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II. La Gaule : langue et histoire

Chiomara, Camma, et autres princesses… Une histoire des femmes dans les sociétés « celtiques » est‑elle possible ?

Chiomara, Camma and other princesses… Is a history of women and gender in Celtic societies possible?
Sandra Péré-Noguès
p. 159-176

Résumés

A l’heure où se multiplient les études sur le genre, notamment en histoire grecque, peu d’attention a été portée à des sociétés barbares qui, il est vrai, peuvent paraître insaisissables dans les textes anciens. Pourtant quelques récits concernant des femmes celtes ou galates existent et méritent d’être réexaminés. Cette analyse se propose de comprendre ce qui, dans chacune de ces histoires, a sensiblement touché les auteurs, qu’ils soient grecs ou romains, souvent à des siècles de distance, et à évaluer autrement l’image qu’ils ont transmise de ces femmes et de leur rapport aux hommes ainsi qu’à l’histoire de leurs peuples.

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Texte intégral

  • 1 Il est toujours difficile de citer une chanson aussi connue et célèbre que celle de Jean Ferrat, ma (...)

Le poète a toujours raison
Qui annonce la floraison
D’autres amours en son royaume
Remet à l’endroit la chanson
Et déclare avec Aragon
La femme est l’avenir de l’homme
Jean Ferrat, La femme est l’avenir de l’homme, 19751

  • 2 Nous employons ici l’adjectif « celtiques » au sens large puisque, comme nous le verrons, une bonne (...)
  • 3 Dans le catalogue de l’exposition « Trésors de femmes » réalisée par le Musée de Bibracte (2006, p. (...)
  • 4 Sur l’histoire des femmes, il serait difficile de donner une bibliographie vraiment exhaustive : po (...)
  • 5 Sur le statut de l’anecdote dans les œuvres littéraires antiques, en particulier celles de Plutarqu (...)

1Peu de publications ont été consacrées à la place des femmes « celtes »2 dans les textes antiques, tant il semble « impossible » de mener à bien une enquête3. S’il faut bien reconnaître que le « silence » des textes est réel, un corpus existe néanmoins et donne à voir sur la longue durée quelques images de la femme dans les sociétés « celtiques ». Ces images de femmes ‑ a fortiori de femmes « barbares »4 ‑ sont présentes dans des œuvres littéraires dont la nature paraît relever plus de l’anecdote que de l’histoire5. Pour l’historien d’aujourd’hui, la tâche s’avère compliquée à double titre. D’une part, il est confronté à un corpus très hétéroclite : œuvres historiques, poèmes, traités, autant de genres littéraires divers qui obligent à tenir compte de leur contexte d’écriture, de leur nature et de leur éventuelle intertextualité. D’autre part, si chaque récit exige une remise en contexte historique, il faut, à l’instar de l’archéologue, remonter le temps pour comprendre comment (et pourquoi) ces images de femmes ont circulé d’une époque à l’autre et quel sens leur a été donné par les auteurs anciens.

  • 6 Par souci de cohérence, nous avons délibérément choisi de ne pas prendre en compte le témoignage de (...)

2A partir d’un corpus de textes grecs et latins circonscrit à une période située entre le IIIe et le ier siècle avant J.‑C.6, l’objectif sera pour nous de mettre en exergue tout un ensemble de traditions concernant le rôle et la place des femmes dans les sociétés « celtiques » et d’en analyser la valeur historique.

1. Des femmes dans la guerre

1. 1. Les « femmes celtes » et la guerre

  • 7 Ce recueil qui fait partie des Œuvres morales fut composé par Plutarque vers 110-115 après J.-C., a (...)
  • 8 On peut donc le dater de la fin du ve siècle ou du tout début du ive siècle avant J.-C.

3La première mention qui soit une claire allusion à la place des femmes celtes dans la guerre provient d’un récit tiré du traité de Plutarque, Gynaikôn Aretai7. L’épisode tel qu’il est présenté semble remonter à une époque ancienne, puisqu’il précède le passage des Celtes en Italie8 :

  • 9 Plutarque, Œuvres morales, 246 B-D (traduction de J. Boulogne, CUF).

4Les Celtes, avant de franchir les Alpes et de s’établir dans la région de l’Italie qu’ils habitent maintenant, connurent une sédition (stasis) terrible et violente, qui dégénéra en guerre civile (polemon emphylion). Mais les femmes s’interposèrent au milieu des armes (en mesô tôn hoplôn) et se chargèrent du conflit, qu’elles arbitrèrent et tranchèrent si parfaitement que naquit une étonnante amitié (philia) de tous pour tous, non seulement entre les cités (poleis), mais encore entre les familles (oikous). A la suite de cet événement, ils ne cessèrent plus de délibérer de la guerre (polemou) aussi bien que de la paix (eirènès) avec leurs femmes et de régler les différends qui les opposaient à leurs alliés par leur entremise. Toujours est‑il que dans leur traité avec Hannibal, ils stipulèrent qu’en cas de plainte des Celtes contre les Carthaginois, les gouverneurs et les généraux de Carthage en Ibérie étaient les juges, mais que si les Carthaginois avaient à se plaindre des Celtes, c’étaient les femmes celtes.9

  • 10 Polyen VII, 50. Un rapprochement serait à faire (et à analyser) avec l’intervention des Sabines dan (...)
  • 11 Les femmes étant « par nature » les garantes de la continuité familiale et communautaire.
  • 12 Sur ce point : Schmitt-Pantel, 2009b, p. 51.
  • 13 P. Stadter (1965, p. 56) suggère que l’épisode fait sans doute référence à la traversée par Hanniba (...)

5Les femmes, arbitres des différends entre les hommes, un épisode bien curieux de la place des femmes dans la guerre mais qui est reproduit de façon quasi identique par Polyen dans ses Stratagèmes10. Examinons de plus près le récit de Plutarque. Il semble que ce soit à la suite d’une sérieuse menace pour les Celtes – un soulèvement politique et social extrêmement grave puisqu’il dégénéra en guerre civile – que les femmes furent amenées à intervenir directement dans le domaine « de la guerre et de la paix ». La prise en main d’affaires qui semblaient être jusque‑là réservées aux hommes est intéressante à double titre : non seulement leur intervention en mesô tôn hoplôn semble symptomatique de la gravité de la stasis qui menaçait probablement la communauté dans son ensemble11, mais elle permet aussi de résoudre la situation conflictuelle en restaurant la philia à l’intérieur des poleis et des oikous. On peut donc en déduire que leur rôle fut de fixer des règles politiques et sociales communes aussi bien dans le domaine public (poleis) que privé (oikous), les femmes étant ainsi appelées à des fonctions hors de l’espace exclusivement domestique. Un autre aspect doit être retenu : leur intervention dans le champ politique et diplomatique ne s’accompagne d’aucune référence explicite à des divinités ou des rites religieux spécifiques, ce qui contraste avec les autres récits de Plutarque où le religieux tient une place importante12. Enfin il faut noter que ce rôle de médiation était encore en vigueur à l’époque de la seconde guerre punique, comme l’indique la référence au traité entre Hannibal et les Celtes13. Cela laisse donc supposer que les femmes celtes jouèrent un rôle politique et diplomatique réel durant presque deux siècles.

  • 14 Pour la (ou les) source(s) utilisée(s) par Plutarque, il est difficile de trancher entre Sosylos de (...)
  • 15 Diodore de Sicile V, 31, 5. Nous remercions notre amie Aude Skalli-Cohen pour ses conseils dans la (...)
  • 16 Diodore de Sicile semble confondre sous le pronom démonstratif (toutois) les druides et les devins.
  • 17 Sur l’interprétation orphique qui serait suggérée par cet extrait : Brunaux, 2006, p. 191-192.
  • 18 César, B G, VI, 13, 5.
  • 19 Strabon IV, 4, 4.
  • 20 On peut songer en particulier à une source comme l’œuvre de Timée de Tauroménion que Diodore de Sic (...)

