Fig. 1
Albi (Tarn), a) Sanctuaire de La Drèche, église, vue extérieure d’ensemble ; b) Plan de l’église Notre-Dame de la Drèche montrant l’emplacement de l’ancienne et de la nouvelle église, et les limites des trois communes
a) M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; b) M. Brachat © archives départementales du Tarn, d’après Valette, Léon, Explications détaillées…, Albi, 1911, p. 13.
1L’église de la Drèche domine Albi du haut des collines qui se dressent au nord de la ville, sur la rive droite du Tarn (fig. 1). Elle a cette particularité depuis le Moyen Âge qu’elle sert en quelque sorte de borne frontière entre trois seigneuries : les baronnies de Castelnau-de-Lévis et de Lescure et la seigneurie épiscopale d’Albi, aujourd’hui les communes de Cagnac-les-Mines, Lescure et Albi (fig. 2).
- 1 - Cf. Histoire de l’église de N. Dame de la Drèche…
- 2 - On ne prête qu’aux riches : l’existence d’une clef de voûte à ses armes, invoquée au xixe siècle (...)
- 3 - On connait grâce aux travaux de Jean-Claude Boyer les liens entre l’évêque d’Albi et le peintre P (...)
- 4 - Cf. CHAMAYOU ; voir aussi DUPEYROUX.
2Attestée depuis la fin du xiie siècle au moins, l’église conserve une Vierge en Majesté, statue qui pourrait être du xiie ou du xiiie siècle, qui a provoqué la création d’une confrérie au xiiie siècle et attire des pèlerinages. Un ouvrage de 1671 du recteur de l’église, Honoré Mourre1, témoigne du regain du pèlerinage au xviie siècle et nous raconte pas moins de 55 miracles attestés entre 1614 et 1670. L’église date probablement de la fin du xiiie siècle. Les évêques puis archevêques d’Albi l’entourent de soins : Bernard de Castanet (1277-1308) pourrait l’avoir fait construire2 et Gaspard de Daillon du Lude (1635-1676) la comble de bienfaits3. Nombreuses sont les paroisses qui se rendent au mois de mai en pèlerinage à la Drèche (37 sont énumérées encore en 18764) et la ville d’Albi fait un vœu solennel lors de la peste de 1631 en lui offrant une lampe d’argent. On aimerait retrouver le décor de cette église avant la tourmente révolutionnaire, qui devait être autant encombrée d’ex-voto (béquilles, tableaux, plaques…) qu’une chapelle de pèlerinage italienne.
Fig. 2
Albi (Tarn), archives départementales, croquis de situation et profil de l’église de la Drèche à l’appui de conflits de juridiction entre le seigneur de Castelnau-de-Lévis et l’évêque d’Albi, 1634, 30 J 68
© département du Tarn, archives départementales
3L’archevêque qui l’entoure de plus de soins est sans conteste Jean Joseph Eugène de Jerphanion, archevêque d’Albi de 1843 à sa mort en 1864. Originaire du Puy, il manifeste une très grande dévotion à la Vierge et son attachement au sanctuaire de la Drèche sera tel qu’il y est enterré. Il installe d’abord à la Drèche les prêtres missionnaires diocésains, dont le père Charles Henry Clausade5 devient le supérieur en 1864. Celui-ci, originaire d’une famille riche de Lavaur, grand prédicateur, se dépense sans compter pour cette œuvre. L’archevêque, qui participe au pèlerinage de septembre 1859, décide la rénovation et l’agrandissement total du sanctuaire marial. Ce chantier que le diocèse tout entier prend à son compte (la fabrique paroissiale étant certes maître d’ouvrage, mais ne pouvant qu’approuver l’impulsion de l’archevêque et de son équipe dynamique de missionnaires diocésains), est à mettre dans le contexte des deux dates de 1854 (affirmation du dogme de l’Immaculée Conception) et de 1858 (apparitions de Lourdes). C’est une manifestation spirituelle et artistique, certes, mais aussi politique, le clergé ultramontain (Mgr de Jerphanion et le père Clausade le sont assurément) s’alliant avec les grandes familles légitimistes pour montrer au pouvoir bonapartiste ce qu’il sait et peut faire.
- 6 - Cf. RIVIÈRE.
- 7 - C’est ce que lui reproche à demi-mots Louis de Lacger dans son très intéressant article.
4L’archevêque lance une grande quête dans le diocèse, dont il charge le père Clausade, et confie le projet architectural à Camille Bodin (Saumur, 1821-Paris, 1900), dit Bodin-Legendre du nom de son épouse, représentant César Daly comme inspecteur adjoint des travaux diocésains en 1859, jusqu’à leur brouille en 1871. Camille Bodin témoigne d’un grand éclectisme néo-médiéval puisqu’il est le restaurateur à la fois, avec Daly, de la cathédrale, et, seul, de la collégiale Saint-Salvy, puis le constructeur de l’église Saint-Joseph d’Albi (1869-1876), néo-romane, et de l’église Notre-Dame de Mazamet, néo-gothique « ogivale6 ». À la Drèche, c’est le style gothique méridional qui l’inspire : la nouvelle église de la Drèche est bien sûr une cathédrale Sainte-Cécile en petit7, avec ses contreforts semi-cylindriques couronnés de créneaux et son clocher-porche massif, mais la nouvelle église reste fidèle à l’esprit de la précédente, qui était déjà fortifiée et crénelée (fig. 3).
Fig. 3
Albi (Tarn), archives départementales, élévation sud de l’église de La Drèche et plan avant les travaux, dessin de Camille Bodin-Legendre, 9 octobre 1860, 1 V 822
© département du Tarn, archives départementales
- 8 - On pense aux statues des églises de Fourvière à Lyon (1852), de Myans en Savoie (1855), de Verdel (...)
- 9 - Lettre de Gustave Rouland, ministre de l’Instruction publique et des Cultes, du 20 octobre 1860. (...)
- 10 - Mais en 1952 encore, une brochure de présentation du sanctuaire (Notre-Dame de la Drèche. Autrefo (...)
5Bodin conserve les deux tiers de l’ancienne église, qui devient le chœur profond de la nouvelle, lui accole un grand octogone flanqué de six chapelles, et crée un clocher-porche occidental, souhaitant couronner celui-ci d’une grande statue de la Vierge. Le service des édifices diocésains approuve la greffe de cette nef octogonale sur le cœur primitif, mais trouve les chapelles inutiles et surtout déclare : « On ne saurait se prononcer trop hautement contre l’idée de le surmonter d’une statue de la Vierge : cette idée empruntée à différents édifices dans lesquels elle a été récemment réalisée ne saurait être fortifiée par ces exemples qui sont loin de produire l’effet qu’on s’en était promis8 ». Quant aux créneaux, le ministère est péremptoire : « Malgré les créneaux qui peuvent exister à la partie supérieure de cette construction, ce serait véritable puérilité de vouloir les reproduire dans la construction nouvelle où ils n’auraient aucune raison d’être9. » Si les autorités locales ont cédé sur la statue de la Vierge10, elles ont maintenu les créneaux.
- 11 - Dans son testament, il lègue à la Drèche sa mitre, la crosse de son sacre, une croix métropolitai (...)
6Les travaux avancent très vite ; Mgr de Jerphanion, mort le 20 novembre 1864, peut être enterré dans le sanctuaire presque achevé. Mgr Lyonnet, son successeur (1864-1875), dont le grand œuvre sera l’église Saint-Joseph d’Albi, poursuit son soutien à la Drèche11 et aux projets du père Clausade, qui transforme alors l’œuvre des missionnaires diocésains en refondant le tiers ordre régulier de saint François. Ceux-ci obtiennent (et ils desservent encore aujourd’hui) les deux églises au passé insigne de la Drèche et d’Ambialet.
Fig. 4
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, a) église, vue d’ensemble intérieure, prise de l’entrée vers le chœur ; b) esquisse des armoiries du Tiers-Ordre régulier de saint François par Bernard Bénézet
a) M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; b) © Association Mato Grosso
7Pour les vitraux, l’on fait appel à la maison Gesta de Toulouse12.
8Les sept baies doubles de la nef sont consacrées aux douze apôtres, auxquels sont ajoutés saint Paul et saint Barnabé. Chaque vitrail porte les armes jumelées de son donateur et de son épouse. Dans les sens des aiguilles d’une montre depuis le sanctuaire :
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- 13 - D’azur au chevron d’or accompagné en pointe d’un lys d’argent, tigé et feuillé de sinople ; au ch (...)
