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I. Religions, rites, symboles

Autour du vin :pour un parcours dionysiaque

“About wine : for a dionysiac journey”
Pascale Jacquet-Rimassa
p. 39-51

Résumés

Bacchos invisible, Bacchos imprévisible… C’est par le biais des images symposiaques italiotes qu’ici, il se dévoile. Si nous connaissons l’imagerie du symposion pour l’avoir fréquemment rencontrée depuis les premiers vases attiques à figures noires, celle-ci n’est toutefois pas figée. Dieu aux multiples visages, Dionysos, offre aux hommes une convivialité à son image, plurielle et singulière. C’est ainsi qu’aux côtés d’éléments immuables, les scènes italiotes du ive siècle présentent une nouvelle dynamique et symbolique symposiaque. Ce partage collectif prend alors une couleur dionysiaque qui transforme son intelligibilité et le situe dans une autre sphère. Nous ne sommes plus seulement en présence d’une quelconque réunion profane mais nous voici au cœur même du banquet dionysiaque, celui que Dionysos promet à ses fidèles, fait de réjouissances perpétuelles.

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Notes de l’auteur

Cette contribution est un regard porté sur des années de complicité dionysiaque avec J.-M. Pailler. Il m’était effectivement difficile, et je le fais bien volontiers, de ne pas revenir ici sur ce dieu si atypique qu’est Dionysos, ce Dionysos qui fut au centre de nombreuses de nos discussions. Je relis « Bacchus » (Pailler, 1995) et des images m’apparaissent, images symposiaques et dionysiaques qui ont marqué notre collaboration autour d’un dieu qui a su nous « enthousiasmer ». Je fais ici le choix de quelques-unes d’entre elles appartenant à la production italiote, images qui sont quelques temps forts de mon parcours, et qui me permettent de revenir aujourd’hui sur certaines problématiques et interprétations.

Texte intégral

  • 1 Londres F275, vers 370-360 av.

1Dionysos, allongé sur une peau de bête, cheveux longs parés d’une mitra, le thyrse dans la main gauche et une coupe dans la droite, est accompagné de trois de ses compagnons, un satyre et deux ménades. Alors que le satyre, couronné de lierre, verse le contenu d’un askos dans un cratère, une ménade installe une tige de kottabe tandis que la seconde s’avance, tympanon en main. Telle est la scène apulienne de la figure 1, réalisée par le peintre d’Athènes 1714, aujourd’hui conservée à Londres1, scène qui constitue le point de départ de mon étude.

  • 2 Murray, 1992 et 1995.
  • 3 Aristophane, La Paix, 1130.
  • 4 Alcée, frag. 336.
  • 5 Les Bacchantes, 375-385.

2Dionysos, c’est avant tout l’image du plaisir2, plaisir qu’il offre aux hommes, non seulement dans la consommation du vin divin lors du symposion, mais aussi dans les diverses activités associées à cette convivialité, et dont il apparaît comme l’archétype dans la scène de Londres (fig. 1). En effet, n’est-il pas de meilleur plaisir que de boire à qui mieux mieux avec des camarades3 ce vin divin autour duquel s’organisent et s’articulent des règles qui définissent le bon usage de cette boisson, et créent le principe de sociabilité grecque par excellence, le symposion. Car, comme le clame Alcée, Buvons ! A quoi bon attendre les lampes ? Il ne reste qu’un doigt de jour. Apporte de grandes coupes…, car le vin, fils de Zeus et de Sémélé l’a donné aux hommes pour oublier leurs chagrins. Verse un mélange d’un pour deux, remplis jusqu’au bord, et qu’une coupe chasse l’autre4. Et, quelques décennies après, Euripide fait proclamer : Le fils de Sémélé, prince divin des bienheureux, maître des gais banquets tout fleuris de couronnes, dont l’apanage est de conduire les chœurs au son des flûtes, de rire et d’endormir nos soucis, quand le jus du raisin brille au festin sacré, et lorsque dans les fêtes où l’on s’orne de lierre, le cratère verse aux convives le sommeil5.

  • 6 Hécatée de Milet, apud Athénée, II, 35b ; Pausanias, X, 38,1 ; Apollodore, Bibliothèque, I, 8, 1 ; (...)
  • 7 Hygin, Astr., II, 4,2-3 ; Elien, Nat. An., VII, 28.
  • 8 Philochore, apud Athénée, II, 38c.
  • 9 Cf. Noël, 1998.
  • 10 Il est intéressant de rappeler, par ailleurs, que le travail nécessité par la culture de la vigne n (...)

3Rappelons brièvement, tout d’abord, le parcours originel du vin dionysiaque. Depuis le cep au suc fluide qui en émane, le vin est indéniablement une boisson différente de toutes les autres. Nombreuses sont, en effet, les légendes relatives à l’invention et au don de la vigne. Certaines6 font de l’Etolie la première terre viticole, son roi, Oineus, ayant été choisi par Dionysos pour être le premier homme à recevoir la vigne, en cadeau de son hospitalité. D’autres7 présentent l’Attique comme la terre originelle, et le « héros » est cette fois un simple paysan, consciencieux et laborieux, Icarios, à qui le dieu offre non seulement la vigne, mais aussi l’art de la cultiver, de produire du vin dans le dessein de diffuser cet enseignement. Mais le vin obtenu par Icarios, se situant en amont du vin mélangé, conduit à sa mort. Après cet échec, Dionysos revient, et c’est à Amphictyon8, représentant d’Athènes et de ses habitants, que le fils de Sémélé va enseigner l’art du mélange afin de consommer sans danger cette étrange boisson. Par là même, il crée et codifie les règles du banquet grec9 en positionnant le cratère au cœur de cette nouvelle convivialité. Le vin s’inscrit ainsi dans un parcours obtenu au terme d’un processus complexe, semé d’obstacles, dans lequel l’homme intervient guidé par le divin10.

