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Dossier

Le château avant le château ou le défi réel du temps long (VIe-XIe siècles) : quelques repères en guise d’introduction

The castle before the castle or the challenge of the long time (6th-11th century): some landmarks by way of introduction
Laurent Schneider

Résumés

Au-delà des aspects militaires, des questions de pouvoir et de domination, le château traditionnel du Moyen Âge intègre dans sa forme unifiée fonctionnelle trois composantes essentielles : la sala ou aula, pièce d’apparat, de justice et de réception, la camera, chambre d’une intimité souvent partagée et la capella, lieu de spiritualité échappant souvent au cadre paroissial. Mais dans le temps long, le château émerge aussi de logiques spatiales, de dynamiques de peuplement très diverses et de contraintes de lieux plus complexes à envisager. Plus fragiles, plus effacés les vestiges des fortifications des VIe-XIe siècles sont de fait plus difficiles à repérer mais l’archéologie offre désormais des pistes nouvelles et permet d’identifier des formes et des catégories d’établissements qui interrogent la lointaine genèse du château proprement médiéval des pays d’Oc.

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Texte intégral

1Les châteaux que l’on a construit en Europe occidentale par milliers depuis le Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle selon des formes architecturales, des fonctions et des statuts très divers, sur des hauteurs, parfois vertigineuses, mais aussi dans les plaines plus peuplées, dans les forêts ou les zones humides, au contact de villes et d’abbayes, le long des routes, bacs et ponts sont l’une des grandes silhouettes emblématiques d’un Moyen Âge dont les traces demeurent encore si présentes dans les paysages contemporains. Symbole contradictoire d’un monde merveilleux, mais aussi mystérieux, les châteaux incarnent peut-être encore dans l’inconscient collectif, sinon dans l’âme et l’imaginaire européens l’idéalisation grandiose d’un chez-soi princier autant que l’inquiétude d’un lieu de puissance et de pouvoir dans le trouble d’émotions mitigées associant sécurité et protection, guerre et paix, luxe et loisirs mais aussi pouvoir et domination dans le paradoxe d’un monde fermé, attentatoire, menaçant et finalement hostile.

  • 1 - BOURGEOIS, 2009.

2En France, le château demeure associé à l’idée d’une domination aristocratique, en Allemagne il est peut-être davantage lié aux origines d’une nation, en Angleterre à un mode de vie, en Espagne à celui d’une garde territoriale disputée. Dans le monde savant et académique, les châteaux du Moyen Âge sont communément envisagés comme l’un des grands outils de la construction seigneuriale, féodale, princière et militaire de l’Europe médiévale aussi bien dans les terres impériales que dans les royaumes capétien, angevin ou normand. Dans le contexte des guerres féodales et royales, amplifiées aux XVsiècle et XVIe siècle par le développement des machines de guerre et de l’artillerie des armes à feu, le français moderne a accolé l’épithète « fort » à l’ancien chastel pour en souligner une fonction militaire prédominante bien que celle-ci ne fut pas partout et en tout temps de la période médiévale marquée de manière si évidente. Ainsi en est-il en définitive du castrum des comtes d’Angoulème à Andone (Charente) qui ne possédait vers l’an Mil ni donjon, ni tour, ni village immédiat subordonné, tandis que l’enceinte modeste dépourvue de flanquement englobait à peine 0,2 ha1. Ainsi en est-il des châteaux de l’ancien Languedoc qui ne sont pas toujours isolés, perchés et à l’écart des lieux de peuplement mais bien au contraire souvent ennoyés au centre ou en périphérie de villages, bourgs et agglomérations diverses. Mais qu’est qu’un château en définitive ? Et celui ci est-il toujours vraiment si fort ?

3Dans l’ancien Languedoc et dans l’ensemble des pays d’Oc, les médiévistes spécialistes du second millénaire ont pris pour habitude pragmatique et prudente de désigner le château et ses fortifications annexes ou collectives par les termes latins de castrum ou castellum qui le désigne. Cette habitude tient pour une bonne part à une certaine spécificité méridionale où la tour-maitresse et le château initial perçu comme un habitat privilégié ancrant dans le sol et le territoire le pouvoir d’une élite sont peu ou prou rapidement ennoyés dans un village, un bourg et une ville. De fait, le château proprement dit, ne se distingue pas toujours clairement des autres éléments fortifiés du village et des autres demeures fortifiées ou dotées d’un étage qui peuvent ou pouvaient le jouxter, sinon par sa position topographique sensiblement dominante. Ce n’est souvent que lorsque que l’on parvient à identifier une enceinte supérieure, le cinctus superior des textes, ou simplement encore par des observations topographiques générales, que l’on distingue l’espace proprement dit du « château » ou castellum, quelle que soit sa forme architecturale, d’un ensemble plus vaste et souvent indistinct que rend mieux en terre méridionale le terme de castrum : le castrum a un sens beaucoup plus large incluant, de fait des cours basses mais aussi l’espace de domination de la fortification, c’est-à-dire les maisons, le village ou le bourg qui lui sont accolés tout autant que les terres, terroirs et finages qui lui sont agrégés et rattachés. Castellum désigne plus proprement la partie éminente du castrum mais après le Xe siècle son usage se perd et l’un de ses dérivés Castellas a tendance désormais à désigner davantage un château abandonné, en somme un castrum raté et plus largement encore une ville, une ancienne agglomération de hauteur, c’est à dire des ruines désertées parfois depuis l’époque romaine ou des époques anciennes.

Des châteaux forts et des résidences élitaires : un objet d’étude en mouvement

4Vers 1850, le grand architecte Viollet-le-Duc consacrait plus de 130 pages au terme « château » dans son dictionnaire de l’architecture et contribuait à partir de nombreux exemples à construire l’un des objets et l’une des images les plus emblématiques mais aussi parmi les plus fantasmées et réinterprétées du Moyen Âge français et européen, ceci essentiellement à partir de cas issus des derniers modèles conservés, principalement septentrionaux où Carcassonne devait néanmoins faire exception. Dans le même dictionnaire il proposait également des articles détaillés pour les termes « donjon » et « palais » mais n’abordait pas les vocables, fort, fortin, forteresse, bastide. Il consacrait cependant, un article particulier au « manoir » et ouvrait de la sorte la question épineuse des « maisons », résidences ou demeures des champs possédant éventuellement une salle d’apparat et de réception, parfois des fossés et des créneaux mais qui restaient selon lui dépourvues de tours et de donjon tandis que le résident ou le propriétaire n’était pas obligatoirement noble. Le château dans ses manifestations les plus diverses était avant tout perçu comme une place ou un lieu fort dans sa forme et juridiquement distinct des grandes demeures, sinon des fermes de plaisance elles-mêmes différenciées de l’habitat ordinaire. Aujourd’hui les notions, termes et appellations de châteaux, fort, fortin, forteresses, manoirs, palais… sont maintenus par une sorte de concession aux habitudes mais sans valeur toujours bien définie, si bien qu’une certaine difficulté amplifiée par la longue durée du Moyen Âge fait que l’on peine à définir non pas strictement ce qu’est un château (une résidence seigneuriale souvent rurale rendue forte ou perchée, dotée d’une sala, d’une camera et d’une capella) mais peut-être davantage ce qui n’est pas encore ou qui n’est plus un château.

5On proposera de fait, ici une excursion dans cette seconde partie du premier millénaire que la nouvelle documentation archéologique accumulée ces dernières décennies autorise désormais à revisiter. Cette perspective de long terme invite à réintégrer dans toute sa spécificité chronologique un Xe siècle trop négligé d’une part et l’héritage lointain des modèles et des ancrages des VIe-VIIe siècles d’autre part.

1. Quels antécédents avant les châteaux du Moyen Âge ?

Oppidum, castrum, castellum : les établissements perchés et fortifiés des Ve-VIIsiècles

6À la fin de l’Antiquité, les provinces de Narbonnaise première et de Novempopulanie n’ont été touchées que très ponctuellement par la mise en place de forts, fortins, camps et tours de défense proprement militaires que l’empire a réalisés en plus grand nombre dans les provinces de Germanie et de Belgique au voisinage du limes rhénan. Certes dans les Pyrénées notamment, des Cluses ont pu être fortifiées très tôt et dotées de forts comme ceux du Perthus verrouillant le passage de la voie domitienne mais ces fortifications sont peu nombreuses et encore mal identifiées par l’archéologie, et l’essentiel des fortifications « antiques » que l’on connait se rapporte davantage à des enceintes et des ouvrages qui intéressent en premier lieu le monde urbain, à l’image des arènes de Nîmes transformées en puissant castrum urbain et ceinturées d’un nouveau rempart sans doute dès le VIIe siècle, de la première enceinte de Carcassonne et de sites plus méconnus comme Saint-Lizier dans l’Ariège.