Saint Pierre et saint Paul (au-dessus du sanctuaire)
Don de Mgr de Jerphanion : deux écus identiques accolés13.
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- 14 - D’or à un cerf ailé de gueules, au chef d’azur chargé d’un soleil d’or entre deux croissants d’ar (...)
- 15 - Écartelé au 1 et 4 d’azur au soleil d’or agissant, au 2 et 3 d’azur aux trois rocs d’échiquier d’ (...)
Saint Barthélemy et saint Jacques le Majeur (au-dessus de la chapelle de Pitié)
Don du baron Guillaume Alphonse Frédéric d’Yversen14 (1806-1889), et de son épouse Blanche de Solages15 (1807-1880).
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- 16 - Écu écartelé des Solages.
- 17 - D’or au taureau furieux de gueules chargé de cinq étoiles d’argent en bande.
Saint Simon et saint Mathias (au-dessus de la chapelle du Mont-Carmel)
Don du marquis Achille de Solages16 (an XII-1887) et de son épouse Blanche de Bertier de Sauvigny17 (1809-1872).
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- 18 - Écu écartelé des Solages.
- 19 - D’azur au sautoir d’or cantonné de 16 losanges d’or.
Saint Thomas et saint Barnabé (au-dessus de la chapelle Notre-Dame des Victoires)
Don du comte Gabriel de Solages (1829-1886), fils des précédents18, et de son épouse Alix de Courtavel19 (1837-1924).
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- 20 - D’azur au chevron d’or et au lion d’or en pointe, au chef d’or chargé de deux étoiles de gueules.
- 21 - D’or à un cerf ailé de gueules, au chef d’azur chargé d’un soleil d’or entre deux croissants d’ar (...)
Saint Thaddée et saint Philippe (au-dessus de la chapelle de la Portioncule)
Don du comte Paul de Scorbiac20 (1833-1864) et de son épouse Gabrielle Augusta d’Yversen21 (1835-1884).
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- 22 - D’argent à trois têtes de corbeaux arrachées de sable, au bâton alésé de gueules en abîme.
- 23 - Parti d’azur au chevron d’or avec trois étoiles d’argent (qui est de Maurel d’Aragon), et d’azur (...)
Saint Jacques le Mineur et saint André (au-dessus de la chapelle du Rosaire)
Don du vicomte Joseph Léonard Decazes22, ancien préfet du Tarn et ancien député, et de son épouse Diane de Bancalis de Maurel d’Aragon23 : deux écus jumelés surmontées d’une couronne de vicomte.
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- 24 - D’azur à une tour d’argent.
- 25 - De gueules au lion d’or, au chef d’azur chargé de trois roses d’argent.
Saint Jean l’évangéliste et saint Mathieu (au-dessus de la chapelle de l’Immaculée Conception)
Don du comte Edouard Gardès24 (Albi, 1819-Lisle-sur-Tarn, 1888) et de son épouse Elisabeth de Bonne25 (1830-1914).
9Le vitrail de la tribune est orné des armes de Pie IX (donatrices : les dames de Clausade, de Rabastens).
10Le sanctuaire est éclairé par deux vitraux consacrés à :
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- 26 - D’azur au cor d’argent, aux trois croix pattées de même placées en chef (c’est le blason des arme (...)
Saint François d’Assise (au nord)
Don de l’abbé Jean Baptiste Timoléon de Lamouzié26, décédé le 2 avril 1883 au petit séminaire de Castres à 81 ans.
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- 27 - Écartelé au 1 et 4 bandé d’or et de gueules au chef d’azur chargé d’un croissant d’argent entre d (...)
Saint Dominique (au sud)
Don de M. de Louis Maurice Marie de Combettes du Luc27 (1841-1886), fils de Joseph de Combettes du Luc (1811-1856) et d’Anne Pauline de Pélissier (1807-1865).
11Le chœur réservé aux pères est orné par des verrières dédiées aux sept allégresses de Marie.
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Annonciation
Don d’Hippolyte Seguin, médecin : monogramme HS.
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Visitation
Don de Rémy Dougados, vicaire général : monogramme RD.
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- 28 - D’azur à 12 étoiles d’argent placées 4, 4, 4 et 4, au lion de même brochant sur le tout.
- 29 - De gueules au sautoir d’argent accompagné en chef d’un soleil d’or et en pointe d’un arbre d’or t (...)
Naissance de Notre Seigneur
Don du comte Joseph Maurice de Pélissier28 (1809-1900) et son épouse Marie de Bastouilh29 : deux écus jumelés avec couronne comtale et deux lions comme portants.
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Adoration des mages
Don de Mgr de Jerphanion : écu unique.
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- 30 - D’azur au lion d’or au chef cousu de gueules chargé de trois besants d’argent.
- 31 - D’or à un cerf ailé de gueules, au chef d’azur chargé d’un soleil d’or entre deux croissants d’ar (...)
Jésus retrouvé au temple
Don du baron Hippolyte de Lacger30 (1825-1895) et de son épouse Gabrielle Marie Caroline d’Yversen31 (1832-1917) : deux écus jumelés avec couronne comtale.
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Résurrection
Don d’Auguste Azaïs, curé de Sainte-Cécile : monogramme AA.
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Assomption
Don non identifié : monogramme EZ.
- 32 - Peintre verrier à Toulouse, Paul François Bernard Louis Chalons naît à Castéra-Verduzan (Gers) ve (...)
12Les six chapelles, enfin, sont ornées de 14 vitraux formant le chemin de croix. Ces vitraux, insatisfaisants disent les textes, ont été remplacés en 1894 par d’autres, dus à Paul Chalons32. Les vitraux de Gesta ont été donnés aux missions capucines d’Asie.
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- 33 - D’azur à la fasce d’or, accompagnée en chef de trois étoiles d’or et en pointe d’un bélier passan (...)
- 34 - De gueules à un chevron d’or, au chef cousu d’azur aux trois étoiles d’argent.
Jésus est condamné à mort.
Don de Louise d’Imbert du Bosc33 (1815-1905), veuve de Léonce Tapié de Celeyran34 (1807-1847) : armoiries jumelées.
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Jésus est chargé de sa croix.
Don d’Auguste Claude (1805-1881), bibliothécaire de la ville d’Albi : monogramme AC.
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- 35 - Écartelé au 1 et 4 d’azur à trois coquilles saint Jacques, au 2 et 3 d’azur à un lion d’or, au ch (...)
Jésus tombe pour la première fois.
Armoiries jumelées non identifiées35. Couronne de comte.
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- 36 - D’argent à trois têtes de corbeaux arrachées de sable, au bâton alésé de gueules en abîme. La cou (...)
- 37 - D’azur à l’aigle d’or. On remarquera que ces armes sont différentes de celles figurant aux grande (...)
Jésus rencontre sa divine mère.
Don de Joseph Léonard baron Decazes, ancien préfet du Tarn36 (1783-1868), et de son épouse Ida de Bancalis de Maurel d’Aragon37 (1799-1880) : armoiries jumelées.
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Simon aide Jésus à porter sa croix.
Don de Jules Boyer (1809-1866), avocat : monogramme JB.
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- 38 - De gueules au chevron d’argent chargé de cinq sacrés cœurs, accompagné de trois mains dextres de (...)
Une femme pieuse essuie la face de Jésus.
Don du comte O’Byrne (probablement Edward, 1837-1890, zouave pontifical) : écu unique38.
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Jésus tombe pour la seconde fois.
Don de Charles Mahuziès (1802-1881), chanoine, directeur du séminaire : monogramme CM.
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Jésus console les filles d’Israël qui le suivent.
Don de Jules Cazals, curé de Saint-François de Lavaur : monogramme JC.
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- 39 - Écartelé au 1 et 4 à la croix de Languedoc, au 2 et 3 d’or à trois tourteaux de gueules et une cl (...)
Jésus tombe pour la troisième fois.
Don de Fernand de Carrière (1832-1889), zouave pontifical, président de l’Hospitalité de Notre-Dame du Salut : écu unique39.
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Jésus est dépouillé de ses vêtements.
Don d’Alphonse Hebrailh (1848-1931), époux de Maria Ludovica Féral : monogramme AH.
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- 40 - Écu écartelé des Solages.
- 41 - D’or au taureau furieux de gueules chargé de cinq étoiles d’argent posées en bande.
