1L’église Saint-Jean-Baptiste de Mazères est une église d’architecture romane qui dépend de la commune de Castelnau-Rivière-Basse, située à l’extrême nord du département des Hautes-Pyrénées. L’édifice est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 22 janvier 1910. À l’issue d’une étude de diagnostic complète de l’édifice réalisée en 20161, il a été reconnu que la conservation des peintures murales qu’il présente n’était pas assurée à court terme. Une première campagne de conservation-restauration de ces peintures murales a alors été menée d’avril à juillet 2019, suivie d’une seconde en septembre 2020. Ces travaux ont été réalisés avec le fort soutien de la conservation régionale des monuments historiques, sachant les moyens de la commune relativement limités. La mise en place de l’échafaudage sur une partie des élévations intérieures de la chapelle a permis d’enrichir la connaissance des peintures murales qui y sont conservées, ainsi que de mieux appréhender la structure du bâti.
- 2 L’équipe de conservateurs-restaurateurs était constituée des membres suivants : Julien Assoun, Mélo (...)
2La maîtrise d’œuvre a été assurée par Guillaume Clément, architecte du patrimoine. Les travaux de maçonnerie et de charpente associés ont été effectués par les entreprises Chevrin-Geli et TMH. Les travaux de conservation-restauration ont été réalisés par le groupement constitué par Diane Henry-Lormelle2.
3Le contrôle scientifique et technique de l’opération a été effectué par Laurent Barrenechea, conservateur régional des monuments historiques, Valérie Gaudard puis Manon Vidal conservatrices des monuments historiques et Jean-Marc Calmettes, ingénieur du patrimoine.
- 3 Pouillé du diocèse de Bigorre, ABADIE, 2004, p. 50.
- 4 CABANOT, 1969, p. 25.
- 5 ABADIE, 2004, p. 49.
- 6 Selon Stéphane Abadie, le toponyme pourrait avoir pour étymologie le terme maceriae, ruines en lati (...)
- 7 LUSSAULT, 1997, p. 128.
- 8 CLÉMENT, op. cit., p .8.
4L’église Saint-Jean-Baptiste se situe en basse vallée de l’Adour. Elle est accompagnée de quelques maisons qui composent le hameau de Mazères (fig. 1), anciennement constitué en paroisse, et mentionné pour la première fois en 13423. Cependant l’église est bien plus ancienne. Jean Cabanot, au regard de la facture des chapiteaux romans de son chevet (fig. 2), a situé la construction de ce dernier aux alentours de 11204. Il est cependant probable que la première fondation de l’édifice soit encore plus ancienne. Cela peut se reconnaître d’une part au regard de sa dédicace, vouée à saint Jean-Baptiste, qui suggère une implantation chrétienne pré-romane5. D’autre part, le toponyme de Mazères paraît désigner des structures préexistantes6, dont l’existence a été confirmée par la découverte de vestiges antiques7. On pourrait également ajouter à ces éléments les trois blocs sculptés d’un même élément de chambranle, réemployés dans la surélévation du chevet opérée au XIVe siècle, et qui semblent appartenir à un ancien monument funéraire8. En dernier lieu, l’église est liée au culte d’une sainte martyre, Libérate, lequel pourrait être associé à la présence d’une nécropole ou d’un monument isolé.
Fig. 1
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; vue générale.
© Guillaume Clément
Fig. 2
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; vue intérieure du chevet.
© Guillaume Clément
- 9 POUSTHOMIS-DALLE et SALVAN-GUILLOTIN, 1997, p. 21.
5La tradition a fait de sainte Libérate la sœur de sainte Quitterie, autre sainte martyre dont les reliques étaient vénérées à proximité dans l’église éponyme d’Aire-sur-l’Adour (Landes). Par étymologie, Libérate a pu également être assimilée à la sainte Livrade vénérée en Agenais, dont la dénomination latine, Liberata, s’avère similaire9.
6Les dispositions actuelles de l’église résultent d’un enchaînement de modifications successives, dont pas moins de huit états principaux ont été identifiés (fig. 3).
Fig. 3
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; hypothèse de cartographie chronologique, plan.
© Guillaume Clément
- 10 Selon l’analyse faite par Nelly Pousthomis-Dalle. POUSTHOMIS-DALLE et SALVAN-GUILLOTIN, op. cit.
- 11 Le mur contre lequel le monument est adossé est recouvert d’un enduit qui vient en recouvrement de (...)