7Mais l’archéologie programmée de l’Antiquité tardive et du premier Moyen Âge a fait d’immenses progrès ces deux dernières décennies en révélant une catégorie de sites jusqu’alors sous-estimés, mais pourtant placés immédiatement sous le niveau des anciennes civitates. Ces établissements perchés et fortifiés parfois désignés comme castrum, castellum ou oppidum dans les textes sont à vrai dire bien plus nombreux que ce qui avait pu être imaginé. Trois raisons principales expliquent qu’ils ont longtemps été sous-estimés.

  • la faiblesse numérique d’une trop petite communauté scientifique s’intéressant à ces périodes très hautes du Moyen Âge et qui fut confrontée à une tradition historiographique qui ne voyait dans ces sites que des lieux de refuge temporaires, nés en quelque sorte dans le contexte d’une émotion provoquée par l’effondrement de l’Empire romain d’Occident et la construction de nouveaux royaumes entrés en compétition.

  • la difficulté réelle à percevoir matériellement ces établissements car ceux-ci, la plupart du temps correspondent à des agglomérations actuelles à l’image de l’oppidum et castrum d’Urgernum devenu Beaucaire et ont été écrasés par des châteaux ou des ouvrages monumentaux postérieurs. Ainsi en est-il par exemple des castra de Cabrières dans l’Hérault et de Cabaret dans l’Aude mentionnés dès le VIe siècle par Grégoire de Tours mais où plusieurs décennies de fouilles n’ont livré que des traces fugaces des Ve-VIIe siècles

  • enfin, il n’est pas inutile de rappeler, dans un contexte ou l’archéologie nationale est devenue essentiellement préventive combien ces sites de montagne sont de fait peu impactés par les grands travaux d’aménagement du territoire et par conséquent combien il est difficile de les aborder avec les faibles moyens dont dispose désormais l’archéologie programmée.

  • 2 - SCHNEIDER, 2003 a et b.

8En Occitanie occidentale deux fouilles extensives développées dans le cadre d’un programme du CNRS et du ministère de la Culture au cours des années 20002 montrent désormais le potentiel de ces sites et révèlent surtout des formes de fortification jusqu’alors inconnues.

9La première, celle du Roc de Pampelune à Argelliers évoque une petite agglomération de 2,25 ha créée ex-nihilo dans les dernières décennies du Ve siècle sur le sommet d’un éperon calcaire de la garrigue nord-montpelliéraine. Le seul ouvrage fortifié est une enceinte englobante triangulaire dotée de tours d’angle et d’au moins une tour de flanquement semi-circulaire qui a servi de grenier (fig. 1).

Fig. 1

Fig. 1

Argelliers (Hérault), Roc de Pampelune. Plan général des fouilles réalisées entre 1999 et 2005

© CNRS, Laurent Schneider et Georges Marchand (†)

10L’établissement comprenait au moins une église baptismale bâtie au point le plus haut et s’organisait autour de plusieurs « maisonnées », soit des bâtiments rectangulaires maçonnés bien individualisés d’environ 16 x 6,5 m hors œuvre disposant d’un étage, de toitures en tuiles et d’annexes s’articulant autour de cours selon une trame peu ou prou alvéolaire. Ici il est manifeste que l’enceinte enveloppe des habitations pérennes, faites pour durer et que certaines peuvent déjà être définies comme élitaires. De fait, l’exemple du Roc de Pampelune caractériserait un nouveau niveau de ville, entendons par là des formes d’agglomérations fortifiées de superficie relativement réduite généralement comprise autour de 2 ha mais dans une gamme néanmoins très diversifiée comprise entre 1 et 6 ha. Cet archétype de forteresse se résume finalement à la présence d’une enceinte englobante donnant aux établissements une nature quasi-urbaine. On insistera toutefois sur la présence de « maisons » dotées d’étage, soit des bâtiments rectangulaires clairement individualisés qui marquent à la charnière des Ve et VIe siècles un nouveau prototype de logis.

  • 3 - SCHNEIDER, 2011.

11Le deuxième cas de figure, celui du Rocher de la Barre à La Malène (Lozère) dans les gorges du Tarn, a bénéficié de quatre campagnes de fouilles réalisées entre 2008 et 20113. Il présente une organisation différente, elle-même révélatrice d’une réelle diversité de situations que le faible nombre de fouilles de cette nature ne doit pas faire oublier (fig. 2).

Fig. 2

Fig. 2

La Malène (Lozère), Rocher de la Barre, plan général des fouilles réalisées entre 2008 et 2011

© CNRS, Laurent Schneider et Georges Marchand (†)

  • 4 - VAN DER STRAETEN, 1974,79-84.

12Le perchement est ici beaucoup plus prononcé et le relief investi beaucoup plus inhospitalier. Il ne s’agit pas d’un plateau comme au Roc de Pampelune mais d’une crête rocheuse qui a nécessité d’adapter les constructions à des ruptures de pentes très importantes, parfois vertigineuses. Le site essentiellement occupé aux Ve-VIIe siècles, est désigné comme castellum dans un document du IXe siècle, une copie de miraculae associés à saint Hilaire, évêque du Gévaudan autour des années 5304 .

13Malgré son perchement prononcé et l’aspect inexpugnable d’un massif calcaire dont les hautes falaises sont baignées au sud par le Tarn, l’établissement a lui aussi été doté d’une enceinte englobante (fig. 3).

Fig. 3

Fig. 3

La Malène (Lozère), castellum, vue générale de la face orientale de l’éperon baigné par le Tarn

© L. Schneider, 2011

14Les fouilles ont permis d’en reconnaître l’un des segments principaux qui barrait l’accès à la place côté nord-est, là où l’éperon de la Barre se rattache au Causse de Sauveterre. Littéralement jetée dans la pente, la muraille était flanquée d’au moins un bastion, peut-être destiné à protéger une porte. Côté intérieur, des piles maçonnées quadrangulaires massives renforcent la stabilité de l’ouvrage et devaient également servir de support à l’aménagement d’un chemin de ronde. Mais l’originalité de l’ouvrage tient au fait qu’il s’articule au point le plus haut de l’établissement, soit à 587 m NGF, avec une tour majeure quadrangulaire dominant le castellum, ouvrage inexistant au Roc de Pampelune. Concrètement celle-ci se présente comme une salle rectangulaire (unité 1B) dont il ne subsiste que 3 côtés de 6 m de longueur. L’exiguïté et l’instabilité de son assise ont fait que l’ouvrage a été plusieurs fois restauré, contreforté et chemisé (fig. 4).

Fig. 4

Fig. 4

La Malène (Lozère), plan de la tour sommitale du castellum (VIe siècle)

© L. Schneider et Karine Lefebvre

15L’autre originalité de l’établissement de la Malène est qu’il n’accueille pas comme au Roc de Pampelune des « maisons » ou cellules clairement individualisées mais de grands corps de bâtiments et des équipements inattendus comme un complexe thermal dont l’une des citernes de quelque 180 m3 a été bâtie dans la pente ce qui relève d’une réelle prouesse architecturale (unité 2B pour les thermes et 1C pour la citerne). Il n’est pas lieu ici de décrire l’ensemble de ces bâtiments mais on signalera l’existence, immédiatement sous la tour, d’un édifice de 17 x 7 m hors œuvre s’appuyant contre l’enceinte dont les murs peints de motifs géométriques polychromiques évoquent une salle d’apparat et de réception. De même sur la crête de l’éperon, une longue aile (49 x 7 m dans l’état conservé et dégagé) intègre plusieurs pièces soignées dotées de sols maçonnés, de toiture de tuiles et pour l’une d’elle au moins d’un étage équipé d’une colonnade (unité 1A1). Enfin à moins de 60 m de la tour mais 30 m plus bas soit à 557 m NGF et en rupture de falaise se trouvait une possible église (unité 3F).

16Ces deux exemples de fouilles relativement extensives soulignent à eux seuls le potentiel d’informations que recèlent ces sites encore peu explorés à un niveau qui se situe immédiatement au-dessus des petits forts et fortins plus strictement militaires. Ces établissements traduisent la mise en place d’un nouveau semis d’agglomérations dotées d’une enceinte collective sans que celle-ci ne comporte toujours en son sein des ouvrages proprement fortifiés, bastion, citadelle ou tour maitresse, même si ces dispositifs peuvent exister comme à La Malène. Mais dans ces enceintes se trouvent bien des maisons et des résidences associées à des équipements élitaires tels que des thermes et des salles d’apparat.

