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Dossier

Le devant d’autel de Rivesaltes, une œuvre roussillonnaise méconnue, datée des années 1200

Anne Leturque

Résumés

Le corpus des devants d’autel catalans est le plus important en nombre et en variété d’Europe, bien avant celui des panneaux peints norvégiens. Le premier ensemble a largement participé au rayonnement des musées catalans, et les antependia conservés dans le département des Pyrénées-Orientales se rapprochent, par bien des aspects, de cette production catalane. Cependant, certaines spécificités nous autorisent à nous tourner vers le nord de l’Europe. L’étude des œuvres originaires de Norvège prouve que certaines évolutions techniques dépassent largement le cadre de la proximité géographique, et l’exemple syncrétique du devant d’autel de Rivesaltes démontre que les transferts de technologie artistique ne répondent pas nécessairement à une logique linéaire.

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Texte intégral

  • 1 - Au sens large, le parement d’autel désigne tout type d’ornement placé sur le devant de la table d (...)

1L’étude proposée ici est entamée depuis quelques années. Elle a néanmoins pris une nouvelle ampleur en juillet 2014 à l’occasion d’un séjour à la fondation Abegg (Riggisberg, Suisse), dans le cadre du programme de recherche factura. Ces quelques jours passés en Suisse, d’abord destinés à l’analyse et à l’observation des décors peints déposés de l’église Saint-Sauveur de Casesnoves (Ille-sur-Têt, Pyrénées-Orientales), conservés dans les réserves de la fondation, ont également permis d’étudier l’antependium de Rivesaltes et de consulter la documentation accumulée à Riggisberg depuis l’achat de la pièce en 19571. Les archives comme la matérialité du panneau lui-même demeurent à ce jour méconnues en France, en dehors des articles de Marcel Durliat (1917-2016), lorsqu’il assurait la fonction de Conservateur des antiquités et objets d’art des Pyrénées-Orientales.

2Nous proposons ici de revisiter les différents éléments concernant ce devant d’autel, notamment ceux amenés par Marcel Durliat, en y ajoutant des éléments plus récents concernant des données propres à la conservation, à la restauration et à l’observation matérielle de cette peinture. Ce regard, iconographique, stylistique et technique nous offre aujourd’hui la possibilité de reconsidérer la place de cette œuvre au sein de la production artistique roussillonnaise (fig. 1).

Fig. 1

Fig. 1

Riggisberg (Suisse), devant d’autel de Rivesaltes

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

Le devant d’autel de Rivesaltes : aperçu historiographique

  • 2 - DURLIAT, Marcel. « Deux nouveaux devants d’autel du groupe de Maître Alexandre », Études Roussill (...)
  • 3 - Pour consulter ces œuvres, voir LETURQUE, Anne. Du trait à la couleur : les arts picturaux en Cat (...)
  • 4 - Au sujet du devant d’autel de la Llagone et du fragment de la collection Suntag, cf. DURLIAT. Op. (...)

3Nous devons à Marcel Durliat l’identification et l’hypothèse de provenance, une église des environs de Rivesaltes. En 1951, il publie un article dans la revue Études Roussillonnaises2. Cette découverte vient, pour lui, « sans conteste confirmer le rôle joué par le Roussillon et la Cerdagne dans la rénovation de la peinture catalane au début du XIIIe siècle »3. Il inclut dans ce groupe de devants d’autel attribué à Maître Alexandre les panneaux des églises de Saint-Génis-des-Fontaines, Oreillà (Conflent, Pyrénées-Orientales), Rivesaltes, Sant Sadurni de Rotgers, Baltarga, un fragment de la collection Suntag, La Llagone (Pyrénées-Orientales)4 (fig. 2, 3, 4).

Fig. 2

Fig. 2

Catalogne (Espagne), musée épiscopal de Vic, devant d'autel de Sant Sadurni de Rotgers, 1er quart du XIIIe siècle

© Musée épiscopal de Vic (Catalogne)

Fig. 3

Fig. 3

Oreilla (Pyrénées-Orientales), devant d'autel de Saint-Martin du Canigou dit « d'Oreilla », vers 1200

Dinh Thi Tien © CG66 / CCRP, 2012

Fig. 4

Fig. 4

Catalogne (Espagne), musée National d'Art de Catalogne, devant d'autel de Baltarga, vers 1200

© Musée National d'Art de Catalogne (Barcelone)

  • 5 - DURLIAT, Marcel. « La peinture roussillonnaise à la lumière des découvertes récentes », Études Ro (...)
  • 6 - DURLIAT, Marcel. Roussillon Roman, La Pierre-qui-vire, 1958, 4e édition, 1986, p. 314.
  • 7 - Avec tous nos remerciements à M. Peter Mickaël, conservateur à la fondation Abegg.

4Le panneau dit « de Rivesaltes » enrichit alors une collection privée à New York. Joan Ainaud de Lasarte, alors directeur du Musée d’Art Catalan à Barcelone, lui en a signalé l’existence et lui procure les photographies illustrant l’article (fig. 5, 6, 7, 8).

Fig. 5

Fig. 5

Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

Fig. 6

Fig. 6

Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

Fig. 7

Fig. 7

Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

Fig. 8

Fig. 8

Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

  • 8 - POST, Chandler Rathfon. A History of Spanish Painting, Cambridge, Harvard University Press, 12 vo (...)

5En 1954, dans une autre de ses publications, il évoque un devant d’autel de la collection Julius Weitzer de New York, provenant de la chapelle Saint-Pierre-del-Vilar (commune de Claira), près de Rivesaltes et qui représente des scènes de la vie du prince des apôtres5. Dans la quatrième édition de Roussillon roman, Marcel Durliat donne de nouvelles précisions concernant ce panneau, précisant qu’il a été acheté sur le marché de l’art par la Fondation Abegg (Riggisberg, Suisse)6. Les archives de la fondation Abegg confirment l’achat7. Le récolement effectué sur place fait état de plusieurs courriers fort éclairants. Une lettre de Chandler Post à Julius H. Weitzner, le 5 février 1948, précise que l’antependium date du début du XIIIe siècle, qu’il appartient au groupe identifié comme ayant reçu une influence « byzantiniste », et qu’il a été découvert dans la région de Perpignan8. Il se confirme que l’œuvre a été achetée par Julius H. Weitzner, le 19 mars 1957, pour 30 000 dollars, et expédiée à Zurich par la société Budworth avant de parvenir à New York dans une collection particulière.

  • 9 - Federico Zeri est un expert italien et un historien de l’art, spécialiste de la peinture italienn (...)
  • 10 - Le Musée national d’Art de Catalogne (Barcelone), le musée épiscopal de Vic, les musées diocésain (...)
  • 11 - Pour les devants d’autel conservés provenant des Pyrénées-Orientales, cf. LETURQUE, 2010. Op. cit(...)

6En 1964, une restauration complète est effectuée par H. A. Fischer. Une notice de description générale (en allemand) explique l’intérêt d’une transposition complète de la couche picturale sur un nouveau support, avec un amincissement du panneau et un parquetage. Aucune autre explication n’apparaît. Quelques photographies après restauration accompagnent néanmoins le document (fig. 9, 10, 11). Le 23 mars 1968, l’expert italien Frederico Zeri visite la collection Abegg. Dans une note tapuscrite rédigée en allemand, il considère que le panneau « espagnol » est très restauré, surtout le visage du Christ et, dans une moindre mesure, les petites scènes9. Dans les années 1980, le professeur norvégien Erling Skaug s’intéresse au devant d’autel de Rivesaltes qu’il suspecte d’être peint à l’huile. Il démarre ainsi une série d’investigations à son sujet dont nous reparlons ultérieurement.

Le devant d’autel de Rivesaltes dans le corpus des antependia catalans

  • 12 - CASTIŇEIRAS, Manuel. « La peinture sur table », L’art roman dans les collections du MNAC (Dir. J. (...)

7Les musées catalans possèdent l’ensemble de devants d’autel le plus vaste et le plus ancien d’Europe10. Le groupe le plus représentatif est constitué par les antependia des XIIe et XIIIe siècles. Les quelques exemples provenant des Pyrénées-Orientales complètent ce corpus11. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la production des panneaux peints se diversifie dans ses propositions, ses ressources techniques et ses thématiques ; et, à la jonction du XIIe et du XIIIe siècle, se produit un renouvellement dans la production de la peinture sur bois12.

  • 13 - Pour le XIIe siècle, on a donc développé l’idée de l’existence de trois grands ateliers en rappor (...)
  • 14 - GUDIOL I CUNILL, Josep. « La pintura sobre fusta », La pintura migeval catalana. Els primitius, I (...)
  • 15 - GUDIOL I CUNILL, 1929. Op. cit. note 14. En Roussillon, Bernard Alart a effectué un travail de re (...)

8Le contexte de création de ces œuvres se structure dans l’historiographie en fonction d’unités de production auxquelles on a donné le nom d’ateliers, initialement d’Urgell, de Vic et de Ripoll, et, de fait, directement liés aux scriptoria de ces grands centres religieux13. Josep Gudiol i Cunill a, le premier, construit cette relation, Walter Cook et Josep Gudiol l’ont reprise par la suite14. Seul Joan Ainaud de Lasarte pense que l’identification des centres est à mettre en relation avec des villes ou des sièges épiscopaux. Il semble, en effet, qu’un nombre important de peintres aient été actifs autour des grandes villes de l’époque telles que Vic ou Barcelone, comme le démontre le récapitulatif des sources concernant l’activité des peintres en Catalogne depuis la toute fin du XIIe siècle15.

  • 16 - SUREDA I PONS, Joan. La pintura romànica a Catalunya, Madrid, édition Alianza, 1981, p. 218.
  • 17 - CASTIŇEIRAS, 2008. Op. cit. note 12, p. 116.

9Pour Joan Sureda, le nom d’un atelier ne peut uniquement être compris comme le lieu où travaillent un peintre et ses aides. Il peut aussi s’agir d’un espace géographique dans lequel plusieurs peintres travaillent à différentes époques et en différents lieux16. Il prend également en compte le fait que les peintres sur bois alternent leur activité avec des peintures sur poutres, baldaquins ou avec des images de décoration pour sièges, ustensiles domestiques en bois et autres objets de mobilier. Joan Sureda soutient qu’aucune date indiscutable n’est connue pour les devants d’autel, excepté celui de Saint-Martin de la Walter Art Gallery de Baltimore datant de 1250. Celui de Mosoll (Cerdagne) devrait être postérieur à 1198, date à laquelle l’église fut détruite par les albigeois17.

