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Notes
Je remercie ici Cyril Courrier pour sa relecture et ses conseils toujours précieux. Les hypothèses présentées ici n’ont d’autre responsable que moi.
« La fin de Néron, après les premiers transports de la joie publique, avait provoqué des réactions diverses non seulement à Rome, chez les sénateurs, dans le peuple ou dans la garnison, mais dans toutes les légions et chez leurs chefs, car un secret du régime venait d’être divulgué : on pouvait faire un prince ailleurs qu’à Rome. Cependant, les sénateurs se réjouissaient : sur-le-champ, ils avaient recouvré leur liberté avec d’autant plus de hardiesse qu’ils avaient affaire à un prince nouveau et absent ; les chevaliers de premier rang éprouvaient presque autant de joie que les sénateurs ; la partie saine du peuple, liée d’intérêt aux grandes familles, les clients et les affranchis des condamnés et des exilés renaissaient à l’espérance ; la populace, habituée du cirque et des théâtres, et avec elle le rebut des esclaves ou ceux qui, ayant dévoré leur fortune, se nourrissaient du déshonneur de Néron, étaient consternés et à l’affût des racontars. » Sauf mention contraire, les traductions sont celles disponibles dans l’édition la plus récente de la Collection des Universités de France (CUF) aux Belles Lettres.
Courrier, 2014, p. 739 pour le terme.
Ces groupes partageant avec telle ou telle partie de la foule urbaine la même réaction face à la mort de Néron sont eux-mêmes subdivisés en deux, en sorte que le rythme binaire du passage (pars populi integra / plebs sordida) se réplique dans la mention de ces soutiens extérieurs à la plèbe. Les parallélismes entre les deux phrases et la construction rigoureuse du passage me semblent interdire de penser, comme l’y invite Badel, 2006, p. 74, qu’il y aurait un rapport d’inclusion entre la « partie intègre du peuple » et les clients/affranchis, tandis que « plèbe sordide » et les esclaves/membres de la cour de Néron renverraient à des groupes bien séparés. Les différences dans les coordonnants employés (-que pour le premier ensemble ; simul/aut pour le second) s’expliquent simplement par le souci de uariatio et la dissymétrie que pratique habituellement Tacite.
Damon, 2003, ad loc., les identifie comme des « parasites » de Néron.
Voir l’appendice à La plèbe et le prince (Yavetz, 1984, p. 191‑208), dont le passage de Tacite fournit le point de départ.
Pour un état des lieux détaillé et récent de la bibliographie, voir Courrier, 2014, p. 899‑903 ; Kröss, 2017, p. 74‑79.
L’analyse de Z. Yavetz est largement reprise : voir entre plusieurs exemples Flaig, 2019, p. 79‑81. Badel, 2006, l’a renouvelée en aboutissant à la conclusion que la plebs sordida, par sa fréquentation des spectacles,participait d’une institution de régulation sociale concurrençant l’institution clientélaire (dans laquelle s’inscrivait encore la pars populi integra).
Veyne, 2005 ; Courrier, 2014, p. 899‑903. Voir également une interprétation un peu différente du même passage, davantage orientée sur la « plèbe sordide », dans Veyne, 1976, p. 696‑699.
Notamment l’émendation textuelle : Ruysschaert, 1949 ; Claire, 2022. L’édition électronique et l’étude des principaux commentaires à Tacite à la Renaissance fait l’objet d’un travail en cours (projet Tacitus On Line, porté par I. Cogitore et L. Autin), accessible en ligne : tacitus.elan-numerique.fr. Les deux commentaires cités sont regroupés dans la grande editio uariorum de Pierre Chevalier, imprimée en 1608 à Paris. Sur ces commentaires et ce qu’ils disent de la réception de Tacite, voir l’article d’I. Cogitore dans ce même volume.
Publiées de façon posthume en 1607 : Claire, 2022, p. 495‑504 sur cet ouvrage.
Kröss, 2017, p. 77.
Ernout et Thomas, 2002, p. 42‑43 sur cette notion.
