- 1 Je remercie madame Conte et monsieur Pierron pour leur accueil et pour toutes les facilités qu’ils (...)
- 2 HENRY-LORMELLE, 2012.
1Les récents travaux d’aménagement du château de Larnagol (fig. 1) ont permis de mettre au jour, dans la salle située au quatrième niveau de l’aile sud-est du bâtiment, des peintures murales remontant à l’époque médiévale (fig. 2)1. On pouvait suspecter l’existence de ce décor peint en raison d’un fragment conservé dans l’écoinçon d’une fenêtre géminée, fortement restauré après la réouverture de cette dernière en 2001 et représentant un centaure armé d’une lance. Cependant, les sondages qui avaient été effectués en 2012 par la restauratrice Diane Henry-Lormelle n’avaient donné aucun résultat2.
Fig. 1
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; vue générale avec la présence d’une baie géminée médiévale au troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
Fig. 2
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; vue des murs nord et ouest de la salle peinte du troisième étage après dégagement et avant restauration.
© Térence Le Deschault de Monredon
2Ce n’est qu’au printemps 2021 que de nouveaux vestiges de peintures murales, contemporains du centaure de la baie orientale, furent découverts fortuitement et que de nouveaux sondages furent effectués par la restauratrice Marie-Lys de Castelbajac3. Ces sondages ont permis de dégager sur les murs nord et ouest un décor couvrant à thématique héraldique, ainsi que les beaux restes d’un paon dans l’écoinçon d’une seconde fenêtre géminée ouverte dans le mur sud, jusqu’alors entièrement murée.
3Dans son Étude archéologique datant de 2000, Valérie Rousset propose un rappel historique dont la principale source concernant la seigneurie de Larnagol aux XIIIe et XIVe siècles est l’ensemble de notes prises par le chanoine Edmond Albe en vue de la rédaction de son Dictionnaire des paroisses du diocèse de Cahors, lequel ne vit finalement jamais le jour4. Ces notes, interrompues par la mort du chanoine en 1923, furent transcrites et sont accessibles en ligne5, malheureusement dépouillées de toutes leurs références aux sources archivistiques.
4Selon le chanoine Albe, les premières mentions de la seigneurie de Larnagol remontent à 1215, lorsque Bertrand de Cardaillac prêta hommage à Simon de Montfort pour ce castrum et ses terres. Toutefois, il mentionne encore deux autres familles dont les noms apparaissent en lien avec Larnagol durant le XIIIe siècle. Il s’agit de la famille de Barasc et de Larnagol. On ne comprend toutefois pas bien quel est leur statut.
5Edmond d’Albe écrit qu’à partir du XIVe siècle, la seigneurie de Larnagol appartient à la famille de Calvignac et qu’en 1329, Déodat de Calvignac prête hommage à l’évêque (de Cahors ?) pour Neule. Le prénom Déodat est également porté par les Barasc, ce qui pourrait signifier que les deux familles sont parentes. En effet, Guillaume de Calvignac semble avoir épousé Alasie de Barasc. De ce mariage est issu Dorde (ou Déodat) de Calvignac, dont la fille se prénomme également Alasie.
6À partir du milieu du XIVe siècle, la famille de Caussade de Puycornet succède aux Calvignac, après que Raymond de Caussade se soit marié, vers 1340, à Alasie de Calvignac, fille de Dorde. La seigneurie de Larnagol demeura dans la famille de Caussade jusqu’au XVIe siècle.
- 6 LE DESCHAULT DE MONREDON, 2015.
7Nous sommes donc en présence, dans le château de Larnagol, d’un décor peint dont la commande est attribuable à une famille noble locale. Par conséquent, il est intéressant d’étudier ce décor en le comparant au maigre corpus de peintures murales civiles figuratives que nous conservons en Europe6 et d’évaluer ainsi en quoi il se conforme à des modèles de l’époque et en quoi il se singularise des œuvres connues à ce jour, en particulier dans la région.