  • 18 - Pour Yvette Carbonell-Lamothe, les panneaux chypriotes sont une source d’inspiration éventuelle. (...)
  • 19 - CASTIŇEIRAS, Manuel, « Catalan Panel Painting around 1200 and the Art of the Eastern Mediterranea (...)
  • 20 - Un groupe pyrénéen aurait réalisé une interprétation « populaire » de ces nouvelles formules byza (...)

10Dans la seconde moitié du XIIe siècle, le panneau de Planès (Ripollès) est probablement à la tête d’une série de devants d’autel habillés de reliefs de plâtre et de plaques d’étain recouvertes de vernis doré, reflets pour certains de l’impact byzantin dans la production artistique occidentale18. Pour Manuel Castiňeiras, se produit autour de l’an 1200 un renouvellement dans la production de la peinture sur bois, qui se traduirait par ce qu’il nomme « un byzantinisme » propre au tournant de ce XIIIe siècle19. Le devant d’autel de Rivesaltes pourrait faire partie de cet ensemble d’œuvres avec l’antependium aujourd’hui disparu de Saint-Génis-des-Fontaines et ceux conservés à Oreillà et à Baltarga20.

  • 21 - Le devant d’autel de Sant Martí de Gia, aujourd’hui conservé au MNAC, est aussi une œuvre sur boi (...)
  • 22 - DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 103-119. Il ne subsiste de cette œuvre que les croquis de Loui (...)

11Dans le cadre du programme de recherche Magistri Cataloniae, les chercheurs ont proposé un état de la question et un index concernant les « artistes » ayant œuvré en Catalogne entre XIe et le XVe siècle21. Le devant d’autel aujourd’hui disparu de Saint-Génis-des-Fontaines était considéré jusqu’à maintenant comme la première œuvre signée de ce corpus22 (fig. 9, 10).

Fig. 9

Fig. 9

Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), devant d'autel disparu. Reprise graphique, d'après un dessin de Louis de Bonnefoy paru en 1951

© Anne Leturque

Fig. 10

Fig. 10

Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), devant d'autel disparu. Reprise graphique, d'après un dessin de Louis de Bonnefoy paru en 1951

© Anne Leturque

12La notice du Magistri Cataloniae, produite par Manuel Castiñeiras, précise que l’analyse du dessin ainsi que la comparaison avec d’autres œuvres similaires – enluminure de la charte de Saint-Martin-du-Canigou, vers 1195, devant d’autel d’Oreillà, et celui de Baltarga –, ont permis d’identifier cet artiste comme une personnalité ayant travaillé dans un atelier avec des peintres locaux.

  • 23 - Cf. BOSC, Marion, LETURQUE, Anne. « Le devant d’autel d’Oreillà : état de la question et regards (...)

13Bien qu’il s’agisse d’une signature unique, le nom de Magister Alexander pourrait ainsi cacher celui d’un peintre étranger, actif dans le nord de la Catalogne, dans les environs du monastère de Saint-Martin-du-Canigou, autour de 1195, où il aurait pu produire l’enluminure représentée dans la charte de l’abbaye (École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Collection Jean Masson), ainsi que le devant d’autel situé aujourd’hui dans l’église Santa Maria d’Oreillà23. Ce peintre aurait créé son propre atelier, avec la collaboration de peintres locaux, et développé son activité entre la dernière décennie du XIIe siècle et la première du XIIIe siècle. Il serait un connaisseur direct de l’art byzantin Comnène, probablement venu de la Méditerranée orientale, peut-être Chypre, adaptant progressivement les formules utilisées dans l’Occident latin.

14La réalisation de l’antependium d’Oreillà devrait alors être considérée comme l’un de ses premiers ouvrages, tandis que celui de Baltarga, plus adapté à des utilisations latines, serait une production postérieure à 1196 (année où les troupes du vicomte de Castellbò et le comte de Foix ont pillé l’église de Sant Andreu de Baltarga).

15Robert Maxwell, professeur d’histoire de l’art médiéval à l’université de New York, a récemment fait remarquer, lors d’un séminaire tenu au Centre d’Études Médiévales de Montpellier en novembre 2017, que l’inscription identifiée sur le devant d’autel disparu de Saint-Génis-des-Fontaines, MAGISTER ALEXANDER ISTA OPERA FECIT, marque le pluriel et fait donc référence à plusieurs œuvres.

16Les travaux récents d’Émilie Mineo concernant notamment les inscriptions désignées par convention sous le terme de « signatures » d’artistes – et s’appliquant pour le Moyen Âge « à toute attestation écrite qui jointe à l’œuvre, transmet la mémoire de celui (ou ceux) que l’on veut présenter comme responsable(s) de sa réalisation, indépendamment du support et de la technique –, montrent qu’il paraît aujourd’hui impossible de déterminer un dénominateur commun ou un noyau minimal de structure permettant l’identification d’une signature sur la base de critères purement formels. Il faut donc abandonner le recours à une typologie descriptive car celle-ci s’avère inefficace pour englober la multiplicité des cas de figure »24.

  • 25 - BONNEFOY Louis de. 1856, 8, op. cit. note 22, p. 275-277 et 1860, 12, op. cit. note 22, p. 58-60  (...)
  • 26 - Voici la description qu’en fait Louis de Bonnefoy en 1860 : « Au milieu, Dieu le fils, assis, bar (...)
  • 27 - FAVREAU, op. cit. note 25, p. 140-141.

17Dès lors, que penser de la « signature » MAGISTER ALEXANDER ISTA OPERA FECIT ? Un individu, maître d’atelier, a peut-être accepté de prendre en charge la réalisation de plusieurs œuvres pour l’abbaye elle-même, voire ses dépendances. La polyvalence du peintre médiéval permet d’émettre cette hypothèse. Cependant, rien dans cette « signature » ne nous autorise à déterminer quelles sont ces autres œuvres réalisées par Magister Alexander, et s’il s’agit uniquement d’un ensemble de décors peints, qu’ils soient ou non mobiliers. Rien ne nous permet non plus aujourd’hui d’identifier un commanditaire éventuel ou un donateur ayant porté le prénom d’Alexandre et ayant pu faire exécuter ce devant d’autel et plus globalement de quoi meubler ou décorer cet ensemble monastique. Les différents abbés qui se succèdent à Saint-Génis-des-Fontaines au cours des XIIe et XIIIe siècles ne nous donnent pas, à ce jour, de renseignements significatifs. Peut-être faudrait-il, en revanche, se pencher davantage sur les inscriptions tantôt datées du XIIe siècle, tantôt du XIIIe siècle25. Il est également à noter que la « signature » n’est pas la seule inscription présente sur le devant d’autel26. Selon Robert Favreau, toutes les citations inscrites sur le panneau sont puisées chez le même évangéliste, Jean27. Plus généralement, se pose toujours la question de comprendre ce que peut signifier cette signature « plurielle », et pourquoi elle intervient au centre d’un antependium.

Le devant d’autel de Rivesaltes

  • 28 - DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 385-394.

18Le corpus des devants d’autel emprunts de « byzantinisme », évoqué en tout premier lieu par Marcel Durliat en 1950, intègre l’antependium de Rivesaltes. Ce dernier considère que si le Christ central de ce panneau « conserve toujours un regard fixe aux grands yeux clairs et des traits linéaires dépourvus de toute apparence de vie, il ne reproduit pas avec une fidélité parfaite le type byzantin à la différence de celui d’Oreillà. Par contre, pour lui, tous les per­sonnages du devant d’autel évoquent des figures déjà connues. Les visages des bourreaux qui clouent les pieds de Pierre sur la croix ont le même profil que celui de la Vierge dans la scène de la Visitation du retable d’Angoustrine, le gouverneur Agrippa ressemble de manière parfaite à l’Egéas du martyr de saint André sur le devant d’autel de Baltarga. Il en a les traits, le geste de la main droite levée et de la gauche appuyée sur la cuisse ; comme lui, il porte une tunique courte qui laisse les jambes découvertes, un manteau agrafé sur l’épaule droite, des chaussures souples et un petit chapeau rond. Saint Pierre et saint Paul, dans l’épisode de Simon le Magicien, évoquent irrésistiblement les modèles byzantins avec leur visage triste et dur, leur nez busqué et leur regard fixe »28. Marcel Durliat caractérise cet ensemble d’inspiration byzantine, ou plus précisément encore l’atelier de Maître Alexandre, par certains traits stylistiques : plis qui s’arrondissent sur le ventre, les genoux, les jambes et les épaules, retombant droits sur le bras et se cassant au bas de la tunique. Il précise néanmoins que « les brisures rigides font parfois place à des chutes plus molles et le maniérisme des plis pressés à une simplicité qui donne davantage de consistance aux figures ».

19Les récits de la vie du premier pape (saint Pierre) occupent tous les panneaux latéraux du devant d’autel. Ils entourent un Christ en Majesté, assis sur un trône recouvert d’un coussin et bénissant de la main droite. Dans les écoinçons de la mandorle centrale, deux des symboles des évangélistes sont représentés : en haut et à gauche, figure l’ange de Matthieu dont les mains sont voilées, et en haut à droite, l’aigle de Jean tient un phylactère dans ses griffes. Curieusement, le même oiseau, les ailes déployées cette fois, réapparaît en bas à droite, tandis qu’un personnage ploie le genou à la droite du Christ. Marcel Durliat pose la question de savoir s’il s’agit de la figure du donateur (se reporter à la fig. 1).

  • 29 - YOTA, Élisabeth. « L’image du donateur dans les manuscrits illustrés byzantins », Donation et don (...)
  • 30 - Ibidem, p. 273-274.
  • 31 - BACCI, Michèle. « Images « votives » et portraits de donateurs au Levant au Moyen Âge », Donation (...)

20Les quelques recherches menées à ce sujet font apparaître que, dans la tradition byzantine, le domaine des manuscrits illustrés est marqué par la coutume de la donation. Les exemples collectés par Élisabeth Yota sont tous datés ou datables du Xe au XIVe siècle29. Une des images présentées dans son ouvrage Donation et donateurs dans le monde byzantin nous intéresse particulièrement30. Il s’agit du donateur figuré dans le Vatican Reg. gr.1, daté du Xe siècle et montré agenouillé. Son attitude est très proche de celle rencontrée sur le devant d’autel de Rivesaltes en admettant qu’il s’agisse bien sur cette œuvre de la représentation d’une figure de donateur. On retrouve cette position de « suppliant » sur une dalle tombale gravée de l’archevêque Guillaume de Nazareth datant de 1290 et conservé au musée municipal d’Akko (Chypre). Au sujet de cette image, Michele Bacci montre « l’intensité du rapport dévotionnel que l’on visait à manifester visuellement. Cette intensité était véhiculée par des éléments compositionnels, iconographiques et formels, comme l’emplacement du suppliant, qui pouvait être soit juxtaposé à l’image d’un personnage ou d’un événement sacré, soit inséré à l’in­térieur du cadre qui la délimitait, l’écart dimensionnel entre les deux, et l’interaction suggérée par les regards et les gestes. Ce procédé typique de la société occidentale au Moyen Âge tardif, que l’on a essayé parfois de résumer dans l’expression « art testamentaire » que j’ai proposé d’appeler « images pro anima », a bien laissé des traces dans l’église Notre-Dame­du-Carmel et dans d’autres églises de Framagouste »31.