Constat partagé par Kröss, 2017, p. 75. Badel, 2006, p. 79‑81 traite le dossier dans son intégralité, mais conclut, dans le sillage de Z. Yavetz, à une « synonymie globale » entre populus et plebs et à des « effet[s] de redondance et non de distinction ».
Vulgus était devenu chez Tacite, et même plus largement à l’époque impériale, un synonyme de plebs ou de populus (dans son sens restreint), comme le note Serv., Com. Én., 1.148 (quidam « populum » totam ciuitatem, « uulgum » uero plebem significari putant). Sur ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à une étude détaillée dans Autin, 2021, qui poursuit et nuance Yavetz, 1984, p. 189‑208 sur la question.
« Alors, ce ne furent plus seulement le peuple et la plèbe ignorante qui éclatèrent en applaudissements et en transports immodérés, mais la plupart des chevaliers et des sénateurs, passant de la peur à l’imprudence, forcèrent les portes du palais, se ruèrent à l’intérieur et se montrèrent à Galba […] »
« Tout retentissait de clameurs, de tumulte et d’exhortations mutuelles ; ce n’étaient pas, comme dans le peuple et la plèbe, les cris divers d’une adulation sans conviction, mais chaque fois que les soldats voyaient se joindre à eux un nouveau camarade, ils lui prenaient les mains, lui jetaient les bras autour du cou, le plaçaient à côté d’eux, lui dictaient le serment, recommandaient tour à tour l’empereur aux soldats, les soldats à l’empereur. »
« Dans le peuple et dans la populace, pas un mot, mais sur les visages la stupeur, et les oreilles tendues à tous les bruits ; ce n’était ni le tumulte ni le calme, mais le silence des grandes peurs ou des grandes colères. »
« […] Crescens, un affranchi de Néron – car ces gens-là aussi dans les temps de malheur s’octroient un rôle politique – avait offert un banquet à la plèbe pour fêter le récent avènement, et le peuple se hâta de faire le reste, sans mesure. »
« Le lendemain, comme dans une ville prise, les maisons étaient fermées, il n’y avait presque personne dans les rues, la populace était consternée ; les soldats tenaient les yeux fixés à terre et manifestaient plus de mécontentement que de repentir. »
« Mais la masse, la partie du peuple qui ne prenait pas part aux préoccupations de la politique, dont l’importance la dépassait, commençait à ressentir les maux de la guerre : tout l’argent servait aux besoins militaires, le prix des vivres augmentait ; de tels maux n’avaient pas autant éprouvé la plèbe pendant la révolte de Vindex, car Rome était alors en sécurité et la guerre provinciale engagée entre les légions et les Gaules semblait une guerre étrangère. »
Populus integer est une expression de Tite-Live (Liv. 9.46.13) que J. Hellegouarc’h rapproche dans la note correspondance de la CUF de la pars populi integra de Tacite (ainsi que de l’intacta perniciosis consiliis plebs de Vell. 2.3.2 ; on pourrait rajouter la plebs integra de Liv. 24.24.9). D’une façon tout à fait analogue, Tacite lui-même emploie en Tac., Hist., 3.74.2 sordida pars plebis, formule qui équivaut sans aucun doute possible à plebs sordida de Tac., Hist., 1.4.
Hellegouarc’h, 1963, p. 506‑512 et Cels Saint-Hilaire, 2007, p. 28‑29 pour l’évolution du sens de plebs.
Hellegouarc’h, 1963, p. 517‑518.
Sur cette notion de partes appliquée au corps civique, Moatti, 2018, p. 53‑64.
Cic., Sest., 137 par exemple, mais les occurrences sont nombreuses.
« Cependant, c’est pour moi qu’écrivit le plus éloquent des poètes, c’est en pensant à moi que joua le plus brillant et le plus courageux des acteurs, lorsque, montrant du geste tous les ordres, il accusait le sénat, les chevaliers romains, et le peuple tout entier : “Ainsi, vous consentez qu’en exil il demeure / Vous avez consenti qu’il soit banni d’ici / Et vous souffrez encor qu’il en reste banni ?” »
Sur l’utilisation du syntagme omnes ordines dans ce discours, qui a tendance à « brouill[er] toutes les catégories en un vague unanimisme », voir Martin, 2004.