17On l’a dit, ces sites ne sont pas rares mais ils sont surtout à vrai dire encore trop peu fouillés et explorés. Ils constituent néanmoins dans une redoutable diversité de cas d’espèces de lointains antécédents aux formes médiévales de la forteresse et du château et conjuguent déjà des notions et des concepts que se sont appropriés les médiévistes qui établissent l’histoire de la construction féodale et seigneuriale des deux premiers siècles du second millénaire : perchement et fortification, ancrage territorial des pouvoirs, distinction et déclinaison des formes d’un nouvel habitat élitaire au moment où les anciennes villas sont abandonnées ou accueillent un habitat banalisé dépourvu de marbre, de mosaïques et de peintures.

Les VIIIe – IXe siècles : le temps de nos incertitudes

  • 5 - PELLECUER, 2002.
  • 6 - REBE, 2014.
  • 7 - SCHNEIDER, 2008 et 2010.

18Construits selon les anciennes provinces de l’empire romain et les regio qui devaient suivre selon des rythmes très différents, ces nouveaux oppida, castra et castella distincts une fois encore des cités émergent à partir de la fin du IVe siècle, leur âge d’or se situant en Narbonnaise première et seconde dans le dernier quart du Ve siècle et durant le premier tiers du VIe siècle. Beaucoup sont abandonnés durant les VIe-VIIe siècles, ceux-là mêmes qui sont rendus accessibles plus facilement aux archéologues contemporains, mais d’autres ont perduré jusqu’à aujourd’hui ou jusqu’à la fin du second Moyen Âge, ce qui ne permet pas de mesurer la dynamique de construction des nouveaux sites et l’adoption éventuelle de nouveaux modèles. C’est à ce problème que reste toujours confrontée l’archéologie régionale des VIIIe et IXe siècles. Les sources écrites qui deviennent un peu plus significatives font certes apparaître de nouveaux castra, de nouveaux lieux mais les configurations actuelles ne laissent pas souvent subsister de vestiges évidents de ces hautes époques si l’on ne peut procéder à des fouilles. De fait une approche quantitative classique à partir du décompte des premières mentions n’est plus vraiment opérante. Ces nouveaux castra sont-ils vraiment nouveaux ? Et quelles sont leurs formes et configurations exactes ? S’agit-il d’une restructuration de sites préexistants, de petites agglomérations fortifiées reproduisant le modèle peu hiérarchisé du Roc de Pampelune ou de sites élitaires more romanum, quasi-byzantins tels que le castellum de La Malène ? Il est encore difficile de répondre à ces questions. À Anduze (Gard), à Saint-Bauzille-de-Montmel (Hérault) à Minerve (Hérault) lieux mentionnés comme castrum respectivement en 810, 813 et 873, des sondages et des prospections archéologiques indiquent néanmoins que ces forteresses ne sont pas nouvelles mais ont été précédées par des agglomérations perchées et fortifiées ou des occupations significatives des premières décennies du VIe siècle. Dans le même sens, des découvertes archéologiques encore insolites, comme celle de cette « maison » du début du VIIIe siècle au Mont Bouquet dans le Gard évoquent d’autres cas, inconnus de la documentation écrite, d’agglomération de hauteur dont les racines ou la résilience des occupations s’inscrivent dans la maille des sites de hauteur aménagés depuis la fin de l’Antiquité5. Parmi la douzaine de castra que font émerger les textes, se distinguent en premier lieu de nouveaux chefs-lieux de comté, installés sur des sites neufs ou anciens mais distincts des cités épiscopales traditionnelles. Ainsi en est-il du castrum de Substantion (Castelnau-le-Lez, Hérault) installé auprès d’une ancienne station routière de la voie domitienne aux marges occidentales de l’ancienne cité de Nîmes, de Rennes-le-Château (Aude) évoqué dès 813 ou encore de Ruscino (Pyrénées-Orientales) qui se détache de la cité d’Elne. Sur ce dernier site formellement mentionné comme castrum en 914 seulement mais désigné comme chef-lieu comtal dès 812 l’archéologie a montré désormais comment le lieu qui était une ancienne cité antique déclassée et abandonnée depuis le IIe siècle avait été réinvesti dans le courant du VIIIe siècle dans le contexte de la conquête musulmane6. Les structures identifiées sont relativement banales et n’aident pas ou peu à la compréhension de la topographie générale du site, mais les mobiliers et la culture matérielle (armes, outils, monnaies d’or, sceaux arabes mentionnant le partage du « butin de Narbonne ») sont éloquents et laissent entrevoir les fonctions stratégiques et militaires de l’établissement aux marges septentrionales d’Al-Andalus. D’une certaine manière les cas de Ruscino, Substantion et Rennes sont révélateurs d’un phénomène plus général où les villes de cour, sinon les cités, perdaient leur rôle centrifuge au profit de nouveaux palais, châteaux et forteresses installés en zone rurale. Cette dichotomie cité-castra ruraux a déjà été signalée7. Elle est sensible dès le seuil du VIe siècle dans l’ancienne Septimanie wisigothique, tandis que quelques rares textes témoignent encore de cette structuration au milieu du VIIIe siècle.

  • 8 - Suburbana et castra illius regiones vastavit. MGH, II, 1888, 178.
  • 9 - FAVORY, 2017.

19Ainsi en 737 lorsque Charles Martel assiégea Narbonne et détruisit les anciennes cités de Béziers, Agde et Nîmes, le continuateur de la chronique de Frédégaire précise-t-il encore qu’il pilla et détruisit également les faubourgs (les territoires ruraux) et les châteaux de cette regio8. Or pour le seul territoire de l’ancienne cité de Nîmes, l’archéologie est en mesure désormais d’identifier plus d’une dizaine d’établissements de ce genre9. Mis en place au seuil du VIe siècle tous ne sont plus occupés deux siècles plus tard, mais on doit désormais pouvoir considérer que ces places étaient familières dans les paysages du haut Moyen Âge et que c’est à partir de ce substrat que s’opèrent des déclassements et des bouleversements de hiérarchie consécutifs à l’histoire des pouvoirs et aux développements des liens féodaux-vassaliques, mais aussi à des dynamiques environnementales et des résiliences propres à l’histoire de chaque plaque de peuplement (fig. 5).

Fig. 5

Fig. 5

L’ancienne cité de Nîmes autour des années 500 : établissements perchés et fortifiés et terres de villas

© Laurent Schneider 2013

  • 10 - Annales Bertiani, année 864 Carolus […] Compendium rediit, missios suos ad recipiendas civitates (...)

20On voudrait ici insister sur la lointaine genèse de cette dichotomie cité-castra qui est encore évoquée en 864 lors du siège de Toulouse par les Normands du roi d’Aquitaine. À deux reprises Charles le Chauve envoie des missi en « Gothie » pour récupérer les cités mais aussi les « châteaux » (castella), jusqu’alors tenus ou contrôlés par le marquis et comte rebelle Humfrid10.

  • 11 - Provincia pour les wisigoths, Septimanie pour les Francs mérovingiens, mais aussi Gothie aux IXe- (...)

21On manque toujours de données qualitatives sur ces places antérieures au dernier tiers du IXe siècle. Bien que désignés comme castra ou castella, ce ne sont pas encore à proprement parler des « châteaux » parce que ce terme renvoie communément aux modèles postérieurs qu’ont produits les XIIe-XVe siècles. Mais il s’agit bien de places perchées et fortifiées, associées à des bâtiments élitaires, parfois à une ou plusieurs églises, et à un habitat. Il faut se défaire ici, de cette idée d’enceinte-refuge plus ou moins vaste où l’habitat ne serait que temporaire. Ces castra « majeurs » du très haut Moyen Âge, très divers dans leur forme, évoquent davantage de petites agglomérations et des places de pouvoir, dans des pays ou les anciennes cités et les chefs-lieux de comté étaient par ailleurs relativement nombreux. De fait, au-delà d’un marquisat assez théorique et circonstanciel le seul horizon géopolitique offrant une identité régionale et un cadre administratif peu ou prou englobant demeurait celui de la province ecclésiastique. Mais ici l’Église contrairement à d’autres régions n’a pas initié de grandes fondations nouvelles durant les VIIIe-Xsiècles tandis que l’essor du mouvement monastique bénédictin particulièrement vigoureux entre la fin du VIIIe siècle et le milieu du IXe siècle devait ancrer un nouveau type d’établissements dans les sols, sans recourir spécifiquement à un principe de fortification. C’est là sans doute un phénomène relativement original qu’il convient de prendre en compte11.