8Les murs sont couverts d’entrelacs géométriques formant des quadrilobes à redents au sein desquels sont mis en valeur des écus armoriés (fig. 3). Trois registres de quadrilobes à blasons sont encore visibles et ils se développent à environ 1,15 m du sol actuel (dont le niveau n’a pas beaucoup changé depuis le Moyen Âge), probablement au-dessus d’une fausse tenture dont on devine quelques plis sur le mur nord. Les espaces laissés entre les médaillons du registre supérieur et du registre médian sont comblés par un motif de quatre palmettes adossées, deux rouges et deux jaunes. Il semble que les espaces correspondants entre le registre médian et le registre inférieur soient systématiquement occupés par des personnages hybrides. Ainsi, sur le mur occidental, entre la cheminée et la porte, apparaît une figure à buste d’homme et à corps animal, dotée de pattes et d’une longue queue (fig. 4). Elle tient une épée dans sa main droite, dont la lame passe derrière sa nuque. Au même registre, sur le mur nord, à gauche du placard mural médiéval, se distingue également un personnage, d’apparence plutôt féminine et sans doute également doté d’un corps animal à partir de la taille (fig. 5).
Fig. 3
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Relevé au trait du décor des murs nord et ouest de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
Fig. 4
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Photo et relevé au trait du décor du mur ouest de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
Fig. 5
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Photo et relevé au trait du décor du mur nord de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
9Les personnages hybrides font partie du répertoire décoratif courant dans la première moitié du XIVe siècle. On les trouve aussi bien en peinture murale, en sculpture, dans les livres enluminés ou encore les émaux et sur certaines pièces de mobilier comme les coffrets (fig. 6). Ils sont tellement répandus que leur signification, encore bien présente dans certains contextes particuliers, associant à la partie humaine et raisonnable du haut du corps, les pulsions animales de la partie inférieure du corps, disparaît dans la plupart des cas pour ne devenir qu’un motif amusant et décoratif, précurseur des grotesques de la Renaissance. À Larnagol, ces figures animent l’espace entre les quadrilobes dans lesquels se situe la partie la plus importante – car la plus significative – du décor, c’est-à-dire les écus armoriés qui mettent en valeur le propriétaire des lieux tout en rappelant ses alliances. Mais avant d’aborder l’étude des blasons, il convient de s’arrêter un instant sur l’analyse des écoinçons des baies géminées de la salle, qui, eux aussi, comportent des figures.
Fig. 6
Viviers (Ardèche), maison Mirabel ; personnage hybride armé d’une épée, première moitié du XIVe siècle.
© Térence Le Deschault de Monredon
- 7 À titre d’exemple, voir : MARTINEZ DE LAGOS FERNANDEZ, 1993.
10Dans la baie du mur oriental, la mieux conservée, apparaît un centaure armé d’une lance et d’un bouclier (fig. 7). Il devait certainement faire face à un autre être hybride situé dans la seconde fenêtre du même mur, peut-être une sirène, car le combat du centaure et de la sirène constitue un thème très fréquent dans l’art médiéval7. Toutefois, les artistes représentent traditionnellement le centaure comme un sagittaire, c’est-à-dire armé d’un arc, et ce depuis l’Antiquité. La représentation du centaure armé d’une lance à Larnagol sort donc de l’ordinaire.
Fig. 7
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Centaure : photo et relevé au trait du décor de l’écoinçon de la fenêtre géminée ouvrant dans le mur est de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
- 8 Le paon est un symbole de renaissance étroitement lié à la lumière divine. Voir notamment DEMÈS, 20 (...)
11Le dégagement de la fenêtre médiévale qui s’ouvre dans le mur sud a également mis au jour un magnifique paon, de face, faisant la roue (fig. 8). Comme dans le cas du centaure du mur oriental, l’animal se détache sur un fond sombre qui devait accentuer l’effet de contre-jour naturellement provoqué par l’emplacement choisi et rendre les couleurs vives de la figure (jaune, rouge, blanc, bleuté) encore plus éclatantes. Il est significatif que le peintre ait choisi de placer dans la baie ouvrant vers le sud, par laquelle entre le plus de lumière dans la journée, le symbole solaire que constitue ce paon dont le plumage de la queue, au lieu de respecter les couleurs bleutées naturelles, est ici représenté de façon rayonnante en jaune avec des ocelles blancs8. Une reconstitution de la fenêtre comme elle devait apparaître au XIVe siècle permet de se faire une idée de l’impression d’illumination que pouvait procurer ce motif ainsi disposé (fig. 9).