21Le fond de couleur uniforme du devant d’autel fait apparaître des personnages qui n’évoquent pas, pour Marcel Durliat, l’évocation d’êtres vivants mais plutôt celle d’apparitions abstraites. Il indique également que leur taille ne dépend pas de l’apparence qu’ils auraient dans la nature, mais de l’importance qu’ils acquièrent dans la pensée, c’est ainsi que le saint est plus grand que ses bourreaux.

  • 32 - LETURQUE, Anne. Sensim per partes discuntur quaelibet artes... Chaque art s’apprend lentement, pa (...)
  • 33 - Cf. l’encyclopédie Larousse en ligne à l’entrée perspective.

22Cette dernière remarque fait explicitement référence aux questions de proportions, de perspectives inversées et de perspectives hiérarchiques32. « Dans ce système de figuration [la perspective inversée], les lignes, en s’éloignant de l’œil, divergent au lieu de converger. Objets et figures secondaires ne rapetissent pas par rapport à l’œil du spectateur, mais en fonction du personnage central de la composition. Celui-ci est une figure religieuse vénérée et c’est sa vision, donc sa perspective qui importe et non celle de la personne qui contemple »33.

  • 34 - FLORENSKI, Pavel. La perspective inversée, Paris, Allia, 2013.
  • 35 - SENDLER, Egon. L’icône, image de l’invisible, éléments théologiques, esthétiques et techniques, P (...)

23Cette forme de représentation de la perspective n’est pas réaliste pour l’œil humain. Cette technique inverse totalement les structures de la représentation et correspond à l’intention délibérée de nier toute forme de naturalisme34. Il n’existe aucune source pour expliquer pourquoi, après l’art illusionniste de l’Antiquité, on commence brusquement à Byzance comme en Europe à représenter le monde en renversant les lignes de force de l’espace, mais ce changement exprime une transformation (ou un bouleversement) profonde dans la vie culturelle de l’époque, vraisemblablement liée aux idées philosophiques et théologiques du temps35.

  • 36 - SENÉ, Alain. Recherches sur la composition des tympans : 11e-13e siècles : les traditions géométr (...)
  • 37 -Cf. la collection du MNAC en ligne.

24Deux qualificatifs sont souvent ajoutés à la notion de perspective lorsqu’on parle du Moyen-Âge : la perspective inversée, abordée ci-dessus, et la perspective hiérarchique36. Cette dernière, signifiante ou d’importance, est un procédé de représentation qui permet de mettre en évidence un personnage par rapport à d’autres. Le personnage central est généralement le plus important de l’œuvre, comme l’est l’image du Christ en majesté. L’essentiel des œuvres romanes utilise ce procédé. En Catalogne, on le retrouve dans la majorité des devants d’autel des XIIe et XIIIe siècles et, également, tout au long du XIVe siècle37.

  • 38 - On retrouve également ce type de composition sur le devant d’autel de la Llagone. Cf. LETURQUE, 2 (...)
  • 39 - LETURQUE, 2015. Op. cit., p. 171-188.

25Les études réalisées au sujet de la théorie des « proportions byzantines » et la géométrisation appliquée aux œuvres de Catalogne sur panneaux de bois révèlent des caractères significatifs, facilement généralisables. Les compartiments des différentes scènes des panneaux peints structurent le décor, séparés par des frises, quelquefois marqués par des fonds colorés en alternance ou par des textures imitant des fonds d’or. La mandorle fait partie des figures géométriques qui organisent la composition. Elle s’articule autour d’un axe central permettant de placer la figure principale. Sur le devant d’autel dit « de Saillagouse » (Pyrénées-Orientales, Cerdagne, début du XIIIe siècle) – exemple tout à fait éloquent, sans être unique – trône un Christ en Majesté entouré des apôtres. D’autres figures majeures peuvent également être au centre de telles micro-architectures, comme une Vierge à l’Enfant encadrée par différentes scènes d’un cycle de la Nativité, ou encore un saint entouré des scènes représentatives de sa vie ou de son martyre. C’est le cas du devant d’autel de Rivesaltes38. Sur l’ensemble du corpus des panneaux peints conservés en Catalogne, la forme et la taille des visages sont variables. Le placement du regard et du nez par rapport aux deux axes centraux du nimbe est le plus souvent l’élément déterminant de cette variation. Globalement, les ressources dans les logiques de composition des peintres sont très diversifiées39.

26Sur le panneau roussillonnais, trois types de visages différents ont été identifiés, mais seulement deux techniques de représentation des carnations ont été mises en évidence. Nous identifions donc actuellement deux « mains ».

27Le premier peintre que nous qualifions de « byzantiniste » a réalisé quatre des personnages représentés sur le panneau (les deux en bas à droite, saint Pierre en bas à gauche et saint Pierre crucifié en haut à gauche), tous représentés de 3/4 (se reporter à la fig. 1). Le terme « byzantiniste » est discutable mais il offre néanmoins la possibilité d’identifier rapidement son style. On peut par exemple retrouver cette manière de traiter les visages sur les peintures de l’église de Panagia Tou Arakou du monastère de Lagoudera (Chypre, 1192), notamment dans la scène de la dormition de la Vierge40.

28La mise en peinture de ces quatre visages se caractérise par la stratigraphie suivante : fond blanc-crème ; ombres roses autour du visage (devenues jaunâtres par oxydation du vernis) ; pommettes rondes et roses ; ombre rose sous les yeux ; rehauts blanc (sur l’arête du nez et la bouche) ; pli blanc sur le front ; contours noirs (cheveux, contour des yeux, barbe, centre de la bouche).

29Deux autres personnages sont vraisemblablement exécutés avec la même facture (sourcils, yeux, joues...) mais diffèrent néanmoins dans le traitement des cheveux et la forme de la bouche. Trois autres d’entre eux participent de cette même logique avec en plus une modifi­cation de la forme des visages. Deux autres représentations sont plus difficilement attribuables tant les visages sont retouchés (se reporter à la fig. 1).

30Le deuxième peintre semble lui-aussi avoir exécuté quatre des protagonistes de ce panneau dont le principal : le Christ central (la partie droite de son visage a été totalement reprise), les trois personnages en haut à droite, saint Pierre en bas à droite, l’ange de Matthieu, les deux bourreaux en haut à gauche, l’ange en bas à gauche. La mise en peinture de ces visages se caractérise par un fond blanc uniforme (coups de pinceaux visibles), des ombres roses très claires, plus foncées sur les joues et sourcils, des pommettes et des lèvres roses (bien conservées sur les deux bourreaux en haut à gauche), le menton et les arêtes du nez bien marqués, des contours noirs très fins. Cette « main » semble plus maladroite que la précédente, excepté sur le Christ et l’ange inférieur gauche (se reporter à la fig. 1).

31Ces observations renvoient donc à deux traditions picturales différentes identifiées, auxquelles s’ajoutent des observations où la mise en peinture de certains individus semble quasiment offrir un mélange de ces deux traditions.

L’observation matérielle du devant d’autel de Rivesaltes

32En 2014, une observation macroscopique du devant d’autel de Rivesaltes a été effectuée dans les réserves de la Fondation Abegg avec Juliette Rollier, restauratrice et historienne de l’art. Ce panneau de bois, probablement du pin, est composé de six planches assemblées à joints vifs, parqueté donc aminci (l’épaisseur originale est donc inconnue). Une toile de transposition a probablement remplacé le support bois. Cette toile est visible tout le long du bord gauche du panneau (feuillure) et derrière le personnage assis en haut à gauche. Il s’agit apparemment d’une toile de lin ou de chanvre, le long de la feuillure (scène en haut à gauche). Le bourrelet d’une ancienne peinture montre la limite de celle-ci. De nombreux mastics sont visibles le long des bords et de la jonction entre les planches (fig. 11, 12).

Fig. 11

Fig. 11

Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » en cours de restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

Fig. 12

Fig. 12

Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » après restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

33Le cadre (11 x 7 cm) comprend des éléments circulaires incisés (éléments rapportés, clou central) et en creux. On peut encore observer des restes de préparation blanche et de couleurs sur le cadre (bleu, rouge). Le bord supérieur semble avoir été remplacé (ou peut-être raboté) ; les angles supérieurs sont très vermoulus. Des pattes métalliques de renfort ont été posées dans les creux des quatre angles lors d’une restauration effectuée en 1964 (fig. 13). Il est à noter que la position du cadre est inversée par rapport à la photographie d’avant restauration.

Fig. 13

Fig. 13

Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » après restauration

C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg

  • 41 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 3, p. 276-278.

34L’ensemble du panneau est peint sur une préparation blanche. La stratigraphie observée sur certains vêtements montre une grande variété de mise en peinture. Le manteau bleu du Christ est peint sur un fond bleu clair uniforme et lisse – laissant transparaître la couleur de la tunique jaune sous-jacente –, les plis sont de couleur bleue plus foncée, puis bleue foncée à noire. Enfin, interviennent des rehauts blancs et des contours noirs très fins. En revanche, les manteaux bleus des deux personnages de la scène inférieure gauche sont peints sur un fond rouge foncé agrémenté de plis rouges clairs, de rehauts bleus et de filets clairs sur les plis. Dans ces deux exemples, des contours noirs et des filets blancs de contour viennent parfaire le tout41.

  • 42 - CASTIŇEIRAS, 2015. Op. cit. note 13, p. 23.
  • 43 - Cennino Cennini décrit très bien cette nécessité du recours aux incisions « pour dessiner les con (...)