  • 11 Naples RC 145.
  • 12 Dinos apulien, New York 14.130.13.
  • 13 Voir : Cratère en cloche apulien, Métaponte inv. 20 056. T2 / Cratère en calice apulien, Ruvo 1495 (...)
  • 14 Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001 / Cratère en calice apulien, Bari, Collection Log (...)
  • 15 Péliké apulienne, Canberra University U.H. 6 (76.13).
  • 16 Cf. Tzannes, 1997 et Jacquet-Rimassa et Pouyadou, 2003.

4Les légendes ne manquent pas de le rappeler, le vin sauvage de Dionysos doit être domestiqué pour être bu sans danger. Sa consommation nécessite donc l’opération préalable du mélange autour de laquelle s’articulent les règles de sociabilité. Dans l’imagerie, cette consommation codifiée et ritualisée s’organise autour du « cratère », sans que pour autant « cratère et mélange » n’apparaissent très fréquemment. Une des scènes italiotes les plus emblématiques est celle de Londres (fig. 1) où, aux côtés de Dionysos profitant des joies du symposion, un satyre verse le contenu d’une outre dans un cratère en calice. Cette opération, nous la retrouvons sur une oenochoé campanienne11 où, cette fois dans le cadre d’un symposion humain et collectif, un jeune homme nu, coiffé d’une couronne végétale, s’avance sur le pas d’une porte entr’ouverte et verse le contenu d’une amphore dans un grand cratère en calice. Ailleurs12, cette même manipulation s’effectue dans un dinos posé sur un petit support au milieu de convives attentifs. Dans d’autres scènes13, seule la présence du cratère rappelle le mélange civilisateur. Il est intéressant de noter que si les cratères en cloche14 ou à volutes15, autour desquels s’organise le symposion, sont assez peu représentés dans l’imagerie italiote, beaucoup plus fréquent est le cratère en calice, ce même cratère que nous retrouvons dans le cadre de scènes dionysiaques plus rituelles16.

  • 17 Voir entre autres : Frag. Cratère en cloche, Cahn 276 / Cratère en cloche, New Haven, Yale Universi (...)
  • 18 Cratère en cloche, Vienne 734 / Cratère en cloche, Turin 4130 / Oenochoé, New York, Christie Manson (...)
  • 19 Cratère en calice apulien, Bari, collection Logioia (coupe) / Cratère en cloche apulien, Vatican V7 (...)
  • 20 Frag. Cratère apulien, Cahn 276 (coupe) / Cratère en cloche apulien, New Haven, Yale University 191 (...)
  • 21 La consommation « en direct » apparaît, à notre connaissance, uniquement dans la scène figurant sur (...)
  • 22 A propos de la libation, voir entre autres : P. Wolters, 1943, The banquet libations of the Greeks, (...)
  • 23 Collection L. Levey 228.
  • 24 Collection L. Levey 228.
  • 25 Oenochoé campanienne, Naples 147866.
  • 26 Nous retrouvons le canthare dans d’autres scènes telles les situles apuliennes : Marché de Friburg (...)
  • 27 New York, Collection L. Levey 228 / Kiel B 776 / Londres F 303 et Marché de Friburg (RVAp Suppl. II (...)
  • 28 Diodore, III, 62-64.
  • 29 New York, Collection L. Levey 228 / Kiel B 776 / Londres F 303 et Marché de Friburg (RVAp Suppl. II (...)
  • 30 Nous rappellerons ici qu’aux côtés du canthare et de la vigne, de nombreux autres éléments sont exp (...)

5Aux côtés du cratère, le vin dynamique est aussi présent par l’intermédiaire d’autres vases telles que des coupes17 et des phiales18. Si certaines sont posées ou disposées dans le champ19, définissant ainsi l’espace du symposion, d’autres sont tenues par les convives20. Alors que les coupes sont une référence explicite à la consommation du vin « socialisé »21, les phiales apparaissent comme des vases emblématiques, symbolisant les libations préalables et indispensables qui débutent le symposion22. Ces libations sont effectuées par deux convives dans un symposion collectif réalisé par le peintre de Darius23, l’un tenant une phiale à godrons, l’autre versant quelques gouttes de vin d’une oenochoé dans le vase rituel. Outre cette vaisselle traditionnelle, le canthare dionysiaque peut être tenu et manipulé par des convives anonymes. Sur ce même dinos24, deux des convives tiennent un canthare alors qu’un troisième est déposé sur le stibadéion. Ailleurs25, le peintre d’Aversa organise la composition de sa scène autour de la manipulation du canthare que le symposiaste tend à une jeune femme qui l’accompagne26. Ce référent au divin et au vin est aussi parfois associé à la présence de la vigne arborescente. Ce schéma apparaît dans plusieurs scènes apuliennes27 où, au-dessus des convives, court une vigne chargée de lourdes grappes jouant ainsi le rôle de cadre, un cadre, il est vrai, bien emblématique, et qui ne peut être considéré comme un quelconque élément de décor. Ce végétal est bien plus que cela, il « est » Dionysos, puisque Dionysos est don du vin28, alors que dans tous ces documents29, on note la présence d’un ou plusieurs canthares. Ainsi donc, canthare et vigne, indépendamment l’un de l’autre ou conjointement, apparaissent comme des référents directs à Dionysos. Désormais associés dans une même image, ils accentuent la référence dionysiaque et situent ces symposia dans une sphère qui n’est plus totalement profane30.

  • 31 Les premières scènes italiotes sont très proches de l’imagerie attique contemporaine, et ne présent (...)
  • 32 Voir Lissarrague, 1987.
  • 33 Cf. Euripide, Le Cyclope, v. 503-510 et 519-529.
  • 34 P. Jacquet-Rimassa, 1996.
  • 35 Hésiode, La Théogonie, 535-560.
  • 36 Sur les mystères dionysiaques voir, entre autres : M. P. Nillson, 1957, The dionysiac mysteries of (...)