Fig. 8
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Paon : photo et relevé au trait du décor de l’écoinçon découvert dans l’ancienne fenêtre géminée, aujourd’hui murée, ouvrant dans le mur sud de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
Fig. 9
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Proposition de reconstitution de l’ancienne fenêtre géminée, aujourd’hui murée, ouvrant dans le mur sud et de son décor peint.
© Térence Le Deschault de Monredon
12À cause de son plumage splendide, le paon était considéré au Moyen Âge comme un symbole d’orgueil9. Mais il est plus probable que, dans le cas du château de Larnagol, on ait voulu insister sur l’aspect majestueux, noble et solaire de l’animal et sur une autre signification symbolique héritée de l’Antiquité tardive qui en fait une évocation de la renaissance ou de la résurrection, en raison du plumage de sa queue qui se renouvelle chaque année. C’est avec cette signification qu’il apparaît déjà dans les catacombes chrétiennes, puis dans les églises paléochrétiennes et encore à la fin du XIIIe siècle sur les mosaïques de l’abside de Sainte-Marie-du-Trastevere, à Rome (fig. 10). Ici, chez un seigneur de la moyenne noblesse, cet oiseau rare qui servait d’ornement dans les ménageries princières et parfois sur les tables des plus riches banquets, sert probablement à revendiquer un rang supérieur à celui du maître des lieux. En effet, il est fréquent que les membres de la noblesse cherchent à imiter les plus grands princes de leur temps et si le seigneur de Larnagol n’avait peut-être pas les moyens d’agrémenter ses jardins de magnifiques paons, il rendait présent ce bel oiseau par la peinture, indiquant ainsi à ses hôtes qu’il connaissait toutes les marques d’une cour raffinée.
Fig. 10
Rome (Italie), basilique Sainte-Marie du Trastevere ; décor de mosaïques de l’abside comportant des paons dans des rinceaux.
© Térence Le Deschault de Monredon
13Aujourd’hui (2023), le décor du château de Larnagol a été restauré par les soins de Marie-Lys de Castelbajac. Seuls les éléments visibles sur le mur ouest ont été laissés à découverts. Les peintures du mur nord sont aujourd’hui cachées derrière une cloison, mais elles ont été refixées et sont conservées à l’abri. Le centaure de l’écoinçon de la fenêtre du mur oriental a été nettoyé de ses repeints et reste visible, tandis que le paon de la fenêtre méridionale n’a pas pu être laissé visible pour des raisons structurelles.
- 10 Je remercie le spécialiste de l’armement médiéval Nicolas Philippe-Baptiste pour les indications qu (...)
14Si l’on revient au contenu des quadrilobes, on y distingue des écus posés en biais, dont certains sont surmontés de heaumes à visière mobile, ce qui devait, à l’origine, être le cas pour chacun d’eux (fig. 11). Les caractéristiques de ces heaumes (timbre conique et visière plate) permettent d’affirmer qu’il s’agit des premiers modèles de heaumes à visière mobile dont l’invention remonte aux alentours de 133010. Notons qu’il s’agit d’un modèle dont on ne conserve pas d’exemple archéologique et dont les apparitions iconographiques sont rares, ce qui a pu faire douter de son existence. Les occurrences de ce modèle dans le décor de Larnagol, répétées avec précision, constituent donc un précieux témoignage du point de vue de l’histoire de l’armement.
Fig. 11
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; Centaure : photo et relevé au trait d’un écu surmonté d’un heaume à visière plate caractéristique des alentours de 1330 dans la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
15Par ailleurs, les deux personnages hybrides portent des vêtements décolletés et l’un d’eux, armé d’une épée, est très probablement un homme. Or le décolleté dans le vêtement masculin est caractéristique d’une mode qui commence dans les années 1320 et se poursuit, suivant les régions, jusque dans les années 1330.