Jésus est attaché sur la croix.
Don du marquis Achille de Solages40 (an XII-1887), marié à Alix Berthier de Sauvigny41 : armoiries jumelées avec couronne de marquis.
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- 42 - Écartelé au 1 non identifiable (le vitrail semble modifié), au 2 et 3 d’azur au lion d’or, au 4 d (...)
Jésus meurt sur la croix.
Don de « M. Villefranche » d’après le père Valette. Couronne de baron, armoiries jumelées, dont les secondes (d’azur à la licorne d’argent) sont bien de la famille Genton de Villefranche. Le premier écu n’est pas identifié42.
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Jésus est descendu de la croix.
Don de Paul Boyer, avocat : monogramme PB.
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- 43 - D’azur à un arbre reposant sur un croissant de gueules, un meuble de gueules non identifié en che (...)
Jésus est mis dans le sépulcre.
Don du baron de Gouttes d’après le père Valette : armoiries jumelées surmontées d’une couronne de comte, qui ne semblent pas correspondre à celles de la famille de Gouttes43.
13Sa datation (xiie ou xiiie siècle) reste difficile. On notera le très intéressant récit de sa restauration, mélangeant considérations religieuses et archéologiques, en 1846 dans la notice du chanoine Treilhou44. Elle a été restaurée à nouveau en 1884.
- 45 - Ce sculpteur qu’une notice de la base POP dit élève de Falguière (pour l’autel et le tabernacle d (...)
14Pour la sculpture, l’on fait appel au sculpteur toulousain Mathieu45. Il réalise l’autel majeur et les autels des six chapelles, la chaire ornée des trois vertus théologales (Foi, Espérance et Charité) et sept statues grandeur naturelle (1,80 m), qui ont été peintes ensuite par le père Valette : saint Joseph et saint Jean l’évangéliste encadrant le sanctuaire, saint Bernard en face de la chaire, saint Dominique et saint François, et les deux saints protecteurs des tertiaires franciscains : saint François et sainte Élisabeth de Hongrie.
- 46 - Journal du Tarn, 7 mai 1873.
15Dans le chœur est accrochée la lampe en argent46 que la ville d’Albi a offerte au sanctuaire le 6 mai 1873, en remplacement de celle du vœu de 1631-1632, disparue à la Révolution. Réalisée par l’orfèvre Drouard, de Castres, elle évoque les patrons des quatre paroisses d’Albi (sainte Cécile, saint Joseph, la Madeleine et la Vierge), les quatre évangélistes, porte les armes de Pie IX, de Mgr Lyonnet, du chapitre épiscopal et de la ville et la dédicace « Clerus et populus albiensis mdcxxxii-mdccclxxiii. Antiqua pietas renovatur. Dominae nostrae de Dextera » [Le clergé et le peuple albigeois. 1632-1873. L’antique piété se renouvelle. À Notre-Dame de la Drèche]. Sur le globe inférieur est écrit : « Dextera tua magnificata est in fortitudine [Exode, 15.6. Ta droite est glorifiée dans la force]. »
- 47 - CHAMAYOU, p. 113.
- 48 - Cf. Le Père Léon Valette…
- 49 - Cf. le catalogue de l’exposition dont le commissaire était Bertrand de Viviès.
16Le programme de sculptures achevé dans les années 1870, les murs de l’église restaient bien nus. Le père Chamayou, principal collaborateur du père Clausade, annonce cette ambition en train de se réaliser dans son ouvrage de 1877 : « Il faudrait que des peintures riches et de bon goût vinssent rapprocher la voûte, animer ces murailles, par autant de pages racontant à l’œil, dans le style chrétien des Overbeck, des Flandrin, les mystères de la Vierge-Mère, l’invention de Notre-Dame de la Drèche, les prédications de saint Bernard et de saint Dominique, le vœu de 1631, les miséricordes dont le sanctuaire est le théâtre47 ». On raconte que lors de la guerre de 1870 le père Clausade aurait fait le vœu de consacrer 20 000 F à la décoration de l’église si aucun membre de sa communauté n’était victime du conflit. La paix revenue, il s’adresse au peintre toulousain Bernard Bénézet, en le convainquant de se servir d’un jeune prêtre, Maurice Valette, en religion, le père Léon48, pour exécuter les travaux à partir des cartons que le peintre fournirait. Celui-ci est issu d’une vieille famille d’artistes de Castres : son grand-père Jean (1782-1843) a été un peintre estimable qui a orné de nombreuses églises du Castrais et son père Charles (1813-1888), l’a formé49 (fig. 5).
Fig. 5
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, palette et boîte de peintures de Léon Valette
J. Pagnon © Inventaire général Région Occitanie
- 50 - Il faut se reporter à la thèse et aux articles de Christian Mange utilisés ici.
- 51 - Ces croquis sont édités, avec l’historique du chantier par le père Léon dans : Les peintures de N (...)
- 52 - À peu près contemporain du chantier de la Drèche est celui de l’église de Saint-Paul-Cap-de-Joux. (...)
17Quant à Bernard Bénézet, sa réputation à Toulouse, ses succès dans la peinture religieuse notamment à l’église du Taur, son style sévère et pur et sa piété sont de sûres garanties pour le clergé50. Le contrat est signé le 20 janvier 1877 et l’artiste s’engage à fournir des cartons de grandeur naturelle qui pourront être décalqués sur les murs et des croquis détaillés en couleur pour indiquer exactement les teintes51, et à venir très régulièrement aider le père Léon, lui ou ses collaborateurs, Daniel Gesta (neveu du peintre-verrier Louis Victor) puis Borios52.
- 53 - « 1877 - Bernardus Benazet invenit et cum fratre Leone Valette pinxit – 1894 » [1877. Bernard Bén (...)
- 54 - MANGE, 1993, p. 338. Les peintures, notamment celles situées le plus bas dans le sanctuaire, sont (...)
18Le chantier délicat a été retardé à partir de 1880 par l’expulsion des frères. Bénézet a mis au point un échafaudage roulant de sept étages permettant de travailler travée par travée en occupant le huitième de la nef (une maquette en est conservée à la Drèche). La nef et les voûtes sont terminées en trois ans, entre 1877 et 1880. Suivent le sanctuaire de 1882 à 1885, puis les chapelles de 1885 à 1891. Tout est achevé en 1894 et Bénézet peut signer son œuvre, à la tribune de l’entrée53. Le tout aura coûté 22 250 F pour Bénézet et 3 000 F pour Gesta et Borios. Les peintures ont été « décapées » vers 195054.
19Christian Mange souligne l’évolution du style de Bernard Bénézet durant les 17 ans du chantier de la Drèche. Son style est toujours clair, didactique, parlant davantage à l’intelligence qu’à la sensibilité bien qu’ami des couleurs vives et franches (ce qui l’éloigne de son maître Flandrin), mais vers la fin (par exemple dans la chapelle Notre-Dame de Pitié), il joue davantage sur le contraste entre les vides et les pleins, sur la profondeur des images, sur une expressivité qui l’éloigne un peu du style des primitifs italiens du début de son œuvre. Quant au père Valette, Christian Mange relève qu’il semble influencé alors par son ami Jean-Paul Laurens, peintre d’histoire, et qu’il utilise des reflets brillants pour mettre davantage en valeur ses personnages.
20L’église a été classée au titre des monuments historiques par arrêté du 23 octobre 1995, mais il reste à protéger au titre des monuments historiques les 81 cartons de Bénézet correspondant aux 81 scènes peintes, les croquis en couleur et de nombreuses œuvres d’art, notamment, on le verra plus loin, les ornements brodés par les Clarisses de Mazamet.
- 55 - Christian Mange cite dans son article de 1993 des extraits des lettres du peintre montrant qu’il (...)
- 56 - Cf. VALETTE ; BONNET ; MANGE, 1993. Il faut également lire le compte rendu des Explications détai (...)
21Fruit d’un dialogue très enrichissant entre le peintre et les pères Clausade et Chamayou55, le cycle de peintures, qui couvrent l’intégralité de l’édifice, est un trésor d’iconologie religieuse, entièrement consacrée à Marie56.
22L’entrée de l’église évoque « Marie annoncée », la partie basse de la nef « Marie figurée » (16 femmes de la Bible et 16 emblèmes mariaux), la partie haute « Marie vivante », c’est-à-dire des scènes de la vie de la Vierge, et les voûtes « Marie glorieuse » : Marie aux cieux, et « une couronne de saints et de saintes qui ont comme continué Marie dans la suite des siècles en imitant ses vertus et propageant son culte57 ».
