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Dossier

Le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 : une archive extrêmement précieuse

The Le Pouget “compoix” (Hérault) from 1342-1343: An extremely valuable archive
Bruno Jaudon

Résumés

Le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 est un document exceptionnel par sa précocité dans les espaces ruraux du Languedoc. Découvert à l’été 2015, il offre des perspectives de recherches nouvelles. Il permet de jauger ce qu’est exactement un cadastre ancien au sein de la famille des compoix. Faire un point archivistique à ce sujet semble en effet devenu nécessaire, aujourd’hui que la recherche à ce sujet a beaucoup avancé. Du point de vue historique, cette estime très ancienne n’a pu voir le jour que parce que des conditions plurielles et suffisantes furent réunies, au début des années 1340, au Pouget. Ce qui, en retour, fait entrer dans des réalités institutionnelles sans cesse en train de se redéfinir et de s’articuler les unes aux autres, comme le consulat, la communauté et la seigneurie. Ce qui nous ramène donc au moment exact où enfin peut naître le document et, grâce au hasard de la conservation, l’archive et le patrimoine.

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Texte intégral

  • 1 - JAUDON, 2014 ; ABBÉ, 2017.

1Les compoix, ancêtres des matrices cadastrales contemporaines, forment en soi un corpus documentaire au cœur du patrimoine archivistique du Languedoc du Bas Moyen Âge et de l’époque moderne. Ces documents fonciers publics, à l’initiative et à l’usage des municipalités anciennes, sous toutes leurs déclinaisons juridiques, s’inscrivent dans une large aire culturelle nord-méditerranéenne. On les retrouve, conservés parfois dès la fin du xiie siècle, dans les espaces urbains et ruraux qui vont de l’Italie du nord jusqu’au sud de la Catalogne, îles Baléares comprises. Leur contexte de diffusion, très large dans l’actuelle France méridionale, est désormais largement connu, circonscrit et chronologiquement balisé1.

2À lui seul par exemple, le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 démontre l’intérêt majeur, pour l’historien, de garder à l’esprit qu’une découverte ou redécouverte documentaire peut bousculer des conclusions qui semblaient définitives. Plus vieux compoix rural aujourd’hui connu et conservé de l’ancienne province, il est donc lui-même un emblème de ce riche patrimoine documentaire des pays de droit écrit et de droit romain.

3Son arrivée aux archives de l’Hérault, à l’été 2015, est tout une histoire, que raconte Julien Duvaux, chef du service des archives anciennes, notariales et privées :

  • 2 - Archivistes du centre de gestion de l’Hérault, travaillant sous le contrôle scientifique et techn (...)
  • 3 - Témoignage recueilli auprès de Julien Duvaux, cité avec son aimable autorisation.

La commune du Pouget conservait ses archives publiques à la mairie jusqu’en 1974, date à laquelle elle a déposé ses archives anciennes (archives antérieures à 1790) et modernes (jusqu’aux années 1930 environ) aux archives départementales de l’Hérault.
En 1978, la commune a souhaité révoquer le dépôt des archives modernes (postérieures à 1790) et les a donc récupérées, ne laissant en dépôt que ses archives anciennes. Parmi ces dernières, bien connues par les inspections régulières menées par les archivistes depuis le milieu du xixe siècle, se trouvaient deux registres de délibérations consulaires et communales (1676-1844), deux compoix du xviiie siècle et huit registres paroissiaux (1653-1792). Nulle trace du registre de 1343 ; aucune mention non plus dans les inventaires anciens du xixe siècle de la commune. En 2015, la commune du Pouget fait appel au service « Mission archives CDG 34 » pour réaliser le classement de ses archives modernes et contemporaines, destinées à être conservées sur site, en mairie du Pouget2.
C’est lors de ce classement que les archivistes font le tour de tous les placards, greniers et caves de la mairie, à la recherche de tous les dossiers potentiellement égarés. Quelle n’est pas alors leur surprise de retrouver le compoix de 1343 au milieux d’autres archives du xixe siècle, dans un placard ! Les archives départementales sont prévenues dans la foulée. Le registre leur est aussitôt confié pour restauration et numérisation, puis il est décidé par la commune de l’intégrer réglementairement au dépôt des archives communales du Pouget, conservé à Pierresvives, en sous-série 210 EDT, où il est officiellement entré (entrée n° 5996), le 17 juillet 20153.

4Il est conservé sous la cote 210 EDT 30. De sa lecture attentive ressortent des éléments précieux sur la maîtrise de l’art de faire des compoix au milieu du xive siècle. De son analyse interne, comparée aux connaissances actuelles sur le sujet, émerge une question fondamentale : que nous révèle le compoix du Pouget de l’histoire cadastrale des espaces ruraux du Languedoc, quarante ans avant les jalons jusque-là posés ? Commencer par décrire le document en son entier, c’est déjà apporter plusieurs réponses qu’on ne soupçonnait pas d’y trouver et qui amènent logiquement mais ensuite, seulement, à assurer sa datation, avant d’imaginer quelle exploitation scientifique en mener.

Le compoix du Pouget de 1342-1343 : une estime rurale

5Ce compoix est un codex papier de 26 x 31 cm à couverture en parchemin de remploi retourné, dont la langue originale, une fois mises de côté les mains successives, qui ont encombré ses pages, est le latin. Lacunaire, le registre s’ouvre au folio 11 et compte aujourd’hui un peu plus de 200 feuillets, l’ampleur de la lacune après le f° 210 étant impossible à estimer.

Une structuration révélatrice

  • 4 - Par exemple f° 55 r°, 177 v°, 208 v°, etc.

6Complété, biffé, corrigé, repris, réécrit, saturé de mutations foncières et de recalculs, il a énormément servi et longtemps sans doute. On peut en effet relever des items rédigés dans une écriture assez caractéristique du milieu du xve siècle qu’on retrouve ici et là (fig. 1)4.

Fig. 1

Fig. 1

Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30 , items actualisés par un scribe du milieu du XVe siècle (f° 177 v°)

AD Hérault

  • 5 - Écritures soudain plus cursives, heurtées et grosses dans les compoix de Lodève de 1444 (AD Hérau (...)
  • 6 - AD Hérault, 1 E 1488, compoix du Pouget, 215 f° : incipit lacunaire, nf.

7Elle fait partie des écritures assez heurtées et un peu grosses qui caractérisent de nombreux compoix urbains à partir des années 1420-1450 comme, non loin du Pouget, à Agde, Montpellier ou Lodève5. Il est donc probable que le compoix de 1342-1343 a été utilisé plus d’un siècle durant, vraisemblablement jusqu’à la mise en service de son successeur, en 1460, réalisé par un expert, notaire ou arpenteur, de Saint-Jean-de-Fos6.

  • 7 - La définition de propriétaire étant encore incertaine pour qualifier une personne portée à l’esti (...)

8Il est donc très important d’examiner avec soin ce qui relève, dans le registre, de ce que fut le compoix de 1342-1343 et d’en démêler l’écheveau des ajouts ultérieurs, particulièrement dense ici. La tâche peut sembler complexe mais un certain nombre de repères permet de ne pas se tromper. Le texte originel se décline, page après page, sous la forme classique de listes successives de biens appartenant à des « propriétaires », même si ce mot reste assez mal défini pour les compoix de cette époque7. Cela correspond à ce que les modernistes appellent des « tails » et que les documents médiévaux dénomment parfois, en occitan, des « manifests ».

