- 1 - Revue d’histoire des chemins de fer, n° 28-29.
- 2 - CHAVY, p. 34-39.
1Si la littérature ferroviaire compte nombre d’études relatives au matériel roulant – moteur en particulier –, l’histoire des établissements du Matériel et de la Traction reste encore méconnue, notamment celle des ateliers de réparations. Ce thème a été mis en lumière lors du 10e colloque de l’Association pour l’histoire des chemins de fer en France organisé à Arles du 25 au 27 avril 2002. À cette occasion, Christian Chevandier et Philippe Mioche soulignèrent l’intérêt d’une approche pluridisciplinaire, d’une « histoire totale » englobant l’architecture, le matériel, l’organisation, les gestes du travail, les relations sociales, etc1. De ce point de vue, le dépôt-atelier de Béziers, sur lequel n’existait jusqu’à ce jour qu’une courte notice historique2, offre un magistral champ de recherches. En effet, créé par la Cie du Midi dans la deuxième moitié du XIXe siècle sur des emprises héritées du chemin de fer de Graissessac, il regroupa longtemps un dépôt stricto sensu (traction des trains) et de « grands ateliers » pour la réparation du matériel roulant. Spécialisés dès avant la deuxième guerre mondiale dans la maintenance des locomotives électriques – le Midi fut un pionnier de l’électrification –, les ateliers de Béziers figurèrent ainsi, jusque dans les années 1990, parmi les principaux centres de maintenance de locomotives électriques de la SNCF avec Oullins (près de Lyon), Vitry (près de Paris), Épernay (près de Reims) et Hellemmes (près de Lille).
- 3 - Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’inventaire du patrimoine de la ligne Béziers - Neussargue (...)
- 4 - Parmi les (rares) travaux parus depuis 2000, citons deux monographies ferroviaires contenant d’im (...)
2La synthèse que nous proposons aujourd’hui sur le dépôt-atelier de Béziers s’appuie sur une étude inédite de documents conservés notamment aux archives départementales de l’Hérault (contrôle des chemins de fer du Midi) et au centre national des archives du personnel de la SNCF à Béziers. Ce travail a notamment permis de reconstituer les grandes étapes de la construction de l’enveloppe bâtie. Représentative de tous les types de construction employés successivement dans l’architecture industrielle, ces bâtiments revêtent aujourd’hui un intérêt patrimonial certain3. En revanche, il a été plus difficile de cerner le mobilier industriel installé au fil du temps. En effet, la longévité du site - un siècle et demi - et l’évolution de ses missions ont entraîné la disparition de l’outillage le plus ancien, et la substitution de machines plus récentes ou adaptées à la nouvelle vocation de l’établissement. Toutefois, un exceptionnel inventaire a répondu à notre attente en restituant de façon détaillée l’équipement d’un atelier du Matériel ferroviaire au début de XXe siècle. Il nous a été également possible de saisir le passage de la vapeur à l’électricité comme force motrice à la fin de la première décennie du XXe siècle. De même, nous avons réuni des informations précises sur l’organisation du site à diverses époques, son activité, les effectifs du personnel, les métiers pratiqués par celui-ci ou encore les suppressions d’emplois consécutives à la grève de 1920. Répondant à l’appel lancé en 2002, cette étude embrassant de nombreuses facettes éclaire donc un établissement du Matériel et de la Traction méconnu, en dépit de l’importance qui fut la sienne. Elle apporte aussi une pierre à l’histoire des « dépôts » d’Occitanie qui reste un domaine encore largement inexploré4.
- 5 - Déviation mise en service à l’automne 1857, quelques mois après la voie ferrée. La concurrence in (...)
3Au milieu du XIXe siècle, la jonction des lignes Bordeaux/Sète et Graissessac/Béziers esquissa l’étoile ferroviaire biterroise. Maillon de la transversale Bordeaux/Marseille, la première fut construite par la Cie des chemins de fer du Midi fondée par les frères Émile et Isaac Pereire en 1852. Longue de 53 km, la seconde fut concédée en cette même année 1852 à la « Cie du chemin de fer de Graissessac à Béziers » pour « désenclaver » le bassin houiller situé au nord de Béziers. La Cie du Midi implanta sa gare au sud de la ville, au sortir du pont sur l’Orb, entre le pied de l’acropole et la déviation du canal projetée à la même époque pour construire un pont-aqueduc sur l’Orb et un nouveau bassin (le « Port neuf »)5. Au milieu du XIXe siècle, des vignes, des jardins et deux installations industrielles (dont l’usine à gaz créée en 1846) occupaient cet emplacement en pente douce vers le fleuve. Le choix de ce site s’explique par l’obligation de raccorder la ligne de Graissessac, compte tenu des déclivités maxima et des rayons de courbure admissibles, entre l’usine à gaz et l’avenue de Sauclières. Cet emplacement offrait également l’avantage d’une desserte commode par la partie supérieure de celle-ci (actuelle avenue Gambetta).
- 6 - PV d’enquête du 7 décembre 1854, dire de l’ingénieur du canal du Midi, Achille Simonneau, qui obs (...)
- 7 - Déclaration du maire Lognos du 28 novembre 1854, annexée au PV d’enquête du 7 décembre 1854, AD H (...)
4Présenté par la Cie du Midi en octobre 1854, le projet de gare - qui comportait aussi les installations concertées avec la Cie de Graissessac - suscita lors de l’enquête « sur le nombre, l’étendue et l’emplacement des stations » de vives réclamations contre la déviation « ou pour mieux dire […] la suppression »6 du chemin de Sauclières, une des plus belles avenues de Béziers « qui constitue pour les habitants une promenade des plus agréables, la seule qui mette en communication la ville avec les belles allées du canal de Sauclières et la partie canalisée de la rivière »7 (fig. 1).
Fig. 1
Béziers (Hérault), plan des abords de la ville (vers 1870), raccordement des lignes Bordeaux - Sète et Graissessac - Béziers. Noter la déviation du chemin de Sauclières par le Pont noir et le dépôt-atelier de l’ancienne Cie du Graissessac - Béziers implanté entre les deux lignes
© Ph. Marassé
5Deux conférences furent nécessaires aux représentants des trois compagnies intéressées (Midi, Graissessac et canal) pour remanier le plan définitivement approuvé par le ministre des Travaux publics le 8 juin 1855. Le nouveau projet, qui servit de base à l’enquête parcellaire, substituait un passage inférieur (le pont de Sauclières ou Pont noir) au passage supérieur prévu pour permettre au chemin de Sauclières dévié de traverser les rails. La transversale Bordeaux-Sète fut inaugurée par les frères Pereire le 22 avril 1857. Quant à la ligne de Graissessac, les invraisemblables difficultés rencontrées lors de la construction conduisirent la société concessionnaire, à bout de ressources, à solliciter sa mise sous séquestre prononcée le 12 mai 1858. C’est donc l’État qui termina les travaux et ouvrit la voie ferrée à l’exploitation à la fin de 1858, mais aux marchandises seulement : le 20 septembre entre Béziers et Bédarieux et le 28 décembre entre Bédarieux et Estréchoux. Le service des voyageurs ne débuta que le 1er septembre 1859 après d’ultimes parachèvements (revêtement de tunnels notamment).
6À défaut de traité de communauté, la Cie du Midi et l’administration du séquestre de la ligne de Graissessac fonctionnaient sous le régime des services séparés. Partiellement en remblai, les installations du Midi s’étiraient entre le passage à niveau de l’ancien chemin de Villeneuve (actuelle rue Lieutenant Pasquet) et le ruisseau de Saint Antoine. Elles comportaient notamment une remise à voitures, un beffroi-réservoir (château d’eau) et une remise pour les locomotives, bâtiment rectangulaire abritant deux voies parallèles. Contiguës aux installations Midi et pour partie au niveau de celle-ci, les emprises du « Graissessac » occupaient un vaste espace compris entre les voies du Midi (au nord), le chemin de Sauclières (à l’ouest/sud-ouest), le canal et le chemin de Villeneuve (au sud/sud-est). Accessible par une rampe, le BV – bâtiment provisoire en bois qui brûla en 1864 – s’élevait sur la crête du remblai, à l’aval du Pont noir. La halle des marchandises et les installations du Matériel et Traction (dépôt des machines, ateliers, etc.) s’égrenaient à la suite, entre la ligne de Sète et le faisceau du « Graissessac » (8 voies). À la sortie de celui-ci, la ligne « minière » à voie unique s’incurvait vers le nord en traversant sur deux ponts successifs la route impériale 112 (RN 112) et les rails du Midi. La partie sud de la gare s’étendait en contre-bas, au niveau du canal. Six fosses permettaient de décharger la houille par gravité depuis le plan supérieur tandis qu’une voie en impasse, qui ne servit guère qu’à recevoir des matériaux lors de la construction, desservait le port de Sauclières. Un service d’omnibus hippomobiles reliait les deux gares entre elles et avec la ville. L’échange des wagons de marchandises s’effectuait par deux voies de liaison dont une raccordée par plaque tournante à la transversale aval de la gare du Midi.
- 8 - Rachat opéré aux termes de la convention passée entre l’État et la Cie du Midi le 1er mai 1863 et (...)
- 9 - Modifications se rattachant au projet d’agrandissement des installations approuvé par décret du 2 (...)
7La faillite de la Cie du Graissessac-Béziers, en 1861, entraîna le rachat de la ligne par la Cie du Midi à compter du 15 février 18668. Les deux gares n’en formèrent dès lors plus qu’une, le service étant concentré dans les installations du Midi progressivement agrandies. L’ancien BV du « Graissessac », la halle, le quai contigu et les fosses à charbon disparurent en 1872 pour souder, en aval du Pont noir allongé à cet effet, les voies marchandises du Midi au faisceau qui restera longtemps désigné « voies de Graissessac »9. Quant au plan inférieur de l’ancienne gare, il devint un chantier annexe pour les marchandises : la « gare basse ». Par contre, le modeste dépôt hérité du « Graissessac » se mua au fil du temps en un important dépôt-atelier qui contribuera, avec la gare, le triage du Capiscol et les services administratifs, à ériger Béziers en centre ferroviaire.
- 10 - Extrait du plan d’ensemble de la gare de Béziers dressé le 6 septembre 1865 par Harlé, ingénieur (...)
8En 1865, le dépôt du « Graissessac », le seul rencontré sur la ligne, comprenait10 (fig. 2) :
Fig. 2
Béziers (Hérault), extrait du plan d’ensemble de la gare de la Cie du Midi dressé le 6 septembre 1865
© AD Hérault, 5 S 1119
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un secteur de rotonde à 180°, d’un diamètre de 70 m et d’une profondeur de 20 m. Cette construction couvrait 9 voies sur fosse branchées sur un pont tournant, lui-même relié à la gare par une voie desservant probablement le quai à charbon,
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une « cuve » pour l’alimentation en eau des locomotives,
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un « atelier de réparations » édifié à l’arrière et perpendiculairement à l’axe de la rotonde (bâtiment rectangulaire d’environ 70 m x 17, 50 m).
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au-delà de la « halle des marchandises » (environ 45 m x 17,50 m), un atelier de réparation (45 m x 17,50 m environ) desservi par 11 voies perpendiculaires reliées par un chariot transbordeur ; l’une de ces voies se prolongeait jusqu’au « magasin » (occupé ultérieurement par la menuiserie et les forges) de mêmes dimensions situé en face de l’atelier et symétriquement à celui-ci par rapport à l’axe de la rotonde. Sous ce magasin se trouvait la cave voûtée aujourd’hui connue sous le vocable de « cave des Anglais ». Cette dénomination renvoie à la nationalité d’une partie des actionnaires du « Graissessac - Béziers » ou, plus vraisemblablement, aux premiers entrepreneurs généraux de la ligne venus d’outre-Manche, les frères John Haskins et Edward Frédéric Gandell.
- 11 - En 1861, Charles Rénier époux... Laforge, domicilié au Pont Rouge (recensement de population de B (...)
- 12 - Rapport du 16 juillet 1866, AD Hérault, 1 S 125.
9Dirigé par un « chef de traction »11, le service de la Traction du « Graissessac » gérait les 8 locomotives n° 1 à 8 (voir annexe I) (fig. 3) affectées à la ligne. Selon l’administrateur du séquestre, l’ingénieur en chef Compaing, les ateliers « mus par une machine à vapeur » avaient été « solidement organisés, et exécut[aient] au fur et à mesure toutes les réparations dont le matériel [pouvait] avoir besoin »12.
