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Avant-Propos. La trousse du vétérinaire : instruments et pratiques

Actes du IVe colloque de médecine vétérinaire antique et médiévale, Université Lumière – Lyon 2, 10-12 juin 2014
Valérie Gitton-Ripoll
p. 9-11

Full text

1L’Art de la médecine s’est intéressé, dès la plus haute Antiquité, au monde animal. Si l’on prenait soin des animaux et qu’on les soignait, c’était en fonction de leur valeur marchande, plus rarement par attachement, comme aujourd’hui ; on veillait donc d’abord sur les gros animaux (ueterina), animaux de trait, de bât, de transport ou de compétition, bœufs, ânes, mulets, chevaux. Les traités vétérinaires se nomment dans l’Antiquité Hippiatrica (médecine des chevaux) et Mulomedicina (médecine des mules). Les soins des autres animaux d’élevage, qu’ils soient destinés à la consommation ou à la chasse, ovins, caprins, abeilles, chiens, oiseaux de proie, relèvent des traités d’agronomie (Res rusticae) ou de cynégétique (Cynegetica). La médecine vétérinaire envisage donc tout autant les soins courants des animaux (hippologie et zootechnie) que les soins vétérinaires au sens strict (hippiatrie), le maintien en bonne santé étant la préoccupation première de l’activité du vétérinaire, comme de celle du propriétaire et du personnel soignant.

2L’art vétérinaire antique et médiéval nous est essentiellement accessible par les textes, qu’ils soient déjà édités ou en cours d’édition : certaines œuvres ne sont encore consultables qu’à partir de manuscrits, parfois si divergents qu’il n’est pas possible de reconstituer un texte unique. Une autre source de connaissance, l’archéologie, nous renseigne là où les textes se taisent, grâce à la découverte et à l’étude d’objets relatifs aux soins courants ou médicaux. De même, les images, stèles ou illustrations de manuscrits, nous donnent à voir directement l’animal et le soignant, les objets et les gestes, et mettent en relation les mots et les choses. Accéder au sens d’un texte technique vieux de quelques centaines ou milliers d’années est un défi redoutable, qui ne peut être relevé qu’en croisant différentes disciplines : il faut être à la fois philologue, vétérinaire, historien de la discipline, archéologue… Ainsi, on ne s’étonnera pas que la méthode d’investigation fasse souvent appel à la comparaison entre l’Antiquité et les époques ultérieures, comparaison des objets ou des pratiques thérapeutiques, évolution des mots, mais aussi comparaison des auteurs entre eux, puisque la médecine vétérinaire antique se renouvelle par la réécriture, et affiche comme principe la fidélité à la tradition. Les auteurs du Moyen Âge, eux aussi, puisent aux sources antiques et assurent la continuité de la tradition.

  • 1 Le premier colloque réunissant les spécialistes de médecine vétérinaire antique et médiévale, qui s (...)

3Ce volume contient les actes du IVe colloque de médecine vétérinaire antique et médiévale, qui s’est tenu du 10 au 12 juin 2014 à l’Université Lumière - Lyon 2 (Maison de l’Orient et de la Méditerranée) et au Musée archéologique de Fourvière. Il poursuit la réflexion engagée par les précédents colloques dans cette discipline1. L’accent a été mis ici sur l’exercice quotidien de la médecine vétérinaire, sur ses pratiques et ses instruments, réunis au sens large sous le terme de « trousse ». La trousse du vétérinaire, comme celle du médecin, contenait les objets les plus courants, instruments de chirurgie ou de soins courants, et médicaments. Mais la trousse ne contenait pas que des objets matériels. Les hippiatres antiques et les maréchaux médiévaux avaient aussi à leur disposition un bagage de connaissances : ils savaient manier les instruments, choisir la méthode thérapeutique, adapter les traitements et les médicaments en fonction du patient et de la gravité du cas. Il faut en effet, pour bien comprendre – et bien traduire – les récits d’opérations chirurgicales ou de cures, savoir reconnaître la logique qui sous-tend l’attribution de tel traitement à telle maladie, connaître les modes opératoires et le maniement des instruments anciens, tels qu’ils sont décrits dans les textes et pratiqués jusqu’au xixe siècle, voire jusqu’à la révolution technologique du xxe siècle, identifier les espèces botaniques ou minérales intervenant dans la composition des remèdes, et s’interroger sur les équivalences des poids et mesures anciens. Le champ d’investigations de la trousse est large, et encore très peu exploré.

4Les articles présentés ici ont été réunis suivant trois axes. Le premier envisage les instruments proprement dits, gros ou petits outils spécialisés, appareillage hippologique et objets de fortune. Le panorama de Christophe Degueurce présente d’abord les instruments du maréchal et du vétérinaire avec leurs usages, à partir des planches d’ouvrages d’hippiatrie des xviiie et xixe siècles. A. Ricciardetto exploite, dans les papyrus égyptiens, les contrats de vente qui mentionnent les outils de marquage des camélidés. Chez les peuples qui n’écrivaient pas, comme les Celtes, seuls les résultats de fouilles permettent de connaître le niveau d’outillage, et J.-P. Guillaumet apporte à cet égard de nouvelles informations sur la question si controversée de l’existence du fer à cheval clouté dès l’Antiquité. Les Romains, eux, faisaient porter des hipposandales à leurs chevaux blessés aux pieds ou marchant sur un terrain difficile : H. et Chr. Bénard en ont reconstitué une paire, et l’ont fait porter à un cheval pour en expérimenter l’utilisation. V. Gitton-Ripoll examine la correspondance entre les mots et les objets, avec le cas d’un boutoir à sabots dont le nom latin est inconnu, et d’un autre outil qui présente la situation inverse : l’usage de l’instrument nommé forfex dans les textes fait l’objet de débats. I. Boehm examine les termes grecs désignant les objets d’appoint détournés des usages de la vie quotidienne. Les mots latins rota, strophus, machina, qui apparaissent dans les récits d’opération de réduction de luxation de l’épaule du cheval, posent de véritables problèmes d’interprétation et de traduction : V. Ortoleva éclaire d’un nouveau jour leur sens et propose une reconstitution des appareils. Les illustrations des manuscrits médiévaux sont exploitées par L. Brunori Cianti et L. Cianti, qui étudient les instruments de chirurgie du pied et la technique miraculeuse de ferrage de Saint-Éloi.

