Texte intégral
Chet. – Are you a trans or a res ?
Barton. – A what ?
Chet. – Transient or resident ?
Barton. – Oh, I’ll be here for a long time. Indefinitely.
Chet. – Res. That’ll be $25.50 a week payable in advance. Checkout time is twelve sharp, but you can forget about that on account of you’re a res. […] Although we do provide privacy for the residential guests, we are also a full-service hotel including complementary shoeshine. My name is Chet.
(J. et E. Cohen, Barton Fink, Circle Films, Working Title Films, 1991)
- 1 Cette question de la circulation des hommes, des biens et de l’information dans le contexte de l’Oc (...)
1À partir du iiie siècle av. J.-C., il devient essentiel pour la cohésion et la prospérité de Rome que la fluidité des échanges et de la circulation des hommes, des biens et de l’information soit assurée à travers un territoire romain qui débute alors son expansion autour du bassin méditerranéen : le contrôle de l’espace constitue désormais un enjeu logistique fondamental pour la cité-empire. La mise en place par l’État et par les pouvoirs locaux d’infrastructures liées au transport – voies, aménagements portuaires et fluviaux, etc. – vient ainsi à l’appui du déplacement des hommes et des marchandises, éventuellement sur des distances importantes, et la pratique de la mobilité se diffuse à tous les niveaux de la société romaine dès la période médio-républicaine1.
- 2 Nous empruntons aux travaux de Cl. Moatti et de W. Kaiser sur l’itinérance en Méditerranée de l’Ant (...)
- 3 « L’accueil mercantile dans l’Occident romain. Aubergistes et clients (iiie s. av. J.-C.-ive s. apr (...)
2Dans ce contexte de mobilité accrue, plusieurs recours s’offraient aux gens de passage romains pour séjourner hors-domicile, qui dépendaient pour une large part de leur statut personnel et de la nature de leur déplacement2. C’est à une de ces modalités de séjour, sans doute la moins bien connue pour l’Occident romain antique, que nous avons consacré nos recherches doctorales3, en étudiant le rôle dévolu dans ce cadre spatio-temporel à l’activité commerciale d’accueil qui consistait à fournir contre paiement, à une clientèle généralement de passage, un hébergement éventuellement assorti de prestations complémentaires (restauration, prise en charge des montures et des véhicules, etc.). Cette activité, que nous qualifierions aujourd’hui volontiers d’hôtelière, même si le rapprochement possible avec des réalités contemporaines relativement segmentées ne doit pas effacer la conception très englobante que s’en faisaient les Romains – ce qui nous invite à parler plutôt à son sujet d’« accueil mercantile » – avait donné lieu au développement d’une terminologie très étendue en latin. Elle est néanmoins le plus souvent rangée dans les sources sous le terme générique de caupo, qui en raison de son apparition précoce et de son statut, affirmé dès l’origine, de vocable professionnel spécialisé constitue la désignation par excellence de l’aubergiste romain.
3Il pourrait sembler peu opportun, dans l’optique d’une réflexion sur l’empreinte temporelle des phénomènes économiques dans le contexte de la Méditerranée occidentale antique, de soumettre à l’étude ce cas de l’accueil mercantile romain, dont la définition apparaît de prime abord ancrée dans l’espace ; le constat de cette inscription spatiale vaudrait d’ailleurs autant pour le cadre dans lequel intervient cette activité commerciale d’accueil, celui du déplacement par voie terrestre, que pour la prestation fournie aux usagers qui y avaient recours, susceptible d’être ramenée a priori à la simple mise à disposition stipendiée d’une « chambre d’hôtel » et des services afférents. En réalité, nous allons voir que non seulement des considérations temporelles se font jour dans la pratique de l’accueil mercantile à l’époque romaine mais que, plus essentiellement encore, le facteur temps détermine directement certaines spécificités propres à l’encadrement juridique du séjour hôtelier ; à terme, l’enquête nous invitera à nous interroger sur le degré d’intégration de cette dimension temporelle dans la définition même de l’activité commerciale prise en considération.
4À travers ce cas particulier que constitue la question des temporalités du séjour hôtelier, abordée par le biais d’une confrontation entre sources juridiques et pratiques quotidiennes des acteurs, notre contribution à ce dossier thématique entend ainsi revenir sur les cheminements méthodologiques et sur les possibles apports d’une approche par le facteur temps des phénomènes économiques dans le contexte de l’Occident romain ; l’objet d’étude choisi nous permettra dans le même temps de mettre en lumière un enjeu temporel particulier des mobilités humaines à l’époque romaine.
- 4 Le droit prétorien avait en effet développé, à la période médio- ou tardo-républicaine, un encadrem (...)
- 5 « L’aubergiste répond du fait de ceux qui sont dans cette sienne auberge dans le but d’assurer l’ex (...)
- 6 « L’aubergiste est tenu par l’action in factum du fait de ceux qui sont dans l’auberge pour y habit (...)
5Dans un passage du Digeste consacré au régime de responsabilité des professionnels de l’accueil romains4, on trouve le commentaire suivant, extrait de l’œuvre d’Ulpien, jurisconsulte du iiie siècle apr. J.-C. : Caupo praestat factum eorum, qui in ea caupona eius cauponae exercendae causa ibi sunt, item eorum, qui habitandi causa ibi sunt : uiatorum autem factum non praestat. Namque uiatorem sibi eligere caupo uel stabularius non uidetur nec repellere potest iter agentes : inhabitatores uero perpetuos ipse quodammodo elegit, qui non reiecit, quorum factum oportet eum praestare. In naui quoque uectorum factum non praestatur5. Ulpien, qui définit alors la liste des individus dont les faits délictueux, commis au sein d’une auberge, étaient susceptibles d’engager la responsabilité pénale de l’exploitant de l’établissement, semble ainsi répartir la clientèle des établissements d’accueil en deux catégories, celle des uiatores et celle des inhabitatores perpetui, qui habitandi causa ibi sunt ; ces derniers ne doivent en effet pas être confondus avec les professionnels du lieu, évoqués pour leur part dans le passage comme ceux qui in ea caupona eius cauponae exercendae causa ibi sunt. Ces propos trouvent un écho direct dans un second fragment, intégré cette fois au titre 4, 9 du Digeste, dans lequel Paul, jurisconsulte contemporain d’Ulpien, isole dans la même perspective les usagers qui habitandi causa in caupona sunt du client qui hospitio repentino recipitur, incarné notamment dans la figure du uiator : In factum actione caupo tenetur pro his, qui habitandi causa in caupona sunt : hoc autem non pertinet ad eum, qui hospitio repentino recipitur, ueluti uiator6. Il demeure malheureusement difficile en l’état de déterminer la part respective prise par Ulpien et par Paul – voire éventuellement par d’autres jurisconsultes et surtout par les instances prétoriennes – dans la formation de cette typologie, tant d’un point de vue conceptuel que terminologique. La conservation au sein du Digeste des dispositions mentionnées par Paul et Ulpien, qui plus est à deux reprises dans deux titres distincts, semble toutefois garantir leur application ; du reste, la formulation des passages que nous venons de mentionner se prêterait davantage, selon nous, à l’évocation de règles de fonctionnement déterminées, éventuellement fixées dès l’origine par le préteur, qu’à l’expression d’une opinion jurisprudentielle qui n’aurait le cas échéant pas été suivie d’effets dans la pratique. Quoi qu’il en soit, si nous avons choisi de faire débuter notre réflexion sur les temporalités du séjour hôtelier dans la Méditerranée romaine occidentale par l’étude de ces deux fragments, c’est que la typologie évoquée par les deux jurisconsultes nous semble reposer sur une conception très fine des critères croisés du temps et de l’espace, avec à la clé des conséquences directes sur le traitement juridique dont pouvaient faire l’objet les professionnels de l’accueil et leurs clients.