Fig. 3
Locomotive type 021 pour services mixtes n° 1502 Midi ex-n° 1 de l’ancienne Cie du Graissessac - Béziers
© Collection Ph. Marassé
- 13 - Lettre du 7 janvier 1867 de l’ingénieur de la Voie au service du contrôle, AD Hérault, 5 S 997.
- 14 - Extrait du plan de la gare de Béziers dressé le 16 novembre 1866 par le sous-ingénieur adjoint de (...)
10Aussitôt après le rachat de la ligne, le Midi promut l’ancien dépôt du « Graissessac » en y transférant les « ateliers qui se trouvaient dans le dépôt de Narbonne »13. Ceux-ci furent installés dans un bâtiment adossé à la rotonde, ce qui entraîna la démolition du bâtiment rectangulaire situé à l’arrière de celle-ci et dont seules subsistaient les fondations selon un plan de 186614 (fig. 4).
Fig. 4
Béziers (Hérault), extrait du plan de la gare de la Cie du Midi dressé le 16 novembre 1866
© AD Hérault, 5 S 240
- 15 - Lettre de l’ingénieur de la Voie à Béziers à l’ingénieur du contrôle Salva (à Sète) du 13 avril 1 (...)
- 16 - Bien qu’antérieur à la prise de possession par la Cie du Midi, ce passage à niveau traversant les (...)
11Quant au deuxième atelier, il fut affecté à l’entretien des voitures et wagons « qui nécessite une installation différente de celle des machines »15. L’établissement employait déjà une nombreuse main-d’œuvre comme en témoigne un rapport du 16 novembre 1866 du sous-ingénieur adjoint de l’Exploitation relatif au passage à niveau pour piétons emprunté par « les agents du dépôt de Béziers, ainsi que leurs femmes [ !] » pour se rendre à la rotonde, l’auteur précisant que « le nombre des ouvriers […] est considérable »16.
- 17 - Projet approuvé par décisions ministérielles des 3 février (dispositions d’ensemble) et 2 mars 18 (...)
12Les années 1867-1868 furent décisives pour l’avenir du site. De fait, par suite du développement du trafic et du rôle accru que la gare devait jouer (tête de ligne vers le Massif Central et vers Montpellier par Paulhan), la Cie du Midi décida d’aménager à Béziers le « dépôt définitif » et les ateliers de la Traction. Or la remise du Midi et la rotonde du « Graissessac » ne pouvaient contenir respectivement que 6 et 8 machines ; l’atelier conçu pour les seuls besoins de la ligne « minière » était exigu ; enfin, les sites Midi et ex-Graissessac étaient éloignés l’un de l’autre. D’où l’idée de regrouper le service en un même point, l’ancien dépôt du Graissessac : celui-ci offrait en effet des emprises assez vastes pour loger les nouvelles installations et ne constituait pas un obstacle à l’extension du faisceau de la gare contrairement à la remise Midi. Étudié de façon à utiliser autant que possible les constructions existantes, le « dépôt définitif »17 comportait (fig. 5 et 6) :
Fig. 5
Plan évolutif du dépôt et des ateliers ferroviaires de Béziers (1868-1980)
V. Marill © Région Occitanie
Fig. 6
Béziers (Hérault), extrait du plan de la gare de la Cie du Midi (janvier 1884), dépôt des locomotives, atelier des voitures et wagons, atelier de menuiserie et forges
© Ph. Marassé
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- 18 - Fosse maçonnée aménagée entre les rails pour recevoir les résidus du feu des machines rentrant au (...)
- 19 - Lettre de l’ingénieur de la Voie à Béziers à l’ingénieur du contrôle Salva (à Sète) du 13 avril 1 (...)
15 nouvelles fosses à piquer le feu18 de 12 m de longueur aménagées à l’arrière de la rotonde et parallèlement à son axe ; les 3 dernières étaient dotées d’une fosse à descendre les roues, deux fosses identiques étant prévues sur les voies 4 à 7. L’appareil à descendre les roues provenait « de la suppression d’une fosse semblable dans la gare de Bordeaux »19,
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une remise rectangulaire en pierre de taille et moellons (74,80 x 23,70 m) abritant les fosses à piquer (fig. 7),
Fig. 7
Béziers (Hérault), dépôt SNCF, ancienne remise à locomotives aval (côté Sète)
M. Kérignard © Inventaire général Occitanie, juillet 2019
13L’implantation de ce bâtiment, qui intégrait des matériaux provenant de la démolition de la remise Midi, entraîna la destruction des ateliers où étaient installés les forges et outils et leur reconstruction in situ mais avec des dimensions plus importantes, le nouvel édifice reliant la rotonde à la remise (fig. 8).
Fig. 8
Béziers (Hérault), plan du dépôt et de l’atelier des locomotives de la Cie du Midi (3 avril 1872)
© AD Hérault, 5 S 1119
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un parc de remisage découvert formé de 15 voies parallèles posées dans le prolongement des voies sur fosse et desservies par un chariot transbordeur à vapeur pour machines. La compagnie n’ayant encore jamais installé un tel appareil, la dépense dépassa « de beaucoup les prévisions »20 (28 500 F contre 12 000 F) !
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un atelier de réparation des voitures et wagons installé dans l’ancienne halle à marchandises qui fut remise en état et réunie au « wagonnage » existant. Neuf voies supplémentaires – dont 4 pénétrant dans l’ex-halle par des baies percées à cet effet – furent posées et la fosse du chariot prolongée pour desservir le nouvel atelier et le parc à roues. Ces aménagements exigèrent le remblaiement du terrain d’assiette.
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un magasin abrité dans une aile de la rotonde (pavillon accolé aux pignons),
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des lieux d’aisances pour les ouvriers des ateliers, commodité absente jusqu’alors.
- 21 - Ordre de service du contrôle des Travaux en date à Agde du 24 décembre 1869, AD Hérault, 5 S 1057
14Le tracé sinueux des voies donnant accès à la rotonde fut rectifié après comblement partiel du « trou » existant au-devant de celle-ci. Une plaque tournante de 12 m de diamètre type Midi remplaça une plaque de même diamètre mais en très mauvais état et difficile à manœuvrer. Le nouvel appareil commandait les voies de la rotonde et un remisage rayonnant à ciel ouvert. Le récolement des travaux eut lieu le 29 mai 1869, la dépense étant arrêtée à 264 244 F y compris 17 583 F pour intérêts21.
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- 22 - Projet approuvé par décision ministérielle du 12 décembre 1867 (travaux récolés le 24 juillet 186 (...)
Le « pavillon de droite » de la rotonde, qui avait été construit pour recevoir les bureaux de l’administration centrale de l’ancienne Compagnie du chemin de fer de Graissessac, fut aménagé pour loger les services administratifs du dépôt22 :
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au rez-de-chaussée : bureaux du chef et du sous-chef de dépôt (1ère travée), bureau du chef de traction (2e), vestibule et escalier conduisant à l’étage (3e), bureau des employés du dépôt (4e), corps de garde des mécaniciens (5e),
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à l’étage : comptabilité du dépôt (1ère et 2e travées), laboratoire, cage d’escalier et lieux d’aisances (3e), archives (4e), dortoir des mécaniciens (5e).
- 23 - DEHARME, p. 435. Rappelons que le chemin de fer, en favorisant le développement de la viticulture (...)
15Depuis 1868, l’antenne de Graissessac s’était lancée à l’assaut du Massif Central tout en se ramifiant : prolongement vers Millau/Saint-Affrique (1874), Séverac-le-Château/Rodez (1880), Le Monastier/Marvejols/Mende (1884) et Neussargues (1888) ; construction de la transversale (Castres) Mazamet/Bédarieux/Faugères/Montpellier (1869-1889) croisant à Paulhan l’antenne (Béziers) Vias/Lodève ouverte dès 1863. Si bien que l’importance prise par le dépôt de Béziers, placé au centre d’une étoile, exigea l’extension de ses remisages. Parallèlement, la Cie du Midi décida de centraliser à Béziers la réparation du matériel moteur et remorqué utilisé sur la partie orientale de son réseau, la plus active. Jusqu’alors, locomotives, voitures et wagons étaient envoyés à Bordeaux, seul établissement dédié aux grosses réparations. Située à l’autre bout de « la principale artère, à l’origine d’une ligne de 227 km dirigée vers le nord, à peu de distance d’une autre ligne de 105 km allant en Espagne [Narbonne/Port-Bou] et dans une région sillonnée par de nombreux embranchements, [Béziers], ville importante et très commerçante, […] était tout naturellement indiquée »23 pour accueillir le deuxième grand atelier du réseau.
- 24 - Projet approuvé par décision ministérielle du 22 avril 1884, AD Hérault, 5 S 177. Travaux récolés (...)
16Évalué à 2 282 000 F, le projet24 – qui faisait table rase des installations du « Graissessac » tombant en ruines – englobait la création de 15 fosses à piquer autorisée par un décret du 28 juillet 1876 resté lettre morte. La Cie du Midi adopta un type de constructions en fer et briques plus légères et ne présentant pas les mêmes inconvénients en cas de tassements que des murs en maçonnerie qui auraient entraîné de lourdes dépenses de fondations (fig. 9).
Fig. 9
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, façade latérale sud
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
- 25 - Né en 1847 à Remiremont (Vosges), l’ingénieur des Ponts et chaussées Émile Balandier débuta sa ca (...)
- 26 - Rapport du 24 juin 1886 de l’ingénieur en chef des Ponts et chaussées Saléta relatif aux chemins (...)
- 27 - Rapport du 16 juin 1891 de l’ingénieur ordinaire des Ponts et chaussées relatif aux chemins de fe (...)
- 28 - DEHARME, p. 436.
17Les bâtiments devaient en effet s’élever sur des remblais de 5 à 6 mètres de hauteur, dont certains exécutés au moment des travaux avec des terres argileuses. De plus, le sol naturel alluvionnaire et autrefois cultivé en jardins n’opposait pas une grande résistance à la compression. Supervisé par l’ingénieur Balandier25, le chantier s’ouvrit en 1884 par les travaux de terrassement et de drainage : remblais à l’aval des installations existantes et allongement sur 78 m du ponceau de 3 m d’ouverture sur le ruisseau de Saint-Antoine. L’édification des bâtiments commença en novembre 1885, la compagnie annonçant son intention de dépenser 800 000 F en 1886 et un million de francs en 188726. L’achèvement des nefs permit d’installer le matériel et l’outillage, opération terminée en 1891 par la mise en place des machines et appareils d’embattage et de désembattage27. Grâce à l’atelier principal de Béziers, la Cie du Midi escomptait réduire le pas entre grosses réparations des machines de 10 à 8 ans, Bordeaux ne pouvant traiter que 65 unités par an, soit le 1/10e de l’effectif28.
- 29 - Travaux récolés le 14 novembre 1891, AD Hérault, 5 S 177.
18Les nouvelles installations29, qui subsistent en partie aujourd’hui, comprenaient (fig. 5, 10, 11 et 12) :
Fig. 10
Béziers (Hérault), agrandissement du dépôt des locomotives et des ateliers de réparation de la Cie du Midi, Revue générale des chemins de fer, janvier 1889, t. XII, pl. II.
© École nationale des ponts et chaussées
Fig. 11
Béziers (Hérault), agrandissement du dépôt des locomotives et des ateliers de réparation de la Cie du Midi, Revue générale des chemins de fer, janvier 1889, t. XII, pl. III.
© École nationale des ponts et chaussées
Fig. 12
Béziers (Hérault), agrandissement du dépôt des locomotives et des ateliers de réparation de la Cie du Midi, Revue générale des chemins de fer, janvier 1889, t. XII, pl. IV.
© École nationale des ponts et chaussées
191. Côté gare, le parc à combustible (capacité de 600 tonnes), un pont tournant équilibré permettant de virer les machines les plus longues avec leur tender, une plaque de 6,20 m de secours, une lampisterie et un abri pour les fagotins d’allumage et le pétrole.
