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Dossier

Des premiers témoins médiévaux aux broderies des Clarisses de Mazamet : une petite histoire de l’or nué (XIVe-XXe siècle)

From the first medieval witnesses to the embroideries of the Poor Clares of Mazamet: a little history of or nué (14th century-20th century)
Astrid Castres

Résumés

Au cours de la première moitié du XXe siècle, les Clarisses de Mazamet remirent à l’honneur une technique ancienne de broderie : l’or nué. Apparu au XIVe siècle, ce procédé était réputé avoir disparu au XVIIIe siècle. Afin d’appréhender le processus d’appropriation d’un savoir-faire du passé et ses enjeux à l’époque contemporaine, cet article propose de replacer les expérimentations des moniales dans le temps long de l’histoire de l’or nué, de la fin du Moyen Âge au XXe siècle.

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Texte intégral

Je tiens à remercier très chaleureusement Josiane Pagnon de m’avoir associée à ce projet et pour toutes les informations qu’elle m’a communiquées avec beaucoup de générosité, ainsi que Matteo Gianeselli, Anne Labourdette et Guy-Michel Leproux pour leur aide précieuse.

De l’or nué, ah !
il n’y avait pas de plus beau travail, monsieur.
Émile Zola, Le Rêve (1888)

  • 1 - MENUSET, 2000, p. 16 ; Textiles sacrés du Tarn, p. 30-32 et 96.
  • 2 - À ce sujet, voir l’article de Josiane Pagnon dans ce même numéro.
  • 3 - Les ateliers de dessin et de broderie des Clarisses de Mazamet étaient respectivement appelés Sai (...)
  • 4 - Le « couché nuancé » ou « couché ombré » est une technique définie par Louis de Farcy qui consist (...)
  • 5 - Un filé or ou argent est composé d’une lame d’argent doré ou d’argent, enroulée autour d’une âme (...)

1Au cours de la première moitié du XXe siècle, les ateliers des Clarisses de Mazamet acquirent une solide réputation dans la confection d’ornements liturgiques. Celle-ci est bien attestée dès la fin des années 1910 par l’afflux des commandes et par la diffusion de leur production, en France et à l’étranger1. Reconnues expertes en leur art, elles furent sollicitées par les communautés voisines, Carmélites de La Rochelle, Franciscaines du Temple et Clarisses de Nîmes, pour recevoir d’elles une formation ou pour la fourniture de modèles2. Leur renommée se fondait autant sur la qualité des dessins qu’elles exécutaient au sein de l’atelier Saint Gabriel que sur l’excellence de leurs travaux de peinture à l’aiguille et de broderie or3. Leurs recherches, nourries par des séances de lecture collective, les conduisirent à remettre à l’honneur un procédé ancien, l’or nué. Cette technique tire son origine des broderies d’or « couché nuancé » qui avaient été repérées par Louis de Farcy dans les nimbes de saints personnages brodés au XIIIe siècle4. Apparue au XIVe siècle, elle consiste à disposer des filés or sur un fond, puis à les recouvrir perpendiculairement, en les embrassant deux par deux, par des points de soie colorés et nuancés (fig. 1)5. Luxueuse et difficile d’exécution, elle était réputée avoir disparu au XVIIIe siècle. Comment et par quels canaux fut-elle réintroduite dans les ateliers du couvent ? Sur quelles sources les sœurs se sont-elles appuyées pour la mettre en œuvre ? Enfin, quelles sont les spécificités de leur pratique par rapport à celle des artisans des XVe et XVIe siècles ?

Fig. 1

Fig. 1

Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (détail), vers 1550 (E. Cl. 13224)

© A. Castres

2Pour apporter quelques éléments de réponse à ces questions et examiner plus avant le processus d’appropriation d’un savoir-faire du passé au XXe siècle, cet article propose de replacer leurs expérimentations dans le temps long de l’histoire de l’or nué. Il s’agira tout d’abord de proposer une première définition du procédé en en décomposant les différentes étapes de création telles qu’elles sont décrites, à partir du XVIIe siècle, dans la littérature technique. Ces informations, déduites de sources normatives, seront ensuite confrontées à celles que l’on peut tirer de l’analyse des œuvres et de documents d’archives afin d’appréhender les pratiques et usages de l’or nué, depuis les premiers témoins du XIVe siècle à la désaffection pour cette technique au XVIIIe siècle. Enfin, à travers les entreprises de « redécouverte » du procédé aux XIXe et XXe siècles, en premier lieu desquelles celle des Clarisses de Mazamet, les enjeux de la remise au jour à l’époque contemporaine d’une technique oubliée seront abordés.

L’or nué dans la littérature technique (XVIIe- XIXe siècle)

  • 6 - DUBOURG GLATIGNY et VÉRIN, 2008.

3Il faut attendre l’époque moderne et le développement de projets éditoriaux visant à la mise en ordre méthodique de savoirs pratiques, jusqu’alors seulement connus et transmis oralement au sein des ateliers, pour que soient publiées les premières descriptions des techniques de broderie en France6. L’étude d’un corpus resserré de ces textes et traités imprimés permet de recueillir de précieuses informations sur la chaîne de fabrication d’un décor d’or nué et sur l’évolution du regard porté sur ce procédé entre le XVIIe et le XIXe siècle.

  • 7 - BINET, 1621, « Epistre necessaire au lecteur judicieux ». Au sujet de cet ouvrage, lire notamment (...)
  • 8 - BINET, 1621, p. 536 et 540. On appelle soie plate un fil de soie dont les fibres sont assemblées (...)

4Le Jésuite Étienne Binet (1569-1639) est sans doute l’auteur de l’une des plus anciennes définitions à vocation pédagogique de l’or nué qui nous soient parvenues. Son Essay des merveilles de nature et des plus nobles artifices (1621) est un manuel destiné à « ceux qui font profession d’éloquence ». Afin que ces derniers ne soient jamais pris au dépourvu, l’ouvrage rassemble des savoirs sur des objets divers (rossignol, ambre gris, or battu en feuille, etc.). L’auteur assure dans une épître introductive qu’il a « visité les boutiques, & disputé avec de fort bons maistres » pour recueillir ces renseignements7. Le chapitre XXV est consacré aux ouvrages de broderie. On y apprend que la « besongne d’Eglise, se fait d’or nüé pour la plus riche », que la soie plate est la plus adaptée à la mise en œuvre de cette technique et que c’est sur la bonne maîtrise de celle-ci qu’étaient évalués les compagnons qui désiraient accéder à la maîtrise8. Le processus de création du décor et les effets obtenus par l’association subtile de fils d’or et de soie sont ensuite succinctement exposés, en suivant les procédés de l’art oratoire :

  • 9 - BINET, 1621, p. 540.

Or nüé, c’est l’or qui se lance aux bouts, & est nüé de soye, c’est pourquoy il se nomme nüé ; car faites estat que la beauté de la broderie consiste en un artiste meslangé de couleurs ; l’or tout seul est riche, mais n’est pas gay, partant on le nüe, on l’ombrage, on le diversifie, y façonnant dessus avec la soye de diverses couleurs mille sorte de fantasies9.

  • 10 - Charles-Germain de Saint-Aubin appartient à une famille d’artistes à laquelle les frères Goncourt (...)
  • 11 - Au sujet des Descriptions des Arts et métiers voir notamment DAUMAS et TRESSE, 1954 et NÈGRE, 201 (...)

5Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la démarche de Charles-Germain de Saint-Aubin (1721-1786) fut tout autre (Annexe I)10. Son traité, l’Art du brodeur, a été publié en 1770 au sein des Descriptions des arts et métiers faites ou approuvées par messieurs de l’Académie royale des sciences11. Illustré de dix planches gravées sur cuivre en taille-douce, l’ouvrage s’inscrit dans le contexte des grandes entreprises éditoriales techniques du XVIIIe siècle et fixe pour la première fois une terminologie complète et détaillée de l’art de la broderie, de ses outils et de ses gestes. Deux pages, accompagnées d’une illustration, sont consacrées à l’or nué (cf. annexe I). La chaîne des opérations est cette fois décomposée, depuis le report du dessin sur l’étoffe jusqu’à l’exécution finale, tandis que l’exposé est complété par un descriptif des points associés pour le rendu des chairs et des chevelures des personnages. En revanche, rien n’est dit sur les qualités et propriétés des fils à employer, une preuve supplémentaire, s’il en fallait une, que ce traité ne s’adressait pas en premier lieu à des professionnels.

