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Per populi nomen (Cic., Flacc., 96).
Nommer le peuple romain en latin et en grec
(Ier s. av. – Ier s. apr. J.-C.)

Per populi nomen (Cic., Flacc., 96). Nommer le peuple romain en latin et en grec (ier s. av. – ier s. apr. J.-C.).
Introduction

Louis Autin
p. 171-182

Texte intégral

« “To her,” she would say disparagingly of some silly neighbor, “the be-all and end-all is to put on a silver fox and go gallivanting with the hoi polloi.” Not until I got to college and misused the word myself did I learn that what my mother took to mean the elite – perhaps because “hoi polloi” sounded like another of her disdainful expressions for people who put on airs, “the hoity-toity” – actually referred to the masses. »
(Philip Roth, My Life as a Man, 1974)

1. De la valeur politique des dénominations du corps civique

  • 1 Disponible en ligne : https://www.msh-alpes.fr/actualites/populi-nomen-nommer- (...)

1Issu d’un atelier tenu le 13 avril 2021 et présenté dans le cadre de l’axe « Langages et Politiques » de la MSH-Alpes, ce dossier vise à interroger les enjeux littéraires, politiques, philosophiques et rhétoriques des dénominations du corps civique romain en latin et en grec. Par « corps civique », nous entendons l’ensemble des citoyens romains, et tout particulièrement ceux vivant à Rome et qui, dans la période envisagée (cf. infra), ont reçu l’attention la plus marquée des auteurs, anciens comme modernes. Comme « dénominations », nous n’avons pas retenu une sélection préétablie de substantifs ; toutefois, l’établissement d’un corpus de sources en vue de l’atelier1 a permis de faire émerger les termes autour desquels gravitent le plus souvent les passages les plus pertinents : populus, plebs, Quirites, uulgus en latin ; δῆμος, ὅμιλος, ὄχλος, πλῆθος en grec. Liste sans surprise, donc, mais qui méritait d’être réinterrogée sous divers éclairages, car aussi bien le sens précis de chacun de ces termes que leurs relations sémantiques sont parfois délicats à reconstituer.

  • 2 Laclau et Mouffe, 2019 (première édition anglaise 1985).
  • 3 Hellegouarc’h, 1963, p. 518.

2Nommer le peuple, hier comme aujourd’hui, revêt une immédiate valeur politique, dans les deux sens du terme : au sens large, parce que de tels actes de nomination ont bien évidemment trait à la question de la délimitation de la cité et de son extérieur, et parfois aussi des différentes strates du corps civique ; au sens restreint, parce que les signifiants divers dont il sera question ici sont investis de signifiés mouvants selon le locuteur, son destinataire, et le contexte (social, politique, mais aussi générique) de la situation d’énonciation. Pour cette raison, le lexique peut être l’objet de stratégies politiques et refléter les aspirations ou les objectifs d’un individu (acteur ou auteur) comme d’un groupe social. Les théoriciens du populisme contemporain, Chantal Mouffe et Ernesto Laclau en tête, ont montré l’intérêt qu’il y a à employer dans le discours politique des « signifiants flottants », précisément à l’instar de « peuple », derrière lesquels peuvent s’agréger plusieurs revendications hétérogènes (et même, parfois, contradictoires) et auxquels s’arriment des identités politiques transitoires2. Mutatis mutandis, de telles stratégies ne sont pas inconnues des anciens. Comme le notait déjà J. Hellegouarc’h à propos de populus : « Le mot a même revêtu, comme chez nous le mot “peuple”, une sorte de valeur magique : tous les hommes politiques, sauf peut-être les extrémistes de la nobilitas, avaient la prétention de défendre les intérêts du “peuple” et cherchaient à être considérés comme populares. »3

  • 4 Sur l’épisode (en 62 apr. J.-C.), voir Courrier, 2016.
  • 5 Sur le lien topique entre femmes de l’aristocratie romaine et esclaves urbains, voir déj (...)
  • 6 Pour un traitement plus détaillé des enjeux lexicaux du passage, Autin, 2019, p. 107‑115