Fastes de Préneste pour le 5 février. Sur cet épisode et le rôle de la plèbe, Courrier, 2014, p. 717‑718.
Yavetz, 1984, p. 189‑209 et l’introduction de ce dossier.
Pour l’époque républicaine, populus plebsque est généralement lu comme une formule renvoyant aux deux assemblées législatives centrales dans la vie politique que sont les comices centuriates et les conciles de la plèbe, cf. Humm, 2005, p. 423‑424, avec les références aux travaux antérieurs de K. Sandberg et J.-Cl. Richard. Knopf, 2018, p. 31‑33 a récemment abordé le problème dans l’œuvre de Cicéron ; il conclut que la plupart des coordinations entre deux dénominations du « peuple » (populus, mais surtout uulgus, turba, multitudo, faex…) doivent être lues comme désignant deux parties du corps civique ou deux façons bien distinctes de considérer le corps civique, et non comme des hendiadyins. Pour l’époque impériale, et spécifiquement les extraits de Tacite cités plus haut, Heubner, 1963, ad Tac., Hist., 1.35.1 penche pour une distinction d’ordre sociologique. En parlant de « syllepsis », Damon, 2003, ad Tac., Hist., 1.35.1 semble également penser que Tacite coordonne deux termes qui désignent deux réalités différentes ou deux manières différentes de considérer le peuple romain. J. Hellegouarc’h, dans les notes de la CUF, parle d’« antithèse dissymétrique de caractère éthique et littéraire, mais non institutionnelle et juridique », mais propose une autre interprétation pour Tac., Hist., 1.76.3 (plebs comme partie défavorisée du populus).
Ateius Capito est cité par Gell. 10.20.5 ; Gai., Inst., 1.3.
L’assimilation ou la distinction entre conciles plébéiens et comices tributes fait l’objet d’un débat historiographique ancien dans lequel on n’entrera pas ici : voir une synthèse chez Lanfranchi, 2015, p. 297‑299.
Sur cette évolution, résumée à grands traits ici, et les problèmes qu’elle soulève, ibid., 229‑238.
Cic., Att., 4.2 (NEQVE POPVLI IVSSV NEQVE PLEBIS SCITV) ; Cic., Leg. Agr., 2.27 (iniussu populi aut plebis). Également Cic., Leg., 2.31 ; Cic., Balb., 33 et 35 ; Cic., Phil., 12.12.
Cic., Mur., 1 (L. Murenam consulem renuntiaui, ut ea res mihi fidei magistratuique meo, populo plebique Romanae bene atque feliciter eueniret). Formule proche en Cic., V Ver., 5.36. Le rapprochement entre une distinction d’ordre législatif (plébiscites/lois) et une distinction d’ordre électoral (comme dans le texte du Pro Murena) n’est cependant pas évident et pose un problème chronologique, la seconde paraissant antérieure à la première. Sur la question, Richard, 1978, p. 110‑134.
Hellegouarc’h, 1963, p. 516 n. 2 (avec des exemples supplémentaires).
Cass. Dio. 43.47.1 : les magistrats sont élus ὑπό τε τοῦ πλήθους καὶ ὑπὸ τοῦ δήμου, en respectant la tradition (κατὰ τὰ πάτρια). Sur ces formules, voir l’article de M. Bellissime dans le présent dossier.
CIL VI, 943 (= ILS 6045) ; sur l’interprétation de ce document, Virlouvet, 1995, p. 232‑234, repris par Courrier, 2014, p. 15 n. 84, affirmant que deux acteurs différents se sont mobilisés, « les collectivités urbaines des trente-cinq tribus, à titre de corps, et les bénéficiaires du frumentum publicum, à titre individuel ».
Sur ces désignations officielles, voir, outre les références de la note précédente, l’étude importante de Nicolet, 1985. Un texte comme Plin., N.H., 19.53-54 montre bien les équivalences lexicales entre uulgus, plebs et tribus.