7La construction initiale pourrait avoir été une chapelle dédiée au culte de sainte Libérate. De cette chapelle serait peut-être issu un mur de refend transversal positionné de manière oblique par rapport au reste de l’édifice, et contre lequel est adossé un tombeau reliquaire en maçonnerie (fig. 4). Ce dernier est constitué d’un loculus en dalles de pierre couvert d’une bâtisse tectiforme, le tout posé sur quatre piles maçonnées. Ces piles décrivent un espace en croix, permettant à des enfants de circuler en dessous, voire à des personnes adultes de s’y allonger dans une intention d’incubation avec les reliques de la sainte10. L’ensemble est recouvert d’un enduit lissé lequel est, dans tous les cas, antérieur au XIVe siècle11. Il porte un décor peint à fresque, en monochrome rouge, réalisé dans un style très schématique, reprenant les frises géométriques incisées dans l’enduit, et complétant le dispositif avec des médaillons, un petit personnage, un oiseau, une fausse colonne et des inscriptions indéchiffrables à ce jour. Tous ces éléments semblent reprendre le vocabulaire décoratif que l’on peut retrouver sur des tombeaux antiques. Le tombeau reliquaire mériterait à lui seul une étude spécifique.
Fig. 4
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; tombeau-reliquaire de sainte Libérate.
© Guillaume Clément
8Le chevet actuel de l’église, construit vers 1120, aurait été implanté à l’est de cette chapelle initiale, selon une orientation quelque peu différente (fig. 5). La nef, élevée à la suite du chevet en plusieurs campagnes successives aura fini par englober la chapelle, n’en maintenant que le mur est toujours en place à l’intérieur de l’édifice. Au milieu du XIVe siècle, l’église a fait l’objet d’une importante campagne de fortification, surélevant le chevet d’une tour couronnée de hourds, et fermant la chapelle Sainte-Libérate d’une façade ouest cantonnée de deux échauguettes reliées par un chemin de ronde (fig. 6). Vers 1560, l’église subit l’attaque des huguenots, entraînant des destructions et un incendie d’une grande violence, comme l’atteste en plusieurs points la présence de parements rubéfiés. L’église est relevée après 1569. La nef est alors dotée de voûtes en croisées d’ogive et couverte d’un comble circulable accessible par une large tourelle d’escalier (fig. 7). L’église fait ensuite l’objet de modifications diverses au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, dont le rabaissement de la toiture de la nef et la construction d’une sacristie adossée au chevet.
Fig. 5
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; hypothèse de restitution, état après 1120.
© Guillaume Clément
Fig. 6
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; hypothèse de restitution, milieu du XIVe siècle.
© Guillaume Clément
Fig. 7
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; Hypothèse de restitution, après 1569.
© Guillaume Clément
- 12 Cette disposition se reconnaît également sur les murs gouttereaux de la nef, et signalerait des con (...)
- 13 Cet enduit a probablement été appliqué en même temps que la construction de la surélévation. Il est (...)
9La chapelle Sainte-Libérate (fig. 8) occupe le quart ouest de l’église. Parfaitement isolée de l’église par un mur de refend élevé sur toute la hauteur de l’édifice, la chapelle est accessible depuis la nef par une porte couverte d’un arc segmentaire, dont le vantail peut être fermé depuis l’intérieur. Une autre porte à linteau droit, aujourd’hui murée, permettait également un accès depuis la façade sud de l’église, à proximité du portail d’entrée. Outre le mur de refend précité, la chapelle est délimitée par trois murs de façade, au nord au sud et à l’ouest, faits d’un appareil de blocs en calcaire gréseux de qualité médiocre. Cette construction, qui pourrait remonter au XIIe siècle, s’inscrit dans la continuité des phases de chantier du chœur et de la nef. Elle est homogène jusqu’à une hauteur de 7,2 mètres. Au-delà, les murs ont été surélevés en bancs successifs, au gré de l’avancement des travaux12. Au niveau du mur ouest, se trouve un premier rehaussement situé entre 7 et 9 mètres, constitué d’un blocage de gros galets et de moellons, en grande partie occulté par un enduit intermédiaire13. Il est ensuite surmonté d’un appareillage de petit module, irrégulier, plutôt allongé, de calcaire gréseux jaune. À l’intérieur, sur les murs gouttereaux, la rupture est marquée par un ressaut formé par la présence de deux caniveaux en pierre qui surmontent le parement. Ils étaient destinés à récolter les eaux d’une toiture antérieure à la surélévation.
Fig. 8
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; orthophotograhie de la chapelle, vue depuis le sud-ouest.
Marie Canivet © Bureau d’étude Hadès
10L’élévation sud, non échafaudée lors des présents travaux, n’a pas pu être examinée en partie haute.
