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Découvertes dans le Gard grâce à l’inventaire du patrimoine : six siècles d’archives d’une famille protestante à Cannes-et-Clairan et le journal d’un édile d’Aigues-Mortes (1821-1839)

Discoveries made in Gard thanks to the patrimonial stocktake: Six centuries of a protestant family archives in Cannes-et-Clairan and a town councilor’s diary in Aigues-mortes (1821-1839)
Patricia Carlier

Résumés

Auxiliaires de l’histoire jadis, les archives font aujourd’hui partie du patrimoine depuis l’élargissement récent de la culture aux sciences sociales. Archivistes et historiens ne sont plus seuls prédisposés à leur découverte, les missions d’inventaire de patrimoines culturels, élargies à l’anthropologie du « proche » sur les territoires, peuvent aussi créer un contexte heuristique. La participation de réseaux locaux d’habitants dans le cadre d’une mission d’inventaire du patrimoine conduite dans le Gard sud, fut à l’origine de la découverte d’archives privées, dont deux importantes sources présentées ici. L’une est un fonds d’archives s’étendant du XIVe au XXe siècle, resté dans un même mas et une même famille protestante de souche jusqu’à aujourd’hui et l’autre est un journal écrit par un maire d’Aigues-Mortes entre 1821 et 1839. Dans les deux cas, il s’agit d’actions quotidiennes professionnelles, publiques ou privées, parfois tragiques. Ces documents d’intérêt anthropologique renforcent les connaissances sur l’histoire longue du territoire, ou l’éclairent d’un nouveau jour notamment sur les traditions et pratiques locales. Les deux sources avec les circonstances de leur découverte et de leur transmission sont présentées, ainsi que les contextes familiaux et sociaux de leur production et leurs apports. Le devenir de ces archives est évoqué en conclusion.

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Texte intégral

Préambule

  • 1 - FABRE, 2013. Daniel Fabre, fut le directeur de la mission du patrimoine ethnologique, puis le dir (...)

1Le récent appel à publication de la revue électronique de l’Inventaire général d’Occitanie Patrimoines du Sud, concernant un numéro consacré à la découverte ou redécouverte d’archives, nous a interpelée dans sa formulation. Si nous avons pu partager « l’émotion patrimoniale » chère à l’ethnologue Daniel Fabre1 dans la découverte d’archives locales ce n’est ni en tant qu’archiviste, ni en tant qu’historienne, mais en tant que chargée de mission d’inventaire, la recherche d’archives ou en archives faisant partie de la mission. Les archives privées présentées ci-dessous avaient échappé aux représentants de ces deux disciplines, qui ne travaillent pas prioritairement avec des réseaux citoyens dédiés dans le cadre professionnel comme c’est le cas de notre mission. Car c’est avec ces réseaux que nous avons pu les découvrir sur un territoire de projet en Occitanie, incluant 50 communes dans le sud du Gard et de l’Hérault.

2Les archives « font partie intégrante du patrimoine » comme le précise l’appel à publication. C’est vrai aujourd’hui, mais ce ne fut pas le cas durant longtemps, les communes et préfectures ayant conservé depuis le XIXe siècle leurs archives administratives, la consultation était réservée principalement aux archivistes en charge de les lire et de les classer et aux historiens jusqu’à la création des services départementaux des archives intégrant les fonds communaux au XXe siècle qui permirent au public professionnel ou amateur de les consulter plus facilement. Mais sauf aliénation, les archives familiales étaient rarement connues faute de dépôt de ces fonds dans une structure publique.

3Quelles sont les raisons de l’émergence de ces nouveaux paradigmes patrimoniaux ?

4Nous avons souhaité témoigner dans ce préambule de la lente intégration de la part des institutions culturelles des sciences sociales et de leurs outils pour analyser les patrimonialisations de toutes natures aujourd’hui existantes. La découverte ou redécouverte d’archives locales, miroirs des sociétés qui les ont produites, peuvent non seulement compléter les connaissances sur les objets d’études, mais s’agissant d’archives privées, elles peuvent aussi renforcer la connaissance des sociétés locales, si importante actuellement, en passant de la confidentialité familiale à la connaissance publique. La numérisation de fonds privés est désormais possible sans dépossession matérielle des propriétaires. Une simple autorisation de leur part à la diffusion publique suffit.

Les archives un patrimoine depuis quand ?

  • 2 - BRAUDEL, 1958. Il ouvre la voie à l’histoire « totale », évènementielle, circonstancielle, territ (...)

5L’historien Fernand Braudel2, avait fondé après la seconde guerre mondiale « l’École des Annales » qui proposait déjà une autre façon de faire de l’histoire, mais il faut attendre 1975, pour voir le mot apparaître officiellement dans l’organisation d’une première « année du patrimoine » transformée par le ministère de la Culture en 1981 en « journées du patrimoine ». En 1980 la Direction du Patrimoine est créée par Isac Chiva mais les archives n’en font pas partie.

  • 3 - NORA, 1984-1992.

6Le 2 mars 1982, est promulguée la Loi de régionalisation. Cette restructuration profonde de la gouvernance française va avoir une incidence considérable sur l’élargissement de la notion. L’importante publication en trois tomes et sept volumes des Lieux de Mémoire sous la direction de Pierre Nora3 qui inclut dès cette période l’immatérialité et la proximité des patrimoines étudiés reste un ouvrage référent pour toute une génération dont nous faisons partie. Il ouvre une réflexion sur les différentes approches à prendre en compte pour gérer un nouveau phénomène de société : la patrimonialisation.

7La Direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA) est créée en 1998 intégrant alors de nouvelles disciplines entrées dans le champ culturel, soit l’archéologie, le patrimoine industriel et technique, les antiquités et objets d’arts et leurs musées et enfin les archives écrites, sonores et visuelles. Ressources premières en sciences de l’information et de la communication, les professionnels de la discipline apparaissent, pour la première fois, intégrés dans les services culturels.

  • 4 - POULOT, 2006.
  • 5 - Article 95 de la Loi du 13 août 2004.

8Depuis l’institution qu’étaient les monuments historiques, le patrimoine s’étend maintenant à un « monde de patrimoines » comme l’écrit l’historien Dominique Poulot4. En 2004 l’Inventaire est transféré aux Régions5. Il avait auparavant changé d’intitulé pour devenir « l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel », se réformant pour s’ouvrir à de nouveaux objets d’études patrimoniaux.

9Dès la régionalisation de l’Inventaire, la notion de développement local en lien apparaît et elle fait évoluer la recherche en archives. De la simple recherche de datation, d’historique et d’identification de patrimoine bâti ou d’artefacts, la recherche tend vers l’étude de contextes sociaux autour de ces objets. L’ère numérique apporte enfin la solution à la consultation d’archives sans modération de conservation et c’est ainsi que la recherche d’archives privées peut être intégrée dans les conduites d’inventaire locaux, grâce à leur possible numérisation d’autant que l’arrivée d’une nouvelle catégorie, le Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) en renforce l’intérêt.

10En effet, la signature en 2006 par la France de la convention de 2003 de l’Unesco pour la sauvegarde du PCI contraint le ministère de la Culture dès 2008 à dresser un inventaire et il fait alors appel aux communautés d’habitants pour identifier les patrimoines entrant dans cette catégorie. Un appel à numérisation de fonds publics ou privés d’archives est lancé, accessible aux territoires dont nous avons directement profité en 2010. C’est ainsi que le manuscrit de Jean Vigne-Malbois décrit ci-dessous a pu être numérisé car il représentait une source considérable pour l’étude de PCI locaux.

11Sur ce territoire, la participation citoyenne est intégrée à la conduite de l’inventaire depuis 2008. Des appels directs auprès d’habitants ont permis de capter des archives personnelles détenues par les familles pour enrichir certaines thématiques. C’est dans ces conditions que les découvertes présentées ont été faites. L’intégration des archives en tant que patrimoine culturel est donc relativement récente. Le volet sociétal intégrant désormais la description d’objets d’études sur le terrain a normalisé le phénomène.

12Ainsi les historiens et les archivistes ne sont plus les seuls professionnels en position de découvrir ou de redécouvrir des archives. Les chargés de mission d’inventaire aussi peuvent y être confrontés dans l’exercice de leur métier. Ce fut notre cas.

  • 6 - CHAVE, 2018. Isabelle Chave est archiviste de formation. Elle est actuellement sous-directrice de (...)

13Isabelle Chave6 exprime l’importance de positionner de nouvelles stratégies reposant sur l’adaptation de nouveaux outils scientifiques à la pluridisciplinarité et sur la valorisation de la recherche à l’échelle territoriale.

14Nous présenterons brièvement l’approche méthodologique mise au point à l’origine des découvertes, puis chacun des fonds dans son contexte social, familial, et dans son apport au renouvellement des connaissances. La question de leur conservation et de leur devenir sera abordée en conclusion, notamment avec le manuscrit Vigne dont l’un des volumes s’est retrouvé par erreur déposé aux archives départementales.

Une pratique d’inventaire croisé

15L’inventaire qui nous était demandé en 2007 concernait le patrimoine bâti mais aussi l’activité des hommes. Les deux sources présentées s’y réfèrent l’une et l’autre. Le patrimoine culturel y compris immatériel est devenu un enjeu politique et une valeur du « vivre-ensemble ». La sauvegarde des traditions et des pratiques sociales dans une zone à forte pression démographique est plus prégnante que celle du seul bâti. Dans un principe d’inventaire croisé, ce ne sont plus forcément les documents qui corroborent les données de terrain, c’est parfois l’inverse quand les habitants héritiers de pratiques, confirment dans le cadre d’une enquête ethnographique, l’importance de la source retrouvée. L’anthropologie « du proche » ainsi pratiquée nécessite de rechercher des sources orales ou écrites auprès de la population et la création d’un réseau pluridisciplinaire d’experts.

  • 7 - MAUSS, 1947. Et MAUSS, 1925.
    L’ethnologue Marcel Mauss (1872-1950) est considéré comme le père de (...)
  • 8 - BRAUDEL, 1958.

16Nous avons croisé deux méthodes pour une description complète des objets d’étude dans leur cadre sociétal de production. Nous empruntons à l’ethnologue Marcel Mauss7 sa méthode ethnographique pour décrire une société. Elle intègre les déterminants territoriaux, géographiques, environnementaux, les données économiques, démographiques, culturelles, techniques, cultuelles, sociétales, juridiques, administratives dans une vision rayonnante à 360°. Nous l’avons croisée avec celle, stratigraphique, de Fernand Braudel8 dans son analyse de l’histoire sur les trois niveaux qu’il préconise, l’histoire évènementielle retenue par l’actuelle société, l’histoire circonstancielle qui a forgé sa mémoire et enfin l’histoire longue du territoire qui a façonné les hommes.

17Dès 2008 plusieurs réseaux d’habitants, structurés dans différentes missions du PETR sont établis, dont un réseau de « correspondants-patrimoine », encadré par la mission d’inventaire, sur la base du volontariat. Les associations culturelles sont également représentées. Ressources orales prépondérantes, ces sentinelles permanentes accompagnent la réalisation de l’inventaire communal et des thématiques patrimoniales ont pu être ciblées qui n’avaient pas émergé jusque-là, notamment les patrimoines protestant et républicain avec leurs lieux de mémoire et leurs grandes figures. Le patrimoine vernaculaire des étangs, certains savoir-faire ont pu être documentés grâce à la participation établie, aux entretiens sonores ou visuels réalisés et plusieurs fonds privés d’archives ont pu être retrouvés mettant en « mémoire » différents patrimoines étudiés.

  • 9 - Expression vernaculaire qualifiant les pratiques sociales et d’élevage autour des taureaux et che (...)

18Deux ensembles de documents plus particulièrement ont retenu l’attention du territoire pour leur richesse, l’un a été signalé par le descendant détenteur qui participe à l’un des réseaux d’habitants constitués, l’autre l’a été grâce à la recherche documentaire faisant suite à une enquête ethnographique sur « la bouvine »9, patrimoine très présent sur l’ensemble des communes du PETR Vidourle Camargue.

Le fonds du mas de Coste

Circonstances de la découverte

  • 10 - CARLIER, 2017.