6Malgré l’originalité de cette anecdote, il est vrai que Plutarque et, à sa suite, Polyen sont les seuls à y faire référence14. Pourtant, un rôle comparable d’arbitres et de juges est connu dans d’autres récits anciens concernant les peuples celtes, mais il est dévolu à une catégorie bien précise, celle des bardes ou/et celle des druides. La comparaison est par exemple troublante entre ce récit de Plutarque et celui que fait Diodore de Sicile15 à leur propos. Selon lui, en effet, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix, obéissent à ces personnages [les « philosophes »]16 et aux poètes lyriques, non seulement les philoi (amis ou alliés) mais aussi les polemioi (ennemis). Il précise également que souvent, dans les rencontres guerrières alors que les armées sont au contact, les épées tirées et les lances tendues, ils s’interposent (eis to meson) et les font cesser, comme s’ils charmaient des fauves17. Les philosophes et les bardes se retrouvent donc eux aussi eis to meson et calment les ardeurs guerrières des hommes. Dans d’autres récits, ce rôle relève aussi de la sphère masculine. Ainsi, dans la Guerre des Gaules, César attribue aux seuls druides la fonction de trancher presque tous les conflits entre Etats ou entre particuliers (publicis priuatisque) tout en ajoutant qu’outre leurs fonctions religieuses, ceux‑ci ont aussi de larges compétences judiciaires18. Quant à Strabon, il insiste sur le fait que les druides sont les plus justes des hommes (dikaiotatoi) et qu’ils ont à ce titre le soin de juger les différends privés et publics (tas idiôtikas […] kai tas koinas), version au demeurant assez proche de César. Mais il souligne qu’ils avaient même autrefois (proteron) à arbitrer des guerres et pouvaient arrêter les combattants au moment où ceux‑ci se préparaient à former la ligne de bataille19. Le récit de l’historien d’Apamée est à la confluence de plusieurs traditions : l’une probablement ancienne qui donnait aux druides un rôle tel que celui qui est décrit par Diodore de Sicile pour les philosophes et les bardes ; l’autre plus récente et sans doute dépendante du témoignage de César. Que ces traditions soient le reflet ou non d’une réalité historique n’est pas le problème qui nous préoccupe, mais si l’on postule que la version diodoréenne est la plus ancienne, probablement en partie influencée par une autre source que Poseidonios d’Apamée20, cela pourrait expliquer les différences notables qu’on perçoit entre son récit et celui de César.

  • 21 Ce traité peu connu rassemble des mirabilia selon un genre littéraire qui fut très en vogue dès le (...)
  • 22 Dans la notice précédente il est question des Galates et de leur usage des trompettes.
  • 23 Rerum Naturalium Scriptores Graeci Minores I (Leipzig 1877) ed. O. Keller, p. 112 n° 48. Sur les tê (...)

7Dans cette hypothèse, il serait donc possible de rapprocher le rôle des bardes et des druides, arbitres et pacificateurs selon Diodore de Sicile, du rôle des femmes celtes tel qu’il apparaît dans le récit de Plutarque. Ainsi, pour une époque ancienne – voire très ancienne – certaines traditions auraient‑elles transmis cette image de femmes investies de compétences semblables à celles qui seront ensuite dévolues aux druides et aux bardes. Pour compléter ce point, on peut faire référence à un extrait tout aussi curieux transmis dans un traité anonyme, le Paradoxographus Vaticanus Rohdii21, qui rapporte ceci : [Les Galates]22, lorsqu’ils délibèrent de la guerre, tiennent conseil avec les femmes, et ce que les femmes décident prévaut. Mais s’ils s’engagent à la guerre et sont vaincus, ils coupent les têtes des femmes qui les ont poussés au combat et les jettent hors de leur territoire23. Cette courte notice semble là encore reprendre la tradition d’une intervention des femmes – ici galates – dans le choix de la guerre, et être mis en parallèle du récit de Plutarque. Néanmoins, aucune indication historique n’est donnée, ce qui en rend difficile l’interprétation.

  • 24 Sur ce point, voir Loman, 2004, p. 50-51. De manière générale, la place des femmes dans la guerre a (...)
  • 25 Polyen IV, 6, 17. Sur cet épisode voir Noguera Borel, 2011, p. 197-198.
  • 26 M. Launey l’avait bien noté dans son étude sur les armées hellénistiques, étude datée de 1949. Selo (...)
  • 27 Gera 1997. Elle date ce traité de la fin du iie siècle ou du début du ier siècle avant J.-C.
  • 28 Sur Onomaris, les plus anciennes études sont les courtes analyses de G. Dottin et de C. Jullian dan (...)

8Faute de documents suffisamment explicites, la place des femmes celtes ou galates dans la guerre s’avère un sujet fort complexe. Il existe cependant quelques témoignages attestant de leur présence au côté des combattants, en particulier lors des expéditions menées en Grèce et en Asie mineure au iiie siècle avant J.‑C.24. Au printemps 277, Antigone Gonatas qui a employé nombre de mercenaires galates est contraint d’utiliser un stratagème pour ne pas céder au chantage que ces derniers font peser sur les otages grecs qu’ils détiennent. En effet, après la victoire, les Galates réclament pour prix de leur embauche un paiement pour tous les non armés, les femmes et les enfants25. Cette anecdote rapportée par Polyen confirme la présence des femmes dans le « bagage » des armées mercenaires galates, un « bagage » qui s’apparente dans ce cas à une véritable expédition migratoire26. C’est dans un contexte assez comparable de migrations et de guerres que se situe aussi un récit peu connu du Tractatus de Mulieribus Claris in Bello, traduit et commenté par D. Gera27. Ce traité anonyme rassemble quatorze notices évoquant des femmes plus ou moins célèbres de l’époque classique. La dernière notice qui nous soit parvenue concerne une femme nommée Onomaris28, qui aurait pris la tête d’une expédition coloniale à une époque difficile à préciser compte tenu de l’état fragmentaire du texte :

  • 29 De Mulieribus claris in bello, 14.

Onomaris, une des plus honorables Galates, et les gens de sa tribu (homophylon) cherchaient à fuir hors de leur pays comme ils étaient épuisés par la faim. Ils se mirent sous l’autorité de qui voudrait les emmener, mais comme aucun des hommes n’y consentait, elle mit tous leurs biens en commun et conduisit l’expédition (apoikia), leur nombre étant à peu près… après avoir passé l’Istros et vaincu les indigènes en bataille rangée, elle régna (ebasileusen) sur la région.29

  • 30 Gera, 1997, p. 219.
  • 31 Selon Dottin, c’est Timée qui aurait pu servir de source à l’auteur anonyme du traité, auteur qu’il (...)
  • 32 C. Jullian, 1906, p. 124. Voir aussi Evans, 1999, p. 32 et Tomaschitz, 2002, p. 99.
  • 33 A l’instar de Rhodogune : De Mulieribus claris in bello, 8 ; voir Gera, 1997, p. 12 et 16.
  • 34 De Mulieribus claris in bello, 13. Sur Artémisia, Sebillotte-Cuchet, 2008, p. 15-33 et 2009, p. 19- (...)
  • 35 Gera, 1997, p. 223.
  • 36 On ne peut résister à l’envie de citer C. Jullian qui voyait dans cet épisode « la transformation e (...)
  • 37 De ce point de vue, on peut penser qu’elle jouissait de certaines compétences religieuses.
  • 38 G. Dottin (1906, p. 123) parle d’une forme « un peu défigurée » de – mara. Dans le Dictionnaire (20 (...)

9Comme le note D. Gera, Onomaris est la figure « la plus insaisissable »30 du traité. Bien que l’auteur anonyme se soit certainement inspiré d’œuvres antérieures31, aucune source n’est indiquée pour cette héroïne contrairement aux autres notices. Quant au cadre chronologique, il prête à discussion : si Camille Jullian rattache cet épisode à l’histoire des Scordisques32, aucun élément à l’exception de la mention du fleuve Istros ne donne d’indication fiable. Malgré ces incertitudes, plusieurs aspects doivent être retenus. Dans le traité, Onomaris est l’une des rares femmes pour laquelle il ne soit fait mention ni de la famille, ni d’un homme, que celui‑ci soit l’époux, le frère, ou un proche parent33. Comme Artémisia, autre héroïne citée34, Onomaris joue le rôle d’un homme dans une période de crise, un rôle difficile que lui accordent les gens de sa tribu35. Si l’honorable femme galate prit la tête de ses compagnons d’infortune, elle devint aussi leur reine après la guerre contre les indigènes36. Ainsi Onomaris est‑elle une femme investie de fonctions politiques majeures qui dépassèrent sa première mission de chef d’expédition et qui lui conférèrent probablement un statut de fondateur, ce qui en fait un oikiste féminin, une figure exceptionnelle à bien des égards37. Un dernier élément a suscité l’intérêt des historiens et philologues dès le début du xxe siècle : le nom Onomaris, qui sonnerait grec, mais dont le second composé pourrait se rapprocher de la forme celtique – maros/‑mara38. Bien que fragmentaire et sujette à des interprétations très diverses, cette notice ne peut être écartée du corpus dans la mesure où la femme y tient un rôle de premier plan, un rôle qui la place à égalité de celui qu’aurait pu tenir un homme.

  • 39 On retrouve dans son nom la racine celtique – mara « grande », précédemment évoquée. Xavier Delamar (...)

10Qu’elles soient Celtes ou Galates, les femmes ont probablement tenu une place suffisamment importante dans les guerres et les migrations de leurs peuples pour laisser des traces dans l’historiographie antique. Il est à noter qu’à l’exception d’Onomaris, elles agissent collectivement à l’instar des hommes. Mais un autre sort pouvait leur être réservé en temps de guerre : celui de captive, comme en témoigne l’histoire de l’épouse du roi Ortiagon, Chiomara39, qui a certainement laissé une empreinte profonde dans la mémoire des Grecs et des Romains.

1. 2. La captive Chiomara

  • 40 Plutarque, Œuvres morales, 258 E-F. Compte tenu de son commentaire, on peut supposer que Polybe a p (...)

