1L’intérêt pour les peintures monumentales en France n’a cessé d’augmenter depuis les années 1950. Avec les nombreuses découvertes, les recherches de terrain aux approches variées qui amènent à une meilleure connaissance des décors à travers les siècles et l’évolution continuelle des techniques de restauration, le corpus ne cesse de s’étoffer et de nouvelles questions se posent dans le domaine de la conservation-restauration, pour les études peu nombreuses, d’une documentation difficilement consultable et de la valorisation très peu souvent prise en compte.
2En Occitanie, les premières enquêtes datent principalement des années 1960. Tout d’abord grâce à Aimée Neury qui sillonna le territoire français de 1940 à 1970 pour recenser toutes les peintures murales pour le Musée National des Monuments Français (sous la direction de Paul Deschamps puis de Marc Thibout). En 2013, le GRPM, Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, propose un bilan au sujet de la constitution d’un corpus de la peinture murale en France et présente une carte des tournées faites à l’époque par Aimée Neury1. On constate, qu’une grande partie des départements de la Région Occitanie a été couverte entre les années 1950 et 1960, excepté le département de la Lozère (fig. 1).
Fig. 1
Tournées de recensements des peintures murales en France par Aimée Neury.
Tiré de GRPM, 2013. © Vincent Juhel, Ilona Hans-Collas
3En 1967, c’est avec la parution de l’ouvrage de Robert Mesuret2 que l’on peut compléter ce premier recensement et se rendre compte que la région est riche en décors peints monumentaux (peintures murales, plafonds peints, etc.). Robert Mesuret signalait 122 ensembles, sans compter les décors disparus. On remarque déjà une concentration des décors dans les Pyrénées Centrales et Orientales et dans le Quercy (fig. 2).
Fig. 2
Les peintures murales du Moyen Âge signalées par Robert Mesuret en 1967.
Véronique Marill © Région Occitanie – Direction de la Culture et du Patrimoine, fond de plan : IGN, fond ESRI/DIN
- 3 C’est alors un programme global de connaissance et de sauvegarde de ce patrimoine fragile qui a été (...)
4Depuis, de nombreuses recherches et publications universitaires, associées à l’inventaire systématique entrepris en Midi-Pyrénées à partir de 19953 nourrissent cette connaissance. Elle n’est pas exhaustive au niveau de l’Occitanie en raison de la fusion des deux anciennes régions en 2016. S’il existe encore une grande inégalité dans le recensement entre l’est et l’ouest du territoire, on doit tout de même constater que le nombre de sites avec des peintures monumentales a plus que triplé ces trente dernières années (fig. 3).
Fig. 3
L’ensemble des peintures murales découvertes en Occitanie.
Véronique Marill © Région Occitanie – Direction de la Culture et du Patrimoine, fond de plan : IGN, fond ESRI/DIN, sept. 2022
- 4 Il décède en 1985.
- 5 Ce fresquiste appelé à intervenir sur l’église paroissiale de la commune a été sollicité par Albert (...)
5Les peintures datables de l’époque romane au XVIIIe siècle sont concernées par cet inventaire, elles sont systématiquement étudiées. Celles postérieures à la période révolutionnaire sont ponctuellement prises en compte en fonction de leur qualité, de leur auteur ou de leur iconographie, par exemple pour le XIXe siècle les œuvres des frères Bénezet et pour le XXe siècle certains ensembles peints par Nicolaï Greschny. Ce peintre d’icônes d’origine estonienne est très productif dans la région des années 1950 aux années 19804. Il peint principalement les murs d’édifices religieux des départements du Tarn, de l’Ariège et de l’Hérault. L’exemple de la buvette des thermes d’Encausse en Haute-Garonne où le peintre se sert des murs extérieurs et intérieurs pour créer son décor en 1950 est exceptionnel car c’est son seul décor profane5 (fig. 4).
Fig. 4
Encausse-Les-Thermes (Haute-Garonne), buvette de l’établissement thermal, peinture de Nicolaï Greschny.