23Le sanctuaire évoque quant à lui l’histoire locale du sanctuaire de la Drèche, et le chœur des pères la vie de saint François.
24Les six chapelles enfin, toutes consacrées à Marie (ainsi, en temps d’affluence, plusieurs prêtres pèlerins peuvent l’invoquer en même temps), évoquent l’Immaculée Conception, Notre-Dame du Rosaire, Notre-Dame des Anges ou de la Portioncule, Notre-Dame des Victoires, Notre-Dame du Mont-Carmel et Notre-Dame de Pitié.
25La lecture des images peut donc se faire horizontalement, selon la chronologie, mais aussi verticalement, depuis l’Ancien Testament jusqu’aux saints et saintes du xviie siècle, en combinant références à l’histoire locale – l’évocation du sanctuaire lui-même, les évêques du diocèse présents par leurs armoiries, les saints « diocésains » ou régionaux (sainte Cécile ou sainte Germaine) et à l’histoire catholique la plus universelle, notamment par le truchement de saints qui ont connu le diocèse d’Albi (saint Dominique, surtout, qui serait venu à la Drèche, saint Bernard, sainte Colette, et saint Vincent de Paul).
26À la tribune : Marie annoncée à Adam et Ève, et les quatre prophètes Moïse, David, Ézéchiel et Isaïe. Chacun tient un phylactère où sont inscrites ces paroles :
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Moïse : « Inimicitias ponam inter te et mulierem » [Genèse, 3.15. Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme].
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David : « Sanctificavit tabernaculum suum Altissimus » [Psaumes, 46 (45).5. Le Très Haut sanctifia son tabernacle].
-
Ézéchiel : « Porta haec clausa erit » [Ézéchiel, 44.2. Cette porte sera fermée].
-
Isaïe : « Ecce virgo concipiet » [Isaïe, 07.14, cité par Mathieu, 01.23. Voici que la Vierge concevra].
27Tout autour de la nef, dans les écoinçons des arcs des chapelles, sont représentées 16 femmes célèbres de la Bible en grandes figures de 2,07 m de haut, et, au-dessous, 16 emblèmes des vertus ou prérogatives de Marie (au témoignage du père Valette, figures et emblèmes n’ont pas de rapport entre eux).
Femmes de la Bible
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Emblèmes
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Sarah, femme d’Abraham, recevant la promesse de la naissance d’Isaac
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la rose
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Rébecca, à qui Éliezer propose d’épouser Isaac
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la colombe de l’arche
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Rachel, femme de Jacob, en bergère
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l’arc-en-ciel
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Jocabed, mère de Moïse, confiant son fils à la Providence
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l’échelle de Jacob
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Sarah, femme de Tobie, en prière
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la porte du ciel
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Debbora la prophétesse chantant la victoire de Barach
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le buisson ardent
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Jaël, qui a cloué à terre le général Sisara
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la colonne de nuée
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La fille de Jephté, pleurant devant l’autel du sacrifice
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la verge fleurie d’Aaron
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La mère de Samson, écoutant un ange lui promettant la naissance de son enfant
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la toison de Gédéon et l’étoile du matin
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Anna, mère de Samuel, consacrant son enfant au Seigneur
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l’autel des parfums
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Ruth, glanant dans les champs de Booz
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la tour de David
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Josabeth, tante de Joas, qu’elle a sauvé du massacre d’Athalie
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le temple de Jérusalem
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Abigail, calmant la colère de David par des présents
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l’arche de Noé
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Judith, portant la tête d’Holopherne
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la lune et l’olivier
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Esther, s’évanouissant devant Assuérus
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le lys
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La mère des Macchabées, sacrifiant ses fils et elle-même
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la rose
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28En haut de la nef, de part et d’autre des baies géminées, sont 14 scènes de la vie de la Vierge. Les personnages font 2,25 mètres de haut.
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Nativité de Marie : « Nativitas gloriosae Virginis Mariae » [Nativité de la glorieuse Vierge Marie].
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Présentation de Marie au temple : « In habitatione sancta coram ipso ministravi » [Ecclésiastique, 24.14. J’ai servi Dieu dans sa sainte demeure].
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Fiançailles de Marie et de Joseph : « Desponsata Mater Jesu Maria Joseph » [Év. Matthieu, 1.18. Marie, mère de Jésus, fiancée à Joseph].
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Annonciation : « Ave Maria, gratia plena » [Év. Luc, 1.28. Je te salue Marie, pleine de grâce].
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Nativité de Jésus : « Maria, de qua natus est Jesus » [Év. Matthieu, 1.16. Marie, de qui est né Jésus].
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Purification ou présentation de Jésus au temple : « Et benedixit eis Simeon » [Év. Luc, 2.34. Et Siméon les bénit. Dans la Vulgate, il est écrit illis et non eis].
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Jésus parmi les docteurs : « Filii, quid fecisti nobis sic ». [Év. Luc, 2.48. Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ?].
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Noces de Cana : « Filii, vinum non habent » [Év. Jean, 2.3. Mon fils, ils n’ont pas de vin].
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Marie au pied de la croix : « Stabat juxta crucem Jesu Mater ejus » [Év. Jean,19.25. Près de la croix de Jésus se tenait sa mère].
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- 58 - Il ne semble pas qu’il s’agisse d’une citation biblique.
Descente de croix : « Involvens sindone Maria amare flebat58 » [Marie pleurait amèrement en enveloppant Jésus d’un linceul].
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Marie au cénacle (la Pentecôte) : « Erant in coenaculo cum Maria59 » [Les apôtres étaient réunis dans le cénacle avec Marie].
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Communion de Marie : « Accepit eam discupulus in sua » [Év. Jean, 19.27. Le disciple la prit chez lui].
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Mort de Marie : « Amore langueo. Veni, cornonaberis » [Cantique des cantiques, 2.5 et 4.8. Je languis d’amour. Venez, vous serez couronnée].
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Assomption : « Assumpta est Maria in coelum » [Marie élevée au ciel].
29Les huit voûtains de la nef octogonale (fig. 6) sont occupés par Marie triomphante au ciel et par les saints et les saintes qui ont poursuivi l’œuvre de la mère du Christ. Les personnages ont 2,40 m de haut.
- 60 - Bodin-Legendre a donc renoncé à son projet initial, exposé à l’archevêque dans son rapport du 9 j (...)
30La clef de voûte représente l’Agneau de Dieu sur le livre aux sept sceaux, dans une rosace de fleurs de lys et d’églantiers évoquant la pureté et la charité de Marie60.
Fig. 6
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, voûte de l’église
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
31Dans le voûtain correspondant au sanctuaire, deux scènes présentent :
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Marie, dans les cieux, se prosternant devant le Christ qui la couronne reine des cieux ;
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Marie sur son trône, à qui saint François et saint Louis (patron des tertiaires franciscains), à genoux, offrent la maquette de l’église de la Drèche.
32Initialement, il était prévu que ce soit l’Assomption qui soit représentée, mais Bénézet fit valoir qu’il était difficile de la représenter à cet endroit. C’est pourquoi la scène de l’Assomption clôture le cycle de la vie de Marie.
33Dans les sept autres voûtains, sont représentés, en quatorze groupes de trois, à gauche les saints et à droite les saintes.
