1Oubliés des manuels d’histoire de l’art, les plafonds peints médiévaux suscitent depuis une trentaine d’années un intérêt grandissant au sein de la recherche. Le nom même de « plafond » pour désigner ces objets est aujourd’hui sujet à débat au sein de la communauté scientifique. En effet, le terme « plafond » peut, à certains égards, paraître imprécis pour décrire ce type d’ouvrage : en relation avec son rôle structurel, il a été proposé d’utiliser le terme de « charpente de plancher ». Mais dans un souci de simplicité, et parce que le décor qui nous intéresse ici se trouve dans la partie inférieure de cette charpente, celle qui est visible « par en dessous », nous utiliserons le terme plus courant et plus répandu de « plafond » (fig. 1).
Fig. 1
Lagrasse (Aude), ancien Presbytère-Maison du patrimoine, plafond à caissons avec closoirs décorés de figures
G. Puchal © Commune de Lagrasse/RCPPM
- 1 - FÉRAULT, 2014, p. 12.
2Que leur fonction première soit de couvrir un espace, voire de séparer deux niveaux au sein d’un édifice1, n’empêche pas ces objets tridimensionnels d’adopter des formes structurelles multiples. Il est donc possible d’identifier plusieurs typologies de plafonds allant de la plus simple charpente constituée de poutres et de solives portant un plancher, à des charpentes à caissons formées par de multiples pièces à l’assemblage et à la modénature complexe. Lorsque le plafond reçoit un décor peint, celui-ci doit donc s’adapter à ces contraintes structurelles.
- 2 - En moyenne, les dimensions des closoirs sont environ de 30 cm x 18 cm.
- 3 - Pour exemple, le plafond de la loggia de la reine au Palais des rois de Majorque, à Perpignan, co (...)
3Le Bas Moyen Âge est particulièrement marqué par ce goût prononcé pour les intérieurs abondamment colorés. Ces décors se retrouvent aussi bien chez la haute noblesse et le haut clergé que chez l’élite urbaine. L’intégration d’un programme iconographique au sein d’un plafond pose néanmoins des problèmes très spécifiques. Contrairement au mur et à ses surfaces lisses aptes à recevoir des compositions décoratives ou figurées de grandes dimensions, les plafonds sont constitués d’une succession d’éléments tridimensionnels répétitifs qui conditionnent et limitent le décor. Les ateliers réalisant ces peintures ont été contraints d’intégrer ce fractionnement du support dans la conception des projets. Il est ainsi possible d’identifier deux types de décor peint : l’un courant, s’étirant le long des structures et se caractérisant le plus souvent en des motifs répétitifs de rinceaux ou de frises géométriques ; l’autre, se développant sur les surfaces lisses et limitées de la charpente. Parmi celles-ci, les closoirs sont les plus souvent privilégiés. Ces petites planches de bois insérées entre les solives, quoique de faibles dimensions2, offrent un support propice pour la réalisation de figures, voire pour construire de courts récits en plusieurs images, à la façon de nos modernes bandes dessinées. Parfois, les faces des poutres et la face inférieure des planches du plancher peuvent être décorées (fig. 2). Dans plusieurs exemples, les consoles s’inscrivent également dans le programme figuratif3. La structure peut ainsi conditionner le décor qui y est peint : la compréhension de ces décors passe par la prise en compte de l’organisation globale des plafonds. Cependant leur étude se heurte à plusieurs contraintes pour lesquelles la modélisation 3D pourrait apporter des réponses.
Fig. 2
Béziers (Hérault), Maison des Notaires, définition des principaux termes des éléments constitutifs de la charpente par Laurent Girousse sur un relevé de B. Lallemand (MEP).
© Laurent Girousse
- 4 - GIRARD, 2001 ; MÉRINDOL, 2001.
- 5 - La plupart des plafonds aujourd’hui recensés se trouvent à 5 ou 6 mètres du sol. Les motifs qui l (...)
- 6 - La valeur symbolique d’une image, voire son importance, n’est pas la même si elle se trouve près (...)