6Progressivement31, en terre grecque, certes, mais aussi indigène, une autre imagerie symposiaque se met en place, une imagerie bien différente de celle à laquelle les peintres athéniens nous avaient habitués32 ; une toute autre manière de vivre, de penser et de se représenter le symposion. L’image italiote rappelle plus précisément la nature divine du vin consommé et présente, par le biais de constructions et d’associations graphiques, la relation vin-divin comme un véritable parcours dionysiaque. En effet, le vin joue un rôle médiateur. Alors même qu’il est la présence du dieu33 et rappelle l’institution de cette pratique sociale essentielle chez les Grecs, il est aussi l’image du plaisir et des plaisirs qui lui sont associés34. Or, flirter avec le vin et ses plaisirs, n’est-ce pas aussi une manière pour les convives de se rapprocher de la divinité, d’intégrer tant soit peu ce monde définitivement inaccessible depuis la tromperie de Prométhée35. Si du mélange est née la convivialité symposiaque créant un des principes fondamentaux de sociabilité chez les Grecs, c’est autour et grâce au vin que prend forme et se développe le plaisir dionysiaque. Alors même que dans la céramique italiote du ive siècle av. J.-C., l’élément religieux prend le pas sur le profane, ces nombreux convives pourraient être l’image d’adeptes de Dionysos, se réunissant en confrérie pour vénérer leur dieu. Le vin divin et ses plaisirs s’associent pour signifier et présenter désormais, non plus un quelconque symposion de convives « ordinaires », mais un symposion rituel, composé de fidèles du dieu, qui l’honorent de la meilleure des manières. Tels sont les codes iconographiques à partir desquels les peintres ont construit et symbolisé l’image d’un symposion, plus religieux que profane, un symposion qui pourrait être l’image du bonheur éternel pour les fidèles des mystères dionysiaques36.

  • 37 Nous renvoyons, entre autres, aux scènes suivantes : Cratère en cloche apulien, Métaponte, Antiquar (...)
  • 38 Situle apulienne, Dublin 1917.46 ; RVAp 402,35.
  • 39 Cratère en calice, Naples inv. 81425

7Les peintres italiotes37 présentent, par ailleurs, une autre construction symposiaque qui s’organise à partir du schéma du convive unique dans un environnement explicitement dionysiaque. Celui-ci est marqué par la présence de satyres, de ménades ou encore de papposilènes, tandis que les banqueteurs disposent parfois d’insignes dionysiaques comme le thyrse ou le canthare. Doit-on identifier Dionysos dans le jeune homme de la situle de Dublin38, cheveux longs ceints d’une couronne végétale, allongé sur un stibadéion, et entouré d’un satyre et d’une ménade alors qu’un sarment se déploie au-dessus de lui ? Très vraisemblablement pas. Les codes de lecture sont brouillés, et c’est toute la difficulté et l’ambiguïté de l’imagerie italiote qui propose une lecture polysémique, alors même que Dionysos est bien souvent là où on ne l’attend pas et absent quand on croit le saisir enfin. Si la présence de certains référents dionysiaques n’est pas suffisante pour identifier avec certitude le fils de Sémélé, ils permettent toutefois un rapprochement du convive avec la divinité. Leurs images s’associent pour se confondre et permettre une identification pensée comme une intégration réussie au terme d’une vie vouée au dieu, dans le cadre de la doctrine des mystères dionysiaques. Le vin apparaît comme l’élément déterminant de cette transfiguration, le point d’articulation et le vecteur de cette identification au divin. La fréquence de l’association vin-divin dans cette imagerie du ive siècle av. J.-C. n’est en effet pas anodine, avec ici39 un convive qui, isolé sur un stibadéion, couronné d’une ténie, et tenant dans ses mains un thyrse, porte à ses lèvres une coupe. Tout, autour de lui, est dionysiaque avec la présence d’un satyre et de deux ménades jouant, l’une de l’aulos, l’autre du tympanon. Il nous est bien difficile d’identifier précisément le personnage que je ne nommerai pas ici Dionysos mais plutôt fidèle du dieu qui, s’identifiant à la divinité, devient lui-même « un Dionysos », le vin consommé ayant permis ce rapprochement et cette assimilation. Car c’est bien un peu de Dionysos qui pénètre en chaque homme. Le vin apparaît alors comme un élément majeur de cette « fidélisation » au divin, permettant au convive de s’identifier progressivement au dieu, pour enfin devenir le dieu.

  • 40 Jacquet-Rimassa, 2008.
  • 41 Je ne reviendrai pas ici sur le déroulement de ce jeu et ses variantes. Voir à ce sujet, Jacquet-Ri (...)
  • 42 Jacquet-Rimassa, 2008, p. 76-77.
  • 43 Dinos apulien, Londres F 303
  • 44 Voir entre autres :Cratère en cloche apulien, Métaponte, Antiquarium inv. 20 056.T2 / Cratère en cl (...)
  • 45 Dublin 1917.46, RVAp402,35.
  • 46 Burkert, 1987, p. 50 et s.
  • 47 Je considère ici l’acception large du terme « kottabe », que définit Athénée (XV, 666c-f), à savoir (...)

