logement du chef de dépôt ou de réserve et corps de garde pour les agents en repos hors résidence. Signalons ici une particularité de la ligne des Causses : les nombreux postes de traction implantés au pied des fortes rampes nécessitant l’emploi de machines de renfort : Le Bousquet-d’Orb, Montpaon, Aguessac (fig. 23), Saint-Laurent-d’Olt, etc.
Fig. 23
Aguessac (Aveyron), ancienne remise pour deux locomotives (secteur de rotonde à deux travées) et corps de garde accolé (24 mars 2021). Noter les baies surmontées d’un arc en plein cintre et, sur le pignon, la grande fenêtre à meneaux typiques de la Cie du Midi. Trois ensembles analogues existaient à Saint-Laurent-d’Olt, au Monastier et à Saint-Sauveur-de-Peyre mais seuls subsistent les corps de garde de Saint-Laurent et du Monastier.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
36Terminons cette présentation avec les haltes ouvertes exclusivement aux voyageurs et aux envois de GV : bagages, chiens et messageries. Créées le plus souvent postérieurement au chemin de fer à la demande des communes intéressées, elles se trouvent généralement aux abords d’un passage à niveau, le service s’effectuant dans une annexe accolée à la maison de garde-barrières. Sur les Causses, citons Lunas, Joncels, Peyre ou encore Garabit, ces trois dernières aujourd’hui supprimées.
37Les bâtiments d’exploitation (bâtiments des voyageurs et halles à marchandises) des gares de la ligne de Neussargues offrent une grande diversité architecturale. Celle-ci s’explique par la durée de la construction qui s’échelonna sur trente ans. Les bâtiments (gares, maison de garde-barrières, etc.) sont donc caractéristiques de l’époque de leur édification. De plus, il fallut adapter les types aux conditions locales, notamment le climat rigoureux et la faible urbanisation des régions traversées. Nous en avons dressé la typo-chronologie suivante (excluant les unicums).
38Au sud de la ligne, trois anciennes gares, Espondeilhan (fig. 24a), Laurens et Faugères, se distinguent par l’architecture originale de leur bâtiment de voyageurs (BV). Il s’agit en effet d’une construction d’un étage divisée en trois travées délimitées par des chaînes ordinaires.
Fig. 24
a) Gare d’Espondeilhan (Hérault), bâtiment des voyageurs type « Graissessac/Béziers » (carte postale début XXe siècle). À chaque extrémité, les cloches électriques d’annonce Siemens installées en 1885 pour améliorer la sécurité de la voie unique. b) Espondeilhan (Hérault), ancienne gare transformée en maison d’habitation, vue côté voie (17 février 2021).
a) © collection Ph. Marassé ; b) A. Boyer © Inventaire général Occitanie
39La partie supérieure de la travée centrale présente un pignon couvert par un toit à deux pans, perpendiculaire à la toiture principale. Sur la façade opposée à la voie ferrée, cette travée forme un avant-corps. Le nom de la gare est inscrit au moyen de lettres apposées en arc de cercle au-dessus de la fenêtre centrale de la façade côté voie et sur chaque pignon. La couverture est en tuile mécanique mais les cartes postales du début du XXe siècle révèlent qu’elle était alors en tuile creuse. De même, il existait des avant-toits supportés par des consoles en bois qui ont aujourd’hui disparu (fig. 24b).
40Ces bâtiments ont été légués par le concessionnaire primitif de ce tronçon de ligne, la Cie du chemin de fer de Graissessac à Béziers. Le Midi y apporta peu de modifications : adjonction d’une aile de plain-pied à usage de salle d’attente de 3e classe à Faugères et d’une halle à marchandises à Laurens (fig. 25). Il existait un bâtiment identique à Magalas – nous y reviendrons – mais, en revanche, à Béziers, Bédarieux (gare primitive dite Saint-Alexandre sur la rive gauche de l’Orb) et Estréchoux (dénomination de la gare de Graissessac-Estréchoux jusqu’en 1882), la compagnie s’était contentée de constructions provisoires en charpente depuis longtemps démolies. La gare de Graissessac connut d’ailleurs trois BV au cours de son histoire : le bâtiment provisoire visible sur un cliché des années 1870-1880, le BV contigu à la remise à locomotives et le classique BV avec halle à marchandises accolée, ces deux derniers – toujours existants – édifiés par la Cie du Midi respectivement en 1867 et 1902.
Fig. 25
Gare de Laurens (Hérault), halle à marchandises à trois travées, accolée en 1893 au bâtiment des voyageurs type « Graissessac/Béziers » (carte postale début XXe siècle). Ici aussi, la couverture du BV est en tuile creuse.
© collection Ph. Marassé
Fig. 26
a) Gare de Saint-Rome-de-Cernon (Aveyron), bâtiment des voyageurs à trois travées type « Paulhan/Millau » vu côté cour (23 mars 2021). Les clefs de voûtes des ouvertures sont caractéristiques de cette série de constructions. b) Gare de Saint-Georges-de-Luzençon (Aveyron), bâtiment des voyageurs à trois travées type « Paulhan/Millau » avec marquise à lambrequin côté voie (carte postale début XXe siècle).
a) A. Boyer © Inventaire général Occitanie ; b) © collection Ph. Marassé
- 12 - AD Hérault, 5 S 1272.
- 13 - Rapport du 3 juillet 1930 de l’ingénieur en chef du contrôle et de la surveillance des chemins de (...)