9Le tail ou manifest s’ouvre par la mention » hec sunt bona », suivie du nom de la ou du possessionné : « ce sont les biens » d’une ou d’un tel. Cette formule est systématiquement encadrée d’un phylactère rectangulaire à gauche et arrondi à droite : on suit très bien le mouvement de la main du scribe. La figure 2 montre un de ces tails, que le hasard a préservé des ajouts tardifs.

Fig. 2

Fig. 2

Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, reconnaître le texte original et ses caractéristiques formelles (f° 118 r°)

AD Hérault

10Sous le phylactère très caractéristique se trouve la liste des biens du propriétaire, chacun d’entre eux étant introduit par le mot « item » (de même). À la fin de cette énumération, parfois tout en bas de la page, nettement en-dessous du cadrant, à gauche, figure la « s[omm]a », exprimée en monnaie de compte : livres et sous tournois. Celle des années 1342-1343 est entourée d’un phylactère arrondi et on reconnaît son s- très spécifique, prolongé d’un tilde et entouré d’un signe arrondi indiquant une abréviation.

  • 8 - SCHNEIDER, 1994.

11L’ensemble du volume, bien que le début et la fin soient perdus, décrit d’abord les biens immobiliers et fonciers des résidents du Pouget. Sans évoquer précisément les lacunes pour l’instant, notons que de nombreuses pages blanches ont été laissées du f° 135 au f° 149 par exemple. Il est possible qu’après les résidents du Pouget, on trouve les résidents de deux autres écarts du Pouget, par ailleurs paroisses indépendantes : Rouviège et le village aujourd’hui disparu de Saint-Amans8. Cette probabilité est raisonnable, dans la mesure où la fin du volume est consacrée aux propriétaires forains, qui résident dans les villages voisins : Canet (f° 189 r°-193 v°), puis Tressan (f° 198 et suiv.), ceux des autres localités ayant disparu dans la lacune terminale. On note, f° 194-197, que des pages avaient été, là aussi, laissées en blanc pour séparer les forains de Canet de ceux de Tressan. La structuration d’ensemble devait donc suivre une logique géographique. Cela atteste d’un document pensé à l’avance et élaboré selon une norme visant à en faciliter la compréhension et l’utilisation.

Des pages blanches qui font sens

12Les pages blanches originelles indiquées plus haut sont donc d’une grande importance, même si, aujourd’hui, elles sont saturées d’écritures postérieures, parfois à l’extrême. Ces dernières ont pour but de noter les mutations et de réécrire des tails et des items. On les reconnaît par l’emploi de l’occitan au lieu du latin, la désignation différente de certains biens, l’emploi de confronts plus détaillés, une écriture différente de celle du tout premier scribe, etc. Elles dénotent la volonté de laisser de la place pour écrire ultérieurement dans le registre, par la suite rempli d’annotations.

13Il en va de même des nombreuses pages laissées initialement libres après le f° 135, ou après les biens des forains canétois (f° 194 et suiv.). Le registre a bien été pensé comme fait pour servir ensuite, en tenant compte de la nécessité de pouvoir y écrire le jeu des mutations foncières et par extension, du besoin de recalculs incessants des revenus cadastraux de chaque contribuable. Le cas est particulièrement net f° 193 v°, dont le pied se conclut ainsi : « S[omma] bonor[um] immobiliu[m] que habe[n]t omines de Caneto in iuridictione de Pogeto CCCCCCC lib[re] X sol[idi] ». Cette « somme des biens immobiliers qu’ont les hommes de Canet dans la juridiction du Pouget », pour 700 livres et 10 sous, est suivie de plusieurs feuillets blancs : y ont en effet été recensés les mouvements fonciers concernant les forains de ce village.

14De cette prévision du remploi témoignent aussi les blancs, parfois généreux, laissés entre les courtes listes de biens des tout petits propriétaires (fig. 3).

Fig. 3

Fig. 3

Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, un document pensé pour durer au moyen de blancs (f° 133 v°-134 r°)

AD Hérault

15Comme ici, la double page d’origine ne comportait qu’un modeste bien-tenant à droite : le scribe avait réservé, pour l’avenir, au moins une demi-page. La page de gauche avait été préparée pour un propriétaire s’étant probablement soustrait à la commission de « tailhadors », a été complètement remployée.

16Tout cela tend à démontrer que la réalisation du compoix du Pouget de 1342-1343 répond à une procédure déjà très maîtrisée. Le scribe ou le commanditaire ont l’habitude de ce genre de documents fonciers, ce qui pose la question ouverte de savoir si, ici ou à ses alentours, il a été précédé de compoix antérieurs.

L’identification du compoix

17Une analyse interne montre que, dans la grande famille des compoix, ce volume appartient précisément au genre des estimes. Cela ressort avec certitude du contenu de chaque item, dans sa manière de décrire le bien enregistré. Cette description est lapidaire et tient, la plupart du temps, en deux lignes, qui suivent toujours le même ordonnancement des éléments descriptifs.

  • 9 - PORTET, 2004.

18Il s’ouvre par l’expression, presque toujours employée seule, « ite[m] alia[m] », « de même une autre ». Cette « autre » désigne une « pecia terre », une pièce de terre, sans davantage de précision sur la nature de sa mise en valeur exacte. Le bien est ensuite localisé par deux moyens. Il s’agit d’abord du toponyme où se trouve la parcelle : « a Rieus », « ad Molerias », « ad Rovegiam », « ad Barreriam », « in clauso Sancti Jacobi », etc. Il y a enfin l’emploi d’un confront (« confronta[m] ») unique, c’est-à-dire l’indication d’un voisin mitoyen du bien décrit. Celui-ci est non orienté et il est impossible de savoir de quel côté de la rose des vents il se situe. Les informations spatiales sont d’autant plus rudimentaires que la superficie des parcelles, même approximative, n’est jamais donnée. À la lecture de ces éléments constitutifs de l’item, il paraît assez évident que l’enquête pour réaliser le compoix n’a pas été menée au moyen d’un arpentage, mais en suivant une autre méthodologie. On sait toutefois parfaitement arpenter et borner des parcelles à cette époque, comme le prouve un peu plus tard l’œuvre de l’Arlésien Bertrand Boysset9.

19Mais ce savoir-faire n’est ici pas mobilisé pour réaliser le compoix.

  • 10 - Le seigneur directe - orthographié ainsi ! - désigne le seigneur qui possède la propriété éminent (...)
  • 11 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 82 v°.
  • 12 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 24 r° ou 56 r° par exemple.
  • 13 - BIGET, 1999 ; LARGUIER, 2006 ; RIGAUDIÈRE, 1989.

20Après les éléments de localisation, le scribe rappelle la censive – mot dont on use ici par facilité de langage –, qui est due par le propriétaire ou l’emphitéote au seigneur directe10, systématiquement introduite par la mention « dat », c’est-à-dire « donne ». Ainsi, Pierre Cantobre, pour une pièce de terre « ad Oliverium », donne à Raymond Arman sept pounières d’orge par an11. Ces redevances seigneuriales couvrent un éventail de nature et de montants très variés : pounières, cartières, émines et setiers d’orge, plus rarement de froment, plus rarement encore d’avoine, pites, oboles et deniers d’argent, régulièrement même un quantième de la récolte, tantôt un quart, tantôt un huitième, un neuvième, etc.12 Ces mentions systématiques ne font pas du compoix du Pouget de 1342-1343 un document privé ou seigneurial : elles ont une utilité qu’on peut qualifier de publique. En réalité, comme dans les compoix urbains de la même époque ou légèrement postérieurs, elles permettent de procéder à un abattement dans le calcul du revenu cadastral du bien13. Cela apporte un élément supplémentaire d’identification de ce compoix.

