Les remplages rayonnants des édifices religieux du diocèse de Carcassonne (fin du XIIIe siècle – première moitié du XIVe siècle)
Résumés
Le diocèse de Carcassonne est doté d’un nombre important d’églises construites entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle dans le style rayonnant. Avec ce courant, un élément nouveau apparaît dans la région, pour la première fois à la cathédrale de Carcassonne, provenant directement du nord de la France : les remplages. À la fois structurels et décoratifs, ils divisent les baies en de multiples compartiments où viennent s’insérer les vitraux et envahissent aussi parfois les surfaces murales ou les portails. À travers une approche stylistique de cet élément dans les églises situées aux alentours de la cathédrale de Carcassonne, l’analyse des remplages permet de mesurer leur importance pour la connaissance de l’architecture rayonnante régionale.
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Mots-clés :
architecture, architecture rayonnante, architecture religieuse, église paroissiale, église collégiale, ordre mendiant, fenêtre à remplages, XIIIe siècle, XIVe siècleKeywords:
architecture, religious architecture, parish church, collegiate church, begging order, tracery window, 13th century, 14th centuryIndex géographique :
Carcassonne, Aude, Montréal, Montolieu, Rustiques, Conques-sur-Orbiel, Pezens, Badens, cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne, église des Carmes de Carcassonne, église Saint-Vincent de Carcassonne, collégiale Saint-Vincent de MontréalPlan
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Je tiens à remercier ma directrice de recherche, Géraldine Victoir, pour m’avoir supervisée, encouragée et guidée dans la réalisation de cet article, ainsi que Géraldine Mallet pour son soutien dans la publication de mon travail universitaire.
- 1 - Article en partie issu du mémoire de master 2 soutenu à l’université Paul-Valéry en 2018, sous la (...)
- 2 - La fenêtre composée est constituée d’un groupement d’ouvertures, le plus souvent de deux lancette (...)
1L’emplacement de la fenêtre, sa taille et son décor reflètent le prestige de l’édifice auquel elle appartient1 Dès l’avènement de l’architecture gothique en Île-de-France dans le second quart du XIIe siècle, les maîtres d’œuvre accordent une importance majeure à la diffusion de la lumière dans les églises. C’est cette préoccupation qui mène rapidement à l’élargissement de la baie dans la travée où elle s’insère, au développement de la fenêtre composée à la fin du siècle2 et, vers 1220, à l’apparition de la fenêtre construite en délit dans les cathédrales Notre-Dame de Paris et Notre-Dame de Reims. Les premiers remplages se développent, ouvrant la voie à la diffusion d’immenses verrières qui sont les représentantes majeures de la phase dite rayonnante.
- 3 - BINDING, Günther. Masswerk. Darmstadt, Wissenchaftlishe Buchgesellschaft, 1989 ; LAUTIER, Claudin (...)
- 4 - PAUL, Vivian, WARDEN, Robert. « La géométrie des fenêtres hautes de la cathédrale de Narbonne ». (...)
2Si les vitraux ont fait l’objet de nombreuses études, les remplages n’ont pas connu autant de succès. Les recherches les plus poussées les concernant ont été réalisées en 1989 par Günther Binding dans son ouvrage Masswerk, où il s’emploie à mettre en place une typologie des remplages développés en France, en Allemagne et en Angleterre tout au long de la période gothique, puis en 1995, par Claudine Lautier, dans le cadre de sa thèse de doctorat, où elle s’intéresse à l’évolution de la baie dans les édifices religieux du bassin parisien au XIIIe siècle3. Ces recherches peuvent servir de fondement à l’étude des remplages, même si elles ne rendent pas compte de toutes les particularités géographiques et temporelles de cet élément de l’architecture. Dans le sud de la France, à l’exception de deux articles très spécifiques concernant les cathédrales de Narbonne et de Carcassonne, ainsi que de quelques brèves descriptions dans des ouvrages plus généraux, aucune recherche n’a été entreprise à leur sujet4. Pourtant, l’apparition des remplages fut cruciale dans l’évolution des constructions religieuses méridionales, où les larges et fines fenêtres rayonnantes se substituèrent aux étroites et épaisses ouvertures en arc brisé de la première phase du gothique, apparues ici depuis le début du XIIIe siècle. La variation des formes, la profusion de motifs inventés et l’étonnante diversité des compositions rendent compte de l’importance que les maîtres d’œuvre leur accordèrent. Rapidement, des remplages furent aussi plaqués sur des surfaces aveugles, ou insérés dans des structures décoratives comme les gables ou les balustrades, ce qui témoigne de leur succès.
3Une approche transversale plutôt que monographique permet d’établir une typologie et une chronologie des remplages méridionaux, éléments de soutien indispensables aux vitraux, qui donnèrent lieu aux plus vives créations, avec des modèles spécifiques dans chaque région, et d’autres qui se répandirent plus uniformément sur l’ensemble du territoire du royaume.
- 5 - WOLFF, Philippe. Histoire du Languedoc. Toulouse, Privat, 1990 (cop. 1967), p. 205-215.
4Le terrain d’étude choisi concerne le diocèse de Carcassonne. Les terres du Languedoc, au sein desquelles ses frontières se dessinent, ont été rattachées à la couronne depuis 1224 à l’issue de la croisade albigeoise. À partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, une période de prospérité succède aux troubles. Les villes et les bourgs ruraux se développent, grâce notamment à l’activité drapière très importante dans la région et à l’émergence de foires locales ; la démographie augmente considérablement et de grands chantiers civils et religieux débutent, comme la construction du rempart de Carcassonne ou l’agrandissement de la cathédrale5. Ces derniers donnent l’impulsion aux campagnes, qui se dotent rapidement aussi de nouveaux édifices. À cette période, l’architecture rayonnante règne sans partage, ce qui offre un panel d’édifices assez large pour cette étude. Les premiers modèles de remplages se développent d’abord sur les grands chantiers des cathédrales, ici celle de Saint-Nazaire de Carcassonne qui occupe une place prépondérante dès 1263. Ils intègrent ensuite rapidement l’ensemble des constructions religieuses de la région, puisant leurs influences à la fois dans l’édifice mère du diocèse et dans des modèles plus éloignés, tout en s’adaptant aux valeurs régionales dictant une plus grande sobriété.
5Ici, à l’exception des formes diffusées dans les autres églises du diocèse, les remplages de la cathédrale Saint-Nazaire ne seront pas traités car ils font l’objet d’un article spécifique. L’objectif est de s’atteler à la transposition des remplages dans les édifices de moindre importance, pour comprendre la réalité de cet élément dans un contexte souvent rural, mais aussi avec des compositions plus fastes dans les zones davantage urbanisées. Dans le diocèse de Carcassonne, quatorze églises construites entre la fin du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle présentent des modèles de remplages permettant une analyse de cet élément majeur, caractéristique et complexe de l’architecture rayonnante.
La richesse et la diversité des remplages en milieu urbain
6L’essor économique et démographique des villes entraine leur agrandissement et la construction de nouveaux édifices religieux qui se dotent des dernières formes architecturales en vigueur. Cela s’observe à Carcassonne où l’émergence de la cité basse conduit à l’édification d’une nouvelle paroisse monumentale et à l’implantation des ordres mendiants avec la construction de l’église des Carmes. Cela se constate aussi dans la seconde ville du diocèse, à Montréal, où l’église paroissiale est reconstruite à la fin du XIIIe siècle et érigée en collégiale sous l’impulsion du pape quelques décennies plus tard.
L’église des Carmes de Carcassonne
- 6 - MAHUL, Alphonse. Cartulaire et archives des communes de l’ancien diocèse et de l’arrondissement a (...)
- 7 - BÉA, Adeline. L’art gothique en Bas-Languedoc, L’affirmation d’une architecture régionale (XIIIe- (...)
7L’ordre des Carmes s’installe à Carcassonne dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, en dehors de la ville dans un premier temps, puis à l’intérieur des remparts à partir de 1287, où la construction de l’actuelle église aurait débuté à partir de 12976 et se serait probablement poursuivie au cours de la première moitié du XIVe siècle7. Elle fut établie selon un plan méridional habituel avec une nef unique de sept travées, bordée de chapelles latérales, se terminant à l’est par une abside pentagonale accolée à un clocher au sud. L’église s’élève sur deux niveaux dans la nef, avec des arcs ouvrant sur les chapelles et un clair-étage comprenant neuf baies.
8L’élévation de l’abside comprend un soubassement nu sous un niveau de fenêtres à remplages dans les pans droits et le pan axial, tandis que les pans intermédiaires sont aveugles. Le réseau de la baie axiale est détruit mais des restes d’arcature laissent supposer la présence de plusieurs lobes. Elle ressemblait probablement aux deux autres fenêtres percées dans les pans droits (fig. 1).
Fig. 1

Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; baie du premier pan au nord du chevet
© DRAC Occitanie
- 8 - Dans un réseau, les lancettes majeures dominent la composition et reçoivent une ou plusieurs autr (...)
- 9 - Un trilobe désigne un motif à trois lobes aux formes arrondies, saillantes et symétriques. Il doi (...)
- 10 - DURLIAT, Marcel. « L’ancienne cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne ». Pays de l’Aude, Congrès (...)
9Celles-ci se composent d'un carré incurvé sur la pointe qui s’insère entre deux lancettes majeures8. Les éléments à section secondaire comportent un quatre-feuilles inséré dans le carré et, dans les lancettes majeures, un trilobe au tympan, dominant une lancette mineure en arc brisé redentée d’un trilobe9. La composition des remplages de ces baies est relativement courante parmi les modèles diffusés sur le territoire à cette époque. Il est probable que leur source d’inspiration directe provient de la cathédrale de Carcassonne, qui adopte un schéma très similaire dans le chœur de l’édifice, probablement dès les années 1270/128010. Les sept fenêtres de l’abside comprennent chacune un triangle courbe redenté d’un trèfle au tympan et, au niveau inférieur, deux lancettes majeures accueillant un trèfle, puis deux lancettes mineures tréflées (fig. 2).
Fig. 2

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; fenêtre du deuxième pan tournant du chevet, côté nord
© Julie Vidal
- 11 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 51.
- 12 - SANDRON, Dany. La cathédrale d’Amiens. Paris, Zodiaque, 2004, p. 54.
- 13 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 286 et 291.
- 14 - MURRAY, Stephen. « Le chœur gothique ». Dans La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais : architectur (...)
10Cependant, les lancettes et le réseau sont garnis de tores leur conférant un aspect nettement plus riche. Si le motif sommital et la mouluration diffèrent, la distinction entre lancette majeure et mineure est reproduite à l’identique dans l’église des Carmes. Cette hiérarchisation du réseau existe dès l’élargissement de la baie rayonnante dans les édifices franciliens du deuxième quart du XIIIe siècle. Grâce au développement des remplages, les fenêtres deviennent aussi larges, ou presque, que les travées dans lesquelles elles s’insèrent, nécessitant une multiplication du nombre de lancettes et l’agrandissement du tympan. Pour combler les espaces vides et créer une structure robuste, les architectes choisirent de regrouper astucieusement des séries de deux ou trois lancettes sous une plus grande11. Un des exemples les plus anciens s’observe dans les travées droites du chœur de la cathédrale d’Amiens (entre 1230 et 1235)12. Assez rapidement, cette distinction est appliquée à une lancette unique qui est alors englobée sous une seconde. Cette adaptation à une baie plus étroite a peut-être été voulue pour créer une certaine unité avec les baies des travées plus larges, mais aussi pour donner une double épaisseur au réseau avec des profils principaux (motif sommital et lancette majeure) et des divisions secondaires (lancette mineure et motifs inscrits). Ce modèle de baie apparaît peut-être pour la première fois dans deux fenêtres des bas-côtés de l’église de Saint-Sulpice-de-Favières (vers 1245-1250)13, avant d’être perfectionné dans les réseaux des étroits pans tournants du chœur de la cathédrale de Beauvais (entre 1250 et 1272)14. Dès le développement des remplages dans le sud de la France, ce schéma est adopté par les grandes cathédrales, comme à Clermont-Ferrand, puis à Carcassonne, Narbonne et Rodez, et servent d’exemples aux églises plus modestes qui adoptent cette composition simple et élancée. Dans l’église des Carmes, l’étroitesse de la fenêtre n’aurait pas permis l’insertion d’un réseau plus dense, mais cette composition met tout de même en valeur le sanctuaire de l’édifice. Plusieurs éléments distinguent ces remplages de ceux du chœur de la cathédrale de Carcassonne, le plus visible étant l’insertion du carré posé sur la pointe à la place du triangle courbe. Les autres, plus subtils, concernent la présence de formes pleines entre les motifs et l’arc d’encadrement de la fenêtre, l’insertion de baies dans des pans de murs qui ne sont pas entièrement évidés entre les supports, le principe de l’alternance entre un pan ajouré et un pan aveugle empêchant l’effet de cage de verre, l’absence de tores, de colonnettes, de chapiteaux et de bases doublant les remplages au profit d’une mouluration simplement chanfreinée. Ces caractéristiques, appliquées aussi aux autres fenêtres de l’église, creusent l’écart de richesse entre les deux édifices, mais révèlent aussi un choix certain pour la sobriété pour les Carmes.
11Parmi les neuf baies de la nef, celle de la troisième travée côté sud, et celles des quatrième, cinquième et sixième travées côté nord et sud se composent d’une lancette en anse de panier redentée d’un trilobe, surmontée d’un grand trèfle (fig. 3), tandis que pour la deuxième travée côté sud et la troisième travée côté nord il s’agit d’une simple lancette trilobée.
Fig. 3

Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; fenêtre haute de la nef, côté nord
© Julie Vidal
- 15 - L’arc en anse de panier est un arc surbaissé en demi-ovale.
- 16 - DURLIAT, 1973. Op. cit. note 10, p. 568.
12L’originalité de cette baie réside dans l’adoption de l’arc en anse de panier15, directement issu de la cathédrale Saint-Nazaire où il envahit de nombreux réseaux : sur les arcatures aveugles plaquées sur les soubassements du bras nord du transept (achevé vers 1300) et sur les lancettes des baies et des soubassements de la chapelle de Pierre de Rochefort (entre 1300 et 1321) (fig. 4)16.
Fig. 4

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; baie de première travée de la chapelle de Pierre de Rochefort, côté nord
© Julie Vidal
- 17 - ROBIN, Françoise. Midi gothique, De Béziers à Avignon. Paris, Picard, 1999, p. 268 ; PRADALIER-SC (...)
13Ce type d’arc, très apprécié à la période flamboyante à partir de la fin du XIVe siècle, apparaît très rarement à la fin du XIIIe siècle. Les seuls exemples connus sont probablement postérieurs à Carcassonne. À la cathédrale de Rodez, dans une chapelle rayonnante du chœur, des arcs en anse de panier sont plaqués sur une paroi latérale aux baies. À la cathédrale de Béziers, ces arcs garnissent les pétales de la rose de la façade occidentale et les lancettes des fenêtres hautes de la nef (entre 1293/1294 et le premier quart du XIVe siècle)17. Dans les régions septentrionales, aucun exemple connu ne s’y développe avant la seconde moitié du XIVe siècle. Ce type d’arc semble donc avoir une origine méridionale, à rechercher dans la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne. En outre, plusieurs autres édifices du diocèse intègrent ce motif, alors que cela ne s’observe pas aux alentours de Béziers ou de Rodez. Dans l’église des Carmes, cet arc est employé de manière plus modeste puisqu’il s’insère dans une simple baie en arc brisé sous un motif unique et non sous un réseau élaboré comme à Saint-Nazaire. La baie reprend la configuration classique, instaurée à la cathédrale, d’un arc en anse de panier sous un triangle courbe redenté d’un trèfle. C’est avec les remplages de la chapelle de Pierre de Rochefort que la ressemblance est la plus frappante, bien que, dans l’église des Carmes, le triangle courbe prenne tout le tympan de la fenêtre. Comme à Saint-Nazaire, c’est avec le triangle curviligne que l’arc en anse de panier s’associe le mieux. En effet, l’arc et l’arête horizontale du triangle se fondent l’un dans l’autre, permettant au triangle de prendre plus d’ampleur dans le tympan en générant un minuscule écoinçon.
14Le maître d’œuvre de l’église des Carmes intègre donc dans son répertoire rayonnant des fenêtres aux remplages issus de formes apparues à la cathédrale de Carcassonne, mais choisit de les transposer dans des compositions plus simples. C’est le cas aussi des chapelles latérales de la nef, où les baies sont composées de deux lancettes tréflées sous un motif unique qui varie, permettant une forme d’individualisation. Parfois il s’agit d’un triangle courbe tréflé, parfois d’un trilobe encadré par un oculus, d’un quatre-feuilles dans un carré incurvé sur la pointe ou d’un oculus trilobé (fig. 5).
Fig. 5

Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; fenêtre de la troisième chapelle latérale de la nef, côté nord
© Julie Vidal
15La construction de l’église des Carmes au cœur de la cité basse de Carcassonne intervient au moment où le chantier de la cathédrale est en pleine effervescence, menant très certainement les architectes à s’inspirer des nouveautés qui y sont introduites. Ils s’en détachent pourtant par des compositions simplifiées, avec peu de motifs ornementaux, des écoinçons pleins et une modénature chanfreinée, dépouillée de chapiteaux, de bases ou de tores, qui n’empêchent pourtant pas de distinguer chaque élément l’un de l’autre. Ces remplages sont ainsi en accord avec les idéaux de pauvreté prônés par les ordres mendiants, tout en étant modernes et variés. À l’inverse, l’église paroissiale Saint-Vincent, construite quelques rues plus loin à la même période, affiche des modèles plus élaborés.
L’église paroissiale Saint-Vincent de Carcassonne
- 18 - DEVIC, Claude, VAISSETTE, Joseph. Histoire générale de Languedoc. Toulouse, Privat, 1872-1904, t. (...)
- 19 - DURLIAT, Marcel. « Saint-Vincent de Carcassonne ». Pays de l’Aude, Congrès archéologique de Franc (...)
- 20 - Ibid., p. 62.
16Située également dans la cité basse de Carcassonne, elle présente une gamme de remplages variés, réalisés dans un laps de temps assez court. La première phase de travaux, comprenant l’édification de la façade occidentale, des quatre premières travées de la nef avec leurs chapelles latérales, ainsi que de la tour carrée du clocher, aurait eu lieu approximativement entre 1308 – date d’une lettre royale octroyant des terrains à la paroisse pour son agrandissement18 – et 1327 – date gravée en arabe sur une pierre de la salle du deuxième niveau du clocher19. L’est de la nef et le chœur sont plus tardifs et se rattachent au style flamboyant20. Le vaisseau de six travées bordées de chapelles est précédé d’un vestibule comprenant une chapelle au nord, le clocher au sud, et le portail principal. De part et d’autre de la troisième travée de la nef, des vestibules occupant l’emplacement des chapelles donnent accès à des portails secondaires. En élévation, les arcs ouvrant sur les chapelles sont surmontés de fenêtres hautes.
- 21 - La dernière campagne de restauration de cette façade a eu lieu en 2000, sous la direction de la C (...)
17Le massif occidental est ouvert par un imposant portail surmonté d’un gable et d’une grande rose en partie supérieure21. Le gable est ajouré de remplages et orné de crochets feuillagés et d’un fleuron (fig. 6).
Fig. 6

Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; gable du portail de la façade occidentale
© Julie Vidal
- 22 - KIMPEL, Dieter ; SUCKALE, Robert. L’architecture gothique en France. 1130-1270. Paris, Flammarion (...)
18À l’intérieur, il se compose d’une grande figure centrale circulaire, qu’il est possible de qualifier de rose de réseau, au sein de laquelle s’inscrit un pentagramme, avec au centre un pentalobe, des trèfles effilés dans chaque branche et entre chacune d’elles des petits oculi quadrilobés. Au-dessous, deux petites roses contenant chacune trois triangles courbes tréflés sur la pointe soutiennent la figure centrale. Dans chaque écoinçon inférieur se glisse une mouchette tréflée inscrite dans un arc à peine brisé, sous un oculus quadrilobé, tandis que le sommet supérieur comprend un trèfle d’écoinçon très effilé sur un oculus à cinq lobes avec des boutons feuillagés sur les pointes. Les dates de construction de ce portail sont estimées entre 1308 et 1320 grâce à une étude de la sculpture d’accompagnement comparable à celle de la chapelle de Pierre de Rochefort à Saint-Nazaire. Les gables ont été développés en tant qu’élément de décor dès le milieu du XIIIe siècle à la Sainte-Chapelle à Paris et à la cathédrale d’Amiens avant de s’exporter rapidement en province22, mais sont très rares dans le sud de la France. Le premier modèle régional apparaîtrait sur le portail nord de la cathédrale de Carcassonne (fig. 7).
Fig. 7

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; gable du portail de la façade nord
© Julie Vidal
- 23 - LECOMTE, Laurent. « La « Sainte-Chapelle » de Saint-Germer-de-Fly: un chef-d’œuvre du gothique ra (...)
- 24 - OLDE-CHOUKAIR, Christiane. « Sées : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moye (...)
- 25 - DURLIAT. Op. cit. note 10, p. 568.
- 26 - SANDRON, op. cit. note 12, p. 33-34 ; COWEN, Painton. The rose window: splendour and symbol. Lond (...)
19Les autres exemples les plus proches géographiquement s’observent à la cathédrale de Clermont-Ferrand et à celle de Limoges, mais ils sont moins monumentaux, partiellement ajourés et possèdent un nombre limité de motifs. Sa présence à Saint-Vincent doit donc être reliée au gable de la cathédrale de Carcassonne, probablement introduit à la fin du XIIIe siècle sur le chantier, et d’influence septentrionale. Beaucoup de points communs relient les deux réalisations : le premier concerne la structure générale du gable avec une grande figure centrale circulaire et des figures circulaires annexes plus petites ; le second tient à la présence de mouchettes d’écoinçon, qui apparaissent probablement pour la première fois dans la région dans le gable de Saint-Nazaire. Ce motif, figure phare de l’architecture flamboyante, est en réalité une création de la période rayonnante, développé dès la seconde moitié du XIIIe siècle dans le nord de la France. Sa forme sinueuse lui permet de se glisser dans des espaces très effilés, où aucun autre motif ne parvenait auparavant. Les premiers gables n’avaient en effet pas de figure dans leur pointe jusqu’à la construction de la collégiale de Saint-Germer-de-Fly dans l’Oise (entre 1259 et 1267)23, où les maîtres d’œuvre purent ainsi complètement ajourer le réseau des gables coiffant les fenêtres hautes de l’édifice. L’emploi de ce motif se généralise ensuite partout en France et intègre, à partir de la fin du XIIIe siècle, les écoinçons des roses, comme pour celle du transept sud de la cathédrale de Sées dans l’Orne (vers la fin du XIIIe siècle)24 et, peu après, dans la rose méridionale de la cathédrale de Carcassonne (entre 1300 et 1321)25. À Saint-Vincent, les mouchettes d’écoinçon dans les angles inférieurs sont plus évoluées que celles du gable de Saint-Nazaire car elles s’inscrivent dans des arcs brisés, à l’image de celles de la rose de la façade sud de la cathédrale, construite plus tardivement. Cela confirme la contemporanéité probable des deux chantiers, entre 1308 et 1320. Le maître du gable se détache néanmoins de l’influence de la cathédrale par l’introduction tout-à-fait originale de la figure de l’étoile. Il s’agit d’un motif de remplage très moderne pour l’époque, puisqu’il apparaît probablement pour la première fois seulement quelques années avant le début de la construction de l’église paroissiale Saint-Vincent, à la cathédrale d’Amiens au cœur de la rose de la façade du transept nord dont la construction est estimée au premier quart du XIVe siècle (fig. 8)26.
- 27 - THIEBAUT, Jacques. Nord gothique, Picardie, Artois, Flandre, Hainaut. Les édifices religieux. Par (...)
- 28 - BOTTINEAU-FUCHS, Yves. Haute-Normandie gothique, architecture religieuse. Paris, Picard, 2001, p. (...)
20Un pentagramme se développe en effet à la place de l’habituel noyau central avec plusieurs polylobes au centre, des trèfles moins effilés qu’à Carcassonne dans les branches et des pétales entre chaque branche qui rayonnent autour de l’étoile pour étirer le réseau de la rose monumentale. À Saint-Vincent de Carcassonne, le pentagramme constitue la figure principale de la rose, tandis qu’à Amiens il ne s’agit que du motif central. De plus, ils ne sont pas dans la même position puisque l’étoile repose sur la pointe à Amiens. Malgré cela, l’insertion de ce motif dans une rose est assez rare à la période rayonnante. Plus tard, il est utilisé par exemple à la collégiale de Saint-Quentin dans la rose de réseau au sommet de la grande baie perçant la façade nord du transept (seconde moitié du XIVe siècle)27, et à l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, au centre de la rose de la façade nord du transept (achevée en 1387)28. La présence de ce motif dans un réseau de gable de l’église Saint-Vincent semble indiquer un chantier important, tourné vers le nord de la France à la recherche des dernières innovations techniques et esthétiques.
21Au niveau supérieur de la façade, une rose monumentale confirme l’importance de ce chantier et l’attrait pour de grandes compositions aux remplages élaborés. L’influence de la cathédrale Saint-Nazaire se ressent ici aussi avec une structure et des motifs rappelant les deux grandes roses du transept. Elle se compose d’un noyau circulaire quadrilobé d’où rayonnent douze pétales trilobés. Douze trilobes inclus dans des triangles ovoïdes couronnent cette composition. Le schéma classique, développé à Saint-Nazaire, de la rose composée d’un noyau central d’où rayonnent des pétales, est reproduit (fig. 9).
Fig. 9

Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; rose de la façade occidentale
© Julie Vidal
- 29 - BINDING, op. cit. note 3, p. 89.
22Il n’existe à cet égard pas de rose au schéma divergent dans d’autres églises du diocèse. Les caractéristiques principales des roses de Saint-Nazaire sont réintroduites ici : les rayons sont alignés aux axes vertical et horizontal, particularité généralement admise dans toutes les roses du XIVe siècle29 ; des trilobes longent la bordure extérieure de la rose, avec un lobe qui s’insère entre les pétales et qui, de ce fait, est légèrement plus petit que les deux autres. Le choix de ce motif s’observe sur les deux roses de Saint-Nazaire mais seule la rose sud, construite après 1300, présente un lobe rétréci (fig. 10).
Fig. 10

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; rose de la façade sud du transept
© Julie Vidal
- 30 - ROBIN, op. cit. note 17, p. 53.
23Par ailleurs, des petits chapiteaux sont placés à la base des arcs des rayons, comme sur les deux roses du transept mais, ici, ces rayons ne sont pas doublés de tores justifiant habituellement la présence de ces petits supports. Enfin, cette rose de façade, comme la rose septentrionale de Saint-Nazaire, s’insère dans un espace circulaire, sans écoinçons ajourés. Cependant, le rapport entre les dimensions de la rose et celles de la façade est très différent puisqu’elle est percée dans une paroi beaucoup plus grande que le transept de la cathédrale, ce qui a pour conséquence que les surfaces murales prennent davantage d’importance, produisant un effet visuel tout à fait opposé à Saint-Nazaire où les deux roses s’insèrent dans toute la largeur de la travée et jusque sous le formeret de la voûte. Alors qu’à Saint-Nazaire, comme dans le nord de la France, il y a une nette volonté d’ouvrir au maximum les surfaces, la rose de Saint-Vincent suit la tendance méridionale selon laquelle une plus grande place est généralement accordée à la « muralité »30. Ces caractéristiques se retrouvent dans la plupart des églises de la région ayant adopté des roses de façade dans la première moitié du XIVe siècle : aux cathédrale de Lodève, de Béziers et Toulouse, à l’actuelle cathédrale Saint-Michel de Carcassonne.
24De manière générale, même si les motifs de cette rose rappellent fortement ceux de la cathédrale carcassonnaise, ils sont cependant transposés dans un modèle beaucoup plus simple, avec un nombre d’éléments considérablement réduits mais pour autant modernes puisqu’ils reprennent des concepts qui apparaissent peu de temps auparavant dans le diocèse. Ainsi, les procédés venant du nord de la France, utilisés à la cathédrale de Carcassonne dans un premier temps, sont ensuite remployés par le maître d’œuvre de Saint-Vincent, qui se détache pourtant de l’influence de l’église épiscopale en les adaptant aux pratiques locales avec un attrait pour la « muralité » et pour les compositions moins foisonnantes.
25Des modèles de remplages plus discrets se développent dans d’autres parties de l’édifice. C’est le cas pour les deux fenêtres qui ajourent les deux tribunes de la troisième travée de la nef. Il s’agit d’une simple baie en anse de panier redentée d’un trilobe, surmontée d’un grand trèfle qui s’inscrit dans un triangle incurvé. C’est l’exacte réplique des lancettes de l’église des Carmes décrites précédemment, et dont le modèle originel provient très probablement de Saint-Nazaire. Il est cependant difficile de savoir si c’est à l’église des Carmes ou à la paroisse Saint-Vincent que l’adaptation de ces remplages à de petites baies a été initiée. Dans les chapelles latérales des quatre premières travées de la nef et celle de la chapelle au nord du vestibule de la façade occidentale, des fenêtres aux dimensions plus importantes ont été percées. Elles se composent uniformément de deux lancettes trilobées en arc déprimé. Chaque lancette est surmontée d’un fin triangle curviligne tréflé qui rappelle les remplages de la cathédrale Saint-Nazaire (fig. 11).
26Fig. 11

Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; fenêtre d’une chapelle latérale au sud de la nef
© Julie Vidal
- 31 - BINDING, op. cit. note 3, p. 301.
- 32 - PLAGNIEUX, Philippe. « La date et les architectes de la restauration de la cathédrale de Beauvais (...)
27Cependant, le maître d’œuvre fait preuve d’ingéniosité en prolongeant les arêtes de ces deux triangles au-delà de leur intersection, créant un petit compartiment ajouré sur les espaces latéraux du réseau dans lesquels s’insèrent de petits trilobes étirés, et réunit les triangles courbes par le tracé du compas au centre de la composition. Le motif supérieur est un simple quadrilobe inséré dans un oculus. Un petit trilobe effilé s’insère également entre les deux lancettes. Cette originalité du tracé du réseau ne s’observe pas dans d’autres remplages du diocèse, ni-même dans un périmètre proche de la région, constituant un modèle isolé. Seuls des exemples épars apparaissent dans des zones géographiques très éloignées, notamment en Allemagne. L’exemple qui serait le plus proche de Saint-Vincent s’observe dans le réfectoire de l’abbaye cistercienne de Bebenhausen à Tübingen (vers 1335)31, où les deux lancettes majeures du réseau sont aussi réunies par le tracé du compas, créant un écoinçon garni d’un trèfle très effilé au niveau inférieur. Au tympan de la baie se développe un oculus polylobé calé entre deux mouchettes d’écoinçons. En France, ce type de tracé s’observe à la cathédrale de Beauvais dans l’Oise, où une fenêtre d’une chapelle latérale dans le déambulatoire présente un schéma similaire avec trois lancettes majeures sous un oculus polylobé (entre 1339 et 1347)32. Les arêtes des deux lancettes latérales se prolongent au-delà de l’intersection de l’arc et s’unissent par le tracé du compas, englobant également la lancette centrale, légèrement plus élevée que les deux autres. Cela a pour conséquence que, à l’inverse de la baie de Carcassonne, le dessin ne forme pas un arc de cercle mais plutôt un arc qui semble en anse de panier (fig. 12).
Fig. 12

Beauvais (Oise), cathédrale Saint-Etienne ; fenêtre de la première chapelle latérale du chœur, côté nord
© Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
28Le procédé reste cependant similaire puisque, comme à Saint-Vincent de Carcassonne, des petits trèfles s’insèrent dans les écoinçons entre l’oculus et les lancettes. Tout comme ceux de la cathédrale Saint-Nazaire, il semblerait que les maîtres d’œuvre de l’église paroissiale Saint-Vincent tirent leur inspiration de constructions du bassin parisien.
- 33 - BÉA, op. cit. note 7, vol. I, p. 130.
29L’étude des remplages rayonnants de l’église Saint-Vincent révèle l’empreinte évidente de la cathédrale avec des motifs et des compositions issues de celle-ci. Adeline Béa avait déjà suggéré que la même équipe soit responsable des sculptures et des remplages des deux églises33. Même si des motifs nouveaux apparaissent à Saint-Vincent, la démarche est effectivement la même dans les deux cas puisque, comme à Saint-Nazaire, les architectes se tournent vers les régions septentrionales pour garnir les baies de réseaux modernes et originaux. S’il s’agissait de la même équipe, cela prouverait l’importance de la paroisse Saint-Vincent et des ressources qu’elle devait posséder pour entamer un tel chantier. Même dans le cas contraire, le maître d’ouvrage a manifestement fait appel à des architectes qui ont su se mesurer à l’immense savoir-faire des maîtres d’œuvre de Saint-Nazaire. C’est à l’entrée de l’édifice que les remplages sont les plus denses avec des compositions et des motifs très riches, interpellant sans nul doute le visiteur pour lui signifier l’importance de l’église dans laquelle il s’apprête à pénétrer. Cette attention particulière accordée à la façade s’observait déjà à la cathédrale de Carcassonne et se matérialise aussi à la collégiale de Montréal, où un portail monumental recouvert de remplages signale l’importance de l’édifice au premier regard.
La collégiale Saint-Vincent de Montréal
- 34 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 164.
- 35 - BnF Fonds Doat, T. 71.
- 36 - CARBONELL-LAMOTHE, Yvette. « Deux collégiales du XIVe siècle dans l’Aude, Saint-Vincent de Montré (...)
- 37 - AD Aude. G 341, f° 186, premier tome des archives du chapitre de Montréal.
- 38 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 164.
- 39 - CARBONELL-LAMOTHE, op. cit. note 36, p. 427.
30Il s’agit d’un édifice assez prestigieux qui fut édifié à une époque où Montréal était la seconde ville du diocèse de Carcassonne34. En raison de l’agrandissement du bourg, l’église est reconstruite après une autorisation du roi en 1273, et les travaux s’étendent probablement jusqu’au début du XIVe siècle35. Le 13 février 1318, le pape Jean XXII élève l’église paroissiale en collégiale et lui octroie des dons pour permettre l’agrandissement ou l’embellissement de l’édifice36. La fin des travaux se situe aux alentours de 1326 car un document atteste de l’aménagement du chœur37. Cette phase de construction comprit très probablement l’édification du porche sud et de la tour occidentale. D’après l’analyse d’Adeline Béa, une nouvelle campagne de travaux interviendrait assez rapidement, peut-être dans la seconde moitié du XIVe siècle, avec pour objectif la mise en défense générale de l’église. Les chapelles latérales de la nef sont alors exhaussées entraînant la fermeture des fenêtres hautes, et la façade occidentale est édifiée38. La collégiale se compose d’une nef de sept travées, bordée de chapelles latérales, à l’exception de la quatrième travée méridionale, sur laquelle s’ouvre le porche. Le chœur comprend une travée droite bordée d’une chapelle latérale au nord et du clocher au sud. L’abside à cinq pans est ceinte de cinq chapelles. Le chœur est éclairé par cinq baies, deux longues fenêtres dans les pans droits, et trois beaucoup plus courtes dans les pans tournants. Ces dernières étaient à l’origine aussi longues que celles des pans droits, mais ont été raccourcies lors de la seconde campagne de travaux39. Dans la nef, alors que le côté nord est aveugle, chaque chapelle sud est inondée de lumière par une grande baie.
31Les remplages de l’édifice, assez originaux pour la plupart, semblent tirer leur source d’inspiration primaire de la cathédrale Saint-Nazaire, mais le maître d’œuvre se les réapproprie pour créer des ensembles tout-à-fait novateurs. L’arc surbaissé est employé comme à l’église des Carmes et à celle de Saint-Vincent de Carcassonne, mais il s’insère dans un réseau plus évolué. Ici, il n’est pas en anse de panier, mais plutôt déprimé. Les baies des chapelles latérales au sud de la nef sont composées de deux lancettes majeures en arc brisé surmontées d’un quatre-feuilles au tympan. Les divisions secondaires des lancettes majeures comprennent un triangle curviligne tréflé au tympan sur deux triangles identiques mais de petite taille, dominant deux lancettes mineures en arc déprimé redenté d’un trilobe dont le lobe supérieur s’adapte à l’arc surbaissé en prenant une forme étirée et droite (fig. 13).
Fig. 13