S’ajoutent aux cas traités ci-dessous les exemples d’emploi de populus et plebs en cooccurrence large (dans la même phrase ou le même paragraphe, sans lien de coordination), chez Tacite (Tac., Ann., 2.41.3) et ailleurs (Luc. 3.52-58, Stac., Théb., 1.168-170). Catalogue (surtout tacitéen) chez Yavetz, 1984, p. 199‑200. La distinction entre les deux termes est alors expliquée par des motifs stylistiques ou moraux (par exemple pour Tacite, Engel, 1972, p. 135‑139, Sünskes Thompson, 1993, p. 16‑17 ou Kröss, 2017, p. 79).
La collocation uulgus et populus (et formules équivalentes) se trouve trois fois chez Tacite (Tac., Dial., 7.4 ; Tac., Agr., 43.1 ; Tac., Hist., 1.89.1), mais est plutôt rare ailleurs : outre l’exemple de Cicéron cité, cf. toujours chez Cicéron Cic., Mur., 38, auxquels on peut ajouter un fragment de Pomponius apud Non. éd. Lindsay 750, et deux exemples chez Sénèque (Sén., Phèdr., 488 et Sén., Herc. f., 169-170).
Quint., I.O., 9.4.118-120 ; sur la geminatio, Cic., De Or., 3.206.
Pour cette analyse, qui va à l’encontre de certaines des conclusions de F. Knopf citées ci-dessus, voir Autin, 2021 § 217-230. Nous ne placerons cependant pas le uulgus et […] populus de Tac., Hist., 1.89.1 dans cette catégorie.
Sur la carrière de Caelius Rufus, voir Rosillo-López, 2022, p. 87‑91.
C’est pourtant l’opinion de Cavarzere, 1983, ad loc., qui traduit « le classi inferiori in particolare, ma in genere tutto il popolo ». Toutefois, l’opération suppose de rajouter « in genere » et « tutto », tous deux absents du texte latin.
En ce sens, il semble difficile de soutenir, comme le fait Martin, 2004, que populus reprend ordo tandis que plebs développe homo : le equidem montre que Caelius décrit une autre frange de la société, avec laquelle il était plus directement en contact. Nec homo nec ordo quisquam peut se comprendre comme une copia pour renvoyer aux élites sénatoriales et équestres prises individuellement (homo) et collectivement (ordo).
Knopf, 2018, p. 26 aboutit à une conclusion proche pour Cic., De Orat., 3.196 (coordination entre multitudo et populus), si ce n’est que, selon lui, les ordines sont inclus dans le populus dans ce passage.
Nicolet, 1985, p. 801‑813.
En particulier Marc-Antoine Muret et Juste Lipse.
Nicolet, 1985, p. 837‑838.
En ce sens, il ne faut sans doute pas chercher dans l’opposition populus / plebs de Tac., Hist., 1.4.3 une partition exhaustive du groupe très vaste des citoyens n’appartenant pas aux deux ordres supérieurs. Dans le même passage, la mention des primores equitum (membres de l’ordre équestre disposant du cens sénatorial et reconnus par l’administration, selon les commentaires de Hellegouarc’h dans la CUF et de Chilver, 1979) implique que Tacite passe sous silence la réaction du reste de l’ordre équestre, qui avait peut-être accueilli de façon négative la nouvelle de la mort de Néron (hypothèse formulée par Carré, 1999, p. 160). De la même façon, si l’on adopte une lecture sociologique du passage, l’historien omet peut-être la partie de la plèbe qui ne recevait pas le frumentum publicum sans pour autant appartenir à la fraction la plus précarisée du corps civique.
Avec le sens très relatif de pauper dans les sources littéraires, cf. Veyne, 2005, p. 119 et récemment Knopf, 2018, p. 34‑36, qui fournit des références complémentaires.
Courrier, 2014, p. 298‑426. Nous rejoignons donc la conclusion de C. Courrier lui-même, rétif à assimiler la pars populi integra de Tacite à la plebs media (ibid., 902‑903).
Courrier, 2014, p. 302.
Veyne, 2005, p. 119‑120. Sur le sujet du travail manuel libre, voir Brunt, 1980 ; Treggiari, 1980.