19La Réforme, enracinée depuis cinq siècles en Vaunage et en Petite Camargue gardoise, a laissé un patrimoine culturel et mémoriel abondant10. À l’occasion du 500e anniversaire de la Réforme commémoré en 2017 sur le territoire, qui mobilisa un vaste réseau d’habitants sur plus de vingt communes, l’actuel descendant propriétaire du mas de Coste, Philippe Coste, hébergeur touristique nous a fait découvrir les archives de sa famille, protestante de souche et de la première heure, et en a proposé l’exploitation dans le cadre de l’inventaire.

20La famille habite le mas sans interruption, depuis 1366 jusqu’à aujourd’hui. Le fonds d’archives s’étend sur toute la période d’occupation du mas du XIVe au XXe siècle (fig. 1).

Fig. 1

Fig. 1

Cannes-et-Clairan (Gard), le Mas de Coste en 2019, vue extérieure

P. Carlier © PETR Vidourle Camargue

Présentation du fonds

  • 11 - Le compte exact n’a pas encore pu être fait.

21Le fonds se trouve au mas de Coste dans le village de Cannes-et-Clairan. Fonds privé de plusieurs centaines de documents11, en plus ou moins bon état en fonction des époques, il reflète la vie quotidienne du mas à vocation agricole et de ses habitants. Dès 1640, la famille s’est dotée d’un coffre à clef, décrit dans un document, pour les conserver. Il est constitué d’actes d’état-civils, d’actes notariés dont des inventaires après décès, d’actes d’achats et de vente de propriétés, de quittances diverses, d’actes judiciaires, d’actes commerciaux, de testaments, de tractations diverses entre parents, de comptes et de courriers.

22Un premier recensement de ces archives fut fait par Gustave Coste (1830-1918), général de division et polytechnicien, commandant la place de Paris, propriétaire du mas où il prit sa retraite. Il les archiva en dossiers séparés par siècle du XIVe siècle au XIXe siècle. Chaque pièce outre son siècle en chiffres romains comporte un numéro de pièce et de folio si besoin. Aidé d’un neveu avocat à Nîmes, il commença à rechercher des pièces d’archives extérieures aux siennes à Cannes-et-Clairan et dans les communes aux alentours pour consolider l’histoire familiale.

  • 12 - COSTE, Émile. Histoire du mas de Coste, manuscrit non publié. L’auteur a retrouvé la présence de (...)

23Son fils Émile, polytechnicien et ingénieur des mines, arrière-grand-père de l’actuel descendant, a produit un manuscrit « L’histoire du mas de Coste » compte rendu détaillé écrit entre 1930 et 1935, reconstituant minutieusement siècle par siècle l’histoire du mas avec l’ensemble des pièces d’archives familiales figurant en note indexée, complétées des archives publiques retrouvées par son père et lui-même, à l’appui de l’histoire familiale. Ce document qui fait partie du fonds est du début du XXe siècle. Il a été transcrit et numérisé par les actuels descendants et mis à notre disposition12. C’est à partir de ce document que nous avons pu faire une présentation du fonds.

La famille et son histoire d’après ses archives

  • 13 - Nous avons utilisé les renseignements fournis par le manuscrit d’Émile Coste figurant dans les ar (...)
  • 14 - Ces conventions ont été transcrites au XVIIe siècle et figurent dans les archives familiales.

24Il s’agit d’une famille13 de paysans locaux connue dans le castrum de Montmirat, village mitoyen, dès le début du XIVe siècle. Les plus vieux documents mentionnant Jean Coste de Cannes sont deux transactions seigneuriales de 1366 et 1405 avec le seigneur de Montmirat. Jean Coste est propriétaire d’une « manse » au lieu-dit « la coste »14. Lors de la création des patronymes, les habitants prennent le nom du lieu où ils habitent.

25La famille développa jusqu’au XVIe siècle une activité céréalière, ils ont des olivettes et un élevage de bêtes à laine. Devenus protestants dès le XVIe siècle, comme la plupart des habitants du territoire à l’époque, leurs actes de baptême comme de mariage témoignent de leur appartenance à la « Religion Prétendue Réformée » au début du XVIIe siècle. Les mariages se font entre familles protestantes locales.

26Paysans judicieux, ils mettent en place une politique de transmission du mas tout en élargissant son assiette économique en vue du développement de l’exploitation. Un paréage appelé la « société du mas de Coste » est créé entre les descendants dès le XVe siècle. Pierre, Gilles et Vincent Coste en sont les héritiers directs cités dans un acte de 1535. La société désigne l’actionnaire restant au mas, les autres s’occupant de diverses entreprises familiales. Si un associé décède, il était remplacé par son descendant. C’est ainsi qu’une entreprise de draperie est fondée à Nîmes par deux frères associés et que la plantation de mûriers pour nourrir les vers commence au mas pour alimenter la filature de soie, nouvelle franchise colbertine accordée à Nîmes et sa région au milieu du XVIIe siècle. La société dure jusqu’en 1639. Un héritier unique rachète alors la totalité des parts des autres descendants avec la fortune faite grâce aux vers à soie.

27Le principe de conservation du bien à l’aîné s’instaure et une politique matrimoniale est développée pour conserver ce bien sans dispersion de terres. Les mariages entre cousins pour limiter le morcellement ou entre voisins pour acquérir en dote de nouvelles terres deviennent des pratiques coutumières de la famille. Des tractations testamentaires en vue de prévenir tout litige postérieur prévoient le dédommagement des héritiers éventuels de terres et une règlementation sévère du droit d’aînesse est compensée par des dotations pour les cadets. Les filles Coste n’épousent que des notaires ou des bourgeois, jamais d’agriculteurs. Ces pratiques sociales rurales sont largement représentées dans les archives sur une longue période.

28Les Coste sont aussi une famille d’entrepreneurs. Le mas passe de 60 à 170 hectares en trois siècles, chaque héritier du mas ayant réalisé des captations ou des achats supplémentaires de terrains ou de biens. En 1761, la famille possède 300 bêtes à laine, un élevage de vers à soie, un moulin à huile, des olivettes et des cultures céréalières. Il est précisé que ce qui rapporte le plus est la production de feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie. L’un des frères Coste devient « cardeur » et marchand de laine. La draperie à Nîmes, dirigée par les cadets fait également fortune. Les Coste sont aussi banquiers et prêtent de l’argent aux collectivités et à la famille élargie, ils pratiquent le fonds d’investissement. Toutes ces activités sont décrites par le menu dans les actes jusqu’à la Révolution.

29Les inventaires après décès sont extrêmement précis et très détaillés, pièce par pièce, objets par objets. Il est possible de voir comment était meublée une maison protestante de paysans aisés au XVIIIe siècle pour une reconstitution muséographique, et de lister les objets récurrents d’un inventaire à l’autre, de noter les nombreux détails descriptifs de ces objets, type de bois, de tissus, destination ou utilisation de l’objet.

  • 15 - Nom donné aux protestants dans l’obligation de se convertir au catholicisme pour conserver leurs (...)

30La révocation de l’Édit de Nantes en 1685 vient cependant affecter sérieusement la famille. Ses membres choisissent de rester sur place, d’être officiellement « nouveaux convertis »15 et de garder leur mas.

  • 16 - RIVOIRE, 1853.

31Il est interdit aux protestants d’exercer des professions publiques. Ils monopolisent les industries spécialisées dans le drap et la soie, l’élevage du mouton pour la laine et le travail à domicile pour les tisserands et faiseurs de bas. Hector Rivoire16 dénombre près de dix mille métiers à domicile en 1750, vivant grâce aux industriels nîmois dont les frères Coste font partie. Restée protestante, les actions clandestines de la famille durant les cent deux ans d’interdiction de pratiquer cette religion figurent dans ses archives.

32Jacques Coste l’aîné reste au mas, mais subit impôts et amendes parce qu’il ne fait pas baptiser ou marier ses enfants par le prieur local. Étienne, son frère cadet, part en exil à Berne emmenant ses métiers à tisser avec lui pour fonder là-bas une entreprise textile. Il revient clandestinement au mas en 1728 demander du crédit à son frère pour acheter de la laine qui lui manque en Suisse afin de développer son affaire (fig. 2).

Fig. 2

Fig. 2

Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, reconnaissance de dette à son frère Jacques, signée par Étienne Coste en exil à Berne (Suisse) revenu clandestinement au mas, signée du 4 août 1728 à Cannes

P. Carlier © Mas de Coste

33Une poste parallèle organisée avec les colporteurs entre Nîmes et la Suisse lui permet de correspondre avec le mas et la lettre explicative de ce fait figure dans les archives familiales. Son fils Barthélemy Coste est devenu pasteur en Suisse mais, rentré au pays clandestinement, il assassine le curé de Ners en 1752 après de terribles représailles du gouvernement contre les protestants méridionaux qui sont de nouveau au bord de l’insurrection. Condamné à mort, sa tête est mise à prix, il est exfiltré et échappe ainsi au supplice de la roue (fig. 3).

Fig. 3

Fig. 3

Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, avis de recherche du pasteur Barthélemy Coste, condamné à mort.

P. Carlier © Mas de Coste

  • 17 - HAAG, 1852. T. III, p. 470-471.

34La famille se fait baptiser et marier au Désert durant toute la période d’interdiction. Parmi les actes de baptême ou de mariage figurant dans les archives familiales il en est un signé du pasteur Barthélémy Claris17, dont la tête est alors mise à prix (fig. 4).

Fig. 4

Fig. 4

Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, baptême au Désert signé du pasteur Barthélemy Claris en 1745, condamné à mort

P. Carlier © Mas de Coste

35D’autres sont signés de prédicants au Désert reconnus, comme les pasteurs Encontre ou Bastide. Les amendes pleuvent sur les Coste qui résistent en payant. La dot entière d’une mariée au Désert de la famille est confisquée par les autorités royales à ce titre. Les archives familiales témoignent du mariage de Jacques Coste, quatrième du nom, et d’Anne Jalagier par François Roux, pasteur des églises sous la croix de la province de Bas-Languedoc le 6 novembre 1744, après contrat passé chez Maître Cassagne, notaire royal, le 28 juin précédent. En l’absence de flagrant délit, ce qui aurait conduit le couple aux galères pour l’un et en prison pour l’autre, le doute suffisait aux autorités du simple fait que le mariage ne s’était pas fait à l’église alors qu’un contrat de mariage notarial avait été enregistré au greffe (fig. 5).

Fig. 5

Fig. 5

Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, mariage au Désert de Jacques Coste, 4e du nom, par le pasteur Roux en 1744

P. Carlier © Mas de Coste

36Les archives du début du XVIIe siècle nous apprennent encore que les dragons s’installent au mas et dans tout le village aux frais des familles. Les enfants Coste sont rebaptisés de force par le prieur mais dans le pays il n’est pas possible de leur trouver un parrain, seul l’officier royal de garde en fait office sur l’acte catholique délivré. Jacques Coste cinquième du nom, né en 1745 et rebaptisé de force en 1752, fils aîné du couple précédemment cité propriétaire du mas, est dans ce cas. Enfin l’Édit de tolérance envers les protestants arrive en 1787. Mais d’autres aventures attendent la famille et le mas.

  • 18 - Émile Coste précise dans son manuscrit cité en note 11 qu’il a dû les retrouver dans des fonds pu (...)
  • 19 - Citée comme telle dans les archives de la famille.

37Le même Jacques Coste profite alors de la civilité rendue aux protestants pour offrir un titre de noblesse à sa descendance, ce qui leur était jusqu’à présent interdit. Il choisit le rachat de terres et de titres d’anciens fiefs dont le mas dépendait pour asseoir localement cette nouvelle notoriété et pouvoir continuer à en percevoir les revenus. Les archives nous apprennent qu’il devient pour 12 000 livres le nouveau seigneur de Castignargues, en rachetant ce fief à Noble Barthélémy de Reverdy, seigneur de Clairan. Les Coste restent nobles durant deux ans jusqu’à la Révolution. Si les archives de la période du Désert sont précieusement conservées par la famille, les archives nobiliaires sont détruites18 car Jacques Coste est nommé citoyen maire de Cannes en septembre 1793 sous la Terreur par le représentant local du gouvernement révolutionnaire, un certain Borie. En tant que maire, il met en place à Cannes le culte de la Raison dans la « ci-devant église de Cannes »19 dont les meubles sont vendus pour équiper ce nouveau lieu de culte révolutionnaire alors que la curie qui s’y rattache devient le logement de l’instituteur. Jacques Coste rachète les biens ecclésiastiques dont les ruines du prieuré Saint-Saturnin du hameau de Clairan réuni à Cannes par la Révolution d’où le nom actuel de la commune. L’église du village ne sera jamais reconstruite. Aujourd’hui Cannes-et-Clairan n’a qu’un temple.