Maxime Tolsa © Inventaire général Région Occitanie
- 6 CARBONELL, 1994.
- 7 N° 86 et 109 de la collection Itinéraires.
- 8 DECOTTIGNIES, 2004.
6Depuis le milieu des années 1990, la DRAC puis la Région Occitanie travaillent à valoriser les résultats des recherches. Le premier ouvrage paru dans la collection Itinéraires du patrimoine6 traitant du sujet des peintures murales du Languedoc-Roussillon est publié en 1994. L’année suivante, la DRAC Midi-Pyrénées met en place un premier contrat pour mener un inventaire et un état sanitaire des peintures monumentales de l’Ariège, puis de la Haute-Garonne et enfin du Tarn. En 1999, les décors peints des vallées d’Aure et du Louron font l’objet de deux publications7. Il faudra attendre 2004 pour que la publication de synthèse sur les peintures monumentales de l’Ariège soit enfin éditée8.
7Dans les années 2000, le service régional de l’Inventaire décide de collaborer avec la conservation régionale des monuments historiques pour entreprendre un recensement des peintures monumentales dans le département du Lot. Virginie Czerniak, doctorante (thèse soutenue en 2004) est associée aux travaux pour permettre d’élargir le corpus aux œuvres des XVIe au XVIIIe siècle. La synthèse de cette étude est publiée en 20119.
8La collaboration s’est poursuivie en 2006 avec une formation de sensibilisation à la peinture monumentale pour les architectes du patrimoine. Deux ans plus tard, le service s’engageait dans une coopération avec l’université de Toulouse et le Musée National d’Art Catalan à Barcelone pour la réalisation d’un projet de base de données sur les pigments et leur circulation en particulier depuis l’Espagne mais ce travail n’a pu être mené à son terme.
9En 2010, en lien avec le service chargé de la restauration du patrimoine de la Région, l’Inventaire général mettait en place une série d’études diagnostics sur les ensembles de peintures monumentales. L’ambition était d’accompagner les architectes du patrimoine dans leurs travaux de restauration en leur permettant de connaître l’historique détaillé des interventions sur les décors peints. La seule étude aboutie et complète est celle de la chapelle Saint-Jean-Baptiste de Saint-Plancard (Haute-Garonne)10. Elle permet de retracer l’histoire des travaux réalisés sur les deux ensembles peints depuis leur découverte, de faire une synthèse des différentes études publiées, d’établir un constat d’état de conservation avec le relevé des différentes altérations, de définir au mieux la technique picturale mise en œuvre et de suggérer des orientations envisageables pour le devenir des peintures murales. Une couverture photographique opérée par un professionnel, des tests limités et des analyses ont également été réalisés et complétés par une analyse du bâti par un architecte du patrimoine.
10Toutes ces expérimentations ont amené en 2012 à l’élaboration d’un cahier des clauses scientifiques et techniques pour un inventaire général de la peinture monumentale en région. La problématique devant être traitée est extrêmement dense. Six questions sont posées : Existe-t-il une caractéristique régionale (quelles sont les grandes zones de production artistique et peut-on comprendre les influences) ? ; Quelles sont les circulations des artistes, celles des matériaux employés ? ; Peut-on caractériser les pigments, les liants, définir les techniques ? ; Qu’elle est la représentativité de certains thèmes en fonction des époques ? ; Arrive-t-on à retracer et à documenter l’histoire des œuvres et de leur restauration pour faire un bilan des travaux ?
11Quelques réponses ont d’ores et déjà pu être apportées en particulier sur l’iconographie du livre de vie très répandue dans la région dans les représentations du Jugement dernier ou encore sur les motifs géométriques particuliers qui recouvrent certains murs comme à Lectoure11 (fig. 5).
Fig. 5
Quelques originalités iconographiques en Midi-Pyrénées : Albi, cathédrale Sainte-Cécile, détail des réprouvés du Jugement dernier en 2000 et Lectoure, maison 41 rue Nationale, détail de la voûte en 2002.
