1Les travaux importants de restauration des décors intérieurs menés depuis 2017 dans l’ancienne cathédrale de Lombez, dans le Gers, (fig. 1) ont permis plusieurs découvertes notables. Un décor du XIVe siècle présent sur les murs les plus anciens de l’église et deux ensembles datés de la fin du XVe siècle sont peints dans les chapelles de l’Agonie et du Sacré-Cœur.
Fig. 1
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale. Extérieur, façade ouest.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
- 1 Hypothèse proposée par Monique Carsalade (CARSALADE 1991, p. 125) et reprise par Noémie Ollier (OLL (...)
- 2 Blason des Comminges : de gueules à quatre otelles d’argent adossées et posées en sautoir.
- 3 Jacques Colonna (1328-1341).
- 4 Voir la traduction du texte faite par le chanoine Clergeac (CLERGEAC 1904, p. 306). Extrait : « …l’ (...)
2Une rapide étude architecturale montre que cet édifice au plan complexe a été construit en plusieurs étapes : de la première église romane seules la base du clocher et la partie inférieure du mur nord, sont conservées et intégrées lors des travaux de reconstruction et d’agrandissement de l’église au début du XIVe siècle1 (fig. 2). En 1317, le pape Jean XXII crée de nouveaux diocèses dont celui de Lombez et l’abbatiale est élevée au rang de cathédrale. Sa reconstruction a certainement débuté avec les deux premiers évêques de Lombez dont les épiscopats furent suffisamment longs. Le premier, Arnaud-Roger de Comminges (1317-1328) issu de la famille des comtes de Comminges2 dont le blason est plusieurs fois sculpté sur les chapiteaux de la salle voûtée au-dessus des fonts baptismaux, de l’escalier du clocher et à la clef de voûte de la première chapelle nord. Il a sans doute entrepris les premiers travaux du début du XIVe siècle. Ceux-ci ont été poursuivis par le deuxième évêque, Jacques Colonna3, ce que confirme un texte de 1346 concernant une convention passée entre le successeur de l’évêque Colonna, Antoine abbé de Fontfroide et son chapitre4. L’« opus novum » qui y est mentionné devait comprendre la façade occidentale, le clocher, le baptistère, la première travée avec la chapelle du Saint-Sépulcre située au sud.
Fig. 2
Plan précisant les différentes étapes de construction et la situation des peintures murales de l’ancienne cathédrale de Lombez d’après le plan de Paul Mesplé (MESPLÉ, Paul p. 297).
Véronique Marill © Inventaire général Région Occitanie
- 5 Voir Ollier Noémie, op. cit. p. 79.
3À la deuxième travée, les armoiries présentent aux clefs de voûte de la chapelle Saint-Jean-Baptiste au sud (de l’évêque Guillaume II de Durfort-Duras datées entre 1363 et 1378) et du vaisseau secondaire du côté nord arborant les armes de Clément VII (1378-1394) prouvent que les travaux se sont poursuivis à la fin du XIVe siècle et durant le XVe siècle. Une période durant laquelle un changement de parti architectural semble avoir été opéré sur cette église qui a la particularité d’être composée de deux vaisseaux d’inégales largeurs terminés chacun par deux absides à cinq pans coupés. Elle allie ainsi deux fonctions différentes avec une nef majeure, plus large, accueillant le chœur liturgique et une nef mineure paroissiale5. Les hésitations dans ce plan de construction sont visibles, entre autres, dans les irrégularités entre les deux premières travées et peuvent expliquer le rétrécissement des nervures de voûte perceptible dans ces dernières (fig. 3) ainsi que dans le changement de forme du chapiteau qui passe, entre la deuxième et la troisième travée, d’une forme presque circulaire à une forme octogonale. Jusqu’alors on supposait que la construction des trois travées suivantes, plus homogènes et moins profondes, se poursuivait jusqu’au milieu du XVe siècle pour se terminer à la fin du siècle par la création des peintures murales récemment découvertes dans les deux chapelles, à la quatrième travée sud et à la cinquième travée nord. Mais au cours du dégagement des peintures du mur ouest de la chapelle de l’Agonie on s’est rendu compte de l’ancienneté du mur nord de l’édifice. En effet, des vestiges d’un décor antérieur au XVe siècle sont conservés dans l’ébrasement d’une ancienne ouverture dégagée en partie (fig. 4).