202. Une remise à machines rectangulaire (75 m x 20,75 m) accolée à la remise de 1868. Elle abritait 13 voies parallèles branchées sur un chariot à vapeur – desservant également un remisage découvert – et l’atelier pour les réparations courantes. Des rideaux Grafton fermaient les grandes baies en arc surbaissé donnant accès à la remise. Couronnée par un lanterneau, la couverture de celle-ci reposait sur des fermes métalliques indéformables de 20,60 m de portée, espacées de 4,725 m et pesant 2 906 kg. Sous la remise, un pavage en briques posées de champ et maçonnées séparait les voies pourvues d’une fosse.
213. En aval du chariot de 1868 et d’un remisage à ciel ouvert de 12 voies susceptible d’être ultérieurement couvert, un grand atelier pour le montage et les « grosses réparations » des machines.
22Celui-ci comportait une partie rectangulaire (75,34 m x 45,63 m) contenant la chaudronnerie, l’ajustage et les tours, et une aile en retour (50,19 m x 18,98 m) pour l’embattage et les forges. L’ossature métallique des murs extérieurs se composait de 56 colonnes en fonte espacées de 6,26 m d’axe en axe sur les façades est et ouest, et de 5,68 m sur les façades nord et sud. Chaque travée était divisée par des fers à double T verticaux formant en même temps l’encadrement des baies ; cet encadrement était complété à la hauteur des impostes par des fers horizontaux. Les murs reposaient sur un socle continu en pierre de taille de 0,50 m de hauteur. À l’intérieur, 41 colonnes disposées en files espacées de 6,26 m correspondaient aux colonnes des façades est et ouest tandis que dans le sens transversal, les colonnes étaient espacées de 11,36 m, soit 2 x 5,68 m. Ces colonnes étaient entretoisées longitudinalement à leur partie supérieure par des poutres en fer à treillis supportant les chéneaux et les arbalétriers d’entrecolonnement. La couverture en dents de scie (sheds) était formée de combles dissymétriques de 6,26 m de portée parallèles aux façades nord et sud ; le versant nord de ces combles, presque vertical, était entièrement vitré. Le sol de l’atelier de montage était pavé de cailloux étêtés de Miramas tandis qu’il était en terre battue dans l’aile en retour. Les douze voies du remisage découvert pénétraient dans l’atelier par la façade côté Bordeaux percée de grandes baies munies de rideaux en tôle d’acier ondulé système Grafton. En 1888, deux poutres destinées à supporter un chariot roulant pour le levage des lourdes pièces étaient déjà en place dans l’atelier (axe des galets à 6,25 m au-dessus des rails).
234. À la suite et dans le prolongement de l’aile du bâtiment précédent, un atelier pour la réparation des voitures et wagons (200,57 m x 18,98 m) coiffé par une toiture en dents de scie. Ce bâtiment reposant sur une plateforme formée de remblais en terre argileuse, les fondations descendues jusqu’au niveau du sol naturel voire plus bas intégraient des piliers en maçonnerie de 1,20 m sur 1,70 m à la base supportant les colonnes ; sous les murs, des arceaux reliaient ces piliers. La façade nord était complètement ouverte sur 112,71 m pour recevoir les voitures et wagons en réparation (capacité : 50 à 55 unités) au moyen de 18 voies desservies par un chariot roulant sur fosse. La partie comprise entre l’atelier des machines et le « wagonnage » abritait les bureaux, le magasin du petit entretien, la ferronnerie, la menuiserie et le magasin des bois.
24En 1888, l’outillage était le suivant : trois forges, une meule, une machine à tarauder, deux perceuses, un tour à boulons, deux tours à tarauder, un ventilateur (ferronnerie), une machine à percer le bois, une scie circulaire, une machine à affûter les scies, une toupie, une scie à ruban, une machine à raboter le bois (menuiserie).
255. Dans l’angle nord de l’atelier des machines, un parc pour les essieux montés se composant de voies chevauchées (pour utiliser au mieux le terrain) parallèles au grand axe de l’atelier et desservies par un chariot.
266. Fermant au nord l’espace compris entre les remises et l’atelier, les bureaux de la Traction composés de deux pavillons à un étage (17,40 m x 8,65 m) reliés par un bâtiment central sans étage (22,90 m x 6,80 m) (fig. 13).
Fig. 13
Béziers (Hérault), dépôt SNCF, anciens bureaux de la Traction (bâtiment central et pavillon côté Bordeaux) vus depuis la passerelle enjambant les voies principales. À l’arrière-plan, les anciennes remises à locomotives transformées en ateliers.
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
27Le rez-de-chaussée renfermait le bureau des chefs et sous-chefs de dépôt, un corps de garde et un lavabo (pavillon Bordeaux), le cabinet de l’ingénieur et les bureaux des services (partie centrale), un magasin avec vestibule (pavillon Sète). Le premier étage abritait des dortoirs contenant en tout 18 lits (pavillon Bordeaux), les archives et le bureau des comptables (pavillon Sète). L’épaisseur des murs en briques (22 cm contre 155 cm pour les ateliers) améliorait l’isolation, ce qui permit de remplacer les fers verticaux encadrant les baies par des briques plus décoratives. De même, les façades se différenciaient des ateliers par l’emploi de briques noires et rouges.
287. Une passerelle métallique accessible par trois volées d’escaliers enjambant la ligne Bordeaux - Sète dans l’axe des bureaux pour relier le dépôt à la RN 112. Formée de deux travées de 12 et 14 mètres d’ouverture, son tablier reposait sur des palées en rails Barlow ancrées dans des massifs en maçonnerie. Cette passerelle sera reconstruite en béton vers 1930 pour dégager le « gabarit électrification ».
298. Trois pavillons pour lieux d’aisances.
309. Un beffroi supportant trois cuves de 100 m3 chacune implantée au nord des voies principales pour remplacer le beffroi à deux cuves démoli pour agrandir la remise. La conduite de distribution alimentait deux grues hydrauliques implantées sur les voies d’accès au dépôt et une prise d’eau pour le service de chacune des voies de remisage.
31Les ateliers occupaient une superficie totale d’environ 30 000 m² sillonnés par près de 4 000 mètres de voies. Ils représentaient une surface couverte de 8 654 m² dont 4 390 m² pour l’atelier de montage et de réparation des machines, 3 808 m² pour l’atelier de réparation des voitures et wagons et 456 m² pour les bureaux30. L’entrée et la sortie des machines n’ayant lieu qu’à de lointains intervalles, l’atelier était branché sur le transbordeur du groupe de remisage aval (côté Sète). Comme dans l’ancienne configuration, des plaques tournantes donnaient accès au « wagonnage » depuis les voies situées au nord (garage du matériel de grande vitesse) et au sud (garage du matériel de petite vitesse), ces dernières se raccordant sur un tiroir (cul de sac) indépendant de la voie principale de Neussargues.
- 31 - CHAVY.
- 32 - CHAVY.
- 33 - DEHARME, p. 414.
32Probablement en raison de l’étroitesse des lieux, la Cie du Midi abandonna la forme circulaire au profit d’une construction rectangulaire, plan déjà adopté lors de l’agrandissement de 1868. Au sein du réseau des Pereire, le dépôt de Béziers se distinguait donc, comme ceux de Toulouse et de Tarbes. En effet, à l’instar du PLM, le Midi préférait en principe les rotondes pour ses grands dépôts : Bayonne, Bordeaux, Cerbère, Narbonne, etc31. À l’inverse, le Paris-Orléans (PO) opta plus volontiers pour la forme rectangulaire appliquée lors de la construction ou de l’agrandissement des établissements de Clermont-Rabanesse, Limoges, Orléans, Périgueux, Tours, etc.32 Cette dernière disposition présentait plusieurs avantages : moindre surface nécessaire pour un nombre donné de machines, possibilité d’allonger indéfiniment la remise sans interruption du service, pas de chômage en cas d’avarie au pont tournant, surface bâtie exactement égale à celle réclamée par la couverture des machines, surveillance plus facile33. Avec le recul, nous pouvons ajouter la très grande simplicité d’adaptation aux nouveaux modes de traction (électrique et diesel). La majorité des établissements qui fonctionnent encore utilisent d’ailleurs des remisages à voies parallèles qui se prêtent mieux au garage des engins électriques (22 contre 12 rotondes en 1997). Par contre, un dépôt rectangulaire exigeait deux appareils coûteux : un pont tournant pour orienter les locomotives et un chariot transbordeur pour distribuer celles-ci sur les voies de remisage.
33Le programme de 1884 conféra au dépôt-atelier de Béziers sa configuration générale définitive. Dès lors, jusqu’aux années 1920, le site ne fit l’objet que de travaux complémentaires ou de modernisation, notamment :
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- 34 - Projet approuvé par décision ministérielle du 7 septembre 1891 (travaux récolés le 24 février 189 (...)
1891 : installation d’un pont bascule pour peser les locomotives34.
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- 35 - Projet approuvé par décision ministérielle du 13 avril 1896 (travaux récolés le 26 décembre 1896) (...)
1896 : agrandissement du parc des essieux montés et transfert de la grue Arnoux, placée jusqu’alors contre la façade ouest des ateliers, sur une nouvelle voie de 80 m de longueur35. Évalués à 6 011 F, les nouveaux aménagements devaient produire une économie annuelle de 900 F en supprimant notamment de nombreuses manœuvres à la machine.
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- 36 - Projet approuvé par décision ministérielle du 17 novembre 1897 (dépense évaluée à 21 000 F, trava (...)
- 37 - Chantiers de manutention mécanique des combustibles de la Cie des chemins de fer du Midi, p. 394- (...)
1898 : mise en service d’une grue à vapeur système Caillard montée sur wagonnet pour réduire le prix de revient de la manutention du charbon de traction effectuée jusqu’alors manuellement au moyen de paniers contenant 40 à 50 kg de houille (déchargement des wagons, mise en tas, chargement des tenders)36. Ce travail entraîna le raccordement de la voie 15 bis à la dernière fosse découverte du remisage, les rails nécessaires provenant de la gare de Bédarieux-Ancien. À Béziers, la Cie du Midi ne retint donc pas le modèle de chantier de manutention mécanique appliqué à partir de 1896 dans ses « grands dépôts » de Toulouse, Bordeaux et Narbonne, dotés d’un quai avec basculeur pour passer directement le charbon du wagon au tender37.
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- 38 - Projet approuvé par décision ministérielle du 6 avril 1911 (dépense évaluée à 12 800 F), AD Hérau (...)
- 39 - Projet approuvé par décision ministérielle du 13 avril 1911 qui sursoit à statuer sur la dépense (...)
- 40 - Projet approuvé par décision ministérielle du 1er septembre 1909 qui sursoit à statuer sur la dép (...)
1909-1911 : substitution de l’électricité (fournie par la société Biterroise de Force et Lumière) au gaz (éclairage) et à la vapeur (force motrice). Quatre vérins électriques de 7 tonnes furent installés au « petit entretien » pour remplacer les onéreux et dangereux crics à main38 ; les machines-outils et les appareils de levage de l’atelier et du dépôt furent munis de moteurs électriques (33 moteurs à courant continu dont 28 dans l’atelier pour actionner les 5 tours à roues, les machines-outils, le pont roulant et les chevalets de levage et 5 au dépôt pour manœuvrer les 4 chevalets de levage et le chariot à descendre les roues)39 ; enfin, l’électricité permit l’emploi d’outils pneumatiques portatifs (perceuses, marteaux à buriner, à mater, à chanfreiner, à river, etc.), source d’économies de temps et d’argent, et de procéder au nettoyage par le vide des voitures dont la propreté laissait à désirer (poussières produites par le travail des locomotives à pleine puissance et l’utilisation du freinage par contre-vapeur)40.
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- 41 - Projet approuvé par décision ministérielle du 12 septembre 1911, la compagnie ayant obtenu l’auto (...)
1911 : construction pour le « magasin secondaire » d’un bâtiment à étage en fer et briques adossé aux ateliers de grosses réparations41 pour remplacer un hangar provisoire à claire-voie de 13 m x 8 m remontant à 1888.
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- 42 - Avis de menus travaux complémentaires de premier établissement du 10 juillet 1915, AD Hérault, 5 (...)
1915 : division en chambres séparées des locaux des mécaniciens et chauffeurs42.
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- 43 - Projet approuvé par décision ministérielle du 19 octobre 1914 et lettre du directeur du contrôle (...)