Montréal (Aude), collégiale Saint-Vincent ; fenêtre de la cinquième chapelle au sud de la nef
© Julie Vidal
32Le réseau des deux longues fenêtres des pans droits de l’abside est identique à celui des baies des chapelles latérales. Cette composition est unique et ne semble pas trouver d’échos dans la région, ou dans des territoires plus lointains. Le choix d’inclure les lancettes en arc déprimé avec une arête presque droite, permet aisément d’insérer deux petits triangles curvilignes au-dessus. La traditionnelle distinction entre éléments majeurs et éléments mineurs apparaît dès lors que plus d’un motif orne le tympan de la baie, comme c’est le cas à la cathédrale Saint-Nazaire dès la construction du sanctuaire, ainsi qu’à l’église des Carmes.
33L’embellissement raffiné de l’édifice, voulu lorsque l’église paroissiale devient collégiale en 1318, atteint son apogée avec le décor du porche méridional. Toutes les surfaces sont magnifiées par une structure de remplages plaquée tant à l’extérieur, sur les piédroits du portail et sur le grand gable qui le couronne, qu’à l’intérieur du porche, sur les murs latéraux. L’arc d’entrée du porche est surmonté d’un gable ajouré orné d’un fleuron et de crochets feuillagés identiques à ceux du gable ornant le portail septentrional de Saint-Nazaire (fig. 14).
- 40 - SCHLICHT, Markus. La cathédrale de Rouen vers 1300 : un chantier majeur de la fin du Moyen Age : (...)
- 41 - Ibid., p. 132.
34Le centre de la composition présente un grand triangle curviligne posé sur la pointe au sein duquel se développe un trilobe aux pointes ornées de bouquets feuillagés et dont chaque lobe est lui-même redenté d’un trilobe. Dans les angles du gable, s’insèrent trois rayons en arc brisé. À l’intérieur, les divisions secondaires se composent de trois pétales qui s’apparentent à des soufflets d’écoinçon dans le sommet supérieur de la structure et qui ressemblent davantage à des mouchettes d’écoinçons – ici aveugles – dans les pointes inférieures. Ces trois éléments sont dominés au tympan par un oculus redenté d’un trilobe. Les écoinçons situés dans les pointes inférieures du gable sont aveugles. Ceux entre les pétales majeurs et le grand triangle curviligne sont décorés de trèfles très effilés. Ce type de construction est relativement rare dans la région, particulièrement au début du XIVe siècle où seule la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne et l’église Saint-Vincent en montrent un exemple (fig. 6 et 7). Cependant, le gable de la collégiale de Montréal s’en démarque par le choix des motifs qu’il accueille. S’il s’agit des mêmes types de décors avec des soufflets et des mouchettes d’écoinçons et une grande figure centrale à redents eux-mêmes redentés, le maître d’œuvre semble pourtant avoir voulu s’en éloigner en reproduisant une composition issue directement du nord de la France. À très peu de détails près, il s’agit quasiment de la réplique du gable ornant le portail des Échevins sur la façade occidentale de la collégiale de Mantes-la-Jolie (entre 1295 et 1305)40, et de celui du portail de la façade sud du transept de la cathédrale de Rouen (entre 1320 et 1340) (fig. 15)41.
Fig. 15

Rouen (Seine-Maritime), cathédrale Notre-Dame ; portail du bras sud du transept
C. Kollmann © Région Normandie – Inventaire général
35La seule différence tient aux motifs à l’intérieur du grand triangle curviligne qui sont des oculi quadrilobés en Normandie à la place d’un grand trilobe lui-même redenté de trilobes aux pointes feuillagées à Montréal, comme à Carcassonne.
36Cette volonté de se démarquer du gable de Saint-Nazaire ne concerne pas les remplages aveugles ornant les piédroits du portail de la collégiale de Montréal. Le soubassement se compose de trois lancettes en arc brisé redenté d’un trèfle. L’ensemble s’inscrit dans un encadrement rectangulaire surmonté d’une moulure prenant la forme d’un larmier. Le niveau supérieur a l’aspect d’un fenestrage aveugle avec des colonnettes latérales couronnées de petits chapiteaux feuillagés, réceptionnant un arc d’encadrement. À l’intérieur, deux meneaux renforcés par des colonnettes au profil identique à celui des colonnettes latérales, également couronnées de petits chapiteaux feuillagés, forment trois lancettes en arc brisé. Elles sont surmontées de trois triangles curvilignes, entre lesquels s’insèrent deux autres triangles courbes posés sur la pointe, et dominés au tympan par un dernier triangle identique en position couchée. Chaque triangle est redenté d’un trèfle de section plus fine que les profils principaux. Il s’agit de la réplique presque exacte des trois baies des chapelles latérales du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Nazaire, ainsi que des remplages aveugles leur faisant pendant sur la paroi occidentale du transept (fig. 16).
Fig. 16

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; fenêtre de la seconde chapelle latérale du transept
©Julie Vidal
37La seule différence tient à l’absence de lancettes majeures ou mineures. Cette composition, tout à fait originale, ne trouve pas d’écho ailleurs que dans le diocèse, suggérant qu’elle aurait peut-être été inventée par le maître d’œuvre de la cathédrale de Carcassonne. Si c’est bien le cas, le lien entre les deux édifices se confirme. Au-dessus de l’arc d’encadrement, se développe un gable aveugle à fleuron et crochets feuillagés. À l’intérieur de celui-ci, les remplages se composent d’un oculus quadrilobé avec les tiges des lobes décorés de bourgeons feuillagés, sous un trilobe. Des têtes de lancettes tréflées inscrites dans un arc brisé, s’apparentant à des mouchettes, ornent les trois écoinçons du gable. Ces petits gables aveugles, plus petits que celui surmontant le portail, sont beaucoup plus fidèles à celui du portail de la cathédrale avec un grand motif central identique et des écoinçons garnis seulement d’une mouchette ou d’un soufflet. Ils sont cependant plus évolués, comme pour le gable de Saint-Vincent de Carcassonne, puisqu’ils s’inscrivent dans des têtes de lancettes en arcs brisés évoquant ainsi les mouchettes de la rose du bras de transept sud de Saint-Nazaire (entre 1300 et 1321) (fig. 10). Comme il s’agit très possiblement de l’exemple de mouchette le plus précoce dans la région, ce gable ne serait pas antérieur à la construction de cette rose. Ces observations corroborent les dates du chantier estimées pour cette partie de l’édifice, entre 1318 et 1326.
38À l’intérieur du porche, le soubassement prolonge celui des piédroits du portail en reprenant les mêmes motifs. Au niveau supérieur, s’élèvent sept lancettes aveugles, sur toute la largeur du mur, séparées en trois groupes distincts : trois lancettes mineures sont regroupées de chaque côté dans une grande lancette majeure, tandis qu’une dernière, en arc très légèrement brisé et trilobé, est isolée au centre (fig. 17).
Fig. 17

Montréal (Aude), collégiale Saint-Vincent ; arcature aveugle plaquée sur le mur est à l’intérieur du porche méridional
©Julie Vidal
- 42 - LEMAITRE, Jean-Loup. « Les créations de collégiales en Languedoc par les papes et cardinaux avign (...)
- 43 - Ibid., p. 184.
- 44 - Ibid., p. 191.
39Elle est englobée dans une lancette majeure en arc brisé garnie d’un trilobe au tympan. À l’intérieur des deux grandes lancettes latérales majeures s’en élèvent d’autres : celles sur les côtés sont redentées d’un trèfle et englobées chacune dans un compartiment majeur comprenant un triangle courbe tréflé au tympan ; tandis que celle au centre n’en possède pas et est de ce fait plus basse que les deux latérales. Le tympan de cet ensemble est constitué d’un grand carré curviligne sur la pointe qui s’insère entre les lancettes latérales et repose sur l’arc brisé central. Le carré est divisé en quatre compartiments identiques, chacun redenté d’un quatre-feuilles aux formes étirées. Une grande rose de réseau s’insère entre les deux grandes lancettes et l’arc formeret de la voûte. Elle se compose d’un grand triangle isocèle, lui-même divisé en quatre triangles de même types, de dimensions identiques, comprenant chacun un trilobe. Trois oculi trilobés soutiennent ce triangle, tandis que les écoinçons sont garnis de trèfles étirés. Des oculi de mêmes dimensions s’insèrent dans les écoinçons de la rose. Il n’existe pas d’exemple de décor de remplage comparable dans les églises de cette période du sud de la France. Même s’ils rappellent les remplages aveugles plaqués sur les parois de la cathédrale Saint-Nazaire, les motifs de réseau ne s’inspirent ni de ces compositions, ni de modèles régionaux. Dans le Midi, les remplages plaqués sur les parois aveugles sont très rares. Seules les cathédrales les plus riches en sont dotées : dans les chapelles rayonnantes de celles de Toulouse, de Rodez et de Narbonne et sur la quasi-totalité des surfaces murales de celle de Carcassonne. À Montréal, leur présence recouvrant le vestibule et le portail d’entrée hausse ainsi le prestige de l’édifice au rang des plus ambitieuses constructions régionales. L’importance de cette église découle dans un premier temps de l’enrichissement considérable de la ville à la fin du XIIIe siècle, la plaçant en deuxième position dans le diocèse. Cependant, c’est à la suite de son établissement en tant que collégiale à partir de 1318 qu’il faut comprendre la présence d’éléments riches et modernes. Cette décision vient du pape, et c’est également lui qui accorde des financements conséquents l’année suivante pour l’embellissement des lieux. L’église de Montréal fait en effet partie des treize collégiales fondées sous l’impulsion de Jean XXII, dont neuf furent établies en 1318 selon un modèle à peu près standardisé concernant la collation des prébendes, la composition des membres ou les dotations attribuées42. Leur établissement révèle l’objectif politique de contrebalancer les chapitres cathédraux dans les diocèses, renforçant ainsi la présence du pape43. L’évêque, même s’il nomme certains dignitaires comme le trésorier, n’occupe pas le statut principal puisqu’il partage avec le doyen de la collégiale des charges telles que la nomination des chanoines ou l’établissement des prébendes, tandis que le pape nomme les premiers chanoines du chapitre44. Ainsi, ces édifices sont des constructions majeures magnifiant la présence du pape dans les diocèses. Elles sont moins monumentales et moins riches que les cathédrales, mais se démarquent néanmoins nettement des églises paroissiales destinées uniquement aux populations locales. L’importance de celle de Montréal se reflète à travers un traitement particulier des décors, et notamment des remplages qui illustrent parfaitement le raffinement de l’architecture rayonnante. Dans ce contexte, il est compréhensible que nombre d’éléments développés à la cathédrale de Carcassonne se retrouve ici. Le luxe de cette construction se ressent aussi à travers le détail de la mouluration puisque, comme à Saint-Nazaire, les remplages sont doublés de tores et les lancettes sont garnies de bases et de chapiteaux sculptés, contrairement à la grande majorité des églises du diocèse dont les profils de remplages sont simplement chanfreinés, très probablement pour limiter les coûts de production. Pourtant, beaucoup d’éléments nouveaux l’éloignent de la cathédrale carcassonnaise. Les autres églises érigées en collégiale par Jean XXII ont pour la plupart été reconstruites postérieurement, et celles qui conservent des éléments d’époque ne présentent pas de remplages aussi particuliers que ceux présents à Montréal, ce qui écarte probablement l’éventualité d’un architecte commun à toutes ces constructions ou la volonté du pape de créer une ligne esthétique généralisée pour ces églises. Elles présentent tout de même de très beaux remplages, tant sur les porches que dans les baies, comme à Castelnaudary ou à Saint-Félix-de-Lauragais dans le diocèse de Saint-Papoul.
40Il convient donc de replacer cette réalisation architecturale dans un contexte plus global en ce début de siècle, qui voit des constructions plus élaborées, avec des porches recouverts d’arcatures aveugles, de remplages et de sculptures, propres à l’art rayonnant, développé jusque-là plus particulièrement dans les cathédrales. Cela concerne cependant essentiellement les édifices construits dans des zones urbanisées et dynamiques qui bénéficient d’une croissance exceptionnelle jusqu’au milieu du XIVe siècle. Dans les campagnes et dans les bourgs plus petits, les moyens financiers ne sont pas aussi importants et ne permettent pas le développement de ces décors fastueux et évolués. Pourtant, beaucoup de paroissiales intègrent tout de même des baies à remplages s’inscrivant ainsi dans la lignée de l’art rayonnant.
L’expérience rayonnante plus modeste dans les zones rurales
41Depuis la construction de la cathédrale de Carcassonne, où l’art rayonnant est exprimé dans toute sa beauté, ce style se propage et s’adapte aux petites églises. Une transition s’observe entre les grandes compositions élaborées de Saint-Nazaire, les modèles variés des églises urbaines et les modestes fenêtres des petites églises rurales où le style curviligne géométrique parvient tout de même à s’exprimer. La plupart des édifices étudiés ont probablement été érigés à partir du XIVe siècle, même s’il est possible que certains soient légèrement antérieurs et remontent à la fin du XIIIe siècle. Une grande unité de style se dégage de l’ensemble de ces constructions avec des remplages similaires voire identiques, tous marqués par une grande simplicité qui peut s’apparenter à un manque d’originalité.
Les baies à deux lancettes sous un réseau garni de plusieurs motifs
- 45 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 183.
- 46 - MAHUL, op. cit. note 6, p. 150.
- 47 - MARTIN, Clément. Histoire de Montolieu. Toulouse, Eché, 1984, p. 174.
- 48 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 158.
42Les fenêtres à trois lancettes, majoritaires à la cathédrale de Carcassonne, sont écartées dans les paroisses du diocèse au profit de baies à deux lancettes en arc brisé redenté d’un trilobe ou d’un trèfle, sous un réseau généralement de faible dimension. Les deux lancettes créent une fenêtre assez étroite ce qui ne permet pas d’insérer beaucoup de motifs dans le réseau. Une lancette majeure vient ainsi doubler celle au niveau mineur sous un motif sommital, comme dans le chœur de la cathédrale Saint-Nazaire (fig. 2), mais aussi dans celui de l’église des Carmes, dans les chapelles latérales de l’église paroissiale Saint-Vincent à Carcassonne et dans celles de la collégiale de Montréal. Deux paroisses plus modestes adoptent ce schéma pour les baies de leur sanctuaire et de quelques chapelles : les églises Saint-Étienne de Palaja et Saint-André de Montolieu. Aucun texte ne fournit de date précise quant à la construction de la première. Une analyse stylistique de l’édifice tend vers une datation dans la première moitié du XIVe siècle, appuyée par la présence des armes de la famille Rochefort, hauts dignitaires du diocèse à cette période, sur une clé de voûte45. La seconde aurait été en partie érigée avant 1368, date de la consécration de l’autel par l’évêque de Carcassonne46. La nef était probablement achevée à cette date, tandis qu’un nouveau chœur, construit sur un chevet plus ancien, fut érigé à partir de 139347, et possiblement les chapelles latérales de la nef48. À Palaja, la fenêtre axiale de l’abside se compose de deux lancettes majeures en arc brisé sous un oculus. Leurs divisions secondaires comprennent une lancette mineure en arc brisé redenté d’un trèfle surmonté d’un triangle courbe tréflé au tympan, tandis que l’oculus au tympan de la baie comprend un quadrilobe. La modénature est simplement chanfreinée et la fenêtre s’inscrit dans un ébrasement simple. À Montolieu, les baies des deux chapelles flanquant la dernière travée de la nef présentent un réseau identique (fig. 18).
Fig. 18