  • 12 - On peut se faire une idée de ce dessin à « traits un peu gros » à partir des photographies prises (...)
  • 13 - La couchure s’effectuait d’ordinaire avec des broches (outil en buis, dont la tête est fendue et (...)
  • 14 - Un corporalier est une boîte dans laquelle on range les corporaux.
  • 15 - Le point fendu est un point exécuté en ligne qui consiste à faire un premier point, puis à repiqu (...)

6Avec méthode, Saint-Aubin commence par donner des indications sur le support. Celui-ci devait être de taffetas, doublé d’une toile un peu forte, sur lequel le motif était dessiné à « traits un peu gros »12. Deux options s’offraient ensuite au brodeur. La première, que l’auteur considère être la « plus générale & magnifique », consistait à coucher les filés or sur toute la surface de l’étoffe, en les fixant par des petits points aux bords13. La seconde, plus économique, était d’épargner les parties prévues pour les carnations et de ne pas lancer l’or en dessous (fig. 2). Une fois cette étape achevée, l’ouvrier venait recouvrir les filés or, en les embrassant perpendiculairement deux par deux, avec des points de soie colorés et nuancés (fig. 3). Pour effectuer ce travail, il s’appuyait sur un modèle peint placé devant lui et devait avoir à portée de main toutes ses aiguilles chargées des fils des différentes couleurs. Les effets de dégradés étaient obtenus par le nuement des teintes des fils, les lumières par un léger espacement des points de soie qui laissaient apparaître l’or du dessous et les zones d’ombre par des points jointifs qui le dissimulaient complètement. Un corporalier conservé au musée d’Écouen, brodé vers 1550 d’une scène de Déploration du Christ mort d’après un modèle attribué au peintre parisien Jean Cousin, est un bon exemple de l’excellence acquise en ce domaine par les artisans de la capitale au XVIe siècle (fig. 4)14. Deux points, associés au procédé, sont cités par Saint-Aubin : le point de bouture (points verticaux imbriqués, réguliers, très fins) employé pour les carnations et le point fendu pour les chevelures, barbes et poils. On retrouve l’un et l’autre sur le corporalier, combinés au point de tige lorsqu’il s’est agi de souligner les lignes des contours15.

Fig. 2

Fig. 2

Paris, musée du Louvre, Claude de Lucz, parement haut de la chapelle de l’ordre du Saint-Esprit, La Pentecôte (détail de l’un des personnages du médaillon central), 1585-1587 (MS 6412)

© A. Castres

Fig. 3

Fig. 3

Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (détail. Les vêtements des personnages et les fonds sont en or nué, les carnations au point de bouture, les lignes de contour au point de tige et les cheveux et barbes au point fendu. Des cordonnets viennent liserer les draperies, détails et architectures), vers 1550 (E. Cl. 13224)

© A. Castres

Fig. 4

Fig. 4

Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (vue d’ensemble), 29,5 x 26,1 x 4 cm, vers 1550 (E. Cl. 13224)

© A. Castres

7Au sein de l’éventail des techniques pratiquées par les brodeurs durant l’époque moderne, l’or nué était perçu comme la plus prestigieuse, la plus exigeante, la plus longue et difficile d’exécution. Au XVIIIe siècle, il semble pourtant être passé de mode et, en 1770, Saint-Aubin dresse le constat suivant :

  • 16 - SAINT-AUBIN, 1770, p. 13.

On ne voit plus guere de cette précieuse Broderie, que sur les orfrois des anciens ornements d’Eglise ; la dépense en est considérable, & les Ouvriers en ont à peu de choses près, perdu l’habitude & le talent16.

  • 17 - Il n’est pas mentionné dans L’Encyclopédie des ouvrages de dames de Thérèse de Dillmont.

8Le processus de désaffection se poursuivit ensuite. Aux XIXe et XXe siècles, l’or nué était définitivement associé à un passé révolu, celui des chefs-d’œuvre textiles des XVIe et XVIIe siècles. Il n’était plus guère enseigné, n’est pas décrit dans les ouvrages spécialisés17, mais seulement cité, en passant, par Élisabeth Celnart dans son Nouveau manuel complet de la broderie (Manuel Roret) paru en en 1840 :

  • 18 - CELNART, 1840, p. 247.

quant à la broderie en or nué, déjà perdue sous St.-Aubin à raison de ses frais énormes, (…) nous n’entrerons dans aucun détail précis, parce que ce seraient des détails inutiles pour la grande majorité des lecteurs18.

La pratique de l’or nué dans les ateliers de broderie (XIVe-XVIIIe siècle)

9Avant que Saint-Aubin ne fige une fois pour toute sa définition, l’or nué avait été pratiqué quatre siècles durant dans les ateliers de broderie et le texte de L’Art du brodeur ne rend que partiellement compte de l’ensemble des formes, gestes et procédés que la mise en œuvre de cette technique a suscités au fil du temps et suivant les zones géographiques. Des informations relevées dans divers documents d’archives (comptes, actes notariés, règlements de métier), confrontées à celles déduites de l’analyse des textiles subsistants, permettent d’appréhender des évolutions sur la longue durée et une plus grande diversité de formules que ne laisserait supposer la seule lecture du traité.

  • 19 - Ces deux comptes sont conservés à Paris aux Archives nationales (Paris, Arch. nat., KK 8) et ont (...)
  • 20 - DOUËT D’ARCQ, 1851, p. 146 et 298.

10Les mentions les plus anciennes d’« or nué » qu’il a été possible de relever datent de 1352 et sont extraites de deux comptes du roi de France Jean II19. Elles correspondent au décor brodé sur un chaperon d’écarlate et sur un chapeau à parer, tous deux ornés de scènes figurées complexes comprenant des motifs en or nué20. Sur le second, des enfants « fais d’or nué prés du vif » étaient représentés en train de faire tomber des glands de chêne qui étaient rendus par des perles de compte. Les branches des arbres étaient brodées de grosses perles et le feuillage d’or de Chypre [filés d’or fin]. Sous les chênes, des porcs et des sangliers étaient eux aussi brodés d’or nué « prés du vif » et, au-dessus, des « oiseaux de plusieurs et étranges manieres », exécutés dans la même technique. La scène était située sur une terrasse, semée de fleurettes d’or à « un point de perles » et peuplée de « bestellettes ». Des quintefeuilles d’or, des perles, des émaux de plique et des grenats venaient compléter ce luxueux décor.

  • 21 - Numéro d’inventaire Cl. 12923. Sur le site des photos de la RMN, regarder en particulier le clich (...)
  • 22 - La guipure est une technique de broderie or qui consiste à coucher des filés, lames ou canetilles (...)

11Contrairement au processus de création décrit par Saint-Aubin, l’or nué n’était pas employé ici sur l’ensemble de la scène mais était réservé à des éléments isolés (enfants, sangliers, oiseaux) et associé à d’autres techniques : broderie de perles, couchure, application d’orfèvrerie, etc. C’est aussi de cette manière qu’on le voit mis en œuvre quelques décennies plus tard sur la mitre du trésor de la Sainte Chapelle, brodée à Paris vers 1375-1390, aujourd’hui conservée au musée de Cluny21. Les éléments d’architecture sont d’or guipé, rehaussés de perles22. Les draperies des personnages sont de filés or en couchure ou rendues par des aplats colorés traités au point fendu, tandis que la terrasse sur laquelle sont figurés la Vierge et les Rois mages est en or nué. Dans ce témoin matériel précoce de l’emploi du procédé, le sens vertical des filés, inversé par rapport à celui en usage, à quelques exceptions près, aux XVe et XVIe siècles, pourrait être l’indice d’une technique dont la marche n’était pas encore fixée.

  • 23 - On peut citer le panneau représentant une scène de la vie de saint Jean Gualbert, brodé à Florenc (...)
  • 24 - Pour une analyse technique de l’ensemble, voir Schmitz-von LEDEBUR, 2008b.
  • 25 - À ce sujet, lire Schlosser, 1912 et Schmitz-von LEDEBUR, 2008a.
  • 26 - Panneaux du parement de San Giovanni, 1466-1487, Florence, Museo dell’Opera del Duomo (d’après An (...)