Lire par exemple l’analyse que donne Fr. Favory de la composition des bandes de Milon selon Cicéron (Favory, 1976, p. 129‑138).
Cela se voit dans un passage comme Tac., Hist., 2.92.3, dans lequel les affranchis (liberti) sont coupables selon Tacite de témoigner de seruilia ingenia.
Voir par exemple le vocabulaire utilisé par Asconius au sujet des soutiens à la proposition de loi de Manilius (tr. pl. 67 av. J.-C.), qui consistait à permettre aux affranchis de s’inscrire dans la tribu de leur ancien maître : le commentateur de Cicéron semble appeler plebs infima un groupe soutenant les droits des affranchis et des esclaves, plutôt que composé d’affranchis et d’esclaves (Asc. 45C) ; Cassius Dion oppose les partisans du projet de loi, qu’il appelle ὅμιλος, et les opposants, qu’il nomme πλῆθος (Cass. Dio. 36.42.2-3). Discussion détaillée du passage et renvoi à la bibliographie antérieure dans Courrier, 2014, p. 775‑776. Au sujet des partisans populaires d’Antoine, Cicéron parle d’infimus ordo (Cic., Phil., 2.3) : ordo n’a pas un sens technique ici et pourrait désigner la plebs infima, ce qui est intéressant car ce groupe est sensible, selon Cicéron, au fait qu’Antoine ait eu des enfants de Fadia, fille de l’affranchi Q. Fadius. Le passage est commenté par Martin, 2004 ; sur l’union avec Fadia, voir Ferriès, 2007, p. 39‑41.
Le passage se présentant comme une citation des acta Vrbis, on peut même se demander si la notion de plebs ingenua n’appartenait pas à la langue administrative.
Si Cels Saint-Hilaire, 2002 a bien montré qu’il ne faut pas surinterpréter le passage de Suétone qui fait des libertini les fils ingénus des affranchis (Suét., Claud., 24.1), il n’en reste pas moins qu’un auteur comme Pline distingue les affranchis du reste de la plèbe (par ex. Plin., N.H., 7.53 ; comparer Val. Max. 9.14.1 sur la même anecdote) ; par ailleurs, un texte comme Tac., Ann., 16.13.1, qui oppose la plebs ingenua aux seruitia, place sans doute les affranchis dans la seconde catégorie (cf. Veyne, 2005, p. 123 n. 24).
Sur cette « constitution » de Tibère, Nicolet, 1966, p. 140‑142.
Par ex. Tac., Ann., 4.27.2. Sur ce thème, Engel, 1972, p. 139‑144.
Selon C. Virlouvet, être ingenuus était « une condition sine qua non à la jouissance du blé public » (Virlouvet, 2009, p. 56). Cette proposition, qui va à l’encontre d’une thèse traditionnelle remontant à Mommsen, est longuement défendue, pour l’Empire, dans Virlouvet, 1995, p. 221‑241 : l’intégration des affranchis à la plèbe frumentaire fut exceptionnelle à Rome, et se limita à quelques épisodes troublés du ier s. av. J.-C.
Veyne, 2005, p. 155‑158 met la question de l’opinion au cœur de l’opposition entre populus et plebs dans la notice tacitéenne, mais réfute une distinction d’ordre sociologique et accrédite l’idée d’une plèbe sordide à la culture politique « primitive » (idée remise en question par Courrier, 2014, p. 514‑515).
Sur la correspondance entre les deux textes, Courrier, 2014, p. 900.
Également dans un sens analogue une remarque attribuée à Galba par Tacite : Nero a pessimo quoque semper desiderabitur : mihi ac tibi prouidendum est ne etiam a bonis desideretur (« Néron sera toujours regretté des mauvais citoyens ; c’est à toi et à moi de veiller à ce qu’il ne soit pas aussi regretté des honnêtes gens », Tac., Hist., 1.16.3). Le vocabulaire indique à nouveau une fracture sociale sous le vernis moral (pessimi/boni). Le discours de Galba insiste plus généralement sur le rôle de l’opinion dans son accession au principat (nunc me deorum hominumque consensu ad imperium uocatum […], « en fait, l’accord unanime des dieux et des hommes m’ayant appelé à l’Empire […] », Tac., Hist., 1.15.1 ; nos bello et ab aestimantibus adsciti […], « nous, que la guerre et l’estime publique ont appelés au pouvoir […] » Tac., Hist., 1.16.3).