Jean-François Peiré © Inventaire général Région Occitanie ; © Ville de Lectoure
12Le dernier bilan date de 2005 et ne concernait que l’ex-région Midi-Pyrénées12.
- 13 DECOTTIGNIES et PEQUIGNOT 1999.
- 14 Voir poster. DECOTTIGNIES et GAUDARD hiver 2013/2014. GARLAND, 2014. GAUDARD et alii, 2018.
- 15 Voir poster. DECOTTIGNIES et DE ROUVRAY, 2017.
13Sur cette carte (fig. 6) les peintures romanes ne sont pas différenciées des peintures gothiques. Elles sont peu nombreuses et principalement présentes dans des édifices pyrénéens où le décor, le plus souvent conservé dans le chœur, évoque, d’une façon traditionnelle, un collège apostolique, comme celui de Saint-Lizier en Ariège daté du 3e quart du XIe siècle ou de Saint-Calixte dans les Hautes-Pyrénées daté de la fin du XIIe ou du début XIIIe siècle13, aussi sur les découvertes récentes à l’église d’Ourjout en Ariège14. De plus, sous cette conque absidiale des scènes de l’Enfance du Christ peuvent être représentées ; à Saint-Lizier ou à Vals (Ariège), ainsi qu’à Aragnouet (Hautes-Pyrénées) dans la chapelle d’Eget lors de la découverte exceptionnelle des peintures datées de la 1ère moitié du XIIIe siècle15.
Fig. 6
Les peintures monumentales du Moyen Âge et de l’époque moderne en Occitanie.
Véronique Marill © Région Occitanie – Direction de la Culture et du Patrimoine, fond de plan : IGN, fond ESRI/DIN, sept. 2022.
14Bien entendu, en dehors des exemples pyrénéens, de beaux ensembles peints romans sont conservés dans de grands édifices comme à Saint-Sernin de Toulouse ou dans de plus petites églises, comme celle de Nogaro (Gers). Là, un premier décor relatant plusieurs épisodes de la vie de saint Laurent, daté du XIIe siècle, a été découvert dans l’absidiole nord en 1995 et restauré en 1997 et 2002 par Jean-Marc Stouffs. En 2006, la peinture de l’absidiole sud est elle aussi dégagée, plus précisément à la voûte du cul-de-four où la figure du Christ, très usée, est peinte accompagnée des symboles des évangélistes (fig. 7).
Fig. 7
Altérations visibles sur les photographies prises entre 2014 et 2021 des peintures à la voûte de l’absidiole sud restaurées en 2006. Nogaro (Gers), église paroissiale Saint-Nicolas.
Alexandra Guegen, Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
15Bien que la peinture murale romane soit assez peu représentée dans la région, à la différence d’autres territoires français comme la vallée du Loir par exemple, plusieurs découvertes importantes de décors peints datés de cette période continuent d’en accroître le corpus. Comme la découverte en 2007, à Roujan dans l’abbaye de Cassan dans l’Hérault, de peintures datées du début du XIIe siècle (fig. 8) ou encore à Ourjout (Ariège) en 2012 avec un décor peint daté du 1er quart du XIIe siècle et à Montfaucon dans le Gard en 2018. Ce dernier décor daté de la limite des XIIe et XIIIe siècles a été malheureusement « trop vite » restauré et l’on ne peut que constater les repeints importants compromettant l’authenticité de l’œuvre.
Fig. 8
Roujan (Hérault) ancienne abbaye de Cassan. Vue d’ensemble de la peinture.
Audrey Arnaudeau-Bertheau © Inventaire général Région Occitanie
- 16 LANçON, 2009.
- 17 Voir poster. DECOTTIGNIES, 2021.
