- 1 - Pierre Racine (1909-2011), haut fonctionnaire, co-fondateur de l’École nationale d’administration (...)
1L’aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon, programme d’ampleur sans précédent et d’initiative étatique, fut conduit, de 1960 à 1980, par les services d’une mission interministérielle présidée par Pierre Racine1. Au cours de son activité, cette mission, dite Mission Racine, rattachée au Secrétariat général du Gouvernement a produit, tant à Paris que dans son antenne régionale de Montpellier, quantité de documents aujourd’hui regroupés, archivés et conservés, selon un choix fait en 1981, aux archives départementales de l’Hérault afin de sauvegarder l’unité d’ensemble.
2Hormis cet important fonds archivistique, l’histoire de l’aménagement du Languedoc-Roussillon ne pourrait être faite de manière exhaustive, d’un point de vue de la conception technique, sans avoir recours aux archives privées des urbanistes et architectes qui furent désignés maîtres d’œuvre des différentes stations ou unités touristiques qui sortirent de terre entre 1960 et 1980 et qui ponctuent la côte depuis le Grau-du-Roi dans le Gard, jusqu’à Saint-Cyprien dans les Pyrénées-Orientales (fig. 1).
Fig. 1
Schéma de l’ensemble de l’aménagement urbain et touristique du Languedoc-Roussillon (éch. 1/125.000e), 30 juin 1963. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Jean Le Couteur, 187 IFA 107
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3Les archives de plusieurs des architectes des plus importantes unités touristiques sont conservées au Centre d’archives d’architecture contemporaine de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Elles sont complétées par les archives d’autres architectes étant intervenus ponctuellement dans le même contexte ou antérieurement. Au total, c’est plus d’une douzaine de fonds d’archives qui peuvent être mobilisés par les chercheurs sur ce sujet spécifique.
4Si les archives publiques de la Mission Racine et des autres services départementaux ou municipaux apportent une masse documentaire importante et indispensable, les archives privées des architectes, complètes ou lacunaires, témoignent tantôt d’une vision urbaine et architecturale idéale et concrétisée dans un environnement vierge (comme pour la Grande-Motte avec Jean Balladur), tantôt d’une utopie urbaine sensiblement revue à l’aune de la réalité de la promotion touristique ou de l’adéquation à un site déjà urbanisé (comme Gruissan de Raymond Gleize).
5Dans cet article, après avoir rappelé les grandes lignes de l’aménagement urbain et architectural du littoral du Languedoc-Roussillon, nous proposons de situer l’ensemble documentaire concerné dans ce qui fut un axe majeur de collecte, celui d’archiver la ville et l’architecture des Trente Glorieuses. Ensuite, il s’agira de présenter l’importance matérielle et le contenu de chacun des fonds. Enfin, sera mis en lumière la spécificité documentaire et historique de ces fonds d’archives sur la connaissance historique de l’élaboration d’un nouvel urbanisme et d’une nouvelle architecture balnéaires après la seconde guerre mondiale et jusqu’au choc pétrolier de 1973.
- 2 - PINCHON, Jean-François, 2009.
- 3 - Prelorenzo, Claude et Picon, Antoine, 1999.
- 4 - Gravier, Jean-François, 1947.
6La vocation balnéaire du Languedoc-Roussillon a émergé un peu plus tardivement que celle d’autres littoraux français2. Si la fréquentation de la plage et la pratique des bains de mer existent localement avant 1945, c’est véritablement et concrètement au début des années 1960 qu’elles devinrent des leviers de l’aménagement et de l’urbanisation du littoral. Ce n’est pas l’objet ici de retracer l’histoire de cette évolution ; nous renvoyons le lecteur aux travaux et aux ouvrages sur le sujet3 en nous bornant seulement à en donner les grandes lignes. Le développement des stations du Languedoc-Roussillon fit partie d’une politique générale d’aménagement du territoire français afin de rétablir l’équilibre entre Paris et la province en réaction à ce que Jean-François Gravier nomme en 1947 « Paris et le désert français4 ».
- 5 - BODIGUEL, Jean-Luc, 2006.
- 6 - Laborie, Jean-Paul ; Langumier, Jean-François ; De Roo, Priscilla, 1985.
7Créée en 1962, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR)5, confiée à Olivier Guichard, est chargée de mettre en œuvre la politique gaullienne visant le développement économique des territoires6 (fig. 2).