- 11 SOURNIA et VAYSSETTES, 2002.
- 12 Pour les datations de ces différents décors et les éléments de mode vestimentaire, je me permets de (...)
16Les quadrilobes à redents dotés de nœuds au sommet des parties arrondies apparaissent déjà à la fin du XIIIe siècle dans un décor peint de Montpellier11, mais se trouvent encore dans les années 1340 dans le décor d’une maison de Villefranche-de-Rouergue (fig. 12). Quant aux palmettes à feuilles grasses, repliées sur elles-mêmes pour former un triangle au sommet arrondi, elles apparaissent fréquemment dans la première moitié du XIVe siècle, notamment à Charlieu, Pernes-les-Fontaines (fig. 13), ou encore, de manière plus stylisée, dans la maison Gaugiran de Cordes-sur-Ciel12.
Fig. 12
Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), décor d’une maison de la ville, fragment déposé au musée municipal ; écus armoriés dans des quadrilobes à redents liés par des nœuds.
© Térence Le Deschault de Monredon
Fig. 13
Pernes-les-Fontaines (Vaucluse), tour Ferrande ; exemple de frise de palmettes à feuilles grasses comparables à celles du décor peint du château de Larnagol (entre 1323 et 1331).
© Térence Le Deschault de Monredon
17Si l’on en croit le chanoine Albe, on se situerait donc à l’époque où les Calvignac détenaient la seigneurie de Larnagol. Sont-ils pour autant les commanditaires du décor du château ? Si, en l’état actuel des découvertes, cela semble probable, leur blason n’est toutefois pas identifiable à coup sûr parmi les quelques armoiries reconnaissables.
- 13 Le décor de la rue Nationale à Cahors est encore inédit, mais celui de Bruniquel a fait l’objet d’u (...)
- 14 Voir dans ce volume l’article de Léa GÉRARDIN-MACARIO et de Sandrine RUEFLY. Parmi les décors peint (...)
- 15 DE BOOS, 1991 ; MOREL, 2019, p. 78.
18Avant d’aborder la description des blasons, rappelons que les décors héraldiques – c’est-à-dire les décors dont le sujet principal se compose d’une grande série d’écus armoriés – sont assez rares en France et a fortiori dans le Sud-Ouest. En effet, si l’héraldique est très souvent présente dans les décors peints des maisons médiévales (et les récents exemples découverts à Cahors et Bruniquel le confirment13), il est plus rare qu’elle prenne une telle ampleur. Les écus armoriés, même s’ils constituent l’élément principal du décor, sont généralement cantonnés à une frise courant sous le plafond ou le long de la charpente, comme c’est le cas dans les châteaux de Ravel (Puy-de-Dôme), de Châtillon-sur-Indre (Indre) ou encore, plus proche de Larnagol, dans une maison de Bruniquel (Tarn-et-Garonne), dont le décor précédemment cité est traité dans ce volume14. En revanche, lorsqu’ils sont conservés, les plafonds peints peuvent recevoir d’importants déploiements héraldiques, comme dans la salle de la Diana, à Montbrison ou encore sur le plafond peint du Doyenné de Brioude daté vers le dernier quart du XIIIe siècle15.
19En revanche, la présentation des écus inclinés et surmontés d’un heaume est inédite dans la région et, à ma connaissance, dans les limites actuelles de la France à une date aussi précoce16. Il s’agit d’un cas extrêmement curieux, qui ne semble pas inspiré de l’Angleterre, comme on pourrait le penser en raison de la présence de troupes anglaises dans la région à cette époque, mais qui rappelle en revanche des œuvres contemporaines produites dans le domaine germanique. Ainsi, on repère une telle disposition sur le Rôle d’armes de Zurich, armorial daté entre 1330 et 134517 ou encore dans le fameux Codex Manesse, dont la composition s’étale des environs de 1310 aux environs de 134018. Cependant, cette manière de faire ne semble pas s’imposer hors des frontières de l’Empire avant la fin du XIVe siècle où elle devient très fréquente.