12Les textiles brodés d’or nué sont plus nombreux à nous être parvenus pour le XVe siècle. Durant cette période, si l’on observe toujours son emploi partiel et localisé sur un motif ou un élément du décor23, une autre formule devint peu à peu la norme, celle-là même décrite par Saint-Aubin en 1770. Elle consiste à employer l’or nué sur toute la largeur d’un panneau, associé à un travail de peinture à l’aiguille pour les carnations. L’effet général obtenu évoque les tapisseries de lisse tandis que les filés métalliques couchés sur toute la surface du fond confèrent à ces textiles une rigidité qui convenait bien aux tentures et aux ornements liturgiques. On voit cette combinaison magistralement mise en œuvre dès 1425-1440 dans la chapelle de l’ordre de la Toison d’or, aujourd’hui conservée à Vienne (Kunsthistorisches Museum, Weltliche Schatzkammer)24. L’ensemble est constitué de deux parements d’autel, haut et bas, de trois chapes, d’une chasuble, d’une dalmatique et d’une tunique. Vraisemblablement commandé par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, il fut exécuté d’après des modèles attribués au maître de Flémalle (identifié à Robert Campin) et à Hubert van Eyck25. Au cours de la seconde moitié du XVe siècle, des broderies associant elles aussi or nué et peinture à l’aiguille furent créées d’après des compositions d’Antonio del Pallaiolo et de Sandro Botticelli dans les ateliers florentins26. Ce procédé, qui permettait de rendre au mieux les effets picturaux d’un patron fourni par un peintre, s’imposa au XVIe siècle.

  • 27 - En 1316, l’épreuve du chef-d’œuvre est mentionnée dans les règlements sans en préciser la nature (...)
  • 28 - Paris, AN, Y 10, fol. 268v-269.
  • 29 - Paris, AN, Y 10, fol. 174, 179v et 180v ; Y 12, fol. 269v.
  • 30 - Paris, AN, Minutier central, XX, 76, 1569, 10 octobre et LXXXVI, 94, 1548, 2 juillet.

13L’or nué étant particulièrement difficile d’exécution, à Paris les aspirants à la maîtrise étaient évalués sur cet exercice, au moins depuis le milieu du XVIe siècle. Dans une version des statuts enregistrés au Parlement en 1552, présentée au roi le 4 janvier 1549 (n. st.), l’épreuve du chef-d’œuvre est pour la première fois décrite avec précision27. L’ouvrage devait être exécuté d’après un modèle en noir et blanc sur papier commandé à un peintre. Il était « d’or nué, lansé a travers, et les v[i]saiges et nudz boutez de soyes tainctes en couleur incarnat, sans laneures [laines] »28. La durée de l’exercice fit l’objet de débats, avant d’être fixée à trois semaines en 1552, puis à un mois en 156729. Quant aux sujets représentés, des mentions relevées dans les inventaires après décès de brodeurs parisiens permettent de s’en faire une meilleure idée : « une histoire de Nostre Seigneur priant au jardin d’Olyviers d’or nué » pour Claude Chenet l’ancien (1569) et « un Dieu et Eustache faict d’or nué, tout au travers, qui est l’istoyre du chef d’ebvre de Jehan Bauldry », trouvé chez Denis Gervais en 154830.

  • 31 - Liste établie à partir des marchés retrouvés pour le XVIe siècle.
  • 32 - Sur cet ensemble, voir ALCOUFFE, 1994. Le médaillon de l’Annonciation a été en grande-partie rebr (...)

14Tout au long du XVIe siècle, l’or nué est demeuré une technique prisée, employée aussi bien pour la broderie d’ornements liturgiques ou de confrérie (orfrois de chape, de tunique, de dalmatique et de chasuble, corporaliers, parements d’autel, corsets et dais de confrérie) que sur des pièces d’ameublement (tentures, pentes et ciels de lit)31. Cet engouement permet d’expliquer le soin avec lequel les brodeurs parisiens se sont attachés à en encadrer la pratique dans leurs règlements. Ainsi, l’or nué est la première des techniques à être citée dans les statuts de 1552, avant l’or clair et l’or fin sur velours. Dans l’objectif de passer maître ou dans l’espoir de percevoir de meilleures rémunérations au titre d’ouvriers qualifiés, certains compagnons cherchèrent à s’y former en particulier. Ce fut le cas de Jean Moreau qui, le 13 septembre 1564, entra pour un an au service du brodeur parisien Jacques Damaye (Annexe 2). L’une des clauses du contrat, aujourd’hui conservé aux Archives nationales, est atypique : dans le cas où une commande de broderie en or nué se présenterait, Jacques Damaye s’engageait à en apprendre la technique à son compagnon. De cette luxueuse production des ateliers de la capitale, bien documentée par les archives, seuls quelques textiles nous sont parvenus. Parmi eux, deux parements d’autel, haut et bas, timbrés des médaillons de la Pentecôte et de l’Annonciation sont aujourd’hui conservés au musée du Louvre32. Exécutés en or nué, au point de bouture, fendu et de tige par le brodeur du roi Claude de Lucz et ses ouvriers entre 1585 et 1587, ils étaient destinés aux prestigieuses cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit, fondé par Henri III en 1578.

  • 33 - À côté d’objets destinés à être offerts au pape Léon XIII à l’occasion de son jubilé de 1887, cet (...)
  • 34 - Paris, BnF, Mss, fr. 21792, fol. 498v.
  • 35 - LESPINASSE, 1891, p. 181.
  • 36 - BRUNA, 2018, p. 191.

15Le goût pour l’or nué tendit ensuite à décliner. Au XVIIe siècle, son usage semble se restreindre progressivement aux broderies religieuses, seule destination à être citée par Étienne Binet en 1621, avant de tomber peu à peu en désuétude. Il est probable que les couvents en ont fait perdurer la tradition un peu plus longtemps que les ateliers urbains, comme le laisserait supposer un Portement de croix réalisé en or nué au couvent des Carmélites de Tours et daté par une inscription de 1705. Exposé en 1887 dans une salle de l’archevêché de cette ville33, il serait l’œuvre de Mère Madeleine de Sainte-Anne Ségoin et est encore aujourd’hui la propriété de l’ordre. La communauté des brodeurs parisiens fut un autre de ces espaces conservatoires. En décalage avec les modes, on continua jusqu’au XVIIIe siècle à évaluer les aspirants à la maîtrise sur leur habilité à travailler d’or nué. En 1648, un compagnon devait présenter une scène d’une vingtaine de centimètres de côté et un fils de maître un personnage d’environ 17 cm de haut, tous deux exécutés dans cette technique34. En 1704, si la règle fut aménagée pour les fils de maîtres qui pouvaient se contenter de présenter aux jurés quatre fleurs de lys d’or de Milan, on exigeait encore des simples compagnons la production d’une figure d’or nué35. C’est entre cette date et le dernier tiers du XVIIIe siècle que le savoir-faire semble s’être perdu. En 1770, Charles-Germain de Saint-Aubin s’attachait à décrire un art qui avait quasi disparu, à une époque où l’on prônait en matière de broderie, en particulier vestimentaire, des décors plus simples, délicats et floraux36. Les ressorts du procédé qui ne correspondaient plus à l’esprit du temps étaient mal compris. Le commentaire sévère que Saint-Aubin porte sur les liserés de cordonnets est à ce titre significatif. Pourtant employés communément au XVIe siècle pour souligner les architectures et bords des vêtements des personnages, ils sont jugés « ridicule[s] » et relevant d’une « magnificence mal entendue » par l’auteur de l’Art du brodeur.

Les redécouvertes de l’or nué aux XIXe et XXe siècles

  • 37 - Voir notamment PALUSTRE, 1888 ; LEFÉBURE, 1887 ; FARCY, 1890-1919.
  • 38 - ZOLA, 1959, p. 151.
  • 39 - Paris, BNF, Mss, NAF 10324, fiche 280 à 364. ZOLA, 1888, p. 56-76.
  • 40 - ZOLA, 1888, p. 137-145.

16Dans un contexte d’engouement pour l’archéologie, de multiplication d’expositions d’objets d’art religieux et de publications spécialisées, plusieurs cas de redécouverte de l’or nué sont documentés au cours des XIXe et XXe siècles37. Émile Zola trouva dans ces expériences la matière pour un roman, Le Rêve, seizième volume de la série Les Rougon-Macquart paru en 1888. Dans ce livre, dont l’action est située dans les années 1860, l’auteur fait redécouvrir le secret du procédé à son héroïne, Angélique, une orpheline qui avait été recueillie par un couple de brodeurs de Beaumont-sur-Oise, les Hubert. Afin de réunir les informations nécessaires à son récit, l’écrivain chercha à se procurer le traité de Saint-Aubin. Dans cet objectif, il écrivit le 16 décembre 1887 une lettre à son ami Henry Céard, qui lui fit parvenir une liste de libraires et de bouquinistes susceptibles de posséder l’ouvrage38. Les notes contenues dans le dossier préparatoire au roman, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale de France, témoignent de la minutie avec laquelle fut constituée la documentation indispensable au réalisme des descriptions de l’atelier, des outils et des techniques de broderie39. La présentation, dans le détail, de l’or nué employé par l’héroïne sur une mitre brodée d’une figure de sainte Agnès résulte de ce travail méticuleux40.