Fig. 3
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, les premières travées.
Noémie Ollier © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 4
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale. Mur ouest de la chapelle de l’Agonie avec le sondage prouvant l’existence d’un décor peint plus ancien.
© Atelier d’Autan
- 6 DECOTTIGNIES 2021.
- 7 Le verdaccio est le nom italien donné à un fond coloré de teinte verdâtre principalement utilisé po (...)
- 8 ARIBAUD-MONTEIL 1988.
4Le mur ouest, actuellement masqué par l’orgue, conserve un ensemble peint exceptionnel daté du milieu du XIVe siècle6. Toutefois il n’apparaît que de manière éparse au gré des chutes de la couche de badigeon. Deux scènes sont discernables avec comme seule figure identifiable dans chacune d’elle le personnage de la Vierge (fig. 5). L’iconographie reste encore énigmatique. Plusieurs personnages sont regroupés autour d’un catafalque dans la première scène et dans la deuxième un groupe de visiteurs principalement féminins, placés sous un dais, arrivent devant un groupe d’hommes les accueillant. Seule l’analyse stylistique nous a aidé à replacer ce décor dans un contexte artistique plus large. La mise en place du dessin grâce aux tracés dans l’enduit parfois encore visibles, les visages aux traits fins et aux modelés peints sur un fond en verdaccio7, et le traitement de la perspective permettent de faire des rapprochements concluants avec la peinture italo-avignonnaise et plus particulièrement avec les peintures de Simone Martini dont ce décor emprunte les visages doux aux yeux presque bridés, la délicatesse de la palette… Il est très probable que l’artiste de Lombez soit aussi celui responsable du décor peint du tombeau de Bernard de Farges de la cathédrale de Narbonne daté de la 1ère moitié du XIVe siècle, très influencé par des peintres italiens comme par exemple Pietro Cavallini (v. 1240-av. 1330)8. Appartenait-il à la cour qui a accompagné l’évêque Jacques Colonna et le poète Pétrarque lors de leur voyage d’Avignon pour Lombez en 1330 ?
- 9 C’est dans cette chapelle selon Alexandre Du Mège qu’étaient exposées les sept statues en pierre po (...)
- 10 Je remercie Madame Lafitte de l’atelier d’Autan pour ses explications sur le déroulé de ces dégagem (...)
5Un nouveau décor récemment découvert sur les murs de la première chapelle sud du Saint-Sépulcre9 (fig. 6) pourrait compléter cet ensemble du XIVe siècle. À la fin de l’année 2022, une campagne de sondages suivis de dégagements et de consolidations d’urgence ont été entrepris sur ces peintures murales dont l’état est extrêmement lacunaire10. Le décor est principalement conservé sur le mur oriental. Organisées en registres trois scènes sont reconnaissables ; au registre supérieur, une Crucifixion puis au registre médian une Descente de croix et enfin au registre inférieur, à peine identifiable, une Mise au tombeau (fig. 7).
Fig. 5
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, mur ouest. Détail de deux visages féminins de la scène de gauche dont celui de la Vierge.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 6
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Vue d’ensemble du dégagement des registres supérieurs du mur est de la chapelle.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 7
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Vue d’ensemble du mur est.
© Atelier d’Autan
6De la Crucifixion peu de peinture est conservée. On distingue le bas de la Croix, et les trois protagonistes : le Christ cantonné de Marie et de Jean que l’on devine éplorés (fig. 8).
Fig. 8
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Registre supérieur du mur est : la Crucifixion.
Relevé de Sylvie Decottignies d’après une photographie d’Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
7L’image de la Descente de croix, au registre médian, est un peu plus identifiable (fig. 9). L’évocation en est classique avec la Vierge à droite de la Croix, prête à accueillir le corps de son Fils. Au centre est peinte la Croix et sur une échelle, Joseph d’Arimathie recueille le corps du Christ mort pour le présenter à la Vierge. Nicodème comme souvent est peut-être évoqué sur la deuxième échelle, occupé à décrocher le corps, mais l’état de la peinture ne nous permet pas de l’affirmer. Le personnage de saint Jean peint à la gauche de la Croix dans une position maniérée, la main droite sur le cœur, exprime la douleur (fig. 10).
Fig. 9
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Registre médian : la Descente de croix.
Relevé de Sylvie Decottignies d’après une photographie d’Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 10
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Registre médian : la Descente de croix, détail de la figure de saint Jean.