2. Nouvelles expérimentations : multiplication et diversification des forteresses (dernier tiers du IXe siècle – début du XIe siècle)

  • 12 - BOURGEOIS, 2014, 463.
  • 13 - Mèze (castrum, 844), Cabrières (in suburbio caprariense, 870), Lunas (castrum, 909), Marseillan, (...)
  • 14 - BOURIN, 1987, I, 73.
  • 15 - Le Bosc, Gibret (988), Soubès (988), Fozières (988), Saint-Étienne-de-Gourgas, Aubaigues (988), M (...)
  • 16 - DEBAX, 2011.

22Cette phase est par essence celle qui en France associe la naissance du château médiéval aux liens féodaux-vassaliques, à l’émergence des principautés, à l’affaiblissement par palier des structures publiques, à la mise en place progressive d’un système de dépendance graduée12. De fait si l’on se place du point de vue des sources écrites et d’une approche purement quantitative, le nombre des châteaux, (castra castella, turris…) augmente considérablement et une accélération est manifeste dès les dernières décennies du Xe siècle et le premier tiers du XIe siècle. On connaît les biais d’une telle évaluation qui repose sur un effet de source. Le Languedoc n’échappe pas à cette situation générale. Ainsi, en Biterrois-Agadès on ne dénombrerait que deux châteaux seulement pour le IXe siècle, quatre pour les deux premiers tiers du siècle suivant, mais déjà douze pour le dernier tiers du Xe siècle et encore huit autres, nouveaux, pour le premier tiers du XIe siècle13 tandis que la courbe ne cesse de s’accélérer jusqu’au second tiers du XIIe siècle14. Au-delà du littoral méditerranéen, en Lodévois, entre Larzac et bassin moyen de l’Hérault, aucune mention certaine ne peut être rapportée pour les années 800-987, mais cinq concernent les deux dernières décennies du Xe siècle tandis que deux autres castra émergent entre 1004 et 103815. Hélène Debax a déjà rendu compte de cette multiplication des châteaux dans la documentation écrite en proposant deux cartes particulièrement suggestives à l’échelle de l’ancien Languedoc, entre Lot, Garonne et Méditerranée, permettant de comparer le semis des forteresses et des tours des IXe-Xe siècles (moins de 80 unités) à celui des XIe-XIIe siècles (plusieurs centaines)16. Il est donc désormais inutile de poursuivre de telles énumérations, cité par cité ou comté par comté. Mais l’on doit toutefois rappeler, pour les périodes hautes qui nous intéressent ici, que la nature de la documentation écrite conservée en Languedoc contient quelques actes de la pratique, exceptionnels, qui biaisent l’approche quantitative, mais soulignent au moins la nécessité de réintégrer la seconde moitié du Xe siècle sinon les décennies antérieures, dans un mouvement et une accélération qui se produisent par paliers. Ainsi en est-il par exemple du testament du comte Raymond de Gothie de 961 qui fait apparaître à lui seul une quinzaine de castella nouveaux à une date où, entre Garonne, Lot et Méditerranée, la totalité de la documentation écrite conservée ne permet même pas d’en inventorier une cinquantaine. Ainsi le testament du vicomte Guilhem de Béziers en 990 fait apparaître huit autres fortifications et celui de l’évêque Fulcran de Lodève en 988 regroupe à lui seul quatre des cinq fortifications antérieures à l’an mil du Lodévois.

23Par comparaison et pour cette même période (961-990), le cartulaire du chapitre de l’Église de Nîmes qui contient vingt-cinq actes ne fait mention que de deux fortifications, le castrum d’Anduze déjà connu depuis le premier quart du IXe siècle et celui dit Castellum Morocipium qui est en fait un noyau urbain de Nîmes. Enfin celui du monastère d’Aniane (treize actes) ne fait émerger qu’une seule tour pour la même période.

Un nouveau gradiant de l’expression des pouvoirs : la multiplication des tours et le développement de fortifications locales

24L’une des spécificités de la documentation écrite du Bas-Languedoc maintes fois signalée est la multiplication des mentions non pas de castra ou castella mais de tours associées au cadre d’une villa. Plus d’une vingtaine émergent en Biterrois, Agadès et Lodévois dans la seconde moitié du Xe siècle. Ici l’enquête qualitative a fait de grands progrès ces dernières décennies. Les fouilles de Teulet au Pouget dans la moyenne vallée de l’Hérault, ont montré que la tour éponyme mentionnée pour la première fois en 978 n’a pas été édifiée au cœur habité de la villa, ni même à proximité de l’église qui est implantée sur une autre colline à 0,6 km mais que l’on a recherché sur une chaine de coteaux une position topographique particulièrement avantageuse permettant de dominer très largement les paysages environnants, de voir et de se faire voir donc (fig. 6).

Fig. 6

Fig. 6

Le Pouget (Hérault), relief de Teulet, aujourd’hui Pater Nostre, dans son contexte au cœur du bassin médian de l’Hérault et de terroirs peuplés

© Groupe de Recherches et d’Études du Clermontais, 1986

  • 17 - SCHNEIDER, 2006, 30.

25De fait le cas invite à considérer que la structuration de la villa peut encore être polynucléaire au milieu du Xe siècle17. Concrètement, la tour proprement dite prend la forme d’une construction rectangulaire massive et maçonnée atteignant hors œuvre 12,30 x 6,50 m avec des murs de 1,60 m d’épaisseur qui ne laissent finalement qu’une surface utile de 30 m2. Installé au sommet du coteau sur une plateforme chemisée de 530 m2, l’édifice est ceinturé d’un premier fossé taluté établi à moins de deux mètres de ses façades (fig. 7).

Fig. 7

Fig. 7

Le Pouget (Hérault), la tour de Teulet lors des fouilles de 1993. On remarquera que la tour est ceinturée en pied de façade par un fossé très proche qui contraint le développement d’autres bâtiments sur le podium délimité par une enceinte et un second fossé plus imposant

© Laurent Schneider 1993

  • 18 - Sur la famille disposant de la tour de Teulet et sur les contextes historique et archéologique vo (...)

26Un second fossé circulaire plus imposant (6 m de large et 2 m de profondeur) enveloppe la plateforme. Même s’il s’en rapproche le modèle n’est pas ici celui de la motte traditionnelle. La tour dont la construction est assurément antérieure à 978 et remonte probablement aux années 930-960 est un édifice de pierre disposant d’éléments de grand appareil dans les angles qui s’inscrit sur un relief retaillé, chemisé et fossoyé qui n’offre qu’une plateforme étroite dont la fonctionnalité et l’usage pour d’autres aménagements sont également contraints par le dispositif du fossé supérieur. La tour de Teulet ne semble être qu’un fortin, un lieu de garde et de surveillance, une manifestation de puissance où la fonction résidentielle n’est guère prégnante. Elle est même secondaire désormais car il est peu probable que la famille qui en détenait le contrôle l’ait d’ailleurs jamais habitée, ce que peut traduire la division en « parts » de sa possession dès 99018. L’édification du monument signifie surtout que le secteur est occupé et gardé et inaugure de manière relativement précoce un nouveau dispositif de contrôle au cœur de terroirs peuplés et de finages qui sont encore loin d’être unifiés. Bien que spectaculaire et précoce la fortification demeure relativement mineure cependant si on la compare à plus large échelle.

  • 19 - HAUTEFEUILLE, 2008 et 2009.

27Dans le Lot, les fouilles de Florent Hautefeuille19 ont permis d’identifier à la Truque de Maurelis (commune de Castelnau-Montratier) une tour plus massive (12,10 x 9,5 m) dont les murs ont une épaisseur moyenne de 2 m. Avec environ 44,5 m2 l’édifice dispose ici d’une surface utile interne plus importante que celle de Teulet et laisse entrevoir une fonction résidentielle mieux affirmée. Mais l’originalité du site et de l’investissement consenti vient aussi du fait que la tour a été emmottée au fur et à mesure de sa construction, autrement dit que l’emmottement ne précède pas l’édification de la tour. Le résultat est une motte qui a été élevée à plus de 10 m et dont l’assise atteignait environ 800 m2. Florent Hautefeuille estime que ce sont environ 13 500 m3 de matériaux qui ont été mobilisés. L’ensemble est protégé par un système de trois fossés successifs représentant une défense de 28 m de large selon un dispositif assez exceptionnel. La fortification de Maurélis datée de la fin du Xe siècle ou du début du XIe siècle est postérieure d’un quart ou d’un demi-siècle à celle de Teulet et répond de fait à de nouveaux modèles et à des expérimentations méridionales peut-être plus diversifiées que ce qui avait été jadis supposé (fig. 8).

Fig. 8

Fig. 8

Castelnau-Montratier (Lot), la tour et la motte de Maurelis

© Florent Hautefeuille

  • 20 - Fouilles et travaux de David Maso. MASO, 2004 et 2019. Les fouilles de la tour ont été présentées (...)