38Son frère Antoine, drapier, est incarcéré à Nîmes pour complot contre le gouvernement de Robespierre, le 1er messidor de l’An II. Son magasin d’entreprise rempli de draps et tissus divers est saisi par le tribunal révolutionnaire et un inventaire est dressé détaillant les stocks ce qui nous permet de prendre connaissance du nom de nombreux tissus existant à cette époque (fig. 6).

Fig. 6

Fig. 6

Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, avis de saisie révolutionnaire du magasin de textiles des frères Coste, une page d’inventaire des stocks de tissus

P. Carlier © Mas de Coste

39Antoine a finalement la vie sauve grâce à l’exécution de Robespierre et au changement d’attitude politique qui s’en suit. Il est libéré et son entreprise lui est rendue. Associé à un autre de ses frères, Étienne, c’est le fils de ce dernier, Ferdinand, qui hérite au XIXe siècle de l’entreprise familiale dont nous reparlerons plus bas.

  • 20 - CARLIER. 2017.
  • 21 - HUARD,1996, p. 497-528.

40Jacques Coste reste maire jusqu’en 1812. Ses descendants font des études pour la première fois. Le début du XIXe siècle permet à la famille de développer la viticulture cette fois grâce au train qui arrive à Nîmes dès 1839. Les communautés protestantes locales soutiennent très vite l’instauration de la République dès le début du XIXe siècle, seule garante pour eux de leur liberté confessionnelle20 et leurs représentants entrent en politique afin de pouvoir initier le progrès local comme ils l’entendent21. Les Coste n’échappent pas à ce phénomène corroboré par de nombreuses archives.

  • 22 - Nom en langue vernaculaire désignant l’intendant.

41Casimir Coste (1799-1870), petit-fils de Jacques est le premier des propriétaires à devenir haut fonctionnaire à la préfecture et conseiller général du canton de Quissac. Il déménage à Nîmes avec sa femme, mais conserve le mas qu’il confie à un « bayle »22. Il construit en fin de carrière « le château » en contrebas de la vielle bâtisse ancestrale devenue inconfortable au regard du nouveau statut politique familial. Il y réside avec son épouse, née Gabrielle Delon, issue d’une vieille famille de la bourgeoisie protestante, car les lieux sont dotés du confort urbain de l’époque grâce à l’argent produit par deux années de récolte de vers à soie. Mais Casimir Coste est surtout connu à Cannes-et-Clairan pour être le donateur d’un terrain à condition qu’il y soit construit un temple, une mairie et une école. L’ensemble domine toujours le centre ancien du village (fig. 7).

Fig. 7

Fig. 7

Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, portrait de Casimir Coste (a) (1799-1870) et de Gabrielle Coste-Delon (b), sa femme

Philippe Coste © Mas de Coste

42Le fils cadet de Casimir, Gustave (1830-1918), est diplômé de l’École Polytechnique. Devenu le Général Coste cité plus haut, il hérite du domaine, l’aîné ayant hérité du château construit par leur père. Gustave prend sa retraite au mas et y construit une aile supplémentaire, améliorant le confort des lieux. C’est un des rares officiers supérieurs de l’armée de Napoléon III à prendre parti pour Dreyfus (fig. 8).

Fig. 8

Fig. 8

Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, portrait du Général Gustave Coste (1830-1918)

Philippe Coste© Mas de Coste

43Il dirige aussi le conseil presbytéral de France qui participe à l’élaboration de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’État. Les inscriptions républicaines figurant sur le temple de Cannes-et-Clairan, restauré en 2018, représentent une interprétation locale de cette loi. (fig. 9).

Fig. 9

Fig. 9

Cannes-et-Clairan (Gard), inauguration en 2018 de la rénovation du temple de Cannes-et-Clairan, incluant celle des inscriptions républicaines

P. Carlier © PETR Vidourle Camargue

44Depuis Gustave Coste, les ancêtres de l’actuel descendant reposent dans un caveau familial construit au fond du jardin du mas (fig. 10).

Fig. 10

Fig. 10

Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, caveau familial dans le jardin

P. Carlier © PETR Vidourle Camargue

45La famille participe à la fondation de différentes œuvres. Le petit cousin au 3e degré de Gustave, Ferdinand Coste, déjà cité, hérite de l’entreprise de draperie des Frères Antoine et Étienne Coste saisie puis rendue à la Révolution. Il la développe considérablement. Sans descendance, il fonde avec l’argent de celle-ci « l’orphelinat Coste » en 1867 à Nîmes, sous l’égide du consistoire de l’église Réformée de Nîmes dont il est membre, qui est devenu aujourd’hui « la communauté Coste » vouée aux enfants en difficultés sociales. Les Coste participent aussi à la fondation du musée du Désert à Mialet (Gard).

46Le fils de Gustave, Émile (1864-1945), polytechnicien comme son père et ingénieur des mines, est l’auteur du manuscrit déjà cité sur l’histoire familiale d’après les archives. Daniel (1898-1983) son fils également polytechnicien, et Gérard son petit-fils ont vécu ailleurs durant leurs carrières, mais ont conservé le mas en le confiant à une famille d’intendants, les Llinarès. Durant la seconde guerre mondiale, ces derniers accueillirent des juifs, cachés au mas avec l’approbation des propriétaires qui eux-mêmes en cachèrent aussi dans différentes structures familiales. Les Llinarès furent reconnus « Justes parmi les Nations » par l’État d’Israël.

47Philippe Coste, arrière-petit-fils d’Émile et actuel propriétaire, a arrêté l’exploitation viticole et reconverti le mas dans une activité touristique d’accueil. Il y réside en permanence23.

Les apports du fonds

48Le fonds représente six siècles d’histoire d’une famille de paysans propriétaires terriens aisés, entreprenants, avisés, comme beaucoup de familles de paysans locaux, mais qui font face à des circonstances extraordinaires à un moment de leur existence parce qu’ils sont protestants et entendent le rester. C’est sur ce fait que porte l’un des apports les plus importants de ce fonds. Des archives liées à la religion familiale couvrent la période s’étalant de la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 à 1787, date de l’Édit de tolérance, ce qui reste très rare compte-tenu du risque encouru à les conserver. Elles témoignent de la profondeur de l’enracinement du protestantisme local. Elles présentent la face cachée de la vie d’une famille sur cette période. Une vie secrète et une vie publique juxtaposées. Comment les familles vivaient-elles dans le détail ? Comment conciliaient-elles foi et façade ? Que subissaient-elles ? L’étude du fonds peut enrichir la connaissance sur ces questions, car il est possible de suivre cette double vie de très près, qui fut sans doute celle de nombreuses familles « nouvelles converties ». Doubles vies dont le musée du Désert à Mialet (Gard) conserve la mémoire et quelques archives de même teneur provenant d’autres familles (fig. 11).

Fig. 11

Fig. 11

Mialet (Gard), musée du Désert, chaire démontable servant à prêcher au Désert

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

49Les Coste ne sont pas Camisards, mais ils organisent une résistance passive dans leurs actes quotidiens, une guerre d’usure pour les agents royaux. Les risques pris par la fréquentation des assemblées au Désert, par les courriers expédiés et les actes passés conservés au mas sont énormes, malgré les perquisitions et la présence sur place des dragons, alors que la famille refuse par ailleurs de fréquenter l’église et le prieur contrairement à d’autres familles qui le font pour donner le change.

  • 24 - CARLIER, 2017.
  • 25 - FANGUIN, 1986. Pierre Fanguin est professeur agrégé d’histoire, responsable du secteur éducatif s (...)

50Le fonds témoigne d’une réalité sociale qui se dessine au gré des enquêtes sur le patrimoine protestant du territoire24. Nous avions pu établir dans ses grandes lignes l’histoire de la société protestante locale de Vaunage et de Petite Camargue, restée peu connue contrairement à celle du territoire cévenol. Après la Révocation en 1685, les huguenots représentent localement près de 70 % de la population. Mais seuls 5 % de cette population s’est définitivement exilée. La diaspora formée a permis à de nombreuses familles de commercer avec l’étranger. La vie secrète mise à jour explique comment la religion a pu se maintenir sur quatre générations et nous livre pour partie les arcanes de l’importante résurgence du protestantisme local au XIXe siècle. Le feu couvait sous la cendre. Comme le précise Pierre Fanguin25, les protestants qui vivent bien de l’industrie et de la terre préfèrent s’accommoder de la répression en attendant des jours meilleurs. C’est le cas au mas de Coste.

  • 26 - GERMER-DURAND. p. 46 et 58.
  • 27 - LE ROY LADURIE, DUPAQUIER, 1969. Les auteurs étudient les 80 villages sis dans la seigneurie de N (...)

51Ces archives sont également intéressantes à étudier sur d’autres points. Il est possible d’analyser l’évolution de la population par commune depuis le Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui grâce aux archives départementales et à l’INSEE. Le recensement des feux de 1384 dans le Gard, publié dans le Dictionnaire toponymique départemental26 témoigne d’un feu à Clairan, probable foyer du mas de Coste nouvellement existant ; à Cannes il n’y en a pas, seule l’église Notre-Dame de Cannes est mentionnée et sa dépendance le prieuré Saint-Saturnin de Clairan, rachetés par la famille Coste sous la Révolution. Emmanuel Le Roy Ladurie et Jacques Dupaquier27 précisent que contrairement au reste de la France, le territoire de la Vaunage et de Petite Camargue, récupère assez vite une situation florissante d’avant peste.

52Le fonds confirme cet état de fait. Il détaille aussi les modes de conservation de la terre et du bien au fil des siècles dans la même famille de paysan. S’ils sont bien connus dans les familles d’aristocrates, ils sont plus rarement décrits à ce niveau de détail dans une famille de paysans et sur une aussi longue période. Car il est possible de suivre les Coste et leurs tractations depuis le XIVe siècle à Montmirat jusqu’à aujourd’hui dans l’évolution de leurs possessions et leurs transmissions comme dans celle de leurs activités agricoles et industrielles sur un même lieu, toujours existant au XXIe siècle.

53Les inventaires après décès apportent un volet social supplémentaire dans la mesure où il s’agit d’une même famille du XVIIe au XVIIIe siècle qui se transmet du bien sur un même lieu d’habitation d’une génération à l’autre. Les objets et meubles du quotidien nous informent sur le niveau de confort, les pratiques intérieures, mais aussi sur les objets qui restent transmis d’une génération à l’autre. L’inventaire à la période révolutionnaire du magasin de draperie des Frères Coste détaille chaque catégorie de tissus et en donne les noms d’usage, ce qui permet d’avoir une liste pour l’époque des textiles existants des plus courants aux plus rares.

54Enfin ce fonds est intéressant sur un dernier point, le témoignage local apporté sur le rôle joué par les Protestants dans l’instauration de la République et de ses valeurs, notamment l’égalité, la laïcité et l’enseignement pour tous.

Le Mémorial d’Aigues-Mortes de Jean Vigne-Malbois (1821-1839)

Circonstances de la découverte

  • 28 - Christian Jacquelin, conseiller à l’ethnologie de la DRAC, a défendu le dossier de numérisation a (...)

55En 2010, en réponse à l’appel à projet du ministère de la Culture concernant les numérisations de fonds d’archives publiques ou privées à sauvegarder, nous avons proposé avec le conseil du pôle ethnologique28de la DRAC Languedoc-Roussillon à l’époque, plusieurs pièces relatives aux pratiques sociales et d’élevage autour du taureau de Camargue, tradition fédératrice sur le territoire du PETR Vidourle Camargue. Un appel fut lancé dans nos réseaux cités plus haut pour la collecte la plus large possible.