Relevé de Sylvie Decottignies d’après une photographie d’Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
8L’identification de la dernière scène conservée, la Mise au tombeau, est extrêmement complexe tant la peinture est lacunaire. C’est à l’aide d’un relevé fait à partir d’une photographie que l’on peut tenter d’en faire une interprétation (fig. 11). Des lacunes importantes amputent les deux côtés de l’image. Au centre, on reconnait le linceul placé au-dessus du tombeau qui devait être retenu à chaque extrémité par Joseph d’Arimathie et Nicodème aujourd’hui disparus. Dans le fond, seul un personnage féminin auréolé est identifiable, peut-être la Vierge ?
Fig. 11
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Saint-Sépulcre. Registre inférieur : la Mise au tombeau.
Relevé Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie et photographie Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
9Les peintures sont dans un tel état de conservation (buchées, usées, l’enduit décollé), que seule cette description générale de l’iconographie est possible et l’appréciation des caractéristiques stylistiques en est très délicate en raison de l’état de la matière picturale. Les quelques éléments visibles pourraient néanmoins permettre un rapprochement avec les peintures du mur occidental comme la ligne souple des figures par exemple. Une restauration extrêmement soignée pourrait certainement redonner un sens à cet ensemble.
- 11 Il est regrettable qu’une campagne de sondages préalables aux travaux n’ait pas été programmée syst (...)
- 12 Cette restauration n’a malheureusement pas pu être suivie ni documentée par le service de l’Inventa (...)
10La découverte fortuite11 de ces deux peintures murales en 2021 a été suivie d’un dégagement rapide, complété et finalisé en 2022 et accompagné de la consolidation des enduits et de la couche picturale, puis d’une restauration picturale12.
- 13 Je tiens à remercier Mme Lafitte, restauratrice de peintures murales et responsable de l’atelier d’ (...)
11Le choix, commun aux deux chapelles, a été de traiter les trous de boulin d’une manière particulière : certainement afin d’en garder un témoignage archéologique mais créant ainsi une confusion visuelle pour le visiteur. Les trous sont comblés et gardés en retrait de la couche picturale avec parfois un enduit traité d’une couleur plus claire13. Très visibles, particulièrement dans le décor de la chapelle du Sacré-Cœur, ils brouillent, à notre sens, l’image (fig. 12).
Fig. 12
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Trous de boulin et petite niche dans le mur sud.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
12Le traitement des pertes d’enduit importantes est inégal. Ainsi, au lieu de passer optiquement au second plan et de servir de fond au décor peint en accord avec la teinte environnante, ils sont parfois traités d’une teinte plus claire qui peut être gênante pour la lisibilité du décor peint (fig. 13).
Fig. 13
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie, mur est. Exemple d’un enduit très clair et de trous de piquetages non rebouchés.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
13Dans l’une et l’autre chapelle, la couche picturale ne présente pas le même état de conservation.
- 14 Il ne semble pas que des analyses aient été prévues.
14La peinture qui décorait l’ensemble des murs et la voûte de la chapelle de l’Agonie est actuellement très usée. Elle est très fragmentaire, seulement conservée sur les murs nord et est. La polychromie de ce dernier, est composée essentiellement d’ocres, rouges et jaunes14. Les larges tracés noirs du dessin complètent la palette.
15Les usures ne sont pas toutes réintégrées, tous les petits trous de piquetages du mur est ne sont pas rebouchés. Visiblement aucune retouche n’a été entreprise sur ces peintures toujours très usées.
16Dans la chapelle du Sacré-Cœur, les peintures semblent circonscrites au mur sud et à la voûte. La palette colorée y est plus nuancée et variée ; des rouges et du vert s’ajoutent aux habituelles couleurs ocres. Aujourd’hui, deux registres sont conservés, l’image y est très altérée par les nombreuses pertes d’enduit, trous de buchage surtout au registre supérieur. Les manques et les usures sont plus présents au registre inférieur. On remarquera ces différences étonnantes de technique et de conservation entre les deux registres qui peuvent être explicables par la possible présence d’un plancher placé entre les deux registres.
- 15 Tratteggio : procédé mis au point en Italie et consistant en une juxtaposition de traits verticaux (...)