41Commençons par les gares de Saint-Rome-de-Cernon (fig. 26a) et de Saint-Georges-de-Luzençon. Celles-ci présentent des dispositions observées aussi à Gabian, Roujan-Neffiès et Caux, sur la section Faugères/Paulhan fermée en 1972 : BV à 3 travées avec marquise et halle séparée à voie intérieure. Les ouvertures sont couronnées par un arc surbaissé et nous relevons déjà, sur les pignons du BV, les fenêtres géminées typiques de la Cie du Midi pour éclairer le comble. Toutes appartiennent en effet à un même ensemble : la rocade Montpellier/Rodez, dont les sections Paulhan/Roquessels et Latour/Millau (cette dernière intégrée à la ligne Béziers/Neussargues), ouvertes entre 1872 et 1877, furent construites sous la direction des ingénieurs du Midi Jules Chauvisé (1817-1907), « ingénieur en chef de la construction » à Béziers, et Joseph Lanteirès (1825-1886). Nous pouvons suivre dans les archives du contrôle12 la laborieuse élaboration des plans de ces gares. En 1872, la compagnie avait en effet présenté un projet de BV à 2 travées avec halle accolée (disposition déjà adoptée sur la section Paulhan/Montpellier ouverte en 1869). Une décision ministérielle du 14 janvier 1873 prescrivit toutefois que « la halle sera entièrement séparée et que le bâtiment des voyageurs recevra s’il est nécessaire une troisième travée. » Un second projet fut donc soumis mais si la halle était désormais séparée, le BV n’avait pas été agrandi ni son agencement modifié ! Ces dispositions ayant été rejetées, la troisième mouture, approuvée le 17 janvier 1874, prévoyait enfin la travée supplémentaire mais aussi l’établissement d’une marquise (fig. 26b). Actuellement, le BV de Saint-Georges-de-Luzençon paraît avoir été « modernisé » car il présente un style fonctionnel avec portes et fenêtres rectangulaires. En fait, détruit par un incendie, il fut reconstruit en 193013 !
42Un second type, destiné aux stations de moindre importance et dans lequel le BV à une travée est implanté perpendiculairement à la voie ferrée, peut être repéré aux Cabrils, Montpaon (fig. 27a), Saint-Jean-et-Saint-Paul (fig. 27b) (halle accolée) et, sur Faugères/Paulhan, à Nizas-Fontès (halle séparée). Un bâtiment identique existait aussi à Ceilhes-Roqueredonde mais, agrandi en 1886, il est intégré au BV actuel dont la travée aval (côté Neussargues) correspond au bâtiment primitif. L’ancienne façade latérale à trois travées, qui a conservé ses ouvertures d’origine, est devenue pignon par suite du « pivotement » de la toiture à 45° (fig. 28).
Fig. 27
a) Fondamente (Aveyron), gare de Montpaon, bâtiment des voyageurs à une travée type « Paulhan/Millau » implanté perpendiculairement à la voie ferrée et halle accolée (carte postale début XXe siècle). La facture du BV est soignée avec notamment des chaînes d’angles à refends et un lambrequin de toiture. En 1881, le transfert sous la halle du bureau du chef de station, jusqu’alors dans le BV, entraîna le percement de la fenêtre rectangulaire à gauche du portail. b) Gare de Saint-Jean-et-Saint-Paul (Aveyron), façade latérale du bâtiment des voyageurs à une travée (carte postale début XXe siècle). Le rez-de-chaussée était occupé par le vestibule/salle d’attente (porte de gauche), le bureau du chef de station (fenêtre centrale) et la cuisine (porte de droite). Les trois chambres se trouvaient à l’étage. À droite, le chalet de nécessité coiffé par une toiture à 4 pans.
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Fig. 28
Roqueredonde (Hérault), gare de Ceilhes-Roqueredonde (carte postale début XXe siècle). Le pignon du bâtiment des voyageurs correspond à la façade latérale de la construction primitive qui était perpendiculaire aux voies. La travée contiguë à la halle à marchandises ainsi que cette dernière, du type adopté pour les halles accolées, ont été édifiées en 1886. La fenêtre à gauche du portail de la halle éclairait le bureau du chef de gare. La garde-barrière du passage à niveau n° 30, emprunté également par la voie de 0,60 m reliant l’usine de la société Minière et Métallurgique de l’Orb à la gare, occupait deux pièces au rez-de-chaussée du BV (première travée) tandis que le chef de gare logeait classiquement à l’étage. L’omnibus 851 Béziers/Neussargues (trajet en 10h30 environ) est tracté par une 240 T série 4501-4518 du premier lot livré en 1913.
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- 14 - Projet approuvé le 1er août 1885, travaux récolés le 21 mai 1887, AD Hérault, 5 S 1068.
- 15 - Rapport du sous-ingénieur subdivisionnaire du contrôle à Millau du 6 juin 1914, AD Hérault, 5 S 1 (...)
- 16 - Ibid.
- 17 - Projet (prévoyant également le remaniement de la distribution intérieure du BV) approuvé le 25 ju (...)
43Ces modifications, documentées par les dossiers du contrôle14, expliquent une dissymétrie architecturale : l’absence de fenêtre au premier étage de la travée aval, côté cour. Notons une originalité : l’affectation d’une partie du rez-de-chaussée du BV au logement de la garde-barrière du passage à niveau n° 30 contigu tandis que le bureau du chef de gare, éclairé par une fenêtre « absolument insuffisante »15, était installé – comme à Montpaon – dans la halle accolée. Dès lors, « il est pratiquement impossible d’y faire du feu. Faute de place, le casier des billets a dû être mis devant le guichet messageries, de sorte que les expéditeurs ou destinataires doivent pénétrer dans ce bureau, déjà insuffisant pour les agents de la gare. »16 Pour y remédier, la compagnie envisagea en 1914 d’édifier une maison de garde-barrière dans l’angle de la cour17 mais la « grande histoire » en décidera autrement...