4Les travaux précurseurs conduits notamment par Alain Girard et Christian de Mérindol sur les plafonds peints de la Maison des chevaliers à Pont-Saint-Esprit, actuel musée d’Art sacré du Gard, ont permis de questionner un ensemble cohérent d’images conservées dans leur contexte architectural originel4. Le bon état de conservation de ces plafonds a permis aux chercheurs d’établir des liens entre les images et la hiérarchisation de l’espace architectural. L’étude de ces plafonds a ouvert la voie à une approche nouvelle : par-delà l’évident aspect esthétique de ces peintures, il est désormais acquis que l’organisation générale des plafonds en relation avec l’architecture révèle une valeur symbolique5. Il apparaît alors nécessaire de situer chaque closoir au sein d’un plafond afin de déterminer les relations qui peuvent exister entre les closoirs eux-mêmes et l’architecture. Grâce à cette analyse, il est possible de constater quelles images sont mises en avant et par quels biais, permettant à terme de déterminer l’existence d’un ou plusieurs discours6.
- 7 - Plusieurs campagnes ont été réalisées par Georges Puchal pour la RCPPM, parmi lesquelles le plafo (...)
5Bien que la recherche sur le sujet connaisse aujourd’hui un réel essor, les chercheurs restent confrontés à plusieurs difficultés face à l’étude des plafonds peints. Une majorité de ces ensembles nous sont parvenus dégradés, voire fragmentaires. D’autres ont fait l’objet de repeints recouvrant l’intégralité de la couche picturale d’origine. En outre, ces décors sont pour beaucoup conservés au sein de propriétés privées dont l’accès est par nature restreint. L’étude in situ en est par conséquent limitée. Pour remédier à cette contrainte, des campagnes photographiques en haute définition ont été menées depuis 2011 dans le but de constituer une base documentaire à destination des chercheurs7. L’imagerie numérique présente l’avantage de garantir une facilité d’accès à ces décors et de pouvoir ainsi réaliser des analyses iconographiques des plafonds peints. Toutefois, la bi-dimensionnalité des images rend difficile la lecture des rapports existants entre les peintures et leur spatialisation. Bien qu’un protocole pour la réalisation des corpus photographiques ait été réalisé (celui-ci comprend notamment l’assignation d’une numérotation pour chaque closoir qui permet de localiser l’élément au sein du plafond), il reste difficile d’appréhender ces images spatialement. Les plafonds peints sont avant tout des objets tridimensionnels dont les images qui les ornent ne constituent qu’une des composantes. Cette difficulté à présenter ces images dans leur contexte architectural impacte directement la recherche et la lecture qui peut en être faite, celles-ci étant encore trop souvent étudiées en dehors de leur contexte.
6De par la complexité de leur étude, tant par leur matérialité que par les programmes iconographiques qui s’y développent, l’analyse des plafonds peints nécessite une approche interdisciplinaire. Les études iconographiques et stylistiques ne peuvent se substituer à une analyse archéologique de l’architecture, à la dendrochronologie ou encore à des analyses physico-chimiques des pigments. L’imagerie technique numérique constitue un outil supplémentaire pour l’étude de ces décors. Plus encore, la modélisation 3D, réalisée à partir des méthodes de photogrammétrie, permettrait de pallier les difficultés d’accessibilité des décors et d’appréhender spatialement chaque image. Dès lors, cette technologie apparaît comme un outil à fort potentiel pour l’étude des plafonds peints. Face à l’accès restreint de certains ensembles, une restitution 3D consultable sur un écran, conservée sur un serveur sûr, faciliterait l’examen des relations entre les peintures. En effet, la modélisation 3D permet, mieux que les autres imageries techniques numériques, de lier en permanence le support et son décor et ainsi d’en faciliter l’étude conjointe.