  • 14 - Allivrement : valeur cadastrale de la parcelle, exprimée en monnaie de compte, livres, sous et de (...)

21La dernière ligne de l’item se clôt sur l’estimation de la valeur cadastrale du bien : « extimata[m] », suivie d’un montant en monnaie de compte, qui arrondit tout en livres et en sous tournois, écrit en chiffres romains. On comprend donc, méthodologiquement, que la manière de rédiger un article aboutit, au bout d’un mécanisme dont on ne dispose plus des modalités exactes, à la formulation de ce que les modernistes appellent un « allivrement14 » de la parcelle. La somme des allivrements d’un propriétaire font sa « somma », qu’on appelle plus tard le présage ou allivrement total. Ce montant est évidemment le but absolu et la raison d’être des compoix : calculer l’allivrement total de chaque personne possessionnée. Cela dresse automatiquement la liste des personnes contribuables aux tailles municipales et royales. Pour l’expliquer avec des mots actuels, le présage ou allivrement total correspond au pourcentage de ces impôts dont chaque contribuable, à l’avance, sait qu’il devra s’acquitter. Le compoix du Pouget montre donc que le consulat local – depuis quand ? – avant 1350, a décidé que chacun paierait des tailles proportionnées à sa fortune foncière.

  • 15 - BARTHÈS, 1992, p. 60.
  • 16 - LARGUIER, 2003-2004.
  • 17 - Très nombreux exemples in MENJOT et al., 1966-2002.

22L’absence d’arpentage, la localisation très rudimentaire du bien, la mention des censives : tout concorde. Le compoix du Pouget de 1342-1343 est probablement une estime. Estime désigne bien sûr le registre qui a été produit. Mais ce mot caractérise aussi la méthodologie de l’enquête, qui est déclarative. Comme en milieu urbain depuis fort longtemps en Languedoc, les propriétaires viennent devant une commission ad hoc de prudhommes, souvent appelés tailhadors, déclarer la liste de leurs biens. On en a connaissance à Aniane, près du Pouget, en 1355, où des estimateurs et des « tayhaires » se réunissent à la demande des trois recteurs du village15. La commission, dans son secret, opère alors le calcul du chiffre de l’estime. Rarissimes sont les règlements à nous être parvenus, comme celui de Béziers de 139816. De la Toscane et la Lombardie jusqu’à la Catalogne, les estimes forment un genre documentaire extrêmement répandu entre la fin du xiie et le début du xvie siècle17.

  • 18 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 189 et suiv.

23Une preuve assurée de cette affiliation pour le compoix du Pouget réside, encore une fois, dans les tails des propriétaires forains de Canet et de Tressan18. Parmi ces forains en effet, plusieurs tails étaient restés blancs (fig. 4).

Fig. 4

Fig. 4

Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, quatre propriétaires forains de Canet : les écritures postérieures montrent que le premier et le troisième n’avaient aucun bien déclaré (f° 193 r°)

AD Hérault

  • 19 - HERLIHY et KLAPISCH-ZUBER, 1978.

24Ces hiatus laissent à penser que des personnes réputées posséder des biens au Pouget ne sont néanmoins pas venues les déclarer. Cela concerne en outre de très rares tails pour les résidents du Pouget, pour qui il devait être bien plus compliqué de se soustraire à la procédure de l’estime et au travail de la commission. Il semble aussi, avec ces noms de propriétaires aux parcelles absentes, que la liste des propriétaires pouvait être, au moins partiellement, préétablie par la commission de tailhadors. Ces commissions qui convoquent des populations urbaines, quartier par quartier, sur plusieurs semaines, sont très bien documentées, par exemple, pour une ville comme Florence au début du xve siècle19.

  • 20 - Sources : LARGUIER, 2006, p. 241 et corpus de 332 compoix du Bas-Languedoc méditerranéen et du Gé (...)

25Le compoix du Pouget de 1342-1343 est donc une estime, comme il s’en faisait tant dans les villes, mais ici, l’originalité est de disposer du premier document languedocien attesté de ce genre pour une localité et un espace ruraux. Cela en fait, évidemment, un document plus patrimonial encore. Le mot compoix ne suffit pas, par ailleurs, à décrire la matérialité du registre, tant cette famille documentaire compte différentes branches. On ne peut renvoyer, encore une fois, qu’à la proposition de typologie des documents de la famille des compoix, proposée dans la version publiée d’une thèse20 à ce sujet (fig. 5), précisément critériée et fondée sur un corpus largement héraultais de surcroît.

Fig. 5

estime

matrice

pré-cadastrale

matrice

cadastrale

cadastre

période

avant 1520

1520-1590

1590-1789

(1750-1789)

méthodologie

de l’enquête

déclarative,

orale ou écrite,

sous serment

arpentage,

les propriétaires suivent

le déroulement

de l’enquête

arpentage,

les propriétaires suivent

le déroulement

de l’enquête

arpentage,

les propriétaires suivent

le déroulement

de l’enquête

nature

des biens

évalués

meubles

et immeubles

plutôt immeubles

immeubles

immeubles

arpentage

Non

(sauf vérifications)

oui

(même partiel)

oui

(même partiel)

oui

mode de calcul du revenu cadastral

estimation

de la valeur des biens

et abattements implicites

utilisation

d’une

table d’allivrement

utilisation

d’une

table d’allivrement

utilisation

d’une

table d’allivrement

experts

commission de tailladors ou estimadors nommés par la communauté et membres de celle-ci

arpenteurs

et estimateurs extérieurs

à la communauté ; parfois : indicateurs du lieu

arpenteurs

et estimateurs extérieurs

à la communauté ; indicateurs du lieu

arpenteurs

et estimateurs extérieurs

à la communauté ; indicateurs du lieu

nature de l’enquête

secrète et publique : « semi-privée »

publique

publique,

avec vérification

du brouillon

par les propriétaires

publique,

avec vérification

du brouillon

par les propriétaires

autres critères

réfection (reparatio)

fréquente

réfection rare

numérotation

des articles

plans parcellaires

tableau d’assemblage

Les compoix du Languedoc : proposition de classification en quatre sous-genres

© B. Jaudon

26On constate qu’en matière de compoix, l’estime répond donc à des critères précis, ceux-là même employés dans notre document. Celui-ci a donc été élaboré avant 1520, comme on le remarque dans la figure 5. Mais il reste désormais à dater l’estime du Pouget avec précision et à valider ou à rejeter l’année 1343, écrite à l’époque moderne sur sa couverture.

Un contexte de production éminemment favorable

27La question de la datation du document pourrait être éludée assez facilement, en signalant que l’écriture est assez conforme à celle employée au milieu du xive siècle. On pourrait aussi invoquer un fait largement vérifié à travers les travaux de doctorat ou des expertises récentes de corpus fonciers assez amples aux archives départementales de la Lozère. Les datations d’époque moderne portées sur les couvertures sont presque toujours fiables. Cela souligne que des éléments jadis conservés, comme un incipit, les premières pages ou les dernières d’une estime ou d’un compoix, ont disparu depuis lors mais avaient permis d’établir une première datation. Il faut cependant faire preuve de davantage de rigueur, car l’enjeu patrimonial du compoix du Pouget, dans les services d’archives de la France méridionale, est particulièrement important. Ils appellent à un souci de comparaison riche, lui aussi, de révélations.

Une estime qui date bien de 1342-1343

  • 21 - AC Lunel, CC 1, estime de Lunel, 1394, 377 f°.