- 7 Voir Scapini, 1972 ; Licandro, 2004 (notamment p. 180-201).
- 8 Pour une discussion assortie de références complémentaires, on se reportera à Chevreau, 2006, p. 34 (...)
6Cette caractérisation spatio-temporelle du séjour à l’auberge est d’abord sensible dans la catégorie ulpienne dite des inhabitatores perpetui, ceux que Paul désigne pour sa part par la périphrase qui habitandi causa in caupona sunt. Les notions d’habitare et d’inhabitator doivent être associées à celle d’habitatio qui qualifie, dans le corpus juridique, l’usage d’un espace en vue d’y loger. Il s’agit certes d’un concept éminemment spatial – ce qui explique notamment que le terme en vienne, par métonymie, à désigner dans sa matérialité le logement où s’ancre l’habitatio – mais qui n’est pas en soi dépourvu d’inflexion temporelle, puisque habitare et ses dérivés renvoient le plus souvent à une conception stable et durable de la résidence7. Dans le fragment d’Ulpien sur lequel porte notre propos, le recours à la forme composée inhabitator renforce d’autant cette idée d’une implantation continue dans l’espace de l’auberge où séjournent les inhabitatores perpetui. Toutefois, la dimension temporelle de l’expression apparaît essentiellement portée par le choix de l’adjectif perpetuus pour qualifier ces inhabitatores évoqués par le jurisconsulte. En effet, sans préjuger de l’emploi qu’en fait Ulpien dans ce passage, sur lequel nous reviendrons par la suite, le champ sémantique de perpetuus, a, um lie clairement cet adjectif au temps : il a trait en latin à des processus durables mais surtout dont la période d’échéance, bien qu’inéluctable, n’est pas encore fixée au moment de l’énonciation. Au sein du corpus juridique, l’adjectif, qui marque ainsi en quelque sorte le temps indéfini, est notamment employé pour désigner toutes sortes de contrats en viager8. Dès lors, aux yeux des jurisconsultes, le rapport que les inhabitatores perpetui entretiennent avec l’espace de l’auberge dans lequel ils s’installent paraît bien caractérisé pour une part importante par les conditions temporelles de leur mode de résidence ; dans leur cas, ce temps serait donc a priori long et surtout ouvert vers le futur.
- 9 Voir Fruyt, 1990, p. 62.
- 10 Cf. par exemple Aug., in euang. Ioh., 40, 10 (PL, 35, col. 1691), cité infra.
- 11 Ainsi, au sujet d’une attaque (impetus), Liv., 4, 46, 5 ; d’un mal (malum), Liv., 3, 15, 7 ; d’une (...)
7Il n’en va en définitive pas différemment du second ensemble d’usagers évoqué par Paul et Ulpien, celui des uiatores. Certes, le terme uiator, généralement rendu en français par la traduction de « voyageur », désigne avant tout en latin, comme l’indique sa dérivation à partir de uia, l’usager de la voie, c’est-à-dire l’individu mobile, ce qui pourrait nous amener à une définition cette fois toute spatiale de cette catégorie. Toutefois, au même titre que l’expression inhabitatores perpetui, ce terme intègre lui aussi une indéniable inflexion temporelle. En effet, la présence dans uiator du suffixe d’agent -tor, qui revêt en latin une valeur aspectuelle analogue à celle du participe présent, contribue à mettre l’accent sur la continuité du processus désigné, à savoir ici l’usage de la voie9. De plus, le terme est directement glosé par l’expression iter agentes en D., 47, 5, 1, 6 (Ulp. 38 ad ed.) : cette glose, qui connaît des parallèles au sein de la littérature latine10, désigne donc bien le uiator comme l’individu en cours de déplacement. Enfin, chez Paul, le séjour du uiator à l’auberge est assimilé à un hospitium repentinum : de nouveau, le champ sémantique de repentinus, a, um lie cet adjectif au temps, puisqu’il renvoie pour sa part en latin au début inopiné d’un phénomène, dans une perspective souvent péjorative11.
8Ainsi, pour les uiatores autant que pour les inhabitatores perpetui, les propos d’Ulpien et de Paul semblent bien témoigner d’une conception du séjour hôtelier à l’articulation de l’espace et du temps : cette seconde dimension possède d’ailleurs un rôle classificatoire décisif dans la typologie évoquée par les jurisconsultes, puisqu’elle permet seule de distinguer entre des formes de séjour qui, d’un point de vue spatial, s’inscrivent de manière identique dans le milieu unique de l’auberge.
9Avant de tenter de rapprocher ce cadre juridique des réalités du séjour hôtelier dans la Méditerranée romaine occidentale telles qu’elles pourraient se déduire de sources de la pratique, il convient de préciser plus nettement le sens de la double distinction opérée par Ulpien et Paul entre les uiatores et les inhabitatores perpetui d’une part et entre l’individu qui hospitio repentino recipitur et ceux qui habitandi causa in caupona sunt de l’autre. Les fragments convoqués, tels qu’ils nous ont été transmis par le Digeste à l’issue de la compilation justinienne du vie siècle, ne s’avèrent comme on le voit que d’une utilité limitée dans cette perspective. On pourrait certes avancer l’hypothèse du critère distinctif de la durée du séjour : le uiator qui hospitio repentino recipitur serait l’usager qui descend à l’auberge pour un temps bref, l’inhabitator perpetuus celui qui y séjournerait sur le temps long. En l’absence de mention de « délai légal » précis dans les fragments en question, du moins dans la version qu’en a conservée le Digeste, ce critère apparaît toutefois trop empirique pour avoir permis une application systématique du droit ; pourtant, cette distinction, si elle était observée dans la pratique judiciaire, s’avérait lourde de conséquences pour les professionnels dont la responsabilité se trouvait engagée par le fait de certains de leurs usagers et pour les clients susceptibles, le cas échéant, d’être indemnisés en cas de vol ou de dommage causés à leurs biens.
- 12 D., 21, 1, 65, 1 (Ven. 5 act.).
- 13 « Pomponius a raison de dire que cet édit [l’édit de redhibitione] ne s’applique pas seulement aux (...)
- 14 Voir Giffard, 19383, p. 46, § 72 ; Chevreau, 2006, p. 43.