35Des incisions, effectuées dans la préparation blanche crayeuse qui couvre le bois, sont visibles sur la mandorle du devant d’autel de Rivesaltes, la limite entre les scènes latérales, les nimbes, la manche du Christ, le livre et le coussin du trône. Les études menées en Catalogne sur les panneaux peints montrent, qu’au sujet des tracés préparatoires, la pratique la plus courante est celle de l’incision, probable résultat d’un tracé au poinçon, ou à la pointe de plomb, repassée ou non à l’ocre dilué. Sur la dernière couche de préparation, imprimée ou non, on réalisait les incisions de la composition, que l’on peut encore apprécier à l’œil nu sur les devants d’autel de Baltarga, d’Angoustrine et d’autres encore tels que ceux de Mossoll et de Sant Romà del Vila42. Sur celui d’Angoustrine, on distingue même un repentir, c’est-à-dire une correction du trait apportée au cours de l’exécution de l’œuvre. Il est également à noter que sont incisés dans la préparation l’ensemble des tracés qui cernent les emplacements où doivent être appliquées des feuilles métalliques. Ainsi, y compris sur les panneaux où les dessins préparatoires ne sont pas incisés sur le reste de la composition, les contours des nimbes le sont, comme sur le devant d’autel d’Esquius43.

  • 44 - SKAUG, Erling. « Pre-Eyckian oil painting in Catalonia: the Abegg frontal – a piece in the puzzle (...)
  • 45 - Ce dernier est évidemment à distinguer du vernis recouvrant l’ensemble de l’œuvre dont l’emploi e (...)
  • 46 - BURNAM, John. « Recipes From Codex Matritensis A 16 (ahora 19) », University Of Cincinnati Studie (...)
  • 47 - CASTIŇEIRAS, 2012. Op. cit. note 19, p. 22. Les traités de technologies artistiques décrivent cet (...)

36Des feuilles métalliques, comme par exemple sur le nimbe de saint Pierre (scène supérieure droite) sont observables. On pourrait spontanément penser qu’il s’agit de feuilles d’étain, comme cela est généralement le cas sur les devants d’autel d’origine catalane. Nous ne pouvons cependant exclure qu’il s’agisse de feuilles d’argent comme le propose Erling Skaug44. Seules des investigations complémentaires et des comparaisons avec les résultats obtenus grâce aux analyses en cours sur le devant d’autel d’Oreillà pourraient nous faire avancer davantage. Quelle que soit la feuille de métal, se pose par contre nécessairement la question de l’emploi d’un vernis doré45. L’imitation de l’or en Catalogne aux XIIe et XIIIe siècles semble se résumer à une technique très employée, celle de la feuille d’étain sur laquelle on applique un vernis doré. On nomme cette technique colradura, doratura ou deauracio facilis, suivant les sources. Cette technique est décrite dans le livre de recettes d’un manuscrit miscellanées, réalisé en 1134 au monastère de Santa María de Ripoll (Madrid, Bibliothèque nationale d’Espagne, Ms. 19)46. Selon Manuel Castiňeiras, l’application d’une feuille d’étain vernie d’une couleur or est « employée de manière naissante dans les premiers panneaux peints d’Urgell [...]. Son application systématique et de manière sophistiquée à toute la superficie du pan­neau se convertit en une caractéristique de l’art roman catalan à partir de la deuxième moitié du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle, comme le montrent les devants d’autel de Planès, d’Alós d’Isil, de Ginestarre et d’Esterri de Cardós »47.

37Un poinçonnement circulaire dessine le pourtour de cette mandorle, du nimbe et de la croix intérieure de celui-ci. Des résidus de colle ou de cire, de feuille métallique (craquelés, altéra­tions brunes, rousses), de vernis noirci (conservé en petites plaques), de vernis de restaura­tion et cire de refixage sont également visibles. Dans la partie gauche du nimbe, il subsiste un fragment de feuille métallique encore accroché dans les trous de poinçon, et débordant sur le nimbe. Le fond de cette gloire est peint avec un ton rouge uniforme. Des plaques rouges épaisses sont posées avec un liant gras qui a créé des bourrelets. Il s’agit là probablement d’une laque. La manche du Christ est aussi poinçonnée. Le poinçon est circulaire et de taille irrégulière, peut-être a-t-on simplement utilisé une quelconque pointe métallique. On y observe également des résidus de colle et de feuille métallique.

  • 48 - Vocabulaire typologique et technique de la peinture et du dessin. Paris, Éditions du patrimoine, (...)
  • 49 - Ibidem.

38Le poinçonnage est effectué une fois que la feuille d’or, d’argent ou d’étain, est appliquée et de manière privilégiée lorsqu’on observe la présence d’un bol, ou d’une préparation permet­tant le brunissement de l’or. Il est qualifié comme une trace en creux profonde et « obtenue par l’utilisation de poinçons sur l’or bruni »48. Il existe plusieurs types de décors poinçonnés. Certains sont obtenus par la juxtaposition de formes simples, grâce à un poinçon soit hémisphérique donnant un point – on l’appelle décor de millet, décors « grainés », ou décors de points juxtaposés –, soit cylindrique formant des cercles. Des poinçons de formes plus ou moins complexes sont également fabriqués, permettant d’obtenir un motif en une seule fois (anneau, quadrilobe, rosette, voire des formes plus complexes telles des feuilles). D’autres décors sont dits « à la roulette, lorsque la répétition régulière d’une série de motifs suggère la disposition des poinçons en étoile pour former une petite roue »49. Le poinçonnage n’a pas seulement un rôle décoratif, il permet également de moduler les ombres et les lumières sur une surface.

  • 50 - MERCIER, Emmanuelle. « La polychromie de la Sedes Sapientiae de l’église Saint-Jean l’Évangéliste (...)
  • 51 - FRINTA, Mojmir. « An Investigation of the Punched Decoration of Medieval Italian and non Italian (...)
  • 52 - SKAUG, Erling. « Punch marks and sgraffito in the Santa Maria Maggiore Madonna. A 12th-century pi (...)
  • 53 - MERCIER, 2015. Op. cit. note 50, p. 138.
  • 54 - Au sujet du Maître de Vallbona de les Monges : voir FAVA, César. « Noves consideracions entorn al (...)
  • 55 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 331.

39L’utilisation du poinçonnage conduit à poursuivre la réflexion au sujet de l’emploi de cette technique et de sa datation. Emmanuelle Mercier (historienne de l’art, responsable de l’atelier de conservation et de restauration des œuvres polychromes sur bois à l’Institut royal du pa­trimoine artistique de Belgique) a travaillé sur la question de l’apparition des motifs décoratifs au poinçon et de leur diffusion, notamment à travers la Sedes de Saint-Jean, unique exemple conservé dans la sculpture mosane du XIIIe siècle présentant des décors poinçonnés (pois et fleurettes), intimement liés à celui des cabochons50. Mojmir Frinta a établi l’origine byzantine de la technique du poinçonnage aux VIe et VIIe siècles51. Or, en Occident, la technique ne se développe vraiment dans le Nord qu’au XIVe siècle, même si un nombre restreint d’exemples précoces de l’utilisation de cette technique avant 1200 existe en Italie, en Suède et en Allemagne52. Ces exemples témoignent donc de l’apparition de la technique du poinçonnage en Europe du Nord avant 1200. L’utilisation de cette technique semble ainsi résulter d’un transfert est-ouest ou d’un phénomène d’intersection entre métiers, mais cela n’explique pas pourquoi elle paraît être si rapidement abandonnée pour ne refaire son apparition et se développer qu’à partir du XIVe siècle. D’un point de vue purement technique, Emmanuelle Mercier suggère néanmoins que l’emploi du poinçonnage en dorure est facilité avec la présence de l’assiette du bol d’Arménie qui n’apparaît finalement qu’au XIVe siècle53. Les œuvres décorées avec des motifs poinçonnés, s’associant ou non à une ornementation appliquée moulée, a pastiglia, incisés ou ciselés, sont observables en Catalogne dans le deuxième quart du XIVe siècle, comme sur les œuvres du « maître de Vallbona de les Monges »54. Cependant, on pourrait ranger dans la catégorie des premières tentatives de décors poinçonnés l’ornement d’angle du cadre du devant d’autel d’Estet, daté de la première moitié du XIIIe siècle55.

  • 56 - PLAHTER, Unn, HOHLER, Erla, MORGAN, Nigel, WICHSTRÖM, Anne. Painted Altar Frontals of Norway (125 (...)
  • 57 - SKAUG, Erling. « Oil-based medium in spanish 13th century frontals: the Abegg frontal. A case of (...)
  • 58 - SKAUG, 1995. Op. cit.
  • 59 - SKAUG, Erling. Gothic painted altar frontals from the Church of Tingelstad. Materials, technique, (...)
  • 60 - DALBON, Charles. Les origines de la peinture à l’huile, Paris, éditions Perrin, 1904. Les recherc (...)

40L’article d’Erling Skaug, en 1995, aborde la question de la peinture à l’huile au sujet du devant d’autel de Rivesaltes, en lien avec la production norvégienne de la même époque56. Dans une communication datant de 1989, il propose une description matérielle du panneau et fait part de ses observations sur le modelé, les déformations de surface caractéristiques de l’em­ploi de l’huile et du blanc de plomb, les rides de surface57. Pour lui, on peut aussi y observer le phénomène appelé « peau de crocodile », en particulier dans toutes les parties adjacentes à des zones qui étaient vraisemblablement dorées à l’origine, probablement avec une imitation or-argent. Il n’a pas trouvé de traces d’argent, mais ce dernier a peut-être disparu pendant le « surnettoyage » impitoyable que la peinture a subi au cours de son histoire. Il a néanmoins pu effectuer un prélèvement sur le pied de saint Pierre, – représentant donc la peinture des carnations et non la peinture entière –, et demander à Unn Plahter de produire des analyses permettant de vérifier les premières constatations visuelles. Ces analyses confirment que l’échantillon est saponifiable, c’est-à-dire que la peinture est effectivement exécutée à l’huile siccative, et que, à en juger par les rides de surface prononcées, l’huile apparaît comme une composante ; on pourrait ajouter que le pétrole doit être une composante majeure de la peinture des carnations. Dans la publication du symposium d’Oslo en 1994, Erling Skaup rappelle ces résultats et précise que l’apparence générale des couches picturales suggère que l’huile semble avoir été employée pour la plupart des autres parties de la peinture58. Ces dernières observations posent clairement la question, chez ce spécialiste, de l’introduction de la peinture à l’huile dans l’aire méditerranéenne. Pour lui, le devant d’autel de Rivesaltes n’est qu’une première confirmation aléatoire de l’usage de la peinture à l’huile au XIIIe siècle dans cette région. En Europe du nord, les liants à base d’huile siccative ont été très fréquemment constatés, et ce dès le XIIe siècle. Il n’est donc pas impossible pour cet auteur d’établir les grandes lignes du développement de la peinture à l’huile à ses débuts. Cependant, sa première impression est que cette technique ne suit pas une progression linéaire59. On sait néanmoins que vers 1250 l’huile est utilisée en peinture dans le nord comme dans le sud de l’Europe60.