1916 : électrification des deux chariots transbordeurs mus jusqu’alors à la vapeur et du pont tournant43.
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- 44 - Projet approuvé par décision ministérielle du 30 décembre 1921 (travaux évalués à 345 150 F y com (...)
1922 : remplacement du pont tournant de 14 m de diamètre manœuvré à bras par un pont de 23 m à commande électrique permettant de tourner les machines à grand empattement sans les découpler du tender44.
34L’établissement MT de Béziers (dépôt et ateliers) dépendait du 3e arrondissement MT du Midi dont le siège se trouvait à Béziers, comme ceux de l’Exploitation et de la Voie, et dirigé par un ingénieur-chef d’arrondissement. Gérée par le PO-Midi (9e arrondissement) après la fusion d’exploitation de l’Orléans et du Midi le 1er janvier 1934, la circonscription passa le 1er janvier 1938 sous la coupe de la région Sud-Ouest de la SNCF (7e arrondissement) puis, le 1er juillet 1947, de la nouvelle région de la Méditerranée regroupant les arrondissements ex-Sud-Est de Marseille (1er), Valence (2e), Nîmes (3e) et ex-Sud-Ouest de Béziers (4e). Dirigé par un chef de dépôt (souvent diplômé des Arts et Métiers, vivier de la Traction), l’état-major du dépôt comptait deux sous-chefs de dépôt (trois après 1918), un chef de traction et un chef de bureau de la traction. L’établissement gérait les moyens humains et matériels nécessaires à sa mission : fournir au service de l’Exploitation les locomotives pour la remorque des trains et les manœuvres de gare. Le dépôt était titulaire d’un certain nombre de locomotives (voir en annexe I les séries représentées au dépôt de Béziers au fil du temps) mais son « gril » (voies de remisage parallèles) recevait en escale des machines appartenant à d’autres établissements (fig. 14). Le personnel comprenait des agents roulants : chefs mécaniciens, mécaniciens et chauffeurs, et des agents sédentaires : commis de bureau et personnel occupé à la préparation et à l’entretien courant des machines (coketiers, allumeurs, nettoyeurs, ouvriers, manœuvres, etc.).
Fig. 14
Béziers (Hérault), dépôt des machines, remise à locomotives amont (côté Bordeaux) en 1937. Au premier plan, les voies du grill équipées de rails à double-champignon type Midi
M. Maillet © collection Ph. Marassé
35La partie orientale de l’artère Bordeaux/Sète relevant au début du XXe siècle des dépôts de Toulouse et de Narbonne, titulaires de locomotives de vitesse, le rayon d’action de Béziers incluait la section sud de la redoutable ligne de Neussargues (277 km au profil en dents de scie hérissé de déclivités maxima de 33,3 mm/m), la transversale Castres/Bédarieux/Faugères/Paulhan/Montpellier et l’embranchement Bédarieux/Graissessac-Estréchoux (prolongé jusqu’à Plaisance en 1924). À ces lignes s’ajoutaient les antennes (Béziers) Colombiers/Quarante-Cruzy (ouverte en 1923), (Béziers) Vias/Paulhan/Lodève et Sète/Montbazin-Gigean. L’établissement assurait le service avec le concours de ses réserves (annexes) de Bédarieux, Paulhan et Sète. La section nord de la ligne de Neussargues et ses embranchements (y compris Tournemire/Le Vigan/Saint-Affrique) dépendaient du dépôt de Séverac et de ses réserves de Tournemire, Mende, Marvejols, Saint-Flour et Neussargues. Dédiées aux services mixtes (c’est dire aptes aux trains de voyageurs - sauf services de vitesse - et marchandises) ou purement marchandises, les locomotives attachées au dépôt de Béziers appartenaient notamment aux types 032 T système Engerth série 302 (fig. 15), 030 séries 601 et 801 (fig. 16), 040 séries 701 (fig. 17), 2001 et 2051, 130 série 2851 (fig. 18), 230 série 1401 (fig. 19), 140 série 4001 (fig. 20), 050 T série 5001 (fig. 21) et 240 T série 4501 (fig. 22).
Fig. 15
Locomotive-tender à marchandises type 032 T (machine-tender) système Engerth n° 030-312 PO-Midi ex-312 Midi série 302-345 de 1855-1858 (photo prise à Mende).
L.-M. Vilain © collection Ph. Marassé
Fig. 16
Locomotive mixte type 030 n° 802 série Midi 801-1202 de 1867-1889 (photo prise à Carcassonne). Ces machines eurent une longévité exceptionnelle puisque la dernière ne sera radiée qu’en 1960 !
L.-M. Vilain © collection Ph. Marassé
Fig. 17
Locomotive à marchandises type 040 n° 753 série Midi 751-760 de 1868 au dépôt de Béziers (après adjonction d’une cabine et du frein à air).
Édit. HMP © collection Ph. Marassé
Fig. 18
Locomotive mixte type 130 n° 2856 série Midi 2851-2859 de 1895-1898 au dépôt de Béziers (photographiée peu après la fusion PO-Midi en 1934).
L.-M. Vilain © collection Ph. Marassé
Fig. 19
Locomotive mixte type 230 n° 1405 série Midi 1401-1431 de 1896-1907 en gare de Caux (ligne Bédarieux/Montpellier). Destinées aux lignes à fortes rampes, ces machines semblables aux 230 série 1301-1370 s’en distinguaient par le diamètre de leurs roues accouplées réduit de 1, 75 m à 1, 60 m pour accroître l’effort de traction.
© Collection Ph. Marassé
Fig. 20
Locomotive à marchandises type 140 SNCF 4-140 A 901 ex-Midi 4001 série 4001-4018 de 1901-1907, compound à 4 cylindres en batterie (photographiée à Castres après 1938). Ces machines étaient les plus puissantes de leur catégorie au début du XXe siècle.
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Fig. 21
Locomotive à marchandises type 050 T 050-043 PO-Midi ex-5043 Midi série 5001-5047 de 1908-1914 au dépôt de Béziers. Dérivées d’un type prussien, ces machines conçues pour la traction des trains de marchandises sur les lignes accidentées servirent de base aux 050 TQ de la SNCF utilisées dans les grands triages de l’Est et du Nord.
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Fig. 22
Locomotive type 240 T n° 4502 série Midi 4501-4518 de 1913-1921, simple expansion et surchauffe, en gare de Béziers. Elle arbore la sobre livrée Midi : peinture noire et cercles de chaudière en laiton poli. Ces machines d’une esthétique soignée, comme toutes celles construites par la SACM, visaient à accroître la charge des trains directs de voyageurs sur la ligne de Neussargues.
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- 45 - Lettre du 13 juillet 1922 de l’ingénieur du contrôle à Montpellier à l’ingénieur en chef du contr (...)
36Ces dernières, dont les 6 premières furent livrées en 1913, reprirent jusqu’à l’électrification l’express de Paris entre Béziers et Neussargues (et retour) avec relais de traction à Séverac. Par la suite, la même machine assura le service de bout en bout, en simple ou en double équipe. Nous ignorons le nombre de locomotives gérées par le dépôt de Béziers avant la première guerre mondiale. En 1922, il se montait à 67 unités soit une machine de la série 701, 12 de la série 801, 21 de la série 1401, 2 de la série 2001, 6 de la série 4101, 7 de la série 4201 TP, 6 de la série 4501 et 12 de la série 500145. Sur ce nombre, une dizaine se trouvait en permanence aux grands ateliers (grande révision) ou bien à l’atelier du dépôt (entretien courant, levage, pistons, tiroirs, travaux de chaudronnerie, etc.).
- 46 - Utilisant les ressources hydrauliques des Pyrénées et du Massif central, la Cie du Midi fut, sous (...)
- 47 - Quelques BB 4700 furent affectées à Neussargues de 1936 à 1940, année du regroupement de la série (...)
37L’électrification de la ligne des Causses (plus longue voie unique électrifiée de France) et de la section Montauban/Sète (270 km en double voie écoulant 20 % du trafic total du réseau du Midi), respectivement en 1931-32 et 1935, changea la donne46. Implanté à la jonction de deux artères électrifiées, le dépôt de Béziers devint en effet un établissement mixte gérant une importante dotation de BB Midi, faibles mais fiables motrices reconnaissables à leur courte caisse parallélépipédique bardée de rivets : E 4100 (services marchandises) et 4600 (services voyageurs) utilisées sur Neussargues – où elles allégèrent la peine des tractionnaires – et Toulouse/Sète. En 1935, des E 4200 (fig. 23) dotées du freinage par récupération remplacèrent les 4100 sur les Causses47.
Fig. 23
Locomotive électrique à marchandises E 4201 (future BB 4201) série Midi E 4201-4250 de 1934-1935 en gare de Saint-Flour (ligne Béziers/Neussargues). Noter la lanterne à pétrole et les câblots pour la marche en UM. Cette machine termina sa carrière à la fin du XXe siècle au service des manœuvres sous l’immatriculation BB 4734.
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- 48 - ARAGON, Armand. Électrification. In MAILLET, p. 61-66. L’auteur, fils d’un mécanicien de route du (...)
38La Cie du Midi recruta ses premiers conducteurs électriciens parmi les mécaniciens vapeur - parfois rétifs ! – envoyés en formation au dépôt de Tarbes converti au 1500 V dès 192248. Les équipes biterroises étaient donc polyvalentes, un même roulement comprenant des tournées vapeur et des tournées électriques sur des machines conduites en banalité, c’est à dire non affectées à une équipe titulaire. L’arrivée de la traction électrique entraîna la régression de la cavalerie vapeur biterroise qui, le 1er janvier 1943, ne comptait plus que 19 unités en service : une 040 H (ex-2050 Midi) (manœuvres), 4 040 K (ex-2200 Midi) (idem), 2 030 B (ex-800 Midi) (manœuvres et marchandises), 2 040 F (ex-1140 PO) (idem), 9 240 TA (ex-4500 Midi) (voyageurs et marchandises) et une 030 TA (manœuvres dépôt)(fig. 24).
Fig. 24
Locomotive mixte type 030 T n° 374 série Midi 371-374 de 1870-1883. Photo prise au dépôt de Béziers où cette machine ex-Cie du Médoc (série 21-24) achèvera sa carrière en novembre 1951 sous le n° 6-030 TH 374.
L.-M. Vilain © collection Ph. Marassé
- 49 - Quatre machines à vapeur endommagées par cinq explosions entre 2 h 30 et 6 h du matin, AD Hérault (...)
- 50 - Les avions lâchèrent près de 700 projectiles de 500 livres mais les 2/3 tombèrent sur le quartier (...)
39Au premier semestre 1944, alors que les « attentats » se multipliaient dans le Biterrois, plusieurs locomotives furent sabotées au dépôt, notamment dans la nuit du 6 au 7 janvier49. Le 5 juillet 1944, vers 12h30, 4 vagues de bombardiers alliés pilonnèrent les usines Fouga et la partie est des installations SNCF50. Au dépôt, où un agent perdit la vie, les bombes explosives soufflèrent une partie la toiture de la remise côté gare et endommagèrent plusieurs machines (fig. 25).
Fig. 25
Béziers (Hérault), dépôt SNCF, travaux de reconstruction de la toiture de la remise amont endommagée lors du bombardement du 5 juillet 1944, cliché pris le 30 octobre 1945.
Roques © collection Ph. Marassé
40En 1950, alors que le site avait pansé ses plaies, le parc moteur biterrois alignait 67 locomotives électriques, dont 4 BB 4000 (manœuvres), 22 BB 4100, 10 BB 4600 et 31 BB 4200, ainsi que 21 « vapeur » : une 040 F GBE (garée en bon état), 3 030 B dont une GBE (desserte Fouga), 13 240 TA (dont 3 GBE), 3 050 TB (ex-5000 Midi) et une 030 TH (ex-030 TA). Le 1er mars 1951, la diesélisation des trains de marchandises précipita la fin de la traction vapeur de route sur les lignes secondaires de l’étoile de Béziers (déjà desservies par autorails pour les voyageurs). Celle-ci appartenait en effet à la « zone de traction moderne de la Méditerranée » dans laquelle l’utilisation combinée de la traction électrique sur les grands axes et du diesel sur les lignes affluentes permit de bannir l’onéreuse traction à vapeur. Le dépôt de Béziers reçut ainsi trois locomotives diesel-électriques 040 DA (600 CV) (fig. 26) de fabrication américaine Baldwin engagées sur la croisée de Paulhan, Bédarieux/Labastide-Rouairoux (ligne de Castres) et Bédarieux/Graissessac/Plaisance.