  • 41 - Je remercie chaleureusement Danièle Véron-Denise de m’avoir communiqué le dossier documentaire qu (...)
  • 42 - Marie-Anne Leroudier (1838-1908) arriva à Lyon en 1845. Elle fut l’épouse du dessinateur Jean Ler (...)
  • 43 - La broderie artistique de Mme Leroudier et la presse, 1892.
  • 44 - BLETON, 1908, p. 308 ; RIOUX DE MAILLOU, 1893-1894, p. 115.
  • 45 - BLETON, 1908, p. 308.
  • 46 - En tous points parfaits, cat. 62, p. 152-154.

17Si Émile Zola en fit un objet littéraire, c’est qu’en cette fin du XIXe siècle, le thème était dans l’air du temps. En 1887, un an avant la parution du Rêve, une chasuble d’or nué fut offerte par la ville de Lyon au pape Léon XIII à l’occasion de son jubilé41. Le vêtement avait été réalisé par Marie-Anne Leroudier, une brodeuse lyonnaise42. À la tête de l’un des ateliers les plus réputés de la période, elle avait l’habitude de collaborer avec les grands fabricants d’ornements liturgiques de la ville. Les ouvrages de la jeune femme, récompensée par deux médailles d’or aux expositions universelles de 1885 (Anvers) et 1889 (Paris), ont été abondamment commentés dans les revues et journaux de l’époque43. Elle y est présentée comme celle à qui l’on devait « la remise en pratique des méthodes des XVIe et XVIIe siècles dont la tradition s’était perdue », l’ouvrière qui permettait enfin « au XIXe siècle de rivaliser, dans cette branche de l’Art, avec les époques les plus admirées »44. Dans un article de la Revue d’histoire de Lyon paru en 1908, la chasuble offerte à Léon XIII est présentée comme la commande qui avait permis à Marie-Anne Leroudier de « reconstituer » l’or nué qui avait été « abandonné par les brodeuses depuis près de deux siècles »45. En réalité, ce textile n’est pas le premier témoin en France de la redécouverte de la technique à l’époque contemporaine. En 2014, Florence Valantin et Danièle Véron-Denise publièrent un ornement qui avait été offert à la Visitation de Paray-le-Monial à l’occasion de la béatification de Marguerite-Marie Alacoque en 1864 (fig. 5)46. Au sein de cet ensemble, neuf médaillons appliqués sur la chasuble et la chape sont d’or nué. Si aucun document ne permet d’identifier avec certitude l’atelier à l’origine de ces broderies, celles-ci constituent une preuve de l’emploi du procédé plus de vingt ans avant le chef-d’œuvre de Marie-Anne Leroudier. Ces entreprises ont donc été multiples et se sont reproduites au fil des décennies. Elles invitent à remettre en question les discours sur l’invention soudaine et isolée de savoir-faire disparus et à examiner de plus près, au cas par cas, les processus créatifs qui ont conduit à ces réinterprétations des techniques du passé, en commençant par celle des Clarisses de Mazamet.

Fig. 5

Fig. 5

Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), monastère de la Visitation, pontifical de la béatification de Marguerite-Marie Alacoque (détail d’un médaillon en or nué), Lyon (?), Paris (?), 1864

© Musée de la Visitation

  • 47 - Cette chronologie est déduite de l’observation des broderies conservées dans le trésor de la cath (...)
  • 48 - ZOLA, 1888, p. 169 et 133.

18Au XXe siècle, les sources matérielles et textuelles en témoignent, les Clarisses de Mazamet se sont approprié la technique de l’or nué, qu’elles ont commencé à pratiquer à partir des années 1910, qu’elles maîtrisaient dans les années 1930, à l’origine d’expérimentations originales, et qu’elles ont continué à mettre en œuvre jusqu’à la fin des années 194047. Quels objets les conduisirent à reproduire ce procédé ? Quelles lectures vinrent nourrir leurs expérimentations ? Enfin, parmi elles, qui en furent les actrices ? Dans Le Rêve, Émile Zola précise qu’Angélique avait eu l’occasion d’admirer des spécimens du XVe siècle, gardés « comme une relique de famille » par les Hubert, tandis qu’un fragment brodé d’or nué, conservé dans la sacristie de Beaumont-sur-Oise, faisait l’admiration des protagonistes48. Les documents d’archives sont malheureusement beaucoup plus silencieux que ne l’est le roman et aucune mention précise de textile ancien qui ait inspiré les clarisses dans leur pratique de l’or nué n’a pu être relevée.

  • 49 - Mère Marguerite-Marie, née Madeleine Darritchon, est née le 20 janvier 1877 à Buenos Aires et mou (...)
  • 50 - « Elle était remarquablement douée pour la broderie des ornements et rendit de grands services dè (...)

19L’une des notices du Nécrologe de la communauté permet en revanche de relever le nom de celles qui purent être à l’origine de ces recherches. On y apprend que Mère Marguerite-Marie, « en s’inspirant des modèles que Mère Marie-Madeleine a[vait] fait venir de Bavière », inaugura la peinture à l’aiguille et l’or nué, ce qui fut « le point de départ des travaux d’art de la communauté »49. Les talents de brodeuse de la jeune femme semblent avoir été repérés dès son entrée au couvent50. Elle fut ensuite impliquée dans la formation des autres religieuses, auxquelles elle dispensa un enseignement qui mêlait « doctrine surnaturelle et pratique », une doctrine illustrée par l’un de ses préceptes, rappelé dans sa notice mortuaire :

  • 51 - Ibid.

À celles qui travaillent aux métiers de broderie, par exemple, elle conseille de les tenir en ordre en vue de leur donner l’aspect de l’autel et par là même oriente les pensées vers tout ce qui se rattache au culte eucharistique51.

  • 52 - À son sujet, voir, dans le présent numéro, l’article de Jeanne Bernard-Grit.
  • 53 - Pour l’identification des sources et des sujets, Ibid.

20S’il est difficile de dater précisément l’introduction de l’or nué dans l’atelier Saint Michel, il est certain que dès 1918 les religieuses l’ont employé pour le décor des ornements exécutés pour Mgr Eyssautier, conservés à la cathédrale Saint-Louis de La Rochelle (fig. 6)52. Dans cet ensemble, dont les scènes sont pour la plupart copiées d’après des modèles d’origines diverses53, la mise en œuvre de la technique est appliquée et encore balbutiante tandis que les filés, couchés horizontalement, sont maintenus par des points colorés fixés en suivant un dessin un peu raide. Les religieuses n’en avaient pas moins conscience d’employer une technique traditionnelle, qu’elles désignaient par le terme ancien d’or nué, comme l’atteste la fiche technique de l’ornement rédigée par sœur Marie-Michel le 3 juin 1918 à la demande de Mgr Barthes :

  • 54 - MENUSET, 2000, p. 97 et Annexe II de l’article de Jeanne Bernard-Grit dans le présent numéro.

Les fleurs au passé de soie, point satiné rehaussé d’or, les sujets en peinture à l’aiguille, point de haute lisse très fin, garnitures de vêtements, incrustations ou brochures d’or, fonds or nué […]54.

Fig. 6

Fig. 6

La Rochelle (Charente-Maritime), cathédrale Saint-Louis, chape de Mgr Eyssautier, détail de l’orfroi gauche, saint Pallais, 1918

© M.-F. Levoir

21Bien vite, les clarisses commencèrent à acquérir une bonne maîtrise du procédé. L’ornement du jubilé de Mgr Cézerac en 1930 (fig. 7a) et celui de l’ancienne cathédrale Saint-Benoît de Castres, daté vers 1932 (fig. 7b), en témoignent. Dans ces exemples, l’or nué est réservé au traitement des fonds (paysages, végétaux et architectures), les figures et leurs vêtements étant quant à eux brodés de fils de soie colorés. Sur ce point, ces scènes diffèrent des broderies d’or nué des XVe-XVIIIe siècles dans lesquelles seuls les carnations, poils et chevelures étaient peints à l’aiguille au point de bouture, fendu et de tige. Mis à part cet écart, que l’on peut attribuer à des motivations d’ordre esthétique, à moins qu’il ne s’agisse d’une solution trouvée pour contourner une difficulté technique, le procédé est fidèlement repris.