- 18 - Projet approuvé le 27 novembre 1909, travaux récolés le 11 février 1911, AD Hérault, 5 S 1174.
44Sur la même section, le BV du Bousquet-d’Orb (fig. 29), gare minière autrefois très active, fut agrandi en 1910 par l’adjonction d’une troisième travée dans laquelle fut transféré le bureau des comptables qui occupait une place appréciable sous la halle à marchandises18. Comme à Ceilhes, il fallut faire « pivoter » la toiture car le pignon à deux travées du bâtiment primitif était parallèle aux voies comme nous le révèlent les cartes postales anciennes.
Fig. 29
a) Gare du Bousquet-d’Orb (Hérault), bâtiment des voyageurs et halle à marchandises accolés (24 février 2021). La première travée du BV (en partant de la gauche) a été ajoutée en 1910 ; b) Gare du Bousquet-d’Orb (Hérault), bâtiment des voyageurs avant son agrandissement (adjonction d’une travée et « pivotement de la toiture à 45°). Noter le pignon parallèle aux voies.
a) A. Boyer © Inventaire général Occitanie ; b) © collection Ph. Marassé
- 19 - Projet (prévoyant aussi l’agrandissement du « chalet de nécessité ») approuvé les 18 juillet 1900 (...)
- 20 - Lors de la période « très chargée » du 20 au 30 septembre 1899, la moyenne journalière du nombre (...)
45La même disposition existe à Tournemire-Roquefort (fig. 30), ancienne gare de bifurcation vers Saint-Affrique et Le Vigan. Toutefois, le BV étant ici encadré par deux ailes de plain-pied, l’extension reconnue nécessaire au début du XXe siècle consista à prolonger celles-ci d’une travée supplémentaire19. Dans la même gare, la halle à marchandises fut agrandie pour faire face aux expéditions en GV (wagons complets et colis de messageries) de fromage par la société des Caves et des producteurs réunis de Roquefort qui multiplia les réclamations à partir de 189520. Tous ces exemples illustrent les transformations plus ou moins profondes que nombre de gares, notamment les plus anciennes, subirent pour répondre au trafic croissant. Restons à Tournemire pour évoquer enfin une construction couverte par une toiture à 6 pans. Ses 3 travées perpendiculaires aux voies sont percées chacune d’une grande baie en plein cintre caractéristique de la Cie du Midi (fig. 31).
Fig. 30
Tournemire (Aveyron), gare de Tournemire-Roquefort, ancien bâtiment des voyageurs côté cour (23 mars 2021). Les deux travées extrêmes ont été ajoutées en 1904.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 31
Tournemire (Aveyron), gare de Tournemire-Roquefort, ancienne remise des voitures à voyageurs (17 mars 2021). Ce bâtiment fut ensuite occupé par l’atelier de la Traction (travée de gauche) et les « services divers » puis loué à une fidèle cliente, l’entreprise « Roquefort Société » dont une inscription subsiste sur la travée centrale.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
46Il s’agit de l’ancienne remise des voitures de réserve qui était desservie par un chariot roulant relié au faisceau de la gare par une batterie de plaques tournantes. Ce bâtiment, qui abritait 3 voies armées d’antiques rails barlow en V renversé utilisés à l’origine sur Bordeaux/Castelnaudary, témoigne d’une pratique observée jadis dans certaines gares de bifurcation ou de section (comme Millau) et condamnée au début du XXe siècle par l’accroissement du parc de voitures. À Bédarieux ou Sévérac, en revanche, il n’existait qu’un remisage découvert.
47Cinq gares, avec BV et halle à marchandises accolés, obéissent au type qui essaima sur le réseau du Midi à partir de 1880. Magalas excepté, elles s’égrènent donc au nord de Millau : Aguessac (fig. 32a), Campagnac-Saint-Geniez, Aumont-Aubrac (fig. 32b) et Saint-Chély-d’Apcher.
Fig. 32
a) Gare d’Aguessac (Aveyron), bâtiment des voyageurs à trois travées et halle à marchandises accolée à deux travées (carte postale début XXe siècle). b) Gare d’Aumont-Aubrac (Lozère), bâtiment des voyageurs à deux travées et halle à marchandises accolée à deux travées (2 mars 2022). La couverture est en ardoise. Comme celle d’Aguessac, cette gare obéit au type emblématique de la Cie du Midi. Noter la voie équipée de rails à double champignon (DC 44 de 44 kg/m) posés sur coussinets et la caténaire inclinée type Midi.
a) © collection Ph. Marassé ; b) A. Boyer © Inventaire général Occitanie
- 21 - Appareil destiné à retenir les wagons garés sur la voie de halle. Il s’agissait d’un madrier (0,6 (...)
48Les chaînes d’angle et les encadrements des ouvertures couronnées par un arc surbaissé sont en pierre de taille. La couverture est en tuile mécanique ou, sur la partie « haute » de la ligne, en ardoise. Élevé d’un étage avec comble à surcroît, le BV sur cave, auquel est parfois accolée une annexe, comporte deux ou trois travées percées chacune d’une porte au rez-de-chaussée et d’une fenêtre à l’étage. Sur chaque pignon, une fenêtre géminée caractéristique de la Cie du Midi éclaire le comble. Le nom de la gare est gravé sur un cartouche scellé sur la façade côté voie et le pignon opposé à la halle des marchandises (fig. 33) (dont le pignon arbore aussi un cartouche). Légèrement plus étroite que le BV (10,08 mètres contre 10,32 mètres), la halle d’un seul niveau est édifiée sur un quai haut dans lequel est ménagée une niche pour loger l’arrêt mobile21 en position relevée. À Campagnac, Saint-Laurent-d’Olt et Banassac-La Canourgue, cette niche en pierre de taille affecte la forme originale d’une coquille (fig. 34), comme à Chanac, Barjac et Balsièges, sur la branche de Mende rigoureusement contemporaine. La halle se divise en une ou plusieurs travées (jusqu’à 4 à Saint-Chély après allongement en 1907) (fig. 35) percées chacune d’une grande baie fermée par des portails coulissants.