Dans divers travaux (Flaig, 2002 ; Flaig, 2003 ; Flaig, 2010 ; Flaig, 2014), E. Flaig a cherché à remettre en question la thèse de la popularité de Néron auprès de la plèbe romaine, s’opposant à l’idée, notamment défendue par Z. Yavetz (Yavetz, 1984, p. 166‑176, également Roddaz, 2005, p. 117‑118), que le dernier julio-claudien dut à sa leuitas popularis de rester populaire tout au long de son principat et même après sa mort : pour E. Flaig, la popularité de Néron était un mythe largement reconstruit a posteriori, à partir de la guerre civile de 69 en général et du principat de Galba en particulier. Plus récemment, Courrier, 2014, p. 691‑697 a critiqué la lecture d’E. Flaig et a rétabli dans les grandes lignes celle de Z. Yavetz, tout en insistant sur la diversité possible des opinions au sein de la plèbe (dans un sens analogue, mais plus allusivement, Toner, 2013, p. 112‑113). Ce schéma permet de concilier démonstrations favorables et démonstrations hostiles à Néron, que Z. Yavetz et E. Flaig ont tendance à écarter ou à valoriser en fonction de leur modèle interprétatif. On pourra se référer aux études citées pour des commentaires détaillés des passages de Tacite, Suétone et Cassius Dion mentionnés ici.
Toutefois, les témoignages d’hostilité à Néron qui suivirent immédiatement l’assassinat d’Agrippine à Rome ne sont pas rattachés explicitement à la plèbe par Suét., Nér., 39, Suét., Nér., 45 et Cass. Dio. 61.16, cf. Courrier, 2014, p. 890‑891.
On pourrait mentionner le témoignage de Suétone, selon lequel Néron se produisit d’abord in hortis devant les esclaves (seruitia) et la plebs sordida (Suét., Nér., 22.4) : l’épisode pourrait recouper ce que Tacite rapporte.
Sur l’épisode, voir la synthèse de Cosme, 2012, p. 36‑40. Selon Tacite (Tac., Hist., 1.73), c’était le populus Romanus dans son intégralité que menaçaient les pénuries de blé, c’est-à-dire, peut-être, aussi bien la plèbe frumentaire que le reste de la plèbe, qui avait accès à l’annone.
Le rapprochement entre les deux textes remonte à Van Berchem, 1939, p. 76, que nous reprenons ici sans souscrire à une opposition entre citoyens (pars populi integra) et non-citoyens (plebs sordida), mais bien plutôt entre plèbe frumentaire et « plèbe non frumentaire ». Sur cette suspension des frumentationes, habituelle en période de crise, Virlouvet, 1985, p. 116‑117 n. 83. On voit que notre hypothèse s’oppose à la thèse de Flaig, 2019, p. 79‑81 selon lequel la question des frumentationes ne clivait pas politiquement la plèbe car tout plébéien pouvait espérer figurer un jour sur les listes des bénéficiaires. Sur l’intérêt que portait la plèbe infime (plebs infima) à l’annona, lire le témoignage de Plin., Nat., 19.53.
Nous nuancerions ainsi l’idée d’obligation mise en avant par Badel, 2006, p. 73‑74, suivant le commentaire de Heubner. Adnectare chez Tacite peut avoir le simple sens de « relier » (comme un pont relie deux rives d’une rivière, Tac., Hist., 4.77.1) ou d’« ajouter » une précision à un discours (Tac., Ann., 2.26.4, 4.28.2). Le verbe renvoie souvent à l’idée d’adjonction d’un élément à un ensemble avec lequel il contraste et qu’il dépareille (par exemple pour les accusations de maiestate, Tac., Ann., 12.52.1) : c’est évident pour la flotte d’Othon, soutenant depuis la mer les troupes terrestres, « comme rattachée à elles », lors d’un affrontement contre les Vitelliens à proximité de Fréjus (ut adnexa classis, Tac., Hist., 2.14.2), dans une configuration apparemment inouïe et conjoncturelle (cf. Heubner, 1963, ad loc.).