Montolieu (Aude), église paroissiale Saint-André ; baie de la dernière chapelle bordant la nef, côté sud
©Julie Vidal
43Les deux fenêtres des pans latéraux de l’abside ont la même composition à l’exception de l’oculus redenté d’un trilobe et non d’un quadrilobe. La modénature de l’ensemble des baies des deux édifices est simplement chanfreinée, avec les contours généraux des remplages plus saillants que les divisions secondaires. Une fenêtre au réseau un peu plus élaboré apparaît dans le pan axial du sanctuaire. Elle comprend deux lancettes majeures en arc brisé, entre lesquelles s’insère un oculus. Les divisions secondaires de celles-ci se composent d’une lancette mineure en arc brisé redenté d’un trilobe, surmonté d’un triangle courbe tréflé et d’un petit trèfle libre au tympan. L’oculus est redenté d’un trilobe. De petits trèfles effilés s’insèrent dans les écoinçons entre la lancette mineure et le triangle incurvé. Il s’agit quasiment de la réplique du réseau des lancettes majeures de la baie au nord de la première travée de la chapelle de Pierre de Rochefort de la cathédrale de Carcassonne (entre 1300 et 1321) (fig. 4). À Montolieu, les seules différences tiennent à la forme des lancettes mineures qui sont en arc brisé, à l’absence d’un trèfle dans l’écoinçon entre l’oculus et les lancettes majeures et à la préférence pour un oculus trilobé plutôt que quadrilobé en tant que motif sommital. Malgré ces détails, il paraît évident que le maître d’œuvre de Montolieu s’est inspiré des remplages de la cathédrale, dans une composition diminuée puisque la taille de la baie ne permettait pas d’introduire un réseau aussi monumental qu’à Carcassonne.
44La formule rayonnante de deux lancettes majeures sous un motif sommital introduite dans le chœur de la cathédrale de Carcassonne à la fin du XIIIe siècle semble avoir eu un certain succès dans le diocèse, même pour de modestes paroissiales. Pourtant, à l’inverse de la cathédrale où l’effet « cage de verre » atteint son paroxysme avec une disparition presque totale des murs, dans les autres églises du diocèse, les étroites baies à deux lancettes ne s’étendent pas sur toute la largeur du pan, restant plus fidèles au parti méridional traditionnel. Si la datation de l’église de Palaja dans la première moitié du XIVe siècle, proposée par Adeline Béa, implique de façon convaincante une construction quelques décennies après les fenêtres du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire, il est en revanche étonnant que le chœur et les chapelles latérales de Montolieu soient estimées presque un siècle plus tard. Le fait qu’elles soient quasiment identiques à celles de Palaja, et cela jusque dans la mouluration simplement chanfreinée, pousse à se demander s’il ne s’agirait pas plutôt d’un remploi de l’ancien chœur dans le nouveau, puisqu’à la fin du XIVe siècle le style architectural avait grandement évolué, et les fenêtres adoptaient des remplages dits flamboyant avec des motifs courbes et sinueux. Cela aurait permis de limiter les coûts de construction du nouveau chœur tout en utilisant des éléments qui s’adaptaient harmonieusement au reste de l’édifice, antérieur de quelques décennies seulement.
Les baies à deux lancettes sous un motif unique
45Il s’agit de la formule la plus répandue : le motif sommital est encadré d’un oculus, d’un carré sur la pointe ou d’un triangle courbe, comme on en trouve dans presque toutes les compositions de remplages rayonnants depuis la seconde moitié du XIIIe siècle en Île-de-France et dans les régions où ce style s’exporte.
- 49 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 220.
46Le choix d’inclure un oculus au tympan de la baie, redenté d’un quadrilobe ou plus rarement d’un trilobe, est un schéma courant à l’échelle du royaume. Cela s’observait déjà dans des édifices monumentaux comme sur la fenêtre du deuxième niveau d’élévation du clocher de l’église Saint-Vincent à Carcassonne (entre 1308 et 1327) et sur les fenêtres de la deuxième et de la quatrième chapelle au sud de la nef dans l’église des Carmes à Carcassonne. Ce dessin est aussi adopté dans la baie axiale de l’abside de Saint-Martin de Rustiques probablement reconstruite dans la première moitié du XIVe siècle (fig. 19)49.
- 50 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 38.
- 51 - DURLIAT. Op. cit. note 10, p. 551.
- 52 - ROBIN, op. cit. note 17, 1999, p. 296, 345, 351 et 358.
- 53 - COURTILLE, Anne. Auvergne, Bourbonnais, Velay gothiques, les édifices religieux. Paris, Picard, 2 (...)
- 54 - OCCITANIE. D.R.A.C. Occitanie, terres de cathédrales. Montpellier, 2017, Laurent Barrenechea (dir (...)
- 55 - GARDELLES, Jacques. Aquitaine gothique. Paris, Picard, 1992, p. 105.
47Le motif intérieur varie. Le plus souvent, il s’agit d’un quadrilobe posé sur un lobe, ou d’un trilobe couché. Ce modèle de baie, composé de deux lancettes sous un oculus, constitue la composition primitive des premières fenêtres à réseau en délit élaborée dans le nord de la France au début du XIIIe siècle. Elle est le fruit de l’évolution de la fenêtre composée appareillée apparue à la fin du XIIe siècle, qui résulte de l’assemblage de deux lancettes en arc brisé séparées par un trumeau, sous un oculus50. Ce premier type de composition de remplage reste dominant jusqu’au milieu du XIIIe siècle environ où l’apparition des formes curvilignes diversifie les schémas. Dans le diocèse de Carcassonne, ce premier modèle était déjà visible à la cathédrale Saint-Nazaire, dans la chapelle de Guillaume Radulphe (entre 1263 et 1266), même si le quadrilobe était en position couchée et que l’oculus avait une dimension très réduite par rapport à l’élancement des lancettes51. Les baies des édifices paroissiaux précités présentent à cet égard une composition plus équilibrée, où l’oculus prend davantage d’ampleur même s’il ne peut s’étendre trop au risque de créer des écoinçons de dimensions trop importantes. Cette formule devient ensuite assez courante et s’observe aussi dans de nombreuses églises paroissiales de la première moitié du XIVe siècle construites dans les diocèses voisins. Dans l’Hérault par exemple, elle apparaît à l’église Saint-Hippolyte de Fontès, à Saint-Pargoire, Saint-Thibéry, Puissalicon ou encore Tourbes52. Elle est aussi appréciée dans des édifices plus importants comme dans le chœur de la cathédrale de Clermont-Ferrand (milieu du XIIIe siècle)53, dans celui de la cathédrale de Montpellier (deuxième moitié du XIVe siècle)54, ou plus loin, dans les Pyrénées-Atlantiques, à Oloron (XIVe siècle)55. Dans le nord de la France, elle est bien plus courante que dans les régions méridionales, d’abord parce que beaucoup d’édifices ont été construits à une période où l’assortiment de plusieurs lancettes sous un oculus était presque la seule formule existante, mais aussi car les architectes sont longtemps restés fidèles à cette composition classique. Il semblerait donc que ce schéma, le plus ancien connu, ait eu une postérité relativement importante puisqu’il reste en vigueur tout au long de la période rayonnante jusque dans la seconde moitié du XIVe siècle, partout en France, même s’il est particulièrement apprécié dans le bassin parisien et dans les régions périphériques. Mais si cette composition trouve moins d’écho dans les églises languedociennes, c’est peut-être en partie parce que le triangle curviligne est souvent largement préféré à l’oculus en tant qu’ornementation sommitale.
- 56 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 18 et 207.
- 57 - MARTIN, Élisabeth. L’église de Conques-sur-Orbiel et ses abords. Montpellier, C.R.M.H Languedoc-R (...)
- 58 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 79.
48L’association de deux lancettes trilobées ou tréflées surmontées d’un triangle curviligne redenté d’un trilobe ou d’un trèfle constitue en effet la formule la plus courante dans les églises paroissiales du diocèse. Il s’agit d’un agencement simple mettant à l’honneur le motif le plus populaire à la cathédrale Saint-Nazaire. Ce schéma s’observe souvent dans la baie du pan axial de l’abside, soulignant son importance. C’est le cas des églises d’Arzens et de Pezens, toutes deux probablement édifiées dans la première moitié du XIVe siècle56. Parfois, toutes les fenêtres de l’abside sont décorées de cette composition, comme à l’église paroissiale Saint-Michel de Conques-sur-Orbiel du XIVe siècle et à celle de Saint-Étienne de Trèbes, reconstruite entre la fin du XIIIe siècle et 1315, où les cinq pans ont été ajourés par ce type de baies (fig. 20)57 ; et à l’église Saint-Etienne-et-Saint-Sébastien de Caux-et-Sauzens – érigée probablement entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle – où un grand trèfle encadré d’un triangle curviligne orne le tympan des trois baies du chœur58.
Fig. 20