16Au XIVe siècle, l’installation de la papauté à Avignon influence une zone artistique qui s’étendait à l’ensemble de la France méridionale. Ces inspirations transmises par les artistes de la cour pontificale sont visibles dans de grands programmes peints sur les murs des nouvelles cathédrales. Elles ont été la plupart édifiées ou agrandies à partir de 1317, date de la création de nombreux diocèses par le pape Jean XXII, par exemple à Rodez16 (pour les peintures des chapelles d’axe de Cantobre, de Sainte-Agnès et de Tous-Les-Saints datées des alentours de 1340), à Béziers ou à Narbonne. Les découvertes sont rares dans ces grands édifices et d’autant plus exceptionnelles, comme celle par exemple faite sur le mur ouest de l’ancienne cathédrale de Lombez (Gers)17. Mais les vestiges sont aussi bien souvent très fragmentaires à Samuran (Hautes-Pyrénées), dans la galerie haute du cloître de Saint-Lizier (Ariège), le chœur de l’église de Bourisp (Hautes-Pyrénées), ou le plafond peint récemment découvert de l’église des Carmes de Carcassonne (Aude).
17Des XIVe et XVe siècles plusieurs décors sont conservés dans des édifices civils représentant des cavaliers souvent accompagnés d’armoiries. Ils ont la particularité d’être circonscrits dans une bande géographique bien délimitée, allant du nord du département du Gers au nord du Tarn, en passant par le Tarn-et-Garonne18. La majorité sont connus. Toutefois de nombreuses découvertes sont faites ces dernières années lors des recherches systématiques réalisées sur un territoire limité comme celui de Cordes19, de Bruniquel20, ou pour des édifices remarquables sujets d’études complètes et pluridisciplinaires comme la tour des Lautrec à Vielmur-sur-Agout dans le Tarn21 (fig. 9).
Fig. 9
Vielmur-sur-Agout (Tarn), Logis dit tour des Lautrec, combles mur ouest, blasons.
Mélanie Chaillou © Hadès
18La période de reconstruction suivant la guerre de Cent Ans peut expliquer le nombre important de décors de cette époque découverts. Ils sont datables de la fin du Moyen Âge qui peut perdurer dans certains sites isolés de la région jusqu’au milieu du XVIe siècle. C’est une période de transition où une majorité des décors religieux reste encore souvent composée de cycles narratifs autour des épisodes bibliques, des vies de saints comme à l’église Saint-Roch de Conques (Aveyron) ou à Cathervielle (Haute-Garonne) dont les peintures murales et les lambris peints sont conservés dans un état alarmant. Néanmoins l’art de la Renaissance imprègne les décors civils plus particulièrement, ils sont plutôt décoratifs et inspirés de l’Antique. Les thèmes mythologiques et les scènes de paysages sont des sujets appréciés des propriétaires de châteaux comme ceux de Puichéric ou Malves dans l’Aude, de Gradel en Aveyron, de Pailhès en Ariège (fig. 10), de Bazian dans le Gers, de Montlaur à Poussan dans l’Hérault, de nombreux exemples sont d’ailleurs recensés.
Fig. 10
Deux représentations inspirées de l’Antique : à Pailhès (Ariège) château, deux cariatides peintes sur les ébrasements de la baie de la salle du 1er étage, et à Valady (Aveyron), au château de Gradel, la Fuite de Troie peinte sur le manteau de la cheminée.
Jean-François Peiré © Inventaire général Région Occitanie ; Maurice Scellès © Inventaire général Région Occitanie
19À partir de 1590, l’adoption du tabernacle est rendue obligatoire par le concile provincial de Toulouse ; ce pourrait être une des raisons qui explique le renouveau des décors des édifices religieux et la commande de nombreux retables sculptés ou non. Cette particularité de peindre des trompe-l’œil sur les murs des chœurs de certaines églises est remarquable. Les exemples sont nombreux dans la région et l’on peut se demander quelles sont les raisons d’un tel choix de décor ?