17Les usures sont ponctuellement réintégrées à l’aide de glacis légèrement colorés (fig. 14). Les nombreuses lacunes (trous de buchage) sont traitées à l’aide d’un tratteggio15 irrégulier aux teintes soutenues (fig. 15). L’ensemble en a perdu de sa netteté et l’on observe un contraste saisissant entre les deux registres peints qui n’est pas expliqué.
Fig. 14
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Traitement des usures et lacunes.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 15
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Détail des spectateurs assistant au martyre de saint Pierre. Avant et après la restauration picturale et la réintégration des lacunes à l’aide d’un tratteggio.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
- 16 On relèvera que les restaurateurs avaient signalés ce problème de compréhension et de lisibilité po (...)
18Au vu du résultat final il est difficile de comprendre quel parti a été choisi. La retouche est la dernière opération prévue lors du chantier de restauration d’une peinture murale. Elle doit redonner à l’image une part de netteté ainsi qu’une unité de la forme pour lui assurer une meilleure lisibilité tout en respectant l’œuvre originale. Sur ce décor, la retouche semble incomplète par endroit et excessive à d’autre, et affaiblit l’image. Ce qu’elle offre en intensité à la peinture, elle lui retire en précision de lecture et en qualité plastique16. On peut regretter que la phase essentielle de valorisation et de médiation qui devrait clôturer chaque chantier de restauration n’ait pas été prévue pour informer et faire comprendre au plus grand nombre cette découverte exceptionnelle et les choix de restauration qui ont été faits.
- 17 Écartelé, aux 1 et 4 d’argent à la croix de gueules, aux 2 et 3 de gueules à un besan d’argent. Arm (...)
- 18 La nouvelle reine de France fut sacrée à Saint-Denis le 08 février 1492. SARAMAN, 1921.
19Dès l’entrée de la chapelle nous sommes interpellés par les armoiries peintes de part et d’autre de l’arc d’entrée : à l’ouest, les armes de Jean III de Bilhères-Lagraulas évêque de Lombez de 1473 à 149917 ; à l’est, les armes de la Bretagne surmontées de celles du roi de France (fig. 16). Ces armoiries pourraient rappeler le rôle essentiel tenu par l’évêque-ambassadeur pour mener à bien les négociations auprès du pape pour obtenir la dispense nécessaire au mariage royal entre Charles VIII et Anne de Bretagne en 149118.
20Le décor armorié est surmonté par deux têtes grimaçantes étonnantes dont le regard est tourné vers l’intérieur de la chapelle où se concentre le décor très altéré par les transformations des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (fig. 17).
Fig. 16.
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Armoiries de chaque côté de l’entrée : à l’ouest, les armes mitrées de Jean III de Bilhères-Lagraulas évêque de Lombez de 1473 à 1499 ; à l’est, les armes de la Bretagne surmontées de celles du roi de France.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 17
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Tête grimaçante du côté est.
© Atelier d’Autan
21Seuls les registres médians des murs nord et est conservent encore des peintures assez complètes pour être identifiées.
22À gauche de la fenêtre du mur nord, sont peints deux hommes, dont l’un est agenouillé. Ils sont accompagnés de leurs chiens (fig. 18). À droite, une femme prie devant un évêque dont on voit seulement une partie de la crosse. Un cochon menacé par un loup aux crocs inquiétants est peint au premier plan (fig. 19). Deux épisodes de la vie de saint Blaise de Sébaste sont probablement évoqués ici car d’après la Légende dorée19, l’évêque Blaise, pour échapper aux persécutions de Dioclétien, gagna une caverne où il vécut en ermite avec des bêtes sauvages qu’il avait apprivoisées. Découvert par des chasseurs, il fut ramené au gouverneur. En chemin, il fit de nombreux miracles dont celui d’obliger un loup qui avait ravi le cochon d’une pauvre femme à le lui restituer.
Fig. 18
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Chasseurs et leurs chiens, après restauration.
© Atelier d’Autan
Fig. 19
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Femme en prière face à saint Blaise accompagnée de son cochon et du loup menaçant.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
23Le cycle se poursuit au même registre sur le mur est par trois autres épisodes de la vie de saint Blaise plus ou moins lisibles car en grande partie détruits par l’agrandissement d’une baie (fig. 20). À gauche, deux personnages semblent pousser devant eux une troisième figure vêtue d’un long vêtement : peut-être saint Blaise amené en prison (fig. 21) ?