Conques-sur-Orbiel (Aude), église paroissiale Saint-Michel ; fenêtres du chevet
©Julie Vidal
- 59 - LAUTIER, op. cit. note 3, t. 1, p. 255.
- 60 - BINDING, op. cit. note 3, p. 25; LAUTIER. Op. cit., p. 281-282.
49Plus rarement, seule une baie dans un pan latéral de l’abside peut présenter cette composition, comme au sud du chœur de l’église Saint-Pierre de Leuc. Cette formule vient aussi souvent décorer les baies qui éclairent les chapelles. C’est le cas de la chapelle latérale au sud de la sixième travée de la nef de l’église Saint-André de Montolieu ; de celles bordant la cinquième travée de la nef ainsi que celle au sud de la sixième travée de l’église paroissiale Saint-Étienne de Trèbes ; et dans la chapelle latérale au sud de la sixième travée de la nef de l’église des Carmes de Carcassonne. Le triangle courbe a probablement été développé par le maître d’œuvre Pierre de Montreuil qui l’introduit pour la première fois sur la façade sud du transept de la cathédrale Notre-Dame de Paris entre 1258 et 126759. Avec l’Île-de-France et la Normandie, c’est sans doute dans le sud de la France que ce motif a connu l’essor le plus important60. Cela se manifeste dès le dernier quart du XIIIe siècle dans les grandes cathédrales puis, très rapidement, dans la plupart des églises paroissiales. Dans le diocèse de Carcassonne, chaque fenêtre gothique de la cathédrale est garnie de ces triangles, ce qui encourage son utilisation dans les églises plus modestes, qui réduisent les dessins des remplages à l’essentiel en choisissant, le plus souvent, d’y insérer le motif le plus courant. Parfois, une différence notoire de la taille du triangle génère un rendu visuel assez différent. En effet, pour les églises de Caux-et-Sauzens et de Pezens (fig. 21), le triangle curviligne se développe sur toute la surface du réseau jusqu’à se fondre avec l’arc d’encadrement de la baie, et le trèfle inscrit atteint alors une taille considérable.
- 61 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 188.
- 62 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 300.
- 63 - BIDEAULT, Maryse ; LAUTIER, Claudine. Île-de-France Gothique 1, Les églises de la vallée de l’Ois (...)
- 64 - Ibid., p. 322.
- 65 - VERMAND, Dominique. « Qui était l’architecte de Saint-Martin-aux-Bois ? ». Dans L’art gothique da (...)
50Les comparaisons sont plus rares pour ce type de remplage et seuls quelques exemples contemporains peuvent être cités dans le sud de la France, comme les baies du chœur de l’église paroissiale de Pépieux dans le diocèse de Narbonne (première moitié du XIVe siècle)61. Cette formule rappelle un schéma plus ancien adopté dans quelques églises de la vallée de l’Oise, dans le nord de la France, au milieu du XIIIe siècle – lorsque les motifs encadrés n’étaient pas encore développés – avec des baies comprenant trois lancettes surmontées d’un grand trilobe libre avec les lobes inférieurs s’insérant entre les lancettes62. Le mur oriental de l’église de Cambronne-lès-Clermont (vers 1239) en est un exemple notable63, ou encore certaines chapelles rayonnantes de l’église priorale de Saint-Leu-d’Esserent (vers 1270)64, et le chevet de l’abbatiale de Saint-Martin-aux-Bois (entre 1255 et 1265)65. La composition de deux lancettes sous un triangle courbe semble être largement préférée par les constructeurs languedociens puisque la plupart des églises du diocèse de Carcassonne présentent ce modèle, tout comme les diocèses voisins.
- 66 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 299.
- 67 - Ibid., p. 202.
- 68 - Ibid., p. 325.
- 69 - BAYLE, Maylis. « Coutances : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moyen Age. (...)
- 70 - OLDE-CHOUKAIR, op. cit. note 24, p. 173.
- 71 - BAYLE, Maylis. « Bayeux : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moyen Age. T. (...)
- 72 - BONNET, Philippe. Bretagne gothique : l’architecture religieuse. Paris, Picard, 2010, p. 254.
- 73 - GARDELLES, op. cit. note 55, p. 28.
51Une autre formule, moins courante dans le diocèse de Carcassonne, apparaît dans trois églises : un carré sur la pointe redenté d’un quadrilobe ou d’un quatre-feuilles s’insérant entre deux lancettes tréflées ou redentées d’un trilobe. L’église paroissiale Saint-Cyr-et-Sainte-Juliette de Greffeil, probablement reconstruite au XIVe siècle, en présente un exemple sur la face sud de son sanctuaire. À l’église des Carmes de Carcassonne, ce modèle se développe dans la troisième chapelle latérale au sud de la nef, tandis que le motif du carré incurvé au tympan de la baie apparaît aussi dans les fenêtres de l’abside avec une composition plus élaborée au niveau inférieur comme cela a déjà été étudié (fig. 5). À la collégiale de Montréal, ce type de composition s’inscrit dans les trois baies des pans centraux du chœur de l’église. Elles datent probablement de la première reconstruction de l’église qui eut lieu entre 1273 et 1318, lorsque celle-ci n’était encore qu’une paroissiale, puisque les textes expliquent que le chœur était déjà aménagé avant l’agrandissement et l’embellissement de l’église à partir de 1319. On peut supposer que les baies présentaient déjà ce schéma puisqu’elles n’ont ensuite été réduites que dans leurs parties basses. Le carré incurvé apparaît aussi au tympan des fenêtres dans les chapelles latérales de la nef et celles du pan droit du chœur. À la cathédrale de Carcassonne, ce motif se développe uniquement au tympan des pétales de la rose du bras sud du transept, construite entre 1300 et 1320 (fig. 10). Il est possible que les modèles apparus dans les trois édifices précités soient contemporains de cette rose et s’en inspirent, cependant, il est probable qu’ils relèvent d’une influence autre que celle de la cathédrale Saint-Nazaire puisque ce type apparaît dans plusieurs églises des diocèses voisins, dans des baies très semblables. C’est le cas par exemple de la baie axiale du chœur de la paroissiale Saint-Félix de Portiragnes dans le diocèse de Béziers (première moitié du XIVe siècle)66 ; mais aussi de l’église paroissiale Saint-Paul de Périac-sur-Mer dans le diocèse de Narbonne (milieu du XIVe siècle)67 ; ou encore des fenêtres du chœur de l’église Saint-Jean-Baptiste de Vias dans le diocèse d’Agde (fin du XIVe siècle)68. Le carré incurvé posé sur la pointe fait partie des motifs curvilignes les plus courants du style rayonnant de la deuxième génération. Il ne naît pourtant pas, comme son homologue le triangle courbe, en Île-de-France, mais peut-être d’abord en Basse-Normandie, comme cela s’observe au sein du réseau des chapelles sud de la nef dans la cathédrale de Coutances (vers 1270)69, à la fin du XIIIe siècle, dans les réseaux des claires-voies des parties droites du chœur et dans le bras sud de la cathédrale de Sées70, et sur la façade occidentale de la cathédrale de Bayeux71. Les quadrilobes et les quatre-feuilles se prêtent bien à un encadrement circulaire ce qui explique peut-être le développement plus tardif, par rapport au triangle, du carré curviligne en tant que cadre. Il est particulièrement mis à l’honneur dans l’architecture gothique bretonne (cathédrale Saint-Samson de Dol, chapelle Saint-Jacques de Merléac)72. Il se propage dans tout le royaume au cours du XIVe siècle avec plus d’insistance dans certaines régions comme en Anjou et en Aquitaine (cathédrales de Bayonne et de Bordeaux, collégiale d’Uzeste)73. Ce motif se développe donc assez tardivement, vers 1270, dans un premier temps dans des compositions très élaborées pour les grandes fenêtres des cathédrales normandes et bretonnes, puis il s’adapte aux réseaux plus modestes des baies des églises du sud de la France.
- 74 - MAHUL, op. cit. note 6, p. 150.
52Une dernière variation de la fenêtre à deux lancettes sous un motif unique, même si elle est minoritaire dans le diocèse, se caractérise par la présence d’un motif libre au tympan de la baie. Une seule église affiche cette particularité : il s’agit des deux fenêtres éclairant les chapelles latérales des cinquième et sixième travée de la nef, côté nord, de la paroissiale Saint-André de Montolieu, construite très probablement avant 136874. Elles se composent de deux lancettes en arc brisé redenté d’un trèfle entre lesquelles s’insère un quatre-feuilles (fig. 22).
Fig. 22