8Par ailleurs, le jeu du kottabe s’associe à ce processus de transformation et d’intégration40. Ce jeu s’inscrit, en effet, dans une manipulation du vin qui après avoir été mélangé à l’eau dans le cratère, versé dans les coupes, partagé entre les convives et bu, les quelques gouttes restantes vont être projetées vers une cible plus ou moins précise à laquelle s’associe un oracle amoureux41. Or, comme nous venons de le voir, compte tenu de l’environnement éminemment dionysiaque que présentent nombre de banquets italiotes, l’interprétation qui fait du kottabe un simple divertissement de gens ivres est à reconsidérer. Certes, le kottabe est un jeu qui joue avec le vin, mais dans un tel contexte il ne s’agit plus de n’importe quel vin, ni de n’importe quel plaisir. La manipulation du vin divin devient un signe d’appartenance dionysiaque qui rapproche les convives un peu plus de Dionysos42. Sur un dinos du peintre de Darius43, la coupe de kottabe, manipulée par le joueur, reçoit directement les gouttes de vin d’une énorme grappe de raisins positionnée précisément au-dessus du vase, construction graphique symbolisant le don de la vigne et du vin de Dionysos et, par là même, le don du kottabe. Ce schéma se retrouve, dans la même scène, avec le compagnon de droite, qui, cette fois, dispose non pas du vase à boire traditionnel, mais d’une phiale placée, elle aussi, au-dessous d’une deuxième grappe de raisins. Ces constructions graphiques et iconographiques créent indéniablement un lien entre les unités référentes, traduisant l’appartenance dionysiaque que constituent ici le jeu et sa gestuelle. Cette appartenance dionysiaque me semble d’autant plus explicite lorsque le peintre s’attache à ne présenter qu’un seul convive44, comme sur la situle de Dublin45 où le banqueteur anonyme se prépare à lancer le kottabe, sa coupe positionnée précisément sous une grappe alors qu’un satyre s’apprête à le couronner et qu’une ménade remet le plastinx. Il ne s’agit vraisemblablement pas de Dionysos, nous l’avons vu, il s’en rapproche toutefois entouré des membres du thiase. La manipulation du vin divin, s’inscrivant ici dans une gestuelle ludique, a contribué à ce rapprochement et a permis l’assimilation et l’identification à la divinité. Le vin, boisson si complexe et envoûtante qu’il faut savoir civiliser dans un parcours fait de manipulations diverses et ritualisées, est ici au centre d’un jeu complexe qui permet au fidèle, arrivé au terme de sa vie terrestre et selon les préceptes des mystères46, d’abandonner définitivement sa condition de fidèle mortel pour renaître dans celle de fidèle éternel. Mais plus encore qu’un signe d’appartenance, le kottabe47 m’apparaît comme un agent d’intégration et de consécration bachique. En manipulant le vin divin, le fidèle se rapproche de la divinité et fait corps avec elle.

  • 48 Jacquet-Rimassa et Pouyadou, 2003.

9Par ailleurs, cette interprétation qui fait du jeu du kottabe un vecteur d’intégration dionysiaque, je la reprendrai à propos de quelques images dans lesquelles ce jeu est associé, indépendamment de l’univers symposiaque, à un environnement explicitement dionysiaque48.

  • 49 Cratère en cloche apulien, Léningrad St. 1780
  • 50 Cratère en cloche apulien, Bologne PU 425
  • 51 Léningrad St. 1780.
  • 52 Bologne PU 425.
  • 53 Tzannes, 1997, p. 149.

10Sur un cratère de Léningrad, un satyre danse auprès d’une tige de kottabe49, point focalisateur de la scène, un cratère et une jeune aulète face à lui. Ailleurs50, Dionysos, thyrse et canthare en main, s’approche d’une trapeza surmontée d’un cratère en calice, le canthare placé précisément au-dessus du cratère, alors qu’une jeune femme dépose le plastinx au sommet de la tige du kottabe et qu’un satyre éclaire la scène d’une torche. Il existe, toutefois, une gradation dans l’interprétation dionysiaque de ces deux scènes. Dans l’image de Léningrad51, nous disposons d’un combinatoire « cratère en cloche, kottabe, musique et satyre » qui renvoie au « vin, plaisirs, divin », qui est non seulement une référence implicite au symposion, mais aussi la marque d’une appartenance dionysiaque. Avec la scène de Bologne52, nous franchissons une étape supplémentaire dans le dionysiaque. Le cratère en calice s’est substitué au cratère en cloche, il n’est plus posé au sol mais sur une trapeza, et Dionysos est, cette fois, présent avec ses attributs. Avec le vin et sa manipulation, cette scène m’apparaît comme le signe d’une consécration dionysiaque, dans le cadre d’une cérémonie ritualisée et présidée par Dionysos lui-même53.

  • 54 Cratère en cloche, Wakefield, Nostell Priory 22; LCS 246,139.

11Ainsi, par l’intermédiaire de ces quelques images italiotes, extraites d’un riche corpus, nous avons côtoyé un univers symposiaque qui s’est construit et façonné autour du plaisir du vin et de ses réjouissances, plaisir dionysiaque qui non seulement offre aux hommes le plus doux des breuvages mais leur promet aussi une ivresse éternelle. Et c’est bien Dionysos, maître du thiase, qui en offrant aux hommes le vin civilisé, leur procure aussi les joies du festin d’immortalité, ce festin que rejoint, peut-être dans un ultime voyage, une bien étrange embarcation54.

  • 55 Coupe, Munich 2044, de Vulci, ABV 146,21.
  • 56 Sur le contenu iconographique de cette scène, voir aussi, Daraki, 1982, p. 4-7.
  • 57 Pailler, 1995, p. 129. Sur les différentes lectures, cf. Pailler, 1995, pl. I.