28Ainsi le cas de Saint-Pierre-de-Fenouillet dans les Pyrénées-Orientales est-il particulièrement éloquent20. Ici la première mention du castrum n’est pas antérieure à 1020 mais le Fenouilledès est régulièrement évoqué comme un pagus depuis 824. Le site vaste et complexe a fait pendant plusieurs années l’objet de fouilles extensives exceptionnelles sous la conduite de David Maso. Elles ont permis d’identifier entre autres, une tour allongée sensiblement trapézoïdale atteignant 14,6 x 8 m hors œuvre disposant d’une surface utile interne de 38 m2, tandis que l’épaisseur des murs varie entre 1,20 et 1,85 m selon les côtés considérés. Des datations radiocarbones et la découverte d’une obole de Louis le Pieux permettraient de dater la construction de l’édifice du second quart ou du milieu du IXe siècle ce qui en fait sans doute actuellement le plus ancien modèle de ce type d’architecture en Occitanie sinon dans l’ensemble du midi méditerranéen. Il ne faut pas voir là cependant un cas de figure exceptionnel et rare. L’exception ne tient qu’à des conditions de conservation et surtout à la capacité d’une équipe à avoir œuvré plus d’une décennie durant sur un château à occupation multiséculaire pour pouvoir en restituer une partie de la genèse. Dans le courant du XIe siècle, l’édifice a été partiellement chemisé sur ses flancs nord et sud, phase que les fouilleurs associent au nouveau développement, sinon à la naissance proprement dite du château de Fenouillet marquée par ailleurs par la construction d’une église et d’une enceinte haute tandis que la tour initiale est devenue la tour maitresse d’une forteresse désormais foyer d’une nouvelle vicomté.

  • 21 - BSR, 2009, 191-1993 ; BSR, 2010, 194-197 ; CONSTANT, 2011.

29La tour de Fenouillet datée de haute époque marque paradoxalement l’un des rares exemples languedociens de site réellement neuf du IXe siècle qui plus est épicentre d’un pagus connu depuis le premier quart du IXe siècle. D’autres tours précoces, comme celle d’Ultrera à Argelès21 (66) ne font en revanche, dans la même région, que restructurer d’anciens castra du VIe siècle dans une forme de résilience que l’on sait désormais difficile à mesurer sans recours à des fouilles archéologiques.

  • 22 - FAU, 2014, 16-134. La roca est datée entre le Xe et le XIIe siècle.

30L’un des enjeux de la recherche contemporaine est peut-être celui de l’évaluation de ces différences de trajectoire entre lieux mnémotopiques inscrits dans une réelle profondeur historique et sites récents marquant un ancrage de positions nouvelles. Dans une perspective plus anthropologique de l’histoire des pouvoirs, le contrôle d’un « lieu » hérité ou l’investissement d’un site neuf ne ressortent pas des mêmes conditions de domination. Laurent Fau qui a pu identifier et fouiller à proximité de Conques (Aveyron) l’oppidulum de Roqueprive mentionné dans le livre des Miracles de sainte Foy insiste sur la prouesse architecturale qui a permis de loger une petite tour quadrangulaire irrégulière et très étroite (son espace interne est réduit à 8,5 m2) à laquelle s’agglutinent trois autres bâtiments sur un pic rocheux particulièrement exigu22. Il s’agit bien ici malgré la contrainte topographique de marquer le paysage d’un nouveau point fort et de fait cette grappe de constructions resserrées devait sembler « planer dans les airs » selon l’expression du livre des miracles qu’avait rappelée Pierre Bonnassie dans son étude pionnière des rocas du Midi (fig. 9).

Fig. 9

Fig. 9

Conques (Aveyron), l’oppidulum de Roqueprive (d’après FAU, 2014, 130, fig.7)

© infographie M. Cabarrou et et Fr. Galès

D’autres châteaux neufs montagnards progressivement définis par des cours hautes et des agrégats de bâtiments

31Au-delà des sites à tour, la physionomie des castra et castella ruraux de la fin du Xe siècle et de la première moitié du XIe siècle reste difficile à entrevoir, mais il y a des sites assurément plus complexes ou mieux conservés associant à la tour d’autres dispositifs et bâtiments. L’un des plus anciens et des plus puissants châteaux du Lodévois, celui des Deux-Vierges, évoque le cas de ces castra et castella neufs plus proprement montagnards perchés sur des reliefs marquant du paysage. Ici la tour quadrangulaire a été nichée sur une plateforme rocheuse assez vaste d’environ 1500 m2 couronnant un bastion géologique, contrefort du causse de Larzac culminant à plus de 530 d’altitude (fig. 10).

Fig. 10

Fig. 10

Saint-Saturnin (Hérault), contexte général du castrum montagnard des Deux-Vierges, vue aérienne prise depuis l’est

© CNRS, L. Schneider, 2004

  • 23 - GINOUVEZ, 1988. Depuis cette publication, le dépotoir qui comblait le rez-de-chaussée aveugle de (...)

32En ce lieu mentionné pour la première fois en 1004 comme castrum, des sondages ont permis d’identifier une tour maitresse massive (5,80 x 10,8 m hors œuvre, pour une superficie d’environ 36 m2) au rez-de-chaussée aveugle et dont la date de construction est désormais située entre 930 et 989/100423. Même si aucune fouille d’ampleur n’a pu être réalisée à ce jour, il ne fait guère de doute que cette tour fut associée à d’autres bâtiments, à un logis et sans doute à une enceinte. Il est nécessaire de mesurer la diversité de formes et de fonctions de ces premiers châteaux, y compris et surtout au sein d’une même micro-région. Peu ou prou contemporaine de la tour de la villa de Teulet qui n’est qu’à 13 km du castrum des Deux Vierges en distance euclidienne, les deux sites sont bien distincts cependant. Même si les tours sont d’un gabarit assez proche, l’intention du site choisi détermine en effet des possibilités d’aménagements et de développement, sinon des programmes très différents. La fortification de Teulet réduite à une tour chemisée et fossoyée est contrainte à la fois par la topographie du coteau choisi et l’assiette de la villa autrement dit par les possibilités opportunistes qu’offraient les limites du finage domanial. Celle des Deux-Vierges exprime plus clairement une ambition géopolitique supra-locale, sinon régionale plus proche de la situation de Fenouillet. Ici la montagne choisie au cœur géographique du comté de Lodève est devenue le siège d’une sorte de vicomté sans titre tandis que le lignage des Deux Vierges a essaimé dans toute la vallée à Montpeyroux et Clermont-en-Lodévois notamment et jusque dans la plaine littorale à Touroule où les descendants des Deux-Vierges, castrum minéral par excellence, ont adapté leur stratégie constructive pour commander une fortification de terre, autrement dit une motte artificielle. Il faut pouvoir mesurer lorsque les sources le permettent ces stratégies adaptatives et sans doute aussi des intentions, des ambitions et des investissements qui font fi des modèles ou du moins des grandes catégories de fortification que la recherche contemporaine tente aujourd’hui de classifier et d’inventorier.

33Ainsi dans le même secteur, le castrum d’Aumelas de fondation sans doute un peu plus tardive (premier tiers du XIe siècle ?) mais situé à seulement 6,5 km de Teulet et 18 km des Deux Vierges offre en rebord de plateau une situation différente et un autre modèle : un cas de château à cour haute sans tour maîtresse évidente. Certes, ici encore, l’absence de fouille limite les observations mais ce qu’il subsiste aujourd’hui des vestiges du monument évoque davantage le cas d’un enclos polygonal accueillant divers bâtiments, dont un logis principal et à partir de la seconde moitié du XIIe siècle une chapelle. On ne saurait assurer que cette configuration remonte aux premières décennies du XIe siècle mais on doit relever que dans la seconde moitié du XIIe siècle Aumelas offre encore le cas d’un château défini par une cour haute enclose d’environ 680 m2 dépourvue de flanquement et a priori de tour maitresse. Ces corps de place seigneuriaux représentent l’une des grandes familles des châteaux occitans antérieurs à la croisade contre les albigeois. C’est à ce modèle que l’on pourrait par exemple rattacher l’enceinte polygonale d’Aguilar à Tuchan (Aude), mais c’est dans la haute vallée de l’Orb sur la commune des Aires (Hérault) que se trouve peut-être l’un des plus anciens modèles de ces châteaux archaïques.