Fig. 26
Locomotive diesel-électrique Baldwin 040 DA 2 série SNCF 1-100 peu après son arrivée en France en 1946. Grâce à leurs bogies à 3 essieux (dont un porteur), ces lourdes machines de 106 tonnes en ordre de marche pouvaient circuler sur les lignes secondaires faiblement armées.
DR © collection Ph. Marassé
41Le programme de diesélisation exigeant cinq machines, les chemins de fer d’intérêt local de l’Hérault (CFH) furent chargés de la traction sur la ligne (Béziers) Colombiers/Quarante-Cruzy et des manœuvres en gare de Béziers (GV, PV, triage du Capiscol) avec leurs BB Coferna DE 1 à 6 qui relâchèrent ainsi au dépôt SNCF de Béziers jusqu’en octobre 1968. Cette réforme pionnière sur le plan national entraîna la mutation à Narbonne des 240 TA en bon état, les autres étant radiées (fig. 27). Les trois modes de traction cohabitaient donc désormais à Béziers, le stockage du carburant diesel s’effectuant dans deux cuves souterraines de 24 et 12 m3.
Fig. 27
Photographiée sur le pont tournant de 23 mètres du dépôt de Béziers, la locomotive SNCF 4-240 TA 508 ex-4508 Midi appartient au dernier carré qui clôtura l’ère de la vapeur sur les lignes non électrifiées de l’étoile de Béziers en 1951. La TA 508 sera radiée en 1954 au dépôt de Narbonne.
L.-M. Vilain © collection Ph. Marassé
42Dernier utilisateur de la vapeur en service de route concurremment avec la traction électrique, le dépôt de Séverac devint le 1er mars 1952 une annexe du dépôt de Béziers. Le 1er janvier 1957, celui-ci gérait 64 motrices électriques (3 BB 1500 (ex-4000), 12 BB 4100, 27 BB 4200 et 22 BB 4600), 4 diesel-électriques 040 DE de conception française (substituées en mai 1955 aux Baldwin) et 11 locomotives à vapeur : 2 030 TU (fig. 28) et une 040 TC à Béziers pour les manœuvres, 2 050 TB détachées à Tournemire pour la navette de Saint-Affrique et 6 141 TA ex-PO détachées à Séverac (dont une en garage) pour le service de route sur Rodez et Mende (fig. 29).
Fig. 28
En 1955, la 6-030 TU 72 de fabrication américaine stationne entre deux BB Midi sur une voie extérieure des ateliers de Béziers. Au premier plan, la fosse du chariot transbordeur.
Régnier © Photorail-SNCF
Fig. 29
Le 30 avril 1958, la 6-141 TA 366 (ex-5366 PO) marque l’arrêt en gare de Bertholène au crochet d’un train MV (marchandises-voyageurs) Séverac/Rodez. Affectée au dépôt de Béziers, la locomotive, qui porte l’indice 6 de la région Méditerranée, est détachée à l’annexe de Séverac.
J. Bazin © collection Ph. Marassé
- 51 - La vapeur n’était toutefois pas encore tout à fait éteinte au dépôt de Béziers puisque la 241 (...)
- 52 - Le dépôt et les ateliers de Béziers formèrent à partir de 1958 les agents « vapeur » de Portes et (...)
43Le dépôt et son annexe, qui employaient alors 140 agents de conduite, commandaient également les 110 agents de trains de l’Exploitation. Après la radiation ou le départ des 050 TB, 141 TA et 030 TU, entre 1959 et 1962, la mise en attente d’amortissement de l’ultime locomotive à vapeur biterroise, la 040 TB 56, clôtura une histoire séculaire le 30 juin 196451. De leur côté, les BB 4600 connaissaient leur apogée : à la faveur de l’extension de l’électrification52, elles montaient en tête de trains directs RO (régime ordinaire) ou RA (régime accéléré), quelquefois en UM (unités multiples), à Avignon, Portes, Lyon-Guillotière, Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Saint-Étienne ou Ambérieu. Elles tractaient aussi des trains de lots Toulouse ou Béziers - Miramas et des omnibus voyageurs Marseille - Miramas ! Toutefois, en 1967, leur éviction de l’express de la « Montagne » par les jeunes BB 9400 annonça leur crépuscule. Une page se tourna peu après, le 1er février 1969, avec la mutation à Avignon des 4200/4600 biterroises mais le grêle sifflet des vaillantes doublettes (UM) de BB Midi - cantonnées au service des marchandises - retentira sur les Causses jusqu’en septembre 1986, les dernières s’effaçant non sans laisser de regrets après un règne de 55 ans...
- 53 - Note de service de l’ingénieur du contrôle du 19 octobre 1906 en réponse à une demande de l’ingén (...)
- 54 - Il s’agissait alors de Georges Perdrizet (Annuaire de l’Hérault). Lui succédèrent Gérémie (Annuai (...)
- 55 - Répondant à une question intéressant « le personnel attaché aux divers services du réseau », l’in (...)
44Un rapport du service du contrôle livre de précieux détails sur les moyens humains et matériels ainsi que sur l’activité des ateliers en 190553. Dirigé par un « chef des ateliers »54, l’établissement, qui occupait alors 230 agents55, se divisait en deux « secteurs » : l’atelier des locomotives et le « petit entretien ».
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- 56 - Lettre de l’ingénieur du contrôle par intérim à l’ingénieur en chef du contrôle à Paris du 12 oct (...)
l’atelier des locomotives exécutait les grandes et petites réparations des machines et tenders du dépôt de Béziers ainsi que des travaux pour le compte des autres établissements du 3e arrondissement MT : entretien courant des roues des locomotives, tenders et wagons, réparation de pièces diverses, entretien général des alimentations et chaufferetteries. Béziers travaillait aussi pour les dépôts de Toulouse et de Castres (2e arrondissement MT) : entretien courant des roues des machines et tenders et réparation de pièces. En 1905, le personnel se composait de 127 agents dont deux contremaîtres, un commis aux écritures et 124 ouvriers. Ces « cheminots en usine » exerçaient des métiers rencontrés dans l’industrie mécanique : chaudronniers, tourneurs, frappeurs, monteurs, etc., l’atelier possédant tout l’outillage nécessaire (voir liste en annexe I-1). Les manutentions s’effectuaient avec un pont roulant de 2 000 kg, une chèvre roulante de 1 800 kg, quatre chevalets de levage, cinq palans mobiles, neuf grues d’une force de 2 000 à 4 500 kg, six potences de 700 à 1 000 kg et une grue Arnoux de 4 500 kg (dans le parc à roues). L’atelier fonctionnait à la vapeur : la force motrice produite par une locomobile de 50 chevaux était transmise par câbles télédynamiques et palans mobiles aux machines portatives et aux chevalets de levage. Au début du XXe siècle, une moyenne mensuelle de six locomotives et trois tenders sortait après une grande réparation. En 1905, l’atelier traita ainsi 85 machines (dont 37 compound) et 30 tenders. Sur ces 85 locomotives, 53 firent l’objet de « réparations véritables », 14 eurent leurs roues remplacées pour usure des bandages et 18 subirent « des réparations diverses », une moyenne de 13 locomotives et de 8 tenders séjournant journellement sur les voies56.
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le « petit entretien » assurait les grandes réparations des wagons, les petites réparations et le levage des voitures et wagons ainsi que la réparation des pièces de wagons pour les postes du 3e arrondissement MT ; il entretenait les appareils d’éclairage des dépôts et gares du 3e arrondissement, le petit matériel, les prolonges (cordes utilisées pour arrimer le chargement des wagons) et les paniers à houille employés pour remplir les tenders ; enfin, il était chargé de la visite et du graissage en gare du matériel remorqué et du nettoyage des voitures (généralement confié à du personnel féminin : les nettoyeuses). Le « petit entretien » ne travaillait pas exclusivement pour la compagnie puisqu’il réparait également des wagons-foudres pour le compte de leurs propriétaires. En 1905, il employait un sous-chef d’entretien, trois chefs visiteurs faisant fonction de contremaîtres, un commis, six visiteurs et graisseurs en gare et 92 ouvriers (charpentiers, forgerons, monteurs, frappeurs, selliers, etc.), soit 103 agents au total. Une locomobile de 50 chevaux fournissait l’énergie aux divers ateliers (voir liste de l’outillage en annexe I-2). En 1905, le chantier traita plus de 20 000 véhicules, une moyenne de 7 voitures, 9 fourgons et 40 wagons étant immobilisée chaque jour57 (fig. 30).
Fig. 30
Nombre de véhicules GV et PV traités par le « petit entretien » de Béziers en 1905
© Ph. Marassé
- 58 - Rapport de l’ingénieur du contrôle technique du 13 décembre 1910, AD Hérault, 5 S 1117.
- 59 - Rapport de l’ingénieur du contrôle technique du 23 décembre 1910, AD Hérault, 5 S 1117.
45Au début des années 1910, le développement de l’activité justifia l’électrification des divers ateliers pour améliorer le rendement : « les machines Compound dont la chaudière est timbrée à 15 ou 16 kilogrammes commencent à fatiguer sérieusement et leurs passages aux ateliers sont de plus en plus fréquents. L’atelier de Béziers est de plus appelé à terminer l’aménagement des machines neuves et ces réceptions ont été assez nombreuses dans les dernières années ; en outre, il doit assurer l’entretien de l’outillage électrique et mécanique des gares. Enfin, l’effectif des machines s’est accru notablement et est encore appelé à s’accroître en raison de l’utilisation intense de la ligne de Béziers à Neussargues. Les machines 5001 sont déjà au nombre de 25. Douze unités nouvelles sont commandées : c’est l’atelier de Béziers qui effectue les changements d’essieux rendus très fréquents par l’usure prononcée que subissent les bandages dans les courbes de 300 m de rayon. La machine motrice [à vapeur] de l’atelier devient insuffisante ; ce qui le démontre, c’est que le levage d’une machine 5001 aux chevalets à commande par cordes entraîne une réduction sensible de la vitesse des arbres de transmission. Cette opération nécessite, d’après les renseignements qui nous ont été donnés, une puissance de 16 à 17 HP. Il est donc nécessaire d’accroître la puissance motrice, d’autant plus que l’on se propose d’accélérer notablement la rapidité des levages »58 pour réduire l’immobilisation des locomotives. L’électrification par moteurs séparés, qui se généralisait alors dans l’industrie privée, présentait plusieurs avantages : consommation d’énergie strictement proportionnelle au travail produit, réglage de la vitesse dans des limites très étendues, suppression des longues et encombrantes transmissions absorbant jusqu’à 35 % de l’énergie totale. Quant à la mise (ou remise ?) en service, à la faveur de son électrification, de l’atelier du dépôt inutilisé jusqu’alors, elle devait donner plus de régularité aux travaux du grand atelier en le libérant de toutes les menues réparations effectuées d’ordinaire par les dépôts. Au « petit entretien », où le nombre de levages passa de 2 250 en 1907 à 3 610 en 1909 en raison de l’accroissement de l’effectif du matériel roulant et de la multiplication rapide des wagons-foudres, le levage mécanique, déjà pratiqué aux ateliers de Bordeaux, permit d’accélérer les opérations tout en offrant une économie annuelle de main-d’œuvre évaluée à 1 700 F en 191059.
- 60 - « Etat des usines du département de l’Hérault travaillant pour la défense nationale » (17 mars 19 (...)
46Lors du premier conflit mondial, l’atelier central et l’atelier du dépôt de Béziers, très bien équipés, contribuèrent à l’effort de guerre en fabriquant des obus60,, probablement avec une main-d’œuvre en grande partie féminine.
- 61 - Sur cette grève et ses conséquences syndicales, voir CARON, tome 2, p. 674-686. Sur ce conflit so (...)
- 62 - Selon L’Éclair du 12 mai 1920, celui-ci occupait environ 800 personnes, chiffre qui nous paraît e (...)
- 63 - Registre « Motifs des départs à partir de 1897 » tenu par le 3e arrondissement MT, SNCF, centre n (...)