28Outre un millésime 1343, apposé tardivement en première de couverture, un autre élément de datation interne se trouve au f° 55 r° : « continua[ci]o facta p[er] an[n]um m ccc xliii » ou « continuation (de l’estime) faite pour l’année 1343 ». Cela signifie donc que les déclarations des particuliers pougétois recueillies par la commission de tailhadors ont probablement commencé courant 1342. On ne repère hélas, dans le texte, aucune mutation foncière millésimée et, dans les estimes aussi anciennes, le cas n’est pas rare. Il en va ainsi du compoix de Lunel de la fin du xive siècle où, dans tout cet épais volume, seule une unique mutation est datée, qui remonte à 139421.

  • 22 - ABBÉ, 2006, p. 102.
  • 23 - AD Hérault, 1 E 1438.

29Un autre élément interne de datation, plus solide, est la présence de Bertrand de Montdardier, un des seigneurs directs qui reçoit le plus de censives des propriétaires portés au compoix. Il est seigneur du Pouget en 1312 et commence à se défaire de sa seigneurie en 1349. Son successeur est Pierre de Montdardier, qui vend ce qu’il en reste en 137122. Le nouveau seigneur, Arnaud de Roquefeuil, reçoit les reconnaissances des habitants de nombreux villages, dont Le Pouget, en 135123. L’estime date de 1349 au plus tard et l’année 1342-1343 semble donc une indication fiable.

  • 24 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 274 et 319.
  • 25 - AD Hérault, 1 B 11095, estime de Vendres, 166 f°, f° 1 r°.
  • 26 - DOGNON, 1895, p. 276.
  • 27 - AD Hérault, 210 EDT 30, feuille volante en début d’estime : vue n° 9. Ce fragment devait se trouv (...)

30La précocité du compoix du Pouget est donc crédible : en 1342 et 1345, non loin de là, à Roujan et Puisserguier, les consulats fixent des tarifs d’estimation de la valeur des biens cultivés à tant de sous par sétérée, assortis d’une refonte des livres de taille. Estimer la valeur des biens, c’est, in fine, calculer les quotes-parts des propriétaires aux tailles municipales, seigneuriales et royales24. La rédaction de compoix n’est pas loin. L’incipit du compoix de Vendres de 1384 et son contenu prouvent l’existence d’un registre antérieur25. La matrice est en effet décrite par ses auteurs comme « lo libre del compes novel », le livre du compoix nouveau, par opposition à l’ancien. Cette mention se double, dans la description des parcelles, de très fréquentes mentions de telle parcelle « que fo den... » (qui fut d’un tel), qui tissent un lien entre l’ancienne et la nouvelle matrice. On comprend mieux aussi pourquoi, en 1345, le roi Philippe VI de Valois autorise toutes les communautés du Languedoc à répartir les « aides » royales selon les modalités de leur choix, puisque ici et là, tel est déjà le cas : on a opté pour une répartition des différentes tailles, « au sol la livre », c’est-à-dire à proportion des fortunes foncières26. C’est, en matière d’impôt direct, le choix et l’origine médiévale de la technique dite « de répartition » des tailles en Languedoc, où ce sont les terres qui cotisent et non les personnes. D’ailleurs, dans le compoix du Pouget, on a vu que les propriétaires nobles sont portés à l’estime dans un chapitre dédié et leurs biens normalement allivrés27.

  • 28 - Agde : AC Agde, CC 1, estime d’Agde de 1320, doc. cit. ; Narbonne : LARGUIER, 1996 ; Toulouse : W (...)
  • 29 - LAMOTHE, 1868, p. 1.
  • 30 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 157.

31Un autre indicateur de la fiabilité de la datation tient au schéma de diffusion de la technique de l’estime que la documentation régionale suggère, même s’il faut se méfier de l’effet peut-être déformant des sources, mieux conservées en ville. Le compoix du Pouget de 1342-1343 apparaîtrait donc dix à vingt ans après les premières estimes connues dans une aire languedocienne large : Agde (1320), Narbonne (1322 peut-être, 1327, 1332), Toulouse (1335)28. Dès avant 1350, la municipalité d’Uzès réfléchissait à faire réaliser une estime29. Il est désormais possible d’imaginer que l’estime, comme procédure d’estimation de la valeur des biens et comme registre qui en résulte, apparaît d’abord dans les espaces urbains du Languedoc. Puis, peu à peu, à partir de ces pôles, elle se propage dans les campagnes environnantes. Quoi qu’il en soit, cela présuppose l’existence d’une représentation légale des habitants, qui soit suffisamment solide et politiquement autonome de la seigneurie : le consulat. Or en Biterrois, les années 1250-1350 sont celles d’une diffusion massive de cette forme de municipalité en milieu rural. Vers 1350, Monique Bourin en compte de 52 à 58, dont Le Pouget30.

  • 31 - Par exemple : AD Hérault, 1 E 1438 : division des terroirs du Pouget et de Tressan, 1304 ; 1 E 14 (...)
  • 32 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 273.
  • 33 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 323.

32Le positionnement du document s’inscrirait, pour finir, dans une forte dynamique démographique régionale des campagnes, à un moment de pression accrue sur le foncier. En atteste tout un cortège documentaire public relatif à cette question avec, pour le Pouget par exemple, de nombreux parchemins rappelant les délimitations et les bornages d’avec les territoires des villages circonvoisins31. De surcroît, la fiscalité royale augmente fortement entre 1319 et 1346 et réaliser une estime est un moyen de mieux répartir entre les contribuables ces impôts qui viennent s’ajouter aux tailles municipales32. En effet, les années 1320-1330 viennent d’être marquées, en Biterrois, par une crise autour des questions d’équité fiscale et de respect des institutions33.

  • 34 - CROSBY, 2003, p. 80-83.
  • 35 - COQUERY et al., 2006.

33Tout concorde donc, historiquement, pour dater le compoix du Pouget de 1342-1343. Celui-ci est bien sûr remarquable par sa précocité dans les services d’archives. Mais il paraît évident, en l’état actuel des recherches, que les estimes rurales de cette époque furent bien plus nombreuses, bien que disparues de longue date. Elles participent d’un large mouvement culturel de fond en Europe occidentale, qui consiste à quantifier le réel34. Elles s’appuient sur des rationalités pratiques, qui mettent en œuvre des techniques simples, pour mesurer la valeur économique des choses35. Ce basculement d’une perception qualitative à une perception quantitative du monde est particulièrement visible dans l’espace nord-méditerranéen des xiiie et xive siècles, sous l’impulsion des marchands italiens :

  • 36 - REYERSON et DRENDEL, 1998, p. xii : « Il y avait des régions à l’intérieur desquelles les influen (...)

there were regions into which Mediterranean influences flooded. Trade and commerce beckoned the intrepide merchant. Coastal towns as Marseille, Narbonne, and Montpellier had followed in the wake of the Italian towns of Venice, Pisa, and Genoa in establishing extra-territorial merchant […]36.

34L’estime du Pouget de 1342-1343, à sa manière, à elle seule, s’inscrit dans ce vaste mouvement et l’illustre. Avec sa redécouverte, extrêmement précieuse, ce que quelques témoignages épars laissaient supposer est bien réel : des compoix existaient dans les espaces ruraux du Languedoc dès avant 1350.

Une précocité qui n’empêche aucune antériorité

  • 37 - MAINONI, 2003.

35Une découverte aussi stimulante que ce document ne peut que susciter de nouveaux espoirs et pose, par conséquent, la question de l’existence possible d’estimes et compoix antérieurs, dans la région du Pouget. Ces documents n’existent qu’à une condition : qu’une communauté d’habitants décide de répartir les tailles qu’elle s’impose pour des affaires et des travaux communs à proportion des fortunes foncières de chacun. Ce mode de fonctionnement fiscal « per solidum et libram », au sol la livre, dont on a parlé, s’est développé un peu partout dans l’arc nord-méditeranéen, de manière synchrone, à la toute fin du xiie et au tout début du xiiie siècle37.