12Au centre de la scène vogue un bateau avec à son bord trois personnes, tandis que trois dauphins évoluent sous la coque. Une jeune femme, coiffée d’un diadème et portant des bracelets, tient une phiale dans sa main gauche tendue alors qu’elle vient de lâcher une rame. Devant elle se tient un vieux silène en train de ramer, coiffé de la même couronne alors qu’à l’arrière se trouve un jeune homme debout, pareillement couronné. Deux objets assez peu anodins les accompagnent, une amphore posée derrière le jeune homme, et une tige de kottabe qui se dresse entre la femme et le silène. Cette image campanienne nous rappelle une autre scène plus ancienne, réalisée par le peintre Exékias55. Nous y découvrons un Dionysos barbu, tenant une corne à boire, allongé sur un navire tel un symposiaste sur sa kliné qui vogue au gré des flots, suggérés ici par la présence de sept dauphins. Une vigne arborescente, portant sept grosses grappes de raisin, s’élève le long du mât56 sur lequel se déploie une voile blanche, gonflée par les vents. Comme l’écrivait J.‑M. Pailler, nous sommes devant « une des images les plus simples, les plus pleines, les plus riches qu’ait jamais inspirées le dionysisme. Si riche dans sa simplicité qu’aucune discussion érudite ne devrait, nous semble-t-il, dissuader d’en faire une lecture polysémique »57.

  • 58 Homère, Odyssée, V, 221 ; VII, 250.
  • 59 Sur cet aspect très particulier du symposion, nous renvoyons aux travaux de Slater, 1976 et 1981 ; (...)
  • 60 Kossatz et Kossatz-Deissmann, 1993, p. 471.

13Si des variantes iconographiques sont à relever entre les deux documents, la substance des scènes est la même, et des rapprochements sont inévitables. Toutes deux s’organisent à partir d’un bateau voguant sur les flots matérialisés par les dauphins, l’un transportant le dieu du vin avec le cep arborescent autour du mât, l’autre un papposilène, compagnon de Dionysos et deux jeunes gens. Ces deux embarcations dionysiaques évoluent sur l’oinops pontos, la « mer dionysiaque » dite « couleur de vin », à laquelle Homère fait de nombreuses allusions58 et qui, dans la culture grecque, est à l’origine d’analogies associant le banquet au bateau, et le vin consommé à la « mer vineuse »59. Or, cette image campanienne m’apparaît comme un des documents les plus explicites pour évoquer cette métaphore avec la présence, non seulement des dauphins et du bateau, mais aussi de l’amphore et du kottabe, deux unités référentes au vin. Mais cette scène est bien plus que cela. Un tel schéma iconographique a été interprété comme un départ pour une convivialité symposiaque : « Fahrt zu einem Gelage auf einer Insel » écrivait Kossatz60. Or, la présence du vieux silène et de la jeune femme tenant une phiale, tous deux associés à la tige de kottabe, me conduisent à revenir aujourd’hui sur cette interprétation.

  • 61 Jacquet-Rimassa, 2008.

14L’équipage de ce bateau-symposion est, à la vérité, bien particulier. Si deux d’entre eux, le jeune homme et la femme, sont apparemment anonymes, le capitaine-symposiarque à bord est le silène, manipulant les rames pour diriger l’embarcation. Alors que celui-ci est physiquement identifiable à la communauté dionysiaque, sa seule présence « contamine » les deux autres personnages qui pourraient être identifiés comme des membres d’une confrérie dionysiaque. Notons que tous trois ont la tête ceinte de la même couronne. Par ailleurs, la jeune femme ne dispose pas d’un quelconque vase à boire, mais d’une phiale décorée de godrons, suggérant un vase métallique qui n’est donc pas dépourvu de connotation religieuse. Si cette phiale est associée aux libations d’usage qui débutaient le symposion, sa juxtaposition à la tige de kottabe renvoie aux deux parcours du vin dionysiaque61.

  • 62 Hymne homérique à Dionysos, VII. Voir Pailler, 1995, commentaire de la planche 1. Sur un fragment d (...)
  • 63 Kossatz et Kossatz-Deissmann, 1993.

15Mais revenons sur la construction même de l’image. Alors que les dauphins symbolisent la mer couleur de vin sur laquelle vogue le navire-symposion, ils évoquent aussi une des légendes de l’Hymne homérique à Dionysos où le fils de Sémélé, capturé par des pirates tyrrhéniens, échappe au sort funeste qu’ils lui réservaient en les transformant en dauphins, les « sept » dauphins de la coupe d’Exékias et les trois du cratère campanien62. Par ailleurs, T. Kossatz et A. Kossatz-Deissmann63, identifiant le silène conduisant le navire comme un personnage de théâtre, proposent d’y voir une représentation d’un drame mettant en scène l’enlèvement de Dionysos. Le papposilène conduirait le bateau pour retrouver Dionysos enlevé, les trois dauphins étant une allusion à la métamorphose des pirates. Cette interprétation qui ne considérerait que l’Hymne Homérique ne me satisfait pas. Pourquoi alors la présence de la jeune femme et du jeune homme, pourquoi la présence de vases comme l’amphore et la phiale, et d’objet comme la tige de kottabe ?

  • 64 Nous reprenons ici le titre d’un des chapitres de Otto, 1933, donnant dans la traduction française (...)
  • 65 Scholie à Homère, Iliade, XVIII, 485. Plutarque dans les Moralia explique que Dionysos porte cette (...)
  • 66 Homère, Iliade, VI, 130.
  • 67 Diodore, V, 50. De même, les Argiens, croyant que Dionysos était englouti dans le lac de Lerne, mon (...)
  • 68 Plutarque, Questions grecques, 299AB.
  • 69 Thucydide II, 15, 3-4.
  • 70 Pausanias, X, 19, 3.
  • 71 On note là encore la proximité de Dionysos avec l’élément liquide, comme cela était aussi le cas à (...)
  • 72 Sur les caractéristiques de cette fête, fête du vin et des morts, voir Jeanmaire, 1951, p. 48-56.