  • 61 - MORER, Antoni, FONT ALTABA, Manuel. « Resultats analítics dels materials i de la tècnica pictòri (...)
  • 62 - CASTIŇEIRAS, 2012. Op. cit. note 19, p. 19.
  • 63 - CASTIŇEIRAS, VERDAGUER, 2015. Op. cit. note 13, p. 229-234.

41Sur les panneaux peints de Catalogne aux XIIe et XIIIe siècles, on applique vraisemblablement les pigments avec du jaune d’œuf61. Cependant, Manuel Castiñeiras précise que l’analyse des panneaux les plus anciens (Urgell, Ix et Esquius) a permis de constater l’usage d’un autre liant protéique d’origine animale, difficile à déterminer62. Selon les dernières analyses des échantillons prélevés sur le fragment du baldaquin de Ribes, le liant d’une grande partie des pigments est de nature protéique, de l’œuf probablement. Cependant, dans deux des échan­tillons, l’un de violet et l’autre de vert, on a aussi détecté de l’huile comme liant (probablement de l’huile de lin). L’huile n’a été perçue que dans les parties de la composition à effets de modelage – particulièrement dans les vêtements –, réalisés par reliefs et transparences chro­matiques63.

  • 64 - GARZYA, Chiara. Eraclio : I colori e le arti dei Romani e la compilazione pseudo-eracliana. Bolog (...)
  • 65 - MARINELLI, Anna Maria et alii. « Le minium en peinture murale : technique d’usage dans les source (...)

42L’emploi de plusieurs liants sur une même peinture, qu’ils aient été utilisés pour appliquer ou broyer les couleurs, n’est pas exceptionnel. L’usage combiné de liants est présent dans plusieurs manuscrits médiévaux comme dans les traités d’Eraclius (Xe-XIIe siècles) ou de Pierre de Saint-Audemar (XIIe siècle)64. On y mélange par exemple du jaune d’œuf et de l’huile ; de la caséine et de la chaux ; de la gomme et de la myrrhe ; du blanc d’œuf, de la gomme, du vinaigre et du sel ammoniacal ; de la colle animale et du miel65.

  • 66 - Au Moyen Âge, les traités de technologie artistique font part de leurs soucis d’accélérer le séch (...)
  • 67 - ESCALOPIER Charles (de l’). Théophile, prêtre et moine. Essai sur divers arts, Nogent-le-Roi, édi (...)

43Pour sa part, le De diversis artibus du moine Théophile conseille de prendre les couleurs dont on veut se servir, de les broyer soigneusement à l’huile, sans eau, et de faire des mélanges de couleurs pour les figures et les vêtements. Théophile explique que l’on broie et utilise dans les travaux sur bois toutes les autres couleurs qui peuvent sécher au soleil, car on ne peut pas superposer une couleur sur une autre si la précédente n’est pas sèche66. Il indique égale­ment que, si on veut accélérer le travail, on peut broyer et appliquer la couleur avec de la gomme de cerisier ou de prunier délayée, chauffée jusqu’à liquéfaction et mélangée avec du blanc d’œuf délayé à l’eau67.

  • 68 - MERRIFIELD, op. cit. note 64, p. 117-165.
  • 69 - DALBON, op. cit. note 60, p. 19.

44Le traité De coloribus faciendis de Pierre de Saint-Omer (XIIIe siècle) contient, lui aussi, une nomenclature des matières colorantes dont on peut se servir pour peindre68. En plusieurs paragraphes du texte, les phrases se terminent ainsi : « Si tu veux peindre sur parchemin, tu la détremperas [la couleur] avec de l’œuf ou de l’eau gommée ; si c’est sur bois ou autres matières, avec de l’huile »69.

  • 70 - Le Liber diversarum artium est un texte de technologie artistique consacré à l’art de peindre. Il (...)
  • 71 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 340-348.

45Dans le Liber diversarum artium, on utilise les mêmes couleurs que celles employées pour peindre sur parchemin, les mêmes mélanges et les mêmes dégradés, mais que la manière de les détremper est différente70. L’auteur anonyme de ce traité donne des recommandations, se prononce sur les compatibilités et les incompatibilités de matériaux : le minium et la céruse s’appliquent seulement avec le blanc d’œuf et l’eau, on ne mélange pas le vert d’Espagne avec du suc de plante en peinture sur bois. Une catégorie de mélange est à éviter à tout prix, celle à base de plomb et de soufre. Cette combinaison conduit à la formation de sulfure de plomb qui, dans le temps, noircit les couleurs71.

46Pour contourner cette incompatibilité, les peintres d’alors séparaient les matières qui refusaient de cohabiter au moyen de « cernes », filets de couleur qui, posés sur le parchemin, empêchent la diffusion. Une autre méthode consiste à séparer les couches, comme lorsque l’on recouvre un rouge cinabre par un glacis de garance. La gomme arabique contenue dans la préparation fait office de barrière de diffusion. L’artiste peut ainsi jouer sur la brillance et la transparence de la couleur finale.

  • 72 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 199-200 ; p. 253, 258, 260-261 ; p. 353-357.

47Toujours dans le Liber diversarum artium, l’auteur explique que l’on peut superposer la laque à toutes les couleurs excepté le vert et la couleur verdâtre. Si on l’applique, par exemple, sur un bleu d’outremer naturel ou sur un bleu ordinaire, on obtient un violet sombre, sur un rouge isolé, cela donne un rouge plus intense. L’importance donnée au fait de bien tracer les contours des figures et de délimiter les fonds avec du noir, de l’or, de l’argent, ou même d’autres couleurs, est également à noter. Les pigments utilisés à l’huile sont majoritairement d’origine inorganique, même s’il a été mis en évidence l’utilisation des laques d’origine végétale, surtout pour les bleus et les rouges72.

48Longtemps oublié par les historiens de l’art, le devant d’autel de Rivesaltes a été peu étudié depuis Marcel Durliat en 1951, ou Erling Skaug en 1989. Pour autant, il demeure une pièce très importante pour notre compréhension de la production des panneaux peints en Cata­logne, et les inspirations byzantines qui l’impactent. Il nous permet aussi de mieux appré­hender les transferts de technologie qui s’opèrent quasi simultanément dans toute l’Europe. Les liens stylistiques qui unissent les panneaux peints regroupés par Marcel Durliat, et carac­térisés par Manuel Castiñeiras d’« art 1200 » paraissent justifiés73. Néanmoins, les différences certaines, y compris stylistiques, qui les singularisent, rendent improbable la question de l’attribution à un seul maître, et nous invite à davantage préciser la notion de culture commune. L’antependium dit d’Oreillà, que nous devons nommer plus justement de Saint-Martin-du-Canigou, est symptomatique de cette singularité grâce notamment à sa préciosité (incrustations et imitations de pierres précieuses, éléments en relief, argentures, dorures, laques etc.). De nombreux paramètres matériels et techniques concernant ce panneau sont en cours d’analyse : nature du support et du matériau intermédiaire couvrant tout ou partie de la surface, nature des résidus dans les fonds des incrustations de pierres précieuses aujourd’hui dispa­rues, encollages, préparations, reliefs à la goutte, dorure et argenture, glacis colorés, strati­graphie et composition des couches picturales (pigments, liants)74. Cette documentation est, pour l’équipe de factura, qui mène ce projet, un point de départ essentiel pour une meilleure connaissance des panneaux de bois peints des années 1200 en France et en Catalogne, et des études comparatives qui les accompagnent. Le devant d’autel de Saint-Martin-du-Canigou semble, en effet, avoir inspiré toute une série d’œuvres. Il se peut qu’il corresponde à un moment spécifique dans la mise en œuvre de la peinture sur bois mettant en lumière des évolutions techniques significatives.

49Le devant d’autel de Rivesaltes se situe dans cette lignée d’œuvres empruntes d’apports artistiques multiples et de savoir-faire locaux divers. La question de l’emploi de l’argent, en­core à vérifier, au lieu de celui de l’étain doré au vernis, répandu en Catalogne, la question de l’emploi de l’huile au lieu de l’emploi de la peinture à l’œuf, le poinçonnage, en sont autant d’exemples. L’apparition d’un personnage suppliant au bas de la mandorle, les représentations différentes des visages et des carnations, dont la répartition ne rompt pourtant pas l’unité picturale de l’œuvre, complètent cette énumération. La réalisation du panneau de Rivesaltes renvoie à une notion de syncrétisme tout à fait adaptée, nous semble-t-il, à la peinture catalane sur bois. Aux XIIe et XIIIe siècles, le territoire catalano-aragonais est au carrefour des influences hispaniques et françaises, ouvert aux cultures de tout le bassin méditerranéen. L’art s’y développe et se diffuse. Il reçoit de multiples influences et s’en enrichit en intégrant petit à petit de nombreux apports artistiques et techniques.

50Le devant d’autel de Sant Sadurni de Rotgers (Musée épiscopal de Vic, Catalogne), lui aussi oublié des historiens de l’art, semble directement en lien avec le panneau de Rivesaltes. L’antependium de Baltarga révèle également de nombreuses correspondances stylistiques avec les panneaux évoqués précédemment, mais la mise en peinture des carnations y est très différente de celles de Saint-Martin-du-Canigou ou de Rivesaltes. Il convoque une couleur de fond, une ombre, une lumière et un cerne auquel se combine une autre ombre de couleur verte. Cette mise en peinture, répandue en Catalogne, notamment dans la peinture murale, ne correspond pas à celle observable sur les deux autres devants d’autel. Le traitement du visage du Christ comme des protagonistes du panneau de Saint-Martin-du-Canigou renvoie davantage à la mise en peinture traditionnelle des icônes byzantines et russes. Le fondu des différentes ombres et lumières ne se retrouve pas dans les panneaux catalans, même si l’em­ploi de la couleur verte dans certains ensembles peints semble vouloir imiter ce procédé. Le panneau peint de Rivesaltes fait partie d’un ensemble d’œuvres, vraisemblablement exécutées entre le troisième quart du XIIe siècle et les premières décennies du XIIIe. Il semble s’inscrire dans une tradition picturale ayant reçu et expérimenté des caractéristiques habituellement attribuées à l’art byzantin (proportions, hiératisme, traitement des carnations, poinçonnage etc.). Cette inspiration orientale se conjugue avec des traditions locales (plusieurs types de traitement des carnations) et des diffusions techniques qui se répandent simultanément en Europe occidentale (peinture à l’huile). Ces techniques sont parfois adoptées rapidement et abandonnées aussi vite, probablement parce que le rendu ne correspond pas aux attentes du temps. Cela n’empêche pas de voir parfois cette technique réinvestie et massivement diffusée de longues années plus tard, comme cela fut peut-être le cas pour le poinçonnage en Europe du Nord et la peinture à l’huile en Italie. Les transferts technologiques ne suivent donc pas une évolution linéaire.