11Si on cherche à comprendre comment l’histoire de Chiomara s’est transmise dans la littérature ancienne, il faut d’abord signaler que c’est Polybe qui, le premier, s’en fait l’écho. Selon Plutarque, il aurait en effet dialogué avec cette femme à Sardes, et, il en aurait admiré [le] courage et [l’]intelligence40. Voici comment l’historien de Mégalopolis rapporte son histoire :

  • 41 Après la victoire des Romains sur Antiochos à Magnésie (en 190 avant J.-C.), G. Manlius Vulso march (...)
  • 42 Polybe 21, 38 (traduction D. Roussel, La Pléiade).

Chiomara, épouse d’Ortiagon, fut prise avec les autres femmes à la suite de la victoire remportée par Vulso sur les Galates41. Le centurion entre les mains duquel elle tomba, profita de l’occasion, en soldat brutal, et lui fit violence. Cet officier n’était qu’un rustre entièrement dominé par la lubricité et l’amour de l’argent. Ce fut la cupidité qui l’emporta cette fois. Ayant accepté de relâcher cette femme moyennant une très forte somme, il l’amena à l’endroit où il devait la rendre et toucher sa rançon, c’est‑à‑dire sur la rive d’un cours d’eau coulant entre lui et les Galates. Ces derniers le franchirent, lui remirent l’or et reçurent Chiomara de ses mains. Mais, tandis que le Romain se séparait d’elle avec des manifestations de tendresse, celle‑ci fit signe à l’un des Galates de le frapper. Ce dernier obéit et trancha la tête du centurion, que Chiomara ramassa et enveloppa dans les plis de sa robe. Quand elle se retrouva devant son mari, elle lui présenta la tête du Romain. La surprise de celui‑ci fut grande : « Femme, dit‑il, il est bien de savoir tenir sa parole (pistis). – Oui, répliqua Chiomara, mais il est encore mieux qu’il n’y ait qu’un seul homme vivant qui ait partagé mon lit »42.

  • 43 Ortiagon est bien le nom du chef des Tolistoboges comme l’atteste une inscription de Telmessos (Cla (...)
  • 44 Polybe 22, 21.
  • 45 Pour les historiens modernes, Chiomara et Ortiagon apparaissent aussi comme les représentants d’une (...)

12Il faut d’emblée souligner que Polybe, peu enclin à célébrer la valeur des Galates, donne un portrait positif de l’épouse mais aussi de l’époux, Ortiagon43, qu’il décrit comme généreux et magnanime, affable et avisé dans le commerce des hommes, et, ce qui compte le plus chez les Galates, il était brave et habile aux choses de la guerre44. De fait, Ortiagon était l’un des tétrarques les plus puissants de son temps, puisqu’il avait réussi à unifier la Galatie et, en tant qu’allié de Prusias de Bithynie, il avait livré jusqu’à son dernier souffle des combats majeurs contre les Romains45.

  • 46 Sur le viol comme équivalent à la mort des guerriers au combat, voir Payen, 2012, p. 172-176.
  • 47 Plutarque, Œuvres morales, 258 E-F : Quant à Chiomara, l’épouse d’Ortiagon, il lui arriva d’être fa (...)

13Dans le récit de Polybe, Chiomara est une victime de guerre : captive avec d’autres femmes et traitée sans égard, elle connaît de surcroît le pire outrage, le viol46. Le schéma narratif de Polybe (le viol, la rançon, la vengeance) est essentiel, et il se retrouve avec quelques nuances dans les traditions postérieures. Si Plutarque47 suit de près le témoignage de Polybe reprenant mot pour mot les paroles prononcées par les deux époux, Tite‑Live donne une version légèrement différente de l’épisode :

Il restait toute la guerre contre les Tectosages. Le consul marcha sur eux et parvint en trois étapes à Ancyre, ville connue dans ces régions, dont les ennemis étaient éloignés d’un peu plus de dix milles. Pendant qu’on y était établi, une prisonnière fit un acte digne de mémoire : l’épouse du roi Orgiago, qui était d’une beauté remarquable, était gardée par plusieurs prisonniers ; un centurion débauché et cupide comme un soldat, commandait la prison.

Il s’attaqua d’abord à son cœur : la voyant refuser avec horreur une débauche consentie, il viola son corps qui était, du fait du destin, son esclave. Puis, pour atténuer l’humiliation provoquée par le viol, il donne à la femme l’espoir de retourner auprès des siens, mais non un espoir gratuit à la manière d’un amant ; il convient d’un poids déterminé d’or, et, pour ne pas avoir l’un des siens comme complice, il permet à la femme d’envoyer un prisonnier de son choix au titre de messager à sa famille. Il choisit un endroit proche de la rivière où deux serviteurs de la prisonnière, pas plus, se rendront la nuit suivante avec l’or, pour la recevoir. Par hasard un des esclaves de la femme était gardé dans la même prison. C’est lui, comme messager, que le centurion fait sortir du camp au début de la nuit. La nuit suivante, d’un côté les deux esclaves de la femme vinrent au rendez‑vous, de l’autre le centurion accompagné de la prisonnière. Là, comme ils montraient l’or, dont le total se montait à un talent attique (le prix qui avait été convenu), la femme leur ordonna dans sa langue (lingua sua) de tirer leurs épées et de tuer le centurion qui était en train de vérifier le poids de l’or.

  • 48 Tite-Live, XXXVIII, 24 (traduction de Stéphane Ratti, 1996)

Portant dans son propre vêtement la tête de l’homme égorgé, elle rejoignit son époux Orgiago qui, depuis l’Olympe, s’était enfui chez lui ; avant de l’embrasser, elle jeta à ses pieds la tête du centurion ; et comme il demandait, étonné, quelle était cette tête d’homme et quel était cet acte bien peu féminin, elle avoua à son époux l’humiliation faite à son corps et la vengeance de sa pudeur violée. Et on raconte que, pour le reste, elle préserva jusqu’à la fin, grâce à la chasteté (sanctitate) et la dignité de sa vie (gravitate vitae), l’honneur de cet acte digne d’une vraie matrone.48

  • 49 Voir n. 41.
  • 50 Ratti, 1996, p. 106-124. En s’appuyant sur d’autres récits de viol ou de violence empruntés à l’his (...)
  • 51 Sur les têtes coupées, Arcelin et Brunaux, 2003, p. 245-246 ; Ciesielski et al., 2011, p. 113-121.

14A la différence de la version donnée par Polybe, Tite‑Live ne nomme jamais la femme et appelle son époux Orgiago49. D’autres variantes peuvent être relevées, notamment le fait que lors de l’échange, la femme s’exprime dans sa langue (lingua sua) pour donner l’ordre de l’exécution. Dans l’étude qu’il a consacrée à cet épisode, Stéphane Ratti souligne avec justesse qu’il s’agit pour Tite‑Live de faire de cette anecdote un exemplum au sens où sont mises en avant non seulement la sanctitas et la gravitas, des valeurs dignes d’une matrone romaine, mais également « une morale de la pudicitia, une morale du comportement conjugal »50. Telle qu’elle est adaptée par Tite‑Live, l’histoire de Chiomara révèle une femme déterminée et active, qui ne craint pas de sublimer sa fidélité d’épouse par un acte cruel qui, lui, n’est pas étranger aux coutumes prêtées aux Galates51. Captive et fidèle épouse, Chiomara est non seulement la représentante de la vertu conjugale, en un mot l’idéal d’une femme romaine au sens où elle veut défendre les valeurs propres à toute matrone, mais aussi une femme « barbare » dans sa manière d’agir, de tirer vengeance de son bourreau.

  • 52 Parthénios de Nicée, Passions d’amour, 8. Parthénios connut un destin assez proche de celui de l’hi (...)
  • 53 Cette anecdote s’inscrit, en effet, dans un contexte bien connu des historiens : les différentes ex (...)

15On ne peut s’empêcher à la lecture de l’histoire de Chiomara de convoquer une autre anecdote rapportée par Parthénios de Nicée52 dans ses Erotica Pathémata (Passions amoureuses). Le récit est certes différent puisqu’il témoigne du destin funeste d’une jeune épouse grecque, et non galate, nommée Hérippè enlevée lors des raids celtiques en Asie mineure53. Comme plusieurs aspects ne sont pas sans résonance avec l’histoire de la captive galate, il n’est pas inutile de reproduire le texte dans son intégralité :

Aristodème de Nysa raconte cette histoire au premier livre de ses Histoires, sauf qu’il change les noms, puisqu’il appelle Hérippè Euthymia et le Barbare Cauaras.

A l’époque où les Galates s’étaient abattus sur l’Ionie et pillaient ses cités, à Milet on célébrait les Thesmophories et les femmes étaient rassemblées dans le sanctuaire qui se trouve à peu de distance de la ville. Une escouade détachée du gros de la troupe des Barbares pénétra sur le territoire milésien, et, en une soudaine incursion, enleva les femmes. Tandis que les unes étaient sauvées en échange de beaucoup d’argent et d’or, certaines, parce que les Barbares en avaient fait leurs femmes, furent emmenées. Parmi elles se trouvait Hérippè, l’épouse de Xanthos, un homme issu d’une famille très réputée et de premier rang à Milet, et elle laissait un enfant de deux ans. Xanthos, qui désirait ardemment la retrouver, convertit en argent une partie de ses biens, et s’étant muni de deux mille pièces d’or, il se rendit d’abord en Italie, puis de là, accompagné par quelques‑uns de ses hôtes, il arrive à Marseille, et, de là‑bas, au pays des Celtes.