7La photogrammétrie s’appuie sur un assemblage de nombreuses photographies du sujet comportant une marge de recouvrement de 60 à 75 % sur chaque photographie. Cette méthode aboutit à l’établissement d’un nuage de points auxquels sont attribués des coordonnées spatiales (x, y, z). L’ensemble de ces points permet d’obtenir un maillage qui rend compte de la géométrie d’un objet tridimensionnel. Ce processus d’acquisition nécessite une approche rigoureuse qui doit être adaptée à chaque cas en fonction de sa configuration, mais aussi de l’objet d’intérêt de l’étude. De par ses spécificités, la photogrammétrie présente l’avantage de pouvoir réaliser concomitamment des relevés précis d’un objet. Dans le cadre des plafonds peints, elle offre la possibilité de mieux comprendre leur structure, la relation du décor peint avec l’espace architectural et, également, de mesurer les dégradations et éventuelles déformations.
- 8 - Les modélisations faites à partir de plans préétablis sont trop limitées pour une utilisation sci (...)
8En regroupant une multitude d’informations en un support unique, le modèle 3D apparaît comme un outil puissant pour faciliter l’accessibilité de l’information aux différents acteurs du patrimoine. En effet, chaque point constitutif du modèle peut se rapporter à des incrémentations d’informations. Autrement dit, le modèle 3D est une métadonnée qui peut théoriquement être enrichie de manière exponentielle. Si chaque point d’un modèle peut être géolocalisé (c’est l’une des associations de données les plus basiques), il peut aussi ouvrir un lien vers d’autres informations (objets similaires, composition chimique d’un pigment prélevé à un endroit précis, etc.). Mais, l’ensemble de ces possibilités n’a de réelle valeur scientifique que si elle s’appuie sur une base parfaitement sûre. Par conséquent, la restitution numérique doit être issue d’un relevé très précis de l’objet correspondant à des critères communs et définis8. La restitution doit, à son tour, être validée par une équipe scientifique. Dès lors, le développement d’un protocole avec la définition de l’objet d’intérêt de l’étude apparaît plus qu’indispensable et nécessaire afin de conduire un suivi tout au long du processus de modélisation. D’abord le relevé, composé du nuage de points demande une parfaite exactitude. La restitution graphique, et la sémantisation des formes demandent, quant à elles, une étroite collaboration entre infographistes et scientifiques.
9Puisqu’elle permet de représenter tridimensionnellement l’architecture, la restitution 3D a le potentiel de faciliter la mise en place d’un projet de restauration en identifiant et en localisant les zones de dégradations. L’une des applications intéressantes, encore peu utilisée, est de proposer une première approche de restauration en réalisant des essais non destructifs pour l’œuvre. Dans le cas d’un plafond peint des solutions virtuelles de restauration pourraient ainsi être testées avant d’être validées. Le dialogue entre restaurateurs, scientifiques et responsables institutionnels de la conservation pourrait alors être facilité.
- 9 - À titre d’exemple, plusieurs closoirs faisant partie des plafonds peints du château de Pomas ont (...)
10À leur tour, les étapes de la restauration, ainsi que les informations qu’elles produisent, pourraient être intégrées à la modélisation : il serait alors possible d’établir un suivi de l’évolution de l’état de restauration et de conservation d’un plafond. De la même manière, il est possible de proposer des restitutions de certains ensembles dont des parties auraient disparues9.
- 10 - Des partenariats sont régulièrement conclus entre la RCPPM, des institutions muséales et académiq (...)
11En tant qu’outil de médiation, le modèle 3D est une source d’applications multiples dont beaucoup restent à inventer et à développer. La réalisation d’un modèle 3D d’un plafond génère en amont la production de nombreux documents (photographies, rapports, etc.) riches d’informations. Leur collecte constitue des bases de données structurées pouvant être utilisées pour la réalisation de dossiers pédagogiques, qu’ils soient ensuite exploités en ligne ou de manière plus traditionnelle10. Utile, et à juste titre prisée, la réalité augmentée par laquelle il est possible de compléter visuellement des parties d’édifice disparues ou des états antérieurs d’un lieu, constitue une des possibilités offertes par le modèle 3D. Elle permet d’accompagner le public dans la compréhension de ce patrimoine singulier. De fait, le modèle numérique peut pleinement s’intégrer dans un programme pédagogique ou touristique et être un puissant support pour les professionnels du patrimoine.
- 11 - Concernant ces questions nous renvoyons au livret II des recommandations du Consortium 3D SHS de (...)