Fig. 2
Languedoc-Roussillon : Aménagement touristique du littoral, Plaquette promotionnelle publiée par la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, Publicité Vox, 1967. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Georges Candilis, 236 IFA 414/1
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8Dans un Languedoc-Roussillon marqué par la monoculture de la vigne, il s’agit de trouver une autre vocation notamment pour les parties littorales qui souffrent d’un abandon dû à leur caractère sauvage et inhospitalier, entrecoupé par des agglomérations à l’urbanisation souvent anarchique, heureusement modestes en superficie. En revanche, la région bénéficie de grandes étendues de plages parfaitement adaptées à l’accueil des vacanciers, mais difficilement accessibles faute d’un réseau routier adapté, et dépourvues de capacités d’hébergement (fig. 3).
Fig. 3
La Grande Motte (Hérault), vue générale de l’aménagement paysager du futur port, n.d. Cliché Alain Perceval. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Georges Candilis, 236 IFA 623/4.
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- 7 - Dumazedier, Joffre, 1962.
9La décision est donc prise d’assigner à ce territoire une nouvelle vocation en le consacrant au tourisme de masse dans le cadre de la nouvelle société des loisirs récemment mise en évidence par Joffre Dumazedier7.
10La spécificité du développement balnéaire de la côte occitanienne tient donc à cette action concertée et à l’échelle à laquelle les choses sont envisagées, notamment par la maîtrise du foncier par l’achat par la puissance publique de milliers d’hectares. Ce sont donc de véritables villes nouvelles dédiées aux loisirs et tourisme estival qui vont être créées, desservies par un maillage routier conjuguant axes de grande communication et voies de desserte locale, le tout relié au réseau tant national que régional. Afin de donner à chacune de ces unités d’aménagement touristique une identité propre et pour en garantir l’unité tant urbaine qu’architecturale, la conception de chacune d’elles va être confié à un maître d’œuvre.
- 8 - Fondé en 1981, l’Institut français d’architecture, de statut associatif, a été intégré à l’établi (...)
- 9 - Par une convention entre l’Institut français d’architecture, la Direction de l’architecture et la (...)
11La présence, au Centre d’archives d’architecture contemporaine de la Cité de l’architecture et du patrimoine, des archives de plusieurs concepteurs des stations balnéaires du Languedoc-Roussillon ne résulte d’aucune opération concertée. Tout au plus doit-on indiquer que les Trente Glorieuses, période dans laquelle s’inscrit l’aménagement des côtes du Languedoc et du Roussillon par la mission Racine, apparut rapidement pour les personnes en charge de la collecte des archives d’architectes comme prioritaire dans la politique de sauvegarde de la mémoire de la production architecturale française au xxe siècle, mission que s’est donnée au début des années 1980 l’Institut français d’architecture8 et qui a été définie avec les Archives de France9.
12Vingt-cinq ans se sont écoulés entre l’entrée du premier fonds d’archives, celui de Paul Herbé en 1989, et la collecte des archives de Raymond Gleize en 2014. Cette amplitude chronologique s’explique par les conditions et les processus spécifiques qui président à l’acquisition des fonds d’archives au Centre d’archives d’architecture, mais plus généralement par l’ensemble des services d’archives publiques. On rappelle brièvement ici quelques principes qui régissent le domaine des archives. Rien en France n’impose d’obligation quant à la conservation des archives privées des individus, des sociétés ou des familles. La collecte d’archives privées par les services publics compétents n’est soumise à aucune loi et est laissée au libre arbitre des responsables. Des critères multiples rentrent en jeu dans le choix d’acquérir, par cession gratuite (don ou dépôt) ou onéreuse (achat ou dation), des archives privées.
13Le terme employé, dans le jargon des archivistes, de « fonds entrés par voie extraordinaire », décrit bien le caractère exceptionnel et non systématique de la sauvegarde des archives privées. Lorsque les archives d’un architecte sont signalées, souvent par des personnes qualifiées, comme des architectes, des historiens ou des chercheurs, se met alors en place un travail d’évaluation de l’intérêt de la production individuelle au regard d’une connaissance plus large de l’architecture. L’intérêt documentaire des archives d’architectes augmente en fonction de leur exhaustivité. Il est donc important, lors de la collecte d’un fonds, de s’assurer qu’il est le plus complet possible et qu’il ait été procédé à peu d’éliminations en amont de sa prise en charge.
- 10 - Dépôt en date du 8 mars 1983, archives départementales de l’Hérault, entrée n° 1794, enregistré s (...)