3L’épisode de la relégation d’Octavie chez Tacite (Tac., Ann., 14.59-62) constitue un exemple clair de ces enjeux politiques liés aux dénominations multiples du peuple4. Lorsque Néron, que Tacite représente sous la coupe de Poppée, décide de se séparer d’Octavie, son épouse légitime, plusieurs manifestations associées par l’historien aux masses urbaines ont lieu à Rome. Le récit laisse entendre trois discours concurrents qui se contredisent dans la dénomination des groupes sociaux à l’origine de cette démonstration de soutien. Le narrateur parle d’abord des « faveurs du peuple » (studia populi, Tac., Ann., 14.59.3), puis des « plaintes de la foule » (questus […] per uulgum, Tac., Ann., 14.60.5) : la cristallisation d’une opinion latente et largement partagée dans la communauté civique (populus) cède ainsi la place à une forme d’action collective plus engagée, rattachée à une foule concrète (uulgus). Ces deux dénominations reviennent dans les propos du narrateur pendant la sédition elle-même (Tac., Ann., 14.61.2). Toutefois, Poppée, s’adressant au prince, dont elle craint qu’il se laisse fléchir par le mouvement populaire, dénie toute représentativité à la foule qui relève les statues d’Octavie : ce ne sont pour elle que « des clients et des esclaves d’Octavie » (clientelae et seruitia Octauiae, Tac., Ann., 14.61.2) – des agents de la fille de Claude et du clan claudien, donc5. L’opposition politique passe, au moins dans le récit de Tacite, par une distinction lexicale, et la stratégie oratoire de Poppée entre en conflit avec la qualification de populus et de uulgus qu’a accordée l’historien aux séditieux. Si Poppée parvient à convaincre Néron, les manifestants se font eux aussi entendre, quoique de manière indirecte, et concourent également à leur propre dénomination : dans les propos mêmes de Poppée, on apprend qu’ils « se sont donné le nom de plèbe » (plebis sibi nomen indiderint, Tac., Ann., 14.61.2). L’expression sibi nomen indere est en elle-même révélatrice, car la tournure réfléchie est un unicum. La tournure usuelle, aliquis alicui nomen indit, implique que celui qui nomme dispose d’une autorité (morale, juridique, scientifique) sur ce sur quoi il « place » (indere) le « nom » (nomen). C’est le geste des ancêtres qui transmettent un nom à leur descendant (Plaut., Stich., 332), de l’auteur démiurge qui nomme ses personnages (Plaut., Trin., 8 ; Varr., Ling., 7.82), du géographe qui désigne un territoire nouveau (Sall., Jug., 78.1, et à chaque page ou presque chez Pomponius Mela), du scientifique qui découvre un phénomène naturel (Colum. 6.27.3, Phèdr. 6.29), du groupe qui insulte ses adversaires (Tac., Hist., 1.51.3). L’acte autonominateur de la foule revendicatrice, qui s’arroge le nom de plèbe, est donc un acte politique en lui-même, par lequel les révoltés se présentent non comme des hommes de paille d’Octavie ni comme un populus général, mais comme la plèbe de Rome, avec sa conscience politique et ses modes d’action propres6.

  • 7 Une réflexion proche est placée dans la bouche de Laelius au livre III du De R (...)

4On arguera avec raison que c’est Tacite et lui seul qui a placé dans son récit cette variété lexicale, car aussi bien la prise de parole informelle de Poppée que les prétentions de la foule à se nommer plèbe ne peuvent avoir laissé des traces dans les sources (au moins archivistiques) de l’historien. Il n’en est pas moins révélateur que l’auteur des Annales ait mis au cœur de son récit, par des jeux de renvois subtils, la question lexicale de la dénomination du peuple. À ce titre, il s’inscrit dans la continuité directe d’un Cicéron qui, à plusieurs reprises dans ses discours, reconnaît ou nie à tel ou tel groupe le statut de « peuple » car, pour citer une expression marquante du Pro Flacco, une « multitude de citoyens ignorants » (ciuium imperitorum multitudo) peut toujours être présentée, ou se présenter, « sous le nom de peuple », nom trompeur (per populi nomen, Cic. Flacc., 96)7. De tels exemples poussent à porter une attention accrue et renouvelée aux stratégies de légitimation que les jeux de dénominations révèlent chez les orateurs, les hommes politiques et les auteurs.

2. Interroger les noms du peuple à Rome : des autorités et des héritages

  • 8 Hellegouarc’h, 1963, p. 506‑534.
  • 9 Ibid., 509. Un texte comme Plin., Nat., 33.29 rend bien compte de cette logique (...)

5Deux autorités s’imposent à qui s’intéresse aux désignations anciennes du peuple romain. La première et la plus ancienne est l’ouvrage de Joseph Hellegouarc’h consacré au Vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, paru en 19638. La partie consacrée aux dénominations du peuple, dans ce travail qui n’aborde pas ou peu la période augustéenne et l’Empire, met en lumière plusieurs phénomènes importants, que l’on peut rappeler ici tour à tour. J. Hellegouarc’h s’intéresse d’abord à la resémantisation du terme plebs au cours de l’histoire romaine : désignant d’abord un ensemble opposé aux patriciens (comme on le voit chez Tite-Live notamment), le mot finit par renvoyer, à la suite du processus d’assimilation des élites plébéiennes aux élites patriciennes, à un groupe de citoyens appréhendé « par la négative » : il s’agit de tous ceux qui n’appartiennent pas à la nobilitas ou, plus largement, aux deux ordres supérieure (équestre et sénatorial), définis en partie par des critères censitaires. Ce changement de sens s’opère en amont de la période considérée dans ce dossier, et se fait progressivement, sans doute à partir du compromis licinio-sextien (milieu du ive s. av. J.-C.) et de la constitution de l’ordre équestre, à la fin du iie s. av. J.-C., ressenti comme l’insertion d’un ordre entre la plèbe et les sénateurs9. Un autre apport capital de J. Hellegouarc’h réside dans l’étude de l’évolution sémantique de populus qui, à la fin de l’époque républicaine, reçut en plus de son sens premier, juridique (l’ensemble des citoyens), une seconde acception plus restreinte, sociale cette fois, qui en faisait un synonyme de plebs. Selon ce savant, les Romains furent tout à fait capables, même lors de la période impériale, de mobiliser les sens traditionnels de plebs et de populus, mais l’usage, notamment politique, avait conduit ces termes à se recouper assez largement. Enfin, J. Hellegouarc’h passe plus rapidement sur les désignations alternatives à populus et plebs comme le lexique de la foule (uulgus, multitudo, turba…), ou le lexique moral (mali, improbi…), qu’il voyait comme des variations souvent connotées par la négative des lexies plus politiques (populus, plebs). Ces thèses, résumées à grands traits, forment un socle qui a largement été accepté, mais qui peut parfois être précisé ou interrogé, comme nous le verrons au fil du présent dossier.