20La présence d’écus armoriés dans un décor peint constitue toujours un élément très intéressant à étudier, car il fournit au chercheur des noms de familles ou de personnes, dont l’une d’entre elles est généralement le commanditaire du décor, tandis que les autres sont ses alliés ou les seigneurs importants des contrées voisines. Dans certains décors, l’écu du propriétaire des lieux est facilement repérable parce qu’il est le seul à être répété (comme dans les cas de Montpellier et d’Avignon, précédemment cités). À Larnagol, l’état fragmentaire des découvertes et les lacunes picturales rendent difficiles la lecture et l’interprétation des armoiries peintes. Sur les quatorze médaillons que l’on devine encore, seulement neuf comportent les traces d’un écu et l’on ne peut avancer une lecture que pour six d’entre eux (fig. 14).
Fig. 14
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; numérotation des écus armoriés sur le relevé au trait du décor de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
- 19 ESQIEU, 1907, p. 15.
- 20 PRAT, 1948-1950, p. 1-26, n° 4 et 5.
21L’écu n° 1 peut se blasonner d’or à trois fasces de gueules ou peut-être fascé de gueules et d’or (fig. 15). En 1415, un Balaguier porte fascé de gueules et d’or19, mais en 1256, Gaillard de Balaguier porte de... à la bande de... à la bordure componnée de... et en 1300, Bertrand de Balaguier, co-seigneur de Cajarc et de Capdenac, porte de... à une bande de…20 Les armoiries de la famille de Balaguier, seigneurs du village voisin de Salvagnac, pourraient donc plutôt se trouver sur l’un des blasons n° 5, 7 ou 10.
Fig. 15
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 1 (d’or à trois fasces de gueules ou plutôt fascé de gueules et d’or).
© Térence Le Deschault de Monredon
22Le blason n° 2 est illisible. On y distingue un dessin au trait rouge qui semble indiquer que l’écu n’était pas chargé d’une pièce, mais d’un meuble, c’est-à-dire non pas d’une figure géométrique, mais du dessin stylisé d’un objet ou d’un animal (fig. 16).
Fig. 16
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; écu armorié n° 2, illisible.
© Térence Le Deschault de Monredon
23Le blason n° 3 est illisible.
24Le blason n° 4, qui est situé à l’angle des murs ouest et nord, semble être un parti de gueules et d’argent (ou d’or). Il est possible que les partitions aient été chargées de pièces ou de meubles, aujourd’hui effacés (fig. 17).
Fig. 17
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 4 (parti de gueules et d’argent (ou d’or)).
© Térence Le Deschault de Monredon
25Le blason n° 5 semble pouvoir se lire de gueules à la bande d’or (ou d’argent) et correspond aux armoiries des Cajarc, seigneurs d’un village voisin, apparentés aux Balaguier (fig. 18).
Fig. 18
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 5 (de gueules à la bande d’or (ou d’argent)).
© Térence Le Deschault de Monredon
26Du blason n° 6 est encore visible un chef de gueules. Là encore, soit il peut s’agir d’un blason d’or ou d’argent au chef de gueules, soit il est possible que d’autres figures héraldiques soient venues se superposer (fig. 19).
Fig. 19
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 6 (de… au chef de gueules).
© Térence Le Deschault de Monredon
27Le blason n° 7 pourrait être d’argent (ou d’or) à la bande de gueules et correspondrait alors très probablement aux armes des La Popie21 (fig. 20).
Fig. 20
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 7 (d’argent (ou d’or) à la bande de gueules).
© Térence Le Deschault de Monredon
28Au registre médian, le blason n° 8 est très effacé. Comme dans le cas du blason n° 2, il semble qu’il ait été orné d’un meuble plutôt que d’une pièce, car l’on distingue des traits courbes qui ne paraissent pas dessiner une forme géométrique. Curieusement, bien que le dessin du meuble soit très effacé, il s’agit de l’écu sur lequel on distingue le mieux ce heaume très particulier, dont il sera question plus loin.