  • 38 - GERMAIN, 1851, t. i, p. 53 et suiv.
  • 39 - GOURON, 1978.

36Près du Pouget, un texte normatif a sans doute revêtu une importance capitale en ce domaine. Il s’agit de la charte de Montpellier d’août 1204, octroyée par Marie de Montpellier et Pierre d’Aragon, qui est complétée dans les mois suivants : douze élus cooptés, appelés consuls dès 1206, obtiennent des pouvoirs importants38. La plus grande partie du texte fut rédigée à partir de 1190 et simplement retouchée au printemps et à l’été 120439. Parmi plusieurs articles importants, le 95 est décisif, puisqu’il explique la composition et le rôle d’une commission d’estimation de la valeur des biens fonciers, afin de répartir les tailles municipales et seigneuriales.

  • 40 - GERMAIN, t. i, p. 110-111.

Les prudhommes seront élus avec serment pour estimer, en qualité d’arbitres assermentés, les biens et les ressources de tous les habitants, et déclarer dans quelle proportion chacun devra subvenir à la construction des murailles de la ville. Ces prudhommes pourront réduire ou augmenter la part d’impôt de chacun des contribuables, comme ils croiront devoir le faire de bonne foi, selon l’exiguité, la médiocrité ou l’opulence des divers patrimoines40.

  • 41 - JAUDON, 2014, p. 280-282.
  • 42 - VIC (de) et VAISSETTE, 1843, t. vi, preuve xciv, p. 498 sq.

37C’est la naissance, à Montpellier, de la commission de tailhadors. Il est probable que ce texte ait influencé les pratiques fiscales des localités voisines et de la région. Aussi, lorsque le Languedoc, après le testament de Raymond VII de Toulouse de 1249, s’intègre peu à peu au domaine royal, chose effective en 1271, le système au sol la livre s’est progressivement diffusé dans la province41. La rédaction de documents fonciers en est consubstantielle, sans doute encouragée, depuis 1254, par la confirmation que Saint-Louis donne alors aux habitants des sénéchaussées de Beaucaire et de Nîmes de l’usage du droit écrit42.

  • 43 - WOLFF, 1956, p. 25.
  • 44 - Sur tout ceci : BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 273, 320 327.
  • 45 - AD. Hérault, 114 EDT 78, estime de Gignac, v. 1380, passim 

38On ne retiendra donc que quelques indices d’une longue liste, qui peuvent faire suspecter que les toutes premières estimes rurales et urbaines ont été réalisées dès le second tiers du xiiie siècle. En 1263, Alphonse de Poitiers donne des instructions aux sénéchaux, pour demander une véritable estimation des biens, afin d’établir une taille proportionnelle « à la fortune de chacun »43. Plus concrètement, dans les campagnes du Biterrois, en 1267, à Caux, les forains nézignanais sont taxés au taux de trois deniers par sétérée ; à Conas, les habitants sont taillés au sol la livre. À nouveau, les forains de Caux possessionnés dans le territoire de Pézenas, sont taxés quatre deniers par sétérée en 1290. Les Piscénois, d’ailleurs, répartissent déjà leurs tailles au sol la livre en 130144. Dans tous les cas, il faut bien avoir estimé ou mesuré au préalable, même grossièrement, l’étendue des biens de chacun sur le terrain ou en attester par des déclarations. Pour finir, bien que plus tardive, l’estime de Gignac, élaborée vers 1380, est parsemée de parcelles chacune spécifiée comme « que fo de », c’est-à-dire « qui fut de », qui appartint à tel propriétaire précédent45. Cela semble signifier que le collège des estimateurs travaillait en se servant de l’estime ou des estimes précédentes, donc plus anciennes, peut-être même remontant à l’époque de celle du Pouget.

  • 46 - BIGET, 1992, p. 13-14.
  • 47 - MERCURY, 1989.
  • 48 - BIGET, 1989, p. 103.
  • 49 - CAZALS, dir., 1992, p. 105, 116.
  • 50 - CLAVAUD, 1991, p. 5-7.
  • 51 - JAUDON, 2014, p. 541-593.
  • 52 - ZERNER, 1993.

39Cette dernière permet en revanche, associée à d’autres compoix très anciens, de battre en brèche une hypothèse qui s’est installée, parmi les chercheurs, sur la mécanique de diffusion des estimes médiévales en Provence et en Languedoc. Les cadastres seraient passés, au cours du Moyen Âge, d’Italie en Provence et ensuite, de Provence en Languedoc. Mais en expliquant cela, Jean-Louis Biget reste prudent : « l’influence directe demeure toutefois incertaine »46. Bien sûr, l’actuelle commune provençale de Boulbon dispose d’un cadastre de 130947. Mais dans le Toulousain, Rabastens possède une estime des années 130048. Non loin de là, Lautrec, grosse communauté aux confins du Languedoc et de la Guyenne, se dota probablement d’une estime précoce49. Agde dispose de son compoix de 1320, déjà évoqué plusieurs fois. Cajarc, dans le lointain Haut-Quercy, lève des tailles municipales ou royales depuis 1316. La documentation conservée ici est constituée de livres de comptes et de rôles d’imposition, dont le contenu montre que leur rédaction s’appuyait sur une estime50. On comprend donc, davantage encore maintenant que nous disposons du compoix rural du Pouget de 1342-1343, que le chemin italo-provençal de diffusion de ce genre documentaire n’emporte plus vraiment la conviction. Il tient surtout à l’éclairage historiographique particulièrement fort apporté par la recherche italienne, dans ce domaine, depuis les années 196051. Il se fonde aussi sur des travaux d’envergure menés de l’autre côté du Rhône. On pense, par exemple, aux publications de Monique Zerner sur le Comtat Venaissin en 141452.

  • 53 - JAUDON, 2014, p. 276-278.
  • 54 - Albi : BIGET, 1989, p. 102, 122-124 ; Brives : CAZALS, 1992, p. 111 ; Rodez : AFFRE, 1877, 80 p.  (...)
  • 55 - RIGAUDIÈRE, 1977, p. 17-20.

40Aujourd’hui, il semble plutôt que la diffusion des estimes dans la France méridionale se soit d’abord faite, dès 1200 environ, depuis les espaces urbains de la plaine, les ports surtout, en interrelations commerciales permanentes avec leurs homologues provençaux, italiens et ibériques53. C’est ensuite seulement et très progressivement, que les espaces ruraux languedociens optent pour des tailles réparties au sol la livre et ont alors besoin de faire rédiger des estimes, comme celle du Pouget de 1342-1343. À cette époque semble aussi débuter une pénétration du document de la plaine vers l’arrière-pays et la bordure sud du Massif Central. Plusieurs villes d’un vaste hinterland conservent des estimes très anciennes : Albi dès 1343, Brive-la-Gaillarde en 1345 ou Rodez en 135554. À Saint-Flour, le consulat se lance dans la rédaction d’une estime en 1377, qui finit par être mise en service en 138555. La trouvaille d’archives de Julien Duvaux apporte ainsi un témoignage majeur et inespéré, qui vient conforter la validité du modèle de lente infusion et propagation qu’on vient de décrire.