10En réalité, le recours aux adjectifs temporels perpetuus et repentinus pour désigner les deux types d’usagers évoqués par les jurisconsultes, de même que les explications données par Ulpien dans la seconde partie de D., 47, 5, 1, 6 (Ulp. 38 ad ed.), nous invitent à privilégier une interprétation légèrement différente de cette répartition. En effet, comme nous en faisions la remarque un peu plus haut, l’adjectif perpetuus, a, um qualifie en latin des phénomènes dont la fin demeure ouverte. C’est ainsi qu’évoquant les actiones redhibitoria et quanti minoris, qui permettaient à un acheteur d’obtenir réparation lorsqu’il était constaté que le bien acquis par lui renfermait un vice caché, le jurisconsulte Venuleius Saturninus différencie, au sujet d’un esclave ou d’un animal mis en vente malade, le morbus perpetuus du morbus qui tempore finiatur12. Dans un contexte similaire, Sextus Pomponius, cité par Ulpien, distingue l’affection incurable qui perdure toute la vie du malade de celle qui prend fin au bout d’une période donnée, en opposant pour ce faire perpetuus à temporarius, qui désigne pour sa part en latin un processus borné dans le temps : Pomponius recte ait non tantum ad perpetuos morbos, uerum ad temporarios quoque hoc edictum pertinere13. Dans cette perspective, perpetuus pourrait être également conçu comme l’antonyme strict du repentinum employé par Paul pour caractériser la manière dont est accueilli le uiator, puisque là où ce premier adjectif marque l’issue ouverte d’un processus, le second qualifie des phénomènes dont c’est cette fois le déclenchement qui n’est pas prévu au préalable. De fait, les deux adjectifs se trouvent parfois rapprochés dans une perspective antithétique, par exemple lorsque l’édit perpetuum d’un magistrat, dont l’application doit être constante pendant l’année de charge de ce dernier et dont les principes essentiels étaient le plus souvent repris d’une année sur l’autre pour assurer la continuité du droit, est distingué de ses edicta repentina, édits ponctuels, de circonstance, destinés à traiter de situations précises survenues en cours de charge qui n’étaient pas prises en compte dans les dispositions juridiques existantes14.
11Dès lors, plus que vers la durée effective de la présence du uiator et de l’inhabitator dans l’auberge, la sémantique des adjectifs repentinus et perpetuus semble orienter le propos vers la question de la définition des bornes temporelles de ces deux formes de séjour hôtelier. En supposant un recours à ces deux adjectifs dans leur acception stricte et en restituant une opposition directe entre eux d’un passage à l’autre, la catégorie de l’inhabitator perpetuus témoignerait donc d’un type de séjour dont la période d’achèvement n’est pas encore déterminée au moment de l’énonciation, tandis que dans le cas du uiator, ce serait plutôt la borne initiale de ce séjour à ne pas se trouver définie à l’avance ; mais cette différenciation implique également que soient à l’inverse connues, pour l’inhabitator perpetuus, la période où débute le séjour et pour le uiator, celle où il prend fin.
- 15 Le fragment D., 4, 9, 6, 4 (Paul. 22 ad ed.) évoque en effet, au sujet de l’armateur, auquel s’appl (...)
12Si l’on accepte notre interprétation sémantique de ces deux passages et surtout le rapprochement terme à terme que nous proposons, la question se pose toutefois de la manière dont devraient s’accomplir dans la pratique l’identification positive ou négative de ces bornes temporelles et, par là même, la distinction entre uiatores et inhabitatores perpetui qui apparaît essentielle à l’application des dispositions évoquées par Ulpien et Paul. Pour la période d’échéance du séjour, on pourrait à la rigueur émettre l’hypothèse d’un simple contrôle empirique a posteriori : le uiator serait le client qui a quitté l’auberge et l’inhabitator perpetuus celui qui y séjourne toujours au moment du constat des faits délictueux, voire de la procédure devant les instances du droit. Dans ce cas, le droit viendrait à l’appui du caupo, exonéré de toute responsabilité pénale quant au fait des uiatores ayant séjourné dans son établissement : en effet, s’il avait été tenu de répondre des faits délictueux d’un uiator, c’est-à-dire, selon l’hypothèse que nous venons d’avancer, d’un individu ayant entre temps quitté l’auberge, l’aubergiste, après avoir dédommagé son client au double de la valeur du bien touché, aurait eu toutes les peines du monde à se retourner contre le coupable pour se faire indemniser à son tour15. Cette exonération témoignerait donc d’une certaine bienveillance à l’égard des professionnels en question, dont le régime de responsabilité propre était pourtant, pour le reste, particulièrement sévère.
- 16 Ainsi, pour le cas de Paris à la période moderne, Milliot, 2000 ; Juratic, 2000, notamment p. 117.
13Il nous semble néanmoins que ce n’est pas vers cette interprétation que tendent les propos d’Ulpien et de Paul. En effet, si l’on s’intéresse à présent à la sémantique de perpetuus et de repentinus dans la perspective de leur rapport au début du phénomène désigné, c’est-à-dire ici du séjour hôtelier, l’idée d’un simple constat a posteriori ne tient plus : le fait que pour certains usagers l’accueil à l’auberge puisse être qualifié de repentinum, c’est-à-dire d’imprévu, suggère que pour d’autres, que l’on identifierait donc, selon la répartition binaire suggérée par Ulpien et Paul, avec les inhabitatores perpetui qui habitandi causa in caupona sunt, cet accueil soit au contraire planifié et sa période d’avènement définie à l’avance. Or, rien n’empêcherait qu’il n’en aille de même pour les bornes finales des séjours respectifs de ces deux types de clients : cela supposerait dans ce cas que l’époque où le séjour du uiator doit parvenir à son terme soit fixée à l’arrivée de ce dernier dans l’auberge, tandis qu’au contraire cette échéance serait laissée ouverte pour l’inhabitator perpetuus. Ce système impliquerait donc que l’aubergiste et ses clients procèdent en début de séjour à une forme de déclaration et d’enregistrement, peut-être à l’instar de ce qui se pratiquera à la période moderne dans diverses villes européennes pour des raisons de police et bientôt de statistique16. Pour les uiatores, cette déclaration n’aurait dès lors concerné que la durée effective de leur présence dans l’établissement ; inversement, la forme de séjour prolongé à l’auberge que pratiquaient les inhabitatores perpetui aurait donné lieu à une réservation, voire à une demande d’autorisation préalable, se distinguant en cela de l’hospitium repentinum des uiatores. Cette reconstruction expliquerait d’ailleurs qu’il puisse être question chez Ulpien, au sujet toujours de ces inhabitatores perpetui, d’une forme de choix de l’aubergiste (inhabitatores uero perpetuos ipse quodammodo elegit, qui non reiecit), contrairement à ce qu’il en était pour les uiatores arrivés sans prévenir, que l’aubergiste n’avait pas la possibilité, voire le droit, de repousser s’il doutait de leur honnêteté (uiatorem sibi eligere caupo uel stabularius non uidetur nec repellere potest iter agentes). Ainsi, au-delà de l’objet d’étude particulier que constitue le régime de responsabilité des professionnels de l’accueil romains, ces deux fragments paraissent témoigner d’une prise en compte assez subtile du facteur temps dans la construction d’un droit que l’on qualifiera de commercial.
- 17 Pour une réflexion plus générale sur cette difficile question, voir Johnston, 1999, notamment p. 24 (...)
- 18 Voir Roche, 2000, passim.
14Il nous appartient à présent de confronter les hypothèses interprétatives suscitées par ces deux passages à la pratique du séjour hôtelier dans la Méditerranée romaine occidentale, pour juger notamment du rapport que les instances du droit entretenaient avec les réalités auxquelles elles donnaient un cadre juridique17. Peut-on ainsi reconnaître, au sein de la clientèle des auberges romaines, une distinction typologique nette entre des uiatores de passage et des inhabitatores perpetui s’installant sur place pour une durée indéfinie, que l’on comparerait volontiers aux pensionnaires de l’Europe moderne et contemporaine18 ? Et quel était le cas échéant le poids respectif de ces deux catégories d’usagers dans la fréquentation des établissements d’accueil de la Méditerranée romaine occidentale ?
- 19 Pour Pompéi, on s’appuiera en particulier sur les inscriptions en provenance de l’établissement VII (...)