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Luc, évangéliste et portraitiste de Marie, Joachim, père de la Vierge, et Siméon
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Jean-Baptiste, Joseph et Jean l’évangéliste
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Ignace, évêque d’Antioche et martyr, Irénée, évêque de Lyon et évangélisateur des Gaules, et Cyrille d’Alexandrie, qui présida le concile d’Éphèse où fut proclamé la maternité divine de Marie,
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Augustin, Anselme, archevêque de Cantorbéry, auteur d’un traité sur l’Immaculée Conception, et Bernard de Clairvaux
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Thomas d’Aquin, théologien dominicain, Bonaventure, supérieur des franciscains, et Dominique de Guzman, fondateur des frères prêcheurs
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Pierre Nolasque (fondateur des mercédaires), Bernardin de Sienne et Ignace de Loyola (fondateur des jésuites)
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Alphonse de Liguori (fondateur des rédemptoristes), Vincent de Paul, fondateur des filles de la Charité, François de Sales (fondateur de la Visitation)
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Anne, mère de la Vierge, Élisabeth, sa cousine, et Marie Madeleine
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Cécile, patronne du diocèse, Justine, vierge et martyre, et Hélène (mère de Constantin)
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Paule, matrone romaine installée à Bethléem, Monique (mère de saint Augustin) et Marcelline (sœur de saint Ambroise)
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Pulchérie (impératrice à Constantinople), Clotilde (reine de France) et Scholastique (sœur de saint Benoît)
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Gertrude (abbesse bénédictine), Catherine de Sienne (fondatrice des dominicaines) et Claire (fondatrice des clarisses)
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Rose de Viterbe (du tiers ordre franciscain), Colette (réformatrice des clarisses) et Germaine de Pibrac, grande sainte populaire du Toulousain
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Jeanne de Valois (fondatrice de l’Annonciade), Françoise de Chantal (fondatrice des visitandines) et Thérèse (réformatrice des carmélites)
34C’est au pied de l’autel qu’est enterré Mgr de Jerphanion. La plaque tombale dont Hippolyte Crozes61 cite la longue inscription très médiévale a été remplacée par une plaque fort simple, probablement lors de la modernisation du dallage, particulièrement pauvre.
35Quatre grands panneaux illustrent l’histoire de la Drèche :
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L’invention de la statue de Notre-Dame par les bergers « Beata de dextera in rubo a pastoribus inventa » [Notre-Dame de la Drèche trouvée dans un roncier par des bergers].
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Saint Dominique priant aux pieds de la Madone « A sancto Dominico visitata et implorata » [Visitée et implorée par saint Dominique].
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- 62 - En bas à gauche de la scène, un clerc présente le texte du vœu au spectateur : « Nous, consuls de (...)
Les consuls d’Albi offrant, le 2 juillet 1632, la lampe d’argent62 « A civitate albiensi pro voto lampade donata » [Recevant en don la lampe que les Albigeois lui avaient vouée].
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Les deux sœurs Laclau cachent la statue en 1794 « A piis manibus anno 1794 sub tumulo custodita » [Cachée sous terre en 1794 par de pieuses mains].
36Au-dessus, sont peints huit groupes d’anges, quatre de chaque côté (fig. 7).
Fig. 7
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, esquisses de Bernard Bénézet rassemblées dans un registre réalisé par Léon Valette
© Association Mato Grosso
37À droite :
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un groupe d’anges musiciens et chanteurs ;
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saint Michel, saint Raphaël et les trois anges qui annoncèrent à Abraham la naissance d’Isaac ;
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un ange qui conduit un infirme à Marie ;
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un ange exhortant un libertin à obtenir sa conversion de Marie.
38À gauche :
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un groupe d’anges musiciens et chanteurs ;
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saint Gabriel tenant un lys, un ange tenant un cartouche annonçant la naissance miraculeuse de Marie et un ange portant la petite maison de Nazareth transportée à Lorette ;
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deux anges portant le rosaire et les scapulaires ;
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deux anges portant le sceptre de la reine des cieux et l’encensoir.
39Quatre grandes scènes évoquent la vie de saint François.
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Saint François dépose les livrées du monde et les distribue aux pauvres.
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Saint François prêchant aux oiseaux.
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Le baiser aux lépreux.
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Saint François recevant les stigmates.
40(Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre depuis le sanctuaire).
41Couleur dominante bleu et blanc. Le retable représente Notre Dame de Lourdes, avec à ses pieds, à genoux, à sa droite saint François d’Assise, et à sa gauche le pape Pie IX, tertiaire de saint François, tenant en main la bulle du dogme de l’Immaculée Conception du 8 décembre 1854. Armes des franciscains à la clef de voûte.
- 63 - Une note du père Léon Valette, dans les archives de la Drèche, indique : « Lorsque, en 1861-63, o (...)
42Dans cette chapelle repose, sans aucune inscription, M. Bernadou, curé assermenté de la Drèche, « mort pénitent » dit la littérature pieuse. Une grande dalle rappelle le souvenir de Jean Baptiste Philippe Boyer (1760-1845), dernier archiprêtre de Monestiés, enterré précédemment dans le cimetière63.
43À gauche : Chapitre des franciscains de 1219 où saint François ordonna de célébrer l’Immaculée Conception « Seraphicus P. S. Franciscus missas in honorem Immaculatae Conceptionis in capitulo generali 1219 legendas decernit » [Dans le chapitre général de 1219, le séraphique père saint François ordonne de dire des messes à l’honneur de l’Immaculée Conception].
44À droite : Pie IX proclame le 8 décembre 1854 le dogme de l’Immaculée Conception : « Pius IX P. M. Tertii Ordinis Penit. S. Franc. infaillibili oraculo Immaculatam Conceptionem definit 1854 » [Pie IX, souverain pontife, tertiaire de saint François, définit le dogme de l’Immaculée Conception en 1854].
45Couleur dominante rose. Le retable représente Notre Dame, tenant dans ses bras le Christ bénissant, donnant le rosaire à saint Dominique qui se tient à sa droite, sainte Catherine de Sienne étant à sa gauche. Armes des dominicains à la clef de voûte.
46De face : Saint Dominique prêche la croisade contre les Albigeois : « Sanctus Dominicus per decennium in Narbonensi, Tolosana, Albiensi regione verbo Dei, precibus, lacrymis, rebus admirabilibus innumeras hostium acies profligavit » [Pendant un séjour de dix ans dans le pays narbonnais, toulousain, albigeois, saint Dominique vainquit d’innombrables armées d’ennemis par la parole de Dieu, les prières, les larmes et les prodiges].
47À gauche : La rencontre de saint Dominique et de saint François : « B. Dominicus B. Franciscum per revelationem cognitum amplectatur dicens : Tu es socius meus ; tu mecum pariter curres » [Saint Dominique embrasse saint François qu’il a reconnu par une révélation, en disant : « Tu es mon compagnon, nous marcherons ensemble »].
48À droite : Le pape Pie V (pape dominicain) recevant la révélation de la victoire de Lépante : « Turcas S. Pius V, non tam armis quam rosario devicit. Quam victoriam, Deo revelante, cognovit et familiaribus suis indicavit » [Saint Pie vainquit les Turcs non tant par les armes que par le rosaire. Il connut la victoire par révélation de Dieu et l’annonça à ses familiers].
49Couleur dominante gris. Le retable représente Jésus, par l’intercession de Marie assise à ses côtés, accordant à saint François, à genoux à sa gauche avec deux autres frères, la faveur de l’indulgence plénière de la Portioncule, deux anges musiciens étant représentés à la droite du Christ. Armes des bénédictins (la Portioncule avait été cédée par les bénédictins).
50À gauche : Saint François, en donnant sa bénédiction à son compagnon le frère Léon, le délivre d’une fâcheuse tentation : « S. P. S. Franciscus fr. Leonem molesta tentatione vexatum benedictione liberat » [Saint François, par sa bénédiction, délivre le frère Léon d’une fâcheuse tentation].
51À droite : Honorius III confirme l’indulgence de la Portioncule après le miracle des roses : « Honorius III miraculo rosarum commotus S. Francisco indulgentiam Portionculae concedit » [Honorius III, frappé du miracle des roses, confirme l’indulgence de la Portioncule].
52Dans la tenture : motif du T encadré par l’A et l’Ω qui servait à signer à saint François. Les petits poissons évoquent la redevance que payent les franciscains pour la Portioncule chaque année aux bénédictins d’Assise : un panier de poissons pêchés dans le Rivo Torto.
- 64 - Cette inhumation est approuvée par décision du ministre de l’intérieur du 12 avril 1966 (Arch. mu (...)
53C’est dans cette chapelle qu’est enterré Mgr Pierre Galibert (1877-1965), évêque de Sao-Luis de Caceres, au Brésil, de 1915 à 195564.
54Couleur dominante jaune et or. Le retable représente la statue de Notre-Dame des Victoires à Paris encadrée de quatre personnages symbolisant les quatre continents : Europe, Amérique, Afrique et Asie. Armes de Paris à la clef de voûte.
55À gauche : Saint Augustin pleurant ses péchés : « Sanctus Augustinus libram confessionum meditans lavat lacrymis maculas criminis » [Saint Augustin, méditant sur le livre de ses confessions, lave de ses larmes les tâches de ses fautes].
56À droite : Sainte Marie Madeleine s’humilie au pied de Jésus : « Jesus ad Magdalenam : remittuntur tibi peccata multa quia dilexisti multum. » [Jésus dit à Madeleine : « Beaucoup de péchés te seront remis parce que tu as beaucoup aimé »].