Selon la thèse classique de Veyne, 1976, p. 701, qui s’appuie, sans doute de façon contestable, sur la thèse girardienne du désir triangulaire. Également Yavetz, 1984, p. 158 à propos de la popularité de la politique anti-sénatoriale de Caligula.
Notons cependant que, si la plèbe de Rome est régulièrement l’objet des critiques morales de Tacite, celui-ci s’en prend rarement aux frumentationes spécifiquement : en Tac., Ann., 15.36.4, la res frumentaria est certes présentée comme le principal souci (cura) de la plèbe, mais ce type d’attaque contre la prétendue dépolitisation des plébéiens se retrouve ailleurs, sans lien avec les distributions de blé (Tac., Hist., 1.50.1, Tac., Hist., 1.89.1, magnitudine nimia communium curarum expers populus, etc.).
Tac., Hist., 1.76.3 doit être mis à part, étant donné qu’il s’agit ici de la population de Carthage, mais on note que là encore, la plebs, qui participe à un banquet offert par un affranchi de Néron, et le populus, qui exprima son allégeance à Othon (sur l’interprétation exacte de ces manifestations évoquées de façon allusive par Tacite, voir Heubner, 1963 ; Damon, 2003, ad Tac., Hist., 1.76.3), agissent en phase l’un avec l’autre : le passage semble être considéré comme un miroir de la situation romaine.
Sur la chronologie, on peut s’appuyer sur Benoist, 2001.
Sur la réputation de Galba et la circulation des nouvelles au début de l’année 69, voir Autin, [à paraître], chapitre 2 « La rumeur et la parole officielle. Enjeux politiques du partage de l’information ».
Les motivations économiques à l’œuvre dans les choix partisans de la plèbe urbaine lors de l’année des quatre empereurs sont étudiées par Newbold, 1972.
Sall., Cat., 48.1-2 ; Courrier, 2014, p. 513- 515 ; 780‑781 avec les références aux travaux antérieurs.
« Déjà la plèbe entière remplissait le Palatin, mêlée aux esclaves, et leurs cris discordants demandaient la mort d’Othon et l’exécution des conjurés, comme au cirque ou au théâtre ils auraient réclamé un numéro quelconque ; et ce n’était chez eux ni jugement réfléchi ni conviction, puisqu’ils allaient, le même jour, réclamer le contraire avec une pareille ardeur, mais ils suivaient l’usage reçu de flatter le prince, quel qu’il soit, par des acclamations sans retenue et de vaines manifestations. »
Idée avancée par Veyne, 2005, p. 159‑160 au terme d’une démonstration un peu différente. Il n’y a aucune raison de supposer qu’uniuersa plebs renvoyait pour les auteurs anciens à l’ensemble de la population romaine, y compris les sénateurs, comme le suppose Kröss, 2017, p. 29‑39 : le terme insiste seulement sur l’unité de la plèbe de Rome et, de façon hyperbolique, sur l’intensité de sa mobilisation. Voir l’introduction de ce dossier (section 2) au sujet de ce débat lexicographique.
La phraséologie du passage semble imiter les discours anonymes que l’on trouve dans l’épopée (tis-Reden), tout particulièrement chez Lucain (Luc. 2.68-232) ou Stace (Stac., Théb., 1.168-196). Sur ces rapprochements, Ripoll, 2000.
À divers degrés et en mobilisant des stratégies différentes, cf. Carré, 1999.
Selon Chilver, 1979, ad loc. sur le détail de ces « droits », notamment le droit d’obtenir par héritage une partie du patrimoine d’un affranchi dépourvu d’héritier.
Le glissement de populus (Tac., Hist., 1.4.3) à plebs (Tac., Hist., 2.92.3) est noté par Badel, 2006, p. 81.
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