  • 10 Et traduit quinze ans plus tard en français, dans l’édition que nous utilisons (...)
  • 11 Yavetz, 1984, p. 31 (l’idée résume dans le corps du texte l’analyse développée dans (...)
  • 12 Gilbert, 1976, p. 17‑24 ; Virlouvet, 1985, p. 54‑63 ; Courrier, 2014, p. 1-2 ; 489-497 ; (...)

6À ce travail, centré sur l’époque républicaine et qui appréhende les noms du peuple comme un exemple de lexique des relations politiques s’est tôt adjointe une approche de la question lexicale prenant appui sur un arrière-plan plus sociologique, en annexe de l’ouvrage de Zvi Yavetz, Plebs and Princeps, publié à Oxford en 196910. L’analyse de Z. Yavetz consiste à montrer la part importante de l’évaluation morale des auteurs quand ils ont recours à telle ou telle dénomination du corps civique : « L’approche de l’auteur antique est morale (selon sa moralité personnelle, naturellement) et, quand il définit un groupe de gens comme populus ou dèmos et un autre comme plebs sordida, vulgus ou ochlos, il témoigne simplement de sa bienveillance envers les uns et de son aversion envers les autres. »11 Dans cette perspective, les termes comme populus et plebs en latin, δῆμος et πλῆθος en grec, ainsi que les désignations alternatives (uulgus, turba, multitudo, ὅμιλος, ὄχλος…) sont largement synonymes pour les auteurs de la fin de la République et du Haut Empire, et le choix d’une lexie plutôt que d’une autre doit s’analyser au cas par cas, selon le contexte littéraire (éviter une répétition) et le cadre idéologique de l’auteur ou de l’orateur. L’accent se trouve alors mis sur la grande labilité du lexique politique relatif au peuple, selon un modèle presque qualifiable de relativiste. C’est d’ailleurs en ce sens que les conclusions de Z. Yavetz ont été reprises, acceptées et parfois accentuées par les études postérieures. Une preuve évidente de la large réception de cette démonstration proposée par La Plèbe et le Prince se lit dans l’écho que lui réservent d’éminents spécialistes de la plèbe de Rome ou de l’action politique du peuple romain, tels que Rolf Gilbert, Catherine Virlouvet ou plus récemment Cyril Courrier, pour n’en citer que quelques-uns12, qui tous font le constat, à la suite du savant israélien, de l’aporie que constituerait une recherche lexicologique trop systématique (ou, du moins, la quête d’un modèle global) sur la question des noms du peuple romain.

  • 13 Courrier, 2014, p. 297‑321 et l’étude séminale (mais largement rediscutée) de (...)
  • 14 Autin, 2021, développant les résultats d’une étude-pilote précédente (Autin et (...)

7Reconnaître avec Z. Yavetz l’impossibilité d’émettre une théorie générale de l’organisation sémantique des différentes lexies du peuple n’implique pas toutefois une absence complète d’intérêt à se pencher à nouveaux frais sur telle ou telle dénomination, colligation, isotopie dans un texte ou un contexte donnés. Les conclusions de Z. Yavetz ont en un sens déjà connu plusieurs enrichissements significatifs. Cyril Courrier (reprenant et affinant une proposition de Paul Veyne) a par exemple montré ce que le syntagme de plebs media révèle de la structuration interne de la plèbe et de sa partie supérieure, proche culturellement des élites civiques sans pour autant être intégrée aux deux ordres équestre et sénatorial13. Sur certains points, Z. Yavetz s’est peut-être montré trop catégorique, notamment en négligeant l’unité sémantique que tel ou tel terme pouvait revêtir à l’intérieur d’un corpus restreint, chez un auteur par exemple. En ce qui concerne par exemple uulgus chez Tacite, une étude de la combinatoire lexicale de ce terme conduit à remarquer que le substantif n’est pas choisi pour évoquer une version dégradée au plan moral de la plebs ou du populus, mais pour renvoyer à de nouvelles formes de mobilisation collective des segments infra-équestres de la Rome impériale, tout particulièrement en lien avec l’expression d’une opinion ou l’émission de vocalisations diverses dans les nouvelles interfaces de communication politique du Principat (spectacles, rumeurs, etc.)14. Une telle valeur distingue l’emploi de uulgus par Tacite de celle de ses devanciers ou contemporains, mais permet aussi de contraster uulgus avec d’autres items du lexique de la foule, dont le périmètre sémantique est chez Tacite beaucoup plus fluctuant (turba, multitudo). Sur des cas d’étude circonscrits, les conclusions de Z. Yavetz, qui fournissent une cadre interprétatif encore largement valable, méritent donc d’être interrogées, discutées, affinées.

  • 15 Nous pensons à cette formule de Toner, 2009, p. 4 : « Discussions about the exact (...)
  • 16 Kröss, 2017, p. 24‑68 notamment (mais l’idée traverse toute l’étude).
  • 17 Ibid., 63 : « Die Plebs urbana als Gruppierung, die übrig bleibt, wenn man Senatoren und (...)
  • 18 Par exemple Hor., Épît., 1.1.57-59 : est animus tibi, sunt mores, est lingua fidesque, / (...)