20Trois hypothèses peuvent être avancées :
21Comme modèle dans l’attente du futur retable en bois sculpté par exemples à Montaigut-sur-Save dans l’église Notre-Dame d’Alet (Haute-Garonne), et à Mont (Hautes-Pyrénées) où les peintures murales sont presque l’exacte copie du futur meuble sculpté. En 2010, lors de la dépose du retable de Jean Ferrère pour restauration on a pu découvrir sur le mur est un retable peint certainement au début du XVIIe siècle. L’iconographie évoquée sur les deux supports, mur ou bois, est la même. La peinture très aboutie n’est pas une simple ébauche d’autant plus que la croix peinte pour la Crucifixion est vide de la figure du Christ car la sculpture représentant le Crucifié datée du XVe siècle, devait s’y trouver accrochée (fig. 11 et 12).
Fig. 11
Retable peint photographié en 2012 à Mont (Hautes-Pyrénées), église paroissiale Saint-Barthélemy.
Daniel Martin © Inventaire général Région Occitanie ; © Conseil départemental des Hautes-Pyrénées
Fig. 12
Retable sculpté restauré, Mont (Hautes-Pyrénées), église paroissiale Saint-Barthélemy.
Philippe Poitou © Inventaire général Région Occitanie ; © Conseil départemental des Hautes-Pyrénées
22Certainement par soucis d’économie, en se substituant à un mobilier dont l’acquisition aurait été nettement plus onéreuse les retables peints peuvent aussi être prévus dès l’origine comme un trompe l’œil, à Cornac (Lot), ou à Viala-du-Tarn dans l’église Saint-Symphorien-de-Lévézou (Aveyron) (fig. 13).
Fig. 13
Faux retable peint de la Vierge à l’Enfant à Viala-du-Tarn (Aveyron), église Saint-Symphorien-de-Lévézou au mur est de la chapelle.
© Association pour la Sauvegarde de l’Église de Saint-Symphorien-de-Lévézou (ASES)
23Enfin il pouvait plus simplement accompagner l’élément principal du retable ; habituellement le tableau central comme à Pamiers Mas Cailloup en Ariège, à Auvillar et Varen (fig. 14) dans le Tarn-et-Garonne ou à Saze dans le Gard.
Fig. 14
Varen (Tarn-et-Garonne) église Saint-Vincent, faux retable peint restauré.
Sandrine Ruefly © Pays Midi-Quercy ; © Conseil départemental de Tarn-et-Garonne ; © Inventaire général Région Occitanie
24Fréquemment les découvertes sont fortuites, lors de chutes d’enduits à la suite de travaux de restaurations ou à cause de leur vétusté. Il est regrettable qu’elles soient encore trop rarement dévoilées par des sondages préalables aux travaux.
25Dans les églises, les mises au jour se font parfois au moment de la dépose pour restauration du retable. À l’église d’Arbas (Haute-Garonne), la découverte non anticipée n’a été ni étudiée ni documentée ni même consolidée et une fois le retable restauré il a été replacé devant le décor et l’a de nouveau occulté (fig. 15).
Fig. 15
Arbas (Haute-Garonne), église paroissiale, mur est du chœur, peintures murales visibles en 2006 lors de la dépose du retable pour restauration, aujourd’hui disparues.
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
26Heureusement cet exemple reste un cas isolé car la plupart du temps une restauration du décor peint est entreprise et une solution à la repose du meuble est trouvée : le retable peut être déplacé comme à Eget où il est présenté du côté nord de la nef (fig. 16), à Ourjout le retable est placé dans une autre église de la commune. Parfois le décor peint ne peut rester visible il est alors documenté et consolidé : c’est le cas à Mont (Hautes-Pyrénées).
Fig. 16
Aragnouet (Hautes-Pyrénées), chapelle d’Eget, vue d’ensemble vers l’est avec le retable restauré et replacé.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
- 22 Voir poster. RUEFLY, et alii, 2022.