  • 29 - CARRETERO. 1983.

56Lise Carretero experte sur ces fonds et documentaliste aux archives départementales du Gard, avait signalé la première ce document, intitulé Le mémorial d’Aigues-Mortes qui figure dans son répertoire d’archives taurines de 198329. Écrit entre 1835 et 1838 par Jean Vigne-Malbois, maire à l’époque, il présentait de nombreux passages sur les lâchers taurins dans cette ville et fut proposé à la numérisation intégrale.

  • 30 - Frédéric Simien docteur en géochimie est spécialiste de la Camargue sur laquelle il publie réguli (...)
  • 31 - La maison figure sur la base Mérimée dans l’inventaire architectural sous la référence : IA 00028 (...)

57Au vu du titre du document diffusé dans nos réseaux, Frédéric Simien30, aigues-mortais, fit le rapprochement avec Daniel Vigne, vivant en Bretagne, qui lui avait dit posséder chez lui six cahiers reliés en un seul volume, écrits entre 1821 et 1834 par son ancêtre, maire d’Aigues-Mortes, plus trois autres cahiers non reliés et datés de 1839. Daniel Vigne avait retrouvé ces cahiers dans une malle héritée de ses parents contenant des archives familiales et transférée dans une résidence du Grau-du-Roi dont il a hérité. La maison aigues-mortaise de Jean Vigne-Malbois, fermée depuis 1922, sise au 19 de la rue de la République fut vendue par ses descendants en 1956. La malle fut transférée à cette occasion. Cette maison est aujourd’hui un commerce en rez-de-chaussée mais sa façade, inscrite dans le secteur sauvegardé31 a été maintenue dans son allure primitive dont la porte monumentale du XVIIIe siècle.

58Les archives départementales ignoraient l’existence de ces cahiers complémentaires conservés dans la famille depuis plus d’un siècle et demi. Les ascendants directs de Daniel Vigne, résidant principalement à l’étranger s’étaient seulement transmis la malle d’un héritier à l’autre, sans l’inventorier et en la laissant dans leur maison graulenne.

  • 32 - Ainsi nommé pour le distinguer de ses cousins Jean Vigne dans la famille, il y a deux Philippe do (...)
  • 33 - DI PIETRO. 1849. p. 373 et suiv.

59La surprise fut totale pour nous comme pour Madame Carretero. Nous avons eu l’honneur d’informer Daniel Vigne de l’existence de ce manuscrit supplémentaire de son ancêtre déposé aux archives départementales, qui s’insérait chronologiquement au milieu de ceux qui restaient en sa possession datant d’avant 1835 et d’après 1838. La famille n’avait jamais su qu’il existait ce recueil aux archives départementales. Ce fut donc une grande émotion que de réunir numériquement tous ces volumes s’étendant de 1821 à fin 1839, 180 ans après leur rédaction. Daniel Vigne qui s’était déjà attelé à la transcription des premiers cahiers, reçut la numérisation effectuée par nos services des dix autres cahiers reliés déposés aux archives départementales et se consacra immédiatement à poursuivre leur transcription. Il se déplaça de Bretagne à Nîmes pour consulter ces cahiers rédigés de la main de son ancêtre qui manquaient à son héritage. Toujours avec l’aide de Frédéric Simien, il put terminer en 2013 la transcription intégrale de l’ensemble des 19 cahiers, apportant son aide précieuse à la connaissance familiale permettant au lecteur de comprendre certaines situations. Car bien que maire de la ville, Jean Vigne-Malbois32 a écrit ce journal à titre privé sur 18 ans. Il y est question de sa vie personnelle, de ses distractions, de ses recherches, ou du jugement qu’il porte sur son action d’édile, ou sur celles du gouvernement. Quelques jours avant sa mort d’une septicémie qui l’emporta rapidement, il avait donné les dix cahiers de 1835 à 1838 à relier en un volume à Antoine Marchand en mairie. La mort rapide de l’auteur a surpris beaucoup de monde, comme l’explique Di Pietro33 son contemporain. Le document fut oublié dans les archives municipales déposées ensuite aux archives départementales au XXe siècle, privant involontairement la descendance de l’auteur de sa possession et de sa connaissance. D’autres documents personnels de Jean Vigne-Malbois détenus par la famille nous montrent pourtant qu’il prenait la peine de préciser si le document qu’il faisait relier était personnel ou non, comme en témoigne son recueil de courriers de 1792 à 1806 relié, destiné à lui permettre d’écrire l’histoire de la Révolution à Aigues-Mortes (fig. 12a). Les trois derniers cahiers non reliés écrits durant l’année précédant sa mort ont été retrouvés dans son cabinet chez lui ; ils constituaient le départ d’un nouveau volume qui ne fut jamais achevé.

Fig. 12

Fig. 12

a) Collection privée, courriers divers reliés de témoins contemporains, 1792-1804, collectés pour écrire une histoire de la Révolution. Propriété personnelle de Jean-Vigne Malbois indiquée sur la première page ; b) Nîmes (Gard), archives départementales, première page du volume 2 de Jean Vigne-Malbois, il couvre les années allant de 1835 à 1838 en réalité alors que le titre indique 1837, FL-161

a) © D. Vigne ; b) P. Carlier ©

Présentation du manuscrit

60Il s’agit d’un journal de 709 pages rédigé quotidiennement entre 1821 et 1839, à titre personnel et en tant que maire d’Aigues-Mortes et du territoire devenu en 1879 la ville du Grau-du-Roi.

61Le « Mémorial d’Aigues-Mortes » est constitué de dix-neuf cahiers reliés en deux volumes pour les seize premiers cahiers et de trois derniers cahiers non reliés.

  • 34 - Le format des folios originaux fait 10 cm de large sur 28 cm de haut.

62Le premier volume est constitué des six premiers cahiers34 couvrant une période allant de 1821 au 31 décembre 1834. Il se trouve aujourd’hui être la propriété de Daniel Vigne, descendant de l’auteur, qui réside en Bretagne.

  • 35 - Le format des folios est de 13 cm de large sur 18 cm de haut.

63Le second volume est constitué de dix cahiers35 documentant une période entre le 1er janvier 1835 et le 31 décembre 1838. Il se trouve aujourd’hui aux archives départementales du Gard sous la cote FL-161 (fig. 12b).

64Les trois derniers cahiers non reliés sont rédigés du 1er janvier au 31 décembre 1839 et se trouvent également chez Daniel Vigne.

65L’ensemble a été numérisé. Daniel Vigne en a fait une transcription complète. Le manuscrit n’est ni paginé ni folioté, l’auteur ayant indiqué les dates à la journée au fil du texte, dans un ordre chronologique, la pagination était inutile.

66L’écriture est serrée et abrégée ce qui rend sa lecture parfois difficile. Le changement de plume se voit sur le second volume. L’auteur précise qu’il s’est fait offrir par son fils Charles les nouvelles plumes anglaises en acier. Son écriture devient plus fine plus fluide et de ce fait plus facile à lire (fig. 13). L’ensemble est globalement en bon état.

Fig. 13

Fig. 13

Nîmes (Gard), archives départementales, page d’écriture du volume 2 de Jean Vigne-Malbois, FL-161

P. Carlier ©

L’auteur

67Jean Vigne-Malbois, fils de Pierre Vigne, est né Jean Vigne le 9 novembre 1784 à Aigues-Mortes, dans une famille aisée de propriétaires de pêcheries et de fermiers du sel. Il a une nombreuse fratrie dont il n’est pas l’aîné. Il commence à rédiger à l’âge de 37 ans en 1821 alors qu’il est conseiller municipal de son beau-père, Pierre-Stanislas Malbois, maire désigné sous la Restauration. Il sera lui-même désigné maire en 1830, son beau-père étant contraint de démissionner après les Trois glorieuses quand la Monarchie de Juillet met en place un nouveau gouvernement la même année. Louis-Philippe (1830-1848) devient alors roi des Français. Les édiles sont choisis parmi les contribuables commerçants et propriétaires les plus importants d’une commune. C’est le préfet qui désigne sur proposition locale. Ces tractations sont décrites par l’auteur, ainsi que les oppositions en présence, les légitimistes évincés, les républicains qui commencent à donner de la voix… Les passions de Jean Vigne-Malbois ne sont pas politiques mais sociales et culturelles (fig. 14).

Fig. 14

Fig. 14

Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile

P. Carlier © Daniel Vigne

  • 36 - DI PIETRO. 1849. p. 373-378. Auteur de l’histoire d’Aigues-Mortes, né à Aix-en Provence, nommé re (...)

68Comme il l’écrit lui-même à diverses reprises, c’est principalement Aigues-Mortes qui lui tient à cœur. Le pouvoir qu’il accepte localement, c’est pour améliorer le sort des aigues-mortais36. Son ami, l’auteur François-Émile Di Pietro (1787-1861) le déplore dans le chapitre qu’il a consacré aux hommes célèbres de la ville :

[…] tout semblait inviter Vigne-Malbois à transporter son existence au sein d’une grande cité […] Insouciant des succès et de la réputation qu’il y aurait sans doute obtenus, quelque carrière qu’il eût entreprise, il a renfermé sa vie presque tout entière dans les murs qui l’avaient vu naître, bornant ses vœux à conquérir l’estime et l’affection de ses concitoyens, à travailler à leur bien-être.[…] Ainsi, de ce qui procure en général la célébrité, rien à peu près n’est resté de lui : aucun ouvrage d’art, aucun écrit marquant, aucune fumée de gloire.[…] Des établissements utiles lui durent la vie, ou une notable amélioration.[…] Les courts loisirs que lui laissaient les soins de l’administration il les consacrait à rechercher, à recueillir tout ce qui concernait l’histoire d’Aigues-Mortes et pouvait en relever l’éclat ; plusieurs des documents qui nous ont servi dans cet ouvrage, c’est à lui que nous les devons.

69Administrateur et meneur d’hommes de son métier, il est marchand de sel avec ses frères, dans la société fermière « Vigne Frères », pour le compte du Marquis de Calvières, seigneur de Boissières en Vaunage. Son frère aîné Philippe qui réside à Beaucaire, l’administre pour la fratrie. Il le nomme toujours « l’aîné » dans son manuscrit.

70De 1821 à 1839 Jean Vigne-Malbois raconte pêle-mêle ses actions. Afin de distinguer clairement son activité privée de son activité publique, nous présenterons successivement les sujets abordés dans l’une et l’autre.

Le manuscrit, activités privées

  • 37 - Ainsi nommé dans le manuscrit pour le distinguer de son frère aîné Philippe.
  • 38 - DI PIETRO, 1849, p. 378.

71Jean, comme son frère Philippe le jeune37 dont il parle tout le temps, sont des hommes de lettres, de sciences, et de culture, dignes descendants des « lumières ». Philippe publie des poèmes à l’époque38. Il rachète en 1828 à la mort de leur père Pierre Vigne, négociant et patron de pêcheries (fig. 15), les parts détenues par ses frères dans la maison paternelle, sise sur l’exploitation, au Môle sur l’étang de la Marette et s’y installe.

Fig. 15

Fig. 15

Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Pierre Vigne, père de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile

P. Carlier © Daniel Vigne

  • 39 - Actuellement exposée en permanence dans la salle des Capucins.

72Il y crée une maison de musique. La pêcherie comprend tout l’étang du Repausset et toute la plage du Boucanet jusqu’au Grau, soit le canal Viel, ancien chenal utilisé par le roi fondateur de la ville pour se rendre aux croisades. La pêcherie jouxte « le camp de Saint Louis » et le lieu-dit « les tombes ». Ses voisins M. Bouzanquet et M. de Bernis possèdent les terrains archéologiques sis en face, au mas de Claude, où Jean Vigne-Malbois qui est membre de la société archéologique de Montpellier, témoigne de ses découvertes, le couvercle du sarcophage des Porcelet39, d’autres pierres médiévales gravées et la fameuse « barque de Saint-Louis » qui fit couler beaucoup d’encre. Jean Vigne décrit sa colère lorsqu’il apprend que la mâture de l’embarcation, qu’il considère comme un élément de datation archéologique de grande importance, découvert in situ, est détruite par un malencontreux démontage effectué par l’intendant de son voisin, la barque se trouvant sur ses terres.