14Les archives concernant l’aménagement du littoral ont été pour la plupart collectées auprès des architectes ou après leur décès. C’est le cas des archives de Raymond Gleize (1913-1992), que sa famille, confrontée à la nécessité de la vente d’une maison dans laquelle elles avaient été entreposées, a souhaité donner plus d’une vingtaine d’années après le décès de celui qui fut l’urbaniste de Gruissan. L’architecte de la Grande Motte, Jean Balladur (1924-2002) a fait don de ses archives en 2002 peu de temps avant son décès. Jean Le Couteur (1916-2010) a proposé les siennes dès 1996 au moment où il a cessé définitivement son activité. Il avait auparavant déposé certains de ses papiers concernant l’aménagement du Cap d’Agde aux archives départementales de l’Hérault10. Toutefois, dans le fonds conservé à Paris, au Centre d’archives d’architecture contemporaine, se trouve la majeure partie des dossiers liés au Cap d’Agde, notamment de très nombreux documents graphiques. Cet ensemble est complété par un autre conservé dans les archives de Paul Herbé, associé de Jean Le Couteur, constitué là-aussi d’une vingtaine de documents graphiques qui correspondent aux premières études pour le plan d’aménagement de la station (fig. 4).
Fig. 4
Le Cap-d’Agde (Hérault), étude d’élévation d’un immeuble par Jean Le Couteur (éch. 1/100e), n.d. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Jean Le Couteur, 187 IFA 125
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15Les archives d’Eugène Beaudouin (1898-1983) résultent d’un don fait en 1980 par l’architecte à l’Académie d’architecture, société professionnelle dont il était membre et dont il fut un temps le président. Elles ne concernent que son activité postérieure à la période 1923-1940 pendant laquelle il fut associé à son confrère Marcel Lods (1891-1978). C’est donc logiquement que se trouvent conservés dans ses archives les documents relatifs à ses projets pour l’aménagement de la station de Saint-Cyprien (fig. 5).
Fig. 5
Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), plan-masse du projet d’aménagement et de lotissement de la zone portuaire (éch. 1/1000e), 1964. AA/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Eugène Beaudouin, 265 AA 67.
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16Il ne s’agit là que des archives des principaux protagonistes du développement des stations balnéaires à partir des années 1960. Des archives d’autres architectes ayant participé de manière plus ponctuelle à cette vaste entreprise existent également au Centre d’archives d’architecture. Nous y reviendrons plus loin.
17La recherche en histoire de l’architecture se nourrit toujours avec profit des archives privées des principaux protagonistes que sont les architectes, documents qui forment un complément souvent irremplaçable à la documentation issue des archives des administrations publiques. Outre les éléments sur la réalisation des grandes stations, les archives des architectes renferment souvent des documents concernant des projets non réalisés, dont la mémoire, de ce fait, s’est perdue. Le chercheur trouve bien évidemment dans les archives publiques la correspondance avec les administrations publiques, les pièces réglementaires tels que permis de construire, plans d’urbanisme, renseignant parfois sur un temps long la réalisation d’ensembles urbains comme les stations balnéaires. La conception et la réalisation des nouvelles villes du littoral languedocien se sont faites sous l’autorité et le concours de l’autorité publique, avec le pilotage d’une mission interministérielle dédiée. Il est donc évident qu’un grand nombre de documents ont été produits ou rassemblés par les services de l’État dont une partie non négligeable émane des cabinets d’urbanistes, d’architectes et de paysagistes, des bureaux d’études de géographes et d’ingénieurs, etc. Mais, il ne faut pas réduire l’activité d’un maître d’œuvre uniquement à ses relations officielles avec la maîtrise d’ouvrage et à la production de documents formalisés exigés par les administrations pour l’instruction des dossiers et le suivi des opérations.
18Au début des années 1960, lorsque fut décidé l’aménagement du littoral du Languedoc et du Roussillon pour le transformer en territoire touristique et balnéaire, la plupart des architectes choisis par la Mission Racine étaient aussi des urbanistes notamment en charge d’élaborer les plans des villes nouvelles ou des zones à urbaniser en priorité (ZUP). D’ailleurs, les stations balnéaires qui vont être créées ne sont ni plus ni moins que des villes nouvelles littorales comme le seront également les stations de sports d’hiver à la même période. Ignorer l’existence des unes en étudiant l’histoire des autres serait alors dommageable. On voit l’utilité d’avoir recours aux archives de leurs auteurs communs, pour comparer leur genèse. Eugène Beaudouin qui signe le plan d’aménagement de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) est l’urbaniste de la ZUP des Minguettes à Vénissieux (Rhône) ; Raymond Gleize est celui de la ZUP de Saint-Liguaire à Niort (Deux-Sèvres) et de la ZAC de Beaubreuil à Limoges (Haute-Vienne). Georges Candilis, avec Shadrach Woods et Alexis Josic, a conçu la ZUP de Toulouse-Le Mirail (Haute-Garonne).