57Couleur dominante brun jaune de la robe des carmélites. Le retable représente la sainte Vierge et l’enfant Jésus donnant le scapulaire au bienheureux Simon Stock, supérieur des carmes (1251), sainte Thérèse d’Avila se tenant à genoux à la droite de la Vierge. Armes du Carmel à la clef de voûte.
58En face de part de d’autre de la baie :
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une nuée vient exaucer les prières du prophète Élie : « Elias in vertice Carmeli pronus in terram orabat. Ecce nubecula parva quasi vestigium hominis ascendebat de mari » [Tandis qu’Élie priait, prosterné à terre, voici qu’une nuée petite comme un pied d’homme s’éleva de la mer].
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les disciples d’Élie et d’Élisée élèvent une chapelle sur le Mont-Carmel : « Eliae ac Elisei discipuli peculiari affectu B. Virginem venerantes primi omnium in monte Carmelo eidem B. M. sacellum construxerunt » [Les disciples d’Élie et d’Élisée, dans leur grande vénération pour la sainte Vierge, furent les premiers à élever une chapelle en son honneur sur le mont Carmel].
59À gauche : Saint Jean de la Croix répond à Notre Seigneur qui lui demande de choisir une récompense pour ses peines : « S. Joannes a Cruce interrogatus a Christo quid praemii posceret, respondit : Domine, pati et contemni pro te » [Saint Jean de la Croix, interrogé par le Christ sur ce qu’il demanderait comme récompense, répondit : « Seigneur, souffrir et être méprisé pour vous »].
60À droite : La Transverbération du cœur de sainte Thérèse : « Sancta Teresia tanti divini amoris incendio conflagravit, ut viderit angelum ignito jaculo sibi praecordia transverberantem » [Sainte Thérèse brûla d’un tel amour divin qu’elle vit un ange transpercer son cœur avec un dard enflammé].
61Couleur dominante : violette. Le retable représente la Vierge de Pitié : la désolation de Marie le vendredi saint, tenant le corps inanimé de Jésus sur ses genoux, avec saint Jean et sainte Marie Madeleine. Armes de Jérusalem à la clef de voûte.
62À gauche : La solitude et la douleur de la Vierge le samedi saint : « O quam tristis et afflicta fuit illa benedicta Mater unigeniti » [Oh qu’elle fut triste et affligée la bénie mère du fils unique !].
63À droite : Jésus ressuscité se présente à sa mère en méditation au matin de Pâques : « Resurrexi et adhuc sum tecum, alleluia ! » [Je suis ressuscité et de nouveau avec vous, alleluia !].
64En haut des grandes arcades figurent les armes (depuis le sanctuaire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) : Mgr Ramadié (1876-1884), Mgr de Jerphanion, Pie IX, Mgr de Daillon du Lude, les pères du tiers ordre régulier de saint François, l’évêque d’Albi Alphonse II d’Elbène (1608-1634), Léon XIII, Mgr Lyonnet.
65Dans le sanctuaire, sont les armes du baron de Lescure (côté est, appartenant à la baronnie puis à la commune de Lescure), des Amboise, seigneurs de Castelnau (côté ouest, appartenant à la baronnie de Castelnau, puis à la commune de Castelnau, puis de Saint-Sernin-les-Mailhoc, puis de Cagnac-les-Mines), et des villes chefs-lieux des quatre arrondissements du Tarn : Albi, Castres, Gaillac et Lavaur.
- 65 - L’ensemble de la présentation de cet ornement a été possible grâce au travail d’inventaire réalis (...)
- 66 - Ces esquisses ont été rassemblées, en 1920, par le père Léon Valette lui-même en un volume dans l (...)
- 67 - Albi, archives diocésaines, fonds des Clarisses de Mazamet, 4 R 4b, Journal de la communauté, 18 (...)
- 68 - MENUSET, p. 81.
66La peinture à l’aiguille n’aura jamais aussi bien porté son nom que dans l’exécution de cet ornement complet65. Le 11 février 1939, le père Ferdinand Fournès, curé de la Drèche depuis l’année précédente, après le décès du père Léon, se rend à Mazamet, où il fait part de son souhait à la mère supérieure, Marie-Thérèse-de-Jésus, de faire réaliser aux clarisses un ornement sur lequel seront reproduites toutes les peintures murales de l’église. Pour leur permettre de réaliser leur travail, il leur confie les esquisses que le peintre Bernard Bénézet avait fourni comme modèle au père Valette66. La raréfaction des fournitures pendant la seconde guerre mondiale retarde son exécution et il faudra trois ans aux religieuses pour livrer leur ouvrage que Mgr Moussaron, évêque d’Albi de 1940 à sa mort en 1956, étrennera le 30 août 1943. Les religieuses habituées à créer les décors de leurs broderies, font exception pour cet ouvrage d’envergure qui sera, avec l’ornement du Cinquantenaire celui qui comporte le plus de pièces67. Elles offrent le meilleur de leur savoir-faire et de leur finesse avec toute leur joie de savoir que cet ensemble est dédié à la Vierge68.
67Une chasuble, une étole de célébrant, une étole pastorale, une étole de diacre, trois manipules, un voile de calice, une bourse de corporal, une bourse de salut, une pale, un tour d’autel, un voile huméral, une chape et un conopée sont donc achevés à la fin de l’été 1943. Les deux dalmatiques sont terminées au mois de décembre de la même année.
68Les pièces sont en drap d’or souple dont le motif est à croix grecques enfermées dans un médaillon circulaire au milieu de grandes arabesques de feuillages. Le tour d’autel, dont on détaillera les scènes ultérieurement, est en tissu blanc, orné en partie inférieure, de glands faits à la main.
Fig. 8
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, a) chasuble, détail du dos ; b) vue d’ensemble de la pale
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
69La chasuble est de forme ample, mais conçue dans une étoffe souple. Entourant les épaules, tel un pallium, un large galon brodé habité de saints est fixé sur les deux faces. Chaque médaillon de la chasuble rend hommage à la Vierge et reprend les scènes peintes dans les six chapelles.
- 69 - Bienheureuse Vierge Marie de La Drèche.
- 70 - Armoiries de Mgr de Jerphanion : d’azur au chevron d’or accompagné en pointe d’un lys d’argent, t (...)
- 71 - Il s’agit des armoiries d’Achille de Solages, président des mines de Carmaux et de son épouse Ali (...)
70Au centre du dos (fig. 8a), au-dessus de l’inscription « beata virgo maria / de dextera69 », telle la statue, conservée dans le chœur de l’église, Notre-Dame de La Drèche est assise dans sa niche à arcature trilobée, cantonnée de gâbles. Couronnée, elle est vêtue d’une robe rose, d’un vaste manteau bleu et d’un ample voile de dentelle blanche. Elle porte sur ses genoux l’Enfant Jésus couronné et bénissant qui porte le globe, symbole de l’univers, dans sa main gauche. Cette architecture d’exposition est surmontée à senestre des armoiries de Mgr Jean-Joseph de Jerphanion70, et à dextre, des armoiries de la famille de Solages, bienfaitrice de l’église71.
71La broderie de la statue de Notre-Dame de la Drèche se retrouve également au centre de la pale (fig. 8b).
- 72 - Comme elle fut triste et affligée, la mère bénie entre toutes.
- 73 - Le Stabat Mater est un texte attribué au poète franciscain italien Jacopone da Todi, au XIIIe siè (...)
- 74 - Armoiries de Jérusalem : d’argent, à la croix de Jérusalem de gueules, cantonnée de quatre croix (...)
- 75 - Armoiries du Carmel, qui sont de sable chappé ployé, la pointe terminée en croix pattée d’argent, (...)
- 76 - Armoiries de Paris : de gueules à la nef équipée et habillée d’argent voguant sur des ondes du mê (...)
72Les autres médaillons de la chasuble sont tous composés de la même façon. La scène est brodée dans une arcature, surmontée d’une armoirie, le tout au-dessus d’une phrase écrite en latin, en rapport avec l’iconographie représentée. Au-dessous de la Vierge, se trouvent, de haut en bas, trois médaillons représentant successivement la Vierge revenant du Calvaire avec saint Jean. L’inscription « O quam tristis et afflicta fuit illa benedicta mater unigeniti72 » brodée est tirée du Stabat Mater73. Au-dessus, se distinguent les armes de Jérusalem74. Puis, Notre-Dame du Mont-Carmel grâce à la scène ou Élie obtient la pluie après trois ans de sécheresse et la présence des armoiries de l’ordre du Carmel75. Enfin, Notre-Dame des Victoires avec saint Augustin qui médite le Livre des confessions et les armoiries de la ville de Paris76.