  • 40 - Voir fig. 24, la carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685, la pêche au bouliech, grand filet ti (...)
  • 41 - La famille dit n’avoir plus que quelques feuillets de ce manuscrit mais peut-être faudrait-il aus (...)

73Jean Vigne, homme de science, fait l’inventaire précis des poissons et crustacés de la baie et des espèces animales vivant dans le marais. Il décrit aussi les pratiques de pêche. Ainsi la technique halieutique du bouliech ou bouillé, que nous connaissons comme très ancienne grâce à de précédentes archives40 est-elle présentée dans le détail de son organisation et dans ses différents genres. Il se déplace sur le terrain comme le font les ethnologues d’aujourd’hui à la rencontre des représentants des différents métiers de la baie, notamment auprès d’un pêcheur de tellines pour le voir « manœuvrer » son râteau car il précise dans son manuscrit qu’il a écrit à part un répertoire de toutes les techniques de pêche pratiquées dans la baie avec croquis41.

  • 42 - Il est l’auteur de l’ouvrage Ornithologie du Gard et des pays circonvoisins, 1840, 564 p.

74La chasse est l’une de ses distractions principales, il s’y rend avec son frère Philippe et de nombreux amis mais aussi des personnalités locales qui lui demandent de l’organiser. Le détail au chiffre près nous est donné de ce qu’il rapporte en nombre de macreuses, lapins, canards et autres, faisant empailler les plus représentatifs pour son cabinet par Jean Crespon42 (1797-1857) qui lui rend hommage dans son ouvrage d’ornithologie pour l’aide que Jean Vigne-Malbois lui a apporté dans ses recherches. Il se plaint de la mode de la chasse qui attire de nombreux étrangers, privant les locaux de gibier et de la chasse « professionnelle » qui se développe grâce aux progrès du transport qui permet d’acheminer des produits chassés comme pêchés dans les villes alentours. Nous apprenons que des loups sont dans le marais qui dévorent les troupeaux et des battues sont organisées pour les occire.

75Il possède également un cabinet de curiosités qu’il entretient de constants apports. Il y conserve notamment les espèces de la baie qu’il fait empailler, mais aussi des minéraux rares qu’il se fait parfois expédier de très loin ou des coquillages dont il est expert. Des objets exotiques lui sont également offerts comme les « arcs de sauvage » dont un avec flèches empoisonnées ramené de la Martinique par Di Pietro qui a été nommé là-bas. Ce cabinet fait partie des visites incontournables des personnalités qu’il reçoit chez lui après les avoir accueillies en tant que maire.

  • 43 - Comité constitué de membres bénévoles actifs, pouvant s’apparenter aux clubs ou aux associations (...)

76L’auteur est également musicien et fait danser régulièrement tout Aigues-Mortes. La musique tient une place importante dans le manuscrit. Il est la mémoire de l’orchestre et collecte partitions et paroles de chants qu’il retrouve et arrange au goût du jour. Il plonge le lecteur dans l’univers des orchestres de bals de l’époque. Violoniste, il présente les autres musiciens, les orchestres dont il fait partie et les traditions musicales. Il prend plaisir à jouer avec l’orchestre qu’il a embauché en tant que maire. Il joue aussi en tant que simple musicien dans de conviviales soirées privées, car il est membre avec ses frères de la « Société de l’Union Parfaite »43. Il organise avec les sociétaires des soirées de discussion, des sorties, des dîners tournant chez les membres, mais aussi des fêtes publiques. La concurrence est rude entre les sociétés aigues-mortaises teintées de rivalités politiques. Ces cercles dont l’activité varie entre celles des clubs anglais et celles des comités des fêtes préfigurent les futures associations Loi de 1901. L’auteur décrit tous les ans l’organisation du carnaval en février et de la fête votive d’octobre et leur longue préparation qui occupe la jeunesse. Des charivaris sont organisés parfois par sa propre société. Mais le boute-en-train qu’il est redevient parfois brutalement maire entre deux contredanses au violon lors de ces fêtes, quand il s’agit de faire enfermer quelques fauteurs de troubles à l’ordre public dans la Tour de la Gardette le temps qu’ils se calment… Il dit encore dans son manuscrit qu’il a fait un répertoire des fêtes et traditions à Aigues-Mortes, les visiteurs étrangers étant toujours surpris par les lâchers taurins, mais ce document d’ethnologie a été relié et envoyé à sa demande à un délégué ministériel demandeur du rapport. Jean Vigne-Malbois dit avoir longtemps hésité avant de l’envoyer car il ne l’avait qu’en unique exemplaire.

  • 44 - En fonction des activités et des revenus des propriétaires, nom donné localement à un maset, une (...)

77Les pratiques sociales locales sont abondamment décrites dans le manuscrit. Le déplacement « à la campagne »44 fait partie de la vie courante des Aigues-Mortais. Jean possède une campagne à Saint-Laurent d’Aigouze où il se rend très fréquemment ainsi qu’à celle de son beau-père, sise à Aigues-Mortes.

78Sa convivialité à domicile est saluée par tout le monde. Tous les évènements privés et les conseils de famille nous sont contés dont la vente de la pêcherie paternelle car son frère Philippe le jeune qui bénéficie comme lui-même des revenus du sel de la compagnie familiale, ne conserve que le mas du môle et une partie de l’étang de la Marette. La pêcherie est donc vendue à part à la famille Médard de Lunel. Nous avons le récit de ces tractations, entre deux grandes familles d’entrepreneurs locaux, les uns catholiques et fermiers du sel à Aigues-Mortes, les autres protestants industriels dans le textile entre autres, à Lunel et Montpellier. Cela ne se passe pas sans heurts. C’est aussi le cas du mariage d’Anaïs sa fille qu’il réprouve. Elle épouse son cousin germain Charles (1815-1889), fils de son frère Pierre, capitaine de la Garde Nationale, propriétaire foncier et boulanger à Aigues-Mortes. Il fait organiser en 1837 quasi secrètement, fiançailles et mariage chez son beau-père, avec un prieur venu sur place (fig. 16, 17).

Fig. 16

Fig. 16

Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Pierre Vigne, père de Charles Vigne et frère de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile peinte par Espérandieu

P. Carlier ©

Fig. 17

Fig. 17

Collection personnelle de Daniel Vigne, a) portrait de Charles Vigne, neveu et gendre de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile peinte par Naude ; b) portrait d’Anaïs Vigne, fille de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile

P. Carlier ©

79Les travaux d’aménagement qu’il fait faire dans sa maison sont également détaillés. Par exemple, il crée un atelier de menuiserie pour se distraire tout en prenant des cours avec un menuisier. Une grande bibliothèque est aménagée qu’il enrichit progressivement au vu des commandes de livres scientifiques et historiques mentionnées. Il a le malheur de perdre sa femme après dix ans de mariage et la vie de la famille nous est racontée avec la permanente utilisation de sa maison en tant qu’« annexe municipale » où il reçoit de nombreuses personnalités. Elle se trouve non loin de la chapelle de la confrérie des Pénitents blancs dont il fait partie et qu’il administre. Il rencontre dans ce cadre le peintre Xavier Sigalon (1787-1837), qui a fait le tableau La Pentecôte pour la chapelle.

80Nous sommes aussi renseignés sur les pratiques culinaires à Aigues-Mortes. Le manuscrit évoque notamment les flamands grillés qui se mangeaient à l’époque mais aussi bien d’autres spécialités dont les huîtres et les nombreux poissons qui sont dégustés dans les restaurants du Grau-du-Roi qu’il fréquente en tant que maire. Plus curieusement des truffes sont exploitées qui sont trouvées dans la garrigue.

81Il tient la chronique météorologique aussi durant 18 ans. Il est curieux de constater pour un habitant d’aujourd’hui, la fréquence récurrente des hivers gelés, d’une année sur l’autre, de la neige abondante et précoce, il mentionne souvent que l’on patine sur les étangs. Le principe des glacières est détaillé, leur remplissage l’hiver, leur ouverture calculée au jour près l’été, c’est l’affaire des cafetiers. Aigues-Mortes n’a pas l’eau de source. Depuis le Moyen Âge toutes les maisons sont équipées de récupérateurs intégrés d’eau de pluie et de citernes de stockage à domicile. Il faut constamment curer les puits servant de citerne pour ne pas pourrir l’eau stockée. Cet état de fait est la cause de nombreuses maladies et concourt à la mauvaise réputation d’Aigues-Mortes. Nous verrons plus bas qu’en tant que maire il tente d’y remédier.

  • 45 - DI PIETRO.

82Sur le plan professionnel, la société familiale « Vigne Frères » est souvent évoquée dans son fonctionnement et sa gestion des salins. Nous y apprenons par exemple le rôle important de la sagne, roseau de Camargue coupé sur place pour tendre des tapis de protection sur les camelles de sel récoltées afin que le vent ou la pluie ne les érodent pas. L’auteur rapporte les discussions lancées par son frère aîné Philippe administrateur, pour mutualiser entre eux les propriétaires de salins qui se font encore concurrence à cette époque. Son gendre et neveu Charles Vigne, avec Philippe l’aîné, sont les artisans de la future société des Salins du Midi dont Charles sera le premier directeur en 185645.

83Enfin l’auteur, dont il est difficile de s’imaginer qu’il puisse s’ennuyer une seule minute, nous dit encore qu’il rassemble des documents pour écrire une statistique d’Aigues-Mortes et qu’il collecte des courriers auprès de contemporains encore en vie pour faire une histoire de la Révolution. Ces deux documents qu’il a pu faire relier nous sont parvenus dans la même malle que le manuscrit, et sont également chez son descendant actuel. Ils n’ont pas encore pu être numérisés.

Le manuscrit, activités publiques

  • 46 - Souvenirs de quelques promenades dans le Gard, Publiées en 1797, republiées en 1835.

84Ses actions publiques sont nombreuses et très détaillées, nous évoquons les principales. Jean Vigne-Malbois a conscience de l’attraction que porte en elle l’histoire d’Aigues-Mortes et son passé médiéval. Il souhaite en faire un atout et redouble d’attention dès qu’une personnalité étrangère émet le souhait de venir voir la ville de Saint Louis. Il exprime son courroux contre l’académicien Hippolyte Roux-Ferrand46 qui décrit dans ces voyages les beautés de la France, mais a fait une mauvaise critique sur Aigues-Mortes qu’il qualifie de ville insalubre et en pleine dégénérescence. C’est sans doute plus l’aigues-mortais de souche que l’édile que l’on sent ulcéré par cette critique. Il rédige en réaction à cela une notice Mémoire contre M. Roux-Ferrand, qu’il fait publier et imprimer. Il l’offre à ses hôtes de marques comme il leur offre aussi la première notice de M. Di Pietro rédigée en 1821 sur l’histoire de la ville d’Aigues-Mortes.

85Il reçoit d’illustres personnalités dont il détaille les visites, comme Alexandre Dumas, Prosper Mérimée qui vient visiter les remparts pour les inscrire sur la liste des monuments historiques, ou encore Chateaubriand. Il les accompagne et les renseigne sur les sites incontournables de la ville. Tous sont surpris par ses connaissances et son érudition et restent en contact avec lui. Il a entrepris de classer les archives de la ville restées sans soins depuis la Révolution et de les lire. Il pense qu’elles peuvent contribuer à changer l’image d’Aigues-Mortes. Châteaubriand qui souhaite écrire une notice sur la ville, n’hésite pas en 1839 à demander au maire tout le fonds historique dont il a besoin.

  • 47 - L’intégralité des courriers de Chateaubriand au maire d’Aigues-Mortes figure dans DI PIETRO. 1849 (...)

86Il le remercie dans un courrier47 resté dans les archives municipales dont un extrait figure ci-dessous.

  • 48 - La notice de Chateaubriand sur Aigues-Mortes ne paraîtra pas, le maire étant décédé trois mois ap (...)