51Des études monographiques de chacune des œuvres assimilées à ce courant novateur emprunt de « byzantinisme » doivent à nouveau être menées. Elles pourraient permettre de dresser une synthèse en lien avec les apports technologiques offerts par des panneaux de bois ornés de décors peints et appliqués. Cette exceptionnelle richesse matérielle est certes issue d’un même bain culturel mais elle propose aussi une infinie variété.

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Notes

1 - Au sens large, le parement d’autel désigne tout type d’ornement placé sur le devant de la table d’autel pour le masquer et pour le décorer. Au sens strict, l’expression désigne un ornement de drap (soie, satin ou velours) enrichi de broderies ou de peintures [...]. On distingue généralement le parement d’autel au sens strict, qui est d’étoffe, et cela est confirmé par les textes médiévaux eux-mêmes, du devant d’autel ou antependium, qui remplit la même fonction, mais qui est de bois sculpté ou peint [...]. BIDEAULT, Maryse. « Parement d’autel et antependium », Encyclopædia Universalis, consulté le 1er décembre 2017.

2 - DURLIAT, Marcel. « Deux nouveaux devants d’autel du groupe de Maître Alexandre », Études Roussillonnaises, IV, 1951, p. 385-394.

3 - Pour consulter ces œuvres, voir LETURQUE, Anne. Du trait à la couleur : les arts picturaux en Catalogne aux âges romans. La peinture monumentale et les parements d’autel des Pyrénées-Orientales, Mémoire de Master, septembre 2010, Université Paul-Valéry-Montpellier 3.

4 - Au sujet du devant d’autel de la Llagone et du fragment de la collection Suntag, cf. DURLIAT. Op. cit. note 2; LETURQUE. Op. cit. note 3. Le devant d’autel dit d’Oreillà, classé monument historique au titre des objets le 18 février 1953, faisait partie du mobilier liturgique de l’église de Saint-Martin-du-Canigou, dispersé lors de l’abandon du monastère par les moines en 1784 et hérité par l’église paroissiale de Sainte-Marie d’Oreillà, où il est toujours conservé.

5 - DURLIAT, Marcel. « La peinture roussillonnaise à la lumière des découvertes récentes », Études Roussillonnaises, 1954-1955, IV, p. 293-306. Le 25 juin 2000, un article de L’indépendant mentionne le registre des délibérations du conseil municipal de Rivesaltes, pour le mois d’octobre 1925. Il relate la vente d’un fronton de bois à M. Dimon, antiquaire à Perpignan. Celui-ci accepte d’acheter pour 1 000 francs un fronton en bois se trouvant à l’église Saint-André du cimetière, que le maire qualifie d’objet qui n’a aucune valeur artistique et qui ne peut être d’aucune utilité pour la commune. Ce fronton fut donc vendu avec les quatre statuettes qui en font partie : LOUBÈS, Michel. « Un retable rivesaltais, vendu par le maire en 1925, serait en Suisse », L’indépendant, 25 juin 2000). Il paraît cependant difficile d’admettre avec aussi peu d’éléments qu’il s’agit bien du devant d’autel de Rivesaltes décrit par Marcel Durliat et aujourd’hui conservé à la fondation Abegg.

6 - DURLIAT, Marcel. Roussillon Roman, La Pierre-qui-vire, 1958, 4e édition, 1986, p. 314.

7 - Avec tous nos remerciements à M. Peter Mickaël, conservateur à la fondation Abegg.

8 - POST, Chandler Rathfon. A History of Spanish Painting, Cambridge, Harvard University Press, 12 volumes, 1930-1958 (I, p. 249 et 255; III, p. 726).

9 - Federico Zeri est un expert italien et un historien de l’art, spécialiste de la peinture italienne des XIIIe-XVe siècles.

10 - Le Musée national d’Art de Catalogne (Barcelone), le musée épiscopal de Vic, les musées diocésains et comarcaux de Lleida et de Solsona. Ils se distinguent également par leur nombre, leur format, la variété de leurs techniques et de leur iconographie.

11 - Pour les devants d’autel conservés provenant des Pyrénées-Orientales, cf. LETURQUE, 2010. Op. cit. note 3. La Norvège conserve également un riche patrimoine (31 devants d’autel peints), réparti entre les musées d’Oslo et de Bergen, et daté entre 1250 et 1350. Pour trouver des pièces équivalentes en Italie, il faut aussi s’en remettre à une datation plus tardive avec l’antependium de Berardenga (Pinacothèque de Sienne, 1215), malgré tout, ce pays possède encore toute une série de croix peintes, dyptiques et tabernacles, eux-aussi du XIIe siècle.

12 - CASTIŇEIRAS, Manuel. « La peinture sur table », L’art roman dans les collections du MNAC (Dir. J. Camps, M. Castiňeiras), Museu National d’Art de Catalogne et Lunwerg éditeurs, Barcelone, 2008, p. 116. D’après Walter Cook, une interprétation « populaire » de ces nouvelles formules interviendrait tout au long du XIIIe siècle (COOK, Walter. « The earliest painted panels of Catalonia » (I-VII), The Art Bulletin, 1923-1928; COOK, Walter; GUDIOL I RICART, Josep. Pintura e Imagineria romànica, Editorial Plus Ultra, Madrid, 1950.

13 - Pour le XIIe siècle, on a donc développé l’idée de l’existence de trois grands ateliers en rapport, respectivement, avec les cathédrales d’Urgell, de Vic, et le monastère de Ripoll : à Urgell, on attribue les devants d’autel d’Urgell, d’Ix, de Tavèrnoles, de Martinet et de Durro (CASTIŇEIRAS, Manuel. « L’étude des panneaux peints en Catalogne : artiste, apprentissage et techniques », Arts picturaux en territoires catalans (XIIe-XIVe siècle). Approches matérielles, techniques et comparatives (Dir. G. Mallet, A. Leturque), Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2015, p. 32). À Vic, ce sont les devants d’autel de San Martí de Sescorts, de Coll, de Sant Llorenç Dosmunts et d’Espinelves (CASTIŇEIRAS, 2015. Op. cit. note 13, p. 33). À Ripoll, le baldaquin de Ribes de Freser, l’antependium d’Esquius et les devants d’autel de Puigbò, de Llanars, de Planès et de Sagàs, ainsi que les panneaux latéraux de Mataplana, qui proviennent tous des territoires de l’ancien monastère (CASTIŇEIRAS, 2015. Op. cit. note 13, p. 33). Ce riche panorama du XIIe siècle est cependant à nuancer tant la prépondérance et l’empreinte des modèles de l’abbaye de Ripoll s’épanouissant également sur les devants d’autel des deux grands autres centres de production : Urgell, d’Ix (Cerdagne, 2e quart du XIIe siècle), de Martinet, de Durro (Alt Ribagorça, milieu du XIIe siècle) et d’Espinelves (Osona, fin du XIIe siècle). Le rôle central de l’abbaye de Ripoll dans la formation des premiers peintres sur bois de Catalogne semble être corroboré par les panneaux d’Esquius (Osona, 2e quart du XIIe siècle) et de Ribes (Ripollès, 2e quart du XIIe siècle). Cf. CASTIŇEIRAS, VERDAGUER, op. cit. note 13, 2015, p. 199-235.

14 - GUDIOL I CUNILL, Josep. « La pintura sobre fusta », La pintura migeval catalana. Els primitius, II, Barcelone, 1929 ; COOK, Walter, GUDIOL I RICART, Josep, op. cit. note 12.

15 - GUDIOL I CUNILL, 1929. Op. cit. note 14. En Roussillon, Bernard Alart a effectué un travail de recensement des sources mentionnant les peintres actifs dans cette aire géographique (ALART, Bernard. « Notes historiques sur la peinture et les peintres roussillonnais », Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, XIX, 1872).

16 - SUREDA I PONS, Joan. La pintura romànica a Catalunya, Madrid, édition Alianza, 1981, p. 218.

17 - CASTIŇEIRAS, 2008. Op. cit. note 12, p. 116.

18 - Pour Yvette Carbonell-Lamothe, les panneaux chypriotes sont une source d’inspiration éventuelle. Elle rappelle que Guilhem VIII de Montpellier a épousé, en 1174, la princesse byzantine Eudoxie. Elle évoque également l’installation, à la fin du XIIe siècle, des Lusignan à Chypre et les rapports matrimoniaux de cette famille avec les rois d’Aragon qui accentuent les liens entre l’Orient et l’Occident méditerranéen. Dans ces relations incessantes, les œuvres d’art auraient pu jouer un rôle éminent (CARBONELL-LAMOTHE, Yvette, « Les devants d’autels peints de Catalogne. Bilans et problèmes », Les Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa, V, 1974, p. 71-86 ; « Le devant d’autel peint d’Orella (P.-O.) », De la création à la restauration. Travaux d’histoire de l’art offerts à Marcel Durliat pour son 75e anniversaire, Toulouse, 1992, p. 285-291). Voir aussi CASTIŇEIRAS, 2008. Op. cit. note 12, p. 122-126 ; et CASTIŇEIRAS, « Bizanci, el mediterrani i l’art 1200 a Catalunya », Sintesi, Quaderns dels Seminaris de Besalú, 2, 2014, p. 9-26.

19 - CASTIŇEIRAS, Manuel, « Catalan Panel Painting around 1200 and the Art of the Eastern Mediterranean », Romanesque and the Mediterranean, 2nd International Romanesque Conference of the British Archaeological Association, Palerme, 16-18 avril 2012. Certains accents des devants d’autel catalans caractéristiques de « l’art 1200 » rappelleraient beaucoup – comme à Avià -les icônes chypriotes du XIIe siècle ou les peintures mariales de l’église de Lagoudera (Grèce, 1192). Les couleurs irisées de Sant Andreu de Baltarga (Cerdanya) sembleraient elles-aussi inspirées des formules de la peinture comnène. Les devants d’autel d’Oreillà et de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) viendraient rejoindre ce groupe d’inspiration byzantine (CASTIŇEIRAS, 2014. Op. cit. note 18, p. 9-26 ; 2015, op. cit. note 13, p. 30). L’interprétation populaire de ces panneaux évoquée par Walter Cook formerait un groupe constitué par les pièces de Mossoll, Farrera de Pallars, Sant Romà de Vila (Cook, Walter, 1923-1928, op. cit. note 12).