73De part et d’autre de la Vierge, on retrouve les saints figurant autour de la voûte de la nef. Ils sont assis les uns au-dessus des autres et regardent tous vers le médaillon central. À gauche, de bas en haut, saint Joachim, saint Jean-Baptiste, saint Luc, saint Bonaventure, saint Bernard, saint François de Sales et saint Ignace font face à droite à saint Joseph, saint Simon apôtre, saint Cyrille de Jérusalem, saint Bernardin de Sienne, saint Pierre Nolasque, saint Alphonse de Liguori et saint Vincent-de-Paul.
- 77 - Armoiries des franciscains, appelées conformités franciscaines : sur fond d’azur, bras de saint F (...)
74Sur le devant (fig. 9), autour de Pie IX, pape de 1846 à 1878, appartenant au tiers-ordre franciscain, qui définit en 1854 le dogme de l’Immaculée conception de la Vierge, née sans péché (Pius IX T. O. F. infaillibili oraculo /immaculatam conceptionem definit), ce sont les saintes qui se font face. À gauche, sainte Anne, sainte Élisabeth, sainte Catherine de Sienne, sainte Jeanne de Chantal, sainte Jeanne de France et à droite, sainte Marie-Madeleine, sainte Clotilde, sainte Cécile, sainte Gertrude, sainte Rose de Viterbe, sainte Thérèse d’Avila et sainte Germaine de Pibrac. Au-dessus du pape, on reconnaît les armoiries des franciscains77.
Fig. 9
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, a) chasuble, vue d’ensemble du devant et b) détail
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
- 78 - Armoiries des dominicains : d’argent chappé ployé de sable à la couronne d’or brochant sur la poi (...)
- 79 - Armoiries des bénédictins : d’azur à la croix patriarcale d’or posée sur un mont à trois cimes av (...)
- 80 - Armoiries du tiers-ordre régulier de saint François : d’or à la fleur de lys au naturel [ ?] ento (...)
- 81 - Chapelle en l’honneur de la B. V. Marie dite de La Drèche.
- 82 - Journal de la communauté, 22 septembre 1940.
75Au-dessous de Pie IX, trois scènes sont brodées, évoquant, elles-aussi, les peintures des chapelles. De haut en bas, c’est Notre-Dame du Rosaire qui est honorée avec Pie V, pape de 1566 à 1572, qui a attribué sa victoire contre les Turcs à Lépante au rosaire. Au-dessous, les armoiries de l’ordre des dominicains78 auquel appartenait Pie V. Puis, Notre-Dame des Anges est évoquée dans la scène suivante par la présence d’Honoré III, pape de 1216 à 1227, qui concède à saint François l’indulgence de la Portioncule. Au-dessus, les armoiries des bénédictins79. Le dernier médaillon représente l’église Notre-Dame de la Drèche surmontée des armoiries du tiers-ordre régulier de saint François80. Elle porte l’inscription « sacellum in honorem B. V. Mariae de Dextera dicatum81 », au-dessus de la signature des Clarisses de Mazamet. En effet, les religieuses ont représenté leur monastère tout en bas de la chasuble à la demande du père Ferdinand qui leur réclame une signature visible82.
Fig. 10
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, a) vue d’ensemble de l’étole pastorale, de l’étole de diacre et de l’étole de célébrant (de droite à gauche), et b) détail de l’étole du célébrant : saint François prêchant aux oiseaux
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
- 83 - Armoiries de Pie X : d’azur à l’ancre de sable posée sur une mer d’argent et d’azur accompagné en (...)
- 84 - Armoiries de Léon XIII : d’azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au (...)
76Les étoles de célébrant et de diacre, les trois manipules, le voile de calice et la bourse de corporal sont sobrement brodés (fig. 10) : une croix sur un bandeau en drap d’or uni, orné de trois feuilles brodées. L’étole pastorale est plus richement ornée. Dédiée à saint François, elle reprend les peintures du chœur des pères missionnaires. Sur une face, saint François d’Assise prêche aux oiseaux, sous les armoiries du pape Pie X83, pape de 1903 à 1914 et au-dessus des armoiries des franciscains. Sur l’autre face, saint François touche le lépreux. Au-dessus, se trouvent les armoiries du pape Léon XIII84, pape de 1878 à 1903, et au-dessous, celles du tiers-ordre régulier de saint François.
Fig. 11
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, vue d’ensemble du tour d’autel
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
77Le tour d’autel (fig. 11) mérite une attention particulière. Les scènes des peintures murales emblématiques de l’histoire de la Drèche y sont en effet représentées dans les arcatures, en alternance avec un décor d’un vase à huit feuilles. Le tour d’autel est bordé en partie supérieure d’une bande de tissu blanc et orné de glands en partie inférieure.
78De gauche à droite, on retrouve cinq scènes de l’histoire de la Drèche. Les deux latérales sont celles des grands panneaux peints dans le sanctuaire et la scène centrale est celle représentée au centre de la voûte :
Fig. 12
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, tour d’autel, détail : l’histoire de la découverte de la statue de la Vierge à l’Enfant dans un roncier par les bergers, mise en perspective de l’esquisse de Bernard Bénézet, de la peinture murale et de la broderie des Clarisses de Mazamet
© Association Mato Grosso, et M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 13
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, tour d’autel, détail de saint Dominique priant aux pieds de la Vierge de la Drèche, mise en perspective de l’esquisse de Bernard Bénézet, de la peinture murale et de la broderie des Clarisses de Mazamet
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Fig. 14
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, tour d’autel, détail : les consuls d’Albi offrent la lampe d’argent, le 2 juillet 1632, selon leur vœu prononcé pendant l’épidémie de peste de 1630, mise en perspective de l’esquisse de Bernard Bénézet, de la peinture murale et de la broderie des Clarisses de Mazamet
© Association Mato Grosso, et M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 15
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, tour d’autel, détail : les deux sœurs cachent la statue de la Drèche, en 1794, pour la mettre à l’abri des pillages révolutionnaires, mise en perspective de l’esquisse de Bernard Bénézet, de la peinture murale et de la broderie des Clarisses de Mazamet
© Association Mato Grosso, et M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
79La chape (fig. 16) reprend les scènes figurant en haut de la nef consacrant « Marie vivante » avec, au centre du chaperon, une grande Assomption de la Vierge s’élevant dans le ciel tandis que les apôtres trouvent son tombeau empli de fleurs. Un large galon habité d’anges portant un scapulaire, un chapelet, un encensoir, un instrument de musique et un livre, borde le chaperon. Dans la pointe du chaperon, on retrouve les armoiries du tiers ordre régulier de saint François. Cette pièce est la plus grande de l’ornement, cinq hauteurs de tissu constituent la robe de la chape ; le chaperon n’est pas superposé mais directement brodé sur le tissu de fond, avec une finition à la pointe faite d’un gland de fabrication artisanale.
80Parmi les quatorze scènes de la vie de la Vierge présentes sur les peintures murales, huit d’entre-elles sont développées sur les orfrois.
Fig. 16
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, chape, vue d’ensemble
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
- 85 - Armoiries de Pie XII : d’azur à la colombe à la tête renversée tenant en son bec un rameau d’oliv (...)
- 86 - Armoiries de Mgr Moussaron : D’azur à la Vierge d’Auch d’argent, accompagnée de trois rocs d’échi (...)
- 87 - Armoiries de Castres : d’argent, à quatre emmanches de gueules, mouvantes du flanc senestre de l’ (...)
- 88 - Armoiries de Lavaur : de gueules au château à trois tours crénelées d’argent, maçonnées de sable, (...)
81À gauche, du 1er au 4e rang, on retrouve les fiançailles de Marie et Joseph surmontées des armoiries de Pie XII85, pape de 1939 à 1958, la Nativité, au-dessus des armoiries de Mgr Moussaron86, archevêque d’Albi de 1940 à 1956, la Crucifixion avec la Vierge et Marie Madeleine au pied de la croix, surmonté des armoiries de la ville de Castres87 et la Pentecôte, avec les armoiries de la ville de Lavaur88.