34Le castrum de Mourcairol mentionné pour la première fois en 990 dans le testament de Guilhem vicomte d’Agde et de Béziers offre par sa conservation remarquable des possibilités d’observation d’un dispositif et de bâtiments vraisemblablement antérieurs au premier tiers du XIe siècle. Précisons toutefois que la datation des bâtiments n’est pas formellement assurée mais repose sur des éléments de chronologie relative, des techniques de mise en œuvre des maçonneries (opus spicatum notamment) ou des dispositifs architecturaux (baies et portes à arc outrepassé). Sur ce site vaste et complexe occupé jusqu’au XIVe siècle, les bâtiments s’égrainent sur près de 4 ha. Le « château » niché en partie sommitale sur une assiette escarpée réduite à environ 300 m2 comprend au moins trois bâtiments initiaux distincts de la seconde moitié du Xe siècle et/ou du premier tiers du XIe siècle mais aucune tour massive évidente semblable à celles de Teulet, Fenouillet ou des Deux Vierges n’est véritablement décelable (fig. 11).

Fig. 11

Fig. 11

Les Aires (Hérault), plan général de la cour haute du castrum de Mourcairol (relevé topographique de Gérard Dieudonné 2004, complété par Jean Laforge en 2017

© DAO et interprétation Frédéric Loppe, 2018

  • 24 - JOURNOT, 1984, 1992a et 1992b.

35Un premier logis trapézoïdal d’environ 22 m2 de superficie interne pouvait disposer d’un étage et se trouve en position haute. Il domine au nord-est un second bâtiment plus ramassé d’une vingtaine de mètres carrés de plan trapézoïdal également, salle ou tour. Enfin un bâtiment plus vaste incomplet qui pouvait atteindre un peu plus de 50 m2 dans sa première configuration est à l’extrémité nord. C’est ce corps de bâtiment, rapidement agrandi qui semble constituer le logis principal et regrouper plusieurs fonctions. L’ensemble est possiblement attaché à une enceinte ou du moins à des segments de courtine qui finissent par faire enceinte par accumulation. Avant le milieu du XIIe siècle un nouveau dispositif associant désormais une église enveloppe ce premier ensemble amassé et disparate où les bâtiments sont peu a peu coagulés par des agrandissements multiples et porte la superficie de ce noyau sommital faisant château sans donjon évident et sans flanquement à environ 650 m2. Florence Journot24 qui s’est tôt intéressée à ce cas de figure a insisté sur la configuration archaïque de ces châteaux peu élaborés et sans tour maitresse des années 950-1050 où le plan est fragmenté en plusieurs petits corps appuyés les uns aux autres qui se sont développés de manière opportuniste et spontanée, au coup par coup, jusqu’à former un ensemble compact recouvrant et habillant les rochers de ces hauteurs inexpugnables. Dans l’accélération d’un mouvement général qui est bien celui d’une compétition des élites à marquer de leur empreinte l’expression d’un pouvoir, d’une puissance, d’une domination, d’une sécurité aussi dans les territoires, sans doute la rapidité d’exécution des ouvrages et donc un certain pragmatisme ont-ils été rendus nécessaires avant que des modèles et des savoir-faire spécifiques ne s’imposent.

  • 25 - LOPPE, 2018. Qu’il me soit permis par ailleurs de remercier très chaleureusement Frédéric Loppe p (...)
  • 26 - HAUTEFEUILLE, 2006.

36Le cas de Mourcairol, ensemble archéologique exceptionnellement conservé qui vient d’être réanalysé avec soin par Frédéric Loppe25 vaut aussi pour ce qu’il traduit après l’an mil de la dynamique nouvelle de ces sites castraux. Au XIIe siècle Mourcairol est devenu une véritable agglomération couvrant près de 4 ha. Dans cette dynamique on doit s’interroger sur des bâtiments rectangulaires spécifiques peu ou prou hors normes implantés sous le « château » mais néanmoins sur des proéminences ou en position topographique dominante sur l’environnement immédiat. D’une longueur de 9 à 14 m et d’une largeur de 5,4 à 6 m les plus grands peuvent atteindre une superficie hors œuvre de 84 m2 tandis que l’épaisseur des murs comprise entre 0,8 et 1 m suggère la présence d’un étage. C’est autour de ces bâtiments élitaires, des « maisons », que se forment les premiers noyaux de l’agglomération. On rappellera que dans le secteur de Castelnau-Montratier à proximité de la tour emmottée de Maurélis dans le Lot, l’état 1 du bâtiment de Flaunac interprété comme une aula atteignait 9,7 m x 6,8 m et 66 m2 hors œuvre seulement26. De fait, avant qu’une tour maitresse ne s’impose comme un modèle généralisé d’expression du château et d’une domination on rappellera combien la demeure élitaire, celle-là même qui déjà au Roc de Pampelune se distinguait dans une petite agglomération du VIe siècle compose finalement la déclinaison d’un château qui n’est pas encore concentré et unifié dans un même ensemble.

3. Perspectives : du castel au castrum, le château et les maisons élitaires du XIIe siècle

  • 27 - Ce fut le choix délibéré par exemple de l’ancien projet Collectif de Recherche H.18 qui regroupai (...)
  • 28 - DAUZAT, 1983 et 1984 ; CASTELLVI, 1984.
  • 29 - Département de la Lozère, Remy, 2015.
  • 30 - GUILHOT, 2017.
  • 31 - CAMPECH, 2012.
  • 32 - ASPORD, 2000 et 2005.
  • 33 - CAZES, 2014a.
  • 34 - Sur le plan national on pourra néanmoins se reporter aux cadres et orientations du nouvel axe 11 (...)

37La tradition des études médiévales languedociennes et méridionales tant dans les anciennes régions de Languedoc qu’en Midi-Pyrénées fait que l’on s’est peut-être intéressé davantage à la partie villageoise du castrum qu’au château proprement dit27. Ainsi, même si les mottes ne sont pas rares, on en a peu fouillé dans ces régions et les grands programmes nationaux et régionaux tels ceux lancés en Normandie, Poitou-Charentes, Champagne, Provence,… n’ont pas eu de déclinaison régionale véritable à l’exception notable des travaux conduits par Michel Dauzat en Lauragais dans les années 1980 et de quelques travaux universitaires d’inventaire en Roussillon notamment28. Ainsi en est-il des fouilles de châteaux en définitive où les explorations, la plupart du temps, sont demeurées ponctuelles. Un dépouillement des chroniques de la revue Archéologie Médiévale traduit bien un élan dans les années 1970 et 1980 dans les pays d’Aude autour des sites de Peyrepertuse, Lastours-Cabardès, dans l’Ariège à Monségur, dans le Lot-et-Garonne à Bonaguil où des opérations pluriannuelles ont été conduites. Mais toutes n’ont pas porté sur les châteaux proprement dits et on doit bien convenir que si les fouilles de fortifications médiévales ne sont pas devenues rares depuis les années 2000, celles-ci demeurent souvent ponctuelles et fragmentaires, tributaires des commandes de la conservation régionale des monuments historiques et des demandes patrimoniales des collectivités territoriales lorsque celles-ci parviennent à un niveau suffisamment élaboré sur des monuments et des ruines qui ne bénéficient pas de protection particulière. Les opérations de long terme menées par des équipes durables ne sont pas légion, aussi faut-il citer les longues enquêtes récentes et exceptionnelles conduites à Saint-Pierre-de-Fenouillet dans les Pyrénées-Orientales par l’équipe de David Maso, à Apcher en Lozère29, à Montréal-de-Sos en Ariège30, à Mouret en Aveyron31, à Allègre dans le Gard32 ou encore à Termes à nouveau dans l’Aude33 parmi de nombreuses autres opérations et contributions qui multiplient dans une diversité parfois déroutante les cas d’espèce et peuvent rendre périlleuse toute tentative de synthèse34.

38Il y a cependant un phénomène peut-être un peu mieux perçu aujourd’hui. Celui qui associe au château des résidences élitaires multiples, parfois elles-mêmes fortifiées qui constituent non seulement un embryon d’agglomération comme à Mourcairol mais qui désignent aussi des points de pouvoirs multiples et finalement des villages de » châteaux et de tours » ! Un cas extrême, bien étudié, est celui de Mouret en Rouergue. Ici le castrum initial (Castel-Vieil) se présente comme une tour quadrangulaire habituelle d’une surface utile de 15,20 m2 inscrite dans une enceinte de 820 m2. Si le pôle cristallise peu à peu un habitat villageois subordonné, il coagule également au cours des XIIIe et XIVe siècles trois autres châteaux bien individualisés dans son proche voisinage, sans qu’aucune enceinte commune ne les rassemble. L’ensemble est néanmoins suffisamment compact pour être désigné dans les textes par le terme castrum employé au singulier (fig. 12).

Fig. 12

Fig. 12

Mouret (Aveyron), restitution imaginée des quatre châteaux et de l’ensemble castral de Mouret à la fin du Moyen Âge

D’après CAMPECH, 2012 (157, fig 120b)

  • 35 - CAMPECH, 2012, 162.