Fig. 33
Campagnac (Aveyron), gare de Campagnac-Saint-Geniez, cartouche portant la dénomination de la gare sur la façade côté voie du bâtiment des voyageurs (22 septembre 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 34
Campagnac (Aveyron), gare de Campagnac-Saint-Geniez, coquille en pierre de taille dure ménagée dans le quai à marchandises pour recevoir l’arrêt mobile de la voie de halle (22 septembre 2021). L’arête supérieure du quai est bordée par un rail à double champignon qui a remplacé la longrine en bois de chêne de l’Aveyron prévue à l’origine.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 35
Gare de Saint-Chély-d’Apcher (Lozère), halle à marchandises à 4 travées sur quai haut (2 mars 2022). La quatrième travée a été ajoutée en 1907. Le parement du mur de quai est en opus incertum. La couverture primitive en ardoise a été remplacée par une toiture métallique.
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
49Elle est à toiture débordante soutenue par des consoles en bois avec voligeage aux extrémités. Sept gares de l’Aveyron, de la Lozère et du Cantal présentent une variante rencontrée exclusivement sur notre ligne. À Saint-Laurent-d’Olt, Banassac-La Canourgue, Saint-Sauveur-de-Peyre, Arcomie, Loubaresse (fig. 36), Andelat et Talizat, il existe en effet un appartement au-dessus de la halle à deux travées dont la largeur est identique à celle du BV.
Fig. 36
Val-d’Arcomie (Cantal), gare de Loubaresse, halle à marchandises à deux travées avec logement au-dessus (carte postale début XXe siècle). Un auvent protège les portails côté voie et côté cour.
© collection Ph. Marassé
- 22 - Rapport du 6 avril 1887 de l’ingénieur ordinaire du contrôle à Millau, AD Hérault, 5 S 1068. Cons (...)
- 23 - Plus classique était la cité « cheminote » de Sévérac.
50Cette configuration visait à faciliter le logement du personnel affecté à ces établissements éloignés de toute agglomération. De même, à Andelat (Roffiac dans les projets) et Talizat, l’adoption d’un BV à 3 travées, non justifié par le trafic mais permettant d’aménager un deuxième appartement à l’étage, s’explique par l’isolement des lieux22. Celui-ci a également motivé la construction de nombreux bâtiments à usage d’habitation pour le personnel de l’Exploitation et de la Voie, souvent implantés à l’écart des agglomérations (fig. 37) et abritant jusqu’à 13 logements23, autre originalité de la ligne.
Fig. 37
La Canourgue (Lozère), bâtiment à trois logements dit de Salmon édifié au-dessus du souterrain éponyme (23 septembre 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
Fig. 38
Gare de Magalas (Hérault), bâtiment des voyageurs à trois travées avec annexe accolée édifié en 1902 contre la halle à marchandises préexistante (carte postale milieu XXe siècle). Noter la fenêtre géminée éclairant le comble du BV et les portes de 2 mètres de largeur. Celle du milieu, autrefois réservée au service des bagages, est aujourd’hui transformée en fenêtre.
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- 24 - AD Hérault, 5 S 1175. Travaux exécutés d’urgence et récolés le 24 juillet 1903.
- 25 - Ligne Dax/Mont-de-Marsan, section Dax/Saint-Sever ouverte le 19 novembre 1899.
51L’anomalie d’un BV du plus pur style Midi à Magalas (fig. 38), sur l’ancien domaine de la Cie de Graissessac, résulte de l’agrandissement de cette gare au début du XXe siècle. Comme souvent, le dossier des travaux24 permet de cerner l’activité qui régnait autrefois dans cet établissement dont les installations étaient devenues insuffisantes. Il recevait en effet le trafic de quatre communes viticoles des environs : Magalas, Puissalicon, Saint-Geniès-le-Bas et Murviel-lès-Béziers. De 1886 à 1897, le nombre de voyageurs au départ passa ainsi de 44 785 à 50 167 et le tonnage expédié de 5 294 T à 30 912 tonnes. Le projet présenté le 19 mars 1901 prévoyait, entre autres améliorations, la reconstruction du BV et des lieux d’aisance. La notice explicative précisait que la distribution intérieure serait conforme à celle des bâtiments des stations de Montfort-en-Chalosse et Mugron (Landes)25. Le ministre approuva le projet le 26 novembre 1901 sous la réserve d’ajouter au BV à 3 travées une annexe sans étage pour les bagages et messageries. Un détail distingue toutefois le BV de Magalas de ceux construits une quinzaine d’années auparavant : la largeur des portes mesurant 2 mètres, dimension généralement adoptée pour les bâtiments édifiés après 1895 comme Belvezet (Lozère) ou Mirepoix (Ariège), alors qu’elle n’était que de 1,40 mètre jusqu’alors. Contrairement au bâtiment primitif, démoli après les travaux, le nouveau BV est accolé à la halle à marchandises, l’antériorité de celle-ci expliquant la différence de pendage des toitures. La juxtaposition du BV et de la halle est fréquente dans les « petites » gares Midi et quasi-systématique sur les lignes d’intérêt local. Cette disposition économique, l’une des plus pratiques qui aient été adoptées d’après la Revue générale des chemins de fer, permettait en effet de placer les services voyageurs et marchandises sous la surveillance d’un seul agent.