Montolieu (Aude), église paroissiale Saint-André ; fenêtre de la chapelle au nord de la cinquième travée de la nef
© Julie Vidal
- 75 - Occitanie, terre de cathédrales, op.cit., p. 40.
- 76 - ROBIN, op. cit. note 17, p. 278-279.
- 77 - DAVIS, Michael. « On the treshold of the Flamboyant: The second campaign of construction of Saint (...)
- 78 - VERMAND, op. cit. note 65, p. 35.
- 79 - ANDRAULT-SCHMITT, Claude. La cathédrale de Tours. La Crèche, Geste éditions, 2010, p. 201.
- 80 - BINDING, op. cit. note 3, p. 25.
53Dans le diocèse, le seul autre exemple de motif libre apparaît à la cathédrale de Carcassonne, dans les remplages aveugles plaqués au mur de la chapelle de Pierre de Rodier, très probablement construite sous son épiscopat entre 1323 et 1330, où sept trilobes rayonnent autour d’un noyau central dans la rose de réseau. Les motifs libérés d’un encadrement curviligne sont assez rares dans le sud de la France. Parmi le peu d’exemples existant aux alentours du diocèse de Carcassonne, il est possible de citer la cathédrale d’Albi dans le Tarn (entre 1282 et 1335)75 ; ou les fenêtres du chœur de la collégiale de Clermont-l’Hérault (entre 1275-1276 et 1313)76. Les remplages de la première génération étaient soit garnis de motifs libres, soit d’oculi redentés de trilobes ou de quadrilobes. Un tournant s’opère en 1258 lorsque Pierre de Montreuil introduit le triangle curviligne sur la façade sud du transept de Notre-Dame de Paris ; les motifs encadrés se propagent alors dans la plupart des régions rattachées à la couronne. Certaines provinces refusent cependant ce changement de style et restent fidèles aux formes libres assez tardivement. C’est le cas notamment des régions du Centre de la France, mais aussi de la Bourgogne et de la Champagne comme en attestent par exemple les remplages de la collégiale Saint-Urbain de Troyes dans l’Aube (première campagne de travaux entre 1263 et 1266)77 ; plus au nord pour ceux du chœur de l’abbaye de Saint-Martin-aux-Bois dans l’Oise (entre 1255 et 1265)78, dans le clair-étage des parties tournantes du chœur de la cathédrale de Tours (entre 1248 et 1266)79 et plus au sud à Clermont-Ferrand. Pour toutes ces régions il faut généralement attendre le XIVe siècle pour voir les encadrements sphériques se développer80. Mais la première génération de remplages n’a pas eu le temps d’imprégner le Languedoc puisqu’au moment de l’implantation du gothique rayonnant, aux alentours du troisième quart du XIIIe siècle, les remplages comprenant des motifs curvilignes sont déjà majoritaires dans le nord, particulièrement en Île-de-France et en Normandie, zones géographiques dont les architectes du sud de la France semblent s’inspirer le plus souvent. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’avoir aussi peu d’exemples de remplages aux polylobes ou aux folioles libres dans le diocèse de Carcassonne, même si des modèles apparaissent de manière éparse, permettant ainsi de varier les représentations.
54L’étude des baies à deux lancettes sous une figure unique révèle une prédilection évidente de la part des constructeurs et des commanditaires pour ce modèle. Elles ont toutes été construites entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XIVe siècle et sont ainsi contemporaines des majestueuses fenêtres de la cathédrale Saint-Nazaire. La simplicité de ces compositions ne peut donc pas, en toute logique, résulter d’un manque de connaissance de créations plus élaborées, mais d’un choix délibéré. Certes, ces paroisses rurales n’étaient pas riches comme le siège de l’évêque et ne pouvaient donc pas se permettre de construire des édifices fastueux, ce qui suffit à expliquer la sobriété des remplages adoptés. L’étude de ces baies révèle que ce phénomène est généralisé sur le territoire du Royaume. Malgré des préférences régionales, les triangles, les carrés et les oculi entourant des polylobes et les motifs libres sont des figures assez classiques et simples à réaliser, s’adaptant à des édifices relativement sobres, d’où leur présence quasi systématique dans les églises de la période rayonnante, comme c’est d’ailleurs le cas, plus tard, des mouchettes et des soufflets dans les constructions de la période flamboyante. Pourtant, ces fenêtres à deux lancettes ne constituent pas les seules ouvertures dans le diocèse et des configurations encore plus simples, rappelant les premières baies gothiques, continuent d’être construites tout au long des XIIIe et XIVe siècles.
Les baies à lancette unique
- 81 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 28.
55Les fenêtres gothiques de la première moitié du XIIIe siècle dans la région ne comprenaient pas encore de remplages mais étaient de simples lancettes relativement étroites et en arc brisé. Or, l’apparition de la fenêtre en délit et l’épanouissement des remplages rayonnants à la cathédrale de Carcassonne et, dans une moindre mesure, dans les autres églises du diocèse, n’a pas empêché que ces ouvertures classiques ne perdurent tout au long des XIIIe et XIVe siècles. De nombreuses églises paroissiales reconstruites à partir de la fin du XIIIe siècle présentent des ouvertures de ce type. C’est le cas de Sainte-Eulalie de Badens, dont la reconstruction est estimée au dernier quart du XIIIe siècle, avec de simples lancettes en arc brisé qui éclairent la nef81, de la baie de la chapelle face à la quatrième travée de la nef à Saint-André de Montolieu avant 1368, des deux baies dans les pans latéraux de l’abside de Saint-Étienne de Palaja, des deux baies qui encadrent aussi le pan axial de Saint-Martin de Rustiques (fig. 19), de quatre fenêtres dans la nef de Saint-Etienne de Trèbes, et à Saint-Michel de Conques-sur-Orbiel. Toutes ces fenêtres sont de dimensions variables mais ont pour caractéristique commune d’être relativement étroites et de ne pas avoir été ouvertes dans toute la largeur du mur.
56Parfois, les architectes égayent quelque peu ces simples ouvertures en ajoutant un redent tréflé ou trilobé dans l’arc brisé de la fenêtre. Ce type de lancette se développe dans le bassin parisien, peut-être en premier lieu dans les fenêtres hautes de la cathédrale d’Amiens ou dans celles de la Sainte-Chapelle avant d’être employées systématiquement dans les lancettes. C’est donc d’abord au sein des fenêtres en délits que ces lancettes se développent, mais elles sont rapidement adaptées en tant que lancettes uniques dans les églises paroissiales de l’ensemble du territoire du royaume. Dans le diocèse de Carcassonne, presque toutes les églises en présentent des exemples à des emplacements très divers. Parfois, elles sont percées dans l’abside de part et d’autre d’une fenêtre à remplage dans le pan axial. C’est le cas de l’église paroissiale Saint-Génès d’Arzens, probablement reconstruite après 1310, et de celle de Saint-Jean-Baptiste de Pezens à la même période (fig. 21). Elles apparaissent aussi dans la nef, au clair-étage comme dans l’église des Carmes de Carcassonne, ou simplement au premier niveau d’élévation comme à l’église paroissiale de Leuc. Elles peuvent aussi ajourer les chapelles des églises comme c’est le cas d’une chapelle latérale de la nef de l’église de Trèbes ainsi qu’à Montolieu. Plus rarement, elles peuvent être mises à l’honneur dans le chœur et constituer l’unique modèle d’ouverture dans les pans de l’abside, comme dans la modeste paroissiale Sainte-Eulalie de Badens avec ses trois lancettes trilobées (fig. 23).
- 82 - Ibid., p. 95.
57Ce cas de figure n’est pas rare et apparaît dans les églises paroissiales d’autres régions, par exemple dans celle de Fanjeaux, proche de Toulouse, construite à partir de 127682.
- 83 - Sur l’importance du chœur dans l’orientation du regard : RECHT, Roland. Le croire et le voir, l’a (...)
58Les fenêtres à lancette unique, qu’elles soient trilobées ou non, semblent être construites à peu près partout, durant tout le développement de l’architecture gothique. Elles reflètent les faibles moyens des paroisses en milieu rural. Elles accompagnent souvent des fenêtres de plus grande envergure, dans la nef ou plus généralement dans le chœur. Le pan axial de l’abside est l’emplacement le plus important du lieu de culte puisque les premiers rayons du soleil le traversent pour éclairer l’autel, mais aussi parce qu’il s’agit du point culminant vers lequel le regard est soutenu pendant la messe83. C’est pourquoi une attention particulière est généralement accordée à la baie qui s’y trouve : elle possède souvent des remplages et s’insère dans des espaces assez larges par rapport aux baies latérales qui sont fréquemment à lancettes uniques. Cette association apparaît dans deux églises du diocèse de Carcassonne, mais aussi dans les diocèses aux alentours, par exemple à Saint-Laurent de Routier dans le diocèse de Narbonne, à Saint-Félix de Portiragnes et à Saint-Adrien d’Adissan dans le diocèse de Béziers ; ou encore à Saint-André d’Alet dans le diocèse d’Alet.
59Toutes ces baies présentent une modénature simplement chanfreinée à l’inverse de la cathédrale de Carcassonne où chaque élément de remplage était mouluré de tores et les lancettes étaient garnies de petits chapiteaux et de bases. Dans les paroisses rurales, les architectes préfèrent une mouluration plus sobre, moins coûteuse et moins difficile à élaborer, comme c’était le cas des premières fenêtres à remplages du diocèse, dans la chapelle de l’évêque Guillaume Radulphe, à la cathédrale Saint-Nazaire. Dans la plupart des églises étudiées ici, se retrouve l’ensemble des remplages décrits précédemment : des baies à deux lancettes sous un motif qui varie souvent d’un espace à l’autre (chapelles, abside, fenêtres hautes), des lancettes trilobées et des lancettes simples. Ainsi, même s’il y a peu d’originalité dans le choix des compositions, les fenêtres se distinguent les unes des autres selon l’emplacement qu’elles occupent.
Conclusion
60L’étude des remplages rayonnants dans le diocèse de Carcassonne révèle une certaine disparité selon les édifices. La somptuosité des fenêtres élaborées à la cathédrale n’est pas égalée dans le reste du diocèse puisque la grande majorité des églises ne sont que de modestes églises paroissiales rurales, édifiées pour les besoins de la population locale, ne bénéficiant pas de revenus importants. Globalement, on assiste tout de même à une diffusion des innovations structurelles, techniques et formelles de la cathédrale de Carcassonne dans les autres édifices de la région de moindre envergure : les motifs de remplages sont repris de manière simplifiée. Les édifices les plus riches, comme la collégiale de Montréal ou la paroissiale Saint-Vincent, arborent des compositions plus élaborées et des ornements plus exubérants comme les gables, les roses ou les décors plaqués. Si les constructeurs se détachent de l’influence de la cathédrale pour certains modèles de remplage, la marque de Saint-Nazaire se retrouve toujours, adaptée aux pratiques locales privilégiant des baies se découpant dans un mur bien présent.
- 84 - DURLIAT, Marcel. « L’église paroissiale de Lagrasse ». Congrès archéologique de France 131e sessi (...)
61Le statut de chaque église, dont découle son importance physique mais aussi sociale et politique, influe sur la production des remplages. La collégiale de Montréal, construite dans la seconde ville la plus riche du diocèse, présente ainsi des modèles raffinés, luxueux et rares. L’église Saint-Vincent de Carcassonne fait aussi exception à la modestie habituelle des églises du diocèse, certainement en raison de sa situation géographique au sein du bourg de Carcassonne qui devait bénéficier d’importants revenus. La cité a ainsi pu faire construire des édifices audacieux où la sculpture et les décors étaient plus perfectionnés. C’est aussi le cas de l’église des Carmes, même si ses remplages sont moins élaborés qu’à Saint-Vincent. Ce clivage entre bourg ruraux et villes continue à s’opérer lors de la dernière phase de l’architecture gothique dite flamboyante. La ville de Lagrasse, par exemple, est en partie épargnée par les aléas du milieu du XIVe siècle et continue à prospérer économiquement dans la seconde moitié du siècle. Dès 1359 elle se dote d’une nouvelle église avec de grandes baies comprenant des motifs de réseaux éminemment modernes pour l’époque, reflétant la richesse et l’importance de ses commanditaires - les corporations de la ville84. Il ne s’agit donc pas d’un simple élément de décor sans enjeux esthétique mais bien d’un instrument artistique magnifiant le prestige d’un édifice et de son commanditaire.
62Le diocèse de Carcassonne reflète à une petite échelle le phénomène qui a eu lieu partout en France lors de la propagation de l’architecture gothique rayonnante, particulièrement à partir du troisième quart du XIIIe siècle. C’est d’abord dans les grandes cathédrales que ce style se diffuse avant d’intégrer les monuments ruraux plus modestes. Elles constituent des lieux d’expression artistique majeurs pour le développement des remplages et donnent le ton aux préférences locales. Ainsi, d’une région à l’autre, même si les préceptes de l’architecture rayonnante se retrouvent partout, des dessins de remplages particuliers apparaissent en fonction des affinités locales et des modèles le plus souvent véhiculés par les cathédrales.
Notes
1 - Article en partie issu du mémoire de master 2 soutenu à l’université Paul-Valéry en 2018, sous la direction de Géraldine Victoir : Les remplages dans les édifices religieux du diocèse de Carcassonne (XIIIe-XVIe siècles).
2 - La fenêtre composée est constituée d’un groupement d’ouvertures, le plus souvent de deux lancettes séparées par un trumeau sous un oculus, en une composition unifiée sous l’arc formeret, où chaque élément ne peut être visuellement appréhendé sans les autres.
3 - BINDING, Günther. Masswerk. Darmstadt, Wissenchaftlishe Buchgesellschaft, 1989 ; LAUTIER, Claudine. La fenêtre dans l’architecture religieuse d’Ile-de-France au XIIIe siècle (de Saint-Leu-d’Esserent à la cathédrale de Beauvais). Thèse de nouveau doctorat, sous la direction d’Anne Prache, Université de Paris IV-Sorbonne, 1995. 2 t.
4 - PAUL, Vivian, WARDEN, Robert. « La géométrie des fenêtres hautes de la cathédrale de Narbonne ». Dans Les vitraux de Narbonne. L’essor du vitrail gothique dans le sud de l’Europe. Acte du 2e colloque d’histoire de l’art méridional au Moyen Age (1992 ; Narbonne). Narbonne, Ville de Narbonne, 1992, p. 49-52 ; PRACHE, Anne. « Remarque sur les roses du transept de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne ». Dans De la création à la restauration, Travaux offerts à Marcel Durliat pour son 75 anniversaire. Toulouse, Atelier d’histoire de l’art méridional, 1992, p. 389-398.