Un million de pardons, Monsieur ; je faisais un petit voyage, lorsque votre excellente lettre du mois d’octobre est arrivée […] Vos renseignements sont les plus précieux du monde, et je remonterai aux sources que vous avez la bonté de m’indiquer. […] C’est moi, Monsieur, qui crains d’abuser de votre temps et de votre complaisance. Quant à moi je serai toujours reconnaissant et charmé toutes les fois que vous voudrez bien vous souvenir de moi, m’instruire et m’honorer par vos lettres48.

  • 49 - Cette lettre privée a été écrite par Jean Vigne à François-Émile Di Pietro, auteur de l’histoire (...)

87Jean-Vigne Malbois s’est épuisé pour satisfaire à la demande de Chateaubriand comme il l’exprime dans un courrier envoyé à son ami Di Pietro quinze jours avant sa mort en janvier 1840. De septembre à octobre 1839, il y travaille alors qu’il est atteint d’une infection grave ramenée de son voyage en Italie l’été de la même année qui dégénère en septicémie. Elle exprime son attachement profond à sa ville49 :

  • 50 - Aigues-Mortes s’écrivait ainsi à cette époque.

Il faut bien vous aimer pour braver en votre faveur la terrible ordonnance du docteur : défense expresse d’ouvrir un livre et de prendre la plume. Je suis anéanti. […]
Le peu de vigueur qui me restait naguère, j’ai voulu l’employer à rassembler quelques notes pour le grand écrivain qui veut bien consacrer sa plume à l’illustration de notre pauvre bicoque. Ce travail a achevé de m’affaiblir… Oui, j’aime Aiguesmortes50, je dévoue ma vie et ma santé à ce qui peut lui être utile… Adieu ; cette lettre close, je jette ma plume au feu, et je me condamne au repos.

88En l’occurrence ce fut un repos éternel.

89Le maire dit en mai 1836 dans son manuscrit tenir un cahier à part des étrangers venus visiter Aigues-Mortes. Il ne reste aujourd’hui d’après son descendant Daniel Vigne que le 4e cahier de 1837 à 1839.

  • 51 - Sis au milieu de la Gironde, ce phare du XVIIe siècle est doté d’une chambre royale dite « de Lou (...)

90Sensible au progrès, alors qu’il n’est encore que conseiller municipal, il s’occupe d’accompagner l’ingénieur départemental Grangent, chargé de la construction du phare du Grau-du-Roi, entre 1825 et 1828. Il assiste aux premiers essais de la lampe « Fresnel », installée en Méditerranée pour la première fois, elle fut expérimentée précédemment sur le phare des Cordouans51. Une fois maire, il accompagne les ingénieurs chargés de la prolongation des môles, des quais et de la construction de la chaussée hippomobile jusqu’au Grau-du-Roi, dont Messieurs Gaston Bourdon et Charles Durand qui allient travail et plaisir, profitant de la station du Grau-du-Roi naissante dont nous parlerons ensuite. L’ingénieur géographe Couder est décrit relevant les données du cadastre de 1835, juché sur la terrasse de la Tour de Constance. Aucun n’échappe à son invitation pour visiter son cabinet de curiosités.

  • 52 - Inondations de la rivière le Vidourle.

91Il suit aussi avec M. Grangent l’aménagement du Vidourle dont les portes sont en construction au croisement du canal de la Radelle. Il décrit le dispositif de poutrelles mis en place pour manœuvrer à la main les gigantesques portes d’écluses qui doivent barrer la rivière en cas de crues comme c’est le cas des portes d’aujourd’hui. Les vidourlade52 sont fréquentes et font beaucoup de dégâts sur Aigues-Mortes. Il initie aussi la construction d’un premier quai au pied des remparts, le long du canal allant au Grau-du-Roi pour décharger le poisson arrivé par bateau et repartant par voie de terre dans toute la région.

Fig. 18

Fig. 18

Actuelle vue du quai depuis la terrasse de la tour de Constance, initialement construit au temps de Jean Vigne, longeant la « grande roubine » actuel canal du Grau-du-Roi

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

92Il souhaite faciliter la navigation dont il détaille l’évolution et les navettes mises en place, dans le domaine du transport balnéaire comme dans celui du commerce ou de la pêche. Il précise l’arrivée du premier vapeur et décrit chaque bateau et sa capacité d’accueil. Il répertorie les naufrages successifs et en analyse les causes pour tenter d’y remédier.

  • 53 - Voie d’accès fortifiée à la tour. Aujourd’hui seule subsiste la caponnière reliant la tour à la m (...)
  • 54 - Prisonnières protestantes de la Tour de Constance enfermées pour cause de religion au XVIIIe sièc (...)

93Jean Vigne-Malbois a également entrepris d’assainir Aigues-Mortes. Les déchets sont recyclés dans les terrassements et comblements de fossés. Les rues sont pavées et il oblige les habitants à balayer devant leur porte sous peine d’amende. Il expose son projet de voir le quai joignant la grande roubine (canal du Grau-du-Roi) au nouveau canal de Beaucaire pour améliorer le commerce. À cette fin, il décide de procéder à l’assèchement et au remblayage des fossés qui entourent la ville. Ils alimentent les douves malsaines de la Tour de Constance, ceinturées par un mur de défense circulaire appelé la conque qu’il fait démolir à partir de 1836. La conque figure encore, ainsi que les fossés d’alimentation sur le plan cadastral dressé par Monsieur Couder en 1835 (fig. 19a), mais l’une des deux caponnières53 représentées au musée du Désert sur la maquette de la tour au temps de Marie Durand54 et de ses compagnes d’infortune a déjà disparu.

Fig. 19

Fig. 19

a) Nîmes (Gard), archives départementales, cadastre d’Aigues-Mortes de 1835 dressé par M.Couder, géomètre, la Tour de Constance et la conque l’entourant, AD30. 3PFI 297. Section B ; b) Paris, Bibliothèque Nationale, la Tour de Constance en 1837 au temps de Jean Vigne-Malbois, avec la conque en grande partie démolie. Au premier plan le reste des murs circulaires de la conque et le bastion voués à être détruits à l’explosif en novembre de la même année, dessin à la mine de plomb et lavis à l’encre brune.

a) P. Carlier © ; b) © BNF

94Le maire fait exploser les dernières fortifications de la conque en novembre 1837 libérant la vue sur la Tour de Constance que nous avons encore aujourd’hui, ce qui permet de dater une gravure de la tour figurant à la Bibliothèque Nationale, (fig. 19b) d’entre octobre 1836 et novembre 1837.

  • 55 - Instrument entre violoncelle et contrebasse, dérivé de la viole de gambe, qui marque le rythme.
  • 56 - Cette salle est actuellement une galerie communale vouée aux évènementiels et expositions.
  • 57 - CARRETERO, 1987.

95Sur le plan social il met en place des ateliers de charité subventionnés par la mairie pour salarier à la journée les plus démunis pour des travaux d’intérêt public. Ce dispositif a un tel succès qu’il se voit obligé de règlementer la protection de l’emploi pour les habitants d’Aigues-Mortes, des étrangers arrivant des villages voisins pour se faire embaucher. Il assainit les comptes de l’hôpital qui fonctionne bien. La musique et la fête sont des loisirs qu’il tient à faire partager à ses concitoyens. Il laisse filtrer son mécontentement lorsqu’il est pris de vitesse par le maire de Saint-Laurent d’Aigouze qui a réservé avant lui Cabrette, son hautboïste attitré pour la fête votive ce qui, à son avis d’expert, va rendre la fête d’Aigues-Mortes bien morne… Il installe des pianos en ville, pour faire venir des chanteurs et professeurs. Il crée une première « école de musique » avec des musiciens venus de Montpellier qui vont résider sur place et se réjouit que ses concitoyens puissent avoir accès à la pratique de cet art. Le hautbois et le violon sont maintenant complétés de basses55 et de cornets à piston dans les fêtes. L’ancien couvent des Capucins56 sur la place Saint-Louis est transformé en halle publique qui sert au marché, aux spectacles et aussi de toril pour les lâchers taurins qui ont lieu à cette époque sur cette place ou dans les rues intérieures. Il y a de nombreuses mentions sur l’organisation des lâchers, le maire donne souvent son avis sur la qualité du bétail et du spectacle, ces éléments du manuscrit ont été analysés et commentés par Mme Carretero57 dans son ouvrage.

  • 58 - Ces vignobles sont représentés sur la carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685.
  • 59 - Réalisateur de la carte géologique du Gard et fondateur du muséum d’histoire naturelle de Nîmes.
  • 60 - Charles Vigne, son gendre et neveu, maire de 1870 à 1876, inaugurera le raccordement d’Aigues-Mor (...)

96Deux actions importantes pour le développement futur de la commune sont à mettre au crédit de ce maire. La première est l’apport de l’eau potable à Aigues-Mortes, sujet abondamment traité dans son manuscrit. Il se plaint de l’insalubrité récurrente de l’eau des puits qui apporte de nombreuses maladies. Cela contraint les habitants à privilégier le mélange avec le vin, d’où la présence précoce de vignobles dans la baie, plantés dans les sables58. Il entretient des relations avec divers spécialistes dont le géologue Émilien Dumas59. Mais c’est Jean Vigne-Malbois qui trouve lui-même à force de recherches par sondages et prospections une nappe d’eau pure dans les sables hors les murs. Sise non loin des remparts, il la fait équiper de puits-pompes. Le détail de ses recherches au jour le jour nous est conté comme son bonheur, lors des premières analyses faites d’une eau pure qui a très bon goût, pour le bien public qu’il va apporter. Il fait planter des acacias et d’autres arbres pour donner de l’ombre sur le chemin de la pompe située à quelques centaines de mètres à l’extérieur des remparts. Le succès est immédiat. C’est une noria humaine qu’il faut maintenant gérer et il ne tarde pas à en faire construire d’autres sur la même nappe la population augmentant avec le progrès60.

97La seconde action la plus importante à mettre au crédit de l’auteur en tant que maire constitue aussi le témoignage le plus important de son manuscrit : le développement de la station balnéaire très précoce du Grau-du-Roi dès 1833. Grâce aux nouveaux aménagements du phare, du canal et de la voie hippomobile entre Aigues-Mortes et le Grau, il a l’idée d’exploiter la prescription médicale qui recommande les bains de mer pour la santé dès cette époque. Il fait construire une première maison sanitaire, dotée d’un restaurant pour accueillir les premiers clients et va régulièrement y manger accompagné de hauts fonctionnaires locaux, le préfet et sa suite, le procureur, les ingénieurs départementaux. Il est possible d’y déguster huîtres et poissons frais. Des navettes sont mises en place depuis Nîmes pour que la bourgeoisie puisse descendre se baigner. Deux billards sont installés dans des cabanes pour distraire les premiers clients. En 1834 il écrit que « c’est une rage d’aller à la mer ». L’engouement est tel que la maison sanitaire n’y suffit plus. Durand de Nages, négociant nîmois, investit dans la création d’un hôtel-restaurant avec de bons cuisiniers. L’Hôtel-des-Bains est doté d’un médecin. Des chambres peuvent être louées à la semaine ou au mois. Des plages pour messieurs et dames sont créées dès cette époque avec cabines de déshabillages. En 1835, l’hôtel est toujours complet et le maire n’arrive même plus à y manger avec les officiels, il est obligé de se rapatrier sur la maison sanitaire. La station a un tel succès qu’un nouvel investisseur vient construire un deuxième hôtel. Palavas-les Flots n’existe pas encore en tant que station balnéaire et le préfet de l’Hérault de l’époque vient séjourner au Grau-du-Roi en compagnie du maire. Aldolphe Crémieux également, l’avocat nîmois amène avec lui la baronne de Rothchild et sa fille pour prendre des bains.