8Car il faut bien voir que, hors des travaux déjà cités, qui acceptent l’idée d’une absence de modèle lexicologique définitif, mais démontrent l’intérêt de sondages précis et contextualisés dans les textes, l’héritage de l’ouvrage célèbre de Z. Yavetz a parfois donné lieu à des assertions trop définitives quant à l’inutilité de toute enquête lexicologique des dénominations du peuple, dans des contributions pourtant consacrées à la culture de la plèbe dans la Rome antique15. La logique du modèle relativiste – seulement esquissé par Z. Yavetz – a ainsi pu être poussée à son paroxysme pour aboutir à des conclusions très généralisantes. Dans sa thèse portant sur le rôle politique de la plèbe urbaine au début du Principat, Katja Kröss postule ainsi une labilité quasiment sans limite des dénominations du peuple dans les textes littéraires16. Selon elle, les termes employés par Tacite, Suétone ou Cassius Dion seraient marqués par l’orientation aristocratique du récit historique à tel point qu’ils n’auraient pas de référentiel socio-historique précis, par opposition aux dénominations officielles conservées par la documentation épigraphique. Une telle généralisation du principe d’indifférence des auteurs anciens au lexique du peuple conduit la chercheuse à remettre en question la définition même d’un syntagme comme plebs urbana, habituellement appréhendé comme renvoyant à l’ensemble des citoyens n’appartenant pas à l’ordre équestre ou à l’ordre sénatorial, mais que l’autrice présente comme une « construction moderne »17, avant d’affirmer que les auteurs pouvaient employer ce syntagme pour y inclure aussi bien des non-citoyens que des chevaliers ou des sénateurs. Un tel résultat ne peut être obtenu qu’à condition de négliger des passages très clairs dans lesquels la plebs apparaît bien comme un vaste ensemble, qui n’avait certes rien de monolithique, mais qui demeurait séparé des élites civiques par une frontière en dernier lieu censitaire18.

  • 19 Voir à ce sujet l’introduction de Courrier, 2014, p. 1‑20, en part. n. 37 p. 7-8.
  • 20 Kröss, 2017, p. 37.
  • 21 Ibid. : « Die Abgrenzung einer (Bürger-)Plebs nach unten lag offensichtlich nicht im Int (...)
  • 22 Voir aussi Tac., Hist., 1.4.3 ou Tac., Hist., 1.32.1.
  • 23 Il y a toutefois quelques exceptions, dans des contextes très polémiques, ou alors (...)

9L’autrice s’appuie par ailleurs sur les mentions souvent allusives des groupes infra-équestres dans les récits historiographiques afin de projeter sur les termes utilisés des contours très larges que rien ne permet d’établir de façon positive. L’affirmation selon laquelle la notion de plebs ne renverrait pas seulement à des citoyens pour les historiens romains fournit un bon exemple de cette méthode. Au mépris des témoignages indubitables (épigraphiques et littéraires) qui prouvent que les plébéiens de Rome ont toujours été des citoyens, inscrits dans les tribus19, K. Kröss trouve par exemple dans le récit tacitéen des affrontements entre Vitelliens et Flaviens à Rome en novembre-décembre 69 une confirmation de sa théorie20 : puisque Tacite a précisé lors du dilectus de Vitellius en novembre qu’à côté du populus (aussi appelé uulgus), l’empereur avait reçu le soutien des affranchis (Tac., Hist., 3.58.2), et qu’en décembre, il est successivement fait mention de l’armement de la plèbe (plebs) et des esclaves (seruitia, Tac., Hist., 3.79.1), puis de l’action du uolgus urbanum (Tac., Hist., 3.80.1), il faudrait en conclure que le dernier syntagme, tout comme celui de plebs urbana, regroupe aussi bien des citoyens que des non-citoyens21. Une telle conclusion néglige cependant à la fois la lettre du texte tacitéen et les autres témoignages littéraires. En effet, lors du dilectus de novembre, seuls les citoyens purent participer, puisqu’il s’effectua en convoquant les tribus : les affranchis impériaux demandèrent à aider (rien ne dit qu’ils ne le purent), sans doute en apportant une contribution financière ; des esclaves furent réclamés aux sénateurs et aux chevaliers, peut-être dans l’intention de les armer (dans ce cas dans une procédure qui ne se confondait pas avec le dilectus), mais la fin du chapitre Tac., Hist., 3.58.4 indique bien que ce mouvement ne fut pas conduit jusqu’au bout. Le fait que la plebs et les seruitia s’arment, rapporté en Tac., Hist., 3.79.1, est une annonce que l’on fait au général flavien Antonius Primus, mais qui n’est pas prise en charge par Tacite lui-même : il peut s’agir d’un écho déformé, parvenant à l’état-major flavien avec un peu de latence, des mesures ordonnées par Vitellius en novembre, et jamais mises en œuvre. Le uulgus urbanum qui court défendre la ville contre les légions flaviennes en Tac., Hist., 3.80.1 est plus loin appelé populus (Tac., Hist., 3.82.1 et Tac., Hist., 3.83.1) et plebs (Tac., Hist., 3.82.2) : l’interprétation la plus économe consiste donc à y voir les seuls citoyens qui s’étaient engagés pour Vitellius (ou plus largement pour défendre leur ville), mais dont l’inaccoutumance au service, à une époque où la plèbe romaine ne fournit presque plus de soldats aux légions, en faisait un imbellis populus (Tac., Hist., 3.82.1). Précisément, la distinction très ferme que maintient Tacite entre plebs et serui(tia), dans cet épisode comme ailleurs22 indique bien que, si les intérêts des deux groupes se recoupaient parfois, ils n’en demeuraient pas moins distingués par leur statut, au plan juridique. Tacite n’est pas isolé sur ce point : comme l’établit clairement Juvénal (Juv. 8.44-52), l’ima plebs (le « fond de la plèbe ») reste une plebs togata – non que tous ces plébéiens portaient la toge, puisque la plupart semblent avoir troqué l’encombrant vêtement du citoyen contre la tunique, mais que tous bénéficiaient de la citoyenneté romaine, malgré leur humilité23.