16En essayant d’expliquer la présence des diverses unités iconiques, c’est, avant tout, Dionysos qui s’impose, un Dionysos « qui vient »64 de la mer. Dieu de la nature végétale, il est aussi le dieu de l’élément humide, et c’est dans la mer que l’enfant Dionysos, qui deviendra le dieu « Humide »65, échappe à Lycurgue en plongeant dans le flot marin, où Thétis le reçut, épouvanté dans ses bras66. C’est aussi dans les flots marins que se jettent les nourrices de Dionysos, poursuivies par Boutas alors que ce dernier, puni pour son crime, meurt en se jetant dans un puits67. Ainsi, ces divers plongeons de Dionysos lui-même, ou de ses fidèles compagnes apparaissent comme les métaphores du « Plongeon » vers l’au-delà, signe du passage de la vie terrestre vers l’éternel. En outre, c’est de cet élément liquide, qui fait la transition entre le monde des vivants et le monde de l’Hadès, que Dionysos, après avoir été englouti, « revient ». Il émerge sous la forme d’un taureau à l’appel des femmes d’Elis68, on le réveille à l’aide d’un orgue « hydraulique »69, et il apparaît aux gens de Méthymna sous l’aspect d’une idole en bois d’olivier qui aurait été retirée de la mer par des pêcheurs70. Enfin, et surtout, c’est par bateau qu’il rentre triomphant à Athènes lors des Anthestéries, sa statue portée sur un « char naval », dans un cortège d’épiphanie jusqu’au sanctuaire du Marais71. Or, si les Anthestéries sont une fête du vin, elle sont aussi une fête des morts, symbolisant les deux aspects du culte de Dionysos, à la fois dieu végétal, dieu du vin et de la vigne, mais aussi dieu chthonien72.

  • 73 Jacquet-Rimassa, 1998.

17Au vu de ces différentes considérations, ne comprendre la scène campanienne qu’à partir de la seule métaphore du banquet ou comme seule « illustration » de l’épisode tyrrhénien serait négliger un programme iconographique polysémique, comme l’écrivait Jean-Marie Pailler à propos de la scène d’Exékias. Le bateau, certes métaphore du symposion, nous convie à un embarquement pour un voyage vers l’ailleurs, voyage dionysiaque dont l’aboutissement serait le banquet céleste, banquet d’immortalité avec ses réjouissances73.

18Ainsi, c’est bien autour du vin divin de Dionysos que s’est construite cette imagerie italiote, riche de combinatoires et de référents symboliques complexes, parfois encore énigmatiques. Ces scènes symposiaques et dionysiaques, dans leurs richesses et leurs diversités iconographiques, apparaissent comme des images de consécration bachique qui pourraient définir l’imaginaire eschatologique des confréries dionysiaques d’Italie du Sud au ive siècle av. J.-C.

Cratère en calice, Londres F275 (dessin de P. Jacquet-Rimassa).

Cratère en calice, Londres F275 (dessin de P. Jacquet-Rimassa).
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Notes

1 Londres F275, vers 370-360 av.

2 Murray, 1992 et 1995.

3 Aristophane, La Paix, 1130.

4 Alcée, frag. 336.

5 Les Bacchantes, 375-385.

6 Hécatée de Milet, apud Athénée, II, 35b ; Pausanias, X, 38,1 ; Apollodore, Bibliothèque, I, 8, 1 ; Hygin, Fabulae, CXXIX ; Diodore de Sicile, IV, 34 ; Virgile, Géorgiques, I, 9.

7 Hygin, Astr., II, 4,2-3 ; Elien, Nat. An., VII, 28.

8 Philochore, apud Athénée, II, 38c.

9 Cf. Noël, 1998.

10 Il est intéressant de rappeler, par ailleurs, que le travail nécessité par la culture de la vigne n’est jamais considéré comme pénible et éprouvant, à la différence de la céréaliculture. Il apparaît au contraire comme un moment de joie car il est pensé en fonction de sa finalité, la consommation du vin, et du plaisir que cette consommation suscite. Hésiode, n’est-il pas le premier à penser le travail de la vigne par rapport à sa finalité, le vin, et le plaisir que procure cette boisson, sans omettre, bien sûr, la référence au divin. Parmi les conseils adressés à Persès, son frère, il écrit à propos des vendanges : Et quand Orion et Sirius auront atteint le milieu du ciel, et qu’Aurore aux doigts de rose pourra voir Arcture, alors, Persès, cueille et rapporte chez toi toutes les grappes. Expose-les au soleil dix jours et dix nuits, mets-les à l’ombre pendant cinq. Le sixième jour, puise, et mets dans tes vases les dons de Dionysos riche en joie, Les travaux et les jours, 614 et sv..

11 Naples RC 145.

12 Dinos apulien, New York 14.130.13.

13 Voir : Cratère en cloche apulien, Métaponte inv. 20 056. T2 / Cratère en calice apulien, Ruvo 1495 / Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001 / Cratère en calice apulien, Bari, collection Logioia / Situle apulienne, Marché de Friburg / Péliké apulienne, Canberra, University U.H. 6 (76.13) / Dinos apulien, Marché de Londres / Cratère à colonnettes apulien, Louvre K 121 / Cratère en cloche lucanien, Naples Stg. 346.

14 Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001 / Cratère en calice apulien, Bari, Collection Logioia.

15 Péliké apulienne, Canberra University U.H. 6 (76.13).

16 Cf. Tzannes, 1997 et Jacquet-Rimassa et Pouyadou, 2003.

17 Voir entre autres : Frag. Cratère en cloche, Cahn 276 / Cratère en cloche, New Haven, Yale University 1913.324 / Cratère en cloche, Métaponte inv. 20056.T2 / Cratère en calice, Ruvo 1495 / Cratère en cloche, Naples inv. 81425 / Dinos, Londres F 303 / Cratère en cloche, Naples RC 144.

18 Cratère en cloche, Vienne 734 / Cratère en cloche, Turin 4130 / Oenochoé, New York, Christie Manson et Woods (RVAp 1051,137c) / Dinos, Londres F 303 / Dinos, Marché de Londres (RVAp Suppl. I 79, 71d, pl. 15, 1-2).Dinos, New York, Collection L. Levey 228 / Cratère en cloche campanien, Naples RC 144.