11Au niveau du mur nord, le rehaussement se reconnaît également au-dessus du caniveau, en retrait, avec des appareils assez semblables, mais variables en termes de couleur de pierres et de module, ce qui semble indiquer au moins deux phases de chantier consécutives.
- 14 Le décor peint du XIVe siècle recouvre notamment cette surélévation à l’intérieur.
12Ce rehaussement pourrait avoir été opérée lors de la fortification de l’édifice au XIVe siècle, au même titre que les deux échauguettes d’angle reliées par une coursière extérieure, élevées en couronnement de la façade ouest14.
- 15 Les poutres ont été déposées, mais leur emplacement est visible dans la maçonnerie au niveau de rés (...)
- 16 MAPA. G/82/65/2002-035729. Coupe longitudinale, Albert Potdevin, 1909.
- 17 Cette voûte était portée par deux séries de poutres traversantes, la première reprenant ou doublant (...)
13La chapelle est seulement éclairée depuis la façade sud par une fenêtre unique, agrandie au XIXe siècle, les autres faces étant entièrement aveugles. Le volume est aujourd’hui couvert d’une charpente moderne à ferme et pannes. Elle était plus anciennement couverte d’une structure charpentée portée d’est en ouest, dont les réservations des poutres sont encore partiellement en place15. Ces dernières sont complétées au milieu de la chapelle de deux trous au profil oblique qui signaleraient des pièces de renfort inclinées en bois. Cette structure était vraisemblablement le support d’un plafond horizontal lambrissé dont l’empreinte de l’insertion délimite le décor peint de manière très nette (fig. 9). Ultérieurement, la chapelle a été couverte d’une « voûte en bois », observée en 190916 et disparue depuis, mais à laquelle correspondraient les trous d’encastrement en place au droit des murs est et ouest17.
Fig. 9
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Empreinte d’insertion d’un plafond lambrissé.
© Diane Henry-Lormelle
14En partie basse, la chapelle est dépourvue de tout aménagement tel qu’autel ou piscine, mis à part le tombeau reliquaire déjà cité, adossé au mur est, et une banquette en pierre aménagée au droit des trois autres murs.
- 18 Ancienne abbaye située sur la commune de Beaumarchès (Gers) et détruite au XIXe siècle. ABADIE, op. (...)
15En termes de mobilier, la chapelle contient un objet exceptionnel : une châsse en marbre blanc composée d’un coffre décoré d’arcatures trilobées et d’un couvercle tectiforme (fig. 10). Ce dernier était scellé par des agrafes métalliques latérales dont il reste les trous de scellement. Cette châsse, aujourd’hui sur le tombeau reliquaire, était auparavant surélevée sur deux chapiteaux posés tête-bêche, lesquels proviendraient de l’abbaye de la Casedieu18. Son emplacement initial n’est pas connu, mais nos investigations nous font supposer qu’elle était présentée au-devant du mur est, au milieu de l’espace compris entre le tombeau reliquaire et le mur nord de la chapelle. À cet emplacement, une lacune d’enduit révèle la présence d’un dispositif ancien de fixation au mur, avec quatre trous de scellement, rebouchés par la suite, et deux empreintes horizontales, laissées par un élément adossé au mur. La taille de ce dispositif est compatible avec celle de la châsse. Il est intéressant de constater que deux décors peints accompagnaient cet aménagement liturgique. Le premier, soit le plus ancien, n’est pas lisible en l’état, la couche picturale étant trop altérée. On discerne du jaune et du noir, très usés, peints à la détrempe sur une couche d’enduit. Aucune de ces strates ne s’apparente au décor peint du tombeau reliquaire, que nous supposons plus ancien. Le second décor appartient au grand cycle pictural qui orne l’intégralité des murs de la chapelle, daté du XIVe siècle. Nous verrons que l’organisation des scènes historiées tient compte de l’emplacement original supposé de la châsse, en plaçant juste au-dessus une scène d’importance. Notons enfin, que les quatre trous de fixation ont été rebouchés bien après la réalisation des peintures murales, à une époque où l’ensemble de la chapelle est badigeonné de blanc, comme l’attestent les reprises d’enduit qui leur correspondent. C’est sans doute à ce moment que l’on décide de placer la châsse sur le tombeau reliquaire, en détruisant partiellement son couvrement tectiforme.
Fig. 10
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; châsse en marbre blanc de sainte Libérate.