29Le blason n° 9 est illisible.
30Le blason n° 10 pourrait, tout comme les n° 5 et 7, être chargé d’une bande. Il se blasonnerait d’argent (ou d’or) à la bande d’azur (ou de sable). D’argent à la bande d’azur correspond au blason de la famille de Durfort. Or la famille de Caussade de Puycornet, héritière de la seigneurie de Larnagol à partir du milieu du XIVe siècle est une branche de la famille de Durfort (fig. 21).
Fig. 21
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; relevé au trait sur photo et reconstitution de l’écu armorié n° 10 (d’argent (ou d’or) à la bande d’azur (ou de sable)).
© Térence Le Deschault de Monredon
31Le blason n° 11 est illisible.
32Le blason n° 12, bien que très effacé, semble présenter une figure géométrique dessinant une croix latine. Il est possible qu’il s’agisse d’une pièce ou bien de partitions.
33Les blasons n° 13 et 14 sont illisibles.
- 22 ALBE, 1905, p. 202-203.
- 23 ESQIEU, 1907, p. 42.
34Le blason des vicomtes de Calvignac, supposés être les seigneurs de Larnagol à l’époque de la réalisation du décor, nous serait connu par le sceau de Dorde (ou Déodat) de Calvignac, appendu à un document de 1359 et se blasonnerait de... à la bande endentée de... (les sceaux ne donnant pas les couleurs). C’est tout du moins ce que rapporte le chanoine Albe, sans préciser où se trouve conservé le document en question22. Cependant, Louis Esquieu décrit ce même sceau en le blasonnant simplement de... à une bande de…23. Si cette dernière description est exacte, cela signifierait que n’importe lequel des blasons portant une bande du décor de Larnagol pourrait être celui des Calvignac. Même si une identification a été proposée pour les blasons n° 5, 7 et 10, il est possible qu’il s’agisse de l’un d’entre eux. Mais l’on ne peut rien affirmer en raison des nombreuses lacunes du décor et de notre ignorance des couleurs des armoiries recherchées.
35Dans une note, le chanoine Albe fait remarquer à juste titre que ces armoiries ont pu servir de point de départ pour celles des Cajarc et des Balaguier. En effet, si l’on ajoute à celles-là les armes des La Popie, on se rend compte de la présence insistante d’armoiries portant une bande, ce qui pourrait constituer une sorte de leitmotiv visuel destiné à renforcer la présence des Calvignac dans cette salle peinte, dont le blason pouvait aussi se trouver n’importe où ailleurs.
- 24 ESQIEU, 1907, p. 47 ; DOUET D’ARCQ, 1865, n° 5819.
- 25 ESQIEU, 1907, p. 16-17.
- 26 ESQIEU, 1907, p. 125-126 ; DOUET D’ARCQ, 1865, n° 2293.
- 27 PRAT, 1948-1950, n° 16 et 64.
36Parmi les blasons non découverts ou non identifiés, on s’attendrait également, en raison des alliances familiales, à trouver pour le moins ceux des Cardaillac (de gueules (alias d’azur) au lion d’argent accompagné de treize besants d’argent posés en orle)24, des Barasc (coupé, au 1, d’azur au lion léopardé d’argent ; au 2, d’or à la vache passante de gueules, colletée et clarinée d’azur)25 et des Gourdon (Parti au 1, d’azur à trois étoiles d’or en pal (qui est de Genouillac) ; au 2, bandé (alias coticé) d’or et de gueules (qui est Ricard))26. Ces dernières sont notamment connues par le sceau que Bertrand de Gourdon utilisait en 1225. Mais on pourrait aussi penser voir figurer d’autres blasons parmi ceux cités dans l’inventaire des sceaux des archives de Cajarc effectué par René Prat, par exemple celui des Ébrard (de... à trois étoiles à huit rais de... posées 2 et 1)27.
- 28 ROUSSET, 2000, p. 13-15 ; SÉRAPHIN, 2014, p. 296-297.
- 29 ROUSSET, 2000, p. 15 et pl. 10.