Et, une fois parvenu à la maison où sa femme partageait la vie d’un homme des plus considérés parmi les Celtes, il demanda à être reçu. Et par souci d’hospitalité, on l’accueillit immédiatement. En entrant, il voit sa femme ; et celle‑ci, jetant ses bras autour de son cou, l’attira à elle avec beaucoup d’affection. Dans l’instant, le Celte arriva et Hérippè lui raconta les pérégrinations de son mari, et comment il était venu exprès pour elle, pour proposer une rançon. Le Celte admira les sentiments de Xanthos et réunissant aussitôt ses proches, il organisa un repas en l’honneur de son hôte. Comme on s’attardait à boire, il fait allonger la femme (sur le lit de banquet) à côté de son hôte et, par le biais d’un interprète, il posait des questions sur le montant total dont il disposait. Xanthos lui ayant répondu que sa fortune atteignait mille pièces d’or, le barbare l’invita à diviser la somme en quatre ; qu’il conserve les trois‑quarts pour lui‑même, sa femme et son enfant ; le dernier quart, qu’il le laisse comme rançon pour son épouse.

Dès qu’il se fut retiré pour se coucher, la femme adressa de copieux reproches à Xanthos pour avoir promis au barbare tant d’or qu’il ne possédait pas ; il courrait un grave danger s’il ne réalisait pas sa promesse. Mais il lui répondit qu’il avait caché dans les chaussures de ses esclaves encore environ mille autres pièces d’or parce qu’il n’espérait pas tomber sur un barbare doué de modération, et il comptait qu’il aurait besoin d’une importante rançon. Le jour suivant, sa femme révèle au Celte la quantité d’or. Et elle l’exhortait à tuer Xanthos, ajoutant qu’elle le préférait de beaucoup, lui, à sa patrie et à son fils ; c’est que Xanthos, elle l’avait absolument en horreur.

  • 54 Sur cet épisode, voir Loicq-Berger 1984, p. 39-52.

Loin de trouver plaisir à ses déclarations, le Celte conçut le dessein de la punir. Puisque Xanthos marquait de l’empressement à repartir, c’est avec des dispositions très amicales qu’il l’escorta, en emmenant aussi Hérippè. Quand il atteignit les limites du pays des Celtes, le barbare déclara qu’il voulait accomplir un sacrifice, avant qu’ils ne s’en aillent chacun de leur côté. La victime amenée, il demanda à Hérippè de s’en saisir et, tandis qu’elle la maintenait fermement, comme elle avait eu, en d’autres occasions, l’habitude de le faire, il élève son épée, l’abat sur la femme et la décapite. Puis il incita Xanthos à ne pas le prendre mal, en lui révélant les machinations de son épouse, et il lui remit tout son or pour qu’il le remporte.54

  • 55 Loicq-Berger 1984, p. 47.
  • 56 Le poème sur Hérippè s’inspire comme l’indique la manchette qui figure au début du texte de Parthén (...)

16On constate que des parallèles peuvent être établis entre ce récit et l’histoire de Chiomara, notamment la rançon et la décapitation. Le destin des deux femmes, l’une et l’autre captives, est néanmoins traité de manière radicalement différente. Hérippè semble s’affranchir du statut normatif de l’épouse grecque : elle joue le rôle d’interprète entre le Barbare et son époux (sauf pour parler de sa rançon, ce qui est à noter) ; elle assiste au banquet ; elle participe à un sacrifice avec son ravisseur : autant de gestes et d’actes qui la mettent à la marge de son statut d’épouse grecque et qui prouvent dans le même temps qu’elle était intégrée au groupe du chef barbare en tant que compagne. A l’inverse, Parthénios donne du Barbare l’image d’un homme aux réactions de « grand seigneur »55, l’issue du récit confirmant sa loyauté et son honnêteté puisqu’il sauve la vie et l’honneur de l’époux grec. On discerne donc un processus de renversement de valeurs entre le Barbare et la femme grecque, puisque cette dernière endosse finalement le mauvais rôle, celui d’une « captive » qui a assimilé les valeurs barbares. Par ce jeu littéraire, la femme passe ainsi du statut de victime à celui de coupable, ce qui sert à renforcer en contre‑point « l’altérité positive » du Barbare. Si l’on revient à l’épisode de Chiomara, on constate le même procédé d’inversion des valeurs : alors que le centurion romain se comporte à l’égal d’un Barbare, voire d’un Galate, Chiomara agit en épouse fidèle et respectueuse. Mais, si l’histoire de Chiomara relève du récit factuel, celle d’Hérippè s’en éloigne par l’intrigue et les personnages qui fournissent une toile de fond « exotique » au poème. Comme on peut le constater à la lecture des deux récits, des correspondances existent bel et bien, et laissent que ces histoires ont circulé à la même période56. A partir d’une collection de récits historiques qui rapportaient les exactions aussi bien galates que romaines, tel que le montre le récit de Polybe, les auteurs grecs et latins ont sans doute décliné sous plusieurs versions les destins de ces captives, dont certaines s’illustrèrent par leur héroïsme ou dans d’autres cas par leur duplicité. Ce rapport d’intertextualité se retrouve aussi dans l’histoire de Camma.

2. Épouse, mère et concubines

2. 1. La fidèle Camma

  • 57 Plutarque, Œuvres morales, 257E-258C.
  • 58 Plutarque, De l’Amour (Amatorius), 22. D’après P. Stadter (1965, p. 105), cette version serait légè (...)
  • 59 Polyen VIII, 39 : il insiste sur le poids de la culpabilité de Camma à l’égard de son époux : « j’a (...)
  • 60 Selon P. Statdter (1965, p. 106-107), Plutarque aurait utilisé une (voire plusieurs) source(s) de n (...)

17L’histoire de Camma est évoquée à deux reprises par Plutarque, l’une dans les Vertus de Femmes57, version que nous avons retenue ici, l’autre dans son traité De l’amour58. Elle fut ensuite reprise par Polyen59. A la différence de l’histoire de Chiomara, le récit se déroule au cœur du pouvoir galate dans le premier quart du ier siècle avant J.‑C.60 :

  • 61 Il s’agit selon toute vraisemblance du père de Déjotaros Philoromaios, ce qui permet de situer cett (...)

Sinat et Sinorix61 étaient les plus puissants des tétrarques de Galatie et ils étaient vaguement parents. Or l’un d’eux, Sinat, avait épousé une jeune fille (parthenos) qui s’appelait Camma, d’une beauté et d’une grâce remarquables et d’une vertu (arétèn) encore plus admirables : non seulement elle était réservée (sôphrôn) et elle aimait son mari (philandros), mais encore elle était intelligente, avait l’âme généreuse et se faisait adorer de ses serviteurs par sa bienveillance et sa bonté. Son éclat était aussi augmenté par ses fonctions de prêtresse (to hiereian) d’Artémis, particulièrement vénérée des Galates, et par les parures magnifiques dans lesquelles on la voyait chaque fois lors des processions et des sacrifices.

  • 62 Dans le traité De l’Amour, Plutarque modifie le discours de Camma : « C’est dans l’attente de ce jo (...)

Sinorix s’était donc épris d’elle, mais, tant que vivait son mari, il ne pouvait ni la séduire, ni lui faire violence. Aussi perpétra‑t‑il un forfait monstrueux : il assassina par ruse Sinat et peu après il rechercha en mariage Camma, qui séjournait souvent dans le sanctuaire et supportait le crime de Sinorix, non dans un abattement pitoyable, mais avec courage et en attendant intelligemment son heure. Il était pressant et paraissait ne pas manquer du tout d’arguments spécieux pour prétendre qu’il s’était par ailleurs montré supérieur à Sinat et que, s’il l’avait tué, c’était par amour pour Camma, non pour quelque autre raison qui tiendrait de la scélératesse. Au début, les refus de la femme n’étaient donc pas trop rudes, puis peu à peu elle paraissait s’adoucir. De fait, ses proches et ses amis, afin de servir Sinorix et de lui complaire, car sa puissance était très grande, la poursuivaient de leurs instances en employant la persuasion et la contrainte. Pour finir, elle céda et le fit venir à elle pour que son assentiment et son engagement eussent lieu en présence de la déesse. A son arrivée, elle le reçut avec amitié et le conduisit à l’autel, où elle fit une libation avec une coupe, et, après avoir bu elle‑même une partie de son contenu, elle l’invita à boire le reste. Or c’était de l’hydromel empoisonné. Quand elle vit qu’il avait bu, elle poussa de grands cris de joie et se prosterna devant la déesse en disant : « Je te prends à témoin, ô divinité très honorée, c’est pour ce jour que j’ai survécu au meurtre de Sinat, ne tirant tout ce temps aucun plaisir de la vie, sinon l’espérance de la vengeance, et maintenant que je la tiens, je descends rejoindre mon mari. Quant à toi, le plus impie de tous les hommes, au lieu d’une chambre nuptiale et de noces, c’est une tombe que peuvent te préparer tes parents ! »62

A ces mots, le Galate, qui sentait déjà le poison agir et troubler son corps, sauta sur un char dans l’espoir que les cahots et les secousses lui seraient salutaires, mais il le quitta aussitôt pour passer dans une litière, où il mourut le soir. Quant à Camma, elle vécut toute la nuit et, à la nouvelle qu’il avait expiré, elle finit dans la joie et la gaîté.