19Pour l’unité touristique de Port Barcarès et Port Leucate, dont il fut urbaniste et architecte en chef, Georges Candilis a porté une attention particulière comme il l’avait déjà fait pour d’autres projets similaires, à la définition des types architecturaux (fig. 6) à partir desquels il concevrait l’agencement des bâtiments qui allaient constituer les différentes unités de voisinage ou d’hébergement, comme il l’a fait pour la ZUP du Mirail et à Bagnols-sur-Cèze (Gard).
Fig. 6
Études typologiques pour des logements de vacances par Georges Candilis, n.d. (éch. 1/200e). SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Georges Candilis, 236 IFA 121.
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20Toute une série d’études typologiques pour des logements de vacances sont dans ses archives. On peut ainsi voir l’application directe des typologies élaborées dans la définition et l’organisation de chaque zone d’aménagement de la station.
21Un exemple significatif de l’importance des archives des architectes pour l’histoire des unités touristiques d’Occitanie, est celui de Gruissan, principale station du département de l’Aude. Village fortifié et port de pêche, Gruissan se tourna vers l’activité balnéaire à la faveur de la transformation des cabanes sur pilotis élevées sur les lais de mer par les saisonniers en chalets de vacances. Après la seconde guerre mondiale, le premier lotissement de chalets est reconstruit sur un plan d’ensemble dessiné par l’urbaniste Raymond Coquerel. Ce fut dans un premier temps le seul secteur à vocation balnéaire, mais fréquenté par une population locale.
- 11 - Leclercq, Daniel, 2013.
22En 1964, Raymond Gleize fut nommé architecte en chef de l’unité touristique de Gruissan et chargé d’en concevoir le plan d’aménagement11. Avec son confrère Édouard Hartané, ils seront pendant presque trente ans les concepteurs des principaux édifices et résidences de la station dont le port de plaisance. Dans un premier temps, il est envisagé de donner à Gruissan un tout autre visage dont des dessins furent publiés dans Paris Match le 1er août 1964 (fig. 7).
Fig. 7
Unité touristique de Gruissan (Aude), perspective du principe architectural initial par Raymond Gleize et Édouard Hartané, février 1964. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Raymond Gleize, 139 IFA 9.
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23Or entre les gigantesques paquebots pyramides envisagés au tout début et les bâtiments couverts en voutains finalement adoptés pour le secteur du port, Gleize et Hartané ont multiplié les études. Progressivement, d’un urbanisme de dalle, les architectes sont parvenus à un principe d’immeubles peu élevés entourés par des espaces publics où se côtoient piétons et automobiles (fig. 8).
Fig. 8
Gruissan (Aude), perspective du principe architectural des immeubles du port de plaisance par Raymond Gleize et Édouard Hartané, juin 1968. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Raymond Gleize, 139 IFA 9
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- 12 - Toulier, Bernard ; Delorme, Franck ; Bélier, Corinne, 2016.
24Chaque secteur de la station possède un visage différent des autres, avec des modèles de constructions bien particulières. Les archives de Raymond Gleize comprennent également des maquettes du port de plaisance ; l’exposition Tous à la plage à la Cité de l’architecture et du patrimoine en 2016 fut l’occasion de les présenter en exclusivité au public12. Le don des archives deux ans plus tôt en 2014 était venu à point nommé pendant la préparation de l’exposition, renouvelant ainsi la connaissance que l’on avait de l’histoire de la station de Gruissan (fig. 9).
Fig. 9
Gruissan (Aude), maquette du secteur du port de plaisance, n.d. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Raymond Gleize, 139 IFA 402
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25Un autre type de documents, très spécifique au travail des architectes, est la maquette. Les maquettes produites par les agences ou dans des ateliers spécialisés, peuvent avoir des statuts divers. Cela peut aller de la maquette d’étude faite rapidement et sommairement, avec des matériaux courants (papier, carton, bois ordinaire) jusqu’à la maquette de « promotion », conçue pour être suffisamment réaliste fabriquée par des artisans spécialisés dans des matériaux plus durables donnant un aspect « fini » et séduisant (plastiques, bois durs, métaux). Ce dernier type de maquette est souvent réalisé à la demande des maîtres d’ouvrages et des promoteurs, soit pour mieux appréhender en trois dimensions l’objet du projet qu’ils ont commandé, soit pour l’exposer aux futurs habitants ou usagers.
- 13 - Le Centre d’archives d’architecture contemporaine conserve plus de 850 maquettes de tous types.