© Guillaume Clément
16La face frontale du couvercle de la châsse porte une épigraphie faite d’onciales gravées sur six lignes, laquelle a été traduite de la manière suivante :
- 19 « VNIV[ER]SIS-PATEAT-Q[VOD]-REVE[RE]NDVS-IN-CHR[IST]O-PAT[ER]-D[OMI]N[VS]-PETRVS-RAMVNDV[S]-DE-MO[N (...)
Qu’il soit connu de tous que le Révérend Père dans le Christ Pierre Raymond de Montbrun, évêque de Tarbes par la grâce de Dieu, transféra de ses propres mains et avec respect le très sacré corps de la vierge et martyre Sainte Libérate du lieu où elle était dans l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste de Mazères au diocèse de Tarbes dans cette châsse, en présence du clergé et du peuple et d’une foule, l’année 134219.
17Ainsi traduit, le texte relate le transfert des restes de la sainte dans la châsse correspondante, vraisemblablement depuis le tombeau reliquaire toujours en place dans la chapelle. L’emphase du texte atteste l’importance de l’évènement, lequel a certainement dû être accompagné d’aménagements conséquents, tels que la réalisation du grand cycle peint sur les murs de la chapelle.
- 20 Cette niche a auparavant été interprétée par Cénac-Moncaut comme un hagioscope destiné à apercevoir (...)
18Notons enfin la présence, à l’extérieur, d’une niche, encastrée et adossée pour moitié à la façade ouest de la chapelle (fig. 11). De plan carré d’environ 1,20 m de côté, elle était fermée par un mur en carreau de pierre et couverte d’une voûte en berceau qui présente encore quelques traces de décors peints. Cet ouvrage pourrait correspondre à un oratoire extérieur destiné à permettre l’intercession à la sainte martyre sans pénétrer dans la chapelle. Il a fait par la suite l’objet d’une profanation intentionnelle, vraisemblablement lors des guerres de religion, comme le signalent ses parois fortement rubéfiées20.
Fig. 11
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; vestiges de l’oratoire extérieur encastré dans la façade ouest de la chapelle Sainte-Libérate.
© Guillaume Clément
- 21 Les peintures de ce dernier ont également fait l’objet de travaux au titre de la présente opération (...)
- 22 Des éléments de fausse tenture ont été retrouvés en partie basse des murs. AUSSILLOUX-CORREA, 2016, (...)
19Les quatre faces intérieures de la chapelle étaient entièrement recouvertes d’un décor peint, lequel s’étendait jusqu’au plafond, sur une hauteur d’environ neuf mètres. Des peintures de même facture couvraient d’autres parties de l’édifice, tel que le portail sud21 ainsi que le chevet, dont un élément a été reconnu par Aude Aussilloux-Corréa lors de l’établissement de l’étude de diagnostic22.
- 23 La couche picturale blanche est très lacunaire mais a été observée lors des investigations. Elle po (...)
- 24 Cette bordure s’observe encore dans l’angle sud du mur est.
20Le décor présente des motifs récurrents mais différents selon les murs. Le mur sud, le plus lacunaire, présente un décor géométrique fait d’un damier en diagonale alternant carrés incolores (ou au décor effacé) et carrés teintés pour moitié d’ocre rouge et d’ocre jaune. Le mur ouest, également lacunaire, est couvert d’un motif de rinceaux blancs sur fond ocre rouge. Les murs est et nord sont couverts d’un troisième motif géométrique plus élaboré, associant des octogrammes ocre-rouge et des croix ocre-jaune, le tout cerné d’un liseré blanc entrelacé (fig. 12). Les octogrammes sont complétés d’un enroulement spiralé, partant d’une feuille centrale et cantonnant un fruit à chaque pointe. La forme tréflée et dentelée de la feuille et la taille des fruits correspondent en tout point à une représentation de fraisier sauvage. Ce motif semble avoir été initialement peint en blanc23 (fig. 13). En tête de mur, le motif était terminé par une bordure ocre rouge délimitée par un même liseré blanc24.
Fig. 12
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, détail du mur nord. Motif géométrique d’octogrammes.
© Guillaume Clément
Fig. 13
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate. Hypothèse de restitution du motif d’octogramme et d’enroulements de fraisier sauvage.
© Guillaume Clément
21Les éléments de peinture monumentale s’inscrivent dans ce dernier motif, et se développent en trois ensembles organisés, déployés au-dessus et à gauche du tombeau reliquaire (fig. 14). Le tout prend assise sur un soubassement cerné par une bordure ponctuée d’écussons sous lesquels pend une tenture feinte.
Fig. 14
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; hypothèse de restitution de l’intérieur de la chapelle Sainte-Libérate et de son décor.