Fig. 7

Fig. 7

a) Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, vue de détail de la chasuble aux pélicans, la parabole du grain de Sénevé, 1930 ; b) Castres (Tarn), ancienne cathédrale Saint-Benoît, vue de détail de saint Matthieu, 1932

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; © J. Pagnon

  • 55 - Voir les lettres éditées dans MENUSET, 2000, p. 96-107. Information communiquée par Josiane Pagno (...)
  • 56 - Éditée dans le présent numéro par Josiane Pagnon, Annexe III.
  • 57 - Extrait cité par Josiane Pagnon dans son article introductif au présent numéro.
  • 58 - Ibid.

22Pour la création de leurs ouvrages, les clarisses avaient recours à une riche documentation, en partie détaillée dans leur correspondance. Malheureusement, leurs méthodes pour recueillir sources d’inspiration et modèles demeurent mal connues, de même que le contenu de leur bibliothèque55. Une exception, Le guide pratique pour la confection des ornements gothiques, composé par les Bénédictines de Saint-Louis du Temple, est cité dans une fiche technique rédigée par les religieuses et intitulée « Broderie, peinture à l’aiguille, or nué et montage des métiers »56. Il est probable que c’est ce même ouvrage qui est évoqué dans leur journal sous le titre « L’Art religieux, par les Bénédictines du Temple à Paris »57. En juin 1924, elles en avaient entrepris l’étude, « quelques lignes chaque jour », dans l’objectif de « former le goût des moniales dans la confection des ornements ». Cette lecture, qualifiée de « régal artistique et intellectuel », est venue nourrir leurs travaux58. L’or nué n’y est pas traité mais la terminologie employée (point de haute lisse, de bouture, etc.), reprise par les clarisses dans leurs écrits, de même que le contenu doctrinal du texte, révèlent son influence sur la production du couvent.

23Ainsi, les pages consacrées à la formation apportent de précieux éclairages pour comprendre l’évolution de la pratique de l’or nué par les clarisses au cours de cette période. Trois étapes sont distinguées : l’imitation, la combinaison et la création. La première consiste à « imiter de beaux modèles de style haut et simple, rinceaux, entrelacs, sujets symboliques, les meilleurs de l’art byzantin et de l’art gothique » afin d’acquérir, par la pratique, des notions de style. La seconde vise à les combiner pour élaborer des compositions nouvelles. Enfin, la troisième voie est la création, perçue comme un aboutissement, car :

  • 59 - BÉNÉDICTINES DE SAINT-LOUIS DU TEMPLE, s. d., p. 16.

une mentalité religieuse forte, authentique, un goût bien formé, une main exercée peuvent et doivent produire des œuvres originales, c’est le but à atteindre. Le plagiat servile ne sera jamais qu’un procédé inférieur, signe d’une vitalité artificielle ou simplement incomplète59.

  • 60 - Sur cet ensemble, voir aussi Textiles sacrés du Tarn, p. 98-99.
  • 61 - Voir le texte du document édité par Josiane Pagnon, Annexe I.

24Cette conception du processus d’apprentissage (de la copie à la copie d’invention, pour aboutir à la création), est transposable à la question technique. À rebours de l’image d’une broderie religieuse rigoureusement attachée aux formes du passé, l’innovation était au contraire encouragée dans le Guide et les clarisses ont fait leur cette doctrine, aussi bien pour la conception des modèles que pour les procédés de broderie. Dans les années 1930, alors que les commandes affluaient et que l’atelier avait pris la forme d’une structure de production très organisée, les moniales s’affranchirent progressivement de la technique traditionnelle de l’or nué pour en proposer une forme originale. La mitre de Mgr Durand, livrée en 1935 (fig. 8) et celle de Mgr Cézerac, datée vers 1930-1940 (fig. 9), toutes deux conservées dans le trésor de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi, rendent compte de ces expérimentations. Si les filés or sont bien fixés deux par deux (fig. 9), ils ne sont pas couchés horizontalement mais suivent désormais les contours des figures ou ceux des encadrements et forment des ondulations (fig. 10-11). Celles-ci viennent animer les fonds et créent par endroits, aux zones de jonction, l’illusion de facettes qui confèrent à l’ornement l’aspect d’une pièce d’orfèvrerie martelée (fig. 12). Ce second effet, n’est pas systématique. On ne le retrouve pas, par exemple, dans les panneaux d’or nué du tour d’autel de Notre-Dame de La Drèche (fig. 13)60. Il pourrait résulter d’une difficulté d’ordre technique, inhérente à la complexité de scènes à plusieurs personnages figurés dans l’espace restreint du titulus, à moins que cet effet n’ait été volontaire, dans le but de faire jouer la lumière. Les clarisses inscrivirent leur variante dans leur règlement de travail ronéotypé en 1937. On peut y lire au sujet de l’or nué que « dans certains cas, on obtient des reflets d’or heureux en suivant les contours des médaillons, etc., etc… »61.

Fig. 8

Fig. 8

Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre précieuse de Mgr Durand, vue d’ensemble de l’avers : Jésus bénissant les enfants, 1935

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

Fig. 9

Fig. 9

Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : La pêche miraculeuse, vers 1930-1940 et macro-photographie

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; © A. Castres

Fig. 10

Fig. 10

Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, détail macro de la mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

Fig. 11

Fig. 11

Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, trésor, détail macro de la mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

Fig. 12

Fig. 12

Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

Fig. 13

Fig. 13

Cagnac-les-Mines (Tarn), église Notre-Dame de la Drèche, tour d’autel, détail : La statue de Notre-Dame est cachée pendant la Révolution, vers 1939-1943

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

25Enfin, une troisième technique de couchure a été identifiée. Cette dernière, qui ne peut être qualifiée d’or nué, consiste à intercaler entre chaque filé or double, une ligne de point de tige ou un fil de soie en couchure, de la nuance des points de fixation. Les clarisses ont sans doute abouti à ce procédé de manière empirique. On trouve cette technique maîtrisée et massivement employée sur les ornements exécutés pour Notre-Dame de la Drèche entre 1939 et 1943 (fig. 14). Les sœurs semblent avoir été très satisfaites de cet effet qu’elles décrivent en ces termes :

  • 62 - Ibid. Cette technique n’est pas sans rappeler dans ses effets celle de l’« or nué bâtard », procé (...)

On peut aussi […] intercaler [les filés or] avec un point de tige en soie de la nuance des points d’arrêt, ce qui force la tonalité et donne l’impression d’or de couleurs d’un très heureux effet62.

Fig. 14

Fig. 14

Cagnac-les-Mines (Tarn), église Notre-Dame de la Drèche, étole pastorale, détail : Saint François prêche aux oiseaux, vers 1939-1943

M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie

  • 63 - On y trouve notamment l’explication de la méthode pour créer les ombres et les lumières en jouant (...)
  • 64 - Un geste qui n’est probablement pas celui qu’employaient les brodeurs professionnels à l’époque m (...)
  • 65 - Ibid. art. 16 et 19.

26Au cours de cette période d’intense activité, les clarisses ont cherché à mettre en ordre l’ensemble de leurs savoirs techniques sous la forme de deux documents : un règlement de travail daté du 12 août 1937 et une fiche (« broderie, peinture à l’aiguille, or nué et montage des métiers »), tous deux précédemment cités. La seconde est une synthèse en dix-neuf points des connaissances nécessaires pour travailler dans l’atelier. La technique de l’or nué, ses effets et les variantes mises au point par les moniales y sont expliqués63. On y trouve également des indications absentes des écrits et traités des XVIIe et XVIIIe siècles. Le sens de travail (du bas vers le haut et de droite à gauche) ainsi que les gestes sont détaillés, comme celui qui consiste à tendre les filés or de la main gauche tandis que la droite exécute les points de soie colorés, en ramenant toujours l’aiguille vers soi64. Des conseils d’ouvrières expérimentées y ont été intégrés : « l’or atténuant la couleur, il faut toujours employer une soie plus foncée que l’effet désiré », ainsi qu’une liste de fournisseurs : un lyonnais, un parisien et un londonien, auquel elles faisaient appel pour acheter des aiguilles très fines qu’elles avaient du mal à se procurer ailleurs65.

  • 66 - Sur l’usage de l’écrit dans l’organisation de la production, voir l’exemple du cahier vert, évoqu (...)