19 Cratère en calice apulien, Bari, collection Logioia (coupe) / Cratère en cloche apulien, Vatican V7 (18035) (coupe ) / Cratère en cloche lucanien, Naples Stg. 346 (coupe) / Cratère en calice apulien, Londres F 275 (phiale) / Rhyton apulien, Oxford 1885.638 (phiale) / Cratère en cloche campanien, Gênes 2221 (phiale) / Cratère en cloche campanien, Ann Arbor, Université du Michigan 28808 (phiale) / Cratère en cloche campanien, Naples 82588 (phiale) / Cratère en cloche campanien, Naples 127 978 (phiale) / Cratère en cloche campanien, Naples RC 144 (coupe et phiale).

20 Frag. Cratère apulien, Cahn 276 (coupe) / Cratère en cloche apulien, New Haven, Yale University 1913.324 (coupe) / Cratère en cloche apulien, Métaponte inv. 20 056.T2 (coupe) / Cratère en calice apulien, Ruvo 1495 (coupe) / Cratère en cloche apulien, Naples inv. 81471 (coupe) / Dinos apulien, Londres F 303 (coupe) / Cratère en cloche campanien, Naples RC 144 (coupe) / Cratère en cloche apulien, Vienne 734 (phiale) / Cratère en cloche apulien, Turin 4130 (phiale) / Oenochoé apulienne, New York, Manson et Woods (RVAP 1051,137c) (phiale) / Dinos apulien, Londres F 303 (phiale) / Dinos apulien, Marché de Londres (RVAp Suppl. I 79,71d, pl. 15,1-2) (phiale) / Dinos apulien, New York, Collection L. Levey 228 (phiale).

21 La consommation « en direct » apparaît, à notre connaissance, uniquement dans la scène figurant sur le cratère de Naples inv. 81425. Un jeune homme tenant un thyrse, allongé sur un stibadéion et entouré d’un satyre et de deux ménades jouant de l’aulos et du tympanon, porte à ses lèvres une coupe.

22 A propos de la libation, voir entre autres : P. Wolters, 1943, The banquet libations of the Greeks, Diss. Bryn Mawr College ; M.P. Nilsson., 1951, Die Götter des Symposions, Opuscula Selecta I, Lund, p. 428-442 ; A.-F. Laurens, 1985, La libation : Intégration des dieux dans le rituel humain ?, Recherches et documents du centre Thomas More 48, p. 35-39 ; P. Veyne, 1990, Images de divinités tenant une phiale ou une patère, la libation comme rite de passage et non pas comme offrande, Métis V, p. 17-28 ; F. Lissarrague, 1995, Un rituel du vin : La libation, In Vino Veritas, dans O. Murray et M. Tecusan (éd.), Ecole Anglaise de Rome, Londres, p. 126-144.

23 Collection L. Levey 228.

24 Collection L. Levey 228.

25 Oenochoé campanienne, Naples 147866.

26 Nous retrouvons le canthare dans d’autres scènes telles les situles apuliennes : Marché de Friburg (RVAp Suppl. II 15,35b) et Kiel B 776. L’anse très haute du canthare pouvait aussi faciliter sa manipulation, en particulier lorsque les convives se le passaient de main en main. Il n’en reste pas moins que ce vase à boire n’est pas le plus courant, et que sa présence dans l’image joue le rôle d’un code signifiant, faisant référence au monde dionysiaque.

27 New York, Collection L. Levey 228 / Kiel B 776 / Londres F 303 et Marché de Friburg (RVAp Suppl. II 15, 35b) / Dublin 1917.46.

28 Diodore, III, 62-64.

29 New York, Collection L. Levey 228 / Kiel B 776 / Londres F 303 et Marché de Friburg (RVAp Suppl. II 15, 35b).

30 Nous rappellerons ici qu’aux côtés du canthare et de la vigne, de nombreux autres éléments sont explicitement dionysiaques tels que la présence individuelle ou conjointe du thyrse, du satyre, du papposilène ou encore de la ménade pour ne mentionner ici que les unités iconiques les plus explicites : Voir parmi autres : Cratère en cloche apulien, Léningrad St. 1726/Cratère en cloche apulien, Trieste 2126/Cratère à colonnettes apulien Oxford 1947-266/Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001/Cratère en cloche apulien, Genève 15022/Cratère à volutes apulien, Edinbourg 1873.21.1/Oenochoé apulienne, Toledo (Ohio), Musée d’Art 67.136/Cratère en calice apulien, Londres F 275/Cratère en calice apulien, New York L. 63.21.6/Nestoris lucanienne, Naples H 1992/Cratère en cloche campanien, Naples inv. 82582 (H 884)/Cratère en cloche campanien, Naples inv. 82583 (H 811) / Cratère en cloche campanien, Varsovie 147380/Cratère en cloche paestan, Vatican AD I (inv. 17370)/Cratère en calice paestan, Louisville, Speed Art Museum, Collection Charter 90.7).

31 Les premières scènes italiotes sont très proches de l’imagerie attique contemporaine, et ne présentent pas encore tous ces éléments.

32 Voir Lissarrague, 1987.

33 Cf. Euripide, Le Cyclope, v. 503-510 et 519-529.

34 P. Jacquet-Rimassa, 1996.

35 Hésiode, La Théogonie, 535-560.

36 Sur les mystères dionysiaques voir, entre autres : M. P. Nillson, 1957, The dionysiac mysteries of the Hellenistic and Roman age, Lund ; U Bianchi., 1976, The Greek mysteries, Groningen ; P. Lévêque, 1982, Structures imaginaires et fonctionnement des mystères grecs, Studi Storico Religiosi VI, p. 185-208 ; W. Burkert, 1987, Ancient mystery cults, Londres ; C. Bérard et C. Bron, Dionysos dans le blanc des yeux, Dionysos, Mythes et Mystères, Vases de Spina, Zürich, p. 4-33.