52En revanche, la gare de Ribaute-lès-Lieuran (fig. 39), avec BV et halle accolés, n’obéit pas au type Midi standard contrairement à ce que pourrait laisser penser un examen superficiel.
Fig. 39
Lieuran-lès-Béziers (Hérault), gare de Ribaute-lès-Lieuran, bâtiment des voyageurs avec halle à marchandises accolée (carte postale début XXe siècle). La toiture de la halle, en tuile plate contrairement à celle du BV, a probablement été refaite.
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- 26 - Projet approuvé le 27 octobre 1871, rapport du préfet au conseil général de l’Hérault (première s (...)
53Elle fut en effet construite en 187226 selon un plan qui sera reproduit à Madame, Couffoulens-Leuc, Verzeille, Pomas et Cépie, sur la section Carcassonne/ Limoux ouverte en 1876 (ligne Carcassonne/Quillan). Ce modèle se distingue notamment par le bandeau ceinturant le BV sous les fenêtres du premier étage et le nom de la localité inscrit au moyen de lettres apposées sur les façades.
- 27 - Mende restera gare terminus jusqu’à la mise en service de la jonction Mende-La Bastide-Saint-Laur (...)
54Il nous reste à dire un mot des gares desservant les sous-préfectures de Marvejols (déchue de son rang en 1926) et de Saint-Flour où BV (fig. 40a) et halle à marchandises (à voie intérieure) (fig. 40b) sont séparés. Le BV est formé d’un corps central à étage encadré par deux ailes de plain-pied (allongées par la suite à Saint-Flour-Chaudes-Aigues qui devint tête de ligne vers Brioude en 1910). La Cie du Midi appliqua également ce type à Mende, préfecture de la Lozère desservie en 188427, ainsi qu’à des gares (aujourd’hui fermées) construites dans les années 1880-1890 comme Saint-Palais (1884), Bize, Caunes-Minervois, Mauléon (1887), Céret (1889) et Amélie-les-Bains (1898).
Fig. 40
a) Gare de Marvejols (Lozère), bâtiment des voyageurs côté cour (23 septembre 2021). Le corps central du BV de Saint-Flour comporte trois travées. b) Gare de Marvejols, halle à marchandises à voie intérieure, pignon côté Béziers (23 septembre 2021). La voie de desserte pénètre dans le bâtiment par la grande baie latérale fermée par un portail en bois à deux vantaux.
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- 28 - Rapport du conducteur du contrôle à Millau du 9 décembre 1901, AD Hérault, 5 S 1176. Notons que l (...)
55Ouverte en 1884, la « nouvelle » gare de Bédarieux – par opposition à la « Vieille gare » de la Cie du Graissessac – se caractérise par un attribut qui peut sembler incongru en 2022, alors que seuls quelques trains troublent le silence des lieux : la halle à voyageurs (fig. 41). S’étendant sur toute la longueur du BV, il s’agit d’une nef en forme d’ogive surbaissée de 80 mètres de longueur et 31,69 mètres de largeur surmontée d’un lanterneau d’éclairage. Elle est complétée par un auvent relevé en saillie de 3,25 mètres de largeur, ce qui porte la surface totale couverte à 2 795,20 m². Les arbalétriers des 10 fermes métalliques, en forme de I avec âme en tôle pleine ou en treillis, sont dressés suivant deux arcs de cercle réunis à leur partie inférieure par un tirant en fer rond suspendu par trois tiges verticales. Ces fermes reposent sur des piliers verticaux en forme de caisson accolés, d’un côté, contre le BV et, de l’autre, s’appuyant sur le troisième trottoir. La hauteur sous clef est de 12,55 mètres. Il est intéressant de noter que ces dispositions sont analogues à celles de la grande halle de Bordeaux-Saint-Jean, édifiée en 1898, « dont l’effet est généralement jugé comme satisfaisant »28 (fig. 42).
Fig. 41
Gare de Bédarieux (Hérault), halle à voyageurs édifiée en 1903 par les Éts Daydé et Pillé, constructions métalliques à Paris (bureaux) et Creil (ateliers), pour abriter les voyageurs transitant par cet établissement situé autrefois à la croisée des lignes Béziers/Neussargues, Castres/Montpellier et Bédarieux/Graissessac-Estréchoux/Plaisance-Andabre. Cliché pris le 19 avril 2022 au passage du train Intercités n° 15940 « Aubrac » Béziers/Neussargues (Clermont-Ferrand).
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Fig. 42
Gare de Bordeaux-Saint-Jean (Gironde), halle à voyageurs édifiée en 1898 par les Éts Daydé et Pillé (carte postale début XXe siècle). D’une longueur de 300 mètres et d’une portée de 58,20 mètres, soit une surface couverte de 17 460 m², elle est considérée comme la plus grande halle d’Europe. Elle coûta 975 691,54 F dont 823 036,50 F pour la partie métallique, 102 260 F pour les maçonneries (y compris fondations) et 50 395,04 F pour la vitrerie. Inscrite comme monument historique en 1984, elle a été restaurée en 2016.
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- 29 - La chambre de commerce de Béziers ne sera créée qu’en 1902.