27Dans le domaine de l’Inventaire général, la Région Occitanie a fait le choix de multiplier les partenariats de recherche appliquée au patrimoine. Elle collabore actuellement avec une vingtaine de collectivités qui ont décidé d’investir dans la connaissance de leur patrimoine. Ainsi, à l’échelle régionale ce sont près d’une cinquantaine de chercheurs qui œuvrent à l’étude de l’architecture, du décor ou des objets mobiliers (fig. 17). Au plus près du terrain, ce sont eux qui signalent les nouvelles découvertes et qui en informent le service régional. En 2020, Thibaut de Rouvray signalait à Gaudent (Hautes-Pyrénées) des peintures médiévales visibles après la chute d’un enduit (fig. 18). De même, l’équipe du territoire du Pays Midi-Quercy repérait un décor exceptionnel à Montricoux (Tarn-et-Garonne)22.
Fig. 17
Maillage des partenariats en Occitanie en 2021.
Roland Chabbert © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 18
Gaudent (Hautes-Pyrénées), chapelle du Plan d’Ilheu, fragment de peinture murale apparu sous une chute d’enduit.
© Thibaut De Rouvray
28Plus rarement, des archéologues peuvent relayer l’information ; par exemple en 2000 le Service de l’Inventaire Patrimonial et de l’Archéologie de la ville de Toulouse signale, lors des fouilles faites au musée des Augustins de Toulouse, des fragments découverts au niveau du mur sud du cloître, à côté du square édouard Privat. Cette peinture datée du début du XVIe siècle, provenait de la chapelle de l’Ecce-Homo du couvent (fig. 19).
Fig. 19
Toulouse (Haute-Garonne), fragment découvert lors des fouilles faites en 2020 au niveau du Square Edouard Privat, contre le mur sud du cloître du couvent des Augustins.
Maxime Troy © Service de l’Inventaire Patrimonial et de l’Archéologie de Toulouse
29Bien que les peintures monumentales ne rentrent pas dans leur corpus constitué des objets mobiliers, les CAOA (Conservateurs des Antiquités et des Objets d’Art), qui sont au plus près des départements peuvent être amenés à communiquer une découverte. C’est le cas en Ariège en 2018 à Dalou avec les peintures conservées aux registres supérieurs des murs de la salle principale d’un ancien château, propriété privée (fig. 20).
Fig. 20
Bandeau peint au registre supérieur des murs de la salle principale de l’ancien château de Dalou (Ariège).
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
30Les partenariats étant plus anciens et plus nombreux sur la partie ouest de la Région, on comprend mieux la répartition inégale des découvertes à l’échelle de l’Occitanie.
31Des études pluridisciplinaires peuvent aussi être initiées lors de découvertes exceptionnelles :
-
- 23 Des relevés d’architecture ont été financés par le service de l’Inventaire pour appuyer la recherch (...)
Entre chercheurs de l’Inventaire et du service de la conservation régionale des monuments historiques pour étayer une demande de protection par exemple en Aveyron à Peyrusse-le-Roc pour l’étude du château de La-Caze, de son plafond peint et de ses peintures murales qui fut ensuite inscrit aux monuments historiques le 7 août 201823 (fig. 21).
Fig. 21
Différents motifs peints et plafond peint au château de la Caze à Peyrusse-le-Roc (Aveyron)
Jean-François Peiré © DRAC Occitanie
-
- 24 SCELLÈS, 2018.
- 25 Cf. Annexe 1. Elisabeth Leciak, Les modèles du « bestiaire » de Fiches, 2023 p. 3 Extrait de l’arti (...)
En interne, entre les chercheurs aux spécialités complémentaires du service de l’Inventaire général (architecture/objets mobiliers…), par exemple en Ariège à Verniolle pour le château de Fiches et ses plafonds peints où, grâce à la ténacité de la propriétaire pour la sauvegarde, la restauration et la connaissance de son bien, une étude complète fut programmée sur plusieurs années (fig. 22). Elle rassemble différents spécialistes (architecture, peintures monumentales, restaurateur-conservateur…)24. La recherche est aujourd’hui relancée avec la découverte de madame Elisabeth Leciak qui propose des rapprochements très convaincants entre certaines figures du plafond et des illustrations du livre de Hiérosme de Bara publié en 158125.