- 64 - Communiqué de la Cie publié dans L’Éclair du 12 mai 1920. La compagnie ferma également ses atelie (...)
- 65 - Registre « Motifs des départs à partir de 1897 », centre national des archives du personnel de Bé (...)
47L’année 1920 marqua une rupture avec l’« externalisation » des travaux exécutés jusqu’alors aux ateliers de Béziers. De fait, lors de la « grande grève » de mai 1920, qui frappa plus particulièrement le PO, le Midi et le PLM61, la Cie du Midi (22 500 grévistes soit 59 % de l’effectif le 12 mai) ferma l’établissement62 et le « céda » à compter du 18 mai aux Éts Fouga, société anonyme fondée en décembre 1919 par l’ingénieur Gaston Fouga, ancien chef de dépôt à Béziers, qui avait démissionné le 1er août précédent63 pour se consacrer à la nouvelle entreprise. Chaque « agent, ouvrier ou manœuvre, qui, ayant abandonné le service, ne l’avait pas repris avant la fermeture de son atelier » reçut « une lettre recommandée pour l’aviser de cette suppression et lui notifier que son emploi étant devenu inutile, il avait cessé de faire partie du personnel. »64 Selon les archives du personnel65, 354 agents (dont 18 femmes) furent révoqués « pour fait de grève » (1er mai) ou licenciés (17 mai 1920) : 26 appartenant au dépôt (révoqués, dont 11 mécaniciens et 3 élèves-mécaniciens), 157 à l’atelier (12 révoqués, 145 licenciés) et 171 au « petit entretien » (7 révoqués, 164 licenciés). De plus, 8 agents de l’atelier et 5 du « petit entretien » prirent leur « retraite normale » le 17 mai 1920. Le personnel féminin congédié comptait surtout des manœuvres au « petit entretien » mais nous relevons aussi deux conductrices de machine-outil et une « aide-sellier » au « petit entretien », une « fondeuse » au dépôt et deux distributrices, l’une au dépôt et l’autre à l’atelier.
- 66 - Béziers ne fit pas exception puisque les ateliers du Midi y furent « le centre de la résistance o (...)
- 67 - Avis de menus travaux complémentaires de premier établissement du 18 octobre 1920 pour un montant (...)
- 68 - Avis de menus travaux complémentaires de premier établissement du 5 décembre 1921, la dépense de (...)
- 69 - Sur les Éts Fouga, voir MARASSÉ, p. 85-106 ; CALISTE, p. 95-106.
48Deux raisons expliquent cette réforme radicale : la crise des transports consécutive à la Première Guerre mondiale au sortir de laquelle les réseaux meurtris (voie et matériel en mauvais état, pénurie de charbon, faible rendement du personnel, etc.) ne pouvaient absorber le trafic croissant suscité par la reprise générale, situation aggravée en 1919 par la loi sur la journée de 8 heures qui exigea l’embauche de 100 000 agents non qualifiés ; la volonté d’éliminer les traditionnels foyers d’agitation sociale représentés par les ateliers qui fournirent à la grève de 1920 ses promoteurs les plus actifs66. Les Éts Fouga, qui ne réembauchèrent pas tous les ouvriers licenciés, prirent à bail l’atelier des locomotives et le « petit entretien » pour y poursuivre les travaux antérieurement exécutés par la Cie du Midi. Devant l’ampleur des besoins, ils aménagèrent aussi un chantier provisoire de réparation de wagons (notamment plats et réservoirs) sur un terrain mis à leur disposition (embryon de Fouga-Nord). La plupart des agents administratifs des ateliers étant passés au dépôt, le bureau de celui-ci fut agrandi par l’adjonction d’une annexe de 8,20 m x 4 m67. De même, l’atelier des électriciens de la gare, situé dans les bâtiments loués, fut transféré dans un nouveau local de 7,65 m x 4,15 m édifié contre la façade est de la remise à machines68 (aujourd’hui démoli). Les Éts Fouga quittèrent par la suite les ateliers du Midi pour occuper de nouvelles installations formées de deux ensembles distincts de part et d’autre du canal : Fouga-Nord (menuiserie : réparation des voitures et wagons), dépendance du domaine public ferroviaire louée par l’industriel, et Fouga-Sud (chaudronnerie : réparation des locomotives, tenders, voitures métalliques), usines construites par la société sur des terrains lui appartenant69.
49L’électrification ranima les ateliers de Béziers en leur donnant une nouvelle vocation : la réparation des locomotives électriques. Ils devaient ainsi devenir, avec Vitry (ex-PO), le principal atelier électrique de l’ancien PO-Midi, devant les ateliers ex-Midi de Toulouse, Tarbes et Bordeaux, et ex-PO des Aubrais, Saint-Pierre-des-Corps et Brive. La modernisation et l’extension des installations - alimentées désormais en courant de force et d’éclairage par la sous-station de Béziers construite lors de l’équipement de la ligne de Neussargues en 1929-1931 - accompagnèrent cette reconversion (fig. 5) :
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substitution au chariot pour machines desservant le remisage aval et les ateliers d’un chariot type Midi de 170 tonnes circulant sur quatre chemins de roulement.
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surélévation d’une partie de la toiture de l’atelier des machines pour y loger deux ponts roulants, la nouvelle couverture en béton se composant de sheds vitrés supportés par des piliers (fig. 31).
Fig. 31
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, façade latérale sud, exhaussement en béton
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
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édification dans l’angle formé par l’atelier et l’aile en retour (affectée désormais au magasin) de bâtiments en briques avec ossature en béton présentant en plan la forme d’un U et destinés aux machines-outils, à la forge, au tour à roue, au lessivage, à la peinture et à la menuiserie (fig. 32).
Fig. 32
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, ancien atelier des machines-outils (à gauche). Au fond, les sheds du grand atelier. Au centre, la voie munie de contre-rails de l’ancien parc aux essieux.
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
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construction au nord de l’atelier d’un bâtiment à usage de « lavabos » (douches et vestiaires) (agrandi après 1945) (fig. 33).
Fig. 33
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, ancien bâtiment des douches et vestiaires vu depuis la passerelle enjambant les voies principales.
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
- 70 - La nouvelle route franchit l’artère de Sète à l’extrémité aval du triage du Capiscol sur un pont (...)
50À la même époque, le complexe ferroviaire biterrois prit sa physionomie définitive avec le report entre le dépôt-ateliers et les voies Bordeaux - Sète de la ligne des Causses - deux nouveaux ponts permettant à celle-ci de franchir l’artère maîtresse du Midi et la RN 112 déviée en 192470 - et l’aménagement d’un moderne triage (dit du Capiscol) de plus de 500 mètres de longueur utile, doté de deux bosses de débranchement (amont et aval) et raccordé à ses deux extrémités, contrairement au faisceau de douze voies en cul de sac installé en 1884. Ces travaux clôturaient l’exécution du programme d’extension des installations GV et PV déclaré d’utilité publique le 8 décembre 1914 et prévoyant aussi la création de nouvelles cours de débord, d’un groupe de voies pour les wagons-réservoirs mis à la disposition du public, d’un chantier de chômage pour les wagons-réservoirs et le transfert entre celui-ci et le canal du petit entretien pour libérer les terrains nécessaires à la déviation de la ligne de Neussargues (le reliquat de l’emplacement du « wagonnage » fut occupé par les locaux de l’équipe de maintenance des caténaires et le poste d’entretien des wagons relié au Capiscol)(fig. 34).
Fig. 34
Béziers (Hérault), vue aérienne partielle des installations ferroviaires en 1960. À gauche, les voies principales Bordeaux/Sète et Béziers/Neussargues. Au centre, le dépôt, les ateliers et le centre d’apprentissage. Au fond (de gauche à droite), le triage du Capicol, le faisceau de chômage, Fouga-Nord et, de l’autre côté du canal, Fouga-sud. En bas à droite, la gare basse. Entre celle-ci et le faisceau de chômage, les cours de débord de Sauclières.
R. Henrard © Photorail-SNCF
51Dirigés par un « chef de dépôt atelier » assisté par un sous-chef d’atelier, les ateliers de Béziers devinrent le sanctuaire des BB Midi (fig. 35 et 36). Outre l’entretien courant et les révisions limitées (RL) de la dotation locale, ils furent en effet chargés des révisions générales (RG) sur l’ensemble des dites BB, soit 297 unités réparties en six séries livrées entre 1922 et 1935 par les Constructions Électriques de France (CEF/Alsthom) à Tarbes : 1500 ex-4000, 1600 ex-4500, 4100, 4200, 4600, 4700. Après 1950 s’ajoutèrent les grandes révisions générales (GRG) avec recâblage, opération effectuée à mi-vie (théorique) d’une machine lorsque ses organes essentiels et non interchangeables accusent un vieillissement tel que les RG deviennent onéreuses : 4100/4600 à partir de 1952, 1500 à partir de 1953, 4200/4700 à partir de 1963 (6 machines par an pendant 5 ans, chacune étant immobilisée 26 semaines).
Fig. 35
Béziers (Hérault), en 1937, aréopage de BB Midi devant les ateliers reconvertis pour l’entretien des locomotives électriques. Noter les sheds aujourd’hui disparus. Au premier plan, la fosse du chariot de 170 tonnes.
M. Maillet © collection Ph. Marassé
Fig. 36
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, travée des moteurs en 1957. La Vie du rail, juillet 1957, n° 604.
Repro. A. Boyer © La Vie du Rail
- 71 - Les six séries de BB Midi se déclinaient en trois jeux comptant chacun deux séries aptes respecti (...)
- 72 - Ces machines à bielles (surnommées « Mille-Pattes ») destinées au débranchement rapide de trains (...)
- 73 - Voir en annexe III les principaux travaux exécutés par les ateliers de Béziers après 1945.
52Béziers procéda également aux diverses modifications appliquées aux BB Midi au cours de la deuxième moitié de leur carrière, notamment transformation de 4100 en 4600 (1949-1962) puis de 4600 en 4100 et de 4200 en 4730 de manœuvres (1975-1979)71. Mais la fin des vénérables BB approchait. Les RG cessèrent en effet en 1969 pour les 1500, 1975 pour les 4100/4600 et 1977 pour les 1600. En compensation, des séries plus récentes – certaines dérivées des BB Midi – furent envoyées à Béziers, en particulier BB 8100 (fig. 37), 300, 9400 et CC 110072, dont Béziers assura le « directorat » (atelier directeur) : révisions, modifications, opérations majeures nécessitant des moyens industriels lourds, révisions et réparations d’organes constitutifs (moteur, transformateur, etc.), gestion de la maîtrise technique, de la trame de maintenance, des retours d’expérience et de l’accompagnement de la série tout au long de sa vie73.
Fig. 37
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, la caisse de la BB 8163 (série 8101-8271 de 1948-1955) en livrée « béton » est posée sur bogies provisoires devant les ateliers agrandis en 1971. Cliché du 22 février 1995
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
53Les programmes mis au point par la direction du Matériel SNCF, en liaison avec l’atelier chargé de l’exécution, donnèrent un nouveau souffle au site : en 1988, la part de main-d’œuvre imputable au traitement des 12 CC 1100 était ainsi estimée à 12,5 millions de francs pour 62 500 h. La modernisation des « Milles-Pattes » exigea d’ailleurs la formation du personnel, qui n’avait aucune expérience en équipements statiques, pour effectuer les travaux dans les meilleures conditions de coût et de qualité (fig. 38). Nous donnons en annexe III les principaux travaux exécutés par les ateliers de Béziers après 1945.
Fig. 38
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, la CC 1101, prototype des « Milles-Pattes » modernisées, va bientôt quitter les ateliers de Béziers revêtue de sa nouvelle livrée orange et marron. Elle stationne au droit de la jonction des constructions de 1888 (à droite) et de 1971 (à gauche). Cliché du 12 juillet 1989.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
- 74 - Comprenant un bâtiment principal (rez-de-chaussée : vestiaires, douches, bureau du chef de centre (...)