41Le compoix du Pouget date donc bien de 1342-1343 et s’insère dans un environnement économique et fiscal converti depuis une cinquantaine d’années au système de tailles proportionnelles aux fortunes foncières. Sa précocité, toute relative au fond, tient à un heureux hasard de ce qui fait le sel de la conservation dans un dépôt d’archives : classer des fonds anciens, inspecter des mairies et parfois, y retrouver un véritable trésor. Qu’il nous soit parvenu seul, alors qu’un corpus un peu plus ancien et sans doute assez volumineux l’a précédé, accompagné et a irrémédiablement disparu, lui confère donc une très grande valeur patrimoniale. Cela nécessiterait donc une approche scientifique complète, pour en valoriser le caractère d’autant plus exceptionnel qu’il est rural.

Un document qui appelle une exploitation scientifique

42Ce registre est en effet d’une grande richesse historique, à la veille de l’immense crise déclenchée par la Peste Noire et au plus haut des courbes démographiques du Moyen Âge languedocien. Quelques pistes de recherche pourraient être empruntées.

La reconstitution d’un castrum et de son territoire

43Le dépouillement intégral des informations originelles de l’estime permettrait une étude paysagère du castrum et de son territoire agraire. Bien sûr, la procédure de l’enquête, déclarative, n’a pas la même valeur qu’un arpentage, même partiel, de tout le parcellaire. De plus, la commission de tailhadors, comme le scribe, ont pu normaliser les déclarations déposées devant eux. Ainsi, on ne sait pas à quoi correspond la « pecia terre » ou pièce de terre, alors même que la mise en valeur des parcelles est très diversifiée. Les champs céréaliers sont forcément là, de même que les vergers d’oliviers, alors même que le vocabulaire descriptif des biens, générique et finalement normatif, les invisibilise.

  • 56 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 114 v°.

44Un premier relevé, trop rapide évidemment, autorise néanmoins de composer avec ce filtre fiscal occultant puisque, de temps à autres, apparaît une « vinea », une vigne. Les mentions plus nombreuses de l’occurrence occitane « vinha » font partie des écrits portés ultérieurement dans les espaces libres et les pages blanches du compoix : elles sont à exclure du corpus originel. Un « devesum », un devois ou pâturage commun, est mentionné au moins une fois, ce qui signifie qu’un élevage existait. Il devait se partager avec l’entretien d’animaux de basse-cour dans des « gallinata »56, des poulaillers, toujours proches du bâti, à côté de l’« ortum », le jardin potager, fréquemment mentionné.

  • 57 - AD Hérault, f° 56 r°, 59 v°, 71 r°, etc.
  • 58 - AD Hérault, f° 19 r°.

45Le castrum et ses abords sont le lieu où est bâti l’« hospicium », la maison. Outre les jardins et les poulaillers, quelques bâtisses ruinées appelées « cazale », apparaissent çà et là. Parfois est mentionnée une « area », probablement une aire à dépiquer le blé. Dans les écarts du territoire, on peut trouver quelques bâtiments isolés mais là aussi, le vocabulaire employé est relativement flou. Le « mansum » correspond vraisemblablement au mas entouré de quelques terres, puisqu’il est systématiquement dit « cum suo tenemento », avec son tènement au sens de parcelles attenantes, mais sans aucune description complémentaire57. Il en va de même des « possessione », les possessions, fréquentes « in parochia beate Marie de Rovegia », dans la paroisse Sainte-Marie de Rouviège58. Le contexte permet de conjecturer qu’il s’agit d’exploitations agricoles plus consistantes qu’un bâtiment isolé mais il faudrait trouver un moyen de s’en assurer. En tout cas, la morphologie et la topographie de ce bâti ont paru suffisamment différentes de celle du castrum pour être signalées.

  • 59 - ABBÉ, 2006.
  • 60 - AD Hérault, f° 15 r°.
  • 61 - AD Hérault, f° 59 r°.

46Avec patience, il serait assez aisé de savoir de combien de maisons se constituait le castrum et comment il se structurait avec la campagne environnante et l’étang asséché ou de quelle manière le sol était occupé59. Le phénomène de hausse démographique peut aussi transparaître du nombre de maisons divisées en quantièmes dans le cadre de successions. C’est le cas, parmi tant d’autres, par exemple, de la « terciam partem hospicii » de Jacobus Porterius, la troisième part d’une maison de Jacques Portier60. L’approximation inévitable à laquelle nous confronte le vocabulaire paysager de 1342-1343 ne doit pourtant pas demeurer infranchissable. Parfois, de bonnes surprises surgissent, comme cet « hospiciu[m] et vierdariu[m] et palheriu[m] et femorassit » : une maison et verger et pailler et creux à fumier »61.

47On ne pourra hélas pas pallier cet inévitable impressionnisme en recourant aux montants des censives en nature et de leur répartition pour en déduire l’exacte mise en valeur du sol. On ne sait pas à quelle époque elles ont été déterminées et spéculer ainsi serait hasardeux. Elles montrent toutefois qu’on produit au moins de l’orge, de l’avoine et du froment. L’huile d’olive et le vin sont signalés. Mais cela ne permettra en aucun cas de préciser la répartition et les équilibres des masses culturales. Heureusement, d’autres informations sont plus précises.

L’importance de la question foncière

48L’étude des redevances seigneuriales, systématiquement signalées par le scribe, balise ainsi une autre piste de recherche. Elle concerne la vie de la seigneurie comme au ras du sol, au plus près des acteurs sociaux, au-delà de la présence de la famille des Montdardier, juste avant l’arrivée des Roquefeuil. Une foule de récipiendaires de ces censives se fait jour. Elle appelle qu’on en dresse une liste et qu’on mesure comment ces « seigneurs » se partagent la propriété éminente. Cela éclairerait la question de la directe sur le sol et permettrait de mesurer le possible émiettement de l’abusus, malgré la présence d’un seigneur puissant. La mise en parallèle avec la liste des propriétaires serait aussi riche d’enseignements sur les rapports de force et la variété des situations entre simples villageois et seigneurs directes. Une approche plus classique des échelles de fortune foncière va de soi et permettrait de mesurer, pour une période ancienne, comment se répartissent les propriétés.

  • 62 - AD Hérault, 31 EDT 77, exemption des tailles, 1364.
  • 63 - AD Hérault, 31 EDT 79, sentence contre les habitants de Florensac, 1367.
  • 64 - AD Hérault, 10 EDT 224.
  • 65 - AD Hérault, 10 EDT 223.
  • 66 - FURIÓ, 1999, p. 184-188.

49On constate aussi que les catégories juridiques des biens et des personnes sont connues : le consulat sait qui et quoi va devoir contribuer aux tailles. Cette connaissance du statut de contribuable peut être améliorée grâce à l’estime du Pouget. Les simples villageois, des nobles, des notaires, sont enregistrés. Les biens indivis des enfants de défunts, les biens propres ou dotaux des femmes, etc. : tout est précisé par le scribe. Cela signifie qu’ici, au milieu du xive siècle, une réflexion a déjà abouti, qui pose les fondements de la réalité de la taille. La plupart des métiers et des statuts sociaux, ainsi que le lieu de résidence, n’exemptent en aucun lieu de contribuer. Noble Jean de Montdardier est ainsi porté à l’estime en tant que personne connue comme étant noble. Ce processus de distinction de résident et de forain, pour une imposition assise sur le sol, n’est pas partout aussi avancé, même tout près du Pouget. À Bessan en 1364, un habitant peut être exempté des tailles à condition de résider62. Mais au même moment, des forains peuvent s’y montrer récalcitrants à s’acquitter des impôts, comme quelques voisins de Florensac le font en 136763. En 1440 encore, les recteurs d’Aniane et les syndics de Saint-Jean-de-Fos se mettent d’accord pour que leurs forains respectifs payent leurs tailles « pour et proportion des biens et possessions » qu’ils tiennent dans chacun des deux finages64. Et en 1458, la Cour des Aides de Montpellier envoie un huissier faire appliquer un arrêt, qui enjoint aux forains de Saint-Guilhem-le-Désert d’acquitter leurs tailles pour les biens fonciers qu’ils possèdent dans les finages voisins d’Aniane et de Puéchabon65. Les mêmes difficultés traversent alors le royaume de Valence à l’identique : protestations, contraintes et exemptions de clercs, de nobles et de forains brouillent longtemps la question d’une assiette des tailles en train de changer de nature et en somme, d’assise sociale66.