Fig. 20
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Relevés de l’ensemble des décors du côté est.
Sylvie Decottignies, Patrick Roques © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 21
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Saint Blaise emmené en prison et emprisonné.
Relevé Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
24Dans la scène suivante, le saint est emprisonné. Il sort sa tête par une petite fenêtre et semble bénir la femme peinte devant lui dont seul le bas du vêtement est conservé (fig. 22). La légende raconte que le gouverneur, ne pouvant obtenir de saint Blaise qu’il sacrifiât à ses dieux, le fit jeter en prison où la pauvresse dont il avait sauvé le cochon lui apporta un plateau sur lequel étaient offerts la tête et les pieds du porc rôtis.
Fig. 22
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Détail, saint Blaise emprisonné. Avant et après restauration.
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
25Au registre inférieur, la peinture extrêmement usée est très difficile à comprendre. Du côté droit, on distingue un groupe de femmes auréolées désignant les deux hommes encore visibles à gauche de la scène : un évêque et un roi (fig. 23).
26Cette scène pourrait figurer l’épisode de saint Blaise qui, après avoir été martyrisé avec des peignes de fer, voit ses gouttes de sang recueillies par sept femmes qui, refusant de croire aux dieux devant Dioclétien, furent plusieurs fois condamnées et miraculées pour finir décapitées. On peut envisager qu’elles sont ici représentées au moment de leur protestation devant le roi et le saint, mais cela reste une hypothèse.
Fig. 23
Lombez (32) cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle de l’Agonie. Détail, côté des femmes. Avant restauration.
Photographie Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie ; relevé Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
27Bien que la majorité du décor peint de la chapelle de l’Agonie ait disparu, cette découverte par sa datation amenée par les armoiries peintes est très importante. Le choix iconographique de peindre un cycle lié à la vie de saint Blaise est moins original car ce saint populaire connait à partir du XVe siècle un renouveau d’intérêt, en Espagne sur de nombreux retables sculptés mais aussi en Gascogne sur les murs de l’église de Saint-Antoine (Gers)20 toute proche de Lombez (fig. 24).
Fig. 24
Saint-Antoine (32), église Saint-Antoine, mur nord de la 3e travée. Cycle de saint Blaise peint au début du XVIe siècle.
Jean-Marc Stouffs © Inventaire général Région Occitanie
28Les armoiries célèbrent donc un épisode important de la vie de Jean III de Bilhères-Lagraulas qui fut l’ambassadeur de Louis XI puis de Charles VIII qui le chargea de négocier auprès du Pape la dispense nécessaire à son mariage avec Anne de Bretagne pourtant promise au sire d’Albret en 1484. L’accord est obtenu à la fin de 1491, Jean III est encore évêque, il devient cardinal en 1492. Les peintures pourraient donc être contemporaines de cette fin de XVe siècle et commémorer l’implication de ce personnage devenu un des plus puissants prélats du royaume. L’embellissement de l’édifice est poursuivi par le neveu de Jean III (Denis de Bilhères de Lagraulas, 1499-1510) qui lui succède au début du XVIe siècle et commande les vitraux où l’on retrouve, sur une baie du chœur, les armes de Jean de Bilhères, surmontées du chapeau de cardinal de l’écu portant en plus les armes de l’abbaye de Saint-Denis brochant sur le tout (fig. 25).
Fig. 25
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chœur. Détail du bas de la baie 0 avec les armoiries.
Philippe Poitou © Inventaire général Région Occitanie
- 21 Un fragment de décor est conservé dans la partie sommitale du mur ouest.
- 22 OLLIER vol. 1, p. 89 et 92.
29À la voûte, l’évocation traditionnelle des quatre évangélistes a été visiblement très repeinte avant le XIXe siècle, avec les contours retracés en noir et les encadrements réinventés par un épais tracé rouge (fig. 26). Seul le mur sud possède encore un décor suffisant présenté sur deux registres séparés par une inscription qui reste encore illisible car très partielle21. Au registre supérieur, deux scènes sont mutilées par l’ouverture postérieure de la baie (fig. 27). Les chapelles du côté sud ont été construites à la fin du XIXe siècle, jusqu’alors il y avait à la place « une sorte de déambulatoire longeant les vestiaires des chanoines et la sacristie22 ». Ce qui pourrait expliquer qu’il n’y ait pas de décor peint conservé sur les murs est et ouest.