  • 63 Le nom pourrait avoir une origine anatolienne : Freeman, 2001, p. 35.
  • 64 S. Reinach (1895, p. 261-267) avait déjà souligné cet aspect. Plus récemment, S. Mitchell (1993, p. (...)

18Comme pour Chiomara, deux thèmes sous‑tendent encore l’épisode : la violence faite à une épouse et sa propre vengeance qui la conduit aussi au suicide. Camma63 réunit au début toutes les qualités de l’épouse : la beauté, la réserve, l’amour pour son mari. Elle est aussi décrite comme intelligente, bienveillante et respectée de la communauté. De plus, Camma aurait été une prêtresse du culte d’Artémis, divinité particulièrement vénérée des Galates. Malgré la description faite par Plutarque du culte (le sanctuaire, l’autel, et la statue), celui‑ci ne paraît pas relever de pratiques religieuses galates, mais plutôt d’un culte hellénisé, ce qui pourrait expliquer l’identité grecque de la déesse64. Si cette charge religieuse lui confère un statut privilégié au sein de la communauté, Camma, en tant que parthénos, reste soumise aux pressions de ses proches (oikeioi) et de ses amis (philoi) selon Plutarque. Le veuvage la plaçait probablement sous la tutelle de ses parents masculins et par conséquent dans une position fragile.

  • 65 Athénée, Les Deipnosophistes, XIII, 576a (traduction D. Pralon, 1992)

19Camma joue en revanche un rôle plus direct dans la vengeance que Chiomara, dans la mesure où c’est elle qui prépare la boisson empoisonnée et la partage avec son prétendant. Cette scène n’est pas sans évoquer un autre récit où le rituel du partage d’une coupe entre époux est au cœur de l’intrigue. En effet, dans la version de la fondation de Marseille telle qu’elle est transmise par Athénée65, qui reprend un passage de la Constitution des Massaliotes d’Aristote, c’est un rituel comparable qui scelle les noces de la fille du roi Nanos et du Phocéen Euxénos : Le mariage se faisait de cette manière : il fallait qu’après le repas l’enfant entre et donne une coupe de boisson tempérée à qui elle voulait des prétendants présents. Et celui à qui elle aurait donné la coupe, celui‑là devait être son époux. L’enfant entre donc et, soit par hasard, soit pour une autre raison, donne [la coupe] à Euxènos. Le nom de l’enfant était Petta. A la suite de cet événement, comme le père acceptait qu’il eût la jeune fille en pensant que le don (doseôs) avait été fait avec l’accord de la divinité, Euxène la reçut pour femme et cohabita, changeant son nom (à elle) en Aristoxénè.

  • 66 Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue-Pompée, XLIII, 3, 4-13.
  • 67 Dans son article, D. Pralon (1992, p. 51-56) cherche à rattacher cette tradition au « svayamvara » (...)
  • 68 Rappelons que cette tradition fut probablement élaborée en contexte massaliote, d’où les résonances (...)
  • 69 Concernant le suicide, autre pratique associée aux Celtes, il a parfois été envisagé comme une mort (...)

20Deux aspects sont intéressants : d’une part, le rituel s’accomplit après le repas (meta to deipnon), rituel auquel n’assistait probablement pas la fille du roi ; d’autre part il se déroule dans le cadre des rites associés à l’hospitalité : c’est la jeune fille qui choisit et donne la coupe à l’un des prétendants ; par la suite c’est le père qui accepte le « don » puisqu’il s’est réalisé sous les auspices divins. C’est donc bien dans le registre des échanges qui accompagnaient la pratique de l’hospitalité que se noue l’alliance entre Euxènos et Petta. Dans la version plus tardive de Justin66, Nannos, le roi des Ségobriges, se prépare à marier sa fille selon la coutume de son peuple (quam more gentis) par le choix d’un gendre au cours du festin (electo inter epulas genero). Tous les prétendants sont conviés aux noces (ad nuptias) et les hôtes grecs (Graeci hospites) au banquet (ad convivium). C’est le père qui règle la cérémonie puisqu’il ordonne à sa fille de proposer l’eau à celui qu’elle choisirait pour mari. Entre les deux récits, la boisson est certes différente mais le choix est décidé – et le geste accompli – par la jeune fille. Différentes interprétations ont été proposées de l’épisode massaliote mais ce n’est pas le lieu d’y revenir67. Néanmoins une observation peut être faite : le rapprochement qu’il est possible de faire entre la tradition autour des origines de la colonie phocéenne68, et l’histoire de Camma peut aller dans le sens d’un rituel matrimonial partagé par les peuples celtes et intégré aux rites de l’hospitalité69. Dans tous les cas, on est frappé par la résonance qui existe entre les deux récits, comme dans l’exemple précédemment évoqué de Chiomara et d’Hérippè.

2. 2. La mère Stratonice

  • 70 Plutarque, Œuvres morales, 258D. Sur ce commentaire de Plutarque, voir infra.

21Dernier portrait d’épouse galate, Stratonice figure, à l’instar de Chiomara, parmi « les femmes dignes de passer à la postérité » selon Plutarque70. Son histoire investit un domaine réservé aux femmes, celui de la maternité :

22Stratonice savait bien que son mari désirait des enfants légitimes pour leur laisser le trône mais, comme elle était elle‑même stérile, elle le persuada d’avoir des enfants avec une autre femme et de lui permettre de les faire passer pour siens. Déjotaros admira sa proposition et lui donna carte blanche. Aussi choisit‑elle parmi les captives une belle jeune fille, qui s’appelait Electre ; elle l’apprêta, l’unit à Déjotaros et éleva dans la tendresse et la magnificence les enfants nés de cette union, comme s’ils étaient ses propres enfants légitimes.

  • 71 Elle était l’épouse de Déjotaros II Philopator, et non celle de Déjotaros I Philoromaios. Sur ce po (...)
  • 72 Son nom – ainsi que celui de Stratonice – laisse supposer une origine non galate, mais probablement (...)

23Le principal problème du récit est d’être un unicum, puisque l’épisode ne se retrouve chez aucun autre auteur. Il est tout aussi difficile de savoir à partir de quelle source Plutarque a construit son récit, même si on peut supposer qu’il s’agissait d’une source proche de celle utilisée pour l’histoire de Camma. Cet épisode de maternité « contrariée » sert encore à illustrer une forme d’héroïsme féminin : le subterfuge de Stratonice71, qui met dans les bras de son époux une « jeune et belle » captive, a permis d’assurer la descendance de la lignée et sa légitimité. Cet épisode montre une autre réalité de la vie conjugale des Galates : bien que captive, Electre72 devient probablement la concubine de Déjotaros II Philopator. Quant à Stratonice, si elle ne donna pas naissance à ses enfants, elle les éleva « comme les siens », remplissant ainsi son rôle de mère.

  • 73 Mitchell, 1993, p. 27-29.
  • 74 Mitchell, 1993, p. 28 n. 8.
  • 75 Sur Adobogônia, épouse de Brogitaros, Mitchell, 1993, p. 28 n. 13. Ce nom semble avoir été couramme (...)
  • 76 Strabon, 13, 4, 3. Sur leur fils, Pseudo-César, Bell. Alex., 78.
  • 77 Ce dossier complexe serait à reprendre en y adjoignant l’analyse du corpus onomastique galate. Dans (...)

24Cette anecdote permet d’aborder la question des pratiques matrimoniales galates, en particulier la question des mariages interethniques comme en témoigne le cas de Stratonice. Sur ce point, des études révèlent l’influence sensible qu’ont eue les pratiques royales hellénistiques de la région73. Dès la fin du iie siècle avant J.‑C., des familles dynastiques apparaissent en effet à la tête de chaque tétrarchie. L’un des artisans de ce changement aurait été Sinorix, chef des Tolistoboges, dont le pouvoir passa ensuite à son fils, Déjotaros le Grand. D’après une inscription et un autre texte de Plutarque74, ce dernier épousa une femme nommée Bérénice, probablement d’origine locale. Il en eut trois enfants dont une fille Adobogônia75, qui fut marié au tétrarque des Trocmes, Brogitaros. Outre Bérénice ou Stratonice, un autre cas intéressant est celui de la sœur de Brogitaros, appelée elle aussi Adobogônia. Elle fut mariée à un riche Pergaménien, Mènodotos, et de leur union naquit un fils, Mithridate de Pergame, plus tard ami et allié de César76. Ces trois exemples montrent que les règles en matière matrimoniale n’étaient sans doute pas strictement endogamiques, mais répondaient à des stratégies d’alliances avec d’autres dynasties ou avec les aristocraties locales77.