© Guillaume Clément
22Le premier ensemble organisé occupe la surface murale située à l’aplomb du tombeau reliquaire. Il se compose de deux grands cercles posés sur une base marquée de trois écussons inscrits dans des quadrilobes à redents. De part et d’autre de ces derniers sont représentées deux portes plein-cintre en perspective, cernées d’un chambranle blanc. Les cercles sont cernés de plusieurs bandes et filets concentriques mais leur contenu n’est pas reconnaissable.
23Le second ensemble organisé se développe à gauche du tombeau. Il repose sur une frise de quadrilobes complétée de trois marches en perspective représentées à son articulation avec le premier ensemble. Il se compose d’un registre de six arcatures à redents, associées deux à deux, dans lesquelles s’inscrivent des personnages nimbés se faisant face, dont certains tiennent un livre. Les deux arcatures les plus à gauche ont été déployées sur le mur nord en retour d’angle, tel une tapisserie. En partie centrale, le registre est interrompu par un cadre rectangulaire qui cerne une scène contenant deux personnages, dont l’un est agenouillé. Cette scène se situe juste au-dessus de l’emplacement supposé de la châsse. On peut donc imaginer qu’elle lui était associée.
24Le troisième ensemble surplombe les deux précédents en un registre supérieur. Il se compose à minima de deux grandes arcatures en arc brisé à l’extrados orné de crochets. L’arcature de gauche contient une Annonciation dont apparaissent les figures de la Vierge et de l’ange Gabriel tenant un phylactère, séparées par un vase ornementé contenant des fleurs de lys. L’arcature de droite est recouverte d’un épais badigeon dont ressortent les nimbes d’au moins deux personnages.
- 25 Les orthophotographies ont été réalisées par l’agence Hadès en avril 2019.
25Tous ces éléments ne sont pas perceptibles en l’état. Pour préciser la description de ces scènes, nous avons pris le temps de réaliser en clôture de chantier un relevé iconographique des registres historiés, bien qu’ils soient peu accessibles à l’observation (fig. 15 à 20). Réalisé in situ sur tablette numérique, en s’appuyant sur le support graphique des orthophotographies25, il reprend plusieurs marqueurs distincts, dont certains peuvent être sujets à interprétation. Les traits relevés représentent en fonction des cas :
-
Les lignes de démarcation entre deux couleurs sur les zones peintes.
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Les lignes qui nous sont parvenues par le résultat d’altération différentielle de strates superposées. Il s’agit alors de motifs lisibles en négatif, par soustraction de matière.
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Les lignes qui nous sont parvenues par diffusion de matière colorée, à travers les couches de badigeon tel une absorption différentielle du liant.
Fig. 15
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur nord. Localisation du relevé iconographique des scènes historiées.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 16
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur nord. Relevé iconographique des scènes historiées, sur fond d’orthophoto.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 17
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur nord. Relevé iconographique des scènes historiées, sur fond blanc.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 18
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Localisation du relevé iconographique des scènes historiées.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 19
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Relevé iconographique des scènes historiées, sur fond d’orthophoto.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 20
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Relevé iconographique des scènes historiées, sur fond blanc.
© Diane Henry-Lormelle
26C’est sur la base de ce relevé iconographique que nous avons pu élaborer nos restitutions graphiques. C’est une première étape dans la compréhension du programme pictural de la chapelle, qui demandera à être complété en cas de mise au jour des peintures murales.
27L’examen attentif des zones où ce décor est visible, malgré les usures et les lacunes, atteste la grande qualité de l’atelier qui l’a exécuté. La mise en œuvre est particulièrement soignée. Cela se reconnaît en premier lieu dans la préparation du support et dans l’élaboration des motifs. L’enduit est appliqué en journées de travail, délimitées par des jonctions lissées. Il y a une distinction entre les partitions repérées dans les scènes historiées, de taille nettement plus réduite, et qui demandent une exécution plus longue, et celles réservées aux motifs décoratifs répétitifs, de dimensions beaucoup plus grandes. Le lissage de l’enduit y est aussi plus abouti, alors que les zones décoratives arborent une surface parfois rugueuse. Ces différences de traitement démontrent une adaptation de la technique à la monumentalité, mais aussi peut-être, une répartition des intervenants en fonction de leur qualification.