39Ce sont les dynamiques de la coseigneurie méridionale qui expliquent en partie cette physionomie particulière. On notera par ailleurs à la suite de Sylvie Campech que si ces châteaux sont sans cesse embellis et modifiés jusqu’au XVIe siècle les tours quadrangulaires initiales ont été systématiquement préservées par les commanditaires, comme marques et mémoire de l’origine des droits et pouvoirs de chaque famille35.

  • 36 - ASPORD-MERCIER, 2000 et 2005.
  • 37 - Voir Infra contribution de Vivien Vassal et al., notices de Mireval et Teyran.

40Une évolution moins extrême mais tout aussi significative a été révélée par Sophie Aspord-Mercier dans le Gard à Allègre36. Ici le château proprement dit est organisé aux XIIe-XIIIe siècles autour d’une cour rectangulaire associant une chapelle au nord, un bloc résidentiel complexe à l’est, une grande tour salle à l’ouest et une autre au sud. Mais ce qui frappe dans la formation du village est que celui-ci se constitue là encore dans le cas d’une coseigneurie autour d’autres tours rectangulaires, de tours associées à des logis et de maisons maçonnées massives dotées d’un étage. Sophie Aspord évoque un village de chevaliers bien distinct finalement du castrum populatum de la plaine languedocienne, mais il est vrai aussi que les villages à occupation millénaire des zones basses n’offrent pas les mêmes conditions de conservation et d’étude que les castra désertés des zones montagnardes. L’une des contributions de ce numéro revient d’ailleurs sur ces maisons particulières qui précèdent ou accompagnent le développement des castra, comme cette domus de Mireval sur le littoral héraultais qui comprenait en 1125 des créneaux, des hourds et des fossés ou encore ce stare que l’un des seigneurs d’Assas pourra posséder et construire dans le nouveau castrum de Teyran vers 1235 mais qui ne pourra pas être fortifié et qui ne devra pas être exhaussé au-dessus des autres maisons et édifices37. La maison noble languedocienne des XIIe-XIIIe siècles se déploie préférentiellement dans le cadre du castrum, plutôt qu’aux champs comme dans d’autres régions et les hauteurs de ces constructions qu’il s’agisse de maisons blocs à étage, de tours adossées ou non à un logis ou à une salle peuvent être très variables comme le signifie de manière très suggestive l’évocation du castrum d’Allègre aux XIVe-XVe siècles réalisée par Sophie Aspord-Mercier (fig 13).

Fig. 13

Fig. 13

Allègre-les-Fumades (Gard), évocation du castrum d’Allègre aux XIVe-XVe siècles

© Sophie Aspord-Mercier

*
**

  • 38 - MOUTON, 2008 et 2015.

41Le tableau que l’on vient de proposer est assurément bien trop rapide au regard de l’ampleur du cadre chronologique envisagé et des questions soulevées. Il s’agissait surtout en l’absence de synthèse récente et de données encore dispersées, de proposer quelques repères et de dégager quelques orientations et tendances de la recherche actuelle. Ces deux dernières décennies de recherche en Occitanie ont profondément renouvelé la documentation archéologique en explorant un haut Moyen Âge désormais moins monolithique. Sans doute une acception moins restrictive de la notion de château au profit du concept de résidence élitaire permet-elle aussi de prendre en compte un plus large spectre de questions et de situations et cette démarche a déjà fait ses preuves dans de nombreuses autres régions, comme en Provence où les travaux de Daniel Mouton éclairent la castralisation de ces résidences38. En Occitanie méditerranéenne c’est peut-être aussi une meilleure prise en compte du fait urbain qui permettra de mieux explorer la transition entre Antiquité et Moyen Âge. Il est en tout cas mieux assuré désormais que ces établissements perchés et fortifiés des Ve-VIIsiècles constituaient une gamme de sites relativement familiers dans les paysages du tout premier Moyen Âge et que la trame mise en place, malgré des échecs, des adaptations et des solutions de continuité a connu néanmoins une certaine durabilité. Il aura fallu des fouilles programmées pour en révéler la teneur, pour prouver que ces enceintes n’étaient pas vides de constructions mais ces fouilles ne suffisent pas encore à explorer toute la diversité de leur forme et fonction. Au-delà du contexte chronologique partagé les deux cas du Roc de Pampelune et de La Malène révèlent à cet égard des organisations bien différentes et finalement une complexité que l’on ne sait encore qu’effleurer.

  • 39 - Outre les cas évoqués directement dans cette contribution (Teulet et Les Deux Vierges dans l’Héra (...)

42Un autre progrès considérable, sinon réellement spectaculaire est désormais le nombre de tours fouillées et mieux datées, souvent antérieures à l’an mil39 et qui, pour l’une d’elles au moins, celle de Fenouillet, remonterait aux années 825-860. Et ces tours anciennes sont des œuvres en pierre maçonnées et n’ignorent pas le grand appareil au moins pour les chainages d’angle. Cette documentation archéologique nouvelle invite désormais à mieux intégrer le Xe siècle dans la genèse proprement médiévale du château féodal. Elle montre du moins qu’un premier palier est déjà franchi avant que la documentation textuelle ne révèle une autre accélération et une certaine fièvre de construction de nouvelles forteresses.

43Qu’il s’agisse de la castralisation de demeures élitaires par des fossés, un emmottement ou la construction d’une tour, du réinvestissement d’un ancien oppidum ou d’un ancien castrum-agglomération des Ve-VIIe siècles ou encore d’un investissement sur des sites réellement neufs, il n’y a pas d’évolution strictement linéaire cependant jusqu’au XIe siècle. Le modèle de la tour est peut-être le plus fréquent mais il ne s’impose pas encore comme un modèle absolu et coexiste avec des situations où le château, souvent montagnard, est aussi caractérisé par un agrégat de logis et de bâtiments, une enceinte réduite ou une cour haute. Et cette diversité de situation se perçoit à l’échelle locale pour peu que des enquêtes de long terme qui seules permettent de capitaliser les données puissent être conduites et accompagnées.

44La verticalité de ces premières tours destinées à voir et à se faire voir, dont la fonction de logis permanent n’est pas toujours évidente se décline aussi à l’échelle de la maison et de la topographie de chaque site, comme l’attestent les maisons-blocs à étage de Mourcairol et plus tardivement les tours multiples à logis adjacent d’Allègre. La distinction habituelle faite entre haute et basse-cour dans le principe et la définition du château médiéval accompli n’est peut-être pas si rigide ou du moins celle-ci ne se réduit pas toujours dans le monde méridional à une stricte séparation entre logis seigneurial et maisons roturières ou strictes dépendances. Dans le processus général qui conduit dans le courant du XIIe siècle le castrum méditerranéen vers un village fort doté d’une enceinte collective, les polarités multiples de ces maisons-blocs élitaires ont aussi compté.

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Notes

1 - BOURGEOIS, 2009.

2 - SCHNEIDER, 2003 a et b.

3 - SCHNEIDER, 2011.

4 - VAN DER STRAETEN, 1974,79-84.

5 - PELLECUER, 2002.

6 - REBE, 2014.

7 - SCHNEIDER, 2008 et 2010.

8 - Suburbana et castra illius regiones vastavit. MGH, II, 1888, 178.

9 - FAVORY, 2017.

10 - Annales Bertiani, année 864 Carolus […] Compendium rediit, missios suos ad recipiendas civitates et castella in Gothiam misit (MGH, I, 1883, éd. Waitz, p. 72) Sur le contexte général du siège voir les analyses de AUZIAS, 1937/2003, 244 et 254 et CALMETTE, 1917.

11 - Provincia pour les wisigoths, Septimanie pour les Francs mérovingiens, mais aussi Gothie aux IXe-Xe siècles cette fois-ci selon une perspective ethnique ou ethno-linguistique, la provincia proprement médiévale de Narbonne ne prend sans doute une identité propre qu’après la révolte de 673 et l’accession au trône du roi wisigothique Wamba. À partir de la seconde moitié du VIIIe siècle, tandis que Tarragone demeure occupée par les musulmans, Narbonne devient la seule métropole réunissant sous son autorité aussi bien les évêques de la province traditionnelle (ceux de Septimanie) mais aussi jusqu’en 1091, les diocèses hispaniques qui ont formé plus tard la Catalogne. Ces reconfigurations géopolitiques constantes jusqu’au seuil du XIIe siècle déterminent des lignes complexes et parfois spécifiques de l’évolution des pouvoirs. Ainsi en est-il de la multiplication des comtés dans la zone pyrénéenne mais surtout du semis des fondations monastiques qui dessinent de nouveaux lieux et une nouvelle géographie des pouvoirs entre espace local et espace global, entre territoires terrestres et nouvelles polarités sacrées. Sur le contexte politique et territorial général et sur la Narbonnaise en particulier voir dernièrement SCHNEIDER, 2008 et RIESS, 2013.