5Un second volet porte sur les pratiques thérapeutiques : les médicaments et leurs ingrédients, les gestes thérapeutiques, y compris les remèdes magiques. D. Pardee propose une nouvelle traduction des tablettes relatives aux chevaux retrouvées dans les fouilles d’Ougarit, augmentée d’une synthèse des études d’hippiatrie ougaritique concernant les trente dernières années, et souligne les problèmes que pose la traduction des noms de plantes. À Rome aussi, la thérapie par les plantes permet de composer des fortifiants pour chevaux de course, comme la poudre de quadrige ; encore faut-il savoir de quelles plantes il s’agit : c’est ce que détermine M.-T. Cam. On appréciera l’influence de la médecine orientale en lisant le texte de M.-H. Marganne sur les remèdes provenant d’Égypte employés dans la pharmacopée vétérinaire gréco-romaine. A. Zumbo reprend le passage des Géoponiques concernant l’intoxication par le bupreste et ses deux remèdes, pour amender le texte. G. Perez Barcala étudie la traduction galicienne de Jordanus Rufus à partir de termes désignant des ingrédients entrant dans la composition de médicaments. M.-T. Santamaría Hernández propose l’édition d’une recette contre les vers et l’identification de la plante qui les soigne, cromella, dans des manuscrits du Haut Moyen Âge. M.R. Petringa met en relief les aspects magiques des pratiques thérapeutiques conservées dans les Cestes de Julius Africanus.

6La traduction et la transmission des textes vétérinaires occupent le troisième volet. J. Pascual-Barea distingue les sens différents des mots asellus et asinus, considérés jusqu’ici comme des synonymes. S. Bertelli recense les manuscrits italiens de Jordanus Rufus, et Martina Schwarzenberger présente le projet d’une nouvelle édition de la Mulomedicina de Theodoricus de Cervie.

7Nous remercions vivement la revue Pallas, et son directeur Chr. Rico, qui a accepté de publier les actes de ce colloque dans ce numéro, et qui a contribué à sa réalisation par sa disponibilité et sa réactivité. Ni le colloque ni l’édition des actes n’auraient été possibles sans le soutien financier du Ministère de la Culture, de la ville de Lyon, de la Région Rhône-Alpes, à travers le projet Coopera, de l’Université Lumière-Lyon 2, et en particulier la Faculté des Lettres ; ont généreusement soutenu notre projet le laboratoire HiSoMA (UMR 5189) et sa directrice V. Chankowski, la MOM et sa directrice, A. Schmitt, ainsi que l’Association des Amis de la Maison de l’Orient. L’Université Lumière-Lyon 2 et le Musée de Fourvière ont accepté gracieusement de prêter leurs locaux pour ce colloque, qui doit aussi son organisation matérielle au Service Communication et aux techniciens du laboratoire de recherches HiSoMA et de la Maison de l’Orient. Enfin, et surtout, nous voudrions exprimer notre reconnaissance à Isabelle Boehm, qui nous a accompagnée tout au long de ce travail avec son dévouement inlassable et sa rigueur scientifique ; ce livre lui doit beaucoup.

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Notes

1 Le premier colloque réunissant les spécialistes de médecine vétérinaire antique et médiévale, qui s’est tenu à Brest en 2004, a été organisé et publié par M.-T. Cam, La médecine vétérinaire, Sources écrites, archéologiques, iconographiques, Rennes, 2007 ; le second a eu lieu à Catane en 2007, et a été publié par V. Ortoleva et M.-R. Petringa, La veterinaria antica et medievale, Testi greci, latini, arabi e romanzi, Lugano, 2009 ; le troisième a été organisé à Louvain-la-Neuve en mars 2011 par A.-M. Doyen-Higuet et B. Van den Abeele, et sera publié par les mêmes sous le titre : Chevaux, chiens, faucons, la médecine vétérinaire antique et médiévale, Louvain-la-Neuve 24-26 mars 2011, Publications de l’Institut d’Études Médiévales, Louvain-la-Neuve.

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References

Bibliographical reference

Valérie Gitton-Ripoll, Avant-Propos. La trousse du vétérinaire : instruments et pratiquesPallas, 101 | 2016, 9-11.

Electronic reference

Valérie Gitton-Ripoll, Avant-Propos. La trousse du vétérinaire : instruments et pratiquesPallas [Online], 101 | 2016, Online since 23 June 2016, connection on 19 May 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/3787; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.3787

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About the author

Valérie Gitton-Ripoll

Maître de conférence en langue et littérature latines
Université Toulouse-Jean Jaurès
Laboratoire HiSoMA, UMR 5189
vgitton@wanadoo.fr

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