15Nous manquons malheureusement de sources directes qui nous permettent de répondre précisément à cette question : les quelques corpus d’inscriptions disponibles, en provenance pour l’essentiel de Pompéi et de Pouzzoles, ne donnent en effet aucun détail à ce sujet. Toutefois, l’identité de certains des clients qui y sont évoqués, acteurs, soldats, commerçants, marins, invite plutôt à reconnaître des uiatores en transit qui ne séjourneraient à l’auberge que pour un temps limité19, le plus souvent pour des raisons liées à leur activité professionnelle : en creux, c’est aussi le rôle de l’auberge dans la gestion des flux humains à caractère économique qui s’en trouve mis en relief.
16Faute de sources de la pratique, notre étude des temporalités hôtelières s’appuiera en premier lieu sur les sources littéraires : ces dernières dominent en effet numériquement au sein de la documentation et livrent les descriptions les plus détaillées de la « vie à l’auberge » romaine, même si la question de leur réalisme donne régulièrement matière à réflexion, tout particulièrement en ce qui concerne les textes fictionnels.
- 20 Plaut., Men., 436-437 ; Pseud., 658-659, etc.
- 21 Cic., Phil., 2, 77 ; Hor., sat., 1, 5, 77-85, etc.
- 22 Voir par exemple le cas du marchand ambulant Aristomène dans les Métamorphoses d’Apulée (Apul., met(...)
- 23 Cic., inu., 2, 14-15 ; Hor., sat., 1, 5, 77-85, etc.
- 24 Apul., met., 9, 4, 4, etc.
17Au sein de ces sources littéraires, la majorité des occurrences font allusion à un usage de l’auberge borné dans le temps, qui se trouve le plus souvent inclus dans le contexte temporel plus large d’un déplacement. Le séjour hôtelier peut alors épouser, dans le cas d’un aller-retour simple, une grande part de la durée d’un iter20, ou pour un trajet par étape n’en représenter qu’une fraction21 ; pour certains usagers, commerçants, philosophes, prêtres mobiles, il peut même s’intégrer à un mode de vie itinérant22. D’autre part, les sources font généralement état de séjours courts, s’échelonnant de la durée d’une prestation unique (nuit sur place et/ou repas23) à quelques jours24. Cette temporalité particulière, marquée par le temporaire et la brièveté, correspond assez bien à celle qu’Ulpien et Paul associent à la figure du uiator, sans que le terme soit nécessairement mentionné en contexte : à l’échelle de l’ensemble des sources littéraires disponibles, c’est donc ce mode de fréquentation qui apparaît le plus fréquemment évoqué par les auteurs.
- 25 « Le temps qu’Eumolpe déverse ces vers avec un débit de parole extraordinaire, nous entrions, entre (...)
- 26 Petron., 11-26 ; 79-80 (1er établissement ; son évocation est coupée par le long épisode de la Cena (...)
- 27 Dans Petron., 80-81, c’est une dispute violente entre Encolpe et Ascylte pour les faveurs de Giton (...)
18La pratique du séjour durable à l’auberge, que les jurisconsultes rapprochent de cette catégorie d’usagers dite des inhabitatores perpetui qui habitandi causa in caupona sunt, n’est néanmoins pas complètement absente de notre corpus : cela exclut que nous ayons affaire, de la part de Paul et d’Ulpien, à une simple fiction juridique, dont l’utilité nous échapperait d’ailleurs passablement. On proposera ainsi, avec toute la prudence requise, de convoquer dans cette perspective les évocations de séjour hôtelier que livre une des plus riches descriptions littéraires de la « vie à l’auberge », le Satiricon de Pétrone. On y découvre en effet à plusieurs reprises les héros de Pétrone, Encolpe, Ascylte, Eumolpe et l’esclave Giton, en train de séjourner dans divers établissements hôteliers de Campanie et de Grande-Grèce. Dans le roman, conformément au schéma dominant du uiator, le séjour hôtelier peut être d’abord strictement limité dans le temps et sa durée, très courte, être définie au préalable par les personnages. Il en va ainsi lorsque les héros séjournent pour une unique nuit dans un paruum deuersorium de Crotone, avant de se mettre en quête d’un autre gîte : Cum haec Eumolpos ingenti uolubilitate uerborum effudisset, tandem Crotona intrauimus. Vbi quidem paruo deuersorio refecti, postero die amplioris fortunae domum quaerentes incidimus in turbam heredipetarum sciscitantium quod genus hominum, aut unde ueniremus25. Dans ce texte, l’auberge offre une solution d’accueil certes commode, mais qui est bien dès le départ envisagée comme provisoire et dont l’usage précède simplement, pour les personnages, la recherche d’un logement de meilleure tenue. Ailleurs dans le roman, en revanche, l’établissement d’accueil apparaît susceptible d’abriter des séjours prolongés dont, contrairement au cas précédent, les bornes temporelles ne semblent pas nécessairement fixées au préalable par les héros. Sans doute est-ce ce type de séjour qui se trouve évoqué lors du passage d’Encolpe et d’Ascylte dans deux auberges d’une ville portuaire, au début de la portion du Satiricon qui nous a été transmise26. En effet, dans ces deux épisodes, le séjour n’est jamais clos de la volonté propre des personnages mais toujours par des événements extérieurs qui les contraignent à déménager, sans qu’il soit possible de distinguer si un départ à plus ou moins brève échéance faisait partie de leurs intentions premières27. Peut-être les héros de Pétrone auraient-ils été considérés d’un point de vue juridique comme des uiatores durant leur bref passage par le deuersorium de Crotone mais comme des inhabitatores perpetui dans les deux autres cas. Il n’est en revanche nulle part question, dans des sources pourtant disertes sur les différentes étapes du séjour à l’auberge, des éventuelles procédures de déclaration et d’enregistrement dont l’existence nous avait été suggérée par l’analyse de D., 47, 5, 1, 6 (Ulp. 38 ad ed.) et de D., 4, 9, 6, 3 (Paul. 22 ad ed.).
19Ainsi, la typologie des clients d’auberge évoquée par Ulpien et Paul trouve un écho certain dans les sources extra-juridiques. Si la figure du uiator et le mode de fréquentation de l’auberge qui lui est associé dominent largement à l’échelle du corpus, il y est fait plus ponctuellement allusion à des usagers dont l’auberge semble constituer le cadre de vie durable, sinon permanent. Le déséquilibre numérique dont fait preuve la documentation dans la représentation de ces deux types de clientèles ne peut à notre sens s’expliquer par un simple effet de sources ; sans doute les individus de passage étaient-ils réellement majoritaires au sein de la clientèle des auberges, tout particulièrement en contexte extra-urbain. Toutefois, cette hypothèse statistique ne suffit pas à épuiser les significations de la prépondérance du uiator-client d’auberge au sein du corpus ; en effet, en dépit de l’existence de modalités d’usage alternatives, il régnait plus profondément dans l’Occident romain, en matière de séjour hôtelier, une norme du provisoire qui se faisait jour d’un point de vue tant commercial que culturel.
20Ce sont d’abord les pratiques commerciales des aubergistes romains qui témoignent d’une conception bornée, fractionnée et temporaire du séjour hôtelier, plus adaptée selon la terminologie des jurisconsultes aux uiatores qu’aux inhabitatores perpetui.
- 28 Apul., met., 1, 17, 7.
- 29 Varro, ling., 5, 15.
- 30 C’est le cas dans l’inscription CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 qui met en scène le calcul d’une addition (...)
- 31 Voir notamment Plb, II, 15, 4-6.