28D’autre part, de nombreuses incisions fines ont été réalisées dans le frais de l’enduit, pour mettre en place les lignes de construction de motifs complexes : fonds losangés, médaillons, arcatures, etc. (fig. 21). Tous ces éléments semblent indiquer une technique à fresque, mais l’observation de la couche picturale contredit en partie cette première impression. Une partie des couches de fond a un aspect minéralisé, mais la plupart des strates intermédiaires ne fait plus corps avec l’enduit. Elles ont sans doute été appliquées à sec. Il s’agit donc probablement d’une technique mixte, associant des éléments de mise en œuvre propres à la fresque, et une mise en peinture finale réalisée à la détrempe. C’est ce qui a sans doute permis aux peintres d’utiliser une palette élargie, avec notamment des pigments de couleur bleue et verte. La qualité de l’exécution se fait aussi sentir dans la maîtrise picturale, faite de superpositions chromatiques, et dans la grande recherche de détails dans l’ornementation. Nous pouvons citer de nombreux exemples, tels que le traitement des fonds des arcatures du second ensemble, faits de damas géométriques proches de l’enluminure (fig. 22), tout comme l’usage d’une certaine perspective. Il en est de même des drapés des personnages, exécutés avec un modelé en camaïeu, tout comme l’emploi de verdaccio pour les carnations (fig. 23).
Fig. 21
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Détail du médaillon de gauche, au-dessus du tombeau reliquaire : des incisions fines ont servi à tracer des cercles inscrits, réalisés à l’aide d’un compas, mais aussi les motifs losangés de la bordure extérieure. Les marquages réguliers à la pointe indiquent le départ des lignes incisées.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 22
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur nord. Détail du motif de damas, du fond de l’arcature, visible uniquement grâce aux réserves dans les plages d’algues vertes.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 23
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Détail de la figure de la Vierge de l’Annonciation, en partie occultée sous badigeons. On distingue les sous-couches des carnations, réalisées au verdaccio.
© Diane Henry-Lormelle
- 26 LANÇON, 2009, pp. 305-310.
29Par ces différentes caractéristiques, il est possible de rapprocher cet ensemble des peintures qui ornent la chapelle Cantobre et la chapelle de Tous les Saints de la cathédrale de Rodez (Aveyron). Exécutées sous l’épiscopat de Gilbert de Cantobre (1339-1349)26 ces peintures permettraient d’attester la contemporanéité du décor mural de la chapelle Sainte-Libérate avec le transfert des reliques de cette dernière dans la châsse en marbre, survenue en 1342, tel que le précise l’inscription.
- 27 La décision a été prise lors de la réunion préparatoire aux travaux, en concertation avec la CRMH, (...)
- 28 En 2016, Aude Aussilloux en charge de l’étude des décors peints n’avait pu accéder qu’à la partie b (...)
30Les deux campagnes de travaux engagées en 2019 et 2020 ont consisté en interventions de consolidation d’urgence, que l’on pourrait plutôt qualifier d’opération de sauvetage. Elles ont eu lieu dans des conditions inhabituelles, avant même que les peintures murales ne soient dégagées de leurs badigeons recouvrant, et alors que la mise hors d’eau et hors d’air de la chapelle n’était pas assurée. Deux paramètres ont pesé dans cette prise de décision : le risque imminent de perte de matière, et l’enveloppe financière allouée à la restauration de la chapelle, très réduite. Elle était si faible par rapport aux besoins, qu’il a fallu faire un choix cornélien, à savoir sélectionner deux élévations sur quatre pour la première tranche de travaux. Au regard de la gravité des altérations ce sont les murs nord et ouest qui ont été choisis27. Les décors peints du portail sud, appartenant à la même campagne, et particulièrement exposés, ont été intégrés à cette intervention. Dans la chapelle, une partie du mur est, en connexion avec le mur nord a été échafaudée pour observation. C’est au terme de cette première campagne que l’organisation du décor peint de la chapelle a été mieux comprise, et que l’on a défini sur une zone de conservation prioritaire en complément du programme préalablement défini, celle-là même qui comportait des éléments iconographiques d’importance que l’on risquait de perdre28. Cette zone correspond à une section verticale, située juste à gauche du tombeau reliquaire, où se trouve la scène de l’Annonciation, et qui a été gravement affectée par un ancien ruissellement. C’est pour traiter cette zone que l’État a engagé une deuxième opération en septembre 2020.
31L’étude diagnostique de 2016 avait parfaitement décrit l’état jugé alarmant des enduits peints. Très décollés de leur support maçonné, ils formaient de grandes poches déformées, avec des vides béants, des fissures, des lacunes, des fragments dissociés et mobiles. Certaines plaques semblaient en « lévitation ». L’enduit de reprise postérieur, également altéré, aggravait localement la situation en ajoutant son poids sur des zones déjà très fragilisées (fig. 24). Sur le mur est, les décollements étaient plus fins, visibles à la surface de l’enduit, qui a été lessivé par d’anciennes infiltrations. Il en résultait un épidermage, accompagné de boursouflures à tous les stades de développement : fermées, ouvertes, partiellement lacunaires, etc. (fig. 25). En éclairage rasant, la surface picturale avait pris l’aspect d’une dentelle effilochée.