  • 24 C’est d’ailleurs ce que reproche U. Lambrecht à K. Kröss dans sa recension (La (...)
  • 25 Sans prétention d’exhaustivité, on pourra consulter les travaux de Newbold, 1976 (uulgus(...)
  • 26 Pensons par exemple à l’étude de Martin, 2004 sur le syntagme ordo plebeius.
  • 27 Respectivement Cogitore, 2011 ; Akar, 2013 ; Moatti, 2018 ; David et Hurlet, 2 (...)
  • 28 Sur cette méthodologie, voir Moatti, 2018. Sur la notion du politique (disting (...)

10Nous avons développé cet exemple parce qu’il témoigne selon nous d’une certaine tendance à faire dire à Z. Yavetz davantage que ce qu’il n’a réellement écrit et à induire une séparation parfaitement hermétique (et artificielle) entre les témoignages littéraires et les faits historiques (lesquels se donneraient à lire dans l’épigraphie comme des données brutes)24. Contre l’idée selon laquelle l’étude du lexique relatif aux groupes populaires et à leur monde serait inutile ou pourrait s’affranchir de toute référentialité politique, il faut plutôt chercher à comprendre ce qui, dans chaque contexte, corpus, occurrence, justifie l’emploi d’un terme plutôt que d’un autre. C’est d’ailleurs l’idée défendue par une série de travaux portant sur les contours spécifiques de ce lexique chez certains auteurs (Sénèque, Suétone, Tacite, etc.)25 ou sur une notion en particulier à travers la littérature latine26. En suivant cette voie et en substituant à une théorie générale des études de cas fortement contextualisées, les réflexions présentées ici visent à enrichir une tradition de lexicologie politique qui, en dialogue constant avec l’histoire des idées, a pris la forme ces dernières années d’analyses stimulantes sur plusieurs notions centrales dans la vie politique romaine (libertas, concordia, res publica, auctoritas27). Ce dossier veut ainsi contribuer à son échelle à cette histoire sémantique du politique à Rome appelée de ses vœux récemment par Cl. Moatti28.

3. Enjeux thématiques

  • 29 Réévaluation de cette notion dans le récent dossier « La crise, quelle(s) cris (...)

11Une telle enquête sera conduite sur une période qui s’étend du début du ier s. av. J.-C. à la fin du ier s. apr. J.-C. Dans ce cadre chronologique qui voit la lente transformation de la cité romaine en un régime de plus en plus monarchique, la succession de ce que l’on désigne habituellement comme des « crises »29 investit tout geste dénominateur du corps civique d’une conflictualité, latente ou exprimée, bien visible dans nos sources. L’intensité des rapports politiques permet ainsi d’observer la question des noms du peuple par plusieurs angles d’attaque. L’installation de l’Empire et la définition progressive d’une idéologie propre au nouveau régime impliquaient également une attention accrue portée par les différents acteurs politiques à la problématique de la dénomination de ceux qui participaient aux nouvelles formes de la vie publique. Là encore, un épisode de crise intense comme l’année des quatre empereurs offre un point d’observation précieux sur le rôle politique des noms, donnés ou refusés, au peuple. La fin de l’époque républicaine permet d’appréhender ces problématiques lexicales à partir d’une période où le sens des lexies comme populus et plebs s’est redéfini et en quelque sorte réadapté à une société dans laquelle l’opposition entre patriciens et plébéiens ne revêtait plus le rôle structurant qu’elle avait depuis la fondation du régime républicain. Notre périodisation explique donc l’absence presque totale d’un auteur comme Tite-Live de notre réflexion, trop axé sur la dichotomie patricio-plébéienne pour être mis en série avec les auteurs tardo-républicains et impériaux. En contrepartie, Cassius Dion, qui observe depuis la période sévérienne les relations politiques de la République déclinante, a toute sa place dans les réflexions proposées ici.

12À partir de là, trois grands axes ont structuré la réflexion. Plutôt qu’une présentation par le menu du contenu de chaque article du dossier, nous souhaitons montrer brièvement comment ces grands thèmes et méthodologies ont pu être tour à tour mobilisés dans nos réflexions.