56Les archives du contrôle nous permettent de suivre sa longue gestation depuis 1898, lorsque le contrôleur de la voie et des bâtiments, à Millau, attira une nouvelle fois l’attention sur l’absence de « marquise » à Bédarieux, situation dont s’émut à la même époque la chambre de commerce de Montpellier29. Cette gare voyait en effet transiter 270 000 voyageurs par an (fig. 43) : « Des 5 voies principales [...] arrivent ou partent journellement 48 trains de voyageurs. Au moment de la correspondance des trains pour ces diverses directions, ce qui se produit 5 fois par jour, a lieu un mouvement important de voyageurs dont le chiffre moyen toujours considérable atteint parfois un millier, et cette affluence se produit souvent.
Fig. 43
Jour d’affluence en gare de Bédarieux (Hérault) avant la construction de la halle à voyageurs (carte postale début XXe siècle). À droite de la locomotive série 801-1202 visible au premier plan, une grue hydraulique en col de cygne typique de la Cie du Midi. Au fond, dans un halo de fumées, le dépôt des machines.
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- 30 - Rapport du 29 janvier 1898, AD Hérault, 5 S 1176.
- 31 - Ibid.
57En outre, pendant la saison des bains de Lamalou, où arrivent annuellement près de 60 000 voyageurs, les personnes malades, obligées de changer de train à Bédarieux, souffrent plus que les autres voyageurs de la pluie, du vent ou de l’excès de chaleur, pendant le temps parfois assez long, qu’elles mettent à traverser les trottoirs et les voies. »30 Il convenait d’abriter aussi « les agents de la gare ou de trains occupés à la reconnaissance ou au transbordement des bagages, à la manutention des colis, au service des chaufferettes, etc. »31 La construction d’une halle couvrant les 5 voies principales, dont la dernière au moyen d’un auvent, s’imposait donc. Le contrôleur esquissa trois solutions :
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halle dissymétrique à 2 travées de 20 et 12 mètres de portée soit, à raison de 50 F par m², 138 552,50 F
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halle dissymétrique à 2 travées de 18 et 12 mètres, d’où une économie de 7 850 F sur la solution précédente mais un surcoût de 7 770 F pour modifications des voies (jumelage), trottoirs, etc.
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halle symétrique à 2 travées de 14 mètres avec auvent de 3,30 mètres soit 120 567,35 F, prix qui pourrait être ramené à 117 000 F en réduisant de 0,50 mètre la portée des travées.
- 32 - Projet dressé le 11 octobre 1898 par l’ingénieur principal de la Voie à Béziers, Émile Balandier.
- 33 - Masques déposés en 1997, les poutres étant conservées.
- 34 - Rapport du 29 décembre 1898, AD Hérault, 5 S 1176.
- 35 - Ce jumelage ne présentait aucune difficulté car « la voie 2, où le service serait fait à contre v (...)
58Le 26 octobre 1898, la Cie du Midi présenta un projet bien plus ambitieux de nef unique flanquée d’un auvent relevé couvrant la cinquième voie jusqu’à l’aplomb du rail pour abriter les voyageurs montant ou descendant du train32. Cette dernière disposition permettait de réduire la largeur de la halle. Pour éviter l’engouffrement du vent, un masque vitré reposant sur une poutre treillissée fermait le comble à chaque extrémité33. La dépense était estimée à 186 472 F, étant entendu que, selon l’usage en la matière, cet avant-projet servirait de base à un concours à la suite duquel les dispositions de détail seraient arrêtées. Lors de l’instruction, l’ingénieur ordinaire du contrôle à Montpellier, après avoir noté que « la halle métallique est à coup sûr la meilleure solution pour le public et les agents », ne fit aucune objection au « type choisi pour la ferme, lequel est économique et dont l’aspect n’est nullement disgrâcieux. »34 Il proposa toutefois, sans succès, de jumeler les voies 1 et 2 pour réduire la portée de la halle et donc son prix de revient35, l’économie étant évaluée à 7 000 F compte tenu des remaniements de voies nécessaires. Le ministre approuva le projet dans la limite d’une dépense totale de 186 400 F par décision du 28 mars 1899.
- 36 - Lettre du 30 avril 1901 de l’ingénieur en chef de la Voie et des Lignes nouvelles (VLN) de la Cie (...)
- 37 - Décision ministérielle du 1er mai 1903, AD Hérault, 5 S 1176.
- 38 - Rapport de l’ingénieur ordinaire à Montpellier du 10 novembre 1902, AD Hérault, 5 S 1176.
- 39 - Lettre du 27 juin 1903 de l’ingénieur en chef VLN de la Cie du Midi à l’ingénieur en chef du cont (...)
59L’affaire marqua toutefois le pas en raison de la hausse du cours des fers qui ne permit pas de traiter avec les entrepreneurs « dans des conditions convenables, pour l’établissement des halles métalliques »36 dont les projets avaient été approuvés par l’administration supérieure. Ce n’est donc que le 16 août 1902 que la Cie du Midi soumit, en demandant l’exécution d’urgence, un projet de détail dressé par Daydé et Pillé à Paris. La halle devant être du modèle adopté à Bordeaux, le mémoire des constructeurs ne contenait que les calculs matériels, renvoyant pour toutes les justifications à celle de Bordeaux sortie de leurs ateliers. En approuvant le projet, le ministre appela toutefois l’attention de la compagnie sur l’utilité d’améliorer les conditions d’habitation des deux logements du premier étage du BV côté voies (occupés par les chef et sous-chef de gare) « dont les fenêtres sont en partie obstruées par la halle. »37 En 1902, le service du contrôle avait ainsi suggéré d’ouvrir des fenêtres sur pignon aux pièces d’angle (fig. 44) – solution esthétiquement malheureuse... –, de passer sur le zinc couvrant la halle une peinture s’opposant à la réflexion des rayons solaires, enfin de modifier la distribution intérieure pour que chaque appartement comportât au moins une ou deux pièces sur cour38. La compagnie s’engagea seulement à apporter les améliorations que l’expérience commanderait39.