27Ces différents points témoignent de la vocation pratique de ces documents, à usage interne, tandis que la forme et la nature des informations que l’on y trouve invitent à les replacer dans leur contexte de rédaction. Le recours à l’écrit pour la transmission de savoirs techniques et le souci d’exhaustivité s’expliquent en grande partie par l’exigence de travailler en silence66. L’efficacité et la concision des explications sont quant à elles révélatrices du caractère intensif de la production du couvent dans les années 1930-1940. Ces deux textes, mis en regard avec les textiles subsistants, donnent non seulement un état de la culture technique des clarisses à cette date, mais ils rendent également compte de l’excellence exigée au sein de l’atelier du couvent, à l’origine d’une production que l’on a cherché à maintenir à son plus haut niveau par la mise en place d’une organisation rigoureuse et d’une règlementation qui en régissait toutes les étapes.

Conclusion

  • 67 - À partir de la fin des années 1940, les ateliers du couvent ont connu une baisse progressive d’ac (...)
  • 68 - Voir supra, note 61.
  • 69 - Voir MENUSET, 2000.
  • 70 - Ces thèmes sont évoqués dans BÉNÉDICTINES DE SAINT-LOUIS DU TEMPLE, s. d.

28L’étude d’un groupe de textiles brodés d’or nué par les Clarisses de Mazamet a permis de révéler une part des expérimentations techniques et formelles qu’elles ont conduites au cours de la première moitié du XXe siècle67. Si leurs essais étaient encore hésitants en 1918, les broderies exécutées dans les années 1930-1940 témoignent d’une bonne maîtrise du procédé, qui a donné lieu à une interprétation originale. Trois méthodes, réservées aux fonds, ont pu être distinguées et leur chronologie précisée : la reprise de l’or nué « traditionnel », les broderies d’or nué dont les filés suivent les contours des figures et enfin une variante d’or nué « bâtard »68 dans lequel les filés sont intercalés avec une ligne de points de tige de soies nuancées. Elles y parvinrent au terme de nombreuses heures de travail, exécutées dans le silence de l’atelier, avec abnégation et une ferveur spirituelle que l’on ne peut que deviner à la lecture des documents69. Contrairement aux expérimentations menées dans les grands ateliers urbains et encensées par la presse à la fin du XIXe siècle, il ne s’agissait pas ici de rivaliser avec les époques anciennes ni même de remettre à l’honneur des procédés oubliés, mais de puiser dans les modèles du passé motifs et techniques propres à nourrir une œuvre nouvelle, « digne de Dieu et de son culte ». Suivant une doctrine où l’ordre naturel figure le surnaturel, elles semblent avoir voulu faire de ces décors d’or et de soie l’expression artistique d’une vérité religieuse70.

  • 71 - BOCK, 1859-1871. Voir à ce sujet, Paramentica, p. 45 et note 54, p. 54.

29Pour aller plus loin, cette enquête doit maintenant être poursuivie et l’ensemble des textiles connus examinés. Une chronologie, qui n’a pu être ici que tracée à grands traits, pourrait alors être précisée, de même que l’évolution des techniques pratiquées par les religieuses au gré des transformations de la structure de l’atelier. De plus, il faut bien reconnaître qu’au terme de cette première étude de nombreuses zones d’ombre subsistent, en particulier en ce qui concerne les canaux d’introduction de la technique au couvent. Comment les clarisses ont-elles découvert l’or nué ? Si la notice nécrologique de mère Marguerite-Marie apporte des éléments de réponse, elle soulève plus de questions encore. On peut en effet s’interroger sur ce qu’étaient ces modèles que sœur Marie-Madeleine avait fait venir d’Allemagne, un pays où, à la suite des publications du chanoine Bock, le mouvement du renouveau des formes anciennes dans la production d’ornements liturgiques était bien implanté depuis les années 186071. Une deuxième piste serait d’élargir cette réflexion à d’autres techniques. Dans quelle mesure ce processus d’appropriation/interprétation peut-il être observé pour d’autres procédés (peinture à l’aiguille, techniques mixtes) ? Enfin, un troisième aspect mériterait également d’être exploré, celui de la symbolique que les religieuses associaient à l’or nué et à ses effets. Si les informations déduites de l’analyse des textiles ont pu être éclairées par la confrontation avec les textes règlementaires, la mise en regard systématique des recherches formelles des religieuses avec leurs lectures, parmi lesquelles Le Guide pratique pour la confection des ornements gothiques, devrait permettre de replacer ces expérimentations au sein de la spiritualité des moniales.

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Bibliographie

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Annexe

ANNEXE I – Charles-Germain de Saint-Aubin. L’art du brodeur. s. l. : s. n., 1770, p. 12-13 (extrait).

De la Broderie en Or nué

Pour faire un tableau en or nué, comme Pl. 3, fig. I, il faut d’abord que le sujet soit dessiné de traits un peu gros, & par une main habile, sur un taffetas doublé d’une toile un peu forte. Le Brodeur commence par couvrir toute la surface de son tableau avec des brins de gros ors lancé & arrêtés seulement aux deux extrémités, comme B, fig. I : quelques Brodeurs estiment qu’il vaut mieux faire les carnations de rapport, & par conséquent éviter de lancer l’or sous ces parties ; mais la premiere méthode est plus générale & plus magnifique. Les brins d’or se touchent, & l’Ouvrier n’apperçoit les contours qu’à chaque fois qu’il fiche son aiguille pour recouvrir l’or en embrassant deux brins à la fois, suivant les nuances d’un modele peint qu’il doit avoir devant lui ; les points de soie se touchent de tous les côtés dans les endroits sombres, & cachent absolument l’or. Pour les demi-teintes, on laisse voir l’or de l’épaisseur d’une soie entre chaque point, & ainsi en dégradant les nuances, & laissant appercevoir plus d’or à proportion qu’on veut augmenter les lumieres, jusqu’à ce qu’enfin l’or ne soit plus arrêté que de loin en loin par des soies très-fines & très-claires, comme c, fig. I. Les carnations se font toutes en soie plate du sens contraire à l’or, à points satinés très-fins, comme D, fig. I, ce qui s’appelle point de bouture. Les cheveux & la barbe se brodent en tournant, aussi à points fendus du sens que les boucles ou les ondulations l’indiquent. Il n’y a point d’ouvrage où il faille un assortiment aussi complet de nuances de toutes les couleurs ; le Brodeur doit toujours avoir une vingtaine d’aiguilles enfilées, pour moins s’impatienter, & ne pas perdre l’idée des dégradations de ton qu’il veut donner à son objet : l’or nué est sans doute l’ouvrage le plus long, & celui où il faut réunir le plus de patience à l’intelligence la mieux soutenue.

On ne voit plus guere de cette précieuse Broderie, que sur les orfrois des anciens ornements d’Eglise ; la dépense en est considérable, & les Ouvriers en ont à peu de choses près, perdu l’habitude & le talent.

L’or nué bâtard est moitié moins couvert de fils d’or ; les intervalles sont faits en soies nuées avant de lancer les fils d’or ; on recouvre ces fils par le même procédé de l’autre or nué, en se raccordant aux nuances des intervalles, ce qui donne à peu-près le même effet, quoique moitié moins riche & moins brillant. Il est ridicule de liserer ou border les moulures d’architecture, quand il s’en trouve dans ces tableaux, ou les bords des vêtements, avec de gros cordons d’or ; c’est absolument sortir du genre. Plusieurs Brodeurs de l’autre siecle sont tombés dans ce défaut par une magnificence mal entendue. C’est à peu près comme quelques Peintres Allemands, qui, pour mieux représenter la lumiere d’une lampe, l’ont fait en relief dans leurs tableaux.

ANNEXE II – Contrat par lequel Jean Moreau se met un an au service du brodeur Jacques Damaye pour un salaire de 21 livres, à condition d’être payé en plus, à la journée, s’il fallait travailler à une commande pour le mariage ou une entrée du roi et que son maître lui enseigne la technique de l’or nué.