3.1. Référentialité(s)

13La première problématique structurante de ce dossier porte sur les réalités souvent mouvantes désignées par les lexies relatives au peuple. Peut-on considérer qu’à un signifiant unique (populus, plebs, δῆμος, πλῆθος…) est associé un signifié stable ? La plupart des études citées ci-dessus, Z. Yavetz en tête, tendent à répondre par la négative. Toutefois, l’étude des variations de contenu sémantique de tel ou tel terme chez un auteur, ou au contraire la confrontation d’un emploi spécifique fait par un auteur par rapport à un autre ou vis-à-vis de la documentation non littéraire permet de mettre à jour de façon précise les enjeux politiques, philosophiques, idéologiques ou esthétiques qui sous-tendent la composition des œuvres étudiées. Fabien Pepino démontre ainsi, à partir d’une occurrence problématique du terme uulgus dans le De Vita beata, que Sénèque a investi ce terme d’un contenu sémantique nouveau, traduisant la catégorie stoïcienne des φαῦλοι/stulti (les « insensés », soit tous les hommes sauf les sages). L’habituelle connotation sociale de uulgus, qui renvoyait en latin aux classes inférieures et turbulentes de la société, s’efface donc face à l’enjeu philosophique du traité au point d’inclure, par un évident processus de resémantisation, les strates fortunées, mais dépourvues de sagesse, de l’Vrbs. L’évolution des contours sémantiques de populus et plebs sous l’Empire est au cœur de l’article de Louis Autin, qui interroge ce que l’adjonction de qualificatifs à ces termes (populus integer, plebs sordida, plebs ima, etc.) dit de la stratification du corps civique romain, et montre comment le très général populus peut parfois, chez Pline le Jeune, Tacite et déjà Cicéron, ne désigner qu’une partie restreinte de la plèbe urbaine de Rome. Ici encore, c’est un passage fort débattu, situé dans l’ouverture des Histoires, qui sert de point d’entrée à l’étude sémantique des catégories politiques.

3.2. Synonymie et uariatio

14En déplaçant le regard depuis l’analyse sémantique des termes pris individuellement vers la relation entre les substantifs eux-mêmes – en passant donc de l’axe syntagmatique à l’axe paradigmatique –, les contributions interrogent aussi les relations de synonymie ou au contraire d’antonymie à l’œuvre dans certains corpus littéraires. Cette interrogation générale ouvre un faisceau de questionnements plus précis, dont deux sont particulièrement saillants dans ce dossier. D’une part, peut-on, contre l’avis de Z. Yavetz, définir un modèle permettant d’expliquer pourquoi un auteur choisit tel ou tel terme plutôt qu’un autre dans un contexte (littéraire, historique) donné ? À l’échelle d’un auteur ou d’une œuvre, une analyse exhaustive permet parfois de dessiner des tendances solides. Étudier les livres 36 à 51 de l’Histoire romaine de Cassius Dion (67-29 av. J.-C.) permet par exemple à Marion Bellissime de montrer que les termes se positionnent les uns par rapport aux autres, fonctionnant par binôme (δῆμος/πλῆθος) ou formant des gradations selon la conflictualité des faits politiques narrés (πλῆθος/ὅμιλος/ὄχλος). Le modèle dégagé paraît ainsi cohérent, mais aussi souple, puisque la recherche d’un effet, l’insertion d’un discours ou le refus d’une répétition n’interdisent pas la variation à l’historien bithynien. Les nombreuses colligations entre noms du peuple (coordination ou juxtaposition de deux termes a priori synonymes) offrent un autre terrain d’étude intéressant pour interroger les relations de synonymie et les jeux de uariatio. Dans son article, Louis Autin interroge à partir du corpus tacitéen les coordinations entre populus et plebs (populus et plebs, populus plebsque, populus ac plebs). Si les deux substantifs étaient devenus synonymes à la fin de l’époque républicaine, faut-il comprendre cette expression comme une forme de copia dicendi ou un simple jeu stylistique ? L’étude du premier livre des Histoires montre au contraire que la diversité lexicale pouvait permettre de discriminer différents segments du corps civique, clivés, en l’occurrence, autour de la question de l’héritage néronien.

3.3. Transfert et réception

  • 30 Pour un exemple récent de cette méthodologie appliquée au corpus de la cor (...)

15Enfin, les auteurs et autrices ont été sensibles à l’évolution des emplois de ces termes entre différentes aires chrono-culturelles, et une attention toute particulière a notamment été portée aux questions de transfert et de réception du lexique politique. Transfert d’abord, au prisme de la question plusieurs fois posée de la correspondance entre lexique grec et lexique latin du peuple. Plutôt que d’approcher ce thème par l’angle d’attaque du bilinguisme ou du code-switching30, il a semblé plus utile en l’espèce de considérer les historiens grecs de Rome, et ici surtout Cassius Dion, comme les citoyens romains et les acteurs politiques de premier plan du régime qu’ils étaient. Familier des institutions romaines, Dion ne doit pas être traité comme un étranger qui traduit péniblement dans sa langue les réalités politiques d’une cité étrangère devenu puissance conquérante : loin d’être inféodé à une grille de traduction, il peut, comme les auteurs de langue latine, faire preuve de uariatio et mobiliser tel terme ou investir tel autre d’un contenu sémantique neuf selon le contexte politique ou les nécessités de la narration. Toutefois, l’écart ou la proximité avec le matériel lexical latin fournit précisément une clé de compréhension intéressante pour mesurer et expliquer certains choix particuliers. La contribution de Marion Bellissime montre toute la richesse de cette approche centrée sur la créativité rhétorique et sur les affinités politiques d’un historien romain, mais hellénophone.