21Ce phénomène transparaît en premier lieu dans la manière dont les professionnels de l’accueil construisaient la note de leurs clients. Si le prix du séjour peut être désigné dans les sources comme un tout à régler, en se trouvant par exemple qualifié de pretium mansionis28 ou de locarium29, cette note était le plus souvent calculée par addition des différentes prestations dont le client avait bénéficié lors de son passage à l’auberge30, éventuellement denrée par denrée pour un repas31. Ce mode de calcul était sans doute adopté de préférence dans les établissements qui fournissaient des services variés et hiérarchisés et dans lesquels, par conséquent, les sommes dues étaient susceptibles de différer largement d’un usager à l’autre. Il aboutissait selon toute vraisemblance, pour les professionnels concernés et leurs clients, à une représentation fractionnée du temps du séjour, qui n’était plus conçu comme un continuum mais comme une somme d’unités de prestation autonomes (nuit, repas, denrées, etc.).
- 32 On se référera, entre autres, à CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 ; Petron., 95-99 ; Apul., met., 1, 15-17.
- 33 « Alors que, disait-il, Dioclétien, qui n’était encore qu’un simple soldat, séjournait dans une aub (...)
- 34 Selon une peur sans doute bien ancrée dans l’esprit des professionnels de l’accueil : si nous manqu (...)
- 35 Voir Mayer-Maly, 1956, p. 138-140 ; Cardascia, 1982, p. 384.
- 36 Cette figure du travailleur immigré qui, du fait d’une situation économique particulièrement précai (...)
22D’autre part, puisque les fragments juridiques convoqués au début de cet article ont attiré notre attention sur la question des délimitations temporelles du séjour hôtelier, il est particulièrement intéressant de constater que dans les sources qui l’évoquent, ce calcul de l’addition suivi du paiement survient le plus souvent à la fin du séjour32 ou, plus rarement, au cours de celui-ci. Pour ce second cas de figure, en s’écartant légèrement du cadre géographique fixé pour cette étude, on mentionnera un passage de l’Histoire Auguste où le futur empereur Dioclétien se trouve soumis, lors de son passage par une auberge du pays des Tongres, au règlement au jour le jour d’une note mise au point sur une base quotidienne, comme l’indique l’expression conuictus cotidianus (« consommation quotidienne ») utilisée dans le texte : Cum, inquit, Diocletianus apud Tungros in Gallia in quadam caupona moraretur in minoribus adhuc locis militans et cum Dryade quadam mulier rationem conuictus sui cotidiani faceret atque illa diceret : « Diocletiane, nimium auarus, nimium parcus es », ioco non serio Diocletianus respondisse fertur : « Tunc ego largus, cum fuero imperator33. » Cette chronologie vient d’ailleurs partiellement fragiliser l’hypothèse selon laquelle le uiator déclarait la durée précise de son séjour à son arrivée à l’auberge : dans ce cas, l’aubergiste aurait en effet eu toutes facilités pour réclamer à l’avance le montant escompté pour ce séjour, limitant ainsi les risques de « déménagement à la cloche de bois » de clients indélicats34. Rien ne l’empêchait du reste d’exiger de son client qu’il lui remette dès son arrivée tout ou partie de ce montant ; mais cette pratique n’est pas attestée dans notre documentation, et c’est bien l’idée d’un versement postnumerando qui s’impose. Ce mode de paiement paraît de nouveau devoir s’expliquer par la diversité des prestations fournies par les établissements d’accueil, qui rendait difficile ou peu judicieuse l’évaluation a priori de la note du client. Ce phénomène contribuait à distinguer très nettement le séjour hôtelier de la prise à bail d’un logement dans le cadre d’une location ou d’une sous-location en vue d’habitation, puisque le loyer était, dans ce cas, couramment réglé d’avance, en bloc, même si cette temporalité pouvait varier en fonction de la durée du bail et de l’accord conclu entre bailleur et locataire35. En effectuant par exemple une comparaison avec la situation du Paris des temps modernes36, on pourrait dès lors proposer d’identifier dans ces pensionnaires des auberges romaines des travailleurs pauvres, éventuellement saisonniers, ou plus largement tous types de nouveaux entrants à la recherche d’un logement pour un temps prolongé, éventuellement non défini au préalable, qui ne souhaitaient pas conclure de contrat de location plus solide matérialisé par la prise à bail d’un logement, voire qui n’en avaient pas la capacité en raison de leur faible pouvoir économique.
23Autant que les sources disponibles nous permettent d’en prendre connaissance, la temporalité commerciale que nous venons de décrire semble s’être appliquée à l’ensemble de la clientèle des établissements d’accueil, sans distinction d’aucune sorte en termes de pratiques entre des clients de passage, assimilés aux uiatores, et des pensionnaires séjournant à l’auberge de manière durable, voire permanente ; pourtant, ces derniers se rapprochaient davantage dans leur mode de résidence de ces locataires ou sous-locataires dont le bail faisait l’objet d’une reconduction tacite à l’échéance, selon une temporalité que l’on qualifierait volontiers de perpetua, que des voyageurs qui descendaient à l’auberge pour une période très brève et surtout conçue comme provisoire. Dès lors, même s’il est probable que dans le cas des inhabitatores perpetui le paiement de l’addition en fin de séjour était remplacé par un système de versements réguliers, sur une base quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, les pratiques commerciales des caupones, associées à la privation des garanties qu’offraient la prise à bail d’un logement et le versement à l’avance du loyer, installaient ces pensionnaires de l’auberge dans un temporaire sans cesse renouvelé que venait accentuer leur coexistence avec des uiatores de passage.
- 37 On mentionnera par exemple CIL, III, 14206, 21 = ILS, 7479 ; CIL, XII, 5732 (CLE, 121).
24Ainsi, en dépit de la présence possible au sein de leurs établissements d’usagers en séjour prolongé, les aubergistes romains semblent en être restés pour l’essentiel à une temporalité commerciale destinée par définition à des clients de passage : du reste, la manière dont les professionnels de l’accueil interpellent régulièrement les uiatores dans des messages à caractère publicitaire tend à montrer que ces derniers constituaient la clientèle-type à laquelle ils entendaient adresser leurs services et leurs pratiques économiques37.
- 38 Cic., Cato, 84 ; Sen., epist., 120, 1, etc.
- 39 « Sers-toi du monde, mais que le monde ne te possède pas. L’endroit où tu pénètres, tu fais route à (...)
25Mais plus fondamentalement encore, il semble que la temporalité associée dans les sources juridiques à la figure du uiator et à son mode de fréquentation de l’auberge ait en définitive constitué la norme culturelle romaine en matière de séjour hôtelier. C’est notamment en ce sens qu’il faut interpréter un motif à caractère philosophico-religieux répandu au sein de la documentation littéraire, qui convoque l’établissement d’accueil comme métaphore d’un espace transitoire où l’homo uiator ne ferait que passer, afin de marquer la fugacité et la vanité de notions telles que le corps, la vie ou le monde terrestre, en regard des demeures véritables qu’offriraient l’au-delà, la religion ou la philosophie. L’emploi métaphorique de ce motif, apparenté à l’image plus générale de la vie comme chemin à parcourir, lui confère une valeur d’archétype au sein de la culture romaine. S’il possède encore une extension assez générale dans ses premières attestations littéraires – la métaphore du logis provisoire étant préférée à celle, plus péjorative, de l’auberge38 – son orientation dans le sens de l’accueil mercantile s’affirme progressivement et apparaît définitivement fixée au début de l’Antiquité tardive. C’est ainsi qu’au ive siècle apr. J.-C. Augustin compare le monde à une auberge que l’homo-uiator ne fait que traverser et ses biens aux équipements hôteliers dont il peut user sans s’en considérer pour autant le propriétaire. La multiplication des participes futurs dans le texte accentue d’autant cette brièveté du passage par le stabulum, dont le voyageur a à peine le temps de franchir le seuil qu’il le quitte déjà : Vtere mundo, non te capiat mundus. Quod intrasti, iter agis, exiturus uenisti, non remansurus ; iter agis, stabulum est haec uita. Vtere nummo, quomodo uiator in stabulo utitur mensa, calice, urceo, lectulo, dimissurus, non permansurus39.