Fig. 26
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Ensemble de la voûte et détail d’un voûtain, un évangéliste.
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
Fig. 27
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Photographie et relevés de l’ensemble des décors du côté sud.
Photographie après restauration © Atelier d’Autan et relevé Sylvie Decottignies, Patrick Roques © Inventaire général Région Occitanie
30À droite, devant une architecture, un homme âgé auréolé et vêtu d’un manteau blanc accueille un personnage dont seul le bas du corps est conservé. Il est vêtu de rouge et désigne l’homme face à lui. Entre les deux protagonistes on pourrait voir peinte une idole sur une colonne (fig. 28). Des petits personnages richement vêtus complètent la scène ; des commanditaires ou les gardiens de saint Pierre : Procès et Martinien ? Peut-être une manière originale de réunir deux scènes apocryphes empruntées à la Légende dorée : l’Accolade de saint Pierre et saint Paul à Rome devant la représentation associant l’Ascension et la chute de Simon le magicien figuré sous la forme d’une idole, figuration d’autant plus plausible qu’il est considéré comme le père de toutes les hérésies.
Fig. 28
Lombez (32), cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Évocation d’une idole sur une colonne ?
Amélie Boyer © Inventaire général Région Occitanie
31Du côté gauche, le martyre de saint Pierre est évoqué (fig. 29). Sous une arcade deux personnages en sont témoins : un moine vêtu de noir et un roi couronné (Néron ?). Devant eux se trouve un homme vêtu de rouge portant un chapeau étonnant et un tau (le préfet Agrippa ?). À Rome, les officiers de Néron ayant arrêté Pierre pour prêche après qu’il ait confondu Simon le magicien, le menèrent devant le préfet Agrippa qui le condamna à être crucifié. À sa demande, Pierre fut crucifié la tête en bas car il s’estimait indigne de mourir de la même façon que son Maître, Jésus. Il n’a pas les mains liées à la croix mais clouées.
Fig. 29
Lombez (32) cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Relevé du registre supérieur du mur sud : scènes du martyre de saint Pierre.
Sylvie Decottignies © Inventaire général Région Occitanie
32Une inscription non identifiée car très fragmentaire sépare les deux registres.
33L’iconographie de la scène du registre inférieur reste encore mystérieuse. Du côté gauche, devant un petit personnage, un homme tire quelque chose en s’aidant d’une corde passée sur ses épaules. Devant lui on devine trois dos d’animaux, tous se dirigeant vers la partie centrale qui a disparue. À droite, une foule chapeautée est spectatrice de la scène du premier plan montrant des hommes semblant penchés devant un corps. Cet épisode est très difficile à identifier car très usé et fragmentaire (fig. 30).
Fig. 30
Lombez (32) cathédrale Sainte-Marie, actuellement église paroissiale, chapelle du Sacré-Cœur. Vues du registre inférieur, côtés droit et gauche.
© Atelier d’Autan
34La datation de ces décors, précise pour celui de la chapelle de l’Agonie, est confirmée pour l’ensemble des deux chapelles par l’étude stylistique. Le dessin aux traits très présents, les vêtements et coiffures sont typiques de la mode du XVe siècle comme les jeunes femmes portant les cheveux lâchés sur les épaules, ou plus âgée avec un voile et un gorget (voir la femme figurée dans la scène de saint Blaise sauvant le cochon). Quant aux hommes (principalement dans la chapelle du Sacré-Cœur), ils portent des chapeaux aux bords retournés, un surcot serré par une ceinture ou pour les personnages plus importants un manteau long bordé de fourrure (comme le roi Néron de la scène du martyre de saint Pierre). La graphie de l’inscription en minuscules gothiques et le vocabulaire décoratif utilisé (comme les petites baies gothiques ornant le décor d’architecture…) confirment que ce décor appartient bien à un élan artistique général que l’on retrouve dans d’autres ensembles peints stylistiquement très proches, comme à Sainte-Dode (Gers), Saint-Antoine (Gers) ou dans la chapelle du château de Serres à Labessière-Candeil (Tarn) par exemple, tous datés de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle.
35L’importance des découvertes récentes à la cathédrale de Lombez témoigne de la volonté constante, depuis le XIVe siècle, d’embellir cet édifice ; avec des commandes de peintures murales mais aussi de vitraux, de statuaire, et de mobilier…