- 89 - Armoiries de Pie IX : écartelé en 1 et 4 d’azur au lion couronné d’or et en 2 et 3 d’argent aux d (...)
- 90 - Armoiries de Mgr Mignot : Tranché d’or à la croix potencée de gueules et d’azur à la branche d’ol (...)
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- 92 - Armoiries de Gaillac : d’azur au coq d’or, qui semblent avoir été légèrement modifiées.
82Sur l’orfroi de droite, dans le même ordre, se distinguent la Présentation de la Vierge au temple, avec ses parents, Joachim et Anne, qui restent au bas des marches. La scène est surmontée des armoiries du pape Pie IX89 (1846-1878), régnant au moment de la construction de l’église, l’Annonciation de la venue de Jésus à Marie, Ave Maria gratia plena, accompagnée des armoiries de Mgr Mignot90, archevêque d’Albi de 1900 à 1918, la Présentation de Jésus au temple sous les armoiries de la ville d’Albi91 et enfin, la résurrection du Christ à sa mère. Avec les armoiries de la ville de Gaillac92.
Fig. 17
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, conopée, vue d’ensemble
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
83Vu de face, il ressemble à l’entrée d’une tente dont le sommet serait à pans obliques (fig. 17). L’ensemble est monté sur une structure métallique auquel il est fixé grâce à des velcro.
84Les deux rideaux sont surmontés d’un panneau transversal brodé de deux anges dont les vêtements sont nuancés du rosé au rouge ; ils sont en adoration devant l’hostie. Les rideaux sont ornés de huit personnages, quatre anges, et quatre saintes qui ont œuvré pour les ordres religieux et qui sont représentées autour de la voûte. Sur le rideau de gauche, de haut en bas, sainte Thérèse, réformatrice des carmélites, est agenouillée au-dessus d’un ange de même, qui tient un encensoir fumant ; en partie inférieure, sainte Claire, fondatrice des clarisses, est assise sur un rocher ; elle tient respectueusement un reliquaire rayonnant. Derrière elle, un ange, un genou à terre, présente une rose.
85Sur le rideau de droite, de haut en bas, sainte Scholastique, sœur de saint Benoît qui institue les bénédictines, au-dessus d’un ange qui tient un encensoir fumant, identique à son symétrique. En bordure inférieure, sainte Colette, réformatrice des clarisses, prie devant un ange tenant un lys.
Fig. 18
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, dalmatique 1, vue d’ensemble du devant
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 19
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, dalmatique 2, vue d’ensemble du devant
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
- 93 - Journal de la communauté, 3 septembre 1943 : « Sont exposés dans les cloîtres le conopée et la bo (...)
86Les dalmatiques (fig. 18, 19) ont été livrées au mois de décembre 1943, plus de trois mois après la livraison des autres pièces de l’ornement. Les clarisses ont pu terminer leur travail et le contempler dans le cloître de leur monastère comme cela avait été le cas pour les autres pièces aux mois d’août et septembre93. Les larges manches sont fermées par des coutures, les pans inférieurs des vêtements sont laissés ouverts, avec une simple cordelette cousue de chaque côté. Les encolures sont arrondies, à petits collets de dentelle. En bordure des manches, des petits angelots sont brodés.
87Le décor brodé reprend les personnages de l’Ancien Testament présents dans le registre « Marie figurée » tout autour de la nef et dans celui de « Marie annoncée », à la tribune, accompagnés d’un grand nombre d’anges et d’archanges peints au-dessus des grands panneaux dans le sanctuaire. Ils sont représentés, tels que sur les peintures murales, en grandes figures. Les anges sont placés au centre d’arcatures alors que les saints sont épurés de tout décor alentour.
88Sur le devant de la première dalmatique, de haut en bas, deux anges chantent l’Ave Maria en jouant de la mandoline et en priant suivis de Jocabed, mère de Moïse qui fait face à Esther, femme d’Assuérus. Elles encadrent un ange tenant un phylactère avec l’inscription Salve regina. En dessous, deux anges chantent l’Ave Maria avec chapelet et encensoir en mains. Au troisième registre, Ruth et Jaël sont représentées au-dessus de deux anges qui chantent l’Ave Maria en jouant d’une sorte de violon et en priant. Sur le dos, se retrouve l’alternance entre les anges et les saints, dont Isaïe qui fait face à Moïse avec, entre eux, la scène du péché originel, représentée à la tribune, où l’on voit Adam et Ève chassés du Paradis, rachetés par la Vierge et l’Enfant Jésus. Au rang suivant, deux anges tenant sceptre et scapulaires chantent Ave Maria, au-dessus de la fille de Jephté, Juges, qui fut sacrifiée en holocauste et qui fait face à Rachel, épouse de Jacob.
89Le décor de la seconde dalmatique est organisé de la même façon. Sur le devant, de haut en bas, deux anges chantent l’Ave Maria suivis de la mère des Macchabées, qui fait face à Sara, femme d’Abraham, à qui un ange annonce enfin la naissance d’un enfant. Elle encadre l’image d’un ange portant un phylactère avec l’inscription refugium peccatorum, asile des pécheurs, une des appellations de la Vierge Marie, intercesseur des hommes auprès de Dieu. Au-dessous, deux anges chantent l’Ave Maria en présentant deux panneaux, portant respectivement les noms Maria et Isaac. Au quatrième registre, Éliezer de Damas, le serviteur d’Abraham, parti pour trouver une épouse pour Isaac, rencontre Rebecca près d’un puits et lui offre des bracelets, en face de la mère de Samson qui se voit annoncer la naissance de son fils par un ange. Au registre inférieur, deux anges chantent l’Ave Maria. Dans le dos, de haut en bas, au-dessous des anges chantant l’Ave Maria, le grand prophète Ézéchiel et le roi David, tenant des phylactères, encadrent l’archange saint Michel. On reconnaît ensuite les archanges Gabriel et Raphaël, tenant respectivement une tige fleurie rappelant l’Annonciation et un bâton de guide dans une main et, dans l’autre, le poisson qui sauva Tobie. Enfin, au quatrième registre, Josabeth, tante qui sauva son neveu, Joas, de la mort, fait face à Abigail.
90La Communion de la Vierge est brodée sur la totalité de la face de la bourse (fig. 20). Cette scène se retrouve dans le registre « Marie vivante » parmi les 14 scènes de la vie de la Vierge qui entourent les baies géminées en haut de la nef.
Fig. 20
Albi (Tarn), Sanctuaire de La Drèche, bourse de salut
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
91L’ensemble des pièces de cet ornement est remarquable, tant par sa qualité d’exécution que par sa composition. Il est, selon la commande du père Ferdinand, conforme au vœu du père Clausade, à la gloire de la Vierge Marie. Les clarisses, sitôt leur ouvrage terminé, en ont fait un objet d’admiration, presque de dévotion.
- 94 - Cf. notamment l’article introductif de ce numéro de la revue et l’article d’Astrid Castres sur la (...)
92La qualité des broderies des Clarisses de Mazamet a déjà justifié la protection au titre des monuments historiques de plusieurs de leurs réalisations dans le Tarn, entre 2010 et 2015 : à Saint-Benoît de Castres, un tableau en broderie à l’image de sainte Thérèse de Lisieux et un ornement blanc ; à l’église Notre-Dame de Mirandol-Bourgnounac, une chape blanche ; conservés dans le trésor de la cathédrale d’Albi, l’ornement au Christ-roi, un ornement or avec Jésus et saint Jean l’Évangéliste (Cène), un ornement de velours rouge avec une Crucifixion dans le dos, un ornement de velours noir, une mitre de Mgr Durand ainsi qu’une deuxième, une chape blanche ornée sur le chaperon de la Présentation de la Vierge au temple, un ensemble chape, mitre et étole du jubilé de Mgr Moussaron, en 1951. Il est fort dommage que les éléments de deux ornements essentiels du monastère – l’ornement à l’arbre franciscain et celui des fêtes du Cinquantenaire – soient aujourd’hui physiquement séparés, certains aux archives diocésaines et d’autres à Nages, en mains privées. Cependant, la présente étude sur l’ornement de La Drèche ainsi que le travail global94 sur les broderies des Clarisses de Mazamet avec l’inventaire des textiles de leur fonds déposé aux archives diocésaines permettent d’envisager de nouvelles protections et éventuellement de revoir le statut des anciennes, certains ensembles méritant qu’un classement au titre des monuments historiques soit discuté.