  • 31 Sur ce thème, on pourra se référer au cas célèbre de la fortune de la res publica à l’ (...)
  • 32 Sur les éditions et les commentaires à Tacite, voir par exemple tout derni (...)

16La question du vocabulaire ancien du peuple ne pouvait enfin être totalement envisagée sans réfléchir aux modes de transmission et de réappropriation de ce lexique dans les périodes postérieures. Sans ouvrir le riche dossier des lectures et usages du lexique politique antique après l’Antiquité31, il faut déjà rappeler à quel point une étude minutieuse de la tradition manuscrite s’avère parfois capitale pour comprendre l’emploi d’une occurrence difficile ou douteuse. C’est le sens de l’enquête que mène Fabien Pepino dans la première partie de son article, dans laquelle l’étude de la transmission des manuscrits sénéquiens forme le socle indispensable à la compréhension d’un uulgus défini par Sénèque comme composé de chlamydati et de coronati. Le rôle des commentateurs, en particulier pendant la Renaissance, époque où naissent les premières éditions critiques32, était à ce titre particulièrement intéressant à scruter. En évoquant par le menu la fortune de la formule difficile de Sénèque uulgus autem tam chlamydatos quam coronatos uoco (« j’appelle “foule” aussi bien les gens vêtus de la chlamyde que ceux portant la couronne »), Fabien Pepino montre que, de Juste Lipse aux autorités plus récentes, les émendations proposées (ou non proposées) témoignent de ce que les commentateurs ont voulu faire dire (ou ne pas dire) à Sénèque. Dans une optique analogue, la contribution d’Isabelle Cogitore met au centre des débats un exemple lumineux de réception politique du vocabulaire du peuple. En étudiant la nature des commentaires des principaux spécialistes de Tacite au xvie siècle, et du premier d’entre eux, Juste Lipse, l’autrice montre que, même anodins en apparence, ces commentaires ne sont jamais neutres, même et peut-être surtout quand ils épousent la pensée tacitéenne. L’intérêt majeur porté à l’émendation textuelle fournit le cadre de référence dans lequel de subtils jeux de citation, d’intertextualité et de décalage révèlent, par bribes, le positionnement politique des humanistes et leur rapport à l’auctoritas tacitéenne.

17Ce dossier doit beaucoup au cadre scientifique fourni par la MSH-Alpes et son axe « Langages & Politiques ». Qu’il nous soit permis, pour conclure, de remercier les collègues qui ont rendu possible l’atelier dont est issu ce dossier, et tout particulièrement Clément Chillet, Isabelle Cogitore et Marie-Claire Ferriès. Merci également aux collègues qui sont intervenus lors de l’atelier (notamment à Cyril Courrier) ainsi qu’à Pascal Montlahuc pour la relecture de cette introduction.

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Bibliographie

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Notes

1 Disponible en ligne : https://www.msh-alpes.fr/actualites/populi-nomen-nommer-peuple-romain-en-latin-et-en-grec ; corpus établi par Louis Autin, Marion Bellissime et Pedro Duarte.

2 Laclau et Mouffe, 2019 (première édition anglaise 1985).

3 Hellegouarc’h, 1963, p. 518.

4 Sur l’épisode (en 62 apr. J.-C.), voir Courrier, 2016.

5 Sur le lien topique entre femmes de l’aristocratie romaine et esclaves urbains, voir déjà Sall., Cat., 24.3-4.

6 Pour un traitement plus détaillé des enjeux lexicaux du passage, Autin, 2019, p. 107‑115.

7 Une réflexion proche est placée dans la bouche de Laelius au livre III du De Re publica : est tam tyrannus iste conuentus, quam si esset unus, hoc etiam taetrior quia nihil ista, quae populi speciem et nomen imitatur, immanius belua est (« cette réunion d’individus, dont tu parles, est aussi tyrannique que s’il n’y avait qu’un seul individu ; elle est d’autant plus monstrueuse que rien n’est plus malfaisant que cette bête féroce, qui prend l’apparence et le nom de peuple », Cic., Rép., 3.45, trad. E. Bréguet, CUF).

8 Hellegouarc’h, 1963, p. 506‑534.

9 Ibid., 509. Un texte comme Plin., Nat., 33.29 rend bien compte de cette logique d’« extraction » de l’ordre équestre hors de la plèbe.

10 Et traduit quinze ans plus tard en français, dans l’édition que nous utilisons ici (Yavetz, 1984). L’annexe lexicologique (« Appendice. Difficultés sémantiques », ibid., 189‑209) avait été publiée quelques années avant la parution originale de l’ouvrage, sous la forme d’un article (Yavetz, 1965).

11 Yavetz, 1984, p. 31 (l’idée résume dans le corps du texte l’analyse développée dans l’appendice).

12 Gilbert, 1976, p. 17‑24 ; Virlouvet, 1985, p. 54‑63 ; Courrier, 2014, p. 1-2 ; 489-497 ; 683 et n. 303. Également la thèse récente de Knopf, 2018, p. 28‑30 et 52‑53 tout particulièrement, pour le vocabulaire cicéronien.