26Si les uiatores dominaient sans doute statistiquement au sein de la clientèle des établissements d’accueil de la Méditerranée romaine occidentale, le mode de fréquentation de l’auberge qui leur était attribué semble avoir plus profondément constitué, dans le monde romain antique, un horizon d’attente commercial et culturel en matière de séjour hôtelier, sans toutefois épuiser tous les recours possibles à l’accueil mercantile dans ce contexte.
27Il nous reste pour conclure à nous interroger sur le degré d’intégration de cette temporalité particulière à la définition même de l’accueil mercantile et du contrat qui liait l’aubergiste à ses clients.
- 40 « Le marin, l’aubergiste et le palefrenier reçoivent une rétribution non pour assurer une surveilla (...)
- 41 Ainsi Liv., 3, 69, 8.
- 42 Dans Hor., sat., 1, 5, 7, ce verbe est d’ailleurs directement lié au terme uiator.
- 43 Voir par exemple ibid., 7.
28S’efforçant d’identifier le cœur de métier dont les caupones tiraient leur rémunération, le jurisconsulte du iie siècle apr. J.-C. Gaius, dans ce qui constitue le seul texte en notre possession à pouvoir s’apparenter à une définition juridique de l’activité de l’aubergiste romain, ramène la clientèle des auberges à la figure unique des uiatores : Nauta et caupo et stabularius mercedem accipiunt non pro custodia, sed nauta ut traiciat uectores, caupo ut uiatores manere in caupona patiatur, stabularius ut permittat iumenta apud eum stabulari40. Il n’est certes pas explicitement question de temps de séjour dans ce passage ; toutefois, outre le recours au terme uiator, dont l’inflexion temporelle a été mise en lumière plus haut, le choix du verbe manere pour qualifier de manière globale la prestation de séjour assurée par le caupo pourrait de nouveau témoigner d’une conception provisoire du temps hôtelier. En effet, si la sémantique de manere demeure dans l’absolu relativement large et assez imprécise, ce verbe désigne toutefois régulièrement en latin le fait de séjourner quelque part pour une durée restreinte41 et/ou en cours de déplacement42, avec une préférence pour le séjour nocturne43 ; son champ sémantique redouble donc pour partie les connotations temporelles associées à la figure du uiator. Les choix terminologiques de Gaius tendent par conséquent à identifier dans le caupo un professionnel du séjour provisoire, qui officierait par définition pour des clients de passage à la recherche d’un accueil temporaire.
- 44 « Quant à moi, je pense que cette loi s’applique à toute habitation où habite un père de famille, q (...)
- 45 Chevreau, 2006, p. 263.
- 46 Voir Thomas, 1996, p. 33-34 ; Licandro, 2004, p. 180-189 ; Dubouloz, 2011, p. 369-378.
29Mais il convient surtout d’évoquer en ce sens un dernier passage du Digeste, où la temporalité caractéristique du séjour provisoire est étendue à l’ensemble des usagers de l’auberge, sans qu’il soit plus question de distinction d’aucune sorte en leur sein entre inhabitatores perpetui et uiatores. Dans ce passage, à l’origine duquel on retrouve Ulpien, le jurisconsulte refuse aux clients des établissements d’accueil la protection de la lex Cornelia de iniuriis qui punissait les agressions subies par des particuliers sur leur lieu de résidence, en réduisant le séjour à l’auberge à un usage momenti causa : Ego puto ad omnem habitationem, in qua pater familias habitat, pertinere hanc legem, licet ibi quis domicilium non habeat. […] Tantum igitur ad meritoria uel stabula non pertinebit : ceterum ad hos pertinebit, qui inhabitant non momenti causa, licet ibi domicilium non habeant44. En latin, la notion de momentum renvoie autant à la brièveté d’un phénomène – elle constituerait, selon E. Chevreau, « la plus infime durée prise en compte par le droit45 » – qu’à son caractère borné dans le temps, cette fois d’ailleurs autant pour le début du processus que pour sa fin : or cette temporalité, si elle avait été mentionnée dans les autres passages du Digeste convoqués dans notre étude, aurait sans doute parue adaptée aux seuls uiatores et quoi qu’il en soit pas aux inhabitatores perpetui, dont le séjour prolongé à l’auberge constituait justement l’antithèse de cet usage momenti causa. La confrontation de ce passage avec D., 47, 5, 1, 6, (Ulp. 38 ad ed.) semble donc témoigner, de la part d’un même jurisconsulte, d’une prise en compte à géométrie variable de la temporalité des séjours hôteliers. En effet, en dépit d’une reconnaissance de l’existence de pensionnaires résidant sur le long terme à l’auberge dans ce précédent passage, dans une perspective d’ailleurs défavorable aux professionnels de l’accueil dont la responsabilité pénale s’étendait aux délits de ces usagers particuliers, D., 47, 10, 5, 5 (Ulp. 56 ad ed.), d’une portée plus générale, s’en tient à une définition provisoire du séjour hôtelier, recoupant en cela des conceptions bien ancrées dans la culture romaine. Nous serions tentée d’en déduire que malgré ce que paraît indiquer l’emploi de l’expression inhabitatores perpetui ou de la périphrase qui in caupona habitandi causa sunt, le séjour à l’auberge, même prolongé, n’était jamais considéré, à titre générique, comme une habitatio : dès lors, dans la mesure où l’habitatio était un des éléments constitutifs du domicilium romain, c’est-à-dire du rattachement civique d’un individu à un territoire distinct de son origo, ce traitement fermait aux pensionnaires des établissements d’accueil la possibilité d’une domiciliation sur place et les renvoyait par là même aux marges de la communauté régulière46.
30Ainsi, représentations culturelles, pratiques professionnelles, statistiques d’usage et, pour partie au moins, encadrement juridique, entrent en résonance pour révéler une conception romaine du séjour hôtelier marquée par le provisoire ; cette conception était sans doute partie prenante de la définition contractuelle de l’activité du caupo, dont le rôle économique semble avoir intrinsèquement consisté à assurer une prestation commerciale à vocation temporaire. Il existait certes un mode de fréquentation concurrent de l’auberge, propre à l’inhabitator perpetuus, au pensionnaire en séjour prolongé ; mais cette concurrence n’avait selon toute vraisemblance jamais abouti à une segmentation complète du secteur de l’accueil mercantile en deux ensembles distincts et sauf exception, on en restait à l’idée d’un usage temporaire de l’auberge. La résidence prolongée ne semble dès lors avoir constitué qu’un cas-limite dans cet espace du provisoire qu’était l’établissement d’accueil ; tout en étant reconnue et peut-être même répandue en contexte urbain, elle n’en demeurait pas moins juridiquement et sans doute socialement marginalisée.