20 - Un groupe pyrénéen aurait réalisé une interprétation « populaire » de ces nouvelles formules byzantines tout au long du XIIIe siècle. On pourrait y inclure l’atelier de Roda de Isabena, avec, pour caractéristique, la technique des reliefs en plâtre, des plaques d’étain et du vernis doré. Là encore, ces groupes se fondent surtout sur des appréciations stylistiques et non sur une connaissance du fonctionnement des supposés ateliers du territoire catalan. De plus, le rôle de l’atelier de La Seu d’Urgell, non envisagé dans les divisions de Walter Cook, semble acquérir un rôle important dans ces mêmes années. Les devants d’autel de Mosoll, Esterri de Cardós, Ginestarre, Alós d’Isil, Tavèrnoles, les baldaquins de Tost ou les panneaux d’Orós seraient selon Manuel Castiñeiras plus proches qu’il n’y paraît. Leur création intervient dans un contexte où les nécessités en mobilier liturgique du diocèse se font sentir, notamment depuis les destructions réalisées l’an 1196 dans les églises rurales (révoltes albigeoises). Toutes ces œuvres appartiendraient à une production centrée autour de la cathédrale de La Seu d’Urgell dans le premier tiers du XIIe siècle, appelée de façon générale « l’atelier de La Seu d’Urgell 1200 » (CASTIŇEIRAS, 2015. Op. cit. note 13, p. 33).

21 - Le devant d’autel de Sant Martí de Gia, aujourd’hui conservé au MNAC, est aussi une œuvre sur bois avec signature. L’identité présumée du peintre Iohannes dérive de l’inscription IOhS PINTOR ME FECIT. Ce devant d’autel est associé à des œuvres qui appartiendraient à l’atelier de Ribagorza, (également nommé atelier ou école de Roda de Isábena ou de Lleida). Toutes les informations données ici sur le devant d’autel de Sant Marti de Gia sont issues de la notice rédigée par Marta Beltran. Le débat historiographique porte généralement sur son rôle au sein de ce possible atelier ainsi que sur les travaux qui pourraient lui être attribués. Certains le considèrent comme le « maître de l’atelier », ou bien comme celui qui en aurait réalisé la plupart des œuvres. Pour certains chercheurs, la présence de cette signature pourrait être la preuve d’une chronologie tardive. Jusqu’en 2011 et l’étude de Montserrat Pagès, cette inscription avait toujours été étudiée comme unique et le devant d’autel de Gia considéré comme le seul travail de l’atelier qui avait été signé (PAGÈS I PARETAS, Montserrat. « La signatura i una altra inscripció inèdita al frontal romànic de Cardet », Miscellània litúrgica catalana, XIX, 2011, p. 203-211). Cependant, il semblerait que la signature de Iohannes soit également présente sur le devant d’autel de Santa Maria de Cardet, aussi conservé au MNAC. La signature, partiellement préservée prendrait une forme similaire à celle du devant d’autel de Gia : [I]OH[ANNES] PIN[TOR].

22 - DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 103-119. Il ne subsiste de cette œuvre que les croquis de Louis de Bonnefoy (BONNEFOY, Louis de. « Épigraphie Roussillonnaise », Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, 1856, 8, p. 275-277 et 1860, 12, p. 58-60). Annie de Pous a, semble-t-il, retrouvé les dessins effectués par Louis de Bonnefoy et les a confiés à Marcel Durliat (DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 103-119). Voir également LETURQUE, 2010. Op. cit. note 2.

23 - Cf. BOSC, Marion, LETURQUE, Anne. « Le devant d’autel d’Oreillà : état de la question et regards techniques », Arts picturaux en territoires catalans (XIIe-XIVe siècles) -Approches matérielles, techniques et comparatives, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2015, p. 101-123 ; MAXWELL, Robert. « Les chartes décorées à l’époque romane », Bibliothèque de l’École des chartes, 169, 1, 2011, p. 11-39.

24 - MINEO, Émilie (2014). « De la définition d’un corpus au corps d’une définition : remarques méthodologiques sur le recensement des signatures épigraphiques médiévales ». Annales de Janua, n° 2, avril 2014.

25 - BONNEFOY Louis de. 1856, 8, op. cit. note 22, p. 275-277 et 1860, 12, op. cit. note 22, p. 58-60 ; DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 103-119 ; Arts anciens du Roussillon, Peinture, Perpignan, Conseil général des Pyrénées-Orientales, 1954 ; FAVREAU, Robert. « Saint-Génis-des-Fontaines », Corpus des inscriptions de la France médiévale, 11, Paris, édition du Centre National de la Recherche Scientifique, 1986, p. 138-151.

26 - Voici la description qu’en fait Louis de Bonnefoy en 1860 : « Au milieu, Dieu le fils, assis, barbu, la tête ornée du nimbe crucifère, la main droite élevée, bénissante, la main gauche appuyée sur un livre où l’on voit écrit : EGO SUM LUX MUNDI. Sous ses pieds nus, des croissants et quatre feuilles d’or, cernés d’un rayonnement blanchâtre, nagent dans un fond d’azur, comme des astres au ciel... L’auréole elliptique et dorée qui l’environne est brodée de petites perles en relief du même émail et de cabochons plus gros, alternativement rouges et bleus. Le fond du nimbe, aussi d’or, est rehaussé de perles et rinceaux finement dessinés. L’auréole est cantonnée du tétramorphe : l’ange et les trois animaux symboliques sont nimbés et chacun d’eux porte sur un lambel le nom de l’évangéliste qu’il représente. à droite et à gauche paraissent les douze apôtres, six de chaque côté, disposés trois par trois, sur deux rangs parallèles, debout, nimbés, les pieds nus. Tous sont nominativement désignés, à l’exception de saint Pierre qu’on distingue à l’attribut de la clef à double panneton. Vient ensuite la signature de l’artiste, écrite sur un étroit ruban qui traverse horizontalement le tableau, à droite et à gauche de l’auréole, sous les pieds des apôtres du rang supérieur : MAGISTER ALEXANDER ISTA OPERA FECIT. D’autres sujets recouvraient les faces latérales de l’autel. Du côté de l’évangile, tout est détruit ; le panneau correspondant du côté de l’épître est en fort mauvais état. On y distingue cependant saint Génis décapité : comme saint Denis, il marche portant sa tête dans ses mains.... On lit dans un coin : S. GENESIUS.à droite, un ange descend du ciel, tendant vers le saint un objet (palme ou couronne) que la confusion de cette partie du tableau rend méconnaissable. Trois guerriers, vêtus du haubert et du chaperon de mailles, considèrent le prodige avec un étonnement mêlé de crainte. Ce sont les bourreaux : deux d’entre eux tiennent à la main l’épée nue et sanglante. » (BONNEFOY (de), op. cit. note 22).

27 - FAVREAU, op. cit. note 25, p. 140-141.

28 - DURLIAT, 1951. Op. cit. note 2, p. 385-394.

29 - YOTA, Élisabeth. « L’image du donateur dans les manuscrits illustrés byzantins », Donation et donateurs dans le monde byzantin, Spieser J.-M., Yota, É. (dir.), Paris, Desclée de Brouwer, 2012, p. 265­292. Les exemples de représentation des donateurs avant le Xe siècle sont inexistants.

30 - Ibidem, p. 273-274.

31 - BACCI, Michèle. « Images « votives » et portraits de donateurs au Levant au Moyen Âge », Donation et donateurs dans le monde byzantin, Spieser J.-M., Yota, É. (dir.), Paris, Desclée de Brouwer, 2012, p. 294-308.

32 - LETURQUE, Anne. Sensim per partes discuntur quaelibet artes... Chaque art s’apprend lentement, pas à pas... : mise en regard d’un savoir écrit sur l’art de peindre au Moyen Âge (le Liber diversarum artium -Ms H277 -Bibliothèque inter-universitaire de Montpellier – Faculté de Médecine) et d’un savoir-faire pratique (les œuvres peintes sur murs et sur panneaux de bois en Catalogne aux XIIe et XIIIe siècles), thèse doctorale, novembre 2015, p. 171-188.

33 - Cf. l’encyclopédie Larousse en ligne à l’entrée perspective.

34 - FLORENSKI, Pavel. La perspective inversée, Paris, Allia, 2013.

35 - SENDLER, Egon. L’icône, image de l’invisible, éléments théologiques, esthétiques et techniques, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 120 et 126.

36 - SENÉ, Alain. Recherches sur la composition des tympans : 11e-13e siècles : les traditions géométriques. Thèse doctorale, Besançon, 1976, p. 39.

37 -Cf. la collection du MNAC en ligne.

38 - On retrouve également ce type de composition sur le devant d’autel de la Llagone. Cf. LETURQUE, 2010. Op. cit. note 3.

39 - LETURQUE, 2015. Op. cit., p. 171-188.

40 - NICOLAIDES, Andréas. « L’église de la Panagia Arakiotissa à Lagoudéra, Chypre : Étude iconographique des fresques de 1192 », Dumbarton Oaks Papers, 50, 1996, p. 1-137.

41 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 3, p. 276-278.

42 - CASTIŇEIRAS, 2015. Op. cit. note 13, p. 23.

43 - Cennino Cennini décrit très bien cette nécessité du recours aux incisions « pour dessiner les contours des figures sur fond d’or. Il indique qu’il faut avoir un poinçon afin de pouvoir creuser les contours de la figure sur les bords qui touchent au fond que tu dois dorer » (MOTTEZ, Victor. Le livre de l’art ou Traité de la peinture par Cennino Cennini, Paris, F. de Nobele libraire-éditeur, 1982, p. 90).

44 - SKAUG, Erling. « Pre-Eyckian oil painting in Catalonia: the Abegg frontal – a piece in the puzzle », Norwegian medieval altars and related material, Roma, Giorgio Bretschneider, 1995.

45 - Ce dernier est évidemment à distinguer du vernis recouvrant l’ensemble de l’œuvre dont l’emploi est probablement lié à une restauration. Les observations sous UV mettent en évidence des vernis irréguliers avec des zones plus nettoyées (absence de vernis), des repeints visibles à l’œil nu sous le vernis, des mastics et repeints posés sur le vernis (sombres sous UV).

46 - BURNAM, John. « Recipes From Codex Matritensis A 16 (ahora 19) », University Of Cincinnati Studies, 1912.

47 - CASTIŇEIRAS, 2012. Op. cit. note 19, p. 22. Les traités de technologies artistiques décrivent cet usage. Pour davantage de précisions, voir LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 340-348.

48 - Vocabulaire typologique et technique de la peinture et du dessin. Paris, Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2009, p. 1079.

49 - Ibidem.