Fig. 44
Gare de Bédarieux (Hérault), calque dressé par le service du contrôle en 1902 : à gauche, projet (sans suite) d’ouverture d’une fenêtre sur le pignon côté Millau du bâtiment des voyageurs ; à droite, distribution intérieure du premier étage de celui-ci.
Ph. Marassé © AD Hérault, 5 S 1176.
- 40 - Ibid.
- 41 - Ibid.
- 42 - Ibid.
- 43 - Lettre du 12 décembre 1903 du conducteur principal, à Millau, à l’ingénieur du contrôle, AD Hérau (...)
60Une disposition « anachronique » de la décision ministérielle du 1er mai 1903 suscita une controverse réglementaire lorsque les travaux touchèrent à leur fin. La compagnie devait en effet justifier, avant tout commencement d’exécution, de l’application de la circulaire du 17 février 1903 fixant les conditions de résistance des constructions métalliques. Or, cette prescription avait été formulée pendant que la halle « était en cours de montage. »40 Comme la remise en place des échafaudages, enlevés après l’achèvement du gros œuvre, ne pouvait s’effectuer « sans engager des dépenses hors de proportion avec le résultat à obtenir »41, il fut admis, au cours d’un entretien du 12 juin 1903 entre l’ingénieur en chef du contrôle – d’accord avec l’inspecteur général, directeur du service – et l’ingénieur en chef de la Cie du Midi, que « la halle de Bédarieux resterait dans l’état où elle est » et que la compagnie demanderait son assimilation aux anciennes halles (article 6 du règlement)42. Il ne fut procédé à aucune épreuve en raison des difficultés pratiques mais ces expériences parurent inutiles « étant donné les soins avec lesquels a eu lieu le montage qu’on peut qualifier de parfait. »43 Les travaux furent dès lors récolés le 24 septembre 1903 (fig. 45).
Fig. 45
Gare de Bédarieux (Hérault), halle à voyageurs peu après sa construction (carte postale début XXe siècle). Noter les masques d’extrémité aujourd’hui déposés et les tirants suspendus pour maintenir l’ouverture des fermes. La couverture était originairement en zinc plat reposant sur un voligeage, l’éclairage étant assuré par un châssis vitré sur chaque versant de la toiture et par le lanterneau. Depuis la campagne de travaux de 1997, d’un montant de 1 100 000 F, elle se compose de bacs d’acier post-formés et galvanisés à l’exception d’un châssis et du lanterneau vitrés.
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- 44 - Le PLM privilégiait dans ce dernier cas la formule de l’abri sur deux rangs de colonnes placé sur (...)
61Près de 120 ans après, la halle de Bédarieux, rénovée en 2021, est l’une des rares – sinon la seule – à subsister dans une gare ayant perdu sa fonction de nœud ferroviaire. Elle illustre la politique du Midi tendant à équiper de « halles générales », c’est-à-dire couvrant voies et trottoirs, les gares de bifurcation, y compris de faible importance44. Alors que les halles pionnières construites par cette compagnie – dans l’actuelle région Occitanie, citons Toulouse et Agen en 1865, Sète et Béziers (fig. 46) en 1869, Tarbes en 1874, Narbonne en 1886 – étaient dotées de fermes à arbalétriers droits du type Polonceau (du nom de l’inventeur du système), celle de Bédarieux comporte – à l’instar des halles de Bordeaux-Saint-Jean ou encore de Montauban-Villebourbon (fig. 47a) – des arbalétriers curvilignes.
Fig. 46
Gare de Béziers (Hérault), halle à voyageurs avec fermes à arbalétriers droits construite en 1869 par Bézy, Desnoyers et Cie, entrepreneurs de travaux publics à Paris (carte postale début XXe siècle). Cette halle de 94,90 mètres de longueur et 18,40 mètres de largeur a été restaurée en 2018-2019. À la faveur de cette opération, d’un montant de 4 millions d’euros, l’édifice a retrouvé le lanterneau supprimé au XXe siècle !
© collection Ph. Marassé
Fig. 47
a) Montauban (Tarn-et-Garonne), gare de Montauban-Villebourbon, halle à voyageurs avec fermes à arbalétriers curvilignes et auvent relevé construite en 1903 par Daydé et Pillé (carte postale début XXe siècle). Cette halle de 93 mètres de longueur et 27 mètres de largeur a été restaurée en 2009-2010 pour un montant de 2,7 millions d’euros. b) Gare de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), halle à voyageurs avec fermes à arbalétriers curvilignes (carte postale début XXe siècle). Dépourvue de masques vitrés et de tirants, elle était complétée par un auvent relevé. Édifiée en 1903 pour l’arrivée de la ligne de Quillan mise en service en 1901-1904, elle fut démolie dans les années 1950, après fermeture de l’embranchement aux voyageurs en 1939.
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62La Cie du Midi adopta également cette disposition pour les halles de moindre portée édifiées au début du XXe siècle comme à Bram, Limoux Pamiers ou Rivesaltes (fig. 47b). L’ingénieur Deharme reconnaissait à cette forme plusieurs avantages : « Les halles à arbalétriers curvilignes, avec entraits suspendus par des aiguilles pendantes, sont celles qui offrent l’aspect le plus satisfaisant au point de vue de la légèreté ; elles contiennent le plus grand volume d’air, ce qui est utile pour diluer la fumée des machines. Enfin, elles permettent à la lumière d’entrer par les extrémités en plus grande abondance. »45 Outre Béziers et Bédarieux, une troisième gare de la ligne des Causses arbora longtemps une halle : Tournemire-Roquefort (fig. 48).