31Le cas du séjour hôtelier constitue par conséquent un exemple particulièrement représentatif de l’intérêt d’une prise en compte du facteur temps pour l’étude des pratiques, des représentations mais aussi de l’encadrement du commerce dans la Méditerranée romaine occidentale : l’enquête a de plus révélé combien les sources textuelles disponibles pour ce contexte spatio-temporel, et notamment les sources juridiques, témoignent jusque dans leur vocabulaire d’une conception fine et nuancée de l’inscription temporelle des phénomènes économiques qu’elles évoquent.
Haut de page
Bibliographie
Capdetrey, L. et Nelis-Clément, J. (éd.), 2006, La circulation de l’information dans les états antiques : actes de la table ronde « La circulation de l’information dans les structures de pouvoir antiques », Institut Ausonius, Pessac, 19-20 janvier 2002, Bordeaux, Ausonius, Paris, De Boccard.
Cardascia, G., 1982, Sur une fonction de la sous-location en droit romain, dans A. Biscardi et F. Pastori (éd.), Studi in onore di Arnaldo Biscardi, 2, Milan, Istituto editoriale Cisalpino La Goliardica, p. 365-388.
Chevreau, E., 2006, Le temps et le droit, la réponse de Rome : l’approche du droit privé, Paris, De Boccard.
Demougin, S. et Navarro Caballero, M. (éd.), 2014, Se déplacer dans l’Empire romain : approches épigraphiques. XVIIIe rencontre franco-italienne d’épigraphie du monde romain, Bordeaux, 7-8 octobre 2011, Bordeaux, Ausonius, Paris, De Boccard.
Di Paola, L., 1999, Viaggi, trasporti e istituzioni : studi sul cursus publicus, Messine, Dipartimento di scienze dell’Antichità dell’Università degli studi di Messina.
Dubouloz, J., 2011, La propriété immobilière à Rome et en Italie, ier‑ve siècles : organisation et transmission des praedia urbana, Rome, École française de Rome.
Fruyt, M., 1990, La plurivalence des noms d’agent latins en -tor : lexique et sémantique, Latomus, 49/1, p. 59-70.
Giffard, A. E., 1938, Précis de droit romain. Tome Premier, Paris, Librairie Dalloz (3e édition).
Guarducci, M., 1971, Iscrizioni greche e latine in una taberna a Pozzuoli, dans AA. VV., Acta of the fifth international congress of Greek and Latin epigraphy, Cambridge, 1967, Oxford, Basil Blackwell, p. 219-223.
Guédon, St., 2010, Le voyage dans l’Afrique romaine, Bordeaux, Ausonius, Paris, De Boccard.
Johnston, D., 1999, Roman law in context, New York, Cambridge University Press.
Juratic, S., 2000, Mobilités et populations hébergées en garni, dans Roche, 2000, p. 175-220.
Le Guennec, M.-A., 2014, Le stabulum romain, écurie ou établissement hôtelier ? La langue juridique et l’usage à Rome, dans M. Carrive, M.-A. Le Guennec et L. Rossi (éd.), Aux sources de la Méditerranée antique : les sciences de l’Antiquité entre renouvellements documentaires et questionnements méthodologiques. Actes du colloque tenu à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme à Aix-en-Provence les 8 et 9 avril 2011, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, p. 215-227.
Licandro, O., 2004, Domicilium habere : persona e territorio nella disciplina del domicilio romano, Turin, G. Giappichelli.
Mayer-Maly, T., 1956, Locatio conductio : eine Untersuchung zum klassischen römischen Recht, Vienne, Herold.
Milliot, V., 2000, La surveillance des migrants et des lieux d’accueil à Paris du xvie siècle aux années 1830, dans Roche, 2000, p. 21-76.
Moatti, Cl. (dir.), 2004, La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne : procédures de contrôle et documents d’identification, Rome, École française de Rome.
Moatti, Cl. et Kaiser, W. (dir.), 2007, Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne : procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve & Larose ; Aix-en-Provence, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme.
Moatti, Cl., Kaiser, W. et Pébarthe, Chr. (éd.), 2009, Le monde de l’itinérance en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne : procédures de contrôle et d’identification. Tables-rondes Madrid 2004-Istanbul 2005, Bordeaux, Ausonius ; Paris, De Boccard.
Roche, D. (dir.), 2000, La ville promise : mobilité et accueil à Paris, fin xviie-début xixe siècle, Paris, Fayard.
Scapini, N., 1972, « Usus domus » e « habitatio » nel diritto romano, dans AA. VV., Studi in onore di Giuseppe Grosso, 5, Turin, G. Giappichelli, p. 23-80.
Thomas, Y., 1996, « Origine » et « commune patrie ». Étude de droit public romain (89 av. J.-C.‑212 apr. J.-C.), Rome, École française de Rome.
Haut de page
Notes
Cette question de la circulation des hommes, des biens et de l’information dans le contexte de l’Occident romain a donné lieu à une abondante bibliographie, en plein renouvellement depuis une vingtaine d’années. On citera, parmi les titres les plus récents, Di Paola, 1999 ; Moatti, 2004 ; Capdetrey, Nelis-Clément, 2006 ; Guédon, 2010 ; Demougin, Navarro Caballero, 2014, etc.
Nous empruntons aux travaux de Cl. Moatti et de W. Kaiser sur l’itinérance en Méditerranée de l’Antiquité à la période moderne cette notion de « gens de passage », plus opérante à notre sens que celle de « voyageurs » pour rendre compte de l’extrême diversité et surtout du caractère passablement contraint des mobilités dans le contexte de l’Occident romain. Voir notamment Moatti, Kaiser, 2007 ; Moatti et al., 2009.
« L’accueil mercantile dans l’Occident romain. Aubergistes et clients (iiie s. av. J.-C.-ive s. apr. J.-C.) », Thèse de doctorat d’Histoire menée sous la direction de Mme Catherine Virlouvet et soutenue auprès de l’Université d’Aix-Marseille à l’automne 2014.
Le droit prétorien avait en effet développé, à la période médio- ou tardo-républicaine, un encadrement juridique spécifique à certains professionnels du transport et de l’accueil, parmi lesquels les caupones. Au sein de ce régime de responsabilité particulier, on distinguait plus précisément entre les actions pénales furti et damni aduersus nautas caupones stabularios, qui permettaient, sous certaines conditions, à un client ayant subi un vol ou un dommage dans une auberge, une écurie ou un navire de commerce d’obtenir de la part de l’exploitant une réparation au double de la valeur du bien perdu, et l’action réipersécutoire de recepto nautarum cauponum stabulariorum, d’une portée plus large, mais qui n’entraînait qu’une réparation au simple et qui impliquait selon toute vraisemblance la conclusion d’un pacte spécifique entre le professionnel concerné et son client. On trouvera une bibliographie indicative dans Le Guennec, 2014, p. 226-227.
« L’aubergiste répond du fait de ceux qui sont dans cette sienne auberge dans le but d’assurer l’exploitation de l’auberge et, pareillement, de ceux qui y sont en vue d’y résider ; il ne répond pas, par contre, du fait des voyageurs. En effet, l’aubergiste ou l’exploitant d’écurie ne semble pas choisir personnellement un voyageur ni pouvoir refouler ceux qui font route ; tandis que, dans une certaine mesure, il a choisi ses résidents en séjour prolongé pour ne pas les avoir renvoyés et il convient qu’il réponde de leur fait. Pour le navire, on ne répond pas non plus du fait des passagers. » (D., 47, 5, 1, 6, Ulp. 38 ad ed.) Les traductions des sources anciennes sont de l’auteur.
« L’aubergiste est tenu par l’action in factum du fait de ceux qui sont dans l’auberge pour y habiter ; cela ne concerne pas celui qui est reçu en vertu d’un accueil soudain, à l’instar du voyageur. » (D., 4, 9, 6, 3, Paul. 22 ad ed.)