12Le recours à des outils numériques apparaît également comme une opportunité pour rendre claires et lisibles les données récoltées lors d’une étude in situ. En tant que métadonnée, le modèle 3D offre un support intéressant pour l’accessibilité et la circulation de l’information auprès des différents acteurs du patrimoine. Il s’adapte au temps long de la recherche, souvent incompatible avec le temps limité d’une opération sur le terrain. Grâce à la restitution 3D d’un plafond, certaines informations récoltées sur place peuvent être spatialiser au sein de la structure. Le modèle 3D offre également de nouvelles possibilités de travail collaboratif entre les chercheurs ainsi que de combiner des approches interdisciplinaires sur un même objet. Cet aspect pose toutefois plusieurs interrogations quant à l’hébergement de l’ensemble de ces données et de leur archivage dont il est essentiel de garantir la pérennité11. En outre, la question de la licence d’exploitation et de la réutilisation de ces modèles 3D est également à interroger.
- 13 - Nous tenons à remercier Livio de Luca, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’UMR CNRS/ (...)
- 14 - DE LUCA, 2009.
13Consciente des enjeux de la modélisation 3D, la RCPPM a souhaité conduire un premier essai en collaboration avec l’UMR-CNRS MAP (Modèles et simulations pour l’architecture et le patrimoine), spécialisé dans le domaine de la modélisation du patrimoine bâti et de la sémantisation des modèles numériques13. Depuis plusieurs années, le laboratoire élabore une méthodologie d’acquisition des donnés notamment à partir de la photogrammétrie14. Actuellement, il développe « Aïoli », une plateforme collaborative pour l’annotation sémantique de modèles 3D d’objets patrimoniaux. Elle permet d’intégrer l’acquisition par photogrammétrie d’un objet pour en proposer une image 3D sous la forme d’un nuage de points. Interface hybride, « Aïoli » rend possible l’annotation sémantique sur des images 2D qui sont par la suite projetées sur l’image 3D. Ces annotations s’organisent sous la forme de groupes de calques dans lesquels sont définis des descripteurs permettant d’insérer des informations. Par cela, « Aïoli » fonctionne comme une base de données.
14La modélisation 3D d’un plafond peint prenant en compte à la fois la structure et le décor n’ayant jamais été réalisée, il s’agit d’un essai destiné à déterminer la possibilité de modélisation pour en déterminer les conditions et les limites. Les enjeux sont d’une part de rendre compte de la structure du plafond, qui peut dans certains cas être complexe, d’autre part de rendre lisible le décor peint en le spatialisant.
15Pour mener cette première expérience test, la RCPPM a choisi de modéliser le plafond de la Maison des Notaires à Béziers (fig. 3). Ce choix se justifie d’une part en raison de la localisation et de l’accessibilité du lieu. D’autre part, les dimensions du plafond (environ 4 m sur 3,4 m dans son état actuel) offrent la possibilité d’effectuer un recouvrement photogrammétrique complet dans une durée restreinte.
Fig. 3
Béziers (Hérault), Maison des Notaires, vue partielle du plafond à deux rangs de closoirs, l’abatage d’une cloison laisse voir la différence entre la partie repeinte (très maladroitement) et la partie non restaurée
© E. Gomez
16Une des clés principales pour obtenir un relevé précis par photogrammétrie est la mise en place, préalablement à l’acquisition photographique, d’un éclairage homogène afin de réduire au mieux ces variations de luminosité et par conséquent les zones d’occlusion dans le relevé. Le plafond de la Maison des Notaires a une structure complexe dans laquelle se superposent deux niveaux de closoirs en encorbellement. Le premier niveau est également scandé par des consoles (ou corbeaux) dont les extrémités se terminent par des têtes sculptées polychromes (fig. 4). Ces différents volumes sont susceptibles de créer de nombreuses zones d’ombre rendant délicate l’acquisition complète du plafond. Au vu de ces contraintes, ce plafond apparaît comme un exemple particulièrement pertinent pour une opération test.