26Les fonds d’archives d’architectes regorgent de maquettes de tous types13. Celles qui sont conservées pour les projets de la Mission Racine représentent pour beaucoup des secteurs des nouvelles stations. Dans le fonds de Georges Candilis, plusieurs maquettes concernent Port Barcarès et Port Leucate. Une des plus remarquables est celle qui représentent l’ensemble des zones à urbaniser qui constitueront la station. Elle est la traduction en trois dimensions du plan général d’aménagement daté de février 1974, dessiné à la même échelle, un centimètre pour 50 mètres. C’est donc une sorte de vue à vol d’oiseau de la future station ; elle est présentée en permanence au sein de la Galerie d’architecture moderne et contemporaine à la Cité de l’architecture et du patrimoine (fig. 10).
Fig. 10
Barcarès-Leucate (Aude et Pyrénées-Orientales) : maquette d’aménagement d’ensemble par Georges Candilis (éch. 1/5000e). SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Georges Candilis, 236 IFA 801
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27Que ce soit au sein des archives des principaux concepteurs ou dans celles d’autres architectes de prime abord pas liés à l’aménagement du Languedoc-Roussillon, des documents révèlent l’existence de projets non réalisés, parfois inconnus, ou de versions initiales ou alternatives.
28Vers 1960, Jacques Carlu a proposé un projet intitulé Venise Plage pour Torreilles (Pyrénées-Orientales). Seules des photographies de dessins conservent une trace d’un parti d’aménagement bien différent de celui de l’amalgame de pavillons individuels de forme elliptiques qui composent le village des sables (fig. 11).
Fig. 11
Torreilles (Pyrénées-Orientales), vue du plan de masse du projet Venise plage de Jacques Carlu (éch. 1/25.000e), n.d. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, dons Jacques Carlu, 10 IFA 304/9
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- 14 - FRANCOIS, Michèle, 2020.
29Conçu par les architectes perpignanais Maurice Abelanet, Jean Dujol, Jacques Bourbon et Henri Lacalm pour le promoteur Guy Merlin14, il constitue l’unique élément construit de la station de Torreilles proche de l’ensemble de Barcarès-Leucate.
30La vocation balnéaire de la commune de Port-la-Nouvelle a émergé dès 1847, mais ce ne fut qu’en 1898 qu’un quartier dédié fut construit. Le développement de la station envisagé à la fin des années 1920 fut contrarié par la crise financière d’alors, comme ce fut le cas de celui de nombreuses stations. En 1929, Joachim Richard (1869-1960) conçut un projet de « cité de vacances pour 500 pensionnaires » avec grand hôtel et casino, qui permet de faire remonter l’origine de l’aménagement balnéaire du Roussillon bien avant la Mission Racine (fig. 12). La qualité des dessins ajoute un intérêt supplémentaire à ces archives quasi inédites d’un projet qui n’eut pas de suite.
Fig. 12
Port-La-Nouvelle (Aude), projet de casino municipal par Joachim Richard, août 1929. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Joachim Richard, 81 IFA 469.
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- 15 - Fils du sculpteur Carlo Sarrabezolles (1888-1971), il fut l’élève de Roger-Henri Expert à l’École (...)
31Jacques Sarrabezolles15 (1923-1991) n’est pas un des protagonistes les plus connus de la Mission Racine. En tant qu’urbaniste, il fut chargé de la conception des plans directeurs de plusieurs villes du Midi dont le Grau-du-Roi et Port-la-Nouvelle. Pour cette seconde station, qui fut réalisée selon un parti bien différent du sien, il prévoyait en 1961 l’implantation de tours et de barres, de maisons en bandes, le tout disposé selon un plan de masse de type discontinu (fig. 13).
Fig. 13
Port-la-Nouvelle (Aude), vue du plan masse d’aménagement du secteur de la plage par Jacques Sarrabezolles, n.d. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Jacques Sarrabezolles, 432 IFA 61
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32Aujourd’hui, c’est une ville plus traditionnelle et banale, faite d’alignements continus le long d’un front de mer et de lotissements pavillonnaires pour le reste. Du même architecte, on conserve également une maquette d’un projet de casino pour Le Grau-du-Roi (fig. 14).
Fig. 14
Le Grau-du-Roi (Gard), maquette d’un projet de casino par Jacques Sarrabezolles, n.d. SIAF/CAPA – Archives d’architecture contemporaine, fonds Jacques Sarrabezolles, 432 IFA 606
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33Les archives des architectes sont donc une ressource essentielle pour faire l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture, à la croisée des préoccupations sociales, culturelles et économiques. Du point de vue des conceptions proprement architecturales, elles permettent de mieux comprendre les processus d’élaboration, les cheminements suivis par leurs auteurs, les changements de partis de composition, les expérimentations avortées.