Voir Scapini, 1972 ; Licandro, 2004 (notamment p. 180-201).
Pour une discussion assortie de références complémentaires, on se reportera à Chevreau, 2006, p. 34-44.
Voir Fruyt, 1990, p. 62.
Cf. par exemple Aug., in euang. Ioh., 40, 10 (PL, 35, col. 1691), cité infra.
Ainsi, au sujet d’une attaque (impetus), Liv., 4, 46, 5 ; d’un mal (malum), Liv., 3, 15, 7 ; d’une peur (metus), Sall., Iug., 58, 2, etc.
D., 21, 1, 65, 1 (Ven. 5 act.).
« Pomponius a raison de dire que cet édit [l’édit de redhibitione] ne s’applique pas seulement aux maladies chroniques mais aussi aux maladies passagères. » (D., 21, 1, 6 pr., Ulp. 1 ad ed. aedil. curul.) Voir Chevreau, 2006, p. 20 avec références complémentaires.
Voir Giffard, 19383, p. 46, § 72 ; Chevreau, 2006, p. 43.
Le fragment D., 4, 9, 6, 4 (Paul. 22 ad ed.) évoque en effet, au sujet de l’armateur, auquel s’appliquait un régime de responsabilité identique à celui de l’aubergiste, la possibilité qui était faite à ces différents professionnels de poursuivre eux-mêmes en justice ceux dont les actes répréhensibles étaient à l’origine de leur condamnation en vertu des actiones furti et damni et du receptum nautarum cauponum stabulariorum.
Ainsi, pour le cas de Paris à la période moderne, Milliot, 2000 ; Juratic, 2000, notamment p. 117.
Pour une réflexion plus générale sur cette difficile question, voir Johnston, 1999, notamment p. 24-29.
Voir Roche, 2000, passim.
Pour Pompéi, on s’appuiera en particulier sur les inscriptions en provenance de l’établissement VII 12, 34.35 (CIL, IV, 2144-2164) ; pour Pouzzoles, M. Guarducci livre la publication partielle d’un ensemble d’inscriptions découvertes dans ce qui était probablement un établissement d’accueil en bordure de la uia Campania (voir Guarducci, 1971).
Plaut., Men., 436-437 ; Pseud., 658-659, etc.
Cic., Phil., 2, 77 ; Hor., sat., 1, 5, 77-85, etc.
Voir par exemple le cas du marchand ambulant Aristomène dans les Métamorphoses d’Apulée (Apul., met., 1, 5, 3-4).
Cic., inu., 2, 14-15 ; Hor., sat., 1, 5, 77-85, etc.
Apul., met., 9, 4, 4, etc.
« Le temps qu’Eumolpe déverse ces vers avec un débit de parole extraordinaire, nous entrions, entre temps, dans Crotone. Après avoir refait nos forces dans une pauvre auberge, nous partîmes le lendemain à la recherche d’une demeure de meilleur standing et tombâmes sur un groupe de coureurs d’héritage, désireux de savoir quel genre de personnes nous étions et d’où nous venions. » (Petron., 124, 4)
Petron., 11-26 ; 79-80 (1er établissement ; son évocation est coupée par le long épisode de la Cena Trimalchionis) ; 80-82 ; 90-99 (2e établissement ; la narration est ici interrompue par la rencontre d’Encolpe avec le rhéteur Eumolpe et le récit enchâssé des aventures de ce dernier à Pergame).
Dans Petron., 80-81, c’est une dispute violente entre Encolpe et Ascylte pour les faveurs de Giton qui cause le départ d’Encolpe ; au § 99, l’arrivée inopinée d’Ascylte à la recherche de Giton et la violente rixe qui s’ensuit incitent Encolpe, Giton et Eumolpe à embarquer dans un navire sur le point de prendre la mer. Dans ce second passage, toutefois, le départ par bateau semble avoir été prévu à l’avance par Eumolpe, qu’un matelot vient prendre à l’auberge ; les intentions d’Encolpe sont plus douteuses.
Apul., met., 1, 17, 7.
Varro, ling., 5, 15.
C’est le cas dans l’inscription CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 qui met en scène le calcul d’une addition, probablement imaginaire, entre un copo et son client.
Voir notamment Plb, II, 15, 4-6.
On se référera, entre autres, à CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 ; Petron., 95-99 ; Apul., met., 1, 15-17.
« Alors que, disait-il, Dioclétien, qui n’était encore qu’un simple soldat, séjournait dans une auberge du pays des Tongres, en Gaule, et qu’une druidesse, chargée de lui compter sa consommation quotidienne, lui avait dit : “Tu es trop avare, Dioclétien, trop économe”, Dioclétien, sur le ton de la plaisanterie, lui aurait répondu : “Je serai généreux lorsque je serai empereur.” » (Hist. Aug., Car., 14, 1)
Selon une peur sans doute bien ancrée dans l’esprit des professionnels de l’accueil : si nous manquons une nouvelle fois de sources qui émaneraient directement des professionnels en question, on évoquera toutefois en ce sens les propos fictionnels du copo dépeint par Pétrone, qui soupçonne Encolpe et Giton de vouloir s’enfuir sans régler leur note (Petron., 95, 2-3) ; cf. Varro, Men., 329.
Voir Mayer-Maly, 1956, p. 138-140 ; Cardascia, 1982, p. 384.
Cette figure du travailleur immigré qui, du fait d’une situation économique particulièrement précaire, était amené à élire domicile dans les auberges et garnis de la capitale, à titre provisoire ou permanent, parcourt les différentes études incluses dans Roche, 2000.
On mentionnera par exemple CIL, III, 14206, 21 = ILS, 7479 ; CIL, XII, 5732 (CLE, 121).
Cic., Cato, 84 ; Sen., epist., 120, 1, etc.
« Sers-toi du monde, mais que le monde ne te possède pas. L’endroit où tu pénètres, tu fais route à travers, tu es venu pour partir, non pour demeurer ; tu fais route, cette vie est une auberge. Sers-toi de l’argent, comme un voyageur dans une auberge se sert de la table, de la coupe, de la cruche, du lit ; il est sur le point de prendre congé, il n’est pas prêt à demeurer. » (Aug., in euang. Ioh., 40, 10, PL, 35, col. 1691)
« Le marin, l’aubergiste et le palefrenier reçoivent une rétribution non pour assurer une surveillance, mais le marin, pour transporter des passagers, l’aubergiste, du fait de laisser les voyageurs séjourner dans son auberge, et le palefrenier, du fait de fournir une écurie aux montures. » (D., 4, 9, 5, pr., Gaius 5 ad ed. prouinc.)
Ainsi Liv., 3, 69, 8.
Dans Hor., sat., 1, 5, 7, ce verbe est d’ailleurs directement lié au terme uiator.
Voir par exemple ibid., 7.
« Quant à moi, je pense que cette loi s’applique à toute habitation où habite un père de famille, quand bien même il n’y aurait pas son domicile. […] Mais elle ne concernera pas les logements provisoires ou les auberges : pour le reste, elle concernera ceux qui ont une habitation à titre non provisoire, bien qu’il n’y aient pas leur domicile. » (D., 47, 10, 5, 5, Ulp. 56 ad ed.)
Chevreau, 2006, p. 263.
Voir Thomas, 1996, p. 33-34 ; Licandro, 2004, p. 180-189 ; Dubouloz, 2011, p. 369-378.
Haut de page