54Si la « réparation » des locomotives électriques représentait l’activité principale de l’établissement, celui-ci exécutait d’autres tâches, notamment les travaux de menuiserie pour les services EX, MT et VB du 4e arrondissement. Quant au magasin, il exerçait de larges attributions allant de la gestion du stock de combustibles, sable, huiles de traction, etc., à la gestion et à la répartition des « pièces de modification » des BB Midi de Tarbes, Toulouse, Bayonne et Bordeaux. En 1957, l’établissement occupait 470 agents sortis pour certains du centre d’apprentissage. Créé par le PO-Midi en 1937, celui-ci se composait à l’origine d’un atelier imbriqué dans le magasin du dépôt et de salles de cours installées dans le prolongement des bureaux. En 1941, il prit possession des locaux libérés à l’est des ateliers (côté Sète) par le transfert dans la cour de Sauclières du poste d’entretien des wagons. Détruit par le bombardement de 1944, le centre fut relogé dans des baraquements préfabriqués avant d’aménager en 1947 dans de nouveaux locaux édifiés au même emplacement74.
55Après 1960, les ateliers de Béziers firent l’objet de travaux de remaniements, d’extension et de modernisation afin de les adapter à leurs charges accrues (fig. 5) : aménagement dans les anciennes remises côté gare de deux ateliers de chaudronnerie (un pont de 5 tonnes), d’un atelier de réparation des moteurs de traction (2 ponts de 10 tonnes), d’un atelier de réparations accidentelles (RA) et d’un atelier de réparation des moteurs auxiliaires (un pont de 5 tonnes) ; création d’un atelier de peinture dans l’ancien gril vapeur (1964), reconstruction partielle de l’atelier « historique » sous la forme d’une nef en bardage équipée de 2 ponts roulants de 50 et 6 tonnes pour le montage des caisses (1971)(fig. 39 et 40) ; susbstitution au chariot type Midi sans garde-corps d’un chariot de 200 tonnes construit par Caillard et Cie au Havre, d’une portée de 22 mètres et circulant sur 2 chemins de roulement (1977)(fig. 41) ; construction d’un bâtiment en bardage dans le prolongement du magasin pour étendre celui-ci (1980) ; etc.
Fig. 39
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, nef construite en 1971, pignon nord vu depuis la passerelle sur les voies principales.
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
Fig. 40
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, nef construite en 1971, vue intérieure. Noter l’ossature métallique et les stigmates laissés par les sheds de 1888. Au-dessus, sheds de l’exhaussement des années 1930 (à droite) et de 1971 (à gauche).
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
Fig. 41
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, chariot transbordeur de 200 tonnes vu en enfilade. À droite, les anciennes remises à locomotives transformées en ateliers.
M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, juillet 2019
- 75 - Cette partie s’appuie principalement sur un article paru vers 1983 dans un journal interne à la r (...)
- 76 - L’organisation interne instaurée par la SNCF en 1972-1973, à la suite de l’autonomie de gestion a (...)
56En 198375, le « dépôt » de Béziers, rattaché à la région SNCF de Montpellier créée le 1er janvier 1972, restait fidèle à ses deux vocations historiques : traction des trains (fonction Transport-Traction) et réparation des locomotives (fonction Matériel)76, sa principale raison d’être. Il occupait 679 agents appartenant aux trois collèges « exécution, maîtrise et cadres ». Son organisation générale était la suivante :
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Les services communs divisés en trois sections : la section « personnel » assurait le secrétariat, la gestion administrative du personnel de l’ensemble de l’établissement et de ses annexes, le pointage des agents sédentaires, etc. ; la section « mouvement » gérait le personnel de conduite du point de vue du pointage et du mandatement des soldes ; elle traitait aussi les incidents du dépôt en accord avec le chef de dépôt mouvement ; la section « comptabilité » gérait le budget alloué à l’établissement, en relation avec le secrétariat de gestion.
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Le service Transport réglait l’utilisation du personnel de conduite de la résidence et assurait la surveillance de celui-ci.
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Le service intérieur exécutait certaines activités relevant du Transport (remisage ou mise en place d’engins moteurs, manœuvres dans les emprises du dépôt, échange des bandes graphiques, etc.) et nettoyait les locaux.
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Le secteur Matériel réparait les locomotives.
57Nous allons présenter le fonctionnement des deux principaux pôles : le service Transport et le secteur Matériel.
- 77 - Ligne limitée aux carrières de Lézignan-la-Cèbe en 1991 et totalement supprimée en 2010.
58En traction électrique, le personnel de Béziers assurait la conduite sur les lignes ou sections Béziers/Neussargues, Narbonne/Cerbère, Toulouse/Sète/Marseille et Tarascon/Avignon. En traction diesel, il desservait la ligne secondaire Vias/Paulhan/Lodève, ultime antenne non électrifiée rescapée de l’étoile de Béziers77. De leur côté, les agents de Séverac roulaient sur Béziers/Neussargues (électrique) et Le Monastier/Mende (diesel). Depuis 1973, le rayon d’action de l’établissement englobait la circonscription du dépôt de Villefranche-Vernet-les-Bains (ligne à voie métrique de Cerdagne) devenu annexe de Béziers et le service des manœuvres de Sète, notamment au chantier de Sète-Méditerranée (port).
59Au 1er octobre 1983, l’effectif du personnel de conduite se décomposait ainsi (fig. 42) :
Fig. 42
Effectif du personnel de conduite du dépôt de Béziers au 1er octobre 1983
© Ph. Marassé
60Depuis la perte des BB Midi en 1969, les automotrices à 850 V de la ligne de Cerdagne (détachées à Villefranche) étaient en 1983 les seuls engins moteurs affectés à Béziers. L’établissement appartenait donc encore au cercle de plus en plus restreint des dépôts titulaires dont le nombre tomba de 275 en 1938 à 29 en 1993 en raison de l’allongement du parcours des engins moteurs. Pour les services sur voie normale, l’établissement fonctionnait toutefois comme un dépôt relais, ses agents conduisant le matériel appartenant aux établissements titulaires d’Avignon : BB 4100 qui ont remplacé les BB 4200 sur Neussargues dans la deuxième moitié des années 1970 (fig. 43), BB 9400, CC 7100, automotrices Z 7100 engagées sur les Causses depuis 1963-1964 (fig. 44) ; Nîmes : BB 63500 ; Marseille : Z 7300/7500 substituées aux Z 7100 sur les Causses en 1984/1985 (fig. 45) ; Paris-Sud-Ouest : BB 7200, BB 9200, CC 6500, etc.
Fig. 43
Le 1er juillet 1983, au soir de leur carrière mais toujours vaillantes, les BB 4158 et 4134 en UM hissent un train de marchandises sur la rampe de 33, 3 mm/m conduisant au faîte d’Engayresque, entre Aguessac et Séverac-le-Château. Le convoi traverse le viaduc des Terrals au pied de Compeyre. Noter l’emplacement de la deuxième voie déposée en 1943 et les supports de caténaire en ogive.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
Fig. 44
Le 1er juillet 1983, l’automotrice Z 7131 et sa remorque passent à Peyre, au sud de Millau.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
Fig. 45
Le 3 mai 1987, l’automotrice type « Z 2 » Z 97303 (future Z 97383) franchit le viaduc de l’Usclade, entre Joncels et Les Cabrils. Propriété de la région Languedoc-Roussillon, l’une des premières à s’engager sur la voie du conventionnement avec Midi-Pyrénées, cette automotrice porte la livrée spéciale TLR qui sera remplacée ultérieurement par la livrée TER jaune et blanc.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
61À Béziers, les conducteurs montaient en cabine, soit sur le grill du dépôt, soit en gare lors du passage du train dont ils relevaient le mécanicien. Les agents en escale appartenant à d’autres établissements prenaient leur « repos hors résidence » au foyer situé en gare (30 chambres individuelles en 1971). Son gardien tenait un graphique sur lequel il portait notamment les numéros des trains d’arrivée et de départ, le nom, le grade et la résidence de l’agent, et l’heure de réveil demandée par celui-ci.
62Les agents de ce secteur recevaient « des engins moteurs qui se sont usés à tracter des milliers de voyageurs ou de tonnes de marchandises sur des centaines de milliers de kilomètres ; ils leur redonn[aient] leur jeunesse et rend[aient] des locomotives en parfait état de marche, quasiment neuves, voire mieux que neuves. » Ces travaux obscurs mais de très haute technicité exigeaient un large éventail de qualifications correspondant à la palette complète des métiers : chaudronniers, électriciens, spécialistes thermiques, peintres, soudeurs, tourneurs, fraiseurs, ajusteurs, menuisiers, monteurs, dessinateurs, etc.
63Trois grands services structuraient le secteur du Matériel :
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le service production
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le service technique
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le service d’études
64Ses 496 agents se consacraient à la réparation des locomotives électriques, c’est-à-dire :
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la révision des engins en atelier (entretien préventif) : révisions périodiques déclenchées en fonction du parcours des engins (révisions générales poussées, révisions générales, révisions limitées).
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la réparation des locomotives accidentées ne pouvant être traitées par leur dépôt propriétaire en raison de l’importance des avaries (entretien curatif ou réparations accidentelles).
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la réparation et la fourniture aux différents dépôts de pièces détachées ou organes destinés à l’entretien du matériel.
- 78 - Comme les BB 8100 (1948-1952/1953-1955), les BB 900 (ex-BB 100 État de 1936-1937) et les BB 300 ( (...)
65Lors des révisions périodiques et des réparations accidentelles, l’atelier appliquait les modifications prévues pour chaque série afin d’améliorer leur tenue en service (comme le renforcement des cabines de conduite). L’objectif du service Production visait à obtenir un travail au meilleur prix, ce qui passait par une organisation du travail judicieuse (regroupement des tâches d’une spécialité au niveau des postes de travail, utilisation d’agents ayant le niveau de qualification correspondant au poste, adaptation des outillages et équipements aux besoins, application de documents d’entretien pour guider le personnel, formation de la main-d’œuvre « sur le tas » ou en école, etc.). La réduction au strict minimum de la durée d’immobilisation des locomotives était – comme en 1910 - un souci constant. Pour ce faire, chaque série d’engins faisait l’objet d’un plan de travail type dont l’avancement était suivi par demi-journées sur un78 tableau mural récapitulant l’ensemble des engins « sur les tréteaux » (les locomotives accidentées faisaient l’objet d’un plan spécial dépendant des avaries). L’annexe IV indique la charge de travail prévue pour 1983 et les prix de revient moyens par série et par type de révision.
66La programmation des révisions reposait sur l’organisation de chaînes dédiées à une ou plusieurs séries de machines. Ces chaînes étaient indépendantes et leur imbrication se limitait au passage sur certains postes spécialisés (lessivage des caisses, décapage, grenaillage, etc.) ne pouvant recevoir qu’un engin. Cette programmation permettait de répartir sur l’année la charge de travail, de fixer des délais d’immobilisation aussi réduits que possible et d’obtenir une utilisation rationnelle du personnel des différentes spécialités en coordonnant leurs interventions. Six « phases réparation » rythmaient les révisions : démontage, visite et réparation des organes déposés et des organes non déposés, nettoyage, montage et réglage, essais (à blanc, sous tension, en ligne) et « peinturage. » Une chaîne se caractérisait par le nombre de locomotives à traiter, la durée d’une révision, le pas d’entrée exprimé en jours ouvrables, le nombre de locomotives immobilisées simultanément étant égal au quotient de la durée de la révision par le pas d’entrée. D’où l’intérêt de déterminer au plus juste la durée des révisions de manière à réduire au maximum le nombre d’engins immobilisés. L’imbrication des chaînes entre elles était calculée pour assurer une régulation de la charge de travail par spécialité, la surcharge d’un poste de travail créant automatiquement un retard dans la chaîne susceptible de se répercuter sur une autre chaîne. Pour 1983, la programmation comptait cinq chaînes intéressant six séries de machines : BB 8100 (2 chaînes), BB 9400 (une chaîne), BB 300, 4200, 4700 (une chaîne commune) (50) et BB 8500 (une chaîne) (fig. 46) :
Fig. 46
Ateliers SNCF de Béziers - Exercice 1983 - Programmation des révisions (5 chaînes)
© Ph. Marassé
67Le service « Production » se composait de cinq « unités de production » placées sous l’autorité du chef de service :
68a. L’atelier de réparations électriques (RE) (144 agents) divisé en trois sections spécialisées (appareillage, câblage, groupes tournants) : réparation des organes électriques déposés des machines et fourniture des pièces de rechange pour d’autres dépôts. L’organisation de l’atelier obéissait à la spécialisation à l’organe, chaque agent étant chargé de déposer, réparer à l’établi et remonter la pièce. L’atelier RE, qui pouvait sous-traiter des travaux avec l’atelier de réparation mécanique ou la chaudronnerie, était autonome : il était en effet loisible au chef d’atelier de faire évoluer le tableau de marche en vue d’une meilleure productivité au moindre coût tout en veillant à la qualité du travail. La production de l’atelier RE représenta en 1982 :
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appareillage : 68 000 heures
-
câblage : 78 000 heures
-
groupes tournants : 70 000 heures
69Soit un total de 216 000 heures pour un effectif moyen de 144 agents.