Fig. 48
Tournemire (Aveyron), gare de Tournemire-Roquefort, halle à voyageurs construite en 1903 (un grand millésime !) par les Éts Daydé et Pillé (carte postale début XXe siècle). Pour donner une largeur suffisante, compte tenu de la présence des appuis, au trottoir desservant les trains de Saint-Affrique, les voies 2 (direction de Béziers) et 3 (direction de Neussargues) furent jumelées. Cette halle a été démolie dans les années 1950, après fermeture aux voyageurs des lignes de Saint-Affrique (1938) et du Vigan (1939).
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- 46 - Projet approuvé le 18 juillet 1900, travaux récolés le 14 avril 1905, AD Hérault, 5 S 1176.
63Construite également par Daydé et Pillé en 1903, elle se composait d’une nef curviligne de 72,74 mètres de longueur et 21,37 mètres d’ouverture avec lanterneau culminant à 10,75 mètres de hauteur et auvent relevé en saillie de 3 mètres de largeur. L’ensemble couvrait 4 voies. À l’image des halles du même type, elle ne comportait pas de tirants ni de masques vitrés même si la question de la protection contre les intempéries – comme d’ailleurs celles des inconvénients du toit de la halle pour les logements de l’étage ou des moyens de prévenir l’introduction de la pluie au droit du lanterneau – fut soulevée lors de l’instruction du projet46. Notons enfin que les consoles soutenant l’auvent étaient plus grâcieuses qu’à Bédarieux car elles étaient évidées et non pas en tôle pleine.
64En revanche, Sévérac-le-Château, à la jonction des lignes de Neussargues et Rodez, dut se contenter d’une marquise adossée au BV sur toute sa longueur (fig. 49) pour abriter le public au moment du passage des trains.
Fig. 49
Sévérac-d’Aveyron (Aveyron), gare de Sévérac-le-Château, marquise métallique sur colonnes adossée au bâtiment des voyageurs (21 septembre 2021).
A. Boyer © Inventaire général Occitanie
- 47 - Rapport du conducteur subdivisionnaire du contrôle à Montpellier du 8 mars 1909 (suite à un vœu é (...)
- 48 - Deharme, p. 462.
65Avec 63 250 voyageurs en 1900, cette gare enregistrait en effet un mouvement bien inférieur à d’autres établissements non équipés – et qui ne le seront d’ailleurs jamais – comme Paulhan ou Montbazin-Gigean (respectivement 143 935 et 120 226 voyageurs en 1900). Les avantages à retirer d’une halle ne justifiaient donc pas la dépense d’environ 100 000 F47 ! Six autres gares de la ligne des Causses ont possédé ou possèdent encore une marquise : Saint-Rome-de-Cernon, Saint-Georges-de-Luzençon (ces deux dernières aujourd’hui démolies), Millau (où existait aussi un abri intermédiaire aujourd’hui disparu), Marvejols (construite en 1892), Saint-Flour-Chaudes-Aigues (construite en 1901) et Neussargues (cette dernière gare, autrefois commune au PO – qui en assurait la gestion – et au Midi, est également dotée de deux abris intermédiaires). Halles et marquises furent donc, le plus souvent, exécutées postérieurement à la création de la voie ferrée. En effet, comme le rappelait Deharme, « les travaux de cette nature ne s’imposent pas au même degré que d’autres : ils sont jusqu’à un certain point d’ordre somptuaire et, à ce titre, ne doivent être réalisés que quand et comme il convient. »48
66À travers l’exemple de l’étude des ouvrages d’art, des bâtiments d’exploitation des gares et de la halle à voyageurs de Bédarieux, nous avons illustré la méthode et les apports de l’inventaire patrimonial de la ligne Béziers/Neussargues. Cette opération de longue haleine doit beaucoup au dépouillement des archives, notamment du contrôle. En effet, celles-ci permettent très souvent d’éclairer les observations consignées sur le terrain, notamment quant à la forme des ouvrages d’art – dont certains furent en leur temps distingués –, la configuration des bâtiments ou la justification de certains aménagements. Si le travail entrepris révèle sans surprise les nombreuses similitudes existant entre la ligne des Causses et d’autres parties de l’ancien réseau du Midi (emblématiques BV avec halle accolée, établissement de halles à voyageurs dans les gares de bifurcation y compris de faible importance, etc.), il met aussi en lumière les spécificités de cette voie ferrée, notamment du point de vue de l’architecture des gares (bâtiments type Graissessac et type (Paulhan) Latour/Millau, halles à marchandises surmontées d’un logement, etc.). L’enquête embrassera bien d’autres aspects comme l’armement et l’entretien des voies, la signalisation, les installations électriques avec notamment les sous-stations, le matériel roulant – la ligne a connu les trois modes de traction : vapeur, électrique et diesel – ou encore les embranchements industriels (dont un seul reste aujourd’hui exploité). Elle mettra également en valeur l’identité de cette ligne en s’attachant au vécu des cheminots et des usagers. Permettant de repérer sur le terrain les grandes étapes de son histoire, elle servira enfin de point d’appui à la protection et à la valorisation de ce patrimoine ferroviaire en grande partie méconnu, démarche de nature à insuffler un nouveau dynamisme à son exploitation.