Fig. 24
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur ouest. Détail d’une plaque d’enduit peint, décollée de son support maçonné, en partie recouverte de l’enduit de reprise, dont le poids ne fait qu’aggraver la situation et le risque de chute.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 25
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est, au niveau de la scène de l’Annonciation. Détail des soulèvements superficiels de l’enduit peint, consécutifs à un phénomène d’épidermage, qui se développe en boursouflures.
© Diane Henry-Lormelle
- 29 Les infiltrations avaient été soupçonnées mais elles n’ont été avérées que lors de notre présence s (...)
- 30 Les analyses de sels solubles ont été effectuées par le laboratoire Étude Recherche Matériaux de Po (...)
32Ces altérations sont le résultat de conditions environnementales très dégradées. La baie sud est ouverte à tout vent. Le dallage en terre cuite du sol a disparu, laissant place à de la terre battue. Des infiltrations anciennes et d’autres toujours actives29 maintiennent un fort taux d’humidité dans les maçonneries, jusque dans les parties hautes. À cela s’ajoute une teneur en sels solubles assez significative en nitrates30, probablement issue d’une colonisation des combles et des cavités creusées dans les élévations par les oiseaux. Enfin, dans cette ambiance humide, les colonies de microorganismes prolifèrent : algues vertes, lichens, taches noirâtres, etc. L’ensemble des parois est couvert de dépôts organiques colorés, auxquels se mêlent des salissures diverses : toiles d’araignées, amas de fientes, poussière, coulures, de quoi alimenter un biofilm en régénérescence perpétuelle, habité par divers arthropodes. Les parois sentent l’humus, alors qu’en partie haute, ce sont les fientes en décomposition qui prennent le relais.
33À ces conditions de conservation désastreuses, il faut ajouter des interventions humaines qui ont laissé des stigmates sur les murs : dépose de la voûte lambrissée, incisions et accidents, nombreux graffitis en partie basse. La trace la plus évidente de ces désordres est visible dans les arrachages laissés béants au niveau des empochements des poutres. La maçonnerie y est désorganisée, lacunaire, les pierres déjointoyées.
- 31 Cette synthèse stratigraphique ne prend pas en compte les enduits modernes de ciment utilisés en ré (...)
34Notre première approche a été d’identifier les aires de conservation des enduits peints. Cette étape a été effectuée en même temps que le dépoussiérage des parois. Notre étude a été facilitée par une stratigraphie très réduite en nombre de couches, malgré l’ancienneté du bâti. En effet, les strates postérieures au décor du XIVe siècle étaient peu nombreuses : un seul enduit, appliqué en larges reprises en comblement de lacunes, accompagné d’une mise en propreté généralisée de la chapelle, badigeonnée de blanc. Nous situons cette intervention au XVIIIe siècle, en faisant l’hypothèse qu’elle corresponde au changement de couvrement de la chapelle. Ensuite, il n’y aura qu’une à deux passes de badigeons blancs d’entretien. La dernière intervention voit la création d’une figure peinte sur fond bleu sur le mur nord, dont il ne reste que le fantôme en négatif31. De ce premier examen, nous avons réalisé des cartographies précises des délimitations visibles des enduits : ceux précédant le décor du XIVe siècle, ceux identifiés comme support des peintures murales, et ceux qui leur sont postérieurs. Ces relevés (fig. 26) sont un support de documentation nécessaire, qui nous permet de définir la localisation connue ou supposée des enduits peints, d’en estimer les surfaces conservées, de délimiter les zones à investiguer ultérieurement (en sous-couche de l’enduit de reprise), et enfin de déterminer les zones d’intervention.
Fig. 26
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur ouest et nord. Cartographie des enduits sur fond d’orthophotos.
© Diane Henry-Lormelle
- 32 Les formulations et les protocoles d’intervention sont détaillés dans le rapport d’intervention, HE (...)