70b. L’atelier de réparations mécaniques (RM) (142 agents) divisé en 3 sections de 4 équipes chacune :
-
mécanique-caisses (42 agents) : réparation des caisses des locomotives et de leurs accessoires (pantographes, pivots, serrures, indicateurs-enregistreurs de vitesse, etc.).
-
mécanique-bogies (48 agents) : démontage, réparation et remontage des pièces constitutives des bogies.
-
mécanique générale (51 agents) : usinage des pièces nécessaires à la réparation des locomotives sur une vingtaine de machines-outils.
71Les deux premières sections pratiquaient le principe de la spécialisation à l’organe et à la série de locomotives tandis que la troisième appliquait la spécialisation au métier : tourneurs, fraiseurs, ajusteurs.
72c. L’atelier de chaudronnerie-peinture (149 agents) divisé en 3 sections de 4 équipes chacune, soit douze équipes employant un personnel spécialisé :
-
chaudronnerie (interventions sur la tôlerie) : remise en état des parties dégradées (oxydation, chocs, enfoncements) par redressage ou par remplacement des parties détériorées ; modifications importantes améliorant la structure des engins (renforcement des cabines de conduite, insonorisation, etc.).
-
peinture : sur fonds conservés (lorsque l’état général était bon) ou sur fonds neufs (en cas de modifications importantes sur les machines). Dans cette dernière hypothèse, les opérations comprenaient le décapage de l’ancienne peinture, le grenaillage des tôles à la grenaille de fonte et la peinture sur plusieurs couches. L’application de peintures polyuréthannes à deux composants garantissait une excellente tenue dans le temps et la conservation du « brillant ».
-
soudage : formés sur place et en école spécialisée, les soudeurs pratiquaient les plus récentes techniques : soudage des alliages légers et de l’acier inoxydable, emploi de postes semi-automatique sous protection gazeuse, découpage avec le procédé ARC-AIR, etc.
73À ces trois sections s’ajoutaient une équipe pour l’entretien préventif des freins montés sur les engins moteurs (composée uniquement avec du personnel issu de la formation des apprentis SNCF), une équipe menuiserie/sellerie et une équipe entretien/réparation des installations de l’atelier (partie mécanique des appareils de levage et de manutention).
74d. La section de manutentions-nettoyage (45 agents) : mise à la disposition des différents chantiers, compte tenu des programmes de révision, des véhicules, organes complets, pièces détachées et autres matières. Elle comportait trois sections :
-
l’équipe de manœuvres par locotracteurs : mise en place des engins moteurs sur les postes de travail, manutention des organes lourds, chargement et déchargement de wagons.
-
l’équipe de manutention : répartition sur les postes de travail des pièces détachées conditionnées sur palettes au moyen de chariots de manutentions électriques.
-
l’équipe de nettoyage : lavage des pièces et gros ensembles à l’aide d’une machine spéciale de grandes dimensions pouvant recevoir un bogie complet.
- 79 - En 2004, deux nouvelles automotrices (Z 151-152) construites en Suisse sont venues compléter le p (...)
75e. L’annexe de Villefranche (douze agents), rattachée à Béziers le 1er janvier 1973, assurait le service voyageurs sur la ligne à voie métrique électrifiée par 3e rail de Villefranche-Vernet-les-Bains à La Tour-de-Carol (63 km) et l’entretien courant de son matériel roulant, Béziers étant chargé des opérations lourdes. Dirigée par un chef de traction assisté d’un agent administratif, elle était organisée comme un dépôt avec un service Transport (agents de conduite), un service intérieur et un service Matériel. Datant de l’origine de la ligne (1909), le matériel de la Cerdagne fut modernisé une première fois entre 1962 et 1968 aux ateliers de Villefranche (partie mécanique) et de Marseille-Prado (caisses). Dans le cadre du conventionnement de la ligne – si souvent menacée ! – par la Région Languedoc-Roussillon, une deuxième grande opération sera menée de 1985 à 1988 aux ateliers de Béziers sur la base d’un prototype présenté en 1984. Le matériel, dont le confort est alors repensé, troquera à cette occasion la livrée « sang et or » des années 1960 pour l’actuelle livrée jaune avec filets rouges rappelant la présentation originelle79 (fig. 47, 48).
Fig. 47
Béziers (Hérault), le 16 décembre 1987, la caisse de l’automotrice modernisée Z 115 (1909) de la ligne de la Cerdagne en révision aux ateliers de Béziers. Noter le sifflet à air comprimé à la sonorité caractéristique, le châssis métallique à tirants extérieurs et, sous celui-ci, les résistances de démarrage et du frein rhéostatique.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
Fig. 48
Béziers (Hérault), le 16 décembre 1987, caisse d’une remorque Cerdagne (ex-SE Nord, 1910) en cours de modernisation aux ateliers de Béziers. La dépose du « tôlage » (revêtement en tôle) révèle l’ossature en bois, mode traditionnel de construction des voitures à voyageurs au début du XXe siècle.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
76Ce service regroupait :
77a. Les dessinateurs et techniciens (une vingtaine d’agents qualifiés) étudiaient, en liaison avec la direction, les services de la production et les services de l’Équipement, l’adaptation des engins moteurs aux exigences du progrès et de la fiabilité ainsi que les améliorations à apporter aux aménagements de l’atelier et aux moyens de production (machines-outils, outillage). À cet effet, il élaborait les documents, dessins (40 000) et autres états de travail nécessaires. Citons à son actif :
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l’amélioration du confort acoustique des cabines de conduite des BB 9400, l’opération revenant à 70 000 F par unité pour un coût global de 9 millions de francs ; pour les mêmes machines, la conception d’un nouveau bogie intégrant toutes les améliorations suggérées par l’expérience (200 000 F l’unité).
-
la transformation du chauffage de l’établissement par la substitution de la production d’eau chaude à 90° à celle de vapeur haute pression, les travaux d’un montant de trois millions de francs devant permettre une économie annuelle de 135 mᶾ de fuel (- 22 %).
78D’une manière générale, les dessinateurs travaillèrent à la modernisation des ateliers menée au cours des années 1970-1980. Il s’agissait d’améliorer les conditions de travail et de sécurité par la rénovation des locaux et l’aménagement de postes de travail plus rationnels : atelier de décapage et de polymérisation, atelier des pantographes, amélioration des moyens de manutention (poutres roulantes, agrès de levage, potences, palonnier de 12 tonnes pour Villefranche, etc.). Enfin, le service veillait au bon fonctionnement des installations comme la station d’épuration destinée au traitement des effluents rejetés par les postes de nettoyage.
79b. Le magasin (40 agents) alimentait en matériel et pièces diverses les 40 équipes de la production et les autres services SNCF consommateurs. Il stockait et gérait plus de 7 000 articles allant de la vis de 4 mm au moteur de traction de 7 tonnes (valeur totale : 27 millions de francs pour un « chiffre d’affaires » annuel de 140 millions) ! Des rayonnages à neuf niveaux et de 6 m de hauteur permettaient la « mise en case » d’environ 2 300 palettes au moyen d’un chariot de manutention à prise bi-latérale guidé par rails. La gestion du magasin obéissait à un double impératif : délivrance des pièces à la production en temps voulu et approvisionnement au moindre coût. En 1983, le service venait d’entrer dans l’ère de l’informatique avec six terminaux d’ordinateurs.
80Ce groupe définissait ou améliorait au meilleur coût les règles d’entretien du matériel moteur dont Béziers assurait le directorat. Ses membres - les « rapporteurs » - travaillaient en étroite collaboration avec les agents de l’atelier qui les renseignaient sur la tenue du matériel passant entre leurs mains. Autre source d’informations : des investigations sur les engins pour connaître leurs réactions en ligne. Cette démarche était permanente en raison du vieillissement des engins et de la modification de leur comportement consécutive aux transformations subies ou aux changements dans leur service. Ces réflexions permirent ainsi d’allonger le pas entre révisions des BB 9400 (de 600 000 à 700 000 km) et BB 8100 (de 800 000 à 1 000 000 km). Autre mission : la surveillance des éléments coûteux victimes de graves avaries répétitives, ce qui pouvait aboutir à une demande de modification de l’organe en cause. Enfin, le groupe gérait les documents d’entretien des locomotives : inventaire des travaux de révision indiquant pour chacune de leurs parties les travaux, visites, essais, etc., et fiches de visite ou de réparation utilisées pour les opérations compliquées. L’expérience acquise dans ce service permettait le cas échéant aux rapporteurs de devenir chefs de section ou même chefs d’atelier.
81L’année 1983 ouvrait la dernière décennie de « plein exercice » pour le dépôt de Béziers. Celui-ci devait en effet subir, dans les années 1990, une profonde « réorganisation » avec le transfert de l’activité conduite à Narbonne et l’arrêt – décidé en 1993 et consommé en 2000-2001 – de la révision des locomotives électriques (fig. 49 et 50).
Fig. 49
Béziers (Hérault), ateliers SNCF, le locotracteur type Y 2400 de l’équipe de manœuvres déplace sur le chariot transbordeur la BB 9624. Celle-ci résulte de la transformation de la BB 9507 par les ateliers de Béziers en 1993. Cliché du 22 février 1995.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
Fig. 50
Le 5 juillet 1995, la BB 80001 accomplit ses premiers tours de roues avant de rejoindre son dépôt d’attache de Paris-Sud-Ouest. La transformation de 12 BB 8100 en BB 80000 de remonte constitue la dernière grande opération sur locomotives électriques des ateliers de Béziers.
J.-P. Autié © collection Ph. Marassé
82Le dépôt-atelier de Béziers peut s’enorgueillir d’une histoire longue, riche et originale qui méritait d’être relatée. Englobant un dépôt et de grands ateliers, il s’orienta très tôt vers les nouveaux modes de traction si bien que, dès 1951, les tractions vapeur, électrique et diesel y étaient représentées, cas de figure alors exceptionnel en France. Si le dépôt de Béziers ne fut pas le premier établissement à assurer des services électriques, il fut en revanche le premier, avec Nîmes, à utiliser la traction diesel de route sur les lignes secondaires. Cette expérience ouvrit la voie à la salutaire modernisation des « petites » lignes sur lesquelles la vapeur grevait lourdement les dépenses d’exploitation. Le dépôt de Béziers géra également du matériel à voie étroite – particularité qu’il partagea avec les dépôts de Villefranche-Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales) et de Saint-Gervais-Le Fayet (ligne ex-PLM Saint-Gervais- Vallorcine en Haute-Savoie). Dans le cas de Béziers, cette gestion s’opérait d’ailleurs à distance. Quant aux « grands ateliers » de locomotives, voitures et wagons, modernisés dès avant 1914 mais fermés lors de la grève de 1920 – comme d’autres établissements analogues du Midi, du PO et du PLM –, ils reprirent vie à la faveur de l’électrification. Le site, auquel était adossé un centre de formation professionnelle, devint ainsi jusqu’aux années 1990 un important atelier de locomotives électriques de la SNCF et le seul de cette catégorie sur la façade méditerranéenne. Longtemps spécialisé dans l’entretien des locomotives BB d’origine Midi, il se tourna progressivement vers des engins plus récents qui lui donnèrent un nouveau souffle jusqu’à la fin du XXe siècle. L’établissement sut ainsi s’adapter à l’évolution des techniques et à ses nouvelles missions. Reste à dresser l’état des lieux en 2020 qui complèterait la connaissance des activités qui ont trouvé place ou perdurent encore sur le site. De même, un minutieux dépouillement des archives du personnel de la SNCF contribuerait à nourrir une histoire sociale de l’établissement.