12 - BOURGEOIS, 2014, 463.

13 - Mèze (castrum, 844), Cabrières (in suburbio caprariense, 870), Lunas (castrum, 909), Marseillan, Les Onglous (turris, 924), Vias, Médaillan (turris, 956), Mèze, Saint-Martin de Caux (turris, 964), Vendres, Esclatian (turris 969), Vias (turris, 973), Lignan-sur-Orb (turris, 977), Le Pouget, Teulet (turris, 978), Saint-Pargoire, Adeilhan (turris, 990), Pézenas (turris, 990), Villeveyrac (turris, 990), Florensac (turris, 990), Saint-Thibéry (castellum, 990), Neffiès (castrum, 990), Paulhan (castrum, 990), Les Aires, Mourcairol (castrum, 990) et Aumes (turris, 1007), Popian (castrum, 1013), Loupian (castrum, v.1030), Aumelas (castrum, v.1036), Colombières-sur-Orb la Tour carrée (castrum, v.1036), Le Pouget (castrum, v.1036), Rocozels (castrum, v.1036) et Roquebrun (castrum, v.1036).

14 - BOURIN, 1987, I, 73.

15 - Le Bosc, Gibret (988), Soubès (988), Fozières (988), Saint-Étienne-de-Gourgas, Aubaigues (988), Mourèze (990), Saint-Saturnin, Rocher des Vierges (1004), Nébian (1038).

16 - DEBAX, 2011.

17 - SCHNEIDER, 2006, 30.

18 - Sur la famille disposant de la tour de Teulet et sur les contextes historique et archéologique voir AMADO, 1992 et SCHNEIDER, 1997, 2010 et 2013.

19 - HAUTEFEUILLE, 2008 et 2009.

20 - Fouilles et travaux de David Maso. MASO, 2004 et 2019. Les fouilles de la tour ont été présentées à l’université Paul Valery de Montpellier le 3 mars 2010 par David Maso et Jérôme Benezet (Acter Archéologie) dans le cadre du Séminaire d’Archéologie Médiévale Métropolitaine et Méditerranéenne organisé par les UMR ASM (5140) et LAMM (6273).

21 - BSR, 2009, 191-1993 ; BSR, 2010, 194-197 ; CONSTANT, 2011.

22 - FAU, 2014, 16-134. La roca est datée entre le Xe et le XIIe siècle.

23 - GINOUVEZ, 1988. Depuis cette publication, le dépotoir qui comblait le rez-de-chaussée aveugle de la tour a bénéficié d’une datation radiocarbone réalisée sur de la faune (Lyon 7237, âge calibré 895-1022, dates autour desquelles se situent les maximum de probabilités : 989 et 900). Comme un acte daté de 930 situe par ailleurs des biens au pied du massif sans évoquer le castrum alors que le texte de 1004 situe des manses dans cette même villa dite de Malos Albergos placée cette fois-ci dans le suburbium du castrum on peut penser que la forteresse a été élevée après 930.

24 - JOURNOT, 1984, 1992a et 1992b.

25 - LOPPE, 2018. Qu’il me soit permis par ailleurs de remercier très chaleureusement Frédéric Loppe pour avoir généreusement accepté de transmettre et de pouvoir communiquer le plan de la figure 11 qui est le fruit de ses minutieuses observations de terrain et de ses propositions de chronologie.

26 - HAUTEFEUILLE, 2006.

27 - Ce fut le choix délibéré par exemple de l’ancien projet Collectif de Recherche H.18 qui regroupait les fouilles des castra de Cabrières dans l’Hérault, de Calberte en Lozère, de Durfort dans le Tarn et de Lastours-Carbardès dans l’Aude dont la production centrale fut la livraison d’un ouvrage consacré à la maison du castrum de la bordure méridionale du massif central. Voir COLIN et al., 1996.

28 - DAUZAT, 1983 et 1984 ; CASTELLVI, 1984.

29 - Département de la Lozère, Remy, 2015.

30 - GUILHOT, 2017.

31 - CAMPECH, 2012.

32 - ASPORD, 2000 et 2005.

33 - CAZES, 2014a.

34 - Sur le plan national on pourra néanmoins se reporter aux cadres et orientations du nouvel axe 11 (CNRA 2016) construit sous l’égide du ministère de la Culture et sur le plan régional aux derniers bilans dressés par BARRÈRE, 2006, LOPPE, 2012 et CONTE, 2014.

35 - CAMPECH, 2012, 162.

36 - ASPORD-MERCIER, 2000 et 2005.

37 - Voir Infra contribution de Vivien Vassal et al., notices de Mireval et Teyran.

38 - MOUTON, 2008 et 2015.

39 - Outre les cas évoqués directement dans cette contribution (Teulet et Les Deux Vierges dans l’Hérault, Fenouillet et Ultrera dans les Pyrénées-Orientales, Maurelis dans le Lot, Roqueprive en Aveyron, sinon La Malène en Lozère pour une configuration plus ancienne) on mentionnera encore le cas de la tour maîtresse du castrum de Saissac dans l’Aude fouillée par Jean-Paul Cazes et datée par radiocarbone entre 890 et 1030. Le château est mentionné pour la première fois en 961 (CAZES, 2014 b).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Argelliers (Hérault), Roc de Pampelune. Plan général des fouilles réalisées entre 1999 et 2005
Crédits © CNRS, Laurent Schneider et Georges Marchand (†)
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Titre Fig. 2
Légende La Malène (Lozère), Rocher de la Barre, plan général des fouilles réalisées entre 2008 et 2011
Crédits © CNRS, Laurent Schneider et Georges Marchand (†)
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Titre Fig. 3
Légende La Malène (Lozère), castellum, vue générale de la face orientale de l’éperon baigné par le Tarn
Crédits © L. Schneider, 2011
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Titre Fig. 4
Légende La Malène (Lozère), plan de la tour sommitale du castellum (VIe siècle)
Crédits © L. Schneider et Karine Lefebvre
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Titre Fig. 5
Légende L’ancienne cité de Nîmes autour des années 500 : établissements perchés et fortifiés et terres de villas
Crédits © Laurent Schneider 2013
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Titre Fig. 6
Légende Le Pouget (Hérault), relief de Teulet, aujourd’hui Pater Nostre, dans son contexte au cœur du bassin médian de l’Hérault et de terroirs peuplés
Crédits © Groupe de Recherches et d’Études du Clermontais, 1986
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Titre Fig. 7
Légende Le Pouget (Hérault), la tour de Teulet lors des fouilles de 1993. On remarquera que la tour est ceinturée en pied de façade par un fossé très proche qui contraint le développement d’autres bâtiments sur le podium délimité par une enceinte et un second fossé plus imposant
Crédits © Laurent Schneider 1993
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Titre Fig. 8
Légende Castelnau-Montratier (Lot), la tour et la motte de Maurelis
Crédits © Florent Hautefeuille
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Titre Fig. 9
Légende Conques (Aveyron), l’oppidulum de Roqueprive (d’après FAU, 2014, 130, fig.7)
Crédits © infographie M. Cabarrou et et Fr. Galès
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Titre Fig. 10
Légende Saint-Saturnin (Hérault), contexte général du castrum montagnard des Deux-Vierges, vue aérienne prise depuis l’est
Crédits © CNRS, L. Schneider, 2004
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Titre Fig. 11
Légende Les Aires (Hérault), plan général de la cour haute du castrum de Mourcairol (relevé topographique de Gérard Dieudonné 2004, complété par Jean Laforge en 2017
Crédits © DAO et interprétation Frédéric Loppe, 2018
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Titre Fig. 12
Légende Mouret (Aveyron), restitution imaginée des quatre châteaux et de l’ensemble castral de Mouret à la fin du Moyen Âge
Crédits D’après CAMPECH, 2012 (157, fig 120b)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/2638/img-12.jpg
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Titre Fig. 13
Légende Allègre-les-Fumades (Gard), évocation du castrum d’Allègre aux XIVe-XVe siècles
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/docannexe/image/2638/img-13.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Schneider, « Le château avant le château ou le défi réel du temps long (VIe-XIe siècles) : quelques repères en guise d’introduction »Patrimoines du Sud [En ligne], 10 | 2019, mis en ligne le 02 septembre 2019, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pds/2638 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pds.2638

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Auteur

Laurent Schneider

Directeur de recherche, CNRS et directeur d’études, EHESS

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