13 Courrier, 2014, p. 297‑321 et l’étude séminale (mais largement rediscutée) de Veyne, 2000.

14 Autin, 2021, développant les résultats d’une étude-pilote précédente (Autin et al., 2016).

15 Nous pensons à cette formule de Toner, 2009, p. 4 : « Discussions about the exact meanings of Latin terms such as populus, plebs, turba, multitudo or vulgus are in danger of missing the point. It is hardly surprising that the elite failed to express themselves more clearly when talking about the non-elite because, to put it crudely, they didn’t give a damn about them. »

16 Kröss, 2017, p. 24‑68 notamment (mais l’idée traverse toute l’étude).

17 Ibid., 63 : « Die Plebs urbana als Gruppierung, die übrig bleibt, wenn man Senatoren und Ritter an dem einen und Sklaven und Peregrine an dem anderen Ende der Hierarchieskala abzieht, ist, wie sich gezeigt hat, eine moderne Konstruktion. »

18 Par exemple Hor., Épît., 1.1.57-59 : est animus tibi, sunt mores, est lingua fidesque, / sed quadringentis sex septem milia desunt : / plebs eris (« tu as de l’intelligence, des mœurs, de l’éloquence, de la probité ; mais il te manque six ou sept mille sesterces sur les quatre cent mille : tu seras plèbe », trad. Fr. Villeneuve, CUF), ou encore Mart. 5.27. Le terme employé est plebs et non plebs urbana, mais ce qui est valable pour l’une l’est nécessairement pour l’autre.

19 Voir à ce sujet l’introduction de Courrier, 2014, p. 1‑20, en part. n. 37 p. 7-8.

20 Kröss, 2017, p. 37.

21 Ibid. : « Die Abgrenzung einer (Bürger-)Plebs nach unten lag offensichtlich nicht im Interesse des Autors. »

22 Voir aussi Tac., Hist., 1.4.3 ou Tac., Hist., 1.32.1.

23 Il y a toutefois quelques exceptions, dans des contextes très polémiques, ou alors par jeu littéraire, par exemple lorsqu’Ovide présente les esclaves de l’amante comme une plèbe que l’amant doit s’efforcer, à l’image d’un candidat au consulat, s’efforcer de gagner à son parti (Ov., Ars, 2.253-260). Le caractère métaphorique du passage est cependant évident.

24 C’est d’ailleurs ce que reproche U. Lambrecht à K. Kröss dans sa recension (Lambrecht, 2017, p. 585‑586 : « Zu diesem Zweck jedoch die Ebenen der Historizität und der Literarizität im Aufbau der Studie voneinander abzusondern, zugleich aber auf der Grundlage als literarisch eingestufter Diskurse zu historisch belastbaren Aussagen gelangen zu wollen, erscheint methodisch aber nicht in jeder Hinsicht wohlüberlegt »), soulignant qu’une telle démarche devrait mobiliser de façon plus rigoureuse les outils issus du linguistic turn, absents de l’étude, pour parvenir à ses fins. Pour une critique similaire, voir Courrier et Tran, 2021, p. 70 n. 2.

25 Sans prétention d’exhaustivité, on pourra consulter les travaux de Newbold, 1976 (uulgus chez Tacite), Mouchová, 1991 (populus, plebs et uulgus chez Suétone) ou encore Arena, 2007 (turba chez Sénèque, Tacite et Suétone).

26 Pensons par exemple à l’étude de Martin, 2004 sur le syntagme ordo plebeius.

27 Respectivement Cogitore, 2011 ; Akar, 2013 ; Moatti, 2018 ; David et Hurlet, 2020.

28 Sur cette méthodologie, voir Moatti, 2018. Sur la notion du politique (distinguée de la politique), se référer surtout à Montlahuc, 2020.

29 Réévaluation de cette notion dans le récent dossier « La crise, quelle(s) crise(s) ? » paru aux Cahiers du Centre Gustave-Glotz ; voir notamment l’introduction de B. Augier (Augier, 2020) et la conclusion prospective de Fr. Hurlet et P. Montlahuc (Hurlet et Montlahuc, 2020).

30 Pour un exemple récent de cette méthodologie appliquée au corpus de la correspondance cicéronienne, Aubert-Baillot, 2021.

31 Sur ce thème, on pourra se référer au cas célèbre de la fortune de la res publica à l’âge moderne (Hankins, 2010 et l’introduction de Moatti, 2018, p. 11‑13). Signalons aussi la publication prochaine dans la revue Mots d’un dossier consacré au lexique du vote romain et à sa réception (n° 132, juillet 2023, coord. L. Autin, V. Bonnet, V. Hollard, R. Meltz).

32 Sur les éditions et les commentaires à Tacite, voir par exemple tout dernièrement Claire, 2022.

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Pour citer cet article

Référence papier

Louis Autin, « Per populi nomen (Cic., Flacc., 96). Nommer le peuple romain en latin et en grec (ier s. av. – ier s. apr. J.-C.).
Introduction »
Pallas, 121 | 2023, 171-182.

Référence électronique

Louis Autin, « Per populi nomen (Cic., Flacc., 96). Nommer le peuple romain en latin et en grec (ier s. av. – ier s. apr. J.-C.).
Introduction »
Pallas [En ligne], 121 | 2023, mis en ligne le 07 mars 2024, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/26636 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.26636

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Auteur

Louis Autin

Maître de conférences en langue et littérature latines
Sorbonne Université
UR 4081 Rome et ses Renaissances

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