50 - MERCIER, Emmanuelle. « La polychromie de la Sedes Sapientiae de l’église Saint-Jean l’Évangéliste à Liège : phénomène de transferts artistiques est-ouest au début du XIIIe siècle ? », Arts picturaux en territoires catalans (XIIe-XIVe siècles), Approches matérielles, techniques et comparatives, Presses Uni­versitaires de la Méditerranée, 2015 p. 138.

51 - FRINTA, Mojmir. « An Investigation of the Punched Decoration of Medieval Italian and non Italian Panel Paintings ». The Art Bulletin, juin 1965, p. 261-265; « Relief imitation of metallic sheating of Byzantine icons as an indicator of East-West influences », Acta, 7, 1980, p. 147-167; « Raised gilded adornment of the cypriot icons, and the occurrence of the technique in the west », Gesta, 20, 1981, p. 333-347; « The decoration of the gilded surface in panel painting around 1300 », Akten des XXV internationalen kongresses für kunstgeschichte, 1986, p. 69-75.

52 - SKAUG, Erling. « Punch marks and sgraffito in the Santa Maria Maggiore Madonna. A 12th-century pioneer case? », L’« immagine antica » della Madonna col Bambino di Santa Maria Maggiore, M. Ciatti , C. Frossinini (dir.), Studi e restauro, Florence, 2002, p. 63-68.

53 - MERCIER, 2015. Op. cit. note 50, p. 138.

54 - Au sujet du Maître de Vallbona de les Monges : voir FAVA, César. « Noves consideracions entorn al joc de retaule i frontal de Vallbona de les Monges », Buttletí del Museu Nacional d’Art de Catalunya, 10, 2009, p. 57-85.

55 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 331.

56 - PLAHTER, Unn, HOHLER, Erla, MORGAN, Nigel, WICHSTRÖM, Anne. Painted Altar Frontals of Norway (1250-1350), 3 vol. Oslo, 2004.

57 - SKAUG, Erling. « Oil-based medium in spanish 13th century frontals: the Abegg frontal. A case of study », Norvegian altar Frontals in their European context, UO.Kunsthist inst., Oslo, 16-19 décembre 1989.

58 - SKAUG, 1995. Op. cit.

59 - SKAUG, Erling. Gothic painted altar frontals from the Church of Tingelstad. Materials, technique, restoration, Oslo, Universitetsforlaget, 1974. Voir également, PLAHTER, 2004, op. cit. note 56.

60 - DALBON, Charles. Les origines de la peinture à l’huile, Paris, éditions Perrin, 1904. Les recherches de Charles Dalbon, il y a maintenant plus d’un siècle, ont permis de témoigner de l’emploi de l’huile, dès le XIIIe siècle, dans les travaux de décoration. Voir également KOLLANDSRUD, Kaja. « Vasaris Theory of the Origins of Oil Painting and its Influence on Cleaning Methods: The Ruined Polychromy of the Early Thirteenth Century Crucifix from Haug, Norway ». Sculpture Conservation: Preservation or Interference, Ashgate, Liverpool, Scholar Press, 1993, p. 139-150. Les travaux de Lucretia Kargère au Metropolitan Museum of Art de New York (KARGÈRE, Lucretia. « La sculpture romane polychrome sur bois en Auvergne et Bourgogne : étude technique de quatre sculptures du Metropolitan Museum de New York ». Les Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa, 2012, XLIII, p. 113-123) ou ceux d’Emmanuelle Mercier et Jana Sanyova à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique de Belgique (MERCIER, Emmanuelle, SANYOVA, Jana. « Art et technique de la polychromie romane sur bois dans l’Europe du nord ». Les Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa, 2014, XLIII, p. 125-133), ont montré l’usage d’un liant à l’huile pour la polychromie de la statuaire mobilière sur bois des XIIe et XIIIe siècles.

61 - MORER, Antoni, FONT ALTABA, Manuel. « Resultats analítics dels materials i de la tècnica pictòri del frontal d’Urgell ». Butlletí del MNAC, 1994, 2, p. 118-124 ; MORER, Antoni, PRAT, Nuria, BADIA, Joachim. « Noves aportancions a l’estudi de les tècniques pictòriques. La Majestat Batlló, la Majestat d’Organyà i el frontal de Planes ». Dans El romànic i la Mediterrània. Catalunya, Toulouse i Pisa (1120­1180). Barcelona, MNAC, 2008, p. 221-229.

62 - CASTIŇEIRAS, 2012. Op. cit. note 19, p. 19.

63 - CASTIŇEIRAS, VERDAGUER, 2015. Op. cit. note 13, p. 229-234.

64 - GARZYA, Chiara. Eraclio : I colori e le arti dei Romani e la compilazione pseudo-eracliana. Bologne, Il Mulino, 1996; MERRIFIELD, Mary. Original treatises dating from the XIIth to XVIIIth centuries on the arts of painting, in oil, miniature, mosaic, and on glass. Londres, J. Murray, 1849, New York, Dover publications, 1999.

65 - MARINELLI, Anna Maria et alii. « Le minium en peinture murale : technique d’usage dans les sources médiévales. Quelques observations sur des échantillons peints a fresco, et avec les liant typiques mentionnés en littérature ». Couleurs et temps – La couleur en conservation et restauration, 12e journées d’études de la SFIIC, Paris, 2006, p. 124.

66 - Au Moyen Âge, les traités de technologie artistique font part de leurs soucis d’accélérer le séchage de l’huile, sa siccativité étant, en effet, un des principaux problèmes rencontrés concernant ce médium. Eraclius cite au chapitre XXIX de son traité le blanc de plomb comme ingrédient à ajouter lors de la préparation de l’huile servant de liant dans la peinture. Il semble aussi que l’on puisse accélérer le séchage de la peinture à l’huile grâce à des réchauds qui, de même que le cauterium des anciens, étaient placés ou promenés devant les peintures (DALBON, 1904, op. cit.).

67 - ESCALOPIER Charles (de l’). Théophile, prêtre et moine. Essai sur divers arts, Nogent-le-Roi, éditions Firmin Didot Frères, Paris, 1843, Librairie des arts et métiers, 2004, p. 46.

68 - MERRIFIELD, op. cit. note 64, p. 117-165.

69 - DALBON, op. cit. note 60, p. 19.

70 - Le Liber diversarum artium est un texte de technologie artistique consacré à l’art de peindre. Il est conservé à la bibliothèque inter-universitaire de Montpellier et, plus précisément, à la faculté de médecine sous la cote H277 (fol. 81v°-100v°). Ce texte figure dans un manuscrit daté du XVe siècle, mais il est vraisemblable que le traité original ait été rédigé dans les années 1350.

71 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 340-348.

72 - LETURQUE, 2015. Op. cit. note 32, p. 199-200 ; p. 253, 258, 260-261 ; p. 353-357.

73 - BARRAL I ALTET, Xavier. « Histoire et chronologie de la peinture romane du Musée national d’Art de Catalogne », Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 138, 4, 1994, p. 821-848. En 1994, Xavier Barral i Altet en donnait cette définition : « Le style 1200. À la fin du XIIe siècle et au début du siècle suivant, on entrevoit en Catalogne ce que l’on définit dans l’art européen comme le style 1200 et qui, dans le Midi de la France et le Nord de l’Espagne, est surtout connu dans le domaine de la sculpture. Ce style est marqué par des rappels évocateurs des caractères byzantins ou par de lointains échos antiques ; il est représenté au Musée de Barcelone par l’abside latérale et des fragments de la nef centrale de l’église de Saint-Étienne d’Andorre-la-Vieille. On peut observer un certain rapport stylistique et thématique avec des œuvres d’Europe centrale – aussi bien des peintures que des miniatures – empruntes d’un byzantinisme atténué. Chez d’autres maîtres, comme ceux de Baltarga, d’Avià ou de Lluçà, qui prennent le nom des devants d’autel de ces églises, la filiation byzantine est en­core plus évidente ; ainsi, on a attribué à celui de Lluçà les décors muraux de Saint-Paul de Casserres del Berguedà (Musée de Solsona) et de Sainte-Marie de Puig-Reig, conservés sur place ».

74 - L’ensemble de ces éléments est étudié grâce à la macrospectrométrie de fluorescence X. Cette technologie innovante, appelée aussi « imagerie chimique », permet de visualiser la distribution des éléments compris dans les matériaux de la couche de peinture. Ces résultats, combinés avec la couleur et quelques prélèvements supplémentaires, permettent non seulement d’identifier les principaux pigments inorganiques mais aussi de les cartographier. Les analyses des prélèvements par les chromatographies liquide et gazeuse apporteront le complément d’informations sur les liants et les colorants organiques employés par les artistes des âges romans.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Riggisberg (Suisse), devant d’autel de Rivesaltes
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
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Titre Fig. 2
Légende Catalogne (Espagne), musée épiscopal de Vic, devant d'autel de Sant Sadurni de Rotgers, 1er quart du XIIIe siècle
Crédits © Musée épiscopal de Vic (Catalogne)
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Titre Fig. 3
Légende Oreilla (Pyrénées-Orientales), devant d'autel de Saint-Martin du Canigou dit « d'Oreilla », vers 1200
Crédits Dinh Thi Tien © CG66 / CCRP, 2012
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Titre Fig. 4
Légende Catalogne (Espagne), musée National d'Art de Catalogne, devant d'autel de Baltarga, vers 1200
Crédits © Musée National d'Art de Catalogne (Barcelone)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-4.jpg
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Titre Fig. 5
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-5.jpg
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Titre Fig. 6
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
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Fichier image/jpeg, 364k
Titre Fig. 7
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Fig. 8
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1957 du panneau dit « de Rivesaltes » avant restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 368k
Titre Fig. 9
Légende Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), devant d'autel disparu. Reprise graphique, d'après un dessin de Louis de Bonnefoy paru en 1951
Crédits © Anne Leturque
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Fichier image/jpeg, 304k
Titre Fig. 10
Légende Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), devant d'autel disparu. Reprise graphique, d'après un dessin de Louis de Bonnefoy paru en 1951
Crédits © Anne Leturque
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Fichier image/jpeg, 340k
Titre Fig. 11
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » en cours de restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
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Fichier image/jpeg, 324k
Titre Fig. 12
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » après restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
Titre Fig. 13
Légende Riggisberg (Suisse), photographie de 1964 du panneau dit « de Rivesaltes » après restauration
Crédits C. von Viràg © Abegg-Stiftung, Riggisberg
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/498/img-13.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Leturque, « Le devant d’autel de Rivesaltes, une œuvre roussillonnaise méconnue, datée des années 1200 »Patrimoines du Sud [En ligne], 7 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2018, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/498 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.498

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Auteur

Anne Leturque

Docteure en histoire de l’art médiéval, chercheure indépendante, chargée de cours à l’université Paul-Valéry de Montpellier

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