Fig. 22
Verniolle (Ariège), château de Fiches, plafond peint de la salle du 1er étage vue d’ensemble de la grue, du paon et de l’autruche et détail de l’autruche.
Jean-Marc Stouffs © Inventaire général Région Occitanie
32Le bilan des interventions est hétérogène (fig. 23). Il faut noter que plusieurs départements de la région sont mobilisés sur le sujet. Le Lot a systématisé les études préalables en lien avec le service de la conservation régionale des monuments historiques26. La Lozère a une équipe entièrement dédiée à l’étude et à la conservation préventive du patrimoine tant architectural que mobilier. Les Pyrénées-Orientales disposent du Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine qui est sans doute le service le plus en pointe par rapport à la conservation-restauration des décors peints. C’est certainement lié à la personnalité de celui qui fonda le CCRP : Jean-Bernard Mathon, lui-même restaurateur de peintures. Ainsi, dans le cadre du Plan-Objet qui est mis en place avec la DRAC, un recensement et un examen diagnostic des peintures murales sont entrepris donnant un degré d’urgence aux travaux. Actuellement, à la suite du départ de Jean-Bernard Mathon, le centre n’intervient plus directement sur les peintures murales en conservation-restauration. Toutefois, il s’agit d’un patrimoine toujours pris en compte dans les missions du centre qui essaye d’accompagner les communes dans ce domaine en continuant de proposer des constats d’état.
Fig. 23
Les chantiers de restaurations en Occitanie.
Véronique Marill © Région Occitanie – Direction de la Culture et du Patrimoine, fond de carte : IGN, fond ESRI/DIN, sept. 2022
33Pour les autres départements de la région les découvertes et les études préalables ne sont pas toujours suivies de travaux de conservation et de restauration. Les chantiers pointés sur la carte doivent être explicités car ils n’identifient pas seulement les interventions abouties : de nombreuses découvertes restant à l’état de sondages, ou d’études en attente d’interventions. À Saint-Martin des Puits (Aude) l’étude des peintures romanes date de 2015, celle du décor de l’église de Mazères à Castenau-Rivières-Basse (Hautes-Pyrénées) de 2016, elles sont restées sans suite à ce jour. Parfois les travaux justes commencés sont restés en l’état depuis des années comme à Saint-Calixte (Hautes-Pyrénées) où des facings de protection posés avant 2006 qui n’étaient pas prévus pour durer finissent avec le temps par altérer la couche picturale (fig. 24).
Fig. 24
Cazaux-Fréchet-Anéran-Camors (Hautes-Pyrénées), église paroissiale Saint-Calixte, chapelle nord, état de la couche picturale décollée par le poids des facings.
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
34Heureusement une majorité de chantiers a pu être programmée et exécutée comme de 2001 à 2008 à Moissac (Tarn-et-Garonne), ou à Vals (Ariège) de 2006 à 2008, et à Blagnac (Haute-Garonne) dans l’église paroissiale (fig. 25) et la chapelle Saint-Exupère en 2012 et 2020.
Fig. 25
Blagnac (Haute-Garonne), église paroissiale Saint-Pierre, peintures de la voûte au moment de la restauration en 2015.
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
35Après 20 ans de travail, le constat qui peut être fait est le suivant : quelques études ont été menées, quelques sondages en prévision de travaux mais bien souvent ces études n’ont pas permis de voir les restaurations ou les consolidations aboutir. Le manque de moyens financiers est certainement une des principales raisons de ce décevant constat. Par ailleurs, ce sont bien souvent les mêmes restaurateurs qui interviennent sur les chantiers dirigés par les mêmes architectes. Certes, les restaurateurs ne sont pas assez nombreux mais cela interroge sur la circulation de l’information et la diffusion des appels d’offres liés à la conservation-restauration des peintures monumentales.