1564, 13 septembre

Paris, Archives nationales, Minutier central, C, 78

Jehan Moreau, compaignon brodeur demourant a Paris, confesse avoir promis et promet a honnorable homme Jacques Damaye, maistre brodeur, bourgeois de Paris, a ce present, de le servir ung an a commencer du septiesme jour de ce present moys de septembre dernier passé jusques a ung an prochainement venant audict mestier de brodeur bien, deuement et loyaulment, comme il apartient, et ce tant moyennant et a la charge que ledict Damaye sera tenu le nourrir et luy querir et livrer son vivre, de boire, menger, feu, lict, hostel, lumyere et le traicter comme il appartient, que aussi moyennant et parmy la somme de vingt une livres tournois que de loyer pour ladicte annee ledict Damaye luy promet et gaige payer au feur et ainsy qu’il en aura affaire et, neanlmoings, a esté accordé que sy pendant ladicte annee il se faisoyt quelque entree ou mariage du roy, seullement que pour ce regard, ledict Moreau sera et besongnera a ses journees comme les aultres compaignons brodeurs besongneront en l’hostel dudict Damaye et pour pareil pris qu’ilz en seront payez par jour que ledict Damaye luy payera en la maniere qu’il payera les aultres compaignons brodeurs et, aprés que lesdictz ouvrages seront faictz, ledict Moreau sera tenu de parachever le reste de son annee audict pris de vingt une livres tournois par an, et a esté accordé que quant ledict Moreau fera quelque ouvrage et besongne d’or nué, ledict Damaye sera tenu et promet luy monstrer le moyen et maniere de l’employer. Car ainsy etc. Promectant etc. Obligeant chacun endroict soy etc. Mesmement ledict Moreau. Corps et biens etc. Renonçant etc. Faict et passé double, l’an mil cinq cens soixante quatre, le mercredy treizeiesme jour de septembre.

(signé :) Becquerel ; Cothereau.

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Notes

1 - MENUSET, 2000, p. 16 ; Textiles sacrés du Tarn, p. 30-32 et 96.

2 - À ce sujet, voir l’article de Josiane Pagnon dans ce même numéro.

3 - Les ateliers de dessin et de broderie des Clarisses de Mazamet étaient respectivement appelés Saint Gabriel et Saint Michel. Voir PAGNON, 2019.

4 - Le « couché nuancé » ou « couché ombré » est une technique définie par Louis de Farcy qui consiste à coucher des filés or sur une étoffe de fond, puis à les fixer, non pas par des points de couleur uniforme, généralement rouge ou jaune, régulièrement espacés, mais par des points d’attache de couleurs nuancées, du plus clair au plus foncé (FARCY, 1890, p. 9-10). Les Clarisses de Mazamet ont également usé de cet effet dans leur production.

5 - Un filé or ou argent est composé d’une lame d’argent doré ou d’argent, enroulée autour d’une âme textile (soie, lin, etc.). Le terme « nué », qui n’est plus beaucoup employé de nos jours, signifie nuancé.

6 - DUBOURG GLATIGNY et VÉRIN, 2008.

7 - BINET, 1621, « Epistre necessaire au lecteur judicieux ». Au sujet de cet ouvrage, lire notamment FUMAROLI, 2006.

8 - BINET, 1621, p. 536 et 540. On appelle soie plate un fil de soie dont les fibres sont assemblées sans torsion. « Soie plate : Est une soie non torse, que l’on prépare et que l’on teint pour travailler en tapisserie à l’aiguille, en broderie, etc. » (HAVARD, 1894, p. 1096).

9 - BINET, 1621, p. 540.

10 - Charles-Germain de Saint-Aubin appartient à une famille d’artistes à laquelle les frères Goncourt ont dédié un chapitre de L’art du XVIIIe siècle. Fils d’un brodeur du roi, il était dessinateur, aquafortiste et est l’auteur de l’Essay de papillonneries humaines (GONCOURT, 1873, p. 524-529).

11 - Au sujet des Descriptions des Arts et métiers voir notamment DAUMAS et TRESSE, 1954 et NÈGRE, 2016, p. 159-185. Il est à noter que dans l’Encyclopédie l’entrée « broderie » est peu développée. L’or nué n’y est pas abordé.

12 - On peut se faire une idée de ce dessin à « traits un peu gros » à partir des photographies prises en cours de restauration de l’antependium dit de l’hôtel de Nassau (1er tiers du XVIe siècle, Bruxelles, Musées royaux d’art et d’histoire), publiées par Guy Delmarcel. Ce dernier suppose que le dessin a été exécuté à la mine de plomb (DELMARCEL, 1979).

13 - La couchure s’effectuait d’ordinaire avec des broches (outil en buis, dont la tête est fendue et l’extrémité formée par une patte triangulaire, dans la fente duquel on passait le fil d’or pour le dévider. On évitait ainsi de ternir celui-ci en le touchant), voir Saint-Aubin, 1770, p. 9, 33 et 43, pl. I, r. Ce geste n’est pas décrit dans le traité de l’Art du brodeur. Le travail s’effectuait vraisemblablement en aller-retour, des coudes se formant aux deux bouts, maintenus par des petits points.

14 - Un corporalier est une boîte dans laquelle on range les corporaux.

15 - Le point fendu est un point exécuté en ligne qui consiste à faire un premier point, puis à repiquer dans le fil de ce dernier, de façon à en écarter les brins en V. Le point de tige est lui aussi un point linéaire qui consiste à effectuer un premier point, puis à repiquer au niveau du milieu de celui-ci (mais sans le fendre), pour effectuer le suivant et ainsi de suite.

16 - SAINT-AUBIN, 1770, p. 13.

17 - Il n’est pas mentionné dans L’Encyclopédie des ouvrages de dames de Thérèse de Dillmont.

18 - CELNART, 1840, p. 247.

19 - Ces deux comptes sont conservés à Paris aux Archives nationales (Paris, Arch. nat., KK 8) et ont été édités par Louis Douët d’Arcq en 1851. CASTRES et GAUFFRE FAYOLLE, 2019, p. 20. Sur l’or nué dans la broderie parisienne au XIVe siècle et ses liens avec les expérimentations menées dans les autres arts, voir CASTRES, 2022.

20 - DOUËT D’ARCQ, 1851, p. 146 et 298.

21 - Numéro d’inventaire Cl. 12923. Sur le site des photos de la RMN, regarder en particulier le cliché 18-54-1307. À son sujet, voir L’art en broderie au Moyen Âge, p. 72-73 (notice de Ch. Descatoire).

22 - La guipure est une technique de broderie or qui consiste à coucher des filés, lames ou canetilles sur un rembourrage qui peut être de gros fils, de vélin, etc. L’or n’est visible qu’à l’avers.

23 - On peut citer le panneau représentant une scène de la vie de saint Jean Gualbert, brodé à Florence au milieu du XVe siècle, conservé au musée de Cluny (Cl. 2154), ou les broderies provenant d’une chapelle brodée de scènes de la vie de saint Martin par Pierre du Billant vers 1440-1445, d’après des modèles attribués à Barthélemy d’Eyck, aujourd’hui dispersée entre plusieurs institutions, dont le musée des Tissus de Lyon. Dans ces deux exemples, l’or nué est employé ponctuellement. Voir L’art en broderie au Moyen Âge, p. 80-81 (notice de Ph. Lorentz) et 100-101 (notice de Ch. Descatoire).

24 - Pour une analyse technique de l’ensemble, voir Schmitz-von LEDEBUR, 2008b.

25 - À ce sujet, lire Schlosser, 1912 et Schmitz-von LEDEBUR, 2008a.

26 - Panneaux du parement de San Giovanni, 1466-1487, Florence, Museo dell’Opera del Duomo (d’après Antonio del Pollaiolo) ; Chaperon de chape du couronnement de la Vierge, 1485-1490, Milan, Museo Poldi Pezzoli (d’après Sandro Botticelli). Voir WILCKENS, 1991, p. 253-254, Botticelli, p. 172-175 et BOVENZI, 2019, p. 90.

27 - En 1316, l’épreuve du chef-d’œuvre est mentionnée dans les règlements sans en préciser la nature (Statuts de 1316, art. 1, voir LESPINASSE, 1892, p. 168). La durée de l’apprentissage était alors de huit ans.

28 - Paris, AN, Y 10, fol. 268v-269.

29 - Paris, AN, Y 10, fol. 174, 179v et 180v ; Y 12, fol. 269v.

30 - Paris, AN, Minutier central, XX, 76, 1569, 10 octobre et LXXXVI, 94, 1548, 2 juillet.

31 - Liste établie à partir des marchés retrouvés pour le XVIe siècle.

32 - Sur cet ensemble, voir ALCOUFFE, 1994. Le médaillon de l’Annonciation a été en grande-partie rebrodé au XVIIIe siècle.

33 - À côté d’objets destinés à être offerts au pape Léon XIII à l’occasion de son jubilé de 1887, cette exposition réunissait diverses pièces d’orfèvrerie, des broderies, des enluminures, etc., dont le catalogue a été dressé par Léon Palustre. Sur cette broderie, PALUSTRE, 1888, p. 47-48 et pl. XXIV et FARCY, 1890, p. 11. Je remercie chaleureusement Isabelle Girard, CAOA d’Indre-et-Loire, pour les informations qu’elle m’a communiquées.

34 - Paris, BnF, Mss, fr. 21792, fol. 498v.

35 - LESPINASSE, 1891, p. 181.