98Le maire met aussi en place le secours en mer, l’un des plus anciens de Méditerranée pour les pêcheurs et fait fonder un lazaret sur le canal pour les bateaux étrangers afin d’y organiser les quarantaines sanitaires. Le visionnaire qu’il est saisit immédiatement l’intérêt du train arrivant depuis Paris à Nîmes et à Montpellier en 1839. Il se bat avec succès dès 1835 pour obtenir un embranchement pour Aigues-Mortes qui se réalisera après son décès et sera poursuivi jusqu’au Grau-du-Roi par la suite. Il mène entre 1833 et 1838 un autre combat de front contre les dunes qui ne cessent d’assaillir les hôtels et cabanes à revers. Il finit par trouver une solution de fixation des sables. En 1839 le Grau-du-Roi a décuplé de population, les pêcheurs rive gauche se construisent des petites maisons en dur et la bourgeoisie des environs se construit des villégiatures rive droite, donnant le départ d’une configuration urbaine qui perdura jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

  • 61 - Bateaux ainsi appelés par qu’ils travaillent en double comme les bœufs sous le joug.

99Les premiers bateaux-bœufs61 font leur entrée au Grau-du-Roi pour rentabiliser la pêche. Le maire s’en sert parfois de pont mobile en les faisant s’aligner lorsqu’il organise un évènementiel au Grau-du-Roi qui nécessite de faire traverser les gens d’une rive à l’autre. Il entreprend la construction de la première église de la future commune. C’est sa dernière action au Grau-du-Roi avant son décès en février 1840.

100L’histoire d’Aigues-Mortes nous renseigne sur les quatre maires qui lui succèdent : Adrien Collet (1840-1859) son premier adjoint et grand ami qui partage ses activités privées, son médecin de famille le docteur Homéride Schilizzi (1859-1865), Charles Hérail (1865-1870) puis son gendre Charles Vigne (1870-1876) qui développent successivement sa politique publique et terminent certains de ses projets.

101Le Grau-du-Roi ancien hameau de pêcheur qui a donné son nom à la ville a été démembré de la commune d’Aigues-Mortes en 1879. Le train y arrive en 1904, parce que Jean Vigne-Malbois s’était battu pour obtenir cet embranchement 70 ans auparavant. Cela reste une des rares stations de la côte languedocienne aujourd’hui dont les plages sont directement accessibles à pied par le train.

102Il est aussi le maire ayant initié la nouvelle image d’Aigues-Mortes, il a payé de sa vie ce projet qui lui tenait tant à cœur. En faisant d’abord détruire la conque, la tour de Constance passe du statut de sinistre prison insalubre au milieu des marais qu’elle détient depuis le XVIIe siècle à celui de patrimoine remarquable national inscrit au titre des monuments historiques, entraînant avec elle sous cette nouvelle approche, les remparts et la ville. L’auteur fait état de plusieurs dessinateurs qu’il reçoit venus croquer les différents monuments d’Aigues-Mortes. Parmi ceux-ci, le pasteur nîmois Émilien Frossard lui offre une série de croquis en 1838, qui -dit-il « le touche beaucoup ». Cette image nouvelle est celle que la ville exploite encore touristiquement aujourd’hui.

Les apports du manuscrit

  • 62 - AD 30. C 109/6.

103C’est un document d’ethnologie et d’histoire locale qui représente une source scientifique très importante et très fiable. Il permet l’enrichissement des savoirs sur l’ensemble des activités agricoles et halieutiques de la baie. Nous connaissions déjà la carte des environs d’Aigues-Mortes de 168562 qui détaillait toutes les activités imposables, dessinées pour permettre aux agents du fisc de les identifier à vue (fig. 20).

Fig. 20

Fig. 20

Carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685, reprenant les activités agricoles et halieutiques de la baie. AD30, C139/6

© AD Gard

104Le manuscrit instruit sur ces activités toujours présentes à l’époque de sa rédaction. Elles existent pour certaines encore aujourd’hui à l’exemple des sagneurs, des manadiers, des chasseurs en étangs ou des pêcheurs qui transmettent un patrimoine halieutique exceptionnel parfois difficile à valoriser ou à maintenir compte de tenu des règlementations actuelles. Le manuscrit témoigne de l’ancienneté et de l’authenticité de ces pratiques qu’il détaille. La place des lâchers taurins dans la vie quotidienne, l’origine locale de « la bouvine » autour du taureau et du cheval de Camargue s’expriment largement dans ce manuscrit où il n’est jamais question de corrida.

105Le patrimoine gastronomique local qui peine à s’imposer parfois face à une cuisine touristique internationale trouve ici la déclinaison de plusieurs recettes basées sur l’exploitation de produits de la baie dont il peut s’inspirer.

106Le manuscrit fourmille aussi d’informations remettant parfois en cause des connaissances actuelles, comme c’est le cas du développement de la station balnéaire du Grau-du-Roi que l’on croyait plus tardif, mais l’un des cas d’apport significatif en matière de renouvellement des savoirs concerne assurément certaines traditions camarguaises.

  • 63 - Une cabrette est représentée sur un chapiteau du XIVe siècle dans le centre ancien de Sommières.

107La musique et les fêtes abondamment décrites par l’auteur ne font état ni de défilés d’arlésiennes ni de tambourinaïres au son des galoubets, représentatifs des traditions camarguaises locales actuelles. Nous sommes à Aigues-Mortes en Bas-Languedoc et les instruments décrits par l’auteur musicien lui-même, tant pour accompagner les joutes, les lâchers taurins ou les courses que pour faire danser le peuple sont traditionnellement ceux du Bas-Languedoc, soit le hautbois hérité de la cabrette médiévale63, le violon et la basse pour l’orchestration de base, parfois augmentée d’un tambourin ou d’un cornet à piston.

  • 64 - Nom donné parce qu’elles portent des robes grises rehaussées de châles colorés ou d’écharpes de s (...)

108Les dames participant aux fêtes sont les élégantes grisettes64 citées à plusieurs reprises, ouvrières du textile pour les ateliers nîmois ou montpellierains, elles s’inspirent des tenues bourgeoises dont elles fabriquent les tissus en atelier sur commande. Jean Vigne-Malbois témoigne de son plaisir de les inviter tant leurs costumes sont beaux, pour animer les fêtes. Ces tenues et ses traditions musicales locales vieilles de plusieurs siècles sont aujourd’hui oubliées, remplacées par des traditions provençales arrivées dans le sillage de Frédéric Mistral au début du XXe siècle.

Le devenir des documents

  • 65 - BRAUDEL, 1958.

109Nous sommes avec ces archives à la fois dans l’histoire « circonstancielle » et dans « l’histoire longue » du territoire, au sens où Fernand Braudel65 entend ces notions.

  • 66 - DAVOIGNEAU, 2014.

110En 2014 Jean Davoigneau66, spécialiste du patrimoine scientifique et technique à l’Inventaire général, en parlant de l’inventaire de terrain dit qu’un outil scientifique bien utilisé peut être un levier de développement territorial. C’est précisément dans cette optique que la valorisation de ces archives est envisagée.

111La patrimonialisation des archives et la sensibilisation des publics à leur conservation font partie des missions d’inventaire de territoire aujourd’hui. Si la conservation et la valorisation d’archives publiques découvertes ou redécouvertes, peut sembler simple a priori, c’est plus complexe pour les archives privées, lorsque les familles sont en capacité elles-mêmes de les conserver, nous venons d’en étudier deux exemples.

112Cependant, la technologie numérique aujourd’hui permet de remédier à ce problème de valorisation. Des missions sont finançables par les territoires pour intervenir en milieu privé dans l’intérêt public notamment si les familles sont d’accord pour mettre à la disposition pérenne et gracieuse du public leurs fonds numérisés et c’est le cas des deux fonds documentaires présentés. Ce sont de remarquables ressources d’information mais aussi de valorisation des patrimoines locaux.

113Une mission de référencement et de sauvegarde d’archives pour le fonds Coste est nécessaire, suivie d’une numérisation des fonds en vue de leur mise à disposition publique. Un état sanitaire en vue de leur conservation sur place est également souhaitable. Quant au manuscrit Vigne, déjà numérisé avec l’aide du ministère de la Culture et transcrit, il est actuellement en cours d’études pluridisciplinaires dans le but d’une prochaine publication à l’aide des fonds européens par les collectivités locales du territoire qu’il couvre, en partenariat avec les autorités culturelles et scientifiques compétentes. L’ensemble de la numérisation intégrant la transcription sera également mise en ligne à la disposition du (grand) public.

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Bibliographie

BRAUDEL, Fernand. « Histoire et Sciences sociales : La longue durée  ». Annales. Economies, sociétés, civilisations. 1958, 13ᵉ année, N° 4, p. 725-753.

CARLIER, Patricia. « De la Vaunage à la Petite Camargue, un patrimoine protestant majeur », Patrimoines du Sud, 2017, 5

CARRETERO, Lise. Le taureau de Camargue XVe-XXe siècle. Exposition 1982-1983. Répertoire des archives, Éditions des Archives départementales du Gard, 1983.

CARRETERO, Lise. Traditions taurines entre mer et Vidourle, Éditions des Archives départementales du Gard, 1987.

CHAVE, Isabelle. « Pratiques culturelles immatérielles. Une recherche renouvelée et décloisonnée », Culture et Recherche, 2018, n° 137, p. 25-26.

DAVOIGNEAU, Jean. « L’inventaire : une méthodologie en mouvement ». L’Observatoire, 2014/2, n° 45, p. 73-77.

DI PIETRO, François-Émile. Histoire d’Aigues-Mortes. Paris : Furne et Perrotin, 1849.

FABRE, Daniel. Introduction. FABRE, Daniel (dir). Émotions patrimoniales. Paris : éditions M. S. H., 2013.

FANGUIN, Pierre. Histoire du protestantisme dans le Gard. Éditions des archives départementales du Gard, 1986.

GERMER-DURAND, Eugène. Dictionnaire topographique du département du Gard, [Paris 1878], Nîmes : éditions LACOUR.

HAAG, Eugène et Émile. La France protestante ou vies des protestants français qui... Paris : Joël Cherbuliez, tome III, 1852, p. 470-471.

HUARD, Raymond. La Vaunage, terre républicaine au XIXe siècle, La Vaunage au XIXe siècle, (dir)ROGER, Jean-Marc, Éditions Lacour, Nimes, 1996. pp. 497-528.

LE ROY LADURIE, Emmanuel et DUPAQUIER, Jacques. « Quatre-vingts villages (XIIIe-XXe siècle) », Annales. Économie, sociétés, civilisations, 1969, 24-2, p. 424-433.

MAUSS, Marcel. Manuel d’ethnographie. Éd. Payot. Paris, 1947. Mis en ligne par Jean-Marie Tremblay, Université du Québec/UQAC Chicoutimi

MAUSS, Marcel. [1925]. Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1902-1903) Sociologie et anthropologie. Ed. P.U.F. Paris, 2007. Mis en ligne par Jean-Marie Tremblay, Université du Québec/UQAC/ Chicoutimi

NORA, Pierre. Les lieux de mémoire. Paris : Gallimard, 1984 à 1992. T1, La République, 1984, T 2, La Nation 1986, T 3, Les France, 1992.

POULOT, Dominique. « De la raison patrimoniale aux mondes du patrimoine  », Socio-anthropologie, 2006 /19.

RIVOIRE, Hector. « L’industrie textile de la ville de Nîmes  », Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1852-53. p. 268-297.

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Notes

1 - FABRE, 2013. Daniel Fabre, fut le directeur de la mission du patrimoine ethnologique, puis le directeur du LAHIC, laboratoire spécialisé en anthropologie sociale.

2 - BRAUDEL, 1958. Il ouvre la voie à l’histoire « totale », évènementielle, circonstancielle, territoriale prenant en compte d’autres disciplines en sciences sociales, comme la géographie, l’économie ou la démographie.

3 - NORA, 1984-1992.

4 - POULOT, 2006.

5 - Article 95 de la Loi du 13 août 2004.

6 - CHAVE, 2018. Isabelle Chave est archiviste de formation. Elle est actuellement sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux.

7 - MAUSS, 1947. Et MAUSS, 1925.
L’ethnologue Marcel Mauss (1872-1950) est considéré comme le père de l’ethnographie française. Il propose dès les années 1920, une méthode propre à l’enquête ethnographique permettant de décrire « un fait social total » dont il donne une première définition dans son Essai sur le don. 

8 - BRAUDEL, 1958.

9 - Expression vernaculaire qualifiant les pratiques sociales et d’élevage autour des taureaux et chevaux de Camargue.

10 - CARLIER, 2017.

11 - Le compte exact n’a pas encore pu être fait.