  • 78 Plutarque, Œuvres morales, 259 A-D.
  • 79 En 86 av. J.-C. Voir la version différente d’Appien, Mithr., 46.
  • 80 Les manuscrits indiquent comme nom Poredorax, mais pour les linguistes, il doit être corrigé en Epo (...)

25Pour clore ce corpus, on ne peut passer sous silence la dernière notice de Plutarque concernant les Galates. Intitulée « Fille de Pergame »78, elle fait la transition entre les portraits de femmes galates et l’histoire de Timocléia. Après la défaite d’Orchomène contre Sylla79, Mithridate VI Eupator fait mettre à mort une soixantaine de nobles Galates parmi lesquels le tétrarque des Tosiôpes, Eporédorix, « homme robuste et d’une trempe exceptionnelle »80. Selon Plutarque, après son exécution, il fut jeté dehors sans sépulture et aucun de ses amis n’osa s’approcher de lui. Or une fille de Pergame, qui vivant de ses charmes avait connu le Galate, courut le risque de rendre au cadavre les honneurs funèbres et de l’ensevelir. Mais les gardes s’en aperçurent et, après l’avoir arrêtée, ils l’amenèrent au roi. On dit que Mithridate fut ému rien qu’à la voir, car la prostituée lui paraissait fort jeune et innocente. Il se laissa encore plus fléchir, semble‑t‑il, quand il sut que le responsable était l’amour, et il lui accorda d’enlever le cadavre et de prendre un habit et une parure parmi ceux d’Eporédorix pour lui rendre les honneurs funèbres.

26Dans cet ultime récit de Plutarque, l’image de la jeune fille n’est pas sans rappeler d’autres grandes figures féminines grecques, telles Andromaque ou Timocléia. Comme elles, la jeune fille anonyme reste intrépide face au pouvoir royal et respectueuse de l’homme qu’elle aimait en lui rendant les honneurs funèbres. L’originalité de l’épisode vient du fait que la jeune fille était, semble‑t‑il, une prostituée, mais qu’elle fut probablement choisie comme compagne par le tétrarque Eporédorix. Une fois encore, on peut remarquer qu’elle était de Pergame, et non d’origine galate. Par cet épisode, Plutarque termine sa galerie de portraits féminins rattachés à l’histoire des Galates et des Celtes.

Conclusion

  • 81 D’Arbois de Jubainville, 1886, p. 144.

27Que retirer des histoires que nous avons choisies ? Faut‑il comme Henri d’Arbois de Jubainville considérer que « les littérateurs grecs ne les ont pas seulement embellies, [qu’] ils les ont créées de fond en comble pour flatter l’amour‑propre des uns et pour amuser les autres »81 ? Ce serait bien sévère et nous prendrions le risque de nous priver d’un corpus – certes limité – mais qui donne plus d’enseignements qu’il n’y paraît. D’un point de vue général, c’est à partir du moment où Rome commence à pacifier les régions de la Gaule et surtout celles de l’Asie mineure, que dans la littérature semble se développer un goût pour les histoires de femmes celtes et galates. Comme pour d’autres sujets, le récit de Polybe reste le plus ancien témoignage historique de leurs hauts faits, mais il n’était sans doute pas le seul à s’y être intéressé. Par la suite, d’autres auteurs ont pu reprendre et intégrer ces histoires dans leurs projets littéraires, et même les utiliser comme des exempla des vertus féminines. Ceci pourrait expliquer les formes d’intertextualité que nous avons relevées à propos de récits aussi différents que ceux de Chiomara et d’Hérippè ou bien ceux de Camma et du mariage de Petta/Gyptis.

  • 82 Plutarque, Œuvres morales, 258D. Voir Schmitt-Pantel, 2009b, p. 43-47.

28Dans le corpus, il est vrai, Plutarque occupe une place déterminante. En accordant une place à ces femmes « dignes de passer à la postérité » (axias mnèmès gunaikas)82, l’auteur de Chéronée a pu jouer par un effet de miroir entre l’image des femmes de son temps et celle des femmes vertueuses du passé. Si Chiomara, Camma, Stratonice sont décrites comme des femmes aussi vertueuses que des Grecques ou des Romaines, leurs gestes et leurs attitudes peuvent les associer au monde barbare. C’est sur cette double altérité que Plutarque a organisé ses récits : l’altérité du féminin et l’altérité inhérente à leur origine barbare, une altérité qui introduisait aussi de l’exotisme dans l’intrigue. En définitive, Plutarque a su leur donner une image plus valorisée que celle des hommes – ces derniers étant au mieux des époux assez passifs, ou au pire des bourreaux.

29Que ce soit dans le domaine de la guerre ou dans la stricte intimité conjugale, la littérature a donc conservé la trace, le souvenir (mnèmè) de ces destins féminins et véhiculé des images qui ne relèvent pas toutes de modèles stéréotypés. Ces textes éclairés par la critique historique peuvent à notre sens montrer le rôle primordial que les femmes jouèrent dans l’histoire des Galates et des Celtes, un rôle d’actrices de l’histoire, peut‑être celui de « médiatrices » entre les vainqueurs et les peuples vaincus auxquels elles appartenaient.

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Notes

1 Il est toujours difficile de citer une chanson aussi connue et célèbre que celle de Jean Ferrat, mais elle me vient souvent à l’esprit tant l’historien ne doit pas oublier qu’il est aussi l’acteur d’un présent qui n’accorde pas encore toute leur place aux femmes. C’est sans militantisme, ni irrévérence que nous avons choisi ce couplet, mais nous tenions à le dédier au professeur qui a écrit de si belles pages sur les femmes romaines. C’est aussi au guide et au patient lecteur de nos travaux que nous souhaitons rendre hommage. Qu’il y trouve le fruit de nos conversations fréquentes sur ces femmes et ces hommes d’un autre temps !

2 Nous employons ici l’adjectif « celtiques » au sens large puisque, comme nous le verrons, une bonne part de nos informations provient de Galatie.

3 Dans le catalogue de l’exposition « Trésors de femmes » réalisée par le Musée de Bibracte (2006, p. 4), les rédacteurs constataient non sans raison que les textes sont « pratiquement muets sur le sujet ». Récemment, Sarah Rey a souligné les mêmes difficultés à partir d’un extrait d’Ammien Marcellin, où « ces Gauloises dépaysantes », dit-elle, « acquièrent une présence forte mais muette » (2011, p. 159).

4 Sur l’histoire des femmes, il serait difficile de donner une bibliographie vraiment exhaustive : pour une sélection d’ouvrages, voir Boehringer et Sebillotte-Cuchet, 2011, p. 189-192. Les femmes « barbares », à l’exclusion notable des Amazones, ont pour l’instant assez peu intéressé les historiens.

5 Sur le statut de l’anecdote dans les œuvres littéraires antiques, en particulier celles de Plutarque : Schmitt-Pantel, 2009a, p. 180-196.

6 Par souci de cohérence, nous avons délibérément choisi de ne pas prendre en compte le témoignage de César dans la mesure où il fait mention des femmes de façon factuelle, ou pour évoquer les mœurs et autres coutumes prêtés aux Celtes, sujet qui mériterait à lui seul une nouvelle étude. De la même manière nous avons écarté l’histoire de Boudicca qui est souvent prise comme exemple par les historiens anglo-saxons, mais qui ne peut servir, selon nous, de point de référence unique pour la période considérée.

7 Ce recueil qui fait partie des Œuvres morales fut composé par Plutarque vers 110-115 après J.-C., au moment où il était parvenu à réunir toute la documentation nécessaire à la rédaction de ses Vies. Il rassemble 27 histoires mettant en scène des femmes, l’objectif étant pour Plutarque « d’apprendre en quoi se ressemblent et se distinguent le mérite féminin et le mérite masculin » (Œuvres morales, 243B). Que ce soit dans cette œuvre ou encore dans les Vies, le philosophe de Chéronée montre un intérêt original pour les femmes : sur ce point voir entre autres études, Le Corsu, 1981 ; Schmitt-Pantel, 2009b, p. 39-59. Pour un commentaire du traité qui fait toujours référence : Stadter, 1965. Il est à noter que le traité est traduit en français sous le titre de « Conduites méritoires de femmes » par Jacques Boulogne (CUF, 2002) titre auquel Pauline Schmitt-Pantel (2009) préfère dans son article celui de « Vertus de femmes », traduction effectivement plus convaincante.