5 - WOLFF, Philippe. Histoire du Languedoc. Toulouse, Privat, 1990 (cop. 1967), p. 205-215.
6 - MAHUL, Alphonse. Cartulaire et archives des communes de l’ancien diocèse et de l’arrondissement administratif de Carcassonne. Paris, V. Didron/Dumoulin, 1882, t. VI, p. 444.
7 - BÉA, Adeline. L’art gothique en Bas-Languedoc, L’affirmation d’une architecture régionale (XIIIe-XIVe siècles). Thèse d’histoire de l’art nouveau régime, sous la direction de Michèle Pradalier-Schlumberger. Université de Toulouse Le Mirail, 2001, vol. catalogue, p. 36.
8 - Dans un réseau, les lancettes majeures dominent la composition et reçoivent une ou plusieurs autres lancettes mineures à l’intérieur de leur structure.
9 - Un trilobe désigne un motif à trois lobes aux formes arrondies, saillantes et symétriques. Il doit être distingué du trèfle qui possède trois folioles effilées et en pointe, non nécessairement symétriques. Cette distinction s’applique également pour les quadrilobes avec les quatre-feuilles et les quintelobes avec les quinte-feuilles.
10 - DURLIAT, Marcel. « L’ancienne cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne ». Pays de l’Aude, Congrès archéologique de France 131e session. 1973, p. 568.
11 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 51.
12 - SANDRON, Dany. La cathédrale d’Amiens. Paris, Zodiaque, 2004, p. 54.
13 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 286 et 291.
14 - MURRAY, Stephen. « Le chœur gothique ». Dans La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais : architecture, mobilier et trésor. Amiens, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2000, p. 17.
15 - L’arc en anse de panier est un arc surbaissé en demi-ovale.
16 - DURLIAT, 1973. Op. cit. note 10, p. 568.
17 - ROBIN, Françoise. Midi gothique, De Béziers à Avignon. Paris, Picard, 1999, p. 268 ; PRADALIER-SCHLUMBERGER, Michèle. « La cathédrale Saint-Nazaire de Béziers au XIIIe siècle : Reconstruction et sources d’inspirations ». Dans Autour des maîtres d'œuvre de la cathédrale de Narbonne, Les grandes églises du Midi, Sources d'inspirations et constructions. Actes du 3e colloque d’histoire de l’art méridional au Moyen-Âge (12 ; 1992 ; Narbonne). Narbonne, Ville de Narbonne, 1994, p. 63.
18 - DEVIC, Claude, VAISSETTE, Joseph. Histoire générale de Languedoc. Toulouse, Privat, 1872-1904, t. IV, p. 746.
19 - DURLIAT, Marcel. « Saint-Vincent de Carcassonne ». Pays de l’Aude, Congrès archéologique de France 131e session. 1973, p. 595 ; BEA, op. cit., vol. catalogue, p. 62, dont l’analyse stylistique confirme ces dates.
20 - Ibid., p. 62.
21 - La dernière campagne de restauration de cette façade a eu lieu en 2000, sous la direction de la Crmh. Languedoc-Roussillon. À cette occasion les remplages du portail et de la rose ont été remplacés par de nouvelles pierre de grès : Crmh, Drac L.-R., Dossier de restauration de la travée de la tribune et de la façade occidentale de l’église Saint-Vincent de Carcassonne, Aude, décembre 2000.
22 - KIMPEL, Dieter ; SUCKALE, Robert. L’architecture gothique en France. 1130-1270. Paris, Flammarion, 1990, p. 400.
23 - LECOMTE, Laurent. « La « Sainte-Chapelle » de Saint-Germer-de-Fly: un chef-d’œuvre du gothique rayonnant ». GEMOB, 80-81, 1997, p. 32.
24 - OLDE-CHOUKAIR, Christiane. « Sées : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moyen Age. T. 2, Les étapes de la création. Caen, Presses universitaires de Caen, 2001, p. 183.
25 - DURLIAT. Op. cit. note 10, p. 568.
26 - SANDRON, op. cit. note 12, p. 33-34 ; COWEN, Painton. The rose window: splendour and symbol. London, Thames and Hudson, 2005, p. 126.
27 - THIEBAUT, Jacques. Nord gothique, Picardie, Artois, Flandre, Hainaut. Les édifices religieux. Paris, Picard, 2006, p. 399.
28 - BOTTINEAU-FUCHS, Yves. Haute-Normandie gothique, architecture religieuse. Paris, Picard, 2001, p. 325.
29 - BINDING, op. cit. note 3, p. 89.
30 - ROBIN, op. cit. note 17, p. 53.
31 - BINDING, op. cit. note 3, p. 301.
32 - PLAGNIEUX, Philippe. « La date et les architectes de la restauration de la cathédrale de Beauvais après l'effondrement de 1284 ». Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1995, p. 405.
33 - BÉA, op. cit. note 7, vol. I, p. 130.
34 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 164.
35 - BnF Fonds Doat, T. 71.
36 - CARBONELL-LAMOTHE, Yvette. « Deux collégiales du XIVe siècle dans l’Aude, Saint-Vincent de Montréal et Saint-Michel de Castelnaudary ». Pays de l’Aude. Congrès archéologique de France, 131e session. 1973, p. 427.
37 - AD Aude. G 341, f° 186, premier tome des archives du chapitre de Montréal.
38 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 164.
39 - CARBONELL-LAMOTHE, op. cit. note 36, p. 427.
40 - SCHLICHT, Markus. La cathédrale de Rouen vers 1300 : un chantier majeur de la fin du Moyen Age : portail des Libraires, portail de la Calende, chapelle de la Vierge. Caen, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 2005, p. 119.
41 - Ibid., p. 132.
42 - LEMAITRE, Jean-Loup. « Les créations de collégiales en Languedoc par les papes et cardinaux avignonnais sous les pontificats de Jean XXII et Benoît XII ». Cahier de Fanjeaux. n° 26, 1991, p. 160 et 195.
43 - Ibid., p. 184.
44 - Ibid., p. 191.
45 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 183.
46 - MAHUL, op. cit. note 6, p. 150.
47 - MARTIN, Clément. Histoire de Montolieu. Toulouse, Eché, 1984, p. 174.
48 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 158.
49 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 220.
50 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 38.
51 - DURLIAT. Op. cit. note 10, p. 551.
52 - ROBIN, op. cit. note 17, 1999, p. 296, 345, 351 et 358.
53 - COURTILLE, Anne. Auvergne, Bourbonnais, Velay gothiques, les édifices religieux. Paris, Picard, 2002, p. 189.
54 - OCCITANIE. D.R.A.C. Occitanie, terres de cathédrales. Montpellier, 2017, Laurent Barrenechea (dir.), p. 76.
55 - GARDELLES, Jacques. Aquitaine gothique. Paris, Picard, 1992, p. 105.
56 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 18 et 207.
57 - MARTIN, Élisabeth. L’église de Conques-sur-Orbiel et ses abords. Montpellier, C.R.M.H Languedoc-Roussillon, s.d., p. 3 ; BEA. Op. cit., vol. catalogue, p. 233.
58 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 79.
59 - LAUTIER, op. cit. note 3, t. 1, p. 255.
60 - BINDING, op. cit. note 3, p. 25; LAUTIER. Op. cit., p. 281-282.
61 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 188.
62 - LAUTIER, op. cit. note 3, p. 300.
63 - BIDEAULT, Maryse ; LAUTIER, Claudine. Île-de-France Gothique 1, Les églises de la vallée de l’Oise et du Beauvaisis. Paris, Picard, 1987, p. 124.
64 - Ibid., p. 322.
65 - VERMAND, Dominique. « Qui était l’architecte de Saint-Martin-aux-Bois ? ». Dans L’art gothique dans l’Oise et ses environs (XIIe-XIVe siècles), Actes du colloque organisé par le G.E.M.O.B. (10 ; 1998 ; Beauvais). Beauvais, GEMOB, 2001, p. 35.
66 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 299.
67 - Ibid., p. 202.
68 - Ibid., p. 325.
69 - BAYLE, Maylis. « Coutances : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moyen Age. T. 2, Les étapes de la création. 2001, Caen, Presses universitaire de Caen, p. 163.
70 - OLDE-CHOUKAIR, op. cit. note 24, p. 173.
71 - BAYLE, Maylis. « Bayeux : cathédrale Notre-Dame ». Dans L’architecture normande au Moyen Age. T. 2, Les étapes de la création. Caen, Presses universitaire de Caen, 2001, p. 164.
72 - BONNET, Philippe. Bretagne gothique : l’architecture religieuse. Paris, Picard, 2010, p. 254.
73 - GARDELLES, op. cit. note 55, p. 28.
74 - MAHUL, op. cit. note 6, p. 150.
75 - Occitanie, terre de cathédrales, op.cit., p. 40.
76 - ROBIN, op. cit. note 17, p. 278-279.
77 - DAVIS, Michael. « On the treshold of the Flamboyant: The second campaign of construction of Saint-Urbain, Troyes ». Speculum, 59-4, 1984, p. 848-852.
78 - VERMAND, op. cit. note 65, p. 35.
79 - ANDRAULT-SCHMITT, Claude. La cathédrale de Tours. La Crèche, Geste éditions, 2010, p. 201.
80 - BINDING, op. cit. note 3, p. 25.
81 - BÉA, op. cit. note 7, vol. catalogue, p. 28.
82 - Ibid., p. 95.
83 - Sur l’importance du chœur dans l’orientation du regard : RECHT, Roland. Le croire et le voir, l’art des cathédrales (XIIe-XVe siècle). Paris, Gallimard, 1999, p. 162-182.
84 - DURLIAT, Marcel. « L’église paroissiale de Lagrasse ». Congrès archéologique de France 131e session, Pays de l’Aude. 1973, p. 130.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Fig. 1 |
Légende | Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; baie du premier pan au nord du chevet |
Crédits | © DRAC Occitanie |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 272k |
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Titre | Fig. 2 |
Légende | Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; fenêtre du deuxième pan tournant du chevet, côté nord |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 156k |
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Titre | Fig. 3 |
Légende | Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; fenêtre haute de la nef, côté nord |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 144k |
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Titre | Fig. 4 |
Légende | Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; baie de première travée de la chapelle de Pierre de Rochefort, côté nord |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 200k |
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Titre | Fig. 5 |
Légende | Carcassonne (Aude), ancienne église des Carmes ; fenêtre de la troisième chapelle latérale de la nef, côté nord |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 152k |
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Titre | Fig. 6 |
Légende | Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; gable du portail de la façade occidentale |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 412k |
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Titre | Fig. 7 |
Légende | Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; gable du portail de la façade nord |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 480k |
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Titre | Fig. 8 |
Légende | Amiens (Somme), cathédrale Notre-Dame ; rose de la façade nord du transept |
Crédits | © Morgane Visière |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 252k |
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Titre | Fig. 9 |
Légende | Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; rose de la façade occidentale |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 440k |
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Titre | Fig. 10 |
Légende | Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; rose de la façade sud du transept |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 200k |
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Légende | Carcassonne (Aude), église paroissiale Saint-Vincent ; fenêtre d’une chapelle latérale au sud de la nef |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 352k |
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Titre | Fig. 12 |
Légende | Beauvais (Oise), cathédrale Saint-Etienne ; fenêtre de la première chapelle latérale du chœur, côté nord |
Crédits | © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 68k |
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Titre | Fig. 13 |
Légende | Montréal (Aude), collégiale Saint-Vincent ; fenêtre de la cinquième chapelle au sud de la nef |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 232k |
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Titre | Fig. 14 |
Légende | Montréal (Aude), collégiale Saint-Vincent ; porche méridional |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 212k |
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Titre | Fig. 15 |
Légende | Rouen (Seine-Maritime), cathédrale Notre-Dame ; portail du bras sud du transept |
Crédits | C. Kollmann © Région Normandie – Inventaire général |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 280k |
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Titre | Fig. 16 |
Légende | Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Nazaire ; fenêtre de la seconde chapelle latérale du transept |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 216k |
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Titre | Fig. 17 |
Légende | Montréal (Aude), collégiale Saint-Vincent ; arcature aveugle plaquée sur le mur est à l’intérieur du porche méridional |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 124k |
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Titre | Fig. 18 |
Légende | Montolieu (Aude), église paroissiale Saint-André ; baie de la dernière chapelle bordant la nef, côté sud |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 200k |
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Titre | Fig. 19 |
Légende | Rustiques (Aude), église paroissiale Saint-Martin ; fenêtres du chevet |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 224k |
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Titre | Fig. 20 |
Légende | Conques-sur-Orbiel (Aude), église paroissiale Saint-Michel ; fenêtres du chevet |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 184k |
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Titre | Fig. 21 |
Légende | Pezens (Aude), église paroissiale Saint-Jean-Baptiste ; fenêtres du chevet |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-21.jpg |
Fichier | image/jpeg, 160k |
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Titre | Fig. 22 |
Légende | Montolieu (Aude), église paroissiale Saint-André ; fenêtre de la chapelle au nord de la cinquième travée de la nef |
Crédits | © Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-22.jpg |
Fichier | image/jpeg, 184k |
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Titre | Fig. 23 |
Légende | Badens (Aude), église paroissiale Sainte-Eulalie ; fenêtres du chevet |
Crédits | ©Julie Vidal |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/728/img-23.jpg |
Fichier | image/jpeg, 183k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Julie Vidal, « Les remplages rayonnants des édifices religieux du diocèse de Carcassonne (fin du XIIIe siècle – première moitié du XIVe siècle) », Patrimoines du Sud [En ligne], 9 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2019, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/728 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.728
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