35Dans un second temps, nous avons réalisé les consolidations d’enduit les plus urgentes, en procédant à partir du bas des parois et en remontant jusqu’aux parties hautes. Il n’était pas envisageable de réaliser de constat d’état exhaustif avant cela, les enduits étant trop fragiles pour être touchés. Nous avons injecté des coulis à prise rapide, formulés sur place, à partir d’un mélange de chaux naturelle hydraulique et de charges micronisées (chamotte, microbilles de verre, carbonate de calcium), pour stabiliser les éléments les plus instables. Les formulations32 ont été adaptées à la profondeur des vides à combler. Les injections ont été effectuées le plus souvent en pression, pour répandre le coulis dans les poches (fig. 27 et 28). Dans les cas les plus délicats (soulèvements superficiels, desquamation), nous avons procédé par infiltration progressive. Après ce premier passage, nous avons pu réaliser une auscultation systématique des élévations accessibles par l’échafaudage, et élaborer une cartographie exhaustive des pertes d’adhérence nécessitant une intervention. En nous appuyant sur cette documentation, nous avons réalisé un second passage de consolidation, afin d’obtenir un niveau homogène de l’état des enduits. Au terme de cette intervention, toutes les consolidations d’urgence ont été effectuées, les consolidations moins urgentes menées à un niveau assez avancé (fig. 29).
Fig. 27
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Consolidation des enduits en cours.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 28
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est. Consolidation des enduits en cours.
© Diane Henry-Lormelle
Fig. 29
Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), église Saint-Jean-Baptiste de Mazères ; chapelle Sainte-Libérate, mur est, au niveau de la scène de l’Annonciation : détail après consolidation.
© Diane Henry-Lormelle
36Malgré la gêne qu’elles pouvaient représenter, nous avons veillé à conserver autant que possible les strates recouvrant les peintures murales. En effet, nous avons considéré qu’elles jouaient un rôle de protection efficace contre les agents d’altération : ruissellements, colonies de lichens et d’algues, poussières, efflorescences salines, etc. L’enduit de reprise n’a été éliminé que ponctuellement, lorsqu’il mettait en danger la conservation des enduits sous-jacents, ou lorsqu’il ne permettait pas d’accéder aux zones à injecter.
- 33 L’étude climatique a été réalisée par le Laboratoire ERM, dont les résultats sont consignés dans le (...)
37Comme nous l’avons vu dans la présentation de la campagne de travaux, le mur est - à l’exception d’une zone restreinte - et le mur sud n’ont pas été touchés, faute de moyens. Il est donc nécessaire de poursuivre les consolidations d’urgence sur ces élévations, et d’y mener les mêmes investigations que celles réalisées sur les murs nord et ouest. À l’issue de ces travaux, nous aurons une vision plus précise des aires de conservation des peintures murales et de leur état sur l’ensemble de la chapelle. En parallèle, des mesures d’assainissement seront indispensables. Les conclusions de l’étude climatique33 réalisée entre juillet 2019 et novembre 2020 sont indiscutables en ce qui concerne les infiltrations en provenance de la toiture et la fermeture de la baie sud, rendant une maçonnerie gorgée d’humidité. Cette humidité ne disparaît que pendant une période assez courte en été. Le reste de l’année, elle maintient une partie des sels solubles en phase dissoute, et assure la cohésion de la matière affaiblie par un phénomène d’adhérence capillaire. Amener la chapelle vers un assainissement progressif est une nécessité. Les premières étapes de cet objectif consisteraient à fermer la baie sud et réparer la toiture.
38Les résultats attendus de cet assainissement sont une atténuation de l’impact des variations climatiques extérieures et une diminution sensible de la teneur en eau des maçonneries. En matière de conservation, les répercussions prévisibles à court terme peuvent être favorables (diminution des contaminations microbiologiques engageant une régression spontanée), ou au contraire défavorables (bascule vers des cycles de cristallisation des sels solubles, en particulier la nitro-calcite, fragilisation accrue des enduits peints). Un plan d’accompagnement et de suivi de l’assèchement de la chapelle doit être mis en place. Dans ce contexte, il nous paraît difficile d’envisager une mise au jour des peintures murales dans les années à venir. La protection des strates de recouvrement (enduit, badigeons) est encore utile. Nous avons beaucoup appris des expériences passées. Dans les années 1970-90, de nombreux grands ensembles de peintures murales ont été découverts. Pour convaincre et obtenir les moyens nécessaires à l’entretien ou la restauration des bâtiments qui les abritaient, on a procédé à des mises au jour systématiques. Les toitures ont été réparées après coup. Le résultat a été une détérioration rapide de ces ensembles devenus très fragiles. Aujourd’hui, nous n’avons plus à démontrer l’importance patrimoniale des peintures murales de la chapelle Sainte Libérate. Nous avons acquis la certitude qu’il s’agissait d’un décor exceptionnel. Cependant, il faudra encore s’armer de patience avant de pouvoir en admirer la splendeur passée.