37 Nous renvoyons, entre autres, aux scènes suivantes : Cratère en cloche apulien, Métaponte, Antiquarium inv. 20056.T2 / Cratère en calice apulien, Ruvo 1495 / Cratère en cloche apulien, Ruvo 1120 / Cratère en cloche apulien, Ruvo 730 / Cratère en cloche apulien, Vienne 734 / Cratère en cloche apulien, Turin 4130 / Cratère en cloche apulien, Naples inv. 81425 / Cratère en cloche apulien, Ruvo 908 / Cratère en cloche apulien, Trieste 2126 / Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001 / Cratère en cloche apulien, Genève 15022 / Cratère à volutes apulien, Edinbourg 1873.21.1.

38 Situle apulienne, Dublin 1917.46 ; RVAp 402,35.

39 Cratère en calice, Naples inv. 81425

40 Jacquet-Rimassa, 2008.

41 Je ne reviendrai pas ici sur le déroulement de ce jeu et ses variantes. Voir à ce sujet, Jacquet-Rimassa, 1995 et 2008.

42 Jacquet-Rimassa, 2008, p. 76-77.

43 Dinos apulien, Londres F 303

44 Voir entre autres :Cratère en cloche apulien, Métaponte, Antiquarium inv. 20 056.T2 / Cratère en cloche apulien, Ruvo 908 / Cratère en cloche apulien, Trieste 2126 / Cratère en cloche apulien, Reggio de Calabre 7001 / Cratère en cloche apulien, Genève 15022 / Cratère en cloche apulien, Vatican T7 / Cratère à volutes apulien, Edinbourg 1873.21.1.

45 Dublin 1917.46, RVAp402,35.

46 Burkert, 1987, p. 50 et s.

47 Je considère ici l’acception large du terme « kottabe », que définit Athénée (XV, 666c-f), à savoir : la gestuelle, le but à atteindre, le jet de vin, le plat posé au sol, la coupe, utilisée ou encore le prix gagné.

48 Jacquet-Rimassa et Pouyadou, 2003.

49 Cratère en cloche apulien, Léningrad St. 1780

50 Cratère en cloche apulien, Bologne PU 425

51 Léningrad St. 1780.

52 Bologne PU 425.

53 Tzannes, 1997, p. 149.

54 Cratère en cloche, Wakefield, Nostell Priory 22; LCS 246,139.

55 Coupe, Munich 2044, de Vulci, ABV 146,21.

56 Sur le contenu iconographique de cette scène, voir aussi, Daraki, 1982, p. 4-7.

57 Pailler, 1995, p. 129. Sur les différentes lectures, cf. Pailler, 1995, pl. I.

58 Homère, Odyssée, V, 221 ; VII, 250.

59 Sur cet aspect très particulier du symposion, nous renvoyons aux travaux de Slater, 1976 et 1981 ; Davies, 1978, Daraki, 1982 et Lissarrague, 1987, p. 104-118.

60 Kossatz et Kossatz-Deissmann, 1993, p. 471.

61 Jacquet-Rimassa, 2008.

62 Hymne homérique à Dionysos, VII. Voir Pailler, 1995, commentaire de la planche 1. Sur un fragment de Salonique présentant, d’après T.H. Carpenter, un acteur figurant Dionysos « adolescent » représenté dans un épisode relatif à sa jeunesse tumultueuse (folie de Lycurgue), le vêtement porté sur le chiton par « Dionysos » est décoré de deux dauphins (cf. Carpenter, 1993). La présence de ces animaux serait vraisemblablement une référence à l’épisode des pirates tyrrhéniens.

63 Kossatz et Kossatz-Deissmann, 1993.

64 Nous reprenons ici le titre d’un des chapitres de Otto, 1933, donnant dans la traduction française de 1969, « le dieu qui vient » (p. 86). Nous citerons aussi l’intervention de J.-M. Pailler intitulée « Le Nouveau Dionysos », Le Vin Lettré, Centre d’été de Carcassonne 19-21 juillet 1996 (non publié).

65 Scholie à Homère, Iliade, XVIII, 485. Plutarque dans les Moralia explique que Dionysos porte cette épithète parce qu’il est le maître de l’élément liquide (364d).

66 Homère, Iliade, VI, 130.

67 Diodore, V, 50. De même, les Argiens, croyant que Dionysos était englouti dans le lac de Lerne, montraient le tombeau des « Femmes de la mer » tuées par un autre persécuteur, non plus Boutas et ses guerriers, mais Persée (Pausanias, II, 20,4 et 22,1).

68 Plutarque, Questions grecques, 299AB.

69 Thucydide II, 15, 3-4.

70 Pausanias, X, 19, 3.

71 On note là encore la proximité de Dionysos avec l’élément liquide, comme cela était aussi le cas à Sparte où Strabon explique que le sanctuaire de Dionysos était situé près du Marais (VIII, 363). Pausanias fait la même remarque à propos du sanctuaire de Dionysos à Sicyone (II, 7, 6).

72 Sur les caractéristiques de cette fête, fête du vin et des morts, voir Jeanmaire, 1951, p. 48-56.

73 Jacquet-Rimassa, 1998.

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Titre Cratère en calice, Londres F275 (dessin de P. Jacquet-Rimassa).
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Pour citer cet article

Référence papier

Pascale Jacquet-Rimassa, « Autour du vin :pour un parcours dionysiaque »Pallas, 90 | 2013, 39-51.

Référence électronique

Pascale Jacquet-Rimassa, « Autour du vin :pour un parcours dionysiaque »Pallas [En ligne], 90 | 2013, mis en ligne le 07 mars 2014, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/516 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.516

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Auteur

Pascale Jacquet-Rimassa

Maître de conférences en histoire de l’art grec
Université de Toulouse II-Mirail
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