8 On peut donc le dater de la fin du ve siècle ou du tout début du ive siècle avant J.-C.

9 Plutarque, Œuvres morales, 246 B-D (traduction de J. Boulogne, CUF).

10 Polyen VII, 50. Un rapprochement serait à faire (et à analyser) avec l’intervention des Sabines dans la guerre entre Romulus et leur peuple (Tite-Live I, 13, 1-3 ; Denys d’Halicarnasse, A.R., II, 45-46 et surtout Plutarque, Vie de Romulus, 24).

11 Les femmes étant « par nature » les garantes de la continuité familiale et communautaire.

12 Sur ce point : Schmitt-Pantel, 2009b, p. 51.

13 P. Stadter (1965, p. 56) suggère que l’épisode fait sans doute référence à la traversée par Hannibal du sud de la Gaule et aux relations qu’il avait établies avec les Celtes : voir Tite-Live XXI, 24.

14 Pour la (ou les) source(s) utilisée(s) par Plutarque, il est difficile de trancher entre Sosylos de Sparte et Silénos de Caléacté, tous deux ayant relaté l’histoire de la seconde guerre punique : Stadter, 1956, p. 56-57 et p. 74-75.

15 Diodore de Sicile V, 31, 5. Nous remercions notre amie Aude Skalli-Cohen pour ses conseils dans la traduction du passage de Diodore de Sicile.

16 Diodore de Sicile semble confondre sous le pronom démonstratif (toutois) les druides et les devins.

17 Sur l’interprétation orphique qui serait suggérée par cet extrait : Brunaux, 2006, p. 191-192.

18 César, B G, VI, 13, 5.

19 Strabon IV, 4, 4.

20 On peut songer en particulier à une source comme l’œuvre de Timée de Tauroménion que Diodore de Sicile a beaucoup utilisée dans sa Bibliothèque Historique.

21 Ce traité peu connu rassemble des mirabilia selon un genre littéraire qui fut très en vogue dès le iiie siècle avant J.-C. Peu d’éléments permettent d’identifier l’auteur de la notice, même si certains ont pensé à Isigonus de Nicée, auteur que cite Pline l’Ancien à propos des Scythes et des Sauromates (H.N., VII, 2, 4).

22 Dans la notice précédente il est question des Galates et de leur usage des trompettes.

23 Rerum Naturalium Scriptores Graeci Minores I (Leipzig 1877) ed. O. Keller, p. 112 n° 48. Sur les têtes coupées, voir infra.

24 Sur ce point, voir Loman, 2004, p. 50-51. De manière générale, la place des femmes dans la guerre antique reste encore discutée. Comme l’a justement souligné P. Payen (2004, p. 15-41) pour la Grèce ancienne, « la guerre est souvent conduite depuis l’intérieur, là où toutes les forces du dèmos sont requises pour entrer dans la collectivité devenue armée défensive. » (p. 38). Dans le cas des Celtes ou des Galates, c’est la tribu dans son ensemble qui est appelée à participer à la guerre, hommes et femmes indistinctement.

25 Polyen IV, 6, 17. Sur cet épisode voir Noguera Borel, 2011, p. 197-198.

26 M. Launey l’avait bien noté dans son étude sur les armées hellénistiques, étude datée de 1949. Selon lui, « le déplacement des Celtes était une véritable migration de tribus, et les hommes en état de porter les armes étaient accompagnés d’un nombre égal ou supérieur de vieillards, de femmes et d’enfants, qui suivaient les combattants dans ces chariots lourds et lents dont les Gaulois ne se séparaient jamais. ». Cette situation favorisa selon lui « la grande fécondité de la race » et, de fait, cela explique pourquoi les « Gaulois » constituèrent « un réservoir humain capable d’alimenter en mercenaires, auxiliaires et alliés tous les princes et dynastes de l’Orient grec » (p. 494).

27 Gera 1997. Elle date ce traité de la fin du iie siècle ou du début du ier siècle avant J.-C.

28 Sur Onomaris, les plus anciennes études sont les courtes analyses de G. Dottin et de C. Jullian dans le 8e tome de la Revue des Etudes Antiques (1906). Plus récemment : Gera, 1997, p. 219-224 ; Evans, 1999, p. 27-37 et Tomaschitz, 2002, p. 96-99.

29 De Mulieribus claris in bello, 14.

30 Gera, 1997, p. 219.

31 Selon Dottin, c’est Timée qui aurait pu servir de source à l’auteur anonyme du traité, auteur qu’il identifie à Phlégon de Tralles, affranchi de l’empereur Hadrien ou bien Artémon de Magnésie. C. Jullian rejette cette dernière hypothèse lui préférant Poseidonios d’Apamée ou Phlégon de Tralles, l’un et l’autre ayant écrit sur l’histoire des Scordisques, auquel C. Jullian associe cette histoire. Quant à D. Gera, elle détaille plusieurs hypothèses : Ephore et Timée, ou bien Poseidonios d’Apamée ou Hiéronyme de Cardia. Elle n’écarte pas non plus la possibilité de traditions orales qui auraient servi à l’auteur anonyme. Comme elle le souligne également, la source devait probablement être citée à la fin de l’épisode, et la liste s’interrompant brusquement à l’histoire d’Onomaris, l’auteure suppose que le traité était plus long et qu’il nous est donc parvenu incomplet.

32 C. Jullian, 1906, p. 124. Voir aussi Evans, 1999, p. 32 et Tomaschitz, 2002, p. 99.

33 A l’instar de Rhodogune : De Mulieribus claris in bello, 8 ; voir Gera, 1997, p. 12 et 16.

34 De Mulieribus claris in bello, 13. Sur Artémisia, Sebillotte-Cuchet, 2008, p. 15-33 et 2009, p. 19-32.

35 Gera, 1997, p. 223.

36 On ne peut résister à l’envie de citer C. Jullian qui voyait dans cet épisode « la transformation en femme de quelque fétiche, de quelque virago mythique du peuple ou même, plutôt, de sa grande déesse, la Victoire ou la Bellone des Scordisques ». Cette association entre reine et divinité guerrière fonctionne, il est vrai, à l’époque de Boudicca puisque la reine icénienne est associée à la déesse Andraste : voir Green, 1995, p. 31-33. Mais comme le remarque D. Gera (1997, p. 223), aucune des héroïnes dont parle le traité ne dispose de tels pouvoirs.

37 De ce point de vue, on peut penser qu’elle jouissait de certaines compétences religieuses.

38 G. Dottin (1906, p. 123) parle d’une forme « un peu défigurée » de – mara. Dans le Dictionnaire (2003), X. Delamarre ne retient pas ce nom mais dans un autre ouvrage, il l’a intégré à la liste des thèmes gaulois sous la racine maro- (2007, p. 226). Il est en réalité très difficile de faire la part entre l’onomastique celtique et thrace comme le montre D. E. Evans (1999, p. 32-34).

39 On retrouve dans son nom la racine celtique – mara « grande », précédemment évoquée. Xavier Delamarre l’inclut dans son Dictionnaire (2003, p. 217), mais pas dans l’ouvrage sur les Noms de personnes celtiques (2007, p. 226). Sur ce nom, voir aussi P. Freeman (2001, p. 38) : il suggère une comparaison avec le nom gaulois Cimarius. Comme nous le verrons, le nom apparaît dans les versions grecques, mais il est omis dans les versions latines.

40 Plutarque, Œuvres morales, 258 E-F. Compte tenu de son commentaire, on peut supposer que Polybe a probablement recueilli son témoignage pour l’utiliser dans ses Histoires. Selon P. Stadter (1965, p. 109-110), Polybe aurait pu la rencontrer entre 184, date de la défaite et de la mort d’Ortiagon et 169, terminus ante quem des séjours de l’historien en Asie.

41 Après la victoire des Romains sur Antiochos à Magnésie (en 190 avant J.-C.), G. Manlius Vulso marche contre les Galates et les vainc au mont Olympe (au nord de Gordion) l’année suivante.

42 Polybe 21, 38 (traduction D. Roussel, La Pléiade).

43 Ortiagon est bien le nom du chef des Tolistoboges comme l’atteste une inscription de Telmessos (Clara Rhodos 2, 1932, p. 172-174, n° 3). Sur la racine celtique ortu- « jeune animal » : Delamarre, 2003, p. 243.

44 Polybe 22, 21.

45 Pour les historiens modernes, Chiomara et Ortiagon apparaissent aussi comme les représentants d’une aristocratie galate profondément hellénisée : Mitchell, 1993, p. 24.