12 - COSTE, Émile. Histoire du mas de Coste, manuscrit non publié. L’auteur a retrouvé la présence de ses ancêtres cités dans les archives de Montmirat.

13 - Nous avons utilisé les renseignements fournis par le manuscrit d’Émile Coste figurant dans les archives familiales avec l’aimable autorisation de M. Philippe Coste, actuel descendant propriétaire.

14 - Ces conventions ont été transcrites au XVIIe siècle et figurent dans les archives familiales.

15 - Nom donné aux protestants dans l’obligation de se convertir au catholicisme pour conserver leurs biens après la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685.

16 - RIVOIRE, 1853.

17 - HAAG, 1852. T. III, p. 470-471.

18 - Émile Coste précise dans son manuscrit cité en note 11 qu’il a dû les retrouver dans des fonds publics extérieurs pour en raconter l’histoire. Seuls quelques actes subsistent au nom de Jacques Coste seigneur de Castignargues, qui ont échappé à la destruction dans le fonds familial.

19 - Citée comme telle dans les archives de la famille.

20 - CARLIER. 2017.

21 - HUARD,1996, p. 497-528.

22 - Nom en langue vernaculaire désignant l’intendant.

23 - Témoignage filmé de Philippe Coste sur l’histoire de sa famille, 2017.

24 - CARLIER, 2017.

25 - FANGUIN, 1986. Pierre Fanguin est professeur agrégé d’histoire, responsable du secteur éducatif sur l’histoire du protestantisme aux archives départementales du Gard.

26 - GERMER-DURAND. p. 46 et 58.

27 - LE ROY LADURIE, DUPAQUIER, 1969. Les auteurs étudient les 80 villages sis dans la seigneurie de Nogaret qui couvre le territoire, entre Nîmes et Montpellier.

28 - Christian Jacquelin, conseiller à l’ethnologie de la DRAC, a défendu le dossier de numérisation au ministère de la Culture. Un cofinancement européen sur les fonds LEADER du PETR avait été alloué à cette opération.

29 - CARRETERO. 1983.

30 - Frédéric Simien docteur en géochimie est spécialiste de la Camargue sur laquelle il publie régulièrement. Il dirige les éditions du BRGM. Il avait aidé Daniel Vigne à transcrire les textes de son ancêtre dans les cahiers qu’il détient.

31 - La maison figure sur la base Mérimée dans l’inventaire architectural sous la référence : IA 00028242.

32 - Ainsi nommé pour le distinguer de ses cousins Jean Vigne dans la famille, il y a deux Philippe dont l’aîné et trois Pierre parmi ses propres frères. Malbois est le nom de sa femme, Caroline Malbois, fille du maire précédent, Stanislas Malbois, beau-père de Jean.

33 - DI PIETRO. 1849. p. 373 et suiv.

34 - Le format des folios originaux fait 10 cm de large sur 28 cm de haut.

35 - Le format des folios est de 13 cm de large sur 18 cm de haut.

36 - DI PIETRO. 1849. p. 373-378. Auteur de l’histoire d’Aigues-Mortes, né à Aix-en Provence, nommé receveur des douanes dans la même ville en début de carrière.

37 - Ainsi nommé dans le manuscrit pour le distinguer de son frère aîné Philippe.

38 - DI PIETRO, 1849, p. 378.

39 - Actuellement exposée en permanence dans la salle des Capucins.

40 - Voir fig. 24, la carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685, la pêche au bouliech, grand filet tiré depuis la plage par les hommes y figure en haut à droite de l’image.

41 - La famille dit n’avoir plus que quelques feuillets de ce manuscrit mais peut-être faudrait-il aussi investiguer le fonds aigues-mortais des archives départementales pour vérifier que ce répertoire ne s’y trouve pas aussi.

42 - Il est l’auteur de l’ouvrage Ornithologie du Gard et des pays circonvoisins, 1840, 564 p.

43 - Comité constitué de membres bénévoles actifs, pouvant s’apparenter aux clubs ou aux associations que nous connaissons aujourd’hui, régies par la loi de 1901.

44 - En fonction des activités et des revenus des propriétaires, nom donné localement à un maset, une cabane ou à un mas dans la campagne environnant le lieu principal de résidence. L’agriculture, la chasse ou la pêche y sont pratiquées et ce sont des lieux conviviaux propres aux réunions de famille ou de sociétés.

45 - DI PIETRO.

46 - Souvenirs de quelques promenades dans le Gard, Publiées en 1797, republiées en 1835.

47 - L’intégralité des courriers de Chateaubriand au maire d’Aigues-Mortes figure dans DI PIETRO. 1849. p. 485-487

48 - La notice de Chateaubriand sur Aigues-Mortes ne paraîtra pas, le maire étant décédé trois mois après ce premier envoi, l’auteur fut coupé de sa source scientifique.

49 - Cette lettre privée a été écrite par Jean Vigne à François-Émile Di Pietro, auteur de l’histoire d’Aigues-Mortes dans laquelle cet auteur l’a publiée. Voir DI PIETRO, p. 377.

50 - Aigues-Mortes s’écrivait ainsi à cette époque.

51 - Sis au milieu de la Gironde, ce phare du XVIIe siècle est doté d’une chambre royale dite « de Louis XIV ». Il est classé monument historique comme le phare du Grau-du-Roi.

52 - Inondations de la rivière le Vidourle.

53 - Voie d’accès fortifiée à la tour. Aujourd’hui seule subsiste la caponnière reliant la tour à la maison du gouverneur.

54 - Prisonnières protestantes de la Tour de Constance enfermées pour cause de religion au XVIIIe siècle. Marie Durand fut libérée en 1768.

55 - Instrument entre violoncelle et contrebasse, dérivé de la viole de gambe, qui marque le rythme.

56 - Cette salle est actuellement une galerie communale vouée aux évènementiels et expositions.

57 - CARRETERO, 1987.

58 - Ces vignobles sont représentés sur la carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685.

59 - Réalisateur de la carte géologique du Gard et fondateur du muséum d’histoire naturelle de Nîmes.

60 - Charles Vigne, son gendre et neveu, maire de 1870 à 1876, inaugurera le raccordement d’Aigues-Mortes à l’eau courante par captation des eaux du Rhône.

61 - Bateaux ainsi appelés par qu’ils travaillent en double comme les bœufs sous le joug.

62 - AD 30. C 109/6.

63 - Une cabrette est représentée sur un chapiteau du XIVe siècle dans le centre ancien de Sommières.

64 - Nom donné parce qu’elles portent des robes grises rehaussées de châles colorés ou d’écharpes de soie, spécialités des productions nîmoises et montpelliéraines. Elles portent aussi souvent des chapeaux assortis. Une exposition leur a été consacrée en 2018 « Muses et Grisettes » dans l’Hôtel Sabatier d’Espeyran, en 2018, musée montpelliérain, associé au Musée Fabre.

65 - BRAUDEL, 1958.

66 - DAVOIGNEAU, 2014.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), le Mas de Coste en 2019, vue extérieure
Crédits P. Carlier © PETR Vidourle Camargue
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Fichier image/jpeg, 396k
Titre Fig. 2
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, reconnaissance de dette à son frère Jacques, signée par Étienne Coste en exil à Berne (Suisse) revenu clandestinement au mas, signée du 4 août 1728 à Cannes
Crédits P. Carlier © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 660k
Titre Fig. 3
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, avis de recherche du pasteur Barthélemy Coste, condamné à mort.
Crédits P. Carlier © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 114k
Titre Fig. 4
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, baptême au Désert signé du pasteur Barthélemy Claris en 1745, condamné à mort
Crédits P. Carlier © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 46k
Titre Fig. 5
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, mariage au Désert de Jacques Coste, 4e du nom, par le pasteur Roux en 1744
Crédits P. Carlier © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 1007k
Titre Fig. 6
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Fonds Coste, avis de saisie révolutionnaire du magasin de textiles des frères Coste, une page d’inventaire des stocks de tissus
Crédits P. Carlier © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 199k
Titre Fig. 7
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, portrait de Casimir Coste (a) (1799-1870) et de Gabrielle Coste-Delon (b), sa femme
Crédits Philippe Coste © Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 79k
Titre Fig. 8
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, portrait du Général Gustave Coste (1830-1918)
Crédits Philippe Coste© Mas de Coste
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Fichier image/jpeg, 70k
Titre Fig. 9
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), inauguration en 2018 de la rénovation du temple de Cannes-et-Clairan, incluant celle des inscriptions républicaines
Crédits P. Carlier © PETR Vidourle Camargue
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Fichier image/jpeg, 408k
Titre Fig. 10
Légende Cannes-et-Clairan (Gard), Mas de Coste, caveau familial dans le jardin
Crédits P. Carlier © PETR Vidourle Camargue
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Fichier image/jpeg, 406k
Titre Fig. 11
Légende Mialet (Gard), musée du Désert, chaire démontable servant à prêcher au Désert
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Fichier image/jpeg, 440k
Titre Fig. 12
Légende a) Collection privée, courriers divers reliés de témoins contemporains, 1792-1804, collectés pour écrire une histoire de la Révolution. Propriété personnelle de Jean-Vigne Malbois indiquée sur la première page ; b) Nîmes (Gard), archives départementales, première page du volume 2 de Jean Vigne-Malbois, il couvre les années allant de 1835 à 1838 en réalité alors que le titre indique 1837, FL-161
Crédits a) © D. Vigne ; b) P. Carlier ©
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Fichier image/jpeg, 176k
Titre Fig. 13
Légende Nîmes (Gard), archives départementales, page d’écriture du volume 2 de Jean Vigne-Malbois, FL-161
Crédits P. Carlier ©
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Fichier image/jpeg, 171k
Titre Fig. 14
Légende Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile
Crédits P. Carlier © Daniel Vigne
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 247k
Titre Fig. 15
Légende Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Pierre Vigne, père de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile
Crédits P. Carlier © Daniel Vigne
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Fichier image/jpeg, 624k
Titre Fig. 16
Légende Collection personnelle de Daniel Vigne, portrait de Pierre Vigne, père de Charles Vigne et frère de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile peinte par Espérandieu
Crédits P. Carlier ©
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 415k
Titre Fig. 17
Légende Collection personnelle de Daniel Vigne, a) portrait de Charles Vigne, neveu et gendre de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile peinte par Naude ; b) portrait d’Anaïs Vigne, fille de Jean Vigne-Malbois, huile sur toile
Crédits P. Carlier ©
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 214k
Titre Fig. 18
Légende Actuelle vue du quai depuis la terrasse de la tour de Constance, initialement construit au temps de Jean Vigne, longeant la « grande roubine » actuel canal du Grau-du-Roi
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 528k
Titre Fig. 19
Légende a) Nîmes (Gard), archives départementales, cadastre d’Aigues-Mortes de 1835 dressé par M.Couder, géomètre, la Tour de Constance et la conque l’entourant, AD30. 3PFI 297. Section B ; b) Paris, Bibliothèque Nationale, la Tour de Constance en 1837 au temps de Jean Vigne-Malbois, avec la conque en grande partie démolie. Au premier plan le reste des murs circulaires de la conque et le bastion voués à être détruits à l’explosif en novembre de la même année, dessin à la mine de plomb et lavis à l’encre brune.
Crédits a) P. Carlier © ; b) © BNF
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 181k
Titre Fig. 20
Légende Carte des environs d’Aigues-Mortes de 1685, reprenant les activités agricoles et halieutiques de la baie. AD30, C139/6
Crédits © AD Gard
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/8616/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 1008k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Patricia Carlier, « Découvertes dans le Gard grâce à l’inventaire du patrimoine : six siècles d’archives d’une famille protestante à Cannes-et-Clairan et le journal d’un édile d’Aigues-Mortes (1821-1839) »Patrimoines du Sud [En ligne], 15 | 2022, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/8616 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.8616

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Auteur

Patricia Carlier

Docteur en archéologie et en anthropologie de l’Université d’Aix-Marseille, Chargée de mission d’inventaire, de conservation et de valorisation des patrimoines au PETR (pôle d’équilibre territorial et rural) Vidourle Camargue

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Droits d’auteur

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