Fig. 4
Béziers (Hérault), Maison des Notaires, détail des consoles sculptées
G. Puchal © RCPPM
17Un des buts de cette expérimentation est de mettre en place un protocole d’acquisition susceptible d’être reproductible pour la modélisation des plafonds peints médiévaux. Celui-ci doit tenir compte du sujet, de sa dimension métrique, ainsi que du contexte architectural, obligeant de fait à intégrer ces variables dans le protocole pour répondre à chaque cas. À terme, la mise en place d’un protocole d’acquisition type serait d’une grande utilité pour estimer la durée d’une intervention et faciliter sa réalisation.
- 15 - La modélisation a été réalisée par Anthony Pamart (ingénieur au CNRS- MAP - UMR 3495) avec la par (...)
- 16 - L’orthophotographie est une image photographique réalisée de manière à être superposable point pa (...)
- 17 - L’acquisition photographique a demandé ici une journée de travail sur le terrain pendant laquelle (...)
18Pour un relevé complet du plafond de la Maison des Notaires15, il a été choisi d’effectuer à la fois des prises de vue en orthophotographie et des prises de vue en oblique. Ces dernières sont indispensables pour modéliser les closoirs sur lesquels se concentre la majorité du décor, priorisé au cours de cette expérimentation. La précision recherchée du relevé définit le nombre des prises de vue. Lors de l’acquisition, l’orthophotographie16 a été réalisée en prenant pour repère les travées déterminées par les solives, se substituant alors au relevé par utilisation d’un pointeur laser pour pré-calculer le pas (la distance entre deux prises de vue, soit le « pas » d’acquisition). Des repères au sol peuvent également être tracés afin de définir le parcours permettant le recouvrement complet du plafond et de faciliter ainsi l’acquisition. Dans l’idéal, ce parcours peut être établi en amont de la campagne de relevé à partir d’un plan déjà réalisé du plafond, pour aboutir ainsi à une première estimation de la durée de l’intervention17.
19Chaque début de séquence a fait l’objet de deux prises de vue. La première en respectant le pas préalablement défini et la seconde, à titre complémentaire, en double pas. Pour les obliques, elles se sont concentrées sur les éléments présentant un décor, à savoir les closoirs et les consoles. Elles ont été prises avec un angle de vue à 45°. Pour les détails des têtes sculptées aux extrémités des consoles, il est souhaitable de faire une couverture à partir de cinq photos prises « en étoile » (centre, haut, bas, gauche, droite) afin de disposer de toutes les vues nécessaires à leur modélisation. Cela n’a pas été fait lors de cette première acquisition. Il est toutefois possible d’envisager un prochain test en prenant comme sujet les consoles qui par leurs variations de volume présentent des contraintes auxquelles il semble intéressant de se confronter.
20Les photographies prises lors de la phase d’acquisition forment le corpus de données qui sont ensuite traitées informatiquement pour modéliser le plafond. L’opération de base a consisté à procéder à l’alignement des photos, c’est-à-dire à établir les points de correspondances entre chaque prise de vue, afin d’obtenir un nuage de points. Cette opération se fait automatiquement à l’aide de logiciel de photogrammétrie comme Metashape Pro. Du nuage de points est extrait un maillage spatial, plus ou moins dense selon les impératifs de la restitution, qui constitue, en quelque sorte, le squelette géométrique de l’image texturée. Ces traitements rendent possible l’extraction de divers documents numériques.
- 18 - Dans un article encore inédit sur le plafond de la Maison des Notaires, Laurent Girousse développ (...)
21L’orthophotographie en est une première restitution. Elle offre la possibilité de créer un plan du plafond, qui tient compte de la complexité de la structure de la charpente et de l’emplacement du décor peint (fig. 5). Ces images semblent nécessaires lorsqu’il n’existe aucun plan respectant les normes de représentation en vigueur (plan orienté, avec une échelle, etc.). À cela, s’ajoute la possibilité de réaliser, toujours à partir de l’orthophotographie, un Digital Elevation Model (DEM) qui permet de mieux comprendre la géométrie de l’objet ainsi que ses déformations18. Cela peut être utile pour percevoir l’évolution d’un plafond et ainsi servir de support à un projet de restauration éventuel.