46 Sur le viol comme équivalent à la mort des guerriers au combat, voir Payen, 2012, p. 172-176.

47 Plutarque, Œuvres morales, 258 E-F : Quant à Chiomara, l’épouse d’Ortiagon, il lui arriva d’être faite prisonnière avec le reste des femmes lors de la victoire remportée par les Romains, sous la conduite de Gnaeus, dans une bataille contre les Galates d’Asie. Or l’officier qui s’était emparé d’elle, usant de sa bonne fortune, en soudard, la déshonora. C’était, il est vrai, un homme fruste et sans retenue à l’égard du plaisir aussi bien que de l’argent, mais pourtant c’est son amour de l’argent qui le perdit et, lorsqu’on eut convenu d’une importante quantité d’or en échange de la femme, il l’amena pour la rançonner. Un fleuve servait de ligne de démarcation. Quand les Galates eurent traversé ce dernier pour donner l’or à l’officier et recevoir Chiomara, celle-ci fit de la tête signe à l’un d’eux de frapper le Romain alors qu’il prenait congé d’elle amicalement. Lorsque pour lui obéir il eut coupé la tête du Romain, elle s’en alla après l’avoir ramassée et enveloppée dans les plis de son vêtement. Une fois arrivée devant son mari, elle jeta la tête à ses pieds et, à ses paroles admiratives : « Ma femme, c’est une belle chose que la fidélité ! », elle dit : « Oui, mais c’en est une plus belle qu’il n’y ait en vie qu’un seul homme à s’être uni à moi. » Polybe déclare avoir bavardé avec elle à Sardes et admiré sa noblesse et son intelligence. (traduction J. Bologne, CUF).

48 Tite-Live, XXXVIII, 24 (traduction de Stéphane Ratti, 1996)

49 Voir n. 41.

50 Ratti, 1996, p. 106-124. En s’appuyant sur d’autres récits de viol ou de violence empruntés à l’histoire romaine, l’auteur montre aussi que Tite-Live réussit à donner à cet exemplum « une fonction répressive mais aussi éducative » (p. 128).

51 Sur les têtes coupées, Arcelin et Brunaux, 2003, p. 245-246 ; Ciesielski et al., 2011, p. 113-121.

52 Parthénios de Nicée, Passions d’amour, 8. Parthénios connut un destin assez proche de celui de l’historien grec Polybe : fait prisonnier durant la troisième guerre mithridatique, il fut emmené à Rome où il séjourna jusqu’à sa mort, probablement au début du ier s. après J.-C. Son œuvre a bénéficié d’une nouvelle édition (établissement, traduction et commentaire du texte grec) réalisée par l’équipe Lalia de Nice et publiée aux Editions Jérôme Millon en 2008.

53 Cette anecdote s’inscrit, en effet, dans un contexte bien connu des historiens : les différentes exactions accomplies par les troupes celtiques durant leurs attaques en Thrace puis en Asie mineure. Milet fut la proie d’un raid des « Gaulois » en 277/6 comme en témoigne une épigramme d’Anytè de Mytilène, connue grâce à l’Anthologie Palatine (Fr. 22, Anth. Pal. 7, 492).

54 Sur cet épisode, voir Loicq-Berger 1984, p. 39-52.

55 Loicq-Berger 1984, p. 47.

56 Le poème sur Hérippè s’inspire comme l’indique la manchette qui figure au début du texte de Parthénios, de l’œuvre de l’historien Aristodème de Nysa, contemporain de Parthénios et proche de Poseidonios d’Apamée. Sur ce point, Loicq-Berger 1984, p. 49-51.

57 Plutarque, Œuvres morales, 257E-258C.

58 Plutarque, De l’Amour (Amatorius), 22. D’après P. Stadter (1965, p. 105), cette version serait légèrement postérieure à la rédaction des Vertus des femmes, comme le montre le fait que le récit en est sensiblement différent. Le traité De l’Amour date lui aussi de la dernière décade de la vie de Plutarque.

59 Polyen VIII, 39 : il insiste sur le poids de la culpabilité de Camma à l’égard de son époux : « j’ai pu tirer vengeance de la mort de mon époux, tué injustement à cause de moi ».

60 Selon P. Statdter (1965, p. 106-107), Plutarque aurait utilisé une (voire plusieurs) source(s) de nature historique qui ont aussi servi à l’élaboration des Vies.

61 Il s’agit selon toute vraisemblance du père de Déjotaros Philoromaios, ce qui permet de situer cette histoire dans le premier quart du ier siècle avant J.-C.

62 Dans le traité De l’Amour, Plutarque modifie le discours de Camma : « C’est dans l’attente de ce jour, ô mon époux chéri, que j’ai supporté de vivre séparée de toi dans l’affliction. Maintenant, réjouis-toi et emmène-moi : je t’ai vengé de cet infâme scélérat, dont je suis aussi heureuse de partager la mort que je l’étais de partager ta vie. ». Comme l’a montré F. Frazier (2005, p. 210) l’anecdote est reprise comme exemplum pour « faire voir jusqu’où peut aller l’amour, et percevoir, à travers lui, la présence du divin dans la vie des hommes ».

63 Le nom pourrait avoir une origine anatolienne : Freeman, 2001, p. 35.

64 S. Reinach (1895, p. 261-267) avait déjà souligné cet aspect. Plus récemment, S. Mitchell (1993, p. 49) a émis l’idée qu’il s’agissait probablement de la version hellénisée d’un culte voué à une divinité anatolienne, peu de preuves existant d’un culte rendu à Artémis dans la région.

65 Athénée, Les Deipnosophistes, XIII, 576a (traduction D. Pralon, 1992)

66 Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue-Pompée, XLIII, 3, 4-13.

67 Dans son article, D. Pralon (1992, p. 51-56) cherche à rattacher cette tradition au « svayamvara » indo-européen. D’autres analogies ont été faites avec le monde germain : M.J. Enright, 1996, p. 82-83. Peut-être est-ce aussi ce rituel qui est représenté sur la scène figurée de la situle de Vače (Slovénie), où une femme richement parée donne à boire à un homme. Sur une interprétation de cette scène dans le cadre d’un rituel de mariage sacré : Teržan, 2004, p. 226-228 ; Huth, 2012, p. 22-23 (que nous remercions pour son aide).

68 Rappelons que cette tradition fut probablement élaborée en contexte massaliote, d’où les résonances entre la version d’Aristote (via Athénée) et celle de Trogue-Pompée (via Justin).

69 Concernant le suicide, autre pratique associée aux Celtes, il a parfois été envisagé comme une mort volontaire au combat aussi bien pour les hommes que pour les femmes : Brunaux, 1996, p. 161-162. Voir aussi les modèles iconographiques connus par la statuaire hellénistique et romaine : Andreae, 1997, p. 61-77.

70 Plutarque, Œuvres morales, 258D. Sur ce commentaire de Plutarque, voir infra.

71 Elle était l’épouse de Déjotaros II Philopator, et non celle de Déjotaros I Philoromaios. Sur ce point : Stadter, 1965, p. 106-107. Mitchell (1993, p. 28 n. 8) fait la confusion entre les deux femmes.

72 Son nom – ainsi que celui de Stratonice – laisse supposer une origine non galate, mais probablement grecque. Comme le note P. Stadter (1965, p. 107), « it is remarkable that Plutarch preserves even the name of the concubine Electra ».

73 Mitchell, 1993, p. 27-29.

74 Mitchell, 1993, p. 28 n. 8.

75 Sur Adobogônia, épouse de Brogitaros, Mitchell, 1993, p. 28 n. 13. Ce nom semble avoir été couramment employé par les familles aristocratiques galates.

76 Strabon, 13, 4, 3. Sur leur fils, Pseudo-César, Bell. Alex., 78.

77 Ce dossier complexe serait à reprendre en y adjoignant l’analyse du corpus onomastique galate. Dans la liste des onze noms féminins relevés par P. Freeman (2001, p. 23-64) à partir des sources littéraires et épigraphiques concernant les Galates, on peut dénombrer huit noms qui sont clairement d’origine « celtique » (Adobogiôna, Brogimara, Eponè, Zmertomara) ou adaptés de noms attestés en Gaule (Ardè, Ebourèna, Meliginna, Rossomara). Quant aux trois autres noms, un seul est attesté en contexte galate (Kominka), un autre est à consonance mixte (Chiomara) et un cas est non celtique (Camma). De son côté, S. Mitchell (1993, p. 51 n. 94) précise que ces noms sont présents sur des inscriptions provenant des zones périphériques aux régions où se sont installés les Galates.

78 Plutarque, Œuvres morales, 259 A-D.

79 En 86 av. J.-C. Voir la version différente d’Appien, Mithr., 46.

80 Les manuscrits indiquent comme nom Poredorax, mais pour les linguistes, il doit être corrigé en Eporédorix, nom attesté Chez César (B.G., VII, 38) et dans des inscriptions de Gaule (CIL XIII, 2728 et 2805).

81 D’Arbois de Jubainville, 1886, p. 144.

82 Plutarque, Œuvres morales, 258D. Voir Schmitt-Pantel, 2009b, p. 43-47.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sandra Péré-Noguès, « Chiomara, Camma, et autres princesses… Une histoire des femmes dans les sociétés « celtiques » est‑elle possible ? »Pallas, 90 | 2013, 159-176.

Référence électronique

Sandra Péré-Noguès, « Chiomara, Camma, et autres princesses… Une histoire des femmes dans les sociétés « celtiques » est‑elle possible ? »Pallas [En ligne], 90 | 2013, mis en ligne le 21 janvier 2015, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/647 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.647

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Auteur

Sandra Péré-Noguès

Maître de conférences en histoire grecque
Université de Toulouse II-Le Mirail
TRACES UR 5608
perenog@univ-tlse2.fr

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