  • 67 - AD Hérault, 114 EDT 78, estime de Gignac, v. 1380.

50Bien d’autres approches sont à mettre en œuvre autour de l’estime rurale du Pouget de 1342-1343. On imagine, dans le désordre, le caractère précieux qu’il existerait à localiser le corpus des toponymes dans le territoire du Pouget. À comprendre le lien entre naissance de ce registre et niveau de développement économique et politique du consulat : il est tout de même significatif qu’un autre bourg tout proche, doté lui aussi d’un marché important, dispose d’une estime de 1397. Il s’agit de Gignac67.

51Toutes ces questions – parmi tant d’autres à inventer – soulignent qu’un chantier historiographique et patrimonial important doit s’ouvrir sur l’estime du Pouget de 1342-1343. Elles semblent donc appeler une collaboration scientifique entre l’université et les archives départementales de l’Hérault, autour des travaux d’un ou de plusieurs étudiants et chercheurs, pour valoriser ce document exceptionnel.

*
**

52La redécouverte du compoix du Pouget fait soudain remonter de quarante ans les jalons jusque-là posés dans l’histoire cadastrale des espaces ruraux du Languedoc médiéval et en révèle ou en étaye plusieurs éléments très importants.

  • 68 - Turin : BENEDETTO, 1989, p. 287 ; Lodève : JAUDON, 2014, p. 58.

53Le document nous montre des lieux où, juste avant l’arrivée de la Peste Noire depuis Avignon, la sociabilité villageoise s’incarne avec force dans le consulat. Cela a permis l’acquisition de l’autonomie politique et fiscale indispensables à se doter d’estimes, à l’image de celles si répandues en ville vers 1350. Il est probable qu’à cette date déjà, plusieurs villages disposaient d’estimes depuis un siècle environ. Le caractère isolé du compoix du Pouget de 1342-1343 dans la chronologie est donc un trompe-l’œil contemporain : il est le fruit de l’histoire de l’archivage et de la conservation par les communautés de cette typologie documentaire. Il est important de garder à l’esprit qu’en effet, les estimes urbaines, beaucoup mieux connues, sont refaites à l’occasion de la levée de chaque nouvelle taille avec, parfois, des fréquences de refonte très élevées. Les cas sont éloquents à Turin par exemple ou plus encore, à Lodève au début du xve siècle68. Cela signifie que, avant le développement du personnel administratif des municipalités, le caractère rapidement périssable d’une estime n’encourageait en aucun cas son archivage.

54Mais cette estime recèle bien plus. Document pour l’instant unique dans l’espace de ce que fut le Languedoc médiéval, elle revêt un caractère patrimonial extrêmement fort, dans le domaine archivistique tout d’abord. Mais aussi, par toutes les reconstitutions historiques qu’elle permet d’envisager pour une époque qui, d’ordinaire, échappe aux documents descriptifs englobants. Il apparaît particulièrement important, maintenant que son existence est connue et que l’accès du public à sa consultation, via sa mise en ligne par exemple, est d’une grande facilité, de s’emparer de l’estime du Pouget de 1342-1343 pour lui consacrer l’étude scientifique qu’elle mérite.

  • 69 - AD Lozère, EDT 193 CC 1, compoix de Vébron, 1471.
  • 70 - AD Lozère, 3 E 9650, copie du compoix de Quézac de 1481, 1562.

55Elle nous apprend enfin que des découvertes ou redécouvertes de documents très anciens sont toujours possibles. Les missions de contrôle et d’inspection des archives départementales ont permis, par exemple, de redécouvrir et de récupérer le compoix lozérien de Vébron de 1471, le plus vieux compoix rural du Gévaudan connu à ce jour69. Les historien·ne·s ont aussi leur expertise à apporter. Ainsi, le compoix de Quézac (Lozère) dit de 1562 est en réalité une copie, réalisée en effet à cette date, d’un cadastre en latin de 148170. C’est pour cela qu’historiens, archivistes ou archéologues savent mieux que d’autres, sans doute, combien, en matière de culture et de patrimoine, le hasard fait toujours très bien les choses et qu’ils peuvent compter sur lui pour enrichir leurs recherches à venir.

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MAINONI, Patrizia. « A proposito della » rivoluzione fiscale » nell’Italia settentrionale del xii secolo », Studi Storici, n° 1, 2003, p. 5-42.

MENJOT, Denis et SANCHEZ-MARTINEZ, Manuel (dir). La fiscalité des villes au Moyen Âge (Occident méditerranéen), Toulouse : Privat, 1996-2002, 4 vol., 1401 p.

MERCURY, Jeanne. Boulbon, un village provençal aux xive et xve siècles : structure agraire et société, regard sur les changements actuels, édition du cadastre de 1309, Aix-en-Provence, université Aix-Marseille i, 1989, 348 p.

PORTET, Pierre. Bertrand Boysset, la vie et les œuvres techniques d’un arpenteur médiéval (v. 1355 - v. 1416), Paris, Le Manuscrit, 2004, 327 p.

REYERSON, Kathryn L., DRENDEL, John. « Introduction » in ibid., dir. Urban and Rural Communities in Medieval France. Provence and Languedoc, 1000-1500. Brill, Leiden-Boston-Köln, 1998, XXIV-334 p.

RIGAUDIÈRE, Albert. L’assiette de l’impôt direct à la fin du xive siècle. Le livre d’estimes des consuls de Saint-Flour pour les annés 1380-1385. Paris : PUF, 1977, 470 p.

RIGAUDIÈRE, Albert. « Connaissance, composition et estimation du moble à travers quelques livres d’estime du Midi français (xive-xve siècles) ». Dans BIGET, Jean-Louis, HERVÉ, Jean-Claude, THÉBERT, Yvon (éd.). Les cadastres anciens des villes et leur traitement par l’informatique, actes de la table ronde (Saint-Cloud, 31 janvier-2 février 1985), Rome : École Française de Rome, 1989, p. 41-81.

SCHNEIDER, Laurent, « Pouget (Le) (Hérault). Saint-Amans-de-Teulet  », Archéologie médiévale, t. xxiv, 1994, p. 513-514.

VIC, Dom (de) Claude et VAISSETE, Dom. Histoire générale de Languedoc, éd. Toulouse : Paya, 1843, t. vi, preuve xciv, p. 498 sq.

WOLFF, Philippe. Les « estimes » toulousaines des xive et xve siècles. Toulouse : impr. Laboureur, 1956, 335 p.

ZERNER, Monique. « Le cadastre, le pouvoir et la terre : une expérience fiscale en Comtat Venaissin pontifical au début du xve siècle ». Publications de l’École française de Rome. Rome : École française de Rome, 1993, VIII-700 p.

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Notes

1 - JAUDON, 2014 ; ABBÉ, 2017.

2 - Archivistes du centre de gestion de l’Hérault, travaillant sous le contrôle scientifique et technique des archives départementales.