36 - BRUNA, 2018, p. 191.

37 - Voir notamment PALUSTRE, 1888 ; LEFÉBURE, 1887 ; FARCY, 1890-1919.

38 - ZOLA, 1959, p. 151.

39 - Paris, BNF, Mss, NAF 10324, fiche 280 à 364. ZOLA, 1888, p. 56-76.

40 - ZOLA, 1888, p. 137-145.

41 - Je remercie chaleureusement Danièle Véron-Denise de m’avoir communiqué le dossier documentaire qu’elle a constitué sur cette brodeuse. Pour une description complète de ce vêtement, voir Bulletin des soies et des soieries de Lyon, 1888, p. 5-6.

42 - Marie-Anne Leroudier (1838-1908) arriva à Lyon en 1845. Elle fut l’épouse du dessinateur Jean Leroudier. À côté de sa production de nouveautés et d’ornements liturgiques, elle restaurait des broderies anciennes. À son sujet, Paramentica, p. 68 et 103 ; Vue sur le paradis, p. 21, note 24 et p. 26 ; PRIVAT-SAVIGNY, 2010.

43 - La broderie artistique de Mme Leroudier et la presse, 1892.

44 - BLETON, 1908, p. 308 ; RIOUX DE MAILLOU, 1893-1894, p. 115.

45 - BLETON, 1908, p. 308.

46 - En tous points parfaits, cat. 62, p. 152-154.

47 - Cette chronologie est déduite de l’observation des broderies conservées dans le trésor de la cathédrale d’Albi et dans celui de Notre-Dame de La Drèche, complétée par l’étude sur photographie de celles conservées à la cathédrale Saint-Louis de La Rochelle et à l’ancienne cathédrale Saint-Benoît de Castres. Je remercie Josiane Pagnon, Sylvie Cazès et les membres de l’association Mato Grosso de m’avoir facilité l’accès à ces textiles. Dans le journal de la communauté, des ouvrages d’or nué sont cités jusqu’en 1947 (information communiquée par Josiane Pagnon qui a dépouillé l’ensemble de ces archives).

48 - ZOLA, 1888, p. 169 et 133.

49 - Mère Marguerite-Marie, née Madeleine Darritchon, est née le 20 janvier 1877 à Buenos Aires et mourut le 10 août 1954. Elle entra au couvent le 13 février 1897, sortit du noviciat en février 1904 et fut abbesse de 1942 à sa mort (Nécrologe, t. 2, p. 25 ; toutes ces informations m’ont été aimablement communiquées par Josiane Pagnon).

50 - « Elle était remarquablement douée pour la broderie des ornements et rendit de grands services dès le début » (Ibid.).

51 - Ibid.

52 - À son sujet, voir, dans le présent numéro, l’article de Jeanne Bernard-Grit.

53 - Pour l’identification des sources et des sujets, Ibid.

54 - MENUSET, 2000, p. 97 et Annexe II de l’article de Jeanne Bernard-Grit dans le présent numéro.

55 - Voir les lettres éditées dans MENUSET, 2000, p. 96-107. Information communiquée par Josiane Pagnon.

56 - Éditée dans le présent numéro par Josiane Pagnon, Annexe III.

57 - Extrait cité par Josiane Pagnon dans son article introductif au présent numéro.

58 - Ibid.

59 - BÉNÉDICTINES DE SAINT-LOUIS DU TEMPLE, s. d., p. 16.

60 - Sur cet ensemble, voir aussi Textiles sacrés du Tarn, p. 98-99.

61 - Voir le texte du document édité par Josiane Pagnon, Annexe I.

62 - Ibid. Cette technique n’est pas sans rappeler dans ses effets celle de l’« or nué bâtard », procédé que l’on trouve décrit dans les statuts des brodeurs parisiens à partir du XVIe siècle, désigné par ce terme à partir du XVIIe siècle. À son sujet, voir notamment FARCY, 1890, p. 11. Il n’est pas du tout certain que les Clarisses de Mazamet aient eu connaissance de l’usage ancien de ce point. Le terme leur était vraisemblablement inconnu.

63 - On y trouve notamment l’explication de la méthode pour créer les ombres et les lumières en jouant sur l’espacement des points de fixation. Voir, l’article de Josiane Pagnon dans le présent numéro, Annexe III, art. 13-16 et 18.

64 - Un geste qui n’est probablement pas celui qu’employaient les brodeurs professionnels à l’époque moderne qui travaillaient à la broche (voir supra). Il aurait été difficile pour les clarisses de fixer avec cet outil les filés en suivant les contours des figures.

65 - Ibid. art. 16 et 19.

66 - Sur l’usage de l’écrit dans l’organisation de la production, voir l’exemple du cahier vert, évoqué par Josiane Pagnon dans le présent numéro.

67 - À partir de la fin des années 1940, les ateliers du couvent ont connu une baisse progressive d’activité qui a initié la fin de la production d’ornements richement brodés comme ceux étudiés dans cet article. À ce sujet, voir l’article de Josiane Pagnon dans le présent numéro.

68 - Voir supra, note 61.

69 - Voir MENUSET, 2000.

70 - Ces thèmes sont évoqués dans BÉNÉDICTINES DE SAINT-LOUIS DU TEMPLE, s. d.

71 - BOCK, 1859-1871. Voir à ce sujet, Paramentica, p. 45 et note 54, p. 54.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (détail), vers 1550 (E. Cl. 13224)
Crédits © A. Castres
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Titre Fig. 2
Légende Paris, musée du Louvre, Claude de Lucz, parement haut de la chapelle de l’ordre du Saint-Esprit, La Pentecôte (détail de l’un des personnages du médaillon central), 1585-1587 (MS 6412)
Crédits © A. Castres
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Titre Fig. 3
Légende Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (détail. Les vêtements des personnages et les fonds sont en or nué, les carnations au point de bouture, les lignes de contour au point de tige et les cheveux et barbes au point fendu. Des cordonnets viennent liserer les draperies, détails et architectures), vers 1550 (E. Cl. 13224)
Crédits © A. Castres
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Titre Fig. 4
Légende Écouen (Val-d’Oise), musée national de la Renaissance, corporalier, d’après Jean Cousin, Déploration du Christ mort (vue d’ensemble), 29,5 x 26,1 x 4 cm, vers 1550 (E. Cl. 13224)
Crédits © A. Castres
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Titre Fig. 5
Légende Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), monastère de la Visitation, pontifical de la béatification de Marguerite-Marie Alacoque (détail d’un médaillon en or nué), Lyon (?), Paris (?), 1864
Crédits © Musée de la Visitation
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Titre Fig. 6
Légende La Rochelle (Charente-Maritime), cathédrale Saint-Louis, chape de Mgr Eyssautier, détail de l’orfroi gauche, saint Pallais, 1918
Crédits © M.-F. Levoir
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Titre Fig. 7
Légende a) Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, vue de détail de la chasuble aux pélicans, la parabole du grain de Sénevé, 1930 ; b) Castres (Tarn), ancienne cathédrale Saint-Benoît, vue de détail de saint Matthieu, 1932
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; © J. Pagnon
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Titre Fig. 8
Légende Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre précieuse de Mgr Durand, vue d’ensemble de l’avers : Jésus bénissant les enfants, 1935
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Titre Fig. 9
Légende Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : La pêche miraculeuse, vers 1930-1940 et macro-photographie
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie ; © A. Castres
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Titre Fig. 10
Légende Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, détail macro de la mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Titre Fig. 11
Légende Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, trésor, détail macro de la mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Titre Fig. 12
Légende Albi (Tarn), cathédrale Sainte-Cécile, mitre aux armes de Mgr Cézérac, vue du revers : Jésus bon pasteur, vers 1930-1940
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Titre Fig. 13
Légende Cagnac-les-Mines (Tarn), église Notre-Dame de la Drèche, tour d’autel, détail : La statue de Notre-Dame est cachée pendant la Révolution, vers 1939-1943
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Titre Fig. 14
Légende Cagnac-les-Mines (Tarn), église Notre-Dame de la Drèche, étole pastorale, détail : Saint François prêche aux oiseaux, vers 1939-1943
Crédits M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie
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Pour citer cet article

Référence électronique

Astrid Castres, « Des premiers témoins médiévaux aux broderies des Clarisses de Mazamet : une petite histoire de l’or nué (XIVe-XXe siècle) »Patrimoines du Sud [En ligne], 14 | 2021, mis en ligne le 01 septembre 2021, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/6733 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.6733

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Auteur

Astrid Castres

Maître de conférences à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE, PSL)

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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