36Trop souvent perçue, en France, comme un problème, une entrave, la peinture murale gagnerait à être reconnue comme un objet patrimonial, témoin de pratiques architecturales, sociales, artistiques, politiques, religieuses, au fil des siècles et, à ce titre, d’être perçue plutôt comme un atout.
37Documenter les restaurations, assurer un suivi de leur histoire appartient aux missions du service régional de l’Inventaire général en Occitanie. La collaboration étroite avec le service du développement, de la restauration et de la valorisation qui instruit les dossiers de demande de subvention confiés à la Région permet au service de l’Inventaire général de connaître les différents projets, d’ouvrir des dossiers dédiés aux décors peints afin d’archiver cette documentation.
38La documentation des chantiers est donc conservée dans le service et l’une des missions de celui-ci est de la rendre disponible, de la mettre en ligne et de l’archiver. Nous tentons également, dans la mesure de nos capacités, d’assurer une couverture photographique avant, pendant et après le chantier.
39Un autre moyen essentiel à la diffusion de la connaissance se fait grâce à la valorisation qui sensibilise la communauté scientifique et le plus grand nombre aux peintures monumentales (par des publications, supports numériques...).
- 27 Refonte du site en cours.
40La Région Occitanie par l’intermédiaire de son site patrimoines Occitanie (www.patrimoines.occitanie.fr27) met en ligne plusieurs ouvrages et créations numériques :
-
Des visites virtuelles à 360° qui constituent des véritables immersions in situ où l’internaute peut naviguer en toute liberté. Ces visites virtuelles sont agrémentées de contenus explicatifs afin de proposer un accès original et ludique à la documentation produite par les chercheurs28.
-
Une web série sous forme d’articles multimédia mettant en valeur les films produits par la RCPPM29.
-
Des articles multimédias qui présentent des peintures monumentales étudiées par le service de l’Inventaire. Ces articles destinés au grand public, s’apparentent à des expositions virtuelles qui mettent les œuvres en valeur au moyen de nombreuses photographies de professionnels30.
-
Une application de réalité augmentée expérimentée à l’église du couvent des Jacobins de Toulouse, qui révèle aux visiteurs, via leur smartphone ou leur tablette, les peintures murales aujourd’hui disparues ou en très mauvais état de conservation (fig. 26)31.
Fig. 26
Toulouse (Haute-Garonne) ancien couvent des Jacobins, réalité augmentée devant les peintures murales de la chapelle Sainte-Rose de Lima.
Maxime Tolsa © Inventaire général Région Occitanie
-
Une web série en motion design pour découvrir les évolutions stylistiques de la peinture murale en Occitanie à travers l’histoire32.
-
Des posters explicatifs peuvent être mis à la disposition des communes propriétaires lors des chantiers de restauration comme cela a été fait à Lombez (Gers).
41Il existe aujourd’hui une réelle volonté de renforcer la collaboration avec l’université et d’accompagner les étudiants dans leurs travaux de recherche avec a minima une aide logistique en particulier dans le domaine de la photographie professionnelle. Non seulement les clichés illustrent les mémoires mais les travaux des étudiants enrichissent les bases de données mises en ligne. Les meilleurs mémoires peuvent faire l’objet de publications dans les collections régionales.
42Il faut aussi renforcer et poursuivre la collecte de données liées aux peintures monumentales et assurer leur sauvegarde dans la base régionale pour mieux diffuser l’information. Pour ce faire un partenariat avec la RCPPM a commencé sur l’étude des plafonds peints médiévaux, l’archivage pérenne des clichés et leur mise en ligne.
- 33 Annexe 2 : Mécénat de compétence.
43Il reste encore à faire, en particulier en informant mieux les propriétaires publics ou privés des possibilités de financement ou de conseil qui existent et il conviendrait d’encourager le mécénat de compétences33 et de contribuer à la création de chantiers écoles avec l’Institut national du Patrimoine pour accompagner les petites communes dans la conservation restauration de leur patrimoine. Bien évidemment il est souhaitable que ces actions se fassent avec l’aide et la collaboration de la conservation régionale des monuments historiques.