Fig. 5
Béziers (Hérault), Maison des Notaires. Orthophotographie d’une partie de la travée ouest du plafond. Les lacunes sont dues aux conditions de relevé évoquées ci-dessus. Cette restitution laisse toutefois entrevoir l’intérêt que peut présenter l’orthophotographie dans l’étude et l’appréhension des plafonds peints
A. Pamart © CNRS-MAP
22Les premiers rendus 3D issus du nuage de points réalisés par Anthony Pamart ont été testés comme bases pour la sémantisation des formes. Au cours d’une semaine de stage au laboratoire MAP, Marion Ortiz a procédé à l’annotation, sous forme de descripteur, de la majorité des éléments disposant d’un décor peint, c’est-à-dire les closoirs et les consoles (fig. 6 et 7). Le constat a été fait aussi des limites de ce premier exercice faisant apparaître la nécessité de définir plus finement les descripteurs et notamment d’établir un thesaurus commun aux différents acteurs de la recherche et du patrimoine qui réponde aux problématiques propres des plafonds peints.
Fig. 6
Plateforme Aïoli, captures d’écran (août 2019). Annotations des closoirs réalisées sur les vues 2D incrémentées au modèle 3D
A. Pamart © CNRS-MAP
Fig. 7
Plateforme Aïoli, captures d’écran (août 2019). Annotations des consoles réalisées sur les vues 2D incrémentées au modèle 3D
A. Pamart © CNRS-MAP
23Concernant les annotations, les difficultés rencontrées reposent essentiellement sur des lacunes présentes dans le nuage de points. Celles-ci sont dues d’une part à un contexte d’acquisition complexe conduisant à un recouvrement incomplet de l’objet d’étude par les images choisies, d’autre part à un état de conservation critique rendant difficile l’annotation de certaines zones (fig. 8). Afin de combler ces lacunes, il semble donc nécessaire d’ajouter dans le futur différentes vues obliques ou de mêler les orthophotos aux obliques.
Fig. 8
Plateforme Aïoli, capture d’écran (août 2019), essai d’annotation des moisissures visibles sur les consoles et les solives
A. Pamart © CNRS-MAP
24La modélisation 3D et la fonction d’annotation disponible à travers la plateforme « Aïoli » présentent un véritable intérêt dans la connaissance et la diffusion des savoirs. En raison de sa structure, de son décor et de son état de conservation, le plafond de la Maison des Notaires, dont la totalité nous est encore inconnue, est un objet d’un grand intérêt dans l’expérimentation de l’utilisation de ces technologies appliquées à l’étude des plafonds peints médiévaux. À partir de cet ensemble, il serait possible de définir un projet d’étude précis sur une partie du plafond afin d’en proposer un travail complet et exhaustif. La deuxième travée orientale de la salle présente l’intérêt d’avoir fait l’objet d’un dégagement récent dans sa partie la plus au sud, mettant au jour un décor qui n’aurait pas fait l’objet des repeints abusifs visibles sur le reste du plafond. La mise en lumière de ces différents états corrélée avec la perspective d’un éventuel projet de restauration du plafond fait de la Maison des Notaires un objet d’étude d’un intérêt suffisant pour en proposer une modélisation complète.
25Dans une volonté d’inscrire ce premier essai dans un projet plus large de recherche à long terme, l’élaboration d’un corpus de plafonds peints susceptibles de faire l’objet d’une modélisation 3D pourrait être réalisé. Plusieurs critères seraient à prendre en compte, mais il apparaît indispensable d’établir une sélection de plafonds regroupant des typologies structurelles différentes. L’intérêt serait d’établir un protocole d’acquisition qui soit reproductible pour chaque type de structure et puisse servir de base dans des campagnes de modélisation futures. Ce premier projet permettrait de définir davantage les contraintes propres à chaque structure de plafond. À terme, il sera possible d’évaluer l’investissement que peut engendrer une campagne de relevé, tant d’un point de vu temporel que matériel, et d’adapter l’acquisition en fonction de l’objet d’étude. Ces protocoles doivent toutefois présenter une certaine souplesse pour pouvoir s’adapter aux contraintes architecturales que peut présenter chaque lieu.