3 - Témoignage recueilli auprès de Julien Duvaux, cité avec son aimable autorisation.

4 - Par exemple f° 55 r°, 177 v°, 208 v°, etc.

5 - Écritures soudain plus cursives, heurtées et grosses dans les compoix de Lodève de 1444 (AD Hérault, 142 EDT 60, estime de Lodève, 1444, 118 f°), d’Agde de 1453 (AC Agde, CC 4, estime d’Agde, 1453, 150 f°), de Montpellier de 1469 (AC Montpellier, Joffre 263 à 267, estime de Montpellier, 1469, 5 vol. 810 f°).

6 - AD Hérault, 1 E 1488, compoix du Pouget, 215 f° : incipit lacunaire, nf.

7 - La définition de propriétaire étant encore incertaine pour qualifier une personne portée à l’estime, les médiévistes préfèrent parler de « déclarants ».

8 - SCHNEIDER, 1994.

9 - PORTET, 2004.

10 - Le seigneur directe - orthographié ainsi ! - désigne le seigneur qui possède la propriété éminente - appelée « la directe » - sur les terres de sa seigneurie. C’est à ce titre que ses emphitéotes lui paient des redevances seigneuriales : ils reconnaissent ainsi sa propriété éminente sur le bien et peuvent, en retour, bénéficier de la propriété utile de ce bien. C’est la vieille distinction usus - fructus - abusus, héritée du droit romain et toujours employée aujourd’hui.

11 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 82 v°.

12 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 24 r° ou 56 r° par exemple.

13 - BIGET, 1999 ; LARGUIER, 2006 ; RIGAUDIÈRE, 1989.

14 - Allivrement : valeur cadastrale de la parcelle, exprimée en monnaie de compte, livres, sous et deniers.

15 - BARTHÈS, 1992, p. 60.

16 - LARGUIER, 2003-2004.

17 - Très nombreux exemples in MENJOT et al., 1966-2002.

18 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 189 et suiv.

19 - HERLIHY et KLAPISCH-ZUBER, 1978.

20 - Sources : LARGUIER, 2006, p. 241 et corpus de 332 compoix du Bas-Languedoc méditerranéen et du Gévaudan, de 1320 à 1789 in JAUDON, 2014, p. 179.

21 - AC Lunel, CC 1, estime de Lunel, 1394, 377 f°.

22 - ABBÉ, 2006, p. 102.

23 - AD Hérault, 1 E 1438.

24 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 274 et 319.

25 - AD Hérault, 1 B 11095, estime de Vendres, 166 f°, f° 1 r°.

26 - DOGNON, 1895, p. 276.

27 - AD Hérault, 210 EDT 30, feuille volante en début d’estime : vue n° 9. Ce fragment devait se trouver dans un chapitre consacré aux propriétaires nobles résidents du Pouget, placé après celui dédié aux propriétaires des simples habitants du lieu et avant ceux des forains de Canet et de Tressan. On devine le « C » de cent dans le coin supérieur droit réservé à la pagination, sans qu’on puisse lire la suite du nombre.

28 - Agde : AC Agde, CC 1, estime d’Agde de 1320, doc. cit. ; Narbonne : LARGUIER, 1996 ; Toulouse : WOLFF, 1956, p. 247.

29 - LAMOTHE, 1868, p. 1.

30 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 157.

31 - Par exemple : AD Hérault, 1 E 1438 : division des terroirs du Pouget et de Tressan, 1304 ; 1 E 1458, division du terroir de Vendémian, xive siècle.

32 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 273.

33 - BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 323.

34 - CROSBY, 2003, p. 80-83.

35 - COQUERY et al., 2006.

36 - REYERSON et DRENDEL, 1998, p. xii : « Il y avait des régions à l’intérieur desquelles les influences méditerranéennes confluaient. Les échanges et le commerce attiraient d’intrépides marchands. Les villes côtières, comme Marseille, Narbonne et Montpellier avaient suivi le réveil des villes italiennes de Venise, Pise et Gênes, en créant des marchands extraterritoriaux ».

37 - MAINONI, 2003.

38 - GERMAIN, 1851, t. i, p. 53 et suiv.

39 - GOURON, 1978.

40 - GERMAIN, t. i, p. 110-111.

41 - JAUDON, 2014, p. 280-282.

42 - VIC (de) et VAISSETTE, 1843, t. vi, preuve xciv, p. 498 sq.

43 - WOLFF, 1956, p. 25.

44 - Sur tout ceci : BOURIN-DERRUAU, 1987, t. ii, p. 273, 320 327.

45 - AD. Hérault, 114 EDT 78, estime de Gignac, v. 1380, passim 

46 - BIGET, 1992, p. 13-14.

47 - MERCURY, 1989.

48 - BIGET, 1989, p. 103.

49 - CAZALS, dir., 1992, p. 105, 116.

50 - CLAVAUD, 1991, p. 5-7.

51 - JAUDON, 2014, p. 541-593.

52 - ZERNER, 1993.

53 - JAUDON, 2014, p. 276-278.

54 - Albi : BIGET, 1989, p. 102, 122-124 ; Brives : CAZALS, 1992, p. 111 ; Rodez : AFFRE, 1877, 80 p. ; AFFRE, 1866, « cadastres » successifs de 1355 (AC Rodez, CC 1, 178 f°), 1381 (AD Aveyron, C 1176, 83 f°) et 1397 (182 f°).

55 - RIGAUDIÈRE, 1977, p. 17-20.

56 - AD Hérault, 210 EDT 30, f° 114 v°.

57 - AD Hérault, f° 56 r°, 59 v°, 71 r°, etc.

58 - AD Hérault, f° 19 r°.

59 - ABBÉ, 2006.

60 - AD Hérault, f° 15 r°.

61 - AD Hérault, f° 59 r°.

62 - AD Hérault, 31 EDT 77, exemption des tailles, 1364.

63 - AD Hérault, 31 EDT 79, sentence contre les habitants de Florensac, 1367.

64 - AD Hérault, 10 EDT 224.

65 - AD Hérault, 10 EDT 223.

66 - FURIÓ, 1999, p. 184-188.

67 - AD Hérault, 114 EDT 78, estime de Gignac, v. 1380.

68 - Turin : BENEDETTO, 1989, p. 287 ; Lodève : JAUDON, 2014, p. 58.

69 - AD Lozère, EDT 193 CC 1, compoix de Vébron, 1471.

70 - AD Lozère, 3 E 9650, copie du compoix de Quézac de 1481, 1562.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30 , items actualisés par un scribe du milieu du XVe siècle (f° 177 v°)
Crédits AD Hérault
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Fichier image/jpeg, 359k
Titre Fig. 2
Légende Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, reconnaître le texte original et ses caractéristiques formelles (f° 118 r°)
Crédits AD Hérault
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/7740/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 381k
Titre Fig. 3
Légende Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, un document pensé pour durer au moyen de blancs (f° 133 v°-134 r°)
Crédits AD Hérault
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/7740/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 705k
Titre Fig. 4
Légende Montpellier (Hérault), archives départementales, compoix du Pouget, 210 EDT 30, quatre propriétaires forains de Canet : les écritures postérieures montrent que le premier et le troisième n’avaient aucun bien déclaré (f° 193 r°)
Crédits AD Hérault
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Pour citer cet article

Référence électronique

Bruno Jaudon, « Le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 : une archive extrêmement précieuse »Patrimoines du Sud [En ligne], 15 | 2022, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/7740 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.7740

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Auteur

Bruno Jaudon

Formateur temps complet, faculté d’Éducation, université de Montpellier

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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