- 30 HENRY-LORMELLE, 2012, p. 7, 12 et 21.
- 31 HENRY-LORMELLE, 2012, p. 36.
37Le premier constat que permet d’établir le dégagement des murs nord et ouest ne concerne pas le décor, mais l’architecture. En effet, une immense porte, dont l’origine médiévale se trouve confirmée par la continuité du décor peint à l’intérieur de ses ébrasements, s’ouvre au nord-ouest de la salle et ne comporte en apparence aucune feuillure pour accueillir un système d’huisserie. Nous sommes donc, dans cette première moitié du XIVe siècle, en présence d’un logis plus important que ce que l’on pensait jusqu’alors28. Il se composait sans doute de deux espaces qui pouvaient répondre aux fonctions d’une aula et d’une camera, c’est-à-dire d’une salle de réception et d’un espace réservé à un usage privé. Quoi qu’il en soit, la découverte d’un décor peint sur les murs nord et ouest de ce qui serait la salle de réception remet en question l’hypothèse de Valérie Rousset, selon laquelle ces deux murs auraient entièrement été remontés au XVIe siècle29. C’est cette erreur d’appréciation qui avait sans doute conduit, en 2012, à ne passer commande à Diane Henry-Lormelle pour effectuer des sondages que sur les murs sud et est, alors que les vestiges les plus importants se trouvaient précisément sur les murs nord et ouest30. Cette dernière avait cependant préconisé la prudence en cas de travaux ultérieur affectant les enduits des murs du château31.
38Concernant la datation de ce décor couvrant héraldique, la forme des heaumes à visière plate mobile et les indices donnés par les vêtements convergent vers une datation autour des années 1320-1330. Cela nous amène donc à nous interroger sur l’identité du commanditaire de ce décor. La lecture des blasons trahit sans surprise un ancrage local et la réitération d’armoiries comportant une bande pourrait confirmer le rôle des Calvignac, alors seigneurs de Larnagol, dans la commande du décor.
39Les éléments figuratifs témoignent du goût du commanditaire pour la mode picturale de son temps, ou bien de l’emploi d’un peintre au fait des nouveautés de la cour, ce qui suppose une certaine richesse. En effet, tant l’habit décolleté de l’hybride masculin du mur ouest que la prolifération de ces êtres mi-humains, mi-animaux, relèvent de traits caractéristiques des premières décennies du XIVe siècle.
40Malgré son état lacunaire, ce décor constitue un témoignage exceptionnel des alliances matrimoniales à l’échelle locale, mais aussi de la volonté de son commanditaire d’imiter les grandes cours princières. La présence d’un magnifique paon dans l’écoinçon de la baie méridionale renforce à coup sûr cette volonté de donner à voir aux invités une ambiance de cour.
41Notons enfin la représentation, rare, d’un modèle archaïque de heaume à visière (fig. 22), seulement connu par l’iconographie. Sa présence à Larnagol, avec tous les détails techniques qu’il comporte, constitue un important témoignage pour l’histoire de l’armement médiéval. En outre, la disposition de ce heaume au-dessus des écus posés en biais, si elle est bien connue à cette époque dans l’aire d’influence de l’Empire germanique, s’avère visiblement étrangère aux manières de faire des régions situées à l’ouest du Rhin et au sud des Alpes.
Fig. 22
Larnagol (Lot), château de Larnagol ; détail du heaume surmontant l’écu armorié n° 8 du décor de la salle peinte du troisième étage.
© Térence Le Deschault de Monredon
42Nous sommes donc en présence d’un ensemble d’une grande valeur pour l’histoire de la peinture murale civile et pour la connaissance de la société aristocratique quercynoise de la première moitié du XIVe siècle et de ses habitudes en matière de commandes artistiques. Il est regrettable qu’il ne puisse pas demeurer entièrement visible, mais sa documentation photographique avant qu’il ne soit partiellement caché et la présente publication permettent de garder une trace de cette importante découverte qui vient conforter l’idée selon laquelle les fastueux décors peints